PARTENARIAT ET MÉDIATION COMMERCIALE : LA SITUATION DE
LA SOCIÉTÉ D'ÉTAT QUÉBÉCOISE
Par Souhail Chalouhi
Essai présenté dans le cadre du programme de
maîtrise en prévention et règlement
des différends, à la faculté de droit de
l'Université de Sherbrooke, en vue de l'obtention du grade de
maître en droit (LL.M.)
Faculté de droit Université de Sherbrooke
IDENTIFICATION SIGNALITIQUE
PARTENARIAT ET MÉDIATION COMMERCIALE: LA SITUATION DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTAT QUÉBÉCOISE
Souhail Chalouhi
Essai réalisé en vue de l'obtention du grade de
maître en droit (LL. M.)
Université de Sherbrooke Octobre 2008
Mots clés : Médiation commerciale, règlement
des différends, contrats de construction, clauses contractuelles, modes
alternatifs, droit, justice alternative, conciliation, facilitation,
société d'État, droit administratif, gestion de la chose
publique, conflit, arbitrage, IMAQ, partenariat.
L'émergence de la médiation commerciale et son
développement se font à un rythme accéléré
pour palier à l'insuffisance de la justice à répondre aux
besoins des citoyens. Ce processus de règlement des différends
est en plein essor partout au Canada, aux États-Unis et dans le reste du
monde. Pourtant, au Québec et en particulier à
Hydro-Québec, on affiche une certaine réticence à
acquiescer à la demande des fournisseurs d'inclure dans les contrats une
clause de médiation commerciale comme mode de règlement des
différends. Dans un contexte où la société
d'État favorise une relation de partenariat, on s'interroge sur les
perceptions des acteurs clefs par rapport à un mode de règlement
qui est susceptible de préserver les relations à long terme entre
les parties en conflit.
SOMMAIRE
La médiation commerciale est en plein essor dans le monde
des affaires et ne cesse de gagner du terrain au Canada et partout dans le
monde. Au Québec, ce nouveau mode de règlement, encore
méconnu, a vu le jour au milieu des années 90 à la cour
des petites créances.
Devant l'émergence d'un tel mode de règlement des
différends commerciaux, les partenaires d'Hydro-Québec ont fait
savoir à plusieurs reprises, par l'intermédiaire de leur
association, l'Association des Constructeurs des Routes et Grands Travaux du
Québec (ACRGTQ), leur désir de voir une clause de
médiation civile et commerciale dans les contrats d'Hydro-Québec.
La société d'État affiche une certaine réticence
à cette requête malgré qu'elle prône une relation de
partenariat avec ses fournisseurs. Cette recherche s'intéresse aux
perceptions des acteurs clés d'Hydro-Québec par rapport à
la médiation, mode reconnu être en mesure d'actualiser les valeurs
du partenariat prôné par la société d'État
avec les fournisseurs.
L'analyse de cette question se base sur une étude
théorique et sur des entrevues semidirigées auprès des
acteurs clés en mesure d'influencer la politique de la
société d'État en matière de règlement des
différends. La recherche fait d'abord la lumière, au point de vue
théorique, sur la relation entre le partenariat et la médiation
comme mode de règlement des différends, ensuite elle
présente la perception du partenariat; par après, elle expose la
conception des décideurs par rapport à la médiation
à travers leur pratique et enfin on dégage la perception des
acteurs par rapport à la dynamique entre le partenariat et la
médiation dans un tel contexte.
La recherche dévoile que les acteurs se voient contraints,
comme gestionnaires des biens communs et gardiens des deniers publics, à
procéder par appels d'offres publics pour la plupart des contrats de
fourniture. De telle sorte que ce mode d'approvisionnement ne permet pas une
véritable relation de partenariat, mais plutôt une relation
d'affaires régulière.
Il appert qu'au point de vue théorique, la
médiation, comme mode de règlement des différends
commerciaux, va de pair avec le partenariat vertical client-fournisseur dans
la
mesure où la médiation actualise les valeurs du
partenariat dans la recherche d'une solution au conflit. Cependant, la
recherche révèle qu'il existe un écart entre la perception
des acteurs clés et la théorie affirmant qu'il existe une
relation entre le partenariat et la médiation. De sorte que les acteurs
interviewés voient la médiation à l'intérieur d'un
cadre juridique où le contrat, la Loi et les règlements en
vigueur sont la source de justification de toute solution. Ainsi, toute demande
d'un fournisseur doit être fondée en Droit.
En bref, la recherche établit clairement que les causes de
l'écart entre la perception des acteurs et la théorie
résident dans la méconnaissance de la médiation avec tout
son potentiel. Toutefois, les acteurs affichent une certaine ouverture pour
essayer, à titre expérimental, une telle clause afin
d'évaluer la plus-value réelle de son instauration dans les
contrats de la société d'État.
Jus est ars boni et aequi
Le droit est l'art du bien (par opposition au mal) et de
l'équitable (par opposition au droit strict).
Le Digeste1.
REMERCIMENTS
Je tiens à remercier mon directeur, monsieur Georges A.
Legault, de sa générosité d'avoir accepté de me
soutenir dans la réalisation de ce projet. Sa sagesse et ses nombreuses
interventions m'ont été très utiles pour parfaire mes
idées et m'encourager à poursuivre cette aventure inusitée
pour l'ingénieur que je suis.
Cependant je ne peux pas passer sous silence la patience de ma
famille, en particulier de mon fils Mark, pour ses précieux conseils.
1
http://webu2.upmf-grenoble.fr/Haiti/Cours/Textes/intro.html#H
Le Digeste fut publié le 16 décembre 533 et entra
en vigueur le 30 décembre de la même année. La commission
de rédaction, dirigée par Tribonien, comptait onze avocats dont
deux professeurs de l'école de droit de Beyrouth
(Dorothée et Anatole)
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 LE PARTENARIAT D'AFFAIRES ET LA
MÉDIATION CIVILE ET COMMERCIALE (CADRE CONCEPTUEL DE
RÉFÉRENCE) 18
Le contexte du marché de l'approvisionnement
d'Hydro-Québec 18 Le partenariat, un choix stratégique dans la
politique
d'approvisionnement d'Hydro-Québec 21
La médiation, un mode de règlement des
différends
dans le cadre d'un partenariat 31
1.3.1 Les insuffisances du mode usuel de règlement
des
différends 31
1.3.2 Les besoins 34
1.3.3 Une approche de pratique suggérée :
Médiation Uri-Fisher-Plus 38
CHAPITRE 2 PRÉSENTATION DES DONNÉES
RECUEILLIES IN SITU 46
2.1 Acteur D-01 46
2.1.1 La perception du partenariat 47
2.1.2 La perception du mode de règlement des
différends 49
2.1.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 53
2.2 Acteur D-02 54
2.2.1 La perception du partenariat 55
2.2.2 La perception du mode de règlement des
différends 60
2.2.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 65
2.3 Acteur D-03 68
2.3.1 La perception du partenariat 68
2.3.2 La perception du mode de règlement des
différends 69
2.3.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 74
2.4 Acteur D-04 76
2.4.1 La perception du partenariat 76
2.4.2 La perception du mode de règlement des
différends 78
2.4.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 82
2.5 Acteur D-05 84
2.5.1 La perception du partenariat 85
2.5.2 La perception du mode de règlement des
différends 86
2.5.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le
mode de règlement des différends 93
2.6 Acteur D-06 95
2.6.1 La perception du partenariat 95
2.6.2 La perception du mode de règlement des
différends 96
2.6.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 100
2.7 Acteur D-07 102
2.7.1 La perception du partenariat 102
2.7.2 La perception du mode de règlement des
différends 103
2.7.3 La perception de la relation entre le partenariat et le
mode de règlement des différends 106
CHAPITRE 3 ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES
DONNÉES 108
3.1 Analyse de la perception du partenariat 108
3.2 Analyse de la perception par rapport à la
médiation 112
3.2.1 Les forces du mode usuel 114
3.2.2 Les faiblesses du mode usuel 116
3.2.3 La pratique du mode alternatif 117
3.2.4 Attentes par rapport au processus 118
3.2.5 Attentes par rapport au médiateur 120
3.2.6 Les forces (satisfactions) du mode alternatif 121
3.2.7 Les faiblesses (déceptions) du mode alternatif
122
3.3 Analyse de la perception de la dynamique entre
partenariat et règlement des différends 124
CONCLUSION 129
BIBLIOGRAPHIE 132
ANNEXE 1 QUESTIONNAIRE DE L'ENTREVUE SEMI-DIRIGÉE
136
INTRODUCTION
Les projets de construction sont parmi les plus importants
générateurs des conflits en raison de leur complexité et
du nombre important d'intervenants et d'intérêts divergents
impliqués dans la réalisation d'un projet. D'un coté, le
donneur d'ouvrage tente, à l'intérieur d'une limite
budgétaire préétablie, de réaliser un projet
performant avec un contenu difficile à préciser et dont
l'envergure exacte ne sera connue qu'une fois le projet achevé. De
l'autre coté, le fournisseur des biens et services tente de maximiser
ses profits par la réduction des coûts tout en respectant les
obligations contractuelles. C'est dans un tel contexte qu'un gérant de
projet est amené à oeuvrer pour mener à terme un projet de
construction où la bonne gestion des conflits est un gage de
réussite.
Dans ce sens, Hydro-Québec, qui est reconnue comme
étant le plus grand donneur d'ouvrage de construction au Québec,
se trouve confrontée aux multiples réclamations provenant des
entrepreneurs et des fournisseurs lors de l'exécution des contrats.
À cet égard, la politique d'Hydro-Québec en matière
de règlements de différends en cas de conflit avec ses
fournisseurs est clairement annoncée dans les clauses
générales des documents d'appel d'offres. À cet effet, il
est stipulé :
Procédure en cas de différend
a) Obligation de poursuivre les travaux
L'entrepreneur doit poursuivre les travaux diligemment,
malgré tout différend avec Hydro-Québec. Cette poursuite
ne constitue pas une renonciation de sa part à faire valoir ses
droits.
b) Avis de l'entrepreneur
Dès que survient un problème relatif à
l'interprétation ou à l'exécution du contrat,
l'entrepreneur doit en donner avis par écrit au représentant
d'Hydro-Québec et il doit l'informer de son intension, le cas
échéant, de présenter une réclamation. Le plus
tôt possible après cet avis, l'entrepreneur doit exposer en
détail, par écrit, les arguments à l'appui de sa
réclamation et le cas échéant, ses méthodes de
calcul. Il doit joindre à cet exposé détaillé
toutes les pièces justificatives.
c) Décision du représentant
d'Hydro-Québec
Sur réception de l'exposé détaillé
de l'entrepreneur et de toutes les pièces justificatives, le
représentant d'Hydro-Québec étudie la demande de
l'entrepreneur et informe par écrit
ce dernier de sa décision. En cas de désaccord
avec cette décision, l'entrepreneur peut demander au supérieur
hiérarchique du représentant d'Hydro-Québec de
réviser cette décision, en exposant les motifs à l'appui
de cette demande de révision. »2; on retrouve la
même procédure dans les contrats de sa filiale la S.E.B.J. pour le
règlement de différends avec les fournisseurs.
Par la suite, le rejet par Hydro-Québec et le maintien
de la demande de compensation du fournisseur indique qu'il y a litige entre les
parties. À ce moment, la société d'état enclenche
la procédure interne afin d'en arriver à un
règlement3. Il s'agit, en premier lieu, d'une tentative de
règlement par voie de négociation bipartite entre
Hydro-Québec et le fournisseur, laquelle négociation est
encadrée par des directives administratives4 et doit
respecter les engagements contractuels basés sur les faits et les normes
juridiques. Par après, si les négociations échoppent, le
dossier sera transféré au contentieux5 de l'entreprise
avec un mandat de défendre les intérêts de l'entreprise
advenant une action en justice de la part de fournisseur.
Bref, le mode de la médiation n'est pas envisagé
clairement, dans les procédures de gestion de réclamations, comme
mode de règlement de différends en cas de conflit avec un
fournisseur. Le mode usuel employé pour le règlement des conflits
est la négociation bipartite selon des critères objectifs
fondés en droit où les clauses du contrat, la loi et les
règlements en vigueur sont la source de toute justification, et en cas
d'échec, le dossier est débattu devant le tribunal.
Parmi les cas rencontrés, une cause
célèbre a marqué l'histoire de l'industrie de construction
au Québec d'une manière particulière et qui est devenue
une source de réflexion pour la réalisation de ce projet de
recherche. Il s'agit d'un conflit qui a trait au jugement de la Cours
Suprême du Canada dans l'affaire Banque de Montréal c, Bail
Ltée6.
2Anonyme (2005). Clauses générales
pour contrat de travaux, Montréal, Hydro-Québec article 19,
1er février 2005.
3 Anonyme (1999). Guide de gestion des
réclamations, Hydro-Québec, Unité de contrôle,
partie I-2.
4 Ibid. Partie I, article 4.0.
5 Ibid. Article 5.0.
6 Canada, Cour Suprême du Canada (1992).
Banque de Montréal c. Bail Ltée, Canada, 1992-2 R.C.S.
554, Nos du greffe : 21748, 21747.
En bref, cette cause était à l'origine une
réclamation, datée du 19 août 1977, de quelques centaines
de milliers de dollars d'un sous-traitant d'un fournisseur
d'Hydro-Québec. Le jugement final, qui a eu lieu le 25 juin 1992, a
coûté à Hydro-Québec la somme de 6 438 674 $ plus
les intérêts depuis le 8 juin 1983, sans toutefois tenir compte de
tous les frais juridiques pendant 15 ans de procès. Ce jugement a connu
un résultat « perdantperdant » car le demandeur principal a
fait faillite avant le jugement et Hydro-Québec a déboursé
plus de trente fois le montant réclamé au départ. En
conséquence, cette cause suscite l'interrogation sur l'insuffisance du
judiciaire à répondre aux besoins des deux parties en conflit et
pose la question sur la pertinence de recourir à la médiation
comme mode de règlement de conflits commerciaux.
Aussi, d'autres évènements incitent à se
questionner davantage sur la pratique de règlement des conflits
commerciaux à Hydro-Québec. D'abord, en 2003, un important
programme de formation déployé par Hydro Québec à
tous les employés concernant « les comportements clés pour
réussir une relation de partenariat » : ce programme fait suite au
virage que la société d'état a pris pour favoriser la
relation de partenariat avec ses fournisseurs. Ainsi, dans un
document7 intitulé Le partenariat avec les fournisseurs :
une relation gagnant-gagnant, Hydro-Québec, qui est parmi les plus
importants acheteurs de biens et services du Québec, manifeste son
désir de maintenir des relations dynamiques et durables avec ses
fournisseurs. Cette politique d'approvisionnement est motivée par le
volume important d'acquisition des biens et services d'une grande importance
stratégique pour Hydro-Québec et dont le marché est tenu
par des fournisseurs spécialisés, en nombre relativement
restreint. Avec une telle politique, la société d'état a
une ferme volonté et un intérêt particulier à
favoriser le développement au Québec d'une infrastructure
industrielle spécialisée capable de fournir des biens et services
indispensables à la réalisation de la mission fondamentale de
l'entreprise.
Cette forme de partenariat est définie comme
étant une relation d'affaires durable basée sur la confiance
mutuelle entre Hydro-Québec et un partenaire qui unissent leurs efforts
pour atteindre des objectifs partagés8. Cette orientation
a été approuvée par le Conseil
7 Anonyme (1998). Le partenariat avec les
fournisseurs : une relation gagnant-gagnant, Direction principale
approvisionnement et services, Hydro-Québec ISBN2-550-33157-5,
98G027.
8 Ibid.
d'administration, le 1er octobre 19989,
afin de confirmer l'engagement de l'entreprise envers ses partenaires
d'affaires, pour établir des relations « basées sur le
respect mutuel et un partage équitable et durable des risques et des
bénéfices »10.
En 2004, les acquisitions d'Hydro-Québec de biens et
services ont atteint 2 394 M$ dont 94 % provenait des fournisseurs
établis au Québec11. À cette fin, la
société d'état a établi des partenariats d'affaires
en conformité avec ses valeurs et orientations stratégiques, dans
la recherche d'une véritable mutualité d'intérêts en
vue de générer des bénéfices tout en assurant le
déroulement harmonieux de ses projets et de ses
activités12.
Ensuite, lors du 62ième congrès
annuel tenu les 18, 19 et 20 janvier 2006, le Sommet HQE/SEBJ-ACRGTQ,
le partenaire principal de la Société d'État,
l'Association des Constructeurs des
Routes et Grands Travaux du
Québec, a exprimé le désir d`instaurer
dans les contrats d'Hydro-Québec une clause de résolution des
conflits qui inclut un mécanisme de facilitation. En réponse
à cette requête, HQE/SEBJ a fait savoir lors de l'atelier 2 de ce
congrès qu'elle ne peut pas modifier ses contrats pour y inclure une
clause à cet effet. Cette demande d'un important partenaire
d'Hydro-Québec est motivée par l'émergence de la
médiation comme mode de règlement des conflits commerciaux
où le milieu des affaires du Québec n'a pas voulu rester passif
devant un tel phénomène.
En effet, le 3 octobre 2002, une coalition13 de
partenaires économiques et juridiques influents a décidé
de se mobiliser afin de promouvoir l'instauration de la médiation dans
la relation d'affaires au Québec. Cette mobilisation a été
précédée par un sondage mené par SOM, en
février 2002, qui a révélé que 25 % seulement des
cadres québécois connaissaient la clause de médiation et
20 % du public visé avait l'intention d'utiliser la clause de
médiation dans les contrats. Le gouvernement du Québec a toujours
encouragé la déjudiciarisation et a fait connaitre sa
préférence pour la médiation et le règlement
à l'amiable des conflits commerciaux. Cette position a amené Me
Michel Bouchard, sousministre de la justice, à
déclarer14 : « Comparée aux procédures
judiciaires, la médiation
9 Conseil d'administration (1998). Nos partenaires
d'affaires, Montréal, Hydro-Québec, 11 septembre 1998.
10 Ibid.
11 Anonyme (2004). Rapport annuel,
Montréal, Hydro-Québec, page 52.
12 Ibid.
13 Anonyme (2002). Institut de médiation et
d'arbitrage du Québec, 3 octobre 2002.
14 Institut de médiation et d'arbitrage du
Québec (2002). Communiqué de presse, octobre 2002.
est beaucoup plus avantageuse : elle s'avère moins
coûteuse, plus rapide et totalement confidentielle. Ces
bénéfices sont à la portée de tous dans la mesure
où on prévoit, dans les contrats, une clause de médiation
». Cette politique du ministère de la justice du Québec de
promouvoir la médiation civile et commerciale est clairement
annoncée dans son dépliant15 La médiation
civile et commerciale, une bonne façon de s'entendre. Dans ce
dépliant, le ministère de la justice du Québec
évoque les avantages de la médiation comme étant un mode
de règlement qui favorise le rapprochement entre les parties, permettant
ainsi des relations harmonieuses et préservant le lien de confiance
entre ces dernières.
Cette revue sommaire de la pratique de la médiation au
Québec nous amène à constater que le gouvernement et le
milieu des affaires sont manifestement favorables à l'instauration de la
médiation comme mode de règlement des différends civils et
commerciaux. Force aussi de constater qu'il apparaît qu'il y a au Canada
un large consensus pour l'adoption de la médiation comme mode de
règlement des conflits. Les entreprises commerciales manifestent
clairement leur intérêt pour la médiation, non seulement
pour des raisons d'économie dans les procédures, mais aussi pour
construire et maintenir des bonnes relations d'affaires à long terme,
où il s'avère difficile de le faire avec les modes judicaires.
D'ailleurs, la médiation obligatoire a
été adoptée dans plus d'une province. En effet, l'Ontario,
avec la règle 24.1 des règles de procédures civiles prise
en application par la Loi sur les tribunaux judiciaires, met en application la
médiation civile obligatoire. Les parties à un différend
en matière civile sont obligatoirement envoyées en
médiation dans les 90 jours suivant le dépôt de la
défense. En Saskatchewan, après la clôture de la plaidoirie
écrite dans les affaires civiles contestées, les parties doivent
participer à une séance de médiation avant de passer
à une nouvelle étape16. En Colombie-Britannique, le
recours à la médiation en matière civile fait partie de la
culture juridique. Il existe un mécanisme de médiation
obligatoire pour les causes relevant de la Cour des petites créances. En
Alberta, les règles de médiation imposent à certaines
parties en Cour des petites créances de participer à la
médiation17.
15 Justice Québec (2005). La
médiation civile et commerciale, une bonne façon de
s'entendre, 10 mai 2005.
16 Canada, Saskatchewan (s. d.). Loi « Queens
Bench Act », paragraphe 54 (2).
17 Canada, Alberta (s. d.). Loi « Provincial
Court Act ».
Quant aux États-Unis, ils sont sans doute les plus
avancés en matière de l'emploi de la médiation en
matière civile et commerciale. En effet, les Américains font
abondamment appel à la médiation depuis plus de 30 ans et cet
engouement pour la médiation a rendu nécessaire de la
réglementer par la Loi uniforme américaine sur la
médiation18. En 1995, aux États-Unis, environ 20 % de
l'ensemble des procès civils intentés devant les tribunaux
américains étaient des affaires impliquant l'État
fédéral19. Pour assurer un traitement plus efficace de
ses affaires, la ministre de la justice Mme Janet Reno, a lancé en 1995
un programme de règlement du litige par la voie de la médiation.
Ainsi, les États-Unis sont ouverts à l'utilisation d'une
procédure de médiation civile et commerciale dans tous les cas
appropriés.
Aussi, en 2002, les pays membres des Nations-Unies ont
adopté par résolution à l'assemblée
générale de la 57e session, la loi type de la commission des
Nations-Unis pour le droit commercial international sur la conciliation
commerciale internationale (CNUDCI)20. Cette résolution a
amené le Canada à envisager l'intégration de cette loi
type dans le droit canadien.
Dans un tel contexte, il est tout à fait pertinent de
faire une réflexion et de poser la question suivante : pourquoi la
clause de procédure en cas des différends, inscrite dans les
contrats d'Hydro-Québec, n'inclut pas la médiation, un mode de
règlement gagnant-gagnant, reconnu pour préserver les relations
à long terme et basée sur la confiance et l'équité
entre les parties?, alors qu'elle prône par sa politique de partenariat
une relation gagnant-gagnant durable basée sur la confiance et
l'équité avec ses fournisseurs?
À première vue, il semble que la
société d'état tient un discours qui dégage une
apparence d'incohérence dans sa politique d'approvisionnement au niveau
de ses relations avec ses fournisseurs. À ce sujet, Jacques
Caillouette21 de l'université de Sherbrooke voit les
partenariats comme un espace de conflit, de négociation et de
médiation. Il explique sa
18 USA (2001). Uniform Mediation Act,
National Conference of Commissioners on Uniform State Laws, USA.
19 Peter Steenland (1999). Du règlement des
litiges dans les tribunaux fédéraux américains, Revue
de l'IIP, USA.
Note : IIP, Démocratie et droits de l'homme. De 1995
à janvier 2002, M. Steeland a présidé « The Office of
Dispute Resolution » au US Department of Justice.
20 Nations Unies (2002). Publication des
Nations-Unies, Numéro de vente F.05.V.4, ISBN : 92-1-233409-1.
21 Université de Sherbrooke (2001). Pratique de
partenariat, Pratique d'articulation identitaire et mouvement communautaire,
NPS, vol. no1.
réflexion par le fait que « sous un voile de
partenariat peuvent se glisser des pratiques de négation de l'autre
plutôt que de collaboration avec lui ». Par son
étude22, il évoque aussi les rapports de pouvoir des
partenaires qui peuvent être une source de conflit : « des rapports
de pouvoir traversent donc l'espace partenarial et y introduisent un
élément de conflit à prendre en compte pour penser les
pratiques partenariales. » La médiation est essentielle dans une
relation de partenariat, car cette pratique « met en communication des
gens, des organismes, des systèmes d'action qui, laissés à
eux-mêmes, tendent au repli sur soi ».
Cette réflexion d'un chercheur chevronné
contribue à se questionner davantage, à savoir si le refus
d'Hydro-Québec d'instaurer une clause de médiation dans ses
contrats d'approvisionnement est cohérent avec sa politique du
partenariat. Un survol de lecture a permis de constater que la même
apparence d'incohérence se retrouve aussi dans le discours du
ministère des transports du Québec. En effet, cet organisme
public s'est engagé dans une démarche de partenariat public -
privé23 fort de l'expérience européenne, et en
particulier de celle de l'Angleterre24, alors qu'il tient un
discours de pénalités25 et n'envisage pas une clause
de médiation dans ses contrats avec ses partenaires.
Après une recherche sommaire, une insuffisance dans la
connaissance de ce phénomène, en apparence incohérent, a
été constatée : l'absence d'une clause de médiation
dans les contrats d'Hydro-Québec avec des fournisseurs partenaires. Ce
constat a motivé cette recherche-ci qui offre l'occasion d'une
réflexion sur la nature des modes de règlement des
différends dans une relation de partenariat entre un organisme
parapublic comme HydroQuébec et ses fournisseurs de biens et
services.
En apparence, il semble y avoir une incohérence dans la
politique d'approvisionnement d'Hydro-Québec. Car dans un contexte
où la médiation civile et commerciale est en plein essor et
reconnue comme étant le mode de règlement des conflits le plus
approprié pour
22 Ibid., page 92.
23 Ministre des transports du Québec (2003).
Colloque sur l'apport de partenariat, Allocution, Montréal, 31
octobre 2003.
24 Radio-Canada, Nouvelles du 23 novembre
2005, Québec s'inspire de la Grande-Bretagne : « Selon le
Devoir, des hauts fonctionnaires du gouvernement Charest ont assisté
à un séminaire donné par une Délégation de
la Grande-Bretagne, chef de file en matière de partenariat entre le
privé et le public (PPP) ».
25 Transport Québec (2005). Centre
d'affaires, Partenariat public-privé, contexte d'application, 16
septembre 2005.
actualiser les valeurs du partenariat, il semble que la
société d'état tient un discours contradictoire en
adoptant un mode de règlement des différends qui apparaît
incompatible avec les valeurs annoncées dans sa politique du
partenariat.
D'abord, monsieur Boisclair définit le partenariat comme
étant :
« une démarche par laquelle une organisation
s'associe avec au moins une autre organisation dans le cadre d'une relation sur
mesure et évolutive; les deux organisations s'entendent pour poursuivre
un but commun en mettant en commun ou en échangeant des ressources, afin
d'obtenir des résultats mutuellement avantageux, dans le respect de leur
mission, mandats et objectifs respectifs, tout en demeurant souveraines en
dehors du partenariat >>26.
Plus particulièrement, dans le cas
d'Hydro-Québec, le partenariat d'affaires est une relation
client-fournisseur privilégiée dictée par le besoin l'un
de l'autre et vice versa. Par conséquent, il est l'organisation, voulue
optimale, des relations de deux sociétés décidant de
travailler ensemble dans la durée27, l'une vendant la
marchandise qu'elle produit et l'autre la lui achetant pour la transformation
ou la consommation.
Ainsi, en raison de la particularité et de l'importance
stratégique des produits et services achetés et de la
fréquence des contrats octroyés par l'entreprise, de nombreux
individus d'entreprises commerciales et de corporations doivent leur
subsistance et leur prospérité aux contrats accordés par
la Société d'État. De même, Hydro-Québec a
besoin des fournisseurs qualifiés, permanents et fiables en mesure de
l'accompagner dans la réalisation de ses projets de
développement. Cette vision a été à l'origine de
l'approche de partenariat (gagnant-gagnant) qu'Hydro-Québec a mis de
l'avant dans sa politique d'approvisionnement. En effet, Hydro-Québec,
consciente de son rôle comme citoyen corporatif responsable et
gestionnaire des fonds publics, dévoile ses valeurs partenariales d'une
manière générale dans le Code de Conduite28
intitulé "Nos valeurs, notre responsabilité". La
société d'État annonce :
« Agir avec intégrité, c'est, par exemple: -
Éviter tout conflit d'intérêts et toute apparence de
conflit d'intérêts; - faire preuve de transparence en
toute circonstances >>29. Dans un autre chapitre, elle
annonce qu'il faut traiter avec
26 Michel Boisclair (2004). Le partenariat :
principes, définition, enjeux et mise en oeuvre. M.A.P.,
Montréal, École nationale d'administration publique.
27 Christophe Leclercq, Xavier Leclercq (1993).
Gestion stratégique de la concurrence en temps de crise,
Éditions Maxima, ISBN 284001445.
28 Hydro-Québec, (2006). Code de Conduite
2006. Nos valeurs, notre responsabilité, Groupe Affaires
corporatives et Secrétariat général, Bibliothèque
et Archives nationales du Québec, ISBN 2-550-47189-X, ISBN
2-550-47190-3, (PDF) 2006G035.
29 Ibid. page 5.
équité et courtoisie nos clients, fournisseurs
et partenaires : << Cultiver de bonnes relations avec les clients,
fournisseurs et partenaires de l'entreprise. Considérer nos fournisseurs
et partenaires comme des alliés essentiels. Traiter les clients,
fournisseurs et partenaires avec équité.
>>30.
Par sa volonté d'entretenir des relations de
partenariat avec ses fournisseurs, la Société d'État
déclare que cette relation doit être une relation d'affaires
(gagnant-gagnant) dynamique, durable, fondée sur la confiance, le
partage des risques et des bénéfices, l'équité et
le respect31, l'intégrité et la transparence qui sont
essentielles à l'administration de la chose publique. Ces valeurs sont
partagées par les fournisseurs car ils l'ont fait savoir à
plusieurs reprises à la table de concertation.
Malgré ces valeurs mises de l'avant dans sa politique
d'approvisionnement, Hydro-Québec adopte une philosophie et une
procédure de règlement, en cas des différends avec ses
fournisseurs, qui semblent incompatibles avec cette conception du partenariat.
En effet, le mode usuel de règlement des différends ne traite que
le litige32 sans s'attaquer au conflit qui, souvent, est plus large,
et qui embrasse d'autres activités et préoccupations comme la
relation d'affaires et le règlement des irritants qui, parfois,
perdurent depuis des années et qui sont à l'origine du litige en
question. En plus, le mode usuel exige que toute recherche d'une solution au
conflit doive être faite selon la norme juridique33 et toute
entente doit être fondée en droit où un avis juridique est
nécessaire34 pour son acceptation. Or, cette façon de
résoudre le conflit peut amener une rupture dans les relations
d'affaires entre partenaires et même produire un résultat
perdant-perdant comme dans l'affaire Banque de Montréal c, Bail
Ltée citée plus haut. De la sorte, cette démarche de
solution du conflit parait aller à l'encontre des souhaits
exprimés dans les valeurs partenariales. Aussi, la négociation
bipartite pratiquée par le mode usuel pour résoudre le conflit
est une négociation basée sur
30 Ibid. page 20.
31 Hydro-Québec (1998). Conseil
d'Administration, politique approuvée le 11 septembre 1998.
32 Hydro-Québec, (2007). Guide de gestion
des réclamations, Le litige : << Le rejet, par
HQE/SEBJ et le maintien d'une demande de compensation par le fournisseur ou
entrepreneur indique qu'il y a litige entre les parties. >>,
révision 2 mai 2007.
33 Ibid. << Son argumentation doit être
appuyée par des faits qui eux-mêmes doivent être
supportés par des preuves. On entend ici par preuves l'information
écrite (Clauses du contrat, devis technique, dessins, lettres, rapports
de travaux, échéanciers, etc.) >>
34 Ibid. Unité d'Affaires juridiques.
<< Il se prononce sur le fondement légal d'une réclamation
et de son règlement par l'émission d'un avis. >>
les positions des parties35 où l'objectif
consiste à en arriver à une entente à l'intérieur
de la fourchette des prix préalablement établis. Une telle
négociation repose essentiellement sur les forces et les faiblesses de
la position des parties36 où l'atteinte des objectifs
monétaires doit toujours guider les actions37.
Bref, le mode de règlement proposé par
l'encadrement, et qui est souvent utilisé, est la négociation sur
position où chaque partie fixe ses propres valeurs et
intérêts en essayant de les maximiser. Cette façon de faire
ne tient pas compte des valeurs communes ni du contexte, car le contrat ne
stipule aucune valeur et il est binaire : ou on a droit ou on n'a pas droit
à la chose revendiquée. Le mode judiciaire ne tient pas compte
non plus des valeurs dans la preuve devant les tribunaux. La négociation
sur position traite chacun comme un moyen et non comme une fin en soi, ce qui
risque d'user du rapport de forces favorable à Hydro-Québec pour
faire fléchir le fournisseur qui détient souvent une position
économique plus restreinte. De cette façon, on limite l'autonomie
de négociation du fournisseur et on porte atteinte à sa
dignité. C'est ainsi que l'écart se manifeste entre le discours
des valeurs présenté dans la politique du partenariat et
l'encadrement mis en place pour régler les différends
contractuels avec les fournisseurs.
Pour atténuer cet écart, il apparaît plus
cohérent d'adopter un mode de règlement des différends en
mesure d'actualiser ces valeurs lors de la recherche d'une solution à un
conflit entre la Société d'état et ses partenaires.
D'où un modèle de médiation comme celui de Ury et Fisher
qui semble le plus indiqué : une solution est recherchée en se
basant sur les intérêts et les valeurs communs partagés,
les relations à long terme, tout en considérant le conflit avec
toute son amplitude. Cette approche permet de régler le litige et ses
causes profondes par la convergence des normes juridiques, partenariales et
d'éthique propres à la gestion de la chose publique.
D'abord, la norme juridique, qui est le contrat, sera
évoquée pour qualifier le litige et ses conséquences.
Elle peut être employée pour situer le droit de chacune des
parties en litige ainsi que ses obligations contractuelles. Ensuite, comme
dans la plupart des cas le litige est
35 Ibid. Article 2.6, Stratégie de
négociation, Objectif : << La stratégie de
négociation vise à mettre en place tous les moyens possibles en
vue d'en arriver à une entente entre les parties, et ce à
l'intérieur de la fourchette de prix que le gestionnaire a établi
lors de son étude de réclamation. >>
36 Ibid. La stratégie de
négociation, moyens : << Ceci repose, dans une très
large mesure, [...], sur les forces et faiblesses de la position
d'Hydro-Québec. >>
37 Ibid. Article 3.0, la négociation :
<< L'atteinte des objectifs monétaires doit toujours guider
nos actions. >>.
issu d'une mauvaise pratique qui se perpétue depuis
longtemps de part et d'autre, on peut y discuter de solutions afin de
prévenir d'autres conflits dans le futur. Ainsi, dans une
médiation où on cherche une solution, le fournisseur, en
l'absence du rapport des forces, peut faire part ouvertement de ses
doléances relatives aux documents contractuels ambigus et aux clauses
jugées abusives dans un contrat par adhésion comme celui
d'Hydro-Québec.
De même, Hydro-Québec peut trouver une solution
qui saura à la fois répondre à ses contraintes en
matière d'échéancier et de qualité, et tenir compte
de la préoccupation de son partenaire pour lui permettre de
prospérer et de demeurer sur le marché. Aussi, la présence
d'un tiers neutre crédible, dans une médiation, rassure le corps
social d'une intégrité de gestion et écarte toute
apparence de favoritisme ou de conflit d'intérêts, ce qui n'est
pas le cas lors d'une négociation bipartite. Quant à l'entente,
en plus de la solution du litige, elle peut inclure des éléments
successibles d'améliorer les opportunités et les relations
d'affaires à long terme, de la sorte qu'une telle forme de
médiation actualise les valeurs partenariales déclarées
par Hydro-Québec. Par conséquent, ce mode de règlement des
différends semblerait plus cohérent avec la politique
d'approvisionnement de la Société d'État. Ce lien entre le
partenariat et la médiation, en l'absence d'une clause de
médiation dans les contrats d'Hydro-Québec avec ses fournisseurs,
nous amène à questionner la position adoptée par la
Société d'état qui semble incohérente en termes de
finalité visée dans ses pratiques d'affaires.
La présente recherche ne prétend pas porter un
jugement de valeur sur la pratique d'affaires d'Hydro-Québec ni
évaluer la pertinence de cette politique. Mais elle tente, tout
simplement, de donner un portrait fidèle d'un phénomène
constaté afin de permettre aux décideurs de faire un choix
éclairé en ce qui a trait du mode de règlement des
différends issus des contrats d'approvisionnement dans une perspective
de relations de partenariat. À cet effet, cette recherche se limitera
aux contrats d'approvisionnement d'Hydro-Québec et de sa filiale
Équipement SEBJ.
La présente recherche a donc pour objectif d'alimenter
la réflexion des intervenants qui ont à faire le choix de la
politique de règlement des différends à
Hydro-Québec, en particulier ceux qui sont pour le maintien du statu quo
et ceux qui sont en faveur d'un changement de cette politique. Ce qui
amène à poser la question générale de cette
recherche à savoir : y-a-
t-il une incohérence réelle entre la conception du
partenariat et l'absence de la médiation chez les acteurs à
Hydro-Québec?
Pour répondre à une telle question, il faut
d'abord voir si, théoriquement, il existe un lien entre le partenariat
et la médiation et ensuite obtenir la conception des acteurs clefs de la
dynamique entre le partenariat et le mode de règlement des
différends. En conséquence, on s'interroge sur la lecture que
font les acteurs du lien entre la médiation et le partenariat tant du
point de vue des acteurs décideurs que celle des administrateurs de la
première ligne. Une analyse de perception des acteurs sera
employée afin de connaître s'il existe une incohérence
réelle entre le partenariat et le mode usuel de règlement des
différends.
D'abord, l'indentification des acteurs principaux est capitale
afin d'être en mesure de connaître la position réelle
d'Hydro-Québec. Ensuite, le rôle de chacun des acteurs sera
précisé afin de connaître comment il influence le choix
d'un nouveau mode ou le maintien du choix de ce qui est en place comme mode de
règlement de différends. Pour ce faire, des variables seront
identifiées, qui permettront de déterminer s'il existe une
cohérence entre la conception du partenariat et la médiation
commerciale chez les acteurs influents d'HydroQuébec.
Les objectifs à atteindre par ce projet de recherche
résident principalement dans trois questions spécifiques de
recherche. Il s'agit donc de savoir :
a) Au point de vue théorique, y a-t-il un lien
nécessaire entre le partenariat et la médiation, et si oui,
quelle forme de médiation?
b) Quelle est la perception des acteurs chez H.Q, devant une
éventuelle incohérence entre l'absence de la médiation et
le partenariat?
c) Dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec tout son potentiel est la cause de l'écart?
La méthodologie de recherche pour ce projet s'appuie
sur une analyse documentaire et une étude in situ par des
entrevues semi-dirigées auprès des acteurs afin d'en arriver
à tirer une conclusion qui répondra à la question
posée par cette recherche. Au départ, l'analyse documentaire sera
faite d'abord pour situer le contexte et ensuite pour clarifier le cadre
conceptuel, afin d'identifier les variables de recherche. Par la suite,
l'étude empirique par des entrevues semi-dirigées permettra
d'obtenir le point de vue des acteurs clés qui
influencent la politique d'Hydro-Québec dans le choix
du mode de règlement des différends et qui ont causé ce
phénomène qui semble incohérent. Ils seront
interviewés sur leurs actions dans le contexte, sur leurs intentions
face à l'émergence des modes alternatifs de règlements des
différends et aux revendications de leurs partenaires. On interrogera la
vision qu'ils ont du partenariat et leurs perceptions de la médiation et
du rôle du médiateur dans le règlement de leurs conflits
commerciaux avec leurs partenaires. A cet effet, un questionnaire d'entrevue
sera préparé avec des questions ouvertes afin de permettre aux
interviewés d'exprimer librement leurs opinions sur les sujets en jeu et
de cueillir des données fiables pour les variables analysées par
cette recherche.
En premier lieu, le questionnaire traitera des variables
personnelles relatives à l'âge, la formation, la position
hiérarchique, le secteur d'activité, les années de service
à HydroQuébec et dans le secteur privé. L'information
concernant l'âge permettra d'identifier s'il y a un écart
générationnel dans les opinions et les perceptions
exprimées. La nature de la formation, à savoir technique, de
gestion ou judicaire, permettra de savoir dans quelle mesure le domaine de
formation de l'acteur peut influencer sa conception du partenariat et de la
médiation. Quant à la position hiérarchique, elle
permettra d'identifier la position du décideur dans l'entreprise afin
d'évaluer le degré de pouvoir qu'il possède pour changer
et influencer les politiques d'approvisionnement de la Société
d'État.
En ce qui à trait au secteur d'activité, il est
très utile de connaître les perceptions de trois secteurs
principaux soient : le contrôle de gestion (qui émet et
contrôle les procédures de gestion), l'approvisionnement (qui est
le maître d'oeuvre de la politique d'approvisionnement de l'entreprise)
et la gestion des contrats (qui applique la politique d'approvisionnement selon
les procédures établies. Enfin, il sera intéressant de
savoir si les années de service de l'acteur dans l'entreprise
influencent sa culture de gestion, sa perception et son ouverture sur les
revendications du partenaire.
En deuxième lieu, le questionnaire abordera
l'écart entre le partenariat et le règlement des
différends tel que vécu et perçu par les acteurs clefs de
la Société d'état. Les décideurs seront
questionnés d'abord sur leur conception du partenariat à partir
d'un exemple réussi puis d'une expérience non réussie de
la pratique du partenariat. Les opinions exprimées, appuyées par
leurs expériences pratiques, permettront d'analyser les variables de
recherches identifiées dans le cadre de référence.
La perception du partenariat sera cueillie à travers des
sondes issues du cadre conceptuel afin de mesurer l'écart entre le cadre
conceptuel et la perception des acteurs, à savoir :
- Relation gagnant-gagnant;
- Relation basée sur la confiance;
- Relation basée sur la transparence;
- Relation basée sur le partage équitable des
risques et des bénéfices;
- Relation basée sur le respect mutuel.
Ensuite, ils seront interrogés sur leur conception du
mode de règlement des différends à travers leur pratique
du mode usuel et de leur expérience vécue avec un mode
alternatif. Ceci permettra de confirmer le mode usuel employé tout en
dégageant les forces et les faiblisses d'un tel mode. On cherche
à savoir à travers des sondes dans quelle mesure les modes usuels
sont perçus comme :
- Négociation bipartite basée sur la
normalité juridique;
- Volonté du donneur d'ouvrage de garder le contrôle
du processus;
- Démarche quasi-judiciaire.
Par après, les acteurs seront questionnés sur les
forces des modes usuels afin de cueillir les
données pour les variables suivantes : - Rapport de
forces favorable; - Validation des clauses contractuelles;
- Justification de la décision auprès du corps
social;
- Dissipation de toute apparence de conflit
d'intérêts;
- Transparence.
Ils seront également questionnés sur les faiblesses
des modes usuels afin de savoir dans quelle mesure ils sont motivés
à instaurer de nouveaux modes de règlement des différends
: - Problèmes d'accès à la justice;
- Délais longs;
- Coûts élevés;
- Brisure entre droit et morale;
- Brisure entre droit et valeurs partenariales;
- Rupture de la relation d'affaires pour cause de faillite du
partenaire;
- Détérioration de la relation d'affaires.
D'autre part, il est important de connaître, à
travers leur expérience vécue, les attentes des acteurs par
rapport aux modes alternatifs. Ainsi, à travers leurs attentes, on peut
lire l'écart entre la médiation présentée par le
cadre de référence et leur compréhension de ce mode de
règlement des différends tel que :
- Définition du conflit;
- Mode contraignant ou non contraignant;
- Mode confidentiel.
En plus, il est important de connaître les attentes des
acteurs clefs par rapport au médiateur et par rapport au rôle
qu'il doit jouer. De la sorte, on peut indirectement voir l'écart
entre leur conception et le cadre théorique proposé. Ces
attentes peuvent concerner par exemple :
- Un agent de changement;
- L'obligation de résultats;
- Demeurer crédible et impartial;
- Gérer l'échange d'information;
- Quelqu'un du métier;
- Intervention accrue;
- Maitre d'oeuvre du processus.
Ensuite, la perception des acteurs sera identifiée
à travers leur satisfaction et leur déception à
l'égard de l'expérience vécue, ce qui donne une
idée du degré de connaissance du mode de la médiation
proposé par le cadre conceptuel. Des éléments tels que les
suivants seront pris en compte :
- Flexibilité du processus permettant aux parties de
choisir quelqu'un du métier; - Absence de contrainte du processus;
- Présence d'un tiers neutre changeant la dynamique et
aidant à trouver une solution;
- Médiateur intervenant;
- Présence d'un tiers extérieur au conflit;
- Réflexion sur le conflit.
Ainsi, leurs conception par rapport au processus et au
médiateur vont contribuer à mesurer les écarts des
variables de recherche présentées avec le cadre conceptuel.
En dernier lieu, les acteurs principaux seront
questionnés sur leur perception relative à la dynamique entre le
partenariat et le mode de règlement des différends. Il est
capital, pour le projet de recherche, de savoir si les acteurs
considèrent l'existence d'une relation entre le partenariat
prôné par Hydro-Québec et le mode de règlement des
différends. Ainsi, la nature de cette relation vue par les
décideurs sera très utile pour comprendre l'écart
constaté.
Pour faire la lumière sur la position de l'entreprise,
sept acteurs clefs ont été identifiés, pour l'entrevue
semi-dirigée, en raison de leur position dans les unités
principales qui sont les plus concernées par la politique
d'approvisionnement et les règlements des différends issus des
contrats entre Hydro-Québec et ses fournisseurs. D'abord, un cadre
supérieur de la Direction projets de production a
été rencontré en raison de sa vaste expérience dans
la gestion de la construction des projets majeurs et des conflits commerciaux
vécus avec les entrepreneurs fournisseurs de moyenne et grande
envergures. Ensuite, un acteur important de la Direction Acquisition a
été ciblé pour connaître les intentions de cette
Direction, responsable de l'encadrement de l'approvisionnement, dans sa
politique de partenariat avec les fournisseurs. Par après, un
décideur du premier niveau de la SEBJ a été
rencontré en raison de son expérience passée dans le
secteur privé et de son vécu à la SEBJ dans la gestion des
projets majeurs de constructions hydroélectriques à la
Baie-James. Puis, un cadre du premier niveau de la Direction Transport
a été sollicité pour obtenir son opinion, suite à
sa longue expérience dans la réalisation des projets de transport
à la Société d'état.
Il était également utile de questionner un
responsable de l'unité administration des contrats qui se trouve en
première ligne dans la mise en oeuvre des politiques avec les
encadrements établis. Son point de vue est très utile pour avoir
l'heure juste quant aux forces et faiblesses des politiques pratiquées.
Un cadre influent du premier niveau de la Direction Contrôle de
Gestion, a également été choisi afin d'obtenir des
informations sur les intentions de cette unité administrative
chargée d'encadrer et de contrôler la pratique de gestion au
groupe HQE/SEBJ. Enfin, un juriste de l'Unité Affaires juridiques
a été sélectionné pour l'entrevue afin de
profiter de sa grande expérience vécue dans les règlements
des conflits provenant des activités de construction des projets
d'Hydro-Québec.
En résumé, tous ces acteurs sont des membres du
comité de gestion de la haute direction HQE/SEBJ et sont les principaux
décideurs dans la politique d'approvisionnement d'Hydro-Québec et
la relation avec les fournisseurs, ce qui fait que leurs opinions contribueront
de façon significative à répondre à la question de
recherche posée au départ.
Cette recherche se divise en trois sections. Le premier
chapitre vise d'abord à préciser le contexte et à
présenter en détail le cadre conceptuel du sujet. Le
deuxième chapitre est consacré à la présentation
des données qualitatives recueillies sur le terrain par les entrevues
semi-dirigées. Le troisième chapitre porte sur l'analyse,
l'interprétation et l'explication de ces données à travers
le cadre théorique afin de répondre à la question de
recherche. Une brève conclusion clôturera l'ensemble du travail
réalisé dans ce projet de recherche.
CHAPITRE 1 LE PARTENARIAT D'AFFAIRES ET LA
MÉDIATION CIVILE ET COMMERCIALE (CADRE CONCEPTUEL DE
RÉFÉRENCE)
Ce chapitre vise principalement à définir le
cadre conceptuel utilisé dans ce projet de recherche et à
dégager les variables à mesurer in situ par les
entrevues semi-dirigées, tout en répondant à la
première question spécifique de recherche. En premier lieu, il
est important de préciser le contexte dans lequel les activités
d'approvisionnement d'HydroQuébec se développent afin de
comprendre l'évolution de la politique d'acquisition de la
société d'état. En deuxième lieu, on
présente le concept du partenariat d'affaires tel que décrit par
la littérature de gestion et par les divers documents
d'Hydro-Québec. En troisième lieu, on expose la nature de la
médiation préconisée comme mode de règlement des
différends dans une relation de partenariat. Enfin, une réflexion
sera faite sur la relation entre le partenariat et le modèle de
médiation proposée en vue d'élucider la première
question spécifique de recherche, à savoir : Au point de vue
théorique, y a-t-il un lien nécessaire entre le partenariat et la
médiation, et si oui, pour quelle forme de médiation?
1.1 Le contexte du marché de l'approvisionnement
d'Hydro-Québec
Hydro-Québec est une société
d'État à vocation commerciale, mandatée38 par
le Gouvernement du Québec pour assurer principalement
l'approvisionnement de l'ensemble de la collectivité
québécoise en énergie électrique. Pour remplir sa
mission, la Société d'État a choisi de développer
et de mettre en valeur les ressources énergétiques sur le
territoire du Québec. À cet effet, elle est supportée par
deux filiales, soient Hydro-Québec Équipement et la
Société d'Énergie de la Baie-James39
communément appelée S.E.B.J. et dont la mission est de
réaliser les projets d'ingénierie et de construction des
aménagements de production hydroélectriques et du transport
électrique au Québec. Ces deux divisions sont mandatées
pour réaliser les grands projets de constructions qui totalisent environ
deux milliards de dollars par année40. Ces deux entreprises,
maîtres d'oeuvre des projets de construction d'Hydro-Québec,
doivent se maintenir à la fine pointe de la technologie en
38 Québec, Gouvernement du Québec.
Loi sur Hydro-Québec, L.R.Q., chapitre H-5, Article 3.1.1.
« La Société est, pour les fins de la présente loi,
un mandataire de l'État et l'a toujours été depuis le 14
avril 1944».
39 Ibid., Article 39.1,
Objets de la Société d'Énergie de la Baie-James.
40 Hydro-Québec (2006) Plan
stratégique 2006-2010, Montréal.
recherchant constamment des solutions pour réduire les
coûts et les délais des travaux, tout en procurant à
Hydro-Québec des équipements performants41. Ainsi, les
projets sont réalisés en étroite collaboration avec les
partenaires de l'industrie et du milieu, selon des critères de
rentabilité et d'intégration au point de vue social et
environnemental42.
C'est dans cette optique qu'Hydro-Québec annonce
demeurer au service du Québec et qu'elle est résolument
tournée vers l'avenir pour créer de la richesse dans un
partenariat profitable avec les fournisseurs et l'ensemble de la
collectivité. D'ailleurs, cette volonté est clairement
annoncée par la vision que la société d'état s'est
donnée pour exprimer ses valeurs et ses orientations
stratégiques. À cet effet, Hydro-Québec déclare
« Par notre vision, nos valeurs et les principes énoncés
dans nos politiques, nous voulons témoigner de notre volonté
d'être une entreprise dynamique, à l'avant-garde sur le plan
technologique et au coeur des grands changements qui marqueront
l'évolution de notre industrie et de notre société
>>. 43
Cela fait en sorte qu'aujourd'hui, Hydro-Québec se
trouve directement concernée par la volatilité du marché
d'approvisionnement de ses équipements où elle doit gérer
le risque de pénurie qui se pointe désormais à l'horion.
Cet enjeu préoccupe les acteurs d'affaires nationaux par les
activités de construction importantes dans l'ouest canadien, en raison
du boom pétrolier d'Alberta qui draine des ressources importantes
provenant d'autres provinces. Dans sa chronique dans
ledevoir.com,
édition du lundi 28 août 2006, Éric Desrosiers
écrit :
« En regardant l'Alberta, c'est l'avenir du Canada que
l'on regarde, affirmait la semaine dernière le Globe and Mail dans un
dossier sur le sujet. Pas que les chapeaux de cow-boys seront bientôt
à la mode à Montréal, ni que
l'Île-du-PrinceÉdouard abandonnera la culture de la pomme de terre
pour l'exploration pétrolière. C'est plutôt de
pénurie de main-d'oeuvre qu'il est question.>>
Ainsi, le vieillissement de la population
québécoise et le départ massif à la retraite des
baby-boomers sont aujourd'hui une réalité inquiétante pour
l'ensemble de l'industrie de la construction au Québec. Selon le
magazine de l'association de l'industrie électrique du Québec
CHOC, depuis quelques années, la pénurie de main-d'oeuvre est un
sujet chaud qui
41 Montréal, Hydro-Québec (s. d.) Site
d'Hydro-Québec, [En ligne]
http://www.hydroquebec.com/profil/
hqequipement.html.
42 Ibid.
43 Montréal, Hydro-Québec (s. d.) Site
d'Hydro-Québec, [En ligne] http://www.hydroquebec.com/
publications/fr/politiques/index.html.
préoccupe plusieurs employeurs44. À
cet effet, Louis St-Arnaud, président directeur général
d'Arno électrique, un important partenaire fournisseur
d'Hydro-Québec, souligne45 que le nombre de monteurs de ligne
inscrit à la CCQ est passé de 1300 qu'il était en 1994
à environ 600 en 2003, ce qui fait que la pénurie de
main-d'oeuvre dans ce secteur constitue un véritable casse-tête
pour les entrepreneurs québécois. Aussi, les acteurs
internationaux de l'industrie où évolue Hydro-Québec ne
sont pas en reste et sont inquiets de la disponibilité de fournisseurs
qualifiés et spécialisés et de l'augmentation des
coûts de la fourniture d'équipements électriques majeurs en
raison de la fulgurante croissance des pays émergents (Les BRIC), le
Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Par ailleurs, une étude de
KPMG LLP46, publiée le 22 mars 2007, révèle
qu'une pénurie grave d'entrepreneurs qualifiés constitue la
barrière principale au développement de nouveaux projets de
construction. À ce sujet, Richard Whittington de KPMG LLP au Royaume-Uni
témoigne que de plus en plus de sociétés cherchent
à s'attaquer à la pénurie de travailleurs
qualifiés.
C'est dans un tel contexte qu'Hydro-Québec est
appelé à réaliser ses projets annoncés dans son
plan stratégique afin d'assurer son développement et satisfaire
la demande croissante de ses clients. Pour faire face aux défis
posés par un tel contexte, plusieurs penseurs préconisent de
nouvelles relations d'affaires entre les donneurs d'ouvrage et leurs
fournisseurs. Choisir leurs fournisseurs strictement en fonction de leurs prix
et de leur capacité à respecter les engagements est une approche
qui va à contre-courant des tendances de l'heure47 : «
Il ne faut plus penser aux fournisseurs comme à des entités
interchangeables. Partout dans le monde, on évolue vers une logique de
collaboration à long terme >>48. Dans le même
sens, Philipe Hoste, chef de la direction de Sonaca NMF Canada, un fournisseur
d'importants clients comme Bombardier, s'interroge sur la question en disant :
« Pourquoi moi, un fournisseur, me lancerais-je dans certains
développements, si dans un an le couperet risque de
m'éliminer?49 >>. D'un autre côté,
monsieur PierreAndré Julien, professeur émérite à
l'Institut de recherche de l'Université du Québec à
Trois-Rivières, mentionne que l'entreprise intelligente est celle qui
choisira ses
44 CHOC, magazine 23, no.1, Juin 2005.
45 Ibid. Louis St-Arnaud. La construction des
ouvrages énergétiques et la pénurie de main-d'oeuvre
spécialisée.
46 KPMG International, 22 mars 2007. C'est un
réseau de cabinets belges indépendants qui fournissent des
services en matière d'audit, de fiscalité et de conseils
financiers. Il est présent dans 148 pays avec plus de 113 000
professionnels.
47 Les
affaires.com,
1er décembre 2007, Fournisseur et partenaire.
48 Ibid. Mehran Ebrahimi, professeur au
Département de management et de technologie de l'UQAM.
49 Ibid.
fournisseurs en tenant compte de la richesse d'information et
d'expertise qu'ils peuvent lui apporter, et tâchera d'en faire des
partenaires dans son activité de veille stratégique50.
Ainsi, cette démarche ouvre la porte à un véritable
partenariat d'affaires et s'inscrit dans une philosophie de collaboration
à long terme entre l'acheteur des biens et services et ses
fournisseurs.
Dans un tel contexte, Hydro-Québec a annoncé, le
13 août 2004, dans les principes généraux de ses
politiques, que le coût le plus avantageux remplacera désormais le
moindre coût. Car le choix systématique du plus bas
soumissionnaire s'est souvent soldé par des coûts afférents
importants pour Hydro-Québec, notamment au niveau des frais
d'exploitation.
Par ailleurs, la société d'État
évolue dans un contexte qui est déterminé par la cadre de
la Loi sur la Régie de l'énergie, par ses engagements envers ses
clients, par l'environnement compétitif des marchées de
l'énergie et par les politiques de son actionnaire principal, le
gouvernement du Québec. Aussi, Hydro-Québec occupe une place du
premier plan sur la scène québécoise. Cela tient à
la fois au caractère essentiel du service qu'elle fournit, à
l'ampleur de son réseau et au rôle important qu'elle joue dans la
création de la richesse et dans le développement
économique du Québec. Pour remplir sa mission, la
société d'État opère dans un contexte
réglementaire et elle est soumise à des enjeux sociaux,
économiques et technologiques qui sont en perpétuelle
mutation.
1.2 Le partenariat, un choix stratégique dans la
politique d'approvisionnement d'Hydro-Québec
Pour bien saisir le sens du partenariat visé par cette
recherche, il est important de savoir qu'il existe deux types de partenariat
d'affaires : le partenariat d'alliance horizontale comme celle signée
entre Hydro-Québec et les Cris de la Baie-James et le partenariat
d'alliance verticale, client-fournisseur, comme celle qui existe entre
Hydro-Québec et son fournisseur. C'est ce dernier type de partenariat
qui est l'objet d'examen dans cette étude. Le partenariat
client-fournisseur est défini comme étant l'organisation, voulu
optimale, des relations d'affaires de deux sociétés
décidant de travailler ensemble dans la durée, l'une
50 Ibid.
vendant la marchandise qu'elle produit, et l'autre la lui
achetant pour la transformer ou la consommer51. Le partenariat
client-fournisseur est donc une relation d'affaires verticale
privilégiée qui se définit selon l'association
française de normalisation AFNOR comme étant « Un
état d'esprit rendant possible la création entre partenaires de
relations privilégiées, fondées sur une recherche en
commun d'objectifs à moyens termes, menées dans des conditions
permettant d'assurer la réciprocité des avantages ». Ainsi,
le partenariat bouleverse les relations classiques basées sur les
rapports de force entre un grand donneur d'ouvrage et un fournisseur. Cette
relation traditionnelle des jeux à somme nulle52, où
une entreprise gagne ce que l'autre perd, n'est plus d'actualité dans le
monde des affaires d'aujourd'hui.
La littérature managériale d'aujourd'hui accorde
plus d'importance au partenariat défini par Lambert et al. (1996),
à savoir :
« Une relation d'affaire bâtie sur mesure qui
repose sur la confiance mutuelle, l'ouverture, le partage des risques et des
bénéfices et dont l'objectif est de procurer un avantage
concurrentiel résultant d'une meilleure performance d'affaires que ce
qu'auraient pu obtenir individuellement les partenaires. »53
Certes, cette conception du partenariat a été la
source d'inspiration des décideurs d'HydroQuébec dans leur
réflexion sur le mode d'acquisition pour faire face aux défis
croissants imposés par le marché dans lequel la
Société d'Etat évolue.
Pour remplir sa mission, Hydro-Québec se trouve
confrontée à un défi de taille. D'une part, elle doit
assurer une bonne gestion du denier public et des biens communs, et d'autre
part, elle doit se comporter comme un bon citoyen corporatif en favorisant le
développement au Québec d'une infrastructure industrielle
spécialisée capable de fournir des biens et services
indispensables à la réalisation de sa mission fondamentale.
Projeter une bonne image corporative est essentiel pour la
société d'Etat, car de plus en plus elle a besoin de
l'approbation du corps social pour faire accepter ses projets de
développement lors des audiences publiques.
51 Christophe Leclercq, Xavier Leclercq (1993).
Gestion stratégique de la concurrence en temps de crise, Le
partenariat, une stratégie de la relation client-fournisseur.
Editions Maxima, ISBN 284001445.
52 Carole Donada et Alex Kesseler (1997).
Partenariat : Mythes et réalité pour les fournisseurs. Etude
empirique dans l'industrie automobile. France, Centre de recherche en
gestion.
53 Frank Brulhart et Christophe Favreau (2003). Les
modes de coordination et d'organisation des partenariats, XIIème
Conférence de l'Association internationale de management
stratégique, Les Côtes de Carthage, France.
À cet effet, la société d'État a
senti le besoin de se rapprocher davantage de la communauté et de
développer une relation de partenariat, avec le milieu et avec ses
fournisseurs, basée sur le respect mutuel, la transparence et un partage
équitable et durable des risques et des bénéfices. Cette
politique est définie par un document54 intitulé
Le partenariat avec les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant
où le directeur principal approvisionnement et services, M. Philippe
Biron, déclare : « Hydro-Québec, qui compte parmi les plus
importants acheteurs de biens et services du Québec, souhaite maintenir
des relations dynamiques et durables avec ses fournisseurs ».
Cette politique est motivée par le volume important
d'acquisition de biens et services d'une grande importance stratégique
pour Hydro-Québec et dont le marché est tenu par des fournisseurs
spécialisés, en nombre relativement restreint. Avec une telle
politique, la société d'État a une ferme volonté et
un intérêt particulier à favoriser le développement
au Québec d'une infrastructure industrielle spécialisée
capable de fournir des biens et services indispensables à la
réalisation de la mission fondamentale de l'entreprise. Cette forme de
partenariat est définie comme étant une relation d'affaires
durable basée sur la confiance mutuelle entre Hydro-Québec et un
partenaire qui unissent leurs efforts pour atteindre des objectifs
partagées55. Cette orientation a été
approuvée par le Conseil d'administration, le 1er octobre
199856, afin de confirmer l'engagement de l'entreprise envers ses
partenaires d'affaires en vue d'établir des relations «
basées sur le respect mutuel et un partage équitable et durable
des risques et des bénéfices »57.
En 2004, les acquisitions d'Hydro-Québec de biens et
services ont atteint 2 394 millions $ dont 94 % provenait des fournisseurs
établis au Québec58. À cette fin, la
société d'État a établi des partenariats pour
assurer le déroulement harmonieux de ses projets et de ses
activités59. Les achats des biens et services prévus
pour la période 2006-2010 sont évalués à 10
milliards $ et les retombées sont estimées, en termes de
création d'emploi, à la création de 236 000
années-personnes en emplois directs et indirects60.
54 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec
les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant. Montréal,
Direction principale approvisionnement et services, ISBN2-550-33157-5,
98G027.
55 Ibid.
56 Hydro-Québec (1998). Conseil
d'administration, politique approuvée le 11 septembre 1998.
57 Ibid.
58 Hydro-Québec (2004). Rapport
annuel, page 52.
59 Ibid.
60 Hydro-Québec (2006). Plan
stratégique 2006-2010. Montréal.
En plus, Hydro-Québec annonce ses valeurs d'une
manière générale dans le Code de Conduite61
intitulé Nos valeurs, notre responsabilité. Ainsi, la
Société d'État annonce : « Agir avec
intégrité, c'est, par exemple : éviter tout conflit
d'intérêts et toute apparence de conflit d'intérêts;
faire preuve de transparence en toute circonstances >>62. Dans
un autre chapitre, elle annonce qu'il faut traiter avec équité et
courtoisie ses clients, fournisseurs et partenaires : « Cultiver de bonnes
relations avec les clients, fournisseurs et partenaires de l'entreprise;
considérer nos fournisseurs et partenaires comme des alliés
essentiels; traiter les clients, fournisseurs et partenaires avec
équité.>>63 Bref, les principes directeurs et
les valeurs partenariales déclarés par Hydro-Québec
s'articulent autour des objectifs communs partagés, d'une relation
gagnant-gagnant, dynamique, durable, créatrice de valeur, basée
sur la confiance, la transparence et l'intégrité, le partage des
risques et des bénéfices, l'équité et le respect
mutuel.
Une relation guidée par des objectifs communs
partagés : Selon Hydro-Québec, le partenariat est une relation
d'affaires entre la société d'État et un partenaire, qui
unissent leurs efforts pour atteindre des objectifs partagés. Dans la
plupart des cas, la réussite d'un projet de construction ou d'un
développement technologique performant constitue des désirs
communs partagés. Ainsi, la réussite d'une percée
technologique assure à HydroQuébec des équipements
performants, à la fine pointe de la technologie, lui permettant de bien
accomplir sa mission et de satisfaire ses clients; en même temps, cela
permet aux fournisseurs de conserver un marché stable à
Hydro-Québec et d'être en bonne position pour
pénétrer de nouveaux marchés. À titre d'exemple, on
peut évoquer le développement et la mise en oeuvre du
système de déglaçage, des lignes électriques de
haute tension, pour faire face à une éventuelle tempête de
verglas comme celle qui a plongé le Québec dans le noir pour
plusieurs jours en 1998. La réussite de ce projet assure à la
société d'État une bonne protection de son réseau
et permet au fournisseur d'exporter cette nouvelle technologie dans tous les
pays nordiques dont le réseau est soumis aux mêmes conditions
climatiques que celui d'Hydro-Québec. Bref, la réussite de
n'importe quel projet est toujours bénéfique autant pour le
client que pour le fournisseur.
61 Hydro-Québec (2006). Code de Conduite
2006, Nos valeurs, notre Responsabilité, Groupe Affaires
corporatives et Secrétariat général, Bibliothèque
et Archives nationales du Québec, ISBN 2-550-47189-X, ISBN
2-550-47190-3, (PDF) 2006G035.
62 Ibid. page 5.
63 Ibid. page 20.
Relation gagnant-gagnant : Il s'agit d'une relation
(Win-Win Game) où chaque partenaire, en plus de veiller
à ses propres intérêts, se préoccupe aussi des
intérêts de l'autre partenaire dans le but d'augmenter les gains
de chacun. Cette relation se traduit concrètement par le fait
qu'Hydro-Québec offre à son partenaire une part importante de son
marché; elle peut aussi proposer d'assumer une certaine partie de la
contribution aux investissements requis64 pour la recherche et le
développement d'équipements de haute technologie. En
contrepartie, le partenaire offre l'assurance des meilleurs coûts et de
la sécurité d'approvisionnement des produits performants sur un
horizon de temps défini.
En plus, dans une relation du partenariat, Hydro-Québec
et son fournisseur utilisent la complémentarité de leurs
expertises et compétences pour développer de nouveaux produits et
de nouvelles conceptions d'ouvrage. Ainsi, la société
d'État offre son expérience d'exploitation et de gestion
intégrale de projets alors que le partenaire contribue par son
savoir-faire en fabrication et en mise en oeuvre des ouvrages. Ceci assure
à Hydro-Québec des fournisseurs disponibles et compétents
pour réaliser ses projets et, au fournisseur, en plus du marché
de son partenaire, une meilleure solidité pour affronter la concurrence
et pénétrer de nouveaux marchés dans son domaine
d'activités. De sorte qu'Hydro-Québec et certains de ses
principaux fournisseurs oeuvrent conjointement à la réalisation
de divers projets depuis les années 60. La mise en commun de leurs
intérêts conduit au développement d'une infrastructure
industrielle spécialisée et diversifiée au
Québec65 et au développement de firmes de
génie-conseil d'une renommée mondiale.
Relation dynamique : La société d'état
désire maintenir avec ses fournisseurs une relation dynamique flexible
en mesure de s'adapter à tous les contextes66 où les
façons de faire évoluent continuellement. Hydro-Québec
considère le partenariat comme une démarche dynamique et
évolutive. À cet effet, elle réalise des activités
de balisage (Benchmarking) afin de s'assurer que ses pratiques
demeurent à la fine pointe de meilleures façons de
faire67. Elle considère que c'est tout à l'avantage de
ses clients et de ses partenaires fournisseurs de vérifier la position
des produits émanant du partenariat par rapport au marché. Aussi,
la société d'État attend de son partenaire une vision
compatible et une
64 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec
les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant. ISBN 2-550- 33157-5,
98G027.
65 Ibid. page 2.
66 Ibid.
67 Ibid.
capacité d'adaptation au changement et l'engagement dans
un processus d'amélioration continue68.
Relation durable : Hydro-Québec propose à ses
fournisseurs une relation d'affaires privilégiée durable, car
elle considère que l'engagement réciproque entre le donneur
d'ouvrage et le fournisseur va de pair avec le travail à long
terme69. Le contexte et la nature des activités conduisent la
société d'État à optimiser le nombre de ses
fournisseurs et à entretenir des relations d'affaires étroites et
à long terme avec ces derniers : << On ne sait pas ce que nous
réserve l'avenir, mais des relations d'affaires
privilégiées et à long terme constituent le meilleur moyen
d'en tirer parti »70. Ainsi, dans une telle relation, les deux
partenaires ont la même volonté de travailler sur un horizon
à long terme. L'engagement mutuel doit s'étendre sur une
période de temps suffisamment longue pour assurer l'atteinte des
objectifs partagés71, ce qui fait en sorte que les deux
partenaires sont assurés que le courant d'affaires ne sera pas remis en
cause facilement et, conséquemment, cette certitude conditionne la
réalisation d'une bonne partie des avantages attendus72.
Relation créatrice de valeur : La relation de
partenariat n'est envisageable que si elle représente aussi une valeur
ajoutée potentielle73 au sujet de la réduction du
coût global, de l'amélioration de la qualité ou de l'apport
au développement technologique. En effet, la connaissance, pierre
angulaire de l'innovation technologique, est un élément
primordial dans le développement d'Hydro-Québec, ce qui fait que
la création de valeur s'appuie sur l'apprentissage dans les
échanges de connaissance entre la société d'État et
son fournisseur partenaire. D'ailleurs, les auteurs Blankenburg, Holm, Erikson
et Johanson voient la création de valeur issue d'une relation
partenariale comme étant la conséquence d'échanges mutuels
entre le client et le fournisseur. Abordant dans le même sens, un groupe
de chercheurs français en management stratégique des achats
déclare : << Une vision trop financière de la
compétitivité ignore les complémentarités
interentreprises et les synergies
68 Ibid.
69 Ibid.
70 Ibid. page 3.
71 Ibid. page 9.
72 Christophe Leclercq, Xavier Leclercq (1993).
Gestion stratégique de la concurrence en temps de crise, le
partenariat, une stratégie de la relation client-fournisseur,
Éditions Maxima, ISBN 284001445.
73 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec
les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant, Montréal :
Direction principale approvisionnement et services, ISBN2-550-33157-5,
98G027
qui en découlent >>74. Ce qui veut
dire qu'il existe des opportunités importantes de création de la
valeur au sein de la relation partenariale client-fournisseur par les
apprentissages croisés qui émanent de leur coopération. En
effet, le partenariat d'affaires client-fournisseur semble répondre aux
enjeux actuels des entreprises75 en dépassant le «
sacro-saint triptyque "coût-délai-qualité" >> pour se
concentrer sur la sélection et l'articulation des compétences
client-fournisseur.
Une relation basée sur la confiance : D'après
Bennis76, « la confiance est l'huile qui fait tourner en
douceur les rouages de l'organisation >>. Cette citation peut s'appliquer
autant sur l'organisation que sur la relation du partenariat. En effet, la
confiance est au centre des relations d'affaires entre Hydro-Québec et
ses fournisseurs : « Le partenariat est une relation d'affaires durable
basée sur la confiance mutuelle entre Hydro-Québec et un
partenaire >>77. La société d'État
considère que les mécanismes de gestion du partenariat sont
essentiels pour évaluer l'atteinte des objectifs visés,
identifier les réajustements nécessaires et assurer
l'évolution du partenariat lors de changements contextuels. En plus, ils
assurent et renforcent la confiance mutuelle, condition essentielle au
succès d'un partenariat d'affaires78. Brulhart et
Favreau79 abondent dans le même sens en affirmant que la
littérature managériale, dans sa grande majorité, accorde
à la confiance un rôle primordial en la plaçant au sommet
de la hiérarchie des facteurs clés de succès du
partenariat. La confiance est ainsi considérée comme la pierre
angulaire, le socle sur lequel s'appuie et se développe toute relation
de partenariat entre un client et un fournisseur (Lorentz, 1988; Beaudry, 1992;
Nooteboom, 1996; Ring et Van de Ven, 1994)80. De même,
Brousseau et al (1997) définit la confiance dans une relation de
partenariat comme étant « la croyance dans un certain degré
de bonne volonté du partenaire, la conviction qu'il tiendra compte dans
ses actes des intérêts de l'autre partie >>. Aussi, la
confiance est
74 DESMA (2005). Desrouene A., Dreano V., Gauvrit R.,
Le Coz Y., Romano F. et Thomas Reverdy,
La création de la valeur dans la relation
client/fournisseur, IAE de Grenoble, France, Université Pierre
Mendès (Recherche collective).
75 Ibid. Conclusion de l'étude.
76 Warren Bennis (2008). Tiré d'une
conférence à Hydro-Québec le 27 février 2008 sur la
confiance. Il s'agit d'un résumé du livre « Speed of Trust
>> de Stephen M. R. Covey. M. Bennis est un universitaire
américain, professeur à l'université de Southern
California.
77 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec
les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant, Montréal :
Direction principale approvisionnement et services, ISBN2-550-33157-5,
98G027.
78 Ibid.
79 Frank Brulhart et Christophe Favreau (2003).
Les modes de coordination et d'organisation des partenariats,
XXIIème Conférence de l'association internationale de management
stratégique, Les Côtes de Carthage. 3, 4, 5 et 6 juin 2003.
80 Ibid.
présentée par Trousseau (1994) comme
étant un substitut aux formes contractuelles classiques
considérées comme génératrices de coûts de
transaction et d'inefficience organisationnelle. Brousseau (2000)81
renchérit en laissant entendre que l'opposition entre le partenariat et
la relation classique client-fournisseur conduit à des recommandations
normatives simplistes et radicales : « Le praticien doit choisir entre la
logique de confiance assise sur la négociation permanente, informelle et
empathique et celle de la méfiance basée sur la
contractualisation et la gestion procédurière d'une relation
conflictuelle »82.
Relation basée sur la transparence :
Hydro-Québec instaure des moyens de communication clairs83
pour gérer ses relations de partenariat. Une communication
adéquate assure le maximum d'échanges d'information pour ne pas
perdre de vue les objectifs fixés en commun. Ainsi, la transparence dans
les affaires d'Hydro-Québec est une préoccupation majeure en
raison du statut de l'entreprise comme société d'État
québécoise, de sorte qu'elle se trouve responsable, d'une
certaine façon, de la gestion des deniers publics et du bien commun. Par
conséquent, elle est appelée à gérer la chose
publique en bon père de famille84, car les administrateurs de
la société d'État représentent les
intérêts de la collectivité.
Compte tenu du degré de confiance que le public leur
témoigne et des lourdes responsabilités qui se rattachent
à l'administration de la chose publique, les administrateurs de la
société d'État se sentent le devoir de baser leurs
interventions sur un sens plus aigu des valeurs morales qui guideront leurs
actions. Il est tout à fait normal que les administrateurs doivent se
conformer à des codes d'éthique qui, pour un simple citoyen,
seraient très sévères85. En plus, les
administrateurs des fonds publics sont imputables devant l'Assemblée
nationale de leur gestion administrative86. Donc, ils doivent
exercer leurs fonctions avec transparence et intégrité totale.
Enfin, Hydro-Québec peut être appelée
81 Brousseau E. (2000). Confiance ou contrat,
confiance et contrat, dans Aubert F., Sylvestre J-P., Confiance et
rationalité, INRA.
82 Ibid.
83 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec
les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant. Direction principale
approvisionnement et services, ISBN2-550-33157-5, 98G027.
84 Cooper, Terry L. (1991). An Ethic of
Citizenship for Public Administration, Enblewood Cliffs, Prentice Hall.
Plamondon, Jacques A. (2002). Fonder l'éthique de
l'administration publique, dans Télescope, ENAP, vol. 9,
no 1, Québec.
85 Cour suprême du Canada (1996). R. C. Hinchey,
3 R.C.S. 1128 (Juge L'Heureux-Dubé), Canada.
86 Loi sur l'Administration publique du
Québec, L.R.Q., chapitre A-6.01, Article 29.
à tenir compte de la politique du gouvernement du
Québec en matière de marchés publics87.
Par ailleurs, une étude88 menée par
le Groupe CGI en 2006 conclut que pour établir un partenariat
mutuellement avantageux, il est indispensable de créer un environnement
où dominent la confiance et la transparence. En plus, cette étude
montre que lorsque deux entreprises s'engagent dans une relation de partenariat
centrée sur les gains réciproques, les mécanismes de
reddition de comptes doivent forcément mettre l'accent sur la
transparence, de sorte que les deux partenaires s'engagent à manifester
beaucoup d'ouverture et de transparence dans leur communication.
Relation basée sur le partage équitable des
risques et des bénéfices : Par sa politique intitulée
Nos partenaires d'affaires, en vigueur le 1er octobre 1998
et approuvée par le Conseil d'administration le 11 septembre 1998,
Hydro-Québec s'engage envers ses partenaires d'affaires à
établir des partenariats basés sur un partage équitable et
durable des risques et des bénéfices. Cette volonté de
partage de risque est motivée par le fait qu'il est rare de pouvoir se
lancer dans des innovations technologiques ou de mettre en oeuvre des projets
complexes et d'envergure sans courir certains risques d'affaires. En effet, ces
éléments de risque peuvent être associés à
une pénurie possible de la main-d'oeuvre qualifiée, à la
fluctuation des prix de la matière première, au succès ou
à l'échec dans le développement des nouvelles technologies
et aux fluctuations des marchés financiers qui influencent les
coûts de financement des composantes du projet avant sa mise en service.
Il ne faut oublier non plus le risque relatif aux conditions du chantier et du
terrain lors de la construction d'un projet. Nous n'avons qu'à penser
aux données géotechniques qui comportent souvent un certain
degré d'incertitude quant à l'état réel
rencontré lors de la mise en oeuvre des projets.
Relation basée sur le respect mutuel : Selon le
professeur Legault, le respect est l'actualisation de la dignité qui est
considérée comme la valeur la plus importante de chaque
être humain. Et on peut en dire autant pour les entreprises, car la
dimension humaine est au coeur de toute relation d'affaires. À cet
effet, Hydro-Québec annonce dans
87 Québec, Québec, Loi sur
l'administration publique du Québec, L.R.Q., chapitre A-6.01,
article 61.
88 Groupe CGI inc. (2006). Impartition : Etude
technique, comment forger des partenariats gagnants en fondant la relation
client-fournisseur sur des principes directeurs, Montréal.
sa politique qu'elle s'engage à reconnaître et
à respecter le degré d'autonomie conféré par
l'entente de partenariat convenue89. De la sorte, cela revêt
une importance particulière de respecter la culture de gestion propre
à chaque entreprise au lieu de tenter à tout prix d'imposer la
culture du client au fournisseur.
Enfin, il est tout à fait naïf de croire que le
partenariat d'affaires se déroule sans différends malgré
tous les principes et valeurs vertueuses mises de l'avant par ce genre de
relation d'affaires. À cet égard, Jean-Philippe
Neuville90, docteur de l'Institut d'études politiques de
Paris, déclare que les mots sont convergents et le message
inlassablement répété : les entreprises sont
désormais des « partenaires » amenés à «
coopérer » sur la base de la « confiance » pour
satisfaire un « intérêt partagé » et sortir
« gagnant-gagnant ». « Les chefs d'entreprise seraient-ils
devenus adeptes du mouvement New Age? », demande-t-il. Pas si
sûr, répond-t-il.
Se basant sur son expérience d'observation en
profondeur des pratiques partenariales dans l'industrie automobile
européenne, il a constaté l'existence d'un écart qui
sépare la pratique du discours politiquement correct et il
révèle les paradoxes d'une coopération où les
intérêts individuels persistent. Il ajoute que, lors de son
étude, un des fournisseurs lui disait que « dans un partenariat, il
y a le "partenarieur" et les "partenariés" ». En effet, dans la
plupart des cas, le partenariat client-fournisseur s'apparente à un
contrat de travail qu'un donneur d'ouvrage possède avec ses
employés, de sorte qu'il existe une asymétrie des statuts entre
le client acheteur et son fournisseur, qui repose en quelque sorte sur une base
de subordination. Car, souvent, c'est le client donneur d'ouvrage qui organise
le partenariat, qui met en concurrence, qui évalue et sélectionne
les partenaires. Donc, il est tout à fait normal que derrière la
coopération qui cimente le partenariat se dissimulent, malgré
tout, des intérêts individuels parfois divergents. Cela fait en
sorte que le client acheteur cherche à se procurer des produits
performants tout en payant moins cher tandis que le fournisseur vise à
maximiser ses profits directs en augmentant les prix de ses prestations. Il
faut donc admettre que des différends peuvent surgir lors de la mise en
oeuvre d'une relation de partenariat. Ainsi, afin de protéger l'alliance
établie par les partenaires, il est important
89 Hydro-Québec (1998). Nos partenaires
d'affaires. Politique.
90 Jean-Philippe Neuville, maître de
conférences en sociologie à l'INSA de Lyon; il est chercheur
associé au Centre de sociologie des organisations (CNRS) et membre de
l'équipe de recherche ICTT centrée sur les NTIC; il est
également membre du comité de rédaction de la revue
Gérer & Comprendre, Annales des mines, Il était une fois le
partenariat, Réalités méconnues.
d'adopter un mode de règlement des différends
approprié en mesure de consolider le partenariat.
1.3 La médiation, un mode de règlement des
différends dans le cadre d'un partenariat
Avant de présenter le modèle de médiation
que nous considérons approprié pour régler les conflits
qui émanent d'une pratique partenariale entre un client et ses
fournisseurs, il est utile de présenter les insuffisances du mode usuel
qui consiste à résoudre le conflit par négociation sur
position ou selon le mode judiciaire. Ensuite, on dévoile les besoins
d'une alliance partenariale en matière de règlement des
différends commerciaux pour enfin situer le mode proposé avec
tout son potentiel.
1.3.1 Les insuffisances du mode usuel de règlement
des différends
La pénurie de main-d'oeuvre et de sous-traitants
spécialisés poussent les grands donneurs d'ouvrage à
former des alliances partenariales avec des fournisseurs de biens et services
stratégiques afin de sécuriser l'approvisionnement en produits
performants et à la fine pointe de la technologie. Pour la plupart des
grandes entreprises, cette relation de partenariat vertical client-fournisseur
est vue comme une relation gagnant-gagnant, durable, basée sur la
confiance mutuelle, l'équité et le respect91.
Comme les relations de partenariat d'affaires sont des sources
de conflits contractuels, les entreprises préfèrent régler
leurs différends par voie de négociation, et la voie judiciaire
n'est pas considérée que comme un dernier recours. Car avec les
expériences vécues en justice, on peut constater l'insuffisance
du Droit à satisfaire les attentes des entreprises acheteuses ou celles
de ses fournisseurs.
D'abord, le raté du système de justice se
manifeste par l'inégalité d'accès à la justice
entre le grand client et ses fournisseurs, ce qui va à l'encontre de
l'esprit d'équité mis de l'avant dans les valeurs
partenariales. Ainsi, dans un jugement célèbre relatif à
l'affaire Banque de
91 Hydro-Québec, Conseil d'administration,
Politique approuvée le 11 septembre 1998 et en vigueur le
1er octobre 1998.
Montréal c, Bail Ltée92, le
sous-traitant n'était pas en mesure de supporter les coûts du
procès ni d'attendre ce long délai pour régler le conflit
en question. Or, ce genre de situation a déjà été
révélé par la Juge Otis lorsqu'elle disait, dans un
reportage télévisé93 : << Qui peut,
aujourd'hui, se payer un procès? ». En conséquence, cet
acharnement judicaire, avec son débat juridique impitoyable, a
brisé à jamais les relations d'affaires entre HydroQuébec
et le fournisseur impliqué dans le procès. Il apparaît donc
que le judiciaire demeure insuffisant pour préserver les relations entre
les partenaires d'affaires.
Dans d'autres cas, le climat de confiance a cédé
la place à une atmosphère de méfiance entre les deux
parties condamnées à poursuivre ensemble la réalisation
d'un projet. Dans un tel climat où les gestionnaires sont rendus
à administrer le contrat comme un gendarme, la vie du chantier devient
insupportable tant pour les gestionnaires que pour les travailleurs oeuvrant
sur le site. Or, il est faux de prétendre que les conflits commerciaux
sont uniquement des litiges de position, car en général, la
dimension humaine est omniprésente dans toute relation d'affaires.
Ensuite, le raté du système réside dans
la brisure entre Droit et Morale de la communauté qui est en faveur de
la protection du plus faible contre l'abus de pouvoir qui peut être
exercé par le plus fort. De plus, le recours aux tribunaux contre un
petit fournisseur ne respecte pas la valeur partenariale
d'équité, ni la morale de la communauté, car le grand
donneur d'ouvrage risque d'être perçu par ses fournisseurs comme
un partenaire qui abuse de son rapport de forces pour faire plier le plus
petit. Il y a fort à parier que c'est cette insuffisance du Droit
à régler les différends commerciaux en respectant la
morale sociale qui a poussé la communauté des affaires et en
particulier le principal partenaire d'HydroQuébec, la ACRGTQ,
l'Association des Constructeurs des Routes et Grands Travaux du Québec,
à demander l'instauration d'une clause de médiation dans les
contrats d'HydroQuébec.
92 Cour Suprême du Canada (1992). Banque de
Montréal c. Bail Ltée, 1992-2 R.C.S. 554, Nos du
greffe 21748, 21747, Canada.
93 Georges A. Legault (2001) . Les modes de
règlement des différends: vers une autre << justice »?
Collection essais et conférences, document 11, les
Éditions G.G.C. Ltée, Université de Sherbrooke, ISBN
2-89444- 127-4.
Enfin, le raté du système judiciaire se trouve
dans le problème de brisure entre le Droit et les valeurs et
intérêts communs entre un client et ses fournisseurs : ce sont la
réalisation efficace du projet à réaliser,
l'équité, le partage de risque, la confiance, la satisfaction de
la clientèle et la dignité des personnes impliquées dans
le projet. À titre d'exemple, ce problème pourrait très
bien surgir lors de la réalisation d'un projet comme celui qui a trait
au système de déglaçage des conducteurs
réalisé par Hydro-Québec, pour faire face à une
éventuelle tempête de verglas. À cet effet, la
société d'État s'est associée à un
partenaire pour développer un système de déglaçage
des conducteurs de son réseau afin de prévenir à une telle
situation dans le futur. Après avoir développé le
système, un contrat a été signé entre
Hydro-Québec et un partenaire pour fabriquer, fournir et installer une
nouvelle technologie visant à protéger son réseau contre
l'accumulation des glaces sur les conducteurs électriques de haute
tension. Advenant qu'en cours de réalisation du contrat, le fournisseur
partenaire connaisse des difficultés l'empêchant de respecter le
contrat en cours, le donneur d'ouvrage dispose d'une clause de
pénalité et d'un engagement du fournisseur à livrer le
projet à une date précise et à un coût forfaitaire
ferme et global. Au point de vue légal, Hydro-Québec peut
appliquer la clause de pénalité pour le retard ou résilier
le contrat et appliquer le cautionnement d'exécution.
Le résultat débouchera sur le retrait du
fournisseur du projet sans être en mesure de trouver un remplaçant
capable de fournir le même système ou un équivalent pour
l'hiver en cours. Si une autre tempête de verglas se pointe l'hiver
suivant sans un tel système pour protéger le réseau, la
situation sera catastrophique pour tous. Donc, détenir un système
qui fonctionne pour le prochain hiver est l'objectif commun qui doit être
considéré avant les clauses normatives du contrat. À cet
effet, la norme juridique (le contrat) est insuffisante pour régler ce
différend, car elle risque de provoquer une brisure entre le Droit et
les valeurs et intérêts communs partagés.
D'une part, Hydro-Québec a intérêt
à ce que le fournisseur poursuive les travaux, car il lui est
très difficile de le remplacer, et d'autre part l'entrepreneur est
intéressé à poursuivre les travaux pour mettre en service
son système (innovation technologique) et prouver son efficacité,
ce que va lui permettre de l'installer partout au Québec et même
l'exporter dans les pays nordiques. En même temps, Hydro-Québec
est intéressée à posséder un système
efficace pour faire face à une éventuelle tempête de
verglas avant l'hiver prochain. Ainsi, une éventuelle décision
judiciaire basée uniquement sur le droit contractuel ne tiendra pas
compte des valeurs communes des partenaires tel que
l'équité, le partage de risque, la confiance et la satisfaction
de la clientèle (la population du Québec) qui n'est pas
prête à vivre une autre tempête de verglas. Ces valeurs ne
sont pas inscrites dans les clauses contractuelles et par conséquent
n'ont aucune valeur légale.
Pour conclure, le mode judiciaire n'est pas suffisant pour
régler les conflits entre un client et ses partenaires en raison du
problème d'accès à la justice, du problème de
brisure entre Droit et morale de la communauté et du problème de
brisure entre Droit et valeurs partenariales. D'où l'émergence
d'un mode de règlement non judiciaire qui va permettre de prendre en
compte les valeurs et les intérêts communs des partenaires pour
prévenir et régler les différends entre un donneur
d'ouvrage et ses partenaires commerciaux.
1.3.2 Les besoins
Le partenariat est une démarche dialogique
créatrice94 de valeur et une forme de coordination des
actions où vivre ensemble est un élément particulier des
relations complexes entre un grand donneur d'ouvrage et ses fournisseurs.
Ainsi, dans un contexte de partenariat à long terme où les deux
partenaires s'engagent dans une véritable collaboration, le judiciaire
cède la place à un mode de résolution des conflits en
mesure de préserver et de renforcer la relation d'affaires. Abordant
dans le même sens, Madame I. Mercedes Gloksein de l'Université
McGill énonce que :
« Nous n'entendons pas ici un simple lien mais bien une
relation privilégiée entre deux parties qui poussent la
collaboration au point d'établir une réelle obligation.
L'avènement d'un tel devoir obligera les parties à revoir la
méthode de résolution en cas de conflit. Abandonnant le litige
à caractère hargneux et optant pour une solution qui se veut plus
équitable dans le but de préserver ce privilège.
»95
Cela démontre que le judiciaire n'est pas un mode
idéal pour assurer et renforcer une bonne alliance d'affaires, car ce
mode traite uniquement le litige selon la normativité légale
basée sur le contrat, sans tenir compte du contexte et des besoins du
partenariat. Par contre, la médiation prend en compte les
préoccupations réelles des parties et permet une solution
94 Desrouene Anthony, Dreano Valéry, Gauvrit,
Richard, Le Coz Yann et Romano Frédérique (2005). La
création de la valeur dans la relation client/fournisseur IAE
Grenoble, France : Université Pierre Mendès.
95 I. Mercedes Glockseisen (2000). L'amiable
composition : instrument fragile ou assise du renouveau juridique?
Université McGill, Faculté de droit.
contextualisée selon une internormativité
particulière au partenariat. Cette affirmation est confirmée par
les propos de Guillaume Huchet, docteur en droit, à savoir que :
« Cette inclination en faveur de la négociation ne
garantit certes aucun aboutissement favorable mais offre la possibilité
d'appréhender plus globalement le conflit dans ses dimensions technique,
économique, sociale et juridique. Une solution imposée et
nécessairement juridique ne résout généralement pas
la réalité intrinsèque du conflit opposant deux parties
dans une relation certes contractuelle mais avant tout économique.
»96
D'autre part, les insuffisances du mode judiciaire se
manifestent par le manque d'une certaine expertise recherchée par les
partenaires d'affaires en raison de la complexité du conflit : «
Les gens d'affaires sont aussi à la quête d'une justice
privée confidentielle et offrant une expertise souvent absente chez les
juges. »97 Dans une relation de partenariat, les partenaires
voudront assurer le maintien de leur relation d'affaires en la recherche d'une
décision équitable.98 À cet effet, certains
auteurs recommandent même de donner une interprétation large et
non rigide au contrat qui lie les parties afin de rechercher une meilleure
solution selon les circonstances : « Les contrat doivent
s'interpréter avec bon sens, justice et équité.
»99
En effet, le judicaire s'apparente à un mode curatif
pour régler un litige particulier sans se préoccuper des
problèmes sous-jacents au litige comme la poursuite des relations
d'affaires à long terme : « Dans un climat où le recours aux
tribunaux est la méthode de résolution des conflits, le
partenariat qui unissait auparavant les parties ne peut plus reprendre.
»100 Tandis que la médiation se présente comme un mode
à la fois curatif et préventif, car elle embrasse le conflit avec
toute son amplitude, ce qui contribue à renforcer le partenariat et
à prévenir que d'autres litiges surviennent dans le futur :
« Les relations commerciales s'inscrivent aujourd'hui
dans des logiques de partenariat à long terme. Elles sont sujettes
à de multiples incidents de parcours, insatisfactions, litiges qui bien
gérés peuvent cimenter durablement la relation ou au contraire la
fragiliser de la désaffection progressive à la rupture. La
capacité à
96 Guillaume Huchet (2007). Les clauses favorisant
un rapprochement amiable, Village de la justice, 13 novembre 2007.
97 I. Mercedes Gloksein (2000). L'amiable
composition : Instrument fragile ou assise du renouveau juridique?
Université McGill : Faculté de droit, 19 avril 2000.
98 Ibid.
99 Ibid.
100 Arnaud Stimec (2001). Avocats et médiateur:
état des lieux et perspectives. Médiateur, formateur et
enseignant-chercheur, Nantes, 31 janvier 2001.
intervenir comme médiateur pour trouver des solutions
à valeur ajoutée devient une compétence clé pour
toutes les fonctions commerciales de l'entreprise. >>101
En ce sens, les travaux de recherche menées par Arnaud
Stimec confirment que 76 % des répondants sont d'avis que << la
médiation externe semble plus acceptable en situation de relation
externe (relations clients-fournisseurs) >>102 et qu'il est
souhaitable que ce mode de règlement soit géré par un
tiers neutre provenant de l'extérieur : << Les situations externes
(relations commerciales par exemple) devraient être plus propices
à l'intervention d'un médiateur externe >>103.
Ainsi le mode de médiation replace la loi non pas comme une
finalité, mais comme un moyen parmi d'autres d'assurer une
finalité : des relations équilibrées, de
préservation de la paix sociale104 et du bien vivre
ensemble.
Cela explique que dans une alliance partenariale d'affaires,
il est important d'adopter un mode de règlement de différends
compatible avec la vision du partenariat et en conformité avec ces
valeurs énoncées précédemment. En premier lieu, il
est utile, dans une relation de partenariat, de se doter d'un mode de
règlement équitable qui neutralise le rapport de forces afin de
résoudre le problème d'accès à la justice des
petits fournisseurs : << L'asymétrie des pouvoirs et les tendances
qui en résultent sont problématiques pour la négociation
>>105. Car souvent, le partenaire qui a plus de pouvoir et de
ressources a tendance à user de son pouvoir pour faire accepter sa
position par son fournisseur qui n'est pas dans une position lui permettant de
la refuser. À ce sujet, Jean Poitras, Ph.D. Professeur
agrégé au HEC Montréal, se basant sur des études
antérieures, dénote que :
<< Les personnes détenant plus de pouvoir sont
habituellement moins intéressées à tenir compte des
besoins de celles ayant moins de pouvoir. De plus une personne en meilleure
position de pouvoir sera moins intéressée à accepter une
solution conjointe pouvant satisfaire toutes les parties.
>>106
D'ailleurs, des auteurs comme Jacques Caillouette de
l'université de Sherbrooke sont d'avis que la médiation va de
pair avec le partenariat : << Nous invitons le lecteur à saisir
les
101 Institut français de la médiation (2005).
La médiation commerciale.
102 Arnaud Stimec (2001). La médiation et l'entreprise
en France : État des lieux et perspectives. Université Paris
I, Panthéon, Sorbonne. Courriel :
arnaud.stimec@laposte.net.
103 Ibid.
104 Arnaud Stimec (2001). Avocats et médiateur:
état des lieux et perspectives. Médiateur, formateur et
enseignant-chercheur, Nantes, 31 janvier 2001.
105 Jean Poitras (2008). Conflits & Stratégies,
développez votre leadership en gestion des conflits. [En ligne]
http://jeanpoitras.blogspot.com
(Page consultée le 6 janvier 2008).
106 Ibid.
partenariats en tant qu'espace à la fois de conflit, de
négociation et de médiation »107. En cas de
conflit, chaque partie a tendance à demeurer sur sa position et
manifeste peu d'ouverture envers le partenaire d'affaires : << La
médiation tient du fait que les pratiques de partenariat mettent en
communication des gens, des organismes, des systèmes d'action qui,
laissés à eux-mêmes, tendent au repli sur soi.
»108 D'où l'utilité de prévoir dans une
alliance de partenariat d'affaires un mode de résolution de conflits en
mesure d'atténuer la méfiance afin de permettre aux partenaires
de s'engager dans une collaboration basée sur la confiance et le respect
mutuel : << L'existence de méthodes de résolution des
conflits réduit les réticences et pousse les différents
acteurs à s'impliquer pleinement dans le partenariat.
»109 Ce mode de règlement de conflit gagnant-gagnant
doit être en mesure d'écarter tout doute de favoritisme ou de
perception d'iniquité vis-à-vis les petits fournisseurs.
En deuxième lieu, le mode de règlement des
différends doit être en mesure de développer et de
préserver de bonnes relations à long terme entre un grand acteur
économique et ses fournisseurs de la même manière qu'avec
ses employés. Une grande entreprise comme Hydro-Québec est un
grand donneur d'ouvrage sur une base permanente et elle achète des
produits et services stratégiques spécialisés dont les
fournisseurs sont de plus en plus en nombre restreint. En plus, lors de la
réalisation d'un projet, les priorités sont d'abord
accordées à la qualité du produit livré et à
la fiabilité du fournisseur avant l'aspect financier, car en cas de
défaillance du produit ou de retard dans la livraison, le manque
à gagner dépasse largement le montant d'argent en litige. Donc,
elle a tout intérêt à encourager les bons nouveaux
fournisseurs à faire affaires avec elle et à aider les
fournisseurs habituels fiables et compétents à rester sur le
marché.
Le mode de règlement doit donc tenir compte des valeurs
communes partagées telles que la transparence, l'équité,
le partage de risque, la confiance, la satisfaction de la clientèle et
la dignité des personnes impliquées dans le projet.
107 Caillouette, Jacques (2001). Pratique de partenariat,
pratique d'articulation identitaire et mouvement communautaire, NPS,
vol, no1, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, page 83.
108 Ibid. page 93.
109 Brulhart, Frank et Favreau, Christophe (2003). Les modes
de coordination et d'organisation des partenariats interfirmes.
XIIème Conférence de l'Association Internationale de
Management Stratégique, Les Côtes de Carthage. 3, 4, 5, et 6 Juin
2003.
1.3.3 Une approche de pratique suggérée :
Médiation URI-FISHER-Plus
Une grande entreprise comme Bombardier, Hydro-Québec ou
autre est un important donneur d'ouvrage permanent dont les relations avec ses
fournisseurs sont primordiales pour accomplir sa mission fondamentale. En
raison de la particularité et de l'importance stratégique des
produits et services achetés et de la fréquence des contrats
octroyés par l'entreprise, de nombreux individus, des entreprises
commerciales et des corporations doivent leur subsistance et leur
prospérité aux contrats accordés par ce grand acheteur. De
même, une grande entreprise a besoin de fournisseurs qualifiés,
permanents et fiables en mesure de l'accompagner dans la réalisation de
ses projets de développement. Cette vision a été à
l'origine de l'approche de partenariat gagnant-gagnant qu'Hydro-Québec a
mis de l'avant dans sa politique d'approvisionnement.
Donc, le désir d'entretenir des relations d'affaires
basées sur la confiance, le partage de risque et l'équité
témoigne d'une réalité qui s'impose en raison du nombre de
plus en plus restreint de fournisseurs spécialisés dans les
produits stratégiques. En cas de conflit avec un fournisseur, le grand
donneur d'ouvrage a donc besoin d'un mode de règlement qui prend en
compte cette réalité et qui préserve les relations
à long terme avec ses partenaires. Dans le cas d'Hydro-Québec, un
tel mode doit aussi être en mesure d'assurer les impératifs
propres à la gestion de la chose publique, l'intégrité,
l'équité et la transparence.
D'où le modèle de médiation
proposé par Ury-Fisher Plus, c'est-à-dire un mode gagnantgagnant
qui amène les parties à définir et reconnaître le
conflit comme étant un problème commun à résoudre
et à identifier leurs intérêts communs
légitimés par les besoins et les valeurs communes
partagées afin de pouvoir définir, selon les circonstances, la
meilleure solution en appréhendant le conflit avec toute son amplitude.
Donc, il s'agit d'une approche qui s'appuie sur la théorie de
négociation raisonnée de Ury et Fisher110 et sur le
concept d'une médiation transformatrice par une approche éthique
telle que proposée par Georges A. Legault111.
110 Fisher, Roger et Ury William (1982). Comment
réussir une négociation, Éditions du Seuil, Paris,
traduit par Léon Brahem, ISBN 2-02-006259-3.
111 Legault, Georges A. (2001). L'hypothèse de
l'éthicisation du droit. Les modes de règlement des
différends: vers une autre « justice »? Collection Essais
et conférences, Document 11, Chaire d'Éthique appliquée,
Université de Sherbrooke, Éditions G.G.C., 2001, ISBN
2-89444-127-4.
Ainsi, une solution sera recherchée qui permettra de
régler le litige et ses causes profondes par la convergence des normes
juridiques, des valeurs partenariales et des normes d'éthique. D'abord,
la norme juridique, qui est le contrat, sera évoquée pour
qualifier le litige et ses conséquences. Elle peut être
employée pour situer le droit de chacune des parties en litige ainsi que
ses obligations contractuelles. Ensuite, comme dans la plupart des cas le
litige est issu d'une mauvaise pratique qui se perpétue depuis longtemps
de part et d'autre des parties, des solutions peuvent être
discutées afin de prévenir d'autres conflits dans le futur. Dans
une médiation où on cherche une solution, le fournisseur, en
l'absence du rapport des forces, peut faire part ouvertement de ses
doléances relatives aux documents contractuels ambigus et aux clauses
jugées abusives dans un contrat par adhésion comme celui
d'Hydro-Québec. De même, le grand client peut trouver une solution
qui saura à la fois répondre à ses contraintes en
matière d'échéancier et de qualité, et tenir compte
de la préoccupation de son partenaire pour lui permettre de
prospérer et de demeurer sur le marché.
Aussi, la présence d'un tiers neutre crédible,
dans une médiation, rassurera le corps social d'une
intégrité de gestion et écartera toute apparence de
favoritisme ou de conflit d'intérêts; ce qui n'est pas le cas lors
d'une négociation bipartite. Quant à l'entente, en plus de la
solution du litige, elle peut inclure des éléments successibles
d'améliorer les opportunités et les relations d'affaires à
long terme.
Le processus
Dans le cas d'un grand acteur économique comme
Hydro-Québec, le conflit se présente souvent sous forme d'une
réclamation pécuniaire présentée par l'entrepreneur
ou le fournisseur qui prétend avoir subi des préjudices lors de
l'exécution de son contrat. Parfois, le conflit sera causé par
une obligation que l'un ou l'autre n'est pas en mesure d'honorer pour
différentes raisons. Selon Ury et Fisher112, les
revendications commencent généralement par des positions
où « chaque partie en présence adopte une position,
présente des arguments en sa faveur, puis fait des concessions afin de
parvenir à un
112 Fisher, Roger et Ury, William (1982). Comment
réussir une négociation, Éditions du Seuil, Paris,
traduit par Léon Brahem, ISBN 2-02-006259-3.
compromis ». Il s'agit d'un marchandage de compromis :
c'est ainsi que Legault qualifie la négociation sur position. Ce genre
de négociation est insuffisant pour parvenir à une entente
satisfaisante dans le conflit en cause.
Le concept de la médiation proposée par cet
essai repose sur un processus volontaire, non contraignant et confidentiel, qui
appréhende le conflit comme une opportunité de parfaire et de
consolider le partenariat113, par une démarche dialogique en
trois étapes soit : la définition du conflit, la recherche des
solutions et le choix de la meilleure solution selon les circonstances. Pour y
arriver, le processus sera animé et géré par un
médiateur qui sera considéré comme un agent de changement
et qui interviendra dans le processus pour aider les parties à
définir le conflit et à trouver une entente satisfaisante.
Définition du conflit
En premier lieu, il faut amener les parties à
dépasser leurs premières positions pour reconnaître le
conflit comme un problème commun à résoudre, de sorte que
dans le cas de notre exemple du projet du système de
déglaçage, les parties pourront identifier et comprendre les
enjeux et les objectifs communs partagés. Par la suite, le processus
leur permet de reconnaître les intérêts mutuels
légitimés par les besoins et les valeurs partagés du
partenariat. À cette occasion, les parties, en plus d'exposer les causes
profondes du litige, peuvent s'exprimer librement sur les irritants qui peuvent
être des ambigüités qui se perpétuent depuis longtemps
au sujet des documents contractuels, des clauses jugées abusives, des
risques à partager, du problème de disponibilité de la
main-d'oeuvre qualifiée, etc.
Pour qualifier le conflit, les parties peuvent dépasser
la normativité juridique qui est le contrat pour faire appel à
une internormativité, juridique, administrative, scientifique,
éthique et partenariale. Ainsi, si des normativités rentrent en
conflit avec la relation de partenariat, les parties peuvent établir une
normativité propre à elles selon les
113 Legault,Georges A. (2001). L'hypothèse de
l'éthicisation du droit. Les modes de règlement des
différends: vers une autre « justice »? Collection Essais
et conférences, Document 11, Chaire d'Éthique appliquée,
Université de Sherbrooke, Éditions G.G.C., 2001, ISBN
2-89444-127-4.
« La médiation serait un processus d'intervention
visant à favoriser des rapports harmonieux [...] à la place des
rapports conflictuels ».
circonstances114. Dans ce cas, la
normativité énoncée par les valeurs du partenariat pourra
être reconnue par les parties pour résoudre le problème
identifié. Ainsi, le processus, en permettant aux parties de choisir le
mode et la normativité, permet de voir le conflit sous un angle plus
large et amène les parties à définir le plus clairement
possible la nature de leur différend. L'identification du
problème à résoudre par le processus permet d'envisager de
multiples options avec beaucoup de créativité. Cela fait en sorte
que l'enjeu, dans ce cas, demeure la consolidation de la relation du
partenariat, en réparant les failles pour la rendre plus performante :
« L'enjeu de la médiation n'est pas l'entente mais le processus qui
y conduit »115. Dans le contexte d'aujourd'hui, que ce soit
Hydro-Québec, Bombardier ou d'autres entreprises de ce genre, qui peut
se permettre une rupture de relation avec un fournisseur stratégique,
fiable et performant?
La recherche de solutions
Au stade de la recherche de solution, on dresse une liste des
solutions possibles selon les besoins et en conformité avec les valeurs
de chacune des parties, sans jugement et sans se soucier de leur vraisemblance.
Car, selon Ury et Fisher (1982), les obstacles qui empêchent la recherche
d'une solution créative résident dans le fait que les parties
choisissent une solution hâtivement et ne sont pas en mesure de voir
d'autres alternatives. Pour cette raison, il est important de séparer la
recherche des options de l'évaluation des solutions. Donc, dans une
atmosphère détendue et informelle, on amène les parties
à proposer, par des échanges de vues et par un
remue-méninge, le plus grand nombre possible de solutions. Une fois la
liste des solutions dressée, les parties peuvent commencer à
évaluer chacune des solutions proposées.
Le choix de la solution
Ensuite, les solutions doivent être
évaluées selon des critères objectifs,
légitimés par les besoins et les valeurs communes
partagées. Dans le cas présent, on cherche les valeurs
partagées qui s'inscrivent dans la relation de partenariat. Ainsi, on
amène une partie à reconnaître la légitimité
de certains points de vue de l'autre pour évaluer une proposition. En
effet, il s'agit d'une démarche qui s'appuie sur la sollicitude, en
reconnaissant les valeurs
114 Ibid.
115 Ibid.
de l'autre. La médiation n'est possible que par
l'acceptation des valeurs de l'autre116, qui sont parfois
différentes des nôtres, dans la mesure où elles sont
partagées en vue de la résolution du problème
identifié. Par cette approche qui fait intervenir les valeurs pour
légitimer les intérêts en jeu, on peut actualiser les
principes et les valeurs annoncées du partenariat qui consiste
principalement à préserver les relations d'affaires durables qui
s'articulent autour de la réussite du projet.
Dans la situation d'Hydro-Québec, réussir un
projet performant est primordial, car celui-ci s'insère souvent dans un
vaste réseau, et l'impact d'un projet non réussi est majeur en
raison du manque à gagner et de la répercussion négative
sur la réputation de l'entreprise en matière de fiabilité.
La qualité de l'ouvrage et la date de la mise en service ont souvent
préséance sur le dépassement des coûts d'un
projet.
Ensuite, le choix d'une solution satisfaisante implique le
rejet des autres solutions proposées. Dans ce cas, il faut amener les
parties à établir un ordre de priorité en examinant
l'option en fonction des besoins et en distinguant les choses désirables
des choses essentielles. Ce qui amène à trouver la meilleure
solution selon les circonstances, c'est-à-dire selon le contexte qui est
propre à chaque cas présenté. À titre d'exemple, le
contexte d'un projet de développement technologique peut être
différent d'un projet de construction d'un bâtiment administratif
qui n'a pas de conséquence sur le réseau électrique. Cette
démarche propose des solutions contextuelles en tenant compte des
diverses normativités en jeu comme celle du partenariat ou la
normativité juridique.
Le médiateur
Dans le modèle de la médiation proposée,
le médiateur sera un agent de changement qui intervient dans le
processus pour amener les parties d'une position de confrontation basée
sur leur position à un état de collaboration conforme aux valeurs
partenariales. D'abord, le médiateur doit poser un diagnostic sur la
nature de la relation d'affaires entre les parties et sur les
intérêts en jeu afin de cerner l'ensemble des
intérêts qui se cachent derrière la position de chacune des
parties. Une fois l'ensemble des intérêts connus, il sera plus
facile d'envisager des options créatives qui serviront pour le choix de
la solution au problème
116 Legault, Georges A. (2004). Modèle théorique,
les émotions, les valeurs et la médiation, dans Revue de
prévention et de règlement des différends, vol. 2, no
1, 2004.
commun défini par les partenaires. Ensuite, le
médiateur doit aider chacune des parties à établir des
priorités afin de choisir la plus essentielle dans le contexte et tout
en prenant en considération les intérêts du partenaire. De
sorte que le médiateur jouera un rôle essentiel pour amener
chacune des parties à prendre conscience des raisons de la partie
adverse présentées comme légitimes.
Toutefois, il est important que le médiateur comprenne
très bien son rôle et qu'il dissipe toute confusion des
participants par rapport à son statut. En effet, selon Legault (2004),
à l'instar du médecin, le médiateur n'a pas d'obligation
de résultats, mais une obligation de moyens. Sa responsabilité
par rapport aux parties qui le mandatent ne consiste pas en venir absolument
à une entente ni à négocier pour elles117, mais
plutôt à leur donner tous les moyens pour qu'elles soient en
mesure de comprendre tous les enjeux du conflit afin qu'elles puissent trouver
elles-mêmes la meilleure solution, satisfaisante, selon les
circonstances.
A cet effet, le médiateur doit gérer
l'échange d'information afin de permettre aux partenaires de comprendre
le conflit dans toute son amplitude. Même si la médiation est un
processus qui permet aux parties d'être autonomes, d'exprimer librement
leurs opinions sur le conflit, de chercher elles-mêmes leurs besoins et
intérêts communs et de trouver la solution, l'expérience
montre << que si elles n'ont pas l'aide dirigée et
persévérante du médiateur pour les y amener, il ne se
passera pas grand-chose >>118. Donc, son rôle dans le
processus est primordial pour obtenir la << matière
première >>119 nécessaire à mieux
définir le conflit et construire des options de solution. A ce niveau,
le médiateur doit être dynamique et directif dans la gestion du
processus qui lui appartient afin d'obtenir le maximum d'informations et amener
les parties à voir le conflit avec toutes ses facettes. En ce sens, il
est important de comprendre que dans une médiation, la gestion du
processus appartient au médiateur tandis que le conflit et la solution
appartient aux parties en litige.
D'autre part, le médiateur doit intégrer
l'information délivrée fragmentée par les parties
et aider à définir les termes afin d'éliminer les
fausses compréhensions entre les personnes durant le processus :
<< Il n'y a rien de plus néfaste que d'aborder l'analyse d'un
litige avec
117 Bourcheix, Dominique F. (2001). Développements
récents en médiation. Le rôle du médiateur :
évolution et tendances, les Éditions Yvon Blais Inc., 2001,
ISBN2-89451-545-6.
118 Ibid.
119 Ibid.
de l'information sélective et
hermétique.»120. Cependant, le médiateur ne doit
pas user de son influence et être directif quant aux réponses
données par les parties en litige. Il doit être à
l'écoute sans porter un jugement de valeur sur la perception du conflit
des personnes présentes. Il doit toujours montrer son
intérêt à tout ce qui est dit avec respect et d'une
façon impartiale. Ainsi, il gagnera la confiance des parties,
élément essentiel pour la bonne marche du processus.
Pour bien jouer son rôle dans un conflit commercial
entre partenaires d'affaires, le médiateur doit être neutre,
transparent, crédible, intègre et posséder les
compétences nécessaires afin de comprendre les enjeux du conflit
et le vocabulaire propres au domaine du conflit. Ainsi, dans un conflit
complexe et spécialisé comme celui d'Hydro-Québec et ses
fournisseurs, en plus d'une solide formation en médiation, il sera utile
d'employer un médiateur ayant des connaissances techniques dans le
domaine. Selon la pratique, le premier choix des parties consiste souvent
à faire intervenir « quelqu'un du métier
»121, car il permet aux parties de mieux exploiter leur
créativité quant aux options de solutions possibles.
La relation entre le partenariat et le modèle de
médiation proposé
Pour bien saisir la relation entre le modèle du mode de
règlement des différends proposé et le concept de
médiation décrit précédemment, il faut penser le
processus de la médiation comme étant une démarche
dialogique qui actualise les valeurs partenariales, et qui permet
d'appréhender le conflit comme un élément dans le cycle de
l'amélioration continue122 visant à consolider et
cimenter la relation de partenariat, et non pas comme un espace de
confrontation entre deux adversaires ayant des intérêts
conflictuels.
D'abord, la solution qui sera trouvée par le processus
de la médiation est une solution équitable et contextuelle qui
donne satisfaction à la relation partenariale qui est
décrite comme étant dynamique, s'adapte à tous les
contextes et basée sur l'équité entre les
120 Ibid.
121 Fortin, Jacques (2004). Médiateur
accrédité LL.M., (5) Comment choisir son médiateur, 18
décembre 2004. [En ligne]
http://www.jfortinmediation.qc.ca.
122 Hydro-Québec (1998). Le partenariat avec les
fournisseurs : une relation gagnant-gagnant. Direction principale
approvisionnement et services, ISBN2-550-33157-5, 98G027.
"L'engagement dans un processus d'amélioration continue
est une valeur requise pour travailler en mode partenariat."
partenaires. Ensuite, la médiation proposée
intervient sur les relations afin de les préserver et de les
améliorer, ce qui contribue à renforcer davantage le partenariat
basé sur des relations d'affaires à long terme. En plus, le mode
de médiation proposé est une démarche gagnant-gagnant qui
est tout à fait compatible avec la relation gagnant-gagnant
souhaitée par le concept du partenariat préconisé. Enfin,
avec le concept de règlement préconisé, toute recherche
d'un règlement est guidée par les valeurs et
intérêts partagés.
Ainsi, dans le mode de règlement des différends
proposé, le médiateur, au lieu de gérer un compromis,
mobilise les parties en conflit par les valeurs et les intérêts du
partenariat annoncés et reconnus par les partenaires et il les
amène à élaborer ensemble une entente satisfaisante :
« Ainsi, les mécanismes informels qui remplacent
progressivement les dispositifs formels (Ring et Ven, 1994) permettent aux
parties de se coordonner et d'atteindre des buts communs à long terme
dans une perspective où ce qui les unit est plus fort que ce qui peut
les diviser. »123
On peut donc conclure qu'au point de vue théorique, il
y a un lien évident entre le partenariat et la médiation dans la
mesure où ce mode de règlement est le mieux indiqué pour
actualiser les principes et les valeurs du partenariat. Par conséquent,
on peut affirmer que, théoriquement, il existe une incohérence
entre l'absence de médiation comme mode de règlement des
différends et le partenariat.
123 Nogatchewsky Gwenaëlle (2005). Seigneurie,
vassalité, partenariat et marché dans les relations
clientfournisseur, ATER, CREFIGE-DRM, 205, Université
Paris-Dauphine, XIVème Conférence Internationale de Management
Stratégique, Pays de la Loire, Angers.
CHAPITRE 2 PRÉSENTATION DES DONNÉES
RECUEILLIES IN SITU
Ce chapitre est consacré à la
présentation des données recueillies sur le terrain à
l'aide des entrevues semi-dirigées. À cet effet, une grille est
établie sous forme d'un texte avec des paragraphes construits pour
chacun des acteurs à partir du guide d'entrevue de ce projet de
recherche. Pour chacun des acteurs interviewés, on présente
d'abord la perception du partenariat; ensuite, on expose la conception du mode
de règlement des différends et enfin on présente la
lecture que fait l'acteur de la dynamique entre le partenariat et le mode de
règlement des différends. Cette étape va permettre de
répondre à la deuxième question spécifique de
recherche et de connaître la perception des acteurs chez
Hydro-Québec, devant une éventuelle incohérence entre
l'absence de médiation et le partenariat.
Il est d'une importance capitale de connaître la lecture
que font les acteurs interviewés de la politique d'acquisition
énoncée par Hydro-Québec et de la conception du
partenariat avec sa signification d'après leur expérience
pratique au sein de la société d'État. Il est essentiel de
situer la perception et la conception des acteurs clefs qui interviennent en
première ligne dans la stratégie de gestion d'acquisition
d'Hydro-Québec. Ces éléments permettent de mesurer
l'écart entre le partenariat tel que perçu par les acteurs et
celui présenté dans le cadre de référence afin de
comprendre dans quelle mesure le partenariat tel que perçu est
mobilisateur pour implanter de nouveaux modes de règlement des
différends.
2.1 Acteur D-01
L'acteur D-01 est ingénieur de formation, cadre
relevant du PDG et membre du comité de gestion de la Direction qui
oriente les politiques de l'entreprise dans le domaine de l'approvisionnement
et de la réalisation des grands projets. Il a consacré 27 ans
à la gestion et la réalisation des projets majeurs dans le
domaine de l'énergie hydroélectrique dont 15 ans à
Hydro-Québec et plus de 12 ans dans le secteur privé. Avec une
culture de gestion hybride publique/privée, ses opinions sont
susceptibles de contribuer d'une manière significative aux
réponses aux questions posées par ce projet de recherche.
2.1.1 La perception du partenariat
Pour l'acteur D-01, le terme partenariat dans le domaine des
affaires est très général et il peut avoir des
significations et interprétations multiples dépendamment des
personnes et du milieu où il est pratiqué : << On a trop
charrié le mot partenariat, [...] La notion de partenariat, j'ai de la
difficulté avec ça.. » (Acteur D-01). D'après lui, il
est très difficile de considérer la relation avec l'entrepreneur
de construction comme du partenariat en raison du caractère publique des
appels d'offres où la société d'État est souvent
tenu de prendre la plus bas soumissionnaire conforme : << Quand on me
parle du partenariat avec nos entrepreneurs, pour moi ce n'est pas du
partenariat. C'est de la collaboration qu'on doit avoir. » (Acteur
D-01).
Il ajoute que les contrats sont octroyés selon un appel
d'offres public et par conséquent, il n'y a pas de partage des pertes ou
des profits entre le donneur d'ouvrage et l'entrepreneur. Pour cette raison, il
perçoit la relation entre le client et le fournisseur comme une relation
d'affaires normale où chacun tente de maximiser ses profits. En
conséquence, ce genre de relation est loin d'être vue comme une
relation de partenariat, mais plutôt comme de la bonne collaboration qui
facilite la tâche pour tous afin de réussir le projet entrepris :
<< Dans notre système avec le plus bas soumissionnaire, ce n'est
plus du partenariat. Tu ne peux pas être partenaire avec lui car tu ne
partages pas ses profits, tu ne partages pas ses pertes et tu ne partages pas
ses décisions. » (Acteur D-01)
En plus, le discours de ce gestionnaire laisse entendre que
dans un appel d'offres public, le donneur d'ouvrage ne participe pas à
la prise de décision du fournisseur. Ce qui fait en sorte que la
relation de partenariat cède la place à une relation commerciale
où les intérêts des parties ne sont pas toujours
convergents : << Le partenariat est lorsque tu es capable de t'asseoir et
négocier avec l'entrepreneur : T1Voici ce qu'on va faire s'il
arrive telle ou telle chose, on fait telle ou telle chose » (Acteur
D-01).
Pour cet acteur, dans le domaine de la construction des grands
projets à Hydro-Québec, le partenariat est vécu comme une
relation gagnant-gagnant où chaque solution recherchée doit
apporter des bénéfices ou un plus valu à chacune des
parties en relation d'affaires :
<< On a était obligé de renégocier
à la baisse le prix unitaire avec l'entrepreneur et nous avons obtenu
une réduction importante des coûts de réalisation. C'est
rare pour un entrepreneur accepte de redonner pour le donneur d'ouvrage un
crédit de six millions. C'était une négociation
gagnant-gagnant. » (Acteur D-01)
La confiance, qui est difficile à gagner en relation
d'affaire, s'est imposée comme l'élément clef d'une
relation de partenariat pratiqué par ce gestionnaire du premier niveau.
Selon lui, les partenaires doivent faire preuve d'une bonne attitude où
la confiance et le respect mutuel doivent prévaloir dans leur
négociation et dans leur approche pour résoudre leurs
différends : << L'entrepreneur a ouvert ses livres ce qui lui a
permis de faire des profits raisonnables et consentir à
Hydro-Québec un crédit substantiel. La communication était
très bonne tout au long du projet. » (Acteur D-01)
Parlant d'une expérience d'un partenariat qui a mal
réussi, il mentionnait : << Cet entrepreneur, même si tu
essayais de l'aider, il n'était pas capable de prendre tes commentaires
» (Acteur D-01). On peut lire à travers cet extrait que le manque
de confiance est l'élément perturbateur d'une relation de
partenariat.
Selon ce décideur, la transparence dans le milieu des
affaires est essentielle pour le bon déroulement d'un partenariat. Car
en cas d'une mauvaise décision de la part d'un partenaire, l'autre
partie sera incitée à partager les difficultés et à
lui aider à redresser la situation et limiter les préjudices. En
plus la transparence aide à la prise des décisions sans trop
d'hésitation : << Les gens qui sont transparents sont confiants
que ça va bien aller, mais les gens qui ne sont pas transparents et qui
ne sont pas confiants de leur décision ne sont pas capables de supporter
leur décision » (Acteur D-01).
Aussi, la transparence est perçue par cet acteur comme
l'admission de nos erreurs ce qui évite les longues discussions et les
délais interminables en restant campés sur nos positions. Cette
attitude ne contribue pas à préserver une bonne relation de
partenariat : << Si je fais une erreur, il faut vivre avec. Ma
philosophie : il faut admettre nos erreurs. » (Acteur D-01)
De plus, il voit dans le partenariat un partage des risques
d'affaires entre le donneur d'ouvrage et le fournisseur : « Quand on me
parle de partenariat avec nos entrepreneurs, pour moi, un partenaire doit
partager le risque » (Acteur D-01). Il considère, en outre, que
l'équité est au centre de la relation commerciale entre
Hydro-Québec et ses partenaires. Il s'agit d'une valeur d'entreprise
énoncées par sa politique et à laquelle on attache
beaucoup d'importance. L'équité, perçue par cet acteur,
est surtout celle qui a trait aux fournisseurs qui ont participé
à la soumission. Dans ce cas, il considère que la
société d'État doit se comporter comme un bon père
de famille pour traiter équitablement ses fournisseurs. Ainsi, le souci
de protéger les soumissionnaires qui n'ont pas eu le contrat est
omniprésent dans chaque décision pour de question
d'équité : « Tu peux faciliter l'exécution du contrat
à l'entrepreneur sans être préjudiciable au deuxième
plus bas soumissionnaire. Si tu favorises le plus bas, tu peux léser les
autres qui n'ont pas eu le contrat. » (Acteur D-01) À cet
égard, l'acteur D-01 n'a pas manifesté de désir de fondre
l'identité du fournisseur en l'intégrant à
Hydro-Québec, ce qui laisse croire que l'interviewé est en faveur
du respect du degré d'autonomie du partenaire avec sa propre culture de
gestion. Par ailleurs, il fait connaître sa manière directe de
manifester le respect envers l'entrepreneur lors de la réalisation d'un
projet de construction. Il s'agit de bien accueillir avec une grande ouverture
les demandes et les arguments de l'entrepreneur :
« Il ne faut pas prendre le document
présenté par l'entrepreneur et essayer seulement de voir comment
je peux le détruire. On n'y ira pas nulle part avec ça. Si c'est
fondé, il faut que je trouve le moyen pour le compenser. » (Acteur
D-01)
« J'explique aux gens qui travaillent pour moi : T'Vous
n'êtes pas là pour démolir l'entrepreneur.T' » (Acteur
D-01)
2.1.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.1.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
En ce qui a trait aux modes usuels de règlement des
différends, l'analyse du discours de ce gestionnaire laisse entendre que
lorsque l'entrepreneur rencontre des conditions qu'il considère
imprévisibles et qu'il juge avoir subi des préjudices, en premier
lieu, il présente un dossier de demande de compensation à
l'administrateur du contrat désigné par la Société
d'État dans l'avis d'attribution. Ce dernier étudie le dossier et
tente de négocier
avec le représentant de l'entrepreneur un
règlement. Il s'agit le plus souvent d'une négociation bipartite
que le représentant d'Hydro-Québec doit conduire avec
équité et transparence, en se basant sur les clauses
contractuelles, les lois et les règlements en vigueurs. À cet
effet, des directives sont données aux administrateurs des contrats pour
être réceptifs aux demandes de l'entrepreneur et pour analyser la
demande selon des critères objectifs bien fondés en droit :
<< Il rencontre des conditions autres,
imprévisibles. L'entrepreneur présente un dossier. Après
avoir étudié le dossier, je trouve que sa demande est
fondée. Je pose la question c'est quoi les préjudices que je peux
lui être causés ? Si c'est vrai, c'est quoi l'impact? Tu essaies
de le quantifier le plus possible. » (Acteur D01)
Le fait qu'il existe un guide d'entreprise qui encadre la
façon de régler les différends avec le fournisseur montre
la volonté de la société d'État de garder le
contrôle du processus.
Selon la conception de cet acteur, les négociations
avec l'entrepreneur et l'analyse du dossier de réclamation
présenté par l'entrepreneur sont faites en équité
et avec transparence en s'appuyant sur des critères objectifs où
le dossier doit être bien fondé en droit. Les clauses
contractuelles, les lois et règlements demeurent la source de toute
justification pour la prise de décision. À cet effet, un avis
préalable du contentieux de la société d'État est
nécessaire pour conclure toute entente concernant le règlement
d'une réclamation par un gestionnaire. Le fardeau de la justification
incombe à l'entrepreneur où il doit présenter sa demande
de compensation avec une bonne argumentation détaillée et
basée sur le contrat qui lie les parties :
« Si ce que présente l'entrepreneur
n'est pas fondé, il faut être capable de dire à
l'entrepreneur pourquoi ceci n'est pas fondé. » (Acteur D-01)
« Tu essayes de voir c'est quoi la
vérité? Et si c'est fondé » (Acteur D-01)
« Si l'entrepreneur t'amène
suffisamment d'arguments du bien fondé de son dossier, tu vas le
quantifier. » (Acteur D-01)
Toutefois, il affirme que dans la plupart des cas, on fini par
s'entendre et par trouver une solution sans qu'il soit nécessaire de se
rendre devant les tribunaux. Selon les procédures, s'il n'y a pas
d'entente après avoir fait appel au Directeur, usuellement le dossier
sera transmis au contentieux afin de se préparer de le débattre
devant les tribunaux de droit commun. Mais l'interviewé s'entend pour
dire que la poursuite d'un dossier en justice est très rare, car il
préfère trouver une solution avant d'en arriver à se
trouver devant un juge : << Les cas où HQ va en cour sont
très rares. » (Acteur D-01). Il ajoute :
« Si tu essaies de lui expliquer pourquoi ce n'est pas
bien fondé? Et s'il persiste avec sa demande parce qu'il a perdu de
l'argent avec son contrat? Le raisonnement est rendu irrationnel. A ce
moment-là, tu vas lui dire "On va aller voir le contentieux parce qu'on
n'est plus capable de se parler d'une façon rationnelle". » (Acteur
D-01)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
En ce qui a trait aux forces des modes usuels, l'acteur D-01 n'a
fait aucun commentaire.
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Les faiblesses des modes usuels n'ont pas été
invoquées par l'acteur D-01.
2.1.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
L'analyse du discours de l'acteur D-01 a fait ressortir que la
société d'État fait un recourt occasionnel et
exceptionnel, aux modes alternatifs pour résoudre les conflits
commerciaux avec ses fournisseurs : « Le conciliateur, on l'a
utilisé une fois dans ma carrière. Sur ce contrat-là car
il était vraiment gros. » (Acteur D-01)
L'acteur D-01 ne cache pas sa préférence pour le
mode judicaire par rapport au mode d'arbitrage. L'interviewé demeure
très réticent à choisir l'arbitrage pour régler les
différends avec les fournisseurs. Cette position est motivée par
le fait qu'une décision d'arbitre est exécutoire, elle lie les
parties et elle est sans appel. Tandis devant une décision de la cour,
on a toute la liberté de la porter en appel si on le juge
nécessaire : « Moi je pense personnellement qu'il faudrait...
encore une fois, je ne tranche pas le débat entre l'arbitrage et les
tribunaux... HQ a fait son lit là-dessus, c'est les tribunaux. »
(Acteur D01)
Pour lui, les fonctions principales du médiateur sont de
rapprocher les parties. Il doit rétablir un climat de confiance entre
les parties afin de permettre un bon flux de
communication entre les belligérants : << Le
conciliateur ce qu'il essaye de faire est de rapprocher les deux parties. Si
ça ne marche pas on donne ça à notre contentieux. »
(Acteur D-01). Aussi, il considère qu'un des rôles principaux du
médiateur est de bien gérer la partie émotionnelle du
conflit. Il mentionne qu'un conflit commercial renferme dans la plupart des cas
un conflit de personnalité entre les gestionnaires responsables des deux
parties en conflit. D'où l'importance pour le médiateur de sortir
les belligérants de l'émotionnel pour se concentrer sur le
rationnel. Des arguments objectifs et rationnels doivent être mis de
l'avant dans la recherche d'une solution satisfaisante pour les parties :
<< Essayer de convaincre chaque partie à partir
des arguments rationnels. Le médiateur, il faut qu'il demeure rationnel.
Il ne peut pas aller avec des sentiments. Des fois tu en veux au gars qui est
face de toi. Et tu dis cette fois ci il ne m'aura pas. Comme c'est tes
sentiments qui ressortent. Tandis que le médiateur, son rôle est
de sortir toutes les émotions que tu peux avoir dans le dossier, et agir
d'une façon rationnelle. Il faut qu'il ramène les deux parties
à des rationnels. » (Acteur D-01)
Il apparait d'une manière spontanée que, selon
l'acteur D-01, la finalité du processus est d'avoir une entente de
règlement. Ce qui laisse dégager que la responsabilité de
l'échec ou de la réussite incombe en bonne parti au
médiateur et à son talent. Donc selon lui, le médiateur a
une obligation des résultats : << Le but d'avoir un conciliateur
ou un facilitateur est d'avoir un règlement » (Acteur D-01) Selon
son expérience, cet acteur voit dans les fonctions du médiateur
un messager fidèle qui peut faciliter la transmission des informations
entre les parties. Il espère aussi qu'il joue un rôle
d'évaluateur neutre capable d'éclairer les parties et de leur
recommander des pistes de solution au conflit :
<< Pour être capable de fermer le dossier on a
été cherché un conciliateur, ou un médiateur. Il
avait le rôle d'essayer de nous présenter la position de
l'entrepreneur et par la suite de présenter notre position à
l'entrepreneur en nous disant le pour et le contre. Nous, on voyait le dossier
d'une certaine façon. Avec l'explication qu'avait l'entrepreneur, et
avec son expérience qu'il a, le conciliateur, il essayait de nous
influencer en nous disant "il faut essayer peut-être d'aller vers
ça pour un telle raison". À cause d'un certain fait ou certaines
données que vous n'aviez pas, vous ne le perceviez pas de cette
façon-là. Mais si vous le regardez de cette
façonlà, ça pourrait être acceptable. » (Acteur
D-01)
La médiation est perçue par cet
interviewé comme faisant partie d'un continuum et elle est
l'étape avant de s'adresser à la cour. De sorte qu'il voit un
rôle important du médiateur dans l'évaluation du risque
advenant que le dossier d'une réclamation soit entendu par un juge. Il
souhaite que le médiateur soit en mesure de donner une
appréciation juste des
résultats probables suite à une
éventuelle poursuite en cour de justice. Selon l'acteur D-01, le
médiateur doit pouvoir intervenir et convaincre les parties de la
meilleure solution selon les circonstances :
<< Le médiateur, il va essayer de les ramener et
leur dire peut être tu fais une erreur et ne te battre pas la dessus car
tu perds ton temps. Et si tu vas en cour tu va perdre. Le médiateur
c'est l'étape avant de te rendre en cour. Il va essayer de te dire tes
points forts et tes points faibles et si tu vas devant un juge tu vas te faire
planter. Pense y comme il faut avant et regarde l'argument de l'autre partie.
Il y a des gens avec un certain recul vont admettre certaines choses. C'est
ça la médiation dans le fond. » (Acteur D-01)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-01 trouve que le processus de médiation,
même s'il ne réussit pas à trouver une solution au conflit,
permet d'avoir une réflexion et de voir le conflit sous un autre angle.
Ce qui permet parfois de reconsidérer sa position : << S'il n'y a
pas de possibilité de rapprochement, du côté de
l'entrepreneur, c'est de faire valoir ses droits vis-à-vis les tribunaux
et de notre côté, c'est peut-être, suite à la
médiation, de reconsidérer le dossier et la démarche qu'on
devra faire pour trouver un règlement » (Acteur D-01)
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Aucun commentaire de la part de l'acteur D-01 pour les faiblesses
du mode alternatif.
2.1.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
L'acteur D-01 ne voit pas une relation évidente entre
le partenariat tel que pratiqué par Hydro-Québec avec ses
fournisseurs et le mode de règlement des différends. Le statut de
l'entreprise comme société d'État est
l'élément montré du doigt comme étant le plus
contraignant pour établir un vrai partenariat avec les fournisseurs et
pour adopter la médiation comme mode de règlement des
différends. À cet effet, le règlement d'un conflit avec un
fournisseur se fait selon les mêmes procédures
indépendamment de la nature de relation avec le fournisseur et ce qu'il
soit un partenaire ou non :
<< La notion du partenariat, j'ai beaucoup de
difficulté avec ça. Je peux faire la collaboration. Tu peux
faciliter l'exécution du contrat à l'entrepreneur sans être
préjudiciable au deuxième plus bas soumissionnaire. Car le
deuxième plus bas soumissionnaire a vu des choses que le plus bas n'a
pas vues. Si tu favorises le plus bas tu peux léser les autres qui n'ont
pas eu le contrat. Tu dis à l'entrepreneur tu as soumissionné
pour faire le projet et tant pis si tu ne l'as pas vu. On est dans un
système le plus soumissionnaire conforme. Les règles sont
établies et il faut que tu les respectes. Si non, tu pénalises
les autres. » (Acteur D-01)
D'après lui, le partenariat véritable
s'établit en dehors des appels d'offres publics où on peut
choisir librement les fournisseurs et les contrats seront
négociés à l'amiable de gré à gré.
Ainsi, les sociétés privées ont plus de marge de manoeuvre
pour opérer sans craindre la pression de l'opinion publique quant
à l'apparence de conflit d'intérêt ou la justification de
transactions ou des gestes administratives : << Avec les Indiens de la
Baie James, on ne fonctionne pas avec la plus basse soumission conforme. C'est
une négociation de gré à gré. Dans un tel cas, tu
peux être partenaire. J'en fais des contrats négociés avec
les Indiens » (Acteur D-01)
Il croit qu'une clause de médiation introduite dans un
contrat va diminuer la possibilité de régler les
réclamations en chantier entre les personnes directement
concernées. Une telle situation va faire en sorte que tous les conflits
seront peltés dans le court du médiateur et les administrateurs
des contrats ne seront pas incités à résoudre leurs
problèmes sur le terrain : << Si on inclut une clause de
médiation, ma crainte est que les gents se déresponsabilisent. Au
lieu de chercher à régler les dossiers ils vont aller chercher
des gens pour les régler à leur place. » et il ajoute :
<< S'il y a vraiment des dossiers qui requièrent
un médiateur il faut aller le chercher. Il faut que tu fasses l'effort
pour régler ton dossier toi-même avant. Une des
réclamations que j'ai négociées ça pris deux ans
mais ça fini pour être réglée. On n'a pas eu de
conciliateur. Mettre une clause dans nos contrats je ne vois pas la
nécessité. On les règle nos dossiers. » (Acteur
D-01)
2.2 Acteur D-02
L'acteur D-02 est un avocat de formation avec une pratique de
10 ans comme avocat de litige à Hydro-Québec. Il a
consacré 27 ans de sa carrière à Hydro-Québec et un
an dans le secteur privé. Il occupe présentement une position du
premier niveau et agit comme cadre dans le domaine de l'approvisionnement des
biens et services d'Hydro-Québec. Il s'agit
d'un acteur important et influent qui siège au
comité de gestion de l'entreprise. Ses opinions sont susceptibles de
contribuer à donner un peu d'éclairage sur les questions
posées par ce projet de recherche.
2.2.1 La perception du partenariat
Pour cet acteur, la notion du partenariat à
Hydro-Québec peut couvrir une interprétation multiple à un
tel point que tous les fournisseurs peuvent se considérer partenaires.
Donc le sens du terme partenariat est tributaire à la situation de
chaque fournisseur et du domaine où il est pratiqué : « La
notion de partenariat a été très galvaudée,
ça peut prendre différents formes, à la limite tous les
fournisseurs d'Hydro-Québec peuvent se dire on est partenaires
d'Hydro-Québec, [...] ça dépend de la personne qui le dit,
ça peut être des choses très différentes... »
(Acteur D-02)
Une relation guidée par des objectifs communs
partagés
Il s'avère clair chez l'acteur D-02, que tout
partenariat doit être fondé sur des désirs communs
partagés par Hydro-Québec et son fournisseur. Les deux parties
ont intérêt à réussir la réalisation d'un
projet surtout lorsqu'on fait appel à des nouvelles technologies qui
peuvent servir à développer d'autre marchés et
réaliser des retombés économiques au Québec. Selon
cette personne, la politique d'Hydro-Québec en matière
d'acquisition est guidée par quatre orientations principales : la
sécurité d'approvisionnement, la qualité du
matériel acheté, l'efficacité par laquelle on acquiert le
bien et les retombées économiques au Québec : « Telle
relation permet de développer des objectifs communs comme
réduction des coûts, efficacité ou permettre des
développements technologiques et la rentabilité. » (Acteur
D-02)
Il considère que le partenariat permet aussi la
participation de chacun des partenaires à la définition et
à la planification des objectifs communs afin de d'établir une
orientation claire qui répond aux besoins de chacune des parties et de
s'assurer d'une réalisation efficace des objectifs fixés : «
Je m'assoie avec eux deux ou trois fois par année. J'ai un comité
d'orientation à très haut niveau avec des vice-présidents
du fournisseur fabricant où on détermine les objectifs. »
(Acteur D-02)
Selon ce gestionnaire, dans une relation de partenariat entre
Hydro-Québec et un fabricant fournisseur d'équipements
stratégiques, les objectifs communs s'articulent souvent autour d'un
développement technique afin de se maintenir à la fine pointe de
la technologie, d'augmenter la performance d'un produit et de diminuer les
coûts d'installation : << C'est quoi nos objectifs? Par exemple
cette année, l'objectif est de faire du développement
technologique pour ce produit pour arriver à réduire les
coûts de construction. On a déjà fait des économies
appréciables en développant des produits plus performants. »
(Acteur D-02).
Ainsi, la relation partenariale entre le client et le
fournisseur est un incitatif pour que les partenaires travaillent en fonction
des besoins communs et acceptent d'investir dans la recherche et
développement car ils sont assuré des relations d'affaires
stables basées sur les compétences mutuelles : << Ça
c'est un vrai partenariat parce que j'ai investi du temps avec cette entreprise
pour définir ensemble nos besoins et eux acceptent d'investir parce
qu'ils savent que nous sommes en partenariat. » (Acteur D-02)
Relation gagnant-gagnant
Selon l'acteur D-02, dans le domaine de la fabrication et de
fourniture d'équipements la relation du partenariat est perçue
comme une relation gagnant-gagnant dans la mesure
oüHydro-Québec investis avec son partenaire d'affaires
pour développer des produits
performant. Ce qui assure à la société
d'État une sécurité d'approvisionnement et une
disponibilité d'expertise et en même temps le fournisseur est
assuré d'un marché lucratif stable en plus le nouveau produit
développé le met dans une meilleure position pour
pénétrer des nouveaux marchés avec le produit
développé : << Si on prend en exemple les câbles
souterrains, PPP, on a développé avec lui un nouveau câble
plus performant et en plus l'usine est à Québec. Ce qui donne des
retombées économiques importantes. » (Acteur D-02)
Ainsi, en raison du développement technologique, le
partenariat est considéré comme une relation gagnant-gagnant car
elle produit des retombés économiques pour les deux parties
telles que la réduction des coûts pour Hydro-Québec et le
développement des nouveaux marchés pour le fabricant fournisseur
: << On va vraiment cheminer dans ce marché-là afin
de réduire les coûts et de développer un
nouveau marché. C'est du développement technologique qu'on a fait
avec PPP. On va être un partenaire parce qu'il y a du
développement et de recherche à faire. » (Acteur D-02)
Relation dynamique
La relation du partenariat est perçue par l'acteur D-02
comme une démarche dialogique oüon doit toujours se
questionner sur les besoins et regarder l'avenir avec une vision critique afin
de suivre et anticiper le développement technologique. Il s'agit des
enjeux importants pour une entreprise comme Hydro-Québec qui fournit un
produit à fort teneur technologique : << Discuter avec lui c'est
quoi le besoin dans le futur d'HQ./SEBJ des équipements, ça
évolue avec la technologie. » (Acteur D-02)
Malgré que la relation commerciale peut être
améliorée avec le partenariat, il n'en demeure pas moins que le
partenariat, selon cet interviewé, présente encore des
défis et des difficultés à surmonter pour une entreprise
publique comme Hydro-Québec. La difficulté réside dans le
balisage commercial (Benchmarking) afin de s'assurer que ce que
propose le partenaire est toujours compétitif par rapport au
marché :
<< La difficulté avec le partenariat est l'enjeu
du prix. Comment je peux m'assurer que le prix du partenaire est concurrentiel
par rapport au marché? Tu n'as pas allé sur le marché pour
le valider. La difficulté comme entreprise publique avec un partenaire
pas la première année mais plutôt plus loin comment peux-tu
t'assurer que son prix est toujours concurrentiel? Même si tu es
satisfait de la qualité. La relation commerciale peut être
améliorée avec le partenariat. » (Acteur D-02)
Relation durable
L'acteur D-02 souligne qu'à Hydro-Québec, dans
le domaine d'acquisition d'équipements spécialisés
provenant des fabricants particuliers, des relations durables sont
développées avec ces fournisseurs des biens stratégiques
surtout lorsqu'il y a de la recherche et du développement. Les nouvelles
technologies sont indispensables pour maintenir la société
d'État à la fine pointe de la technologie et pour la permettre
d'affronter les défis technologiques particuliers à son
réseau électrique : << Développer des relations
durables avec ses fournisseurs [...] C'est un peu la notion de partenariat
qu'on a développé avec nos fournisseurs des biens
stratégiques. » (Acteur D-02)
Ainsi, selon lui, les relations durables incitent les
fabricants d'investir dans la recherche et développement afin de trouver
des produits performants qui répondent aux besoins de la
société d'État et qui permettent aux fournisseurs de
pénétrer des nouveaux marchés et de conserver leurs
positions concurrentielles dans un domaine de plus en plus compétitif
:
<< Par exemple, on a déjà établi
avec un fournisseur de câbles souterrains, mondialement connu, un
partenariat à long terme pour développer un nouveau produit qui
répond à nos besoins spécifiques. On se dit, toutes les
éléments sont là pour faire un partenariat. C'est du
développement technologique qu'on a fait avec ce fournisseur. Pour eux,
ça vaut la peine d'investir dans une RDD quand ils sachent qu'ils ont
une relation durable avec nous. » (Acteur D-02)
Ainsi, sans une relation d'affaires à long terme
garantissant un marché certain, le fournisseur ne sera pas enclin
d'investir et de développer un nouveau produit et HydroQuébec
sera forcé à se contenter des produits moins performants
disponibles sur le marché au lieu des biens fabriqués sur mesure
selon ses propres besoins : << Si je n'avais pas avec eux un partenariat
à long terme, ils ne seront pas intéressés d'investir dans
la recherche et le développement. Ca vaut la peine quand ils savent
qu'ils ont une relation durable avec nous. » (Acteur D-02) Il ajoute :
<< Pourquoi ils ont accepté de faire dans le fond du
développement et d'investir? Parce qu'on était dans une relation
partenariale. » (Acteur D02)
Toutefois, selon l'acteur D-02, pour s'approvisionner en
matériel et équipements qui ne requièrent pas de la
recherche et du développement technologique, Hydro-Québec
procède via des ententes à long terme qui ne sont pas
considérées comme du partenariat proprement dit. Ces ententes
sont faites suite à des appels d'offres sur invitation où des
fournisseurs préqualifiés sont invités en raison de leurs
compétences, de leur fiabilité et de la qualité de leurs
produits sollicités :
<< On a le mode des ententes cadres où j'ai
beaucoup des petits fournisseurs où j'ai une entente à long terme
avec eux. Sur une base d'appel de proposition avec une entente de trois 4 ou 5
ans. Il y en a qui peuvent penser que ça c'est du partenariat. Moi
j'appel ça une entente à long terme. » (Acteur D-02)
Relation créatrice de la valeur
L'interviewé D-02 fait la distinction entre les contrats
de construction avec l'entrepreneur, les contrats de fabrication
d'équipements stratégiques où il y a du
développement
technologique et les contrats de service professionnel avec
les consultants en ingénierie. Ils soulignent qu'il est plus
approprié de travailler en partenariat lorsqu'il s'agit de
l'ingénierie ou de la fabrication d'équipements qui impliquent de
la recherche et du développement : « Où il y a du
développent technologique, on a intérêt à être
en mode partenariat » (Acteur D-02)
De la sorte, l'expertise d'Hydro-Québec
conjuguée avec l'expérience du fournisseur contribue de
réaliser du développement technologique qui crée de la
valeur en permettant de produire des équipements plus performants et
conformes aux exigences du réseau électrique qui sont en
perpétuelle évolution : « Avec ce fabricant, on va
être un partenaire parce qu'il y a du développement et de
recherche à faire. » (Acteur D-02)
Relation basée sur la transparence
Selon cet interviewé, si le fournisseur n'est pas en
relation de partenariat avec HydroQuébec, il n'est pas enclin à
manifester une transparence lors d'une négociation : « Ils savent
aussi qu'ils sont en partenariat avec nous pour longtemps. Pour un contrat de 1
an ou 2, les fournisseurs ne veulent pas ouvrir leurs livres. Ils ne seront pas
aussi transparents. » (Acteur D-02)
Relation basée sur le partage équitable des
risques et des bénéfices
Les risques d'affaire, selon ce gestionnaire du premier
niveau, peuvent être dus à une augmentation des coûts
causée par des contraintes extérieures telles que les coûts
des matières premières qui rentrent dans la réalisation
d'un produit en fabrication ou dans un ouvrage en construction :
« Quand il y a eu des grosses augmentations des
coûts de la matière première acier, cuivre et aluminium,
ces dernière années, nous avons accepté de s'assoir avec
nos fouisseurs pour essayer de voir qu'est ce qu'on peut faire. Dans certain
cas on s'est assis avec nos fournisseurs et on a dit oui on accepte certain
augmentation des coûts imprévus. » (Acteur D-02)
Relation basée sur le respect mutuel
Le respect est perçu par cet acteur comme le
modèle japonais lorsqu'il s'agit d'une relation client-fournisseur.
L'écoute aux demandes du client et le respect dégager par les
fournisseurs du Japon envers leur client a laissé sa marque chez un cet
acteur clef qui a eu l'occasion de transiger à plusieurs reprises avec
ces fournisseurs asiatiques. En effet c'est cette culture de samouraï qui
fait parti des meurs qui est recherchée en terme du respect dans une
relation partenariale : << Les Japonais sont très sensibles
à la notion de partenariat. Pour eux c'est une question d'image et du
respect. » (Acteur D-02)
2.2.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.2.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
Pour l'acteur D-02, les modes usuels de règlement des
différends, qui sont mis souvent de l'avant pour régler les
conflits commerciaux avec les fournisseurs, sont similaires que ce soit dans le
domaine des contrats de construction ou dans le domaine des ententes de
partenariat avec les fabricants fournisseurs d'équipements
stratégiques. À cet effet, il existe une clause normalisée
de procédures en cas de différends insérée dans les
clauses générales de chaque contrat d'approvisionnement où
le recourt à la médiation n'est pas spécifié d'une
façon formelle : << Les clauses générales ne
préconisent pas une médiation automatique ou l'arbitrage. »
(Acteur-D-02)
Il est en faveur de régler les litiges commerciaux au
fur et à mesure par des négociations directes entre les
administrateurs des contrats et les représentants des fournisseurs :
<< Selon moi, je trouve qu'on a intérêt à
régler au fur et à mesure. » (Acteur D-02) Cette
volonté de régler promptement les conflits existe aussi pour les
chantiers de construction afin de ne pas laisser les dossiers s'accumuler :
<< Il y a une volonté, en mode chantier, de régler les cas
au fur et à mesure, pas trop pelleter en avant les problèmes pour
se retrouver avec des gros affaires finalement. » (Acteur D-02)
Démarche quasi-judiciaire
Toutefois, selon l'interviewé, dans la plupart des cas,
on a fini par s'entendre et par trouver une solution sans qu'il soit
nécessaire de se rendre devant les tribunaux. Selon les
procédures, s'il n'y a pas d'entente après avoir fait appel au
Directeur, usuellement le dossier sera transmis au contentieux afin de se
préparer de le débattre devant les tribunaux de droit commun.
Mais, selon lui, la poursuite d'un dossier en justice est très rare car
ils préfèrent trouver une solution avant d'en arriver à
s'adresser à la cour pour des raisons de confidentialité et pour
n'a pas établir une jurisprudence défavorable pour
Hydro-Québec :
<< On ne préfère pas aller devant le
tribunal pour des raisons de confidentialité. [...] Moi, je dis toujours
: le plus mauvais règlement vaut mieux qu'un bon jugement;
d'après mon expérience, après avoir fait des litiges
pendant plus de 10 ans. C'est vrai pour beaucoup des cas mais pas pour des cas
de principe. >> (Acteur D-02)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Selon l'acteur D-02, les forces du mode usuel réside
dans la liberté de choisir le mode qui convient le mieux à une
situation donnée, au lieu de se trouver dans l'obligation de passer par
un quelconque mode pour régler leurs conflits commerciaux avec leurs
fournisseurs :
<< Les forces du mode usuel actuel permettent d'adapter
le mode de résolution des problèmes aux dossiers. Des fois quand
on pense qu'il faut aller en arbitrage pour des raisons de
confidentialité on va avoir la liberté d'y aller. Et on ne
préfère pas aller devant le tribunal pour des raisons de
confidentialité on est prêt à vivre avec la décision
de l'arbitre. Il y a des dossiers où on juge qu'il est avantageux
d'aller en médiation. Pour d'autre dossier on dit l'écart est
très grand on veut aller devant les tribunaux pour des questions de
principes. >> (Acteur D-02)
Un comité interne de l'entreprise s'est
déjà penché sur la question à savoir s'il faut
changer le processus de règlement habituel par un nouveau qui inclut la
médiation commerciale. Après mure réflexion, les
décideurs ont préféré préserver le statu quo
qui a déjà fait ses preuves et a été jugé
adéquat pour répondre aux besoins de la société
d'État :
<< C'est la recommandation qu'on avait faite à
l'époque. Ils ont dit non. Nous en aimerait garder le statu quo. D'y
aller avec une approche où on se réserve la possibilité de
le faire au moment opportun selon la nature du dossier. >> (Acteur
D-02)
Rapport de forces favorable
Selon l'acteur D-02, il existe un rapport des forces favorable
à la société d'État qui peut servir comme force
dissuasive pour inciter les belligérants à se rapprocher et
trouver une solution au lieu de se lancer dans un processus périlleux et
coûteux :
« Comme on est une entreprise publique dans certain cas
on doit se tenir debout et faire établir des principes. On a les moyens
de le faire. Oui pour la médiation pour l'entreprise privé. Mais
pour l'entreprise publique qui a les moyens de se tenir debout et au point de
vu financier elle est capable de supporter une position de principe. Moi, je
pense dans certain cas la médiation ce n'est pas la solution. »
(Acteur D-02)
Cet avantage par rapport au fournisseur peut servir à
supporter une position de principe ou faire face à un fournisseur de
mauvaise foi lors des négociations. À cet effet,
HydroQuébec dispose des ressources financières et humaines
importantes en mesure de supporter les coûts et le délai d'une
poursuite devant les tribunaux où peu des fournisseurs peuvent le
faire.
Validation des clauses contractuelles
Les forces des modes usuelles de règlements, selon ce
gestionnaire, réside dans la possibilité de tester certaines
décisions devant les tribunaux afin d'établir une jurisprudence
sur une question de principe. Lesquelles jurisprudences sont
considérées comme une source précieuse de droit pour faire
évoluer les clauses contractuelles :
« Il y a des dossiers où on préfère
aller en cour où l'opinion juridique est tellement tranchée pour
établir à la limite de la jurisprudence. Dans certain cas on va
aller devant les tribunaux pour trancher. On est convaincu que nous ne sommes
pas responsables et le fournisseur dit oui. Il faut trancher oui ou non. C'est
un point de principe pour l'entreprise. » (Acteur D-02)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Malgré certaines satisfactions du processus usuel, il
en demeure pas moins que ce gestionnaire est d'avis que la façon de
faire actuelle en matière de règlement des différends est
longue, surtout lorsque la valeur de la réclamation provenant d'un
fournisseur est importante : « Je trouve que le processus actuel est quand
même un peu long. Il y a des réclamations où c'est long
avant que cela se règle. » (Acteur D-02)
L'interviewé mentionne aussi que le mode judiciaire est
coûteux en frais de contentieux et d'experts engagés pour
préparer et défendre les dossiers en litige devant les tribunaux
de droit commun :
« Quand tu sais qu'il s'agit d'un enjeu
essentiellement monétaire et tu sais que cela coûte cher pour
aller devant les tribunaux et trainer des litiges pendant des années de
temps. Moi, je dis toujours le plus mauvais règlement vaut mieux qu'un
bon jugement d'après mon expérience après avoir fait des
litiges pendant plus de 10 ans. C'est vrai pour beaucoup des cas. »
(Acteur D-02)
Selon lui, dans certains cas, surtout pour une petite et
moyenne entreprise, l'accumulation des réclamations non
réglées peut affecter la capacité financière du
fournisseur à poursuivre les travaux ce qui peut provoquer une rupture
dans la relation d'affaires : << Si les réclamations s'accumulent,
dépendamment de la capacité financière du fournisseur cela
peut lui mettre en difficulté. » (Acteur D-02)
Il explique que lors de l'exécution des travaux en
chantier, l'échéancier des travaux est très important car
le projet s'inscrit souvent à l'intérieur d'un grand projet ou un
programme stratégique d'une importance capitale pour
Hydro-Québec. Ce qui fait que les priorités et les efforts des
gestionnaires en chantier sont consacrés pour réaliser les
travaux selon les dates clefs prévues dans le programme global du
projet. Ainsi, on demande souvent à l'entrepreneur d'exécuter les
travaux avant même d'avoir une entente sur les incidences de ces travaux
sur les activités contractuelles de l'entrepreneur. Pour cette raison,
on arrive à la fin du chantier avec un cumul de changements non
réglés où il faut redoubler d'efforts pour trouver les
informations manquantes afin de compléter les dossiers et
négocier les règlements. Une telle situation, est une source
importante des conflits dont la négociation d'un règlement
devient plus ardue et plus difficile : << Dans la plupart des cas, on
veut que le chantier avance et on dit "on réglera cela après..."
Tu as un cumul de changements et le dossier grossit [...] Je pense que c'est
ça la difficulté. » (Acteur D-02)
2.2.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
L'acteur D-02 confirme que les clauses contractuelles ne
stipulent pas un recours à la médiation ou à
l'arbitrage en cas de conflit avec les fournisseurs. Ce qui donne le libre
choix à Hydro-Québec d'avoir recours au mode
qu'elle juge opportun selon la situation. En plus, la société
d'État fait un recourt occasionnel et exceptionnel, aux modes
alternatifs pour résoudre les conflits commerciaux avec ses fournisseurs
: << Les clauses générales ne préconisent pas une
médiation automatique ou l'arbitrage. >>. Il ajoute << On
préfère se garder la possibilité d'y avoir recours ou non
>> (Acteur D-02)
L'acteur D-02 n'a laissé dégager aucune opinion
relative aux attentes par rapport au processus des modes alternatifs. Il
insiste pour que le médiateur soit neutre, à égale
distance par rapport aux parties en conflit. Il ajoute que le rôle du
médiateur doit être conciliateur qui consiste à
écouter et comprendre les positions des parties pour ensuite tenter de
trouver un terrain d'entente satisfaisant pour les belligérants en
conflit :
<< Pour moi le médiateur il est neutre au
départ, donc au niveau de perception, il doit aller avec les faits. Il
doit être à l'écoute des parties. Il n'est pas
biaisé au départ. Des fois, nous regardons la chose selon notre
vision à nous. Nous avons la difficulté de se mettre à la
place de l'autre. Le rôle du médiateur, le juge même
affaire, c'est de comprendre la position de chacune des parties puis
d'être capable à partir de cela de réconcilier la position
des parties. [...] Être capable d'écouter les parties et
identifier les points où il peut avoir de rapprochement entre les
parties. Parce que, des fois, les relations sont devenues très
difficiles et les belligérants ont de la difficulté de voir les
points où ils peuvent se rapprocher. C'est le médiateur de voir
dans quelle mesure il sera capable d'identifier les points que les parties
n'ont pas vus. Il y a peut être des zones de rapprochement qui vont
permettre de régler le dossier. >> (Acteur D-02)
Cette personne est d'avis que le médiateur
possède certaines compétences techniques compatibles avec la
nature du conflit. Ