CONCLUSION
Notre étude a porté sur l'intégration de
l'intelligence économique dans les pratiques managériales des
entreprises congolaises. Les objectifs spécifiques formulés
à ce sujet étaient :
1°. Mettre en exergue l'intelligence économique dans
les entreprises congolaises ;
2°. Faire un diagnostic des situations, des faits et des
besoins informationnels pour analyser et situer le rôle de l'information
stratégique dans leurs processus décisionnels ;
3°. Sensibiliser le monde congolais des affaires à
l'appropriation de cette démarche d'intelligence collective dans tous
ses aspects stratégiques, tactiques et opérationnels ;
4°. Fournir aux entreprises locales un cadre logique de
référence, un habitat de l'IE prenant en compte le contexte
environnemental et les réalités socioculturelles.
Cependant, la problématique de notre recherche reposait
sur les deux hypothèses ci-après :
1. Telles qu'elles fonctionnent, se structurent et
s'organisent présentement, les entreprises congolaises ne parviennent
pas encore à s'adapter à la dynamique changeante de leur
environnement...
2. Plus les dirigeants de toutes ces entreprises n'ont pas
une connaissance parfaite du concept d'IE et ne maîtrisent pas ses enjeux
et son importance pour redynamiser leurs entreprises.
Notre cadre de recherche est d'orientation qualitative et de
postulat épistémologique interprétatif. Il est
constitué de quatre cas d'entreprises basées à Kinshasa et
prises occasionnellement. En vue d'atteindre les objectifs et vérifier
nos hypothèses, nous avons recouru à la méthode MEDESSIIE
opérationnalisée par les techniques documentaires, d'observation
et d'entrevue.
Ainsi, notre présente recherche débouche sur des
résultats un peu mitigés : + De manière
générale, les quatre entreprises impliquées dans cette
recherche ne sont pas encore assez outillées en matière de
renseignement économique quoiqu'elles soient toutes au coeur
de la guerre économique mondiale, où les
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
entreprises devraient normalement constituer le premier champ
d'application de l'IE et un maillage offensif pour l'économie nationale
;
+ Certains dirigeants connaissent déjà l'IE et
tentent d'étudier l'opportunité et la faisabilité d'un tel
dispositif managérial dans leurs entreprises respectives, à
l'instar des entreprises A et B, tandis que les deux autres, tout comme la
plupart d'entreprises congolaises, n'ont pas encore saisi la portée
stratégique de cette démarche . Cela s'explique par le fait que
le contexte local dans lequel elles évoluent ainsi que leur comportement
organisationnel, leurs ressources et compétences ne savent pas encore
suivre le rythme de développement effréné des NTIC et
leurs besoins en terme d'information stratégique.
+ Nous trouvons aussi que les entreprises A et B se
démarquent un peu de la tendance générale par leurs
réflexions et visions stratégiques, et sont les plus propices
à un haut degré d'intégration de l'IE vu leurs
capacités de résolution des problèmes, leurs dispositifs
marketing, leur esprit de créativité et d'imagination, leur
hargne de vaincre et de conquérir, leur capacité de
compréhension de problème. Les deux autres entreprises ont
toutefois saisi le bien fondé de notre recherche.
Ainsi donc, dans ce travail, nous avons répondu
à notre question de recherche. En plus de la vérification de nos
hypothèses et de la cohérence de notre modèle conceptuel,
les résultats empiriques soulignent que l'application de l'IE à
une entreprise congolaise est justifiée. Nous ne prétendons pas
définir complètement le concept d'IE dans le milieu congolais des
entreprises, c'est un concept en évolution qui finalement fait
émerger plusieurs éléments :
· L'intelligence ne s'applique pas seulement à un
individu mais également à une organisation et un collectif
(groupe). La revue de la littérature abordée
précédemment a permis d'apporter un éclairage suffisant
sur ce point ;
· Dans le collectif, l'intelligence s'inscrit dans un
paradigme de complexité avec pour corollaires : la
créativité, la collaboration et l'interaction entre les hommes
;
· Mais dans l'organisation, l'intelligence est
sensée inverser toutes les fonctions et activités de
l'entreprise, la mettre en état de veille permanente, à
l'écoute prospective de l'environnement pour y déceler ou capter
tous signaux faibles qui s'y produisent.
Outre le volet intelligence, notre étude a aussi
révélé que les pratiques managériales
diffèrent selon les institutions, selon le contexte dans lequel
celles-ci
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
évoluent, selon leur choix stratégiques qui
sont plus ou moins ouverts et conditionnés par des marges de manoeuvre
elles-mêmes variables. Il s'avère qu'on ne gère pas de la
même façon une chaîne des supermarchés, une ONG, une
université, un hôpital, un institut financier, un
pétrolier, un agroalimentaire, une brassicole... cette diversité
se traduit par des options elles-mêmes très variées dans
l'organisation et le management des institutions concernées.
Sur ce, notre étude des cas a établi un chemin
pour intégrer l'IE dans les pratiques de management des entreprises
congolaises quelque soit leur taille. Elle a aussi pu établir la
création de la valeur ajoutée avec l'IE dans le cadre d'un
management proactif.
L'analyse des données du terrain a permis de mettre en
évidence les évolutions contractées de l'intelligence dans
ces quelques entreprises sous étude. L'étude a pu
démontrer que les vecteurs de l'enrichissement du tissu industriel local
sont le traitement intelligent de l'information conjuguée avec la
volonté politique de mise en valeur des pratiques innovantes. C'est
déjà un préalable majeur à toute pratique de
l'IE.
C'est ainsi qu'à l'heure où chacun s'accorde
à reconnaître le rôle majeur que peut jouer toutes les
entreprises locales, notamment les PME dans la création des emplois et
des richesses, ainsi que la recherche des voies et moyens pour amortir ou
juguler l'actuelle crise économique et financière, il
était important de montrer comment toutes ces forces économiques
de notre pays peuvent s'organiser pour faire de l'information un instrument de
développement économique et de défense des
intérêts vitaux, d'une part et de l'autre, rappeler aux
entrepreneurs et managers congolais que ce n'était plus le temps de
s'obstiner à conduire les entreprises selon les lois mortes. La
réussite d'une telle démarche doit passer par
l'appréhension de la question de surveillance environnementale.
Dans ce contexte, l'entreprise congolaise doit
considérer l'information
comme :
- Un capital qui a une valeur économique évaluable
et valorisable ;
- Une nouvelle ressource stratégique visant
l'amélioration de l'image et la productivité ;
- Un facteur de stabilité dans un environnement
concurrentiel instable et dynamique pouvant apporter à l'entreprise un
avantage concurrentiel décisif.
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
La création, la gestion et le partage d'informations,
s'inscrit désormais comme valeurs stratégiques dans la
réalité de l'entreprise et ne doivent plus être
réduits à une diversification voire une simple mise en place des
TIC, mais de faire l'objet d'un programme, à long ou moyen terme, d'un
changement de vision culturelle qui part d'une volonté, qui passe par
une bonne lecture des faits et une analyse de la nature même du savoir et
du savoir-faire, et qui aboutit à la mise en oeuvre d'outils
(méthodologiques, informatiques ou organisationnels) adaptés dont
la complexité est inhérente.
Pour ce faire, seule une vision globale pourra amener les
dirigeants à gérer l'information stratégique par une
définition d'objectifs (de type managérial ou stratégique)
articulé autour de 3 points clés :
· Capitaliser : savoir d'où l'on vient, où
l'on est, pour mieux savoir où l'on va ;
· Partager : passer de l'intelligence individuelle à
l'intelligence collective puis à l'intelligence économique ;
· Créer : innover pour survivre et se maintenir.
En pratiquant l'IE, l'entreprise se donne les moyens
d'appréhender son environnement : les stratégies de ses
concurrents, les tendances des marchés à venir, les dynamiques
territoriales, les pratiques locales et internationales... Au-delà des
décisions stratégiques, elle concerne l'ensemble d'acteurs de
l'entreprise à qui elle permet d'identifier et de minimiser les risques
commerciaux, financiers, juridiques, industriels, altération de l'image,
attaques au niveau de fournisseurs, fuite des cerveaux, fausses informations,
rumeurs, offres d'emploi fictives, tentatives d'intrusions dans le
système d'information... or, les entreprises congolaises, et les quatre
sous étude en particulier, sont toutes confrontées au quotidien
à ces risques réels. Il en va aussi de la sécurité
économique car tout ce qui fait la recherche et la valeur d'une
organisation doit rester inconnue pour ses concurrents avérés
potentiels.
En somme, l'entreprise congolaise a tout intérêt
à réaliser une recherche approfondie sur les approches
existantes, et notamment pratiquées par ses concurrents. Veiller est,
à nos jours, devenu un métier et une obligation
managériale et l'intelligence économique, elle, une posture
générale de l'entreprise et une condition humaine et
organisationnelle pour survivre et se développer. Il ne s'agit pas de
métamorphoser complètement les entreprises en organisations de
renseignement mais il existe toutefois un seuil minimal de veille en dessous
duquel l'entreprise menace sa compétitivité. La démarche
d'IE que nous préconisons pour les entreprises locales reconnaît
d'emblée que le pilotage stratégique des entreprises passe par
une approche interdisciplinaire où les regards croisés sur
l'information utile à la prise de décision
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
ouvrent une brèche dans le décloisonnement
disciplinaire qui semble propice au développement de l'IE et du
management stratégique qui soient véritablement adaptés
aux réalités des entreprises et à leurs besoins
informationnels.
L'apport de l'IE au management stratégique
réside donc, d'abord, dans la prise en compte de la valeur d'usage
d'information participant à l'élaboration des connaissances.
L'entreprise engage ainsi une relation nouvelle avec son environnement.
Celui-ci intervient en tant que composante active de la stratégie et non
comme un facteur externe. La performance de la firme réside alors dans
sa capacité non pas à s'adapter aux transformations de son
environnement, mais à considérer ces changements comme variable
dynamique de sa propre évolution. Ensuite, l'intégration d'une
démarche d'IE au sein du management telle que nous la
préconisons, accorde toute son importance à la nécessaire
coordination des activités tant internes qu'externes des entreprises
congolaises. La qualité de cette coordination constitue aujourd'hui l'un
des principaux déterminants de la compétitivité,
dès lors que l'entreprise n'est plus pensée comme une simple
fonction de production isolée de son contexte, mais comme lieu de
création collective des richesses, émergeant, pour une large
part, de l'apprentissage réalisé dans le cours de
l'activité économique. Raison pour laquelle nous la
considérons l'IE comme la plus grande affaire du 21e siècle.
Toutefois, la démarche ne peut aboutir dans l'essentiel
de sa mise en oeuvre sans l'implication de la haute direction. Comme toute
démarche qui se propose d'organiser l'entreprise sur de nouveaux modes
et bases de management ou de gestion, elle doit faire l'objet d'une
sensibilisation de l'ensemble des collaborateurs de l'organisation. Ce qui nous
pousse à faire quelques recommandations :
A. A l'Etat congolais
· Dans un premier temps, l'Etat et tous les
dirigeants politiques doivent comprendre la portée de l'intelligence
économique et penser à mettre en place un cadre juridique et
législatif créant un organe sensé oeuvrer pour la mise en
concurrence de toutes les entreprises quelque soit leur taille et leur secteur
d'activités. Ce cadre définirait une politique nationale
d'intelligence économique qui corroborerait les idées de Didier
MUMENGI et d'autres chercheurs du domaine qui pensent que l'IE peut relancer
les entreprises congolaises. Un tel cadre permettrait à l'Etat
d'accompagner les acteurs économiques et sociaux dans les adaptations
nécessaires par rapport au nouvel environnement économique et
technologique. Cette position peut se traduire en un programme des services aux
entreprises qui devra s'inscrire dans la durée sous forme d'une
démarche progressive avec comme objectif principal : mobiliser le plus
grand nombre d'acteurs et coordonner toutes les actions de
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les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
développement économiques autour de
l'information stratégique destinée à la prise de
décision.
Cette recommandation est une contribution résolutive
aux besoins des entreprises locales, conséquemment les PME/PMI en
matière de découverte, de compréhension et d'appropriation
des méthodes et outils de l'IE et du management stratégique. Par
ce mécanisme, les entreprises pourront refaire leur retard en cette
matière, puis acquérir de la technicité, de la performance
et du dynamisme. Par principe préférable, il incombe à
l'Etat de s'investir à fond pour travailler avec toutes les entreprises
à partir de leurs besoins en information et à partir des
situations vécues et actuelles. L'approche privilégiée
serait la sensibilisation d'abord, puis travaillé sur les processus
d'apprentissage individuel et collectif dans une optique des finalités
opérationnelles. Concrètement, la voie à retenir est
d'aller au contact des entreprises, de les associer sur un cas précis
à valeur démonstrative, les inscrire dans une logique de
réseau et leur transmettre au final un savoir - faire et des outils
méthodologiques leur permettant de mieux structurer leurs
démarches d'intégration de l'IE et leurs systèmes
d'information stratégique.
C'est une initiative qui met en exergue l'intérêt
national et le patriotisme économique mais permettant aux acteurs
économiques d'avoir des marges pour se battre convenablement sur un
marché international mondialisé. C'est un exercice qui
nécessite une concentration et une coopération entre les acteurs
économiques, les ministères impliqués et tous les organes
vitaux de la nation. Cela rendrait tous les acteurs responsables de la
réussite de leurs entreprises et valoriserait les nouvelles
méthodes de management et d'organisation des entreprises. Le
mécanisme et tellement intelligent qu'il ne pourrait pas poser de
problèmes aux entreprises (grandes, moyennes ou petites) du fait de la
légèreté de leurs structures. Mais ceci ne peut produire
d'effets que si une politique de sensibilisation sur les intérêts
stratégiques de la nation est mise en place en amont, dont les cibles
principales seraient la société civile, les étudiants, les
jeunes cadres, les entrepreneurs et les agents de l'Etat pour une meilleure
motivation et implication dans la démarche de l'IE. Le
développement économique global ne peut se faire à nos
jours qu'à travers une interaction et une synergie de tous ces
acteurs.
B. Aux établissements d'enseignement
supérieur et universitaire
En second lieu, nous pensons que l'université et les
grandes écoles devraient accompagner l'Etat et les entreprises dans
cette démarche intelligente capable de remettre sur orbite la machine
économique nationale. Raison pour laquelle nous recommandons la mise en
place des programmes de formation intégralement consacrés
à l'IE. Ces programmes contiendraient des modules sur des
thématiques variées cernant les contours de l'IE et des concepts
voisins à l'instar du référentiel français de
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les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
formation en IE. Car une des raisons pour lesquelles l'IE
n'est pas entrée dans les entreprises congolaises est qu'elle est fait
l'objet d'une approche très élitiste et abstraite. Cette question
peut être abordée dès le premier cycle de formation
universitaire en s'inspirant du modèle incrémental proposé
par Franck BULINGE. Ce qui permettra une adéquation et une
cohérence entre la formation universitaire et les besoins des
organisations.
Ainsi, il serait souhaitable que la faculté de
Psychologie et des Sciences de l'Education puisse s'en inspirer pour adapter le
programme du Département de Gestion des Entreprises et Organisation du
Travail à cette exigence. Pour ce faire, les étudiants qui auront
bénéficié de cette formation seront, une fois dans la vie
active, autant des « caisses de résonance » pour diffusion
d'une culture d'IE dans leurs organisations. C'est à cette hauteur que
l'Université pourra aider l'Etat et les entreprises à
réussir l'intégration d'un dispositif d'IE reposant sur des
compétences avérées en information, en stratégie de
développement, en management stratégique et en lobbying.
Ce travail est une contribution parmi tant d'autres qui, nous
l'espérons, viendront enrichir à l'avenir cette dynamique en
marche. Cette recherche aboutit à la légitimité de
l'intelligence économique en Sciences de Gestion, cependant, nous avons
le sentiment certain de n'avoir fait qu'un bout utile, mais surtout de
n'être qu'au début de nouvelles perspectives managériales
qui sont ouvertes en ce début de ce 21ème
siècle qui est plus, à notre avis, celui de la culture de
l'intelligence des hommes et des organisations avec leur environnement.
Ce n'est qu'une oeuvre humaine, elle est perfectible car elle
ne peut manquer des faiblesses et des limites. Nous restons ouverts aux
critiques constructives qui puissent nous permettre de tenter de nous parfaire
à la prochaine. Pour finir, nous exhortons tous nos lecteurs d'oser avec
l'IE dans leurs entreprises. C'est d'abord une question de volonté, de
vision, d'intelligence, de stratégie délibérée en
la matière mais qui exige un peu de moyens, plus d'attention et un
minimum des structures.
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les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
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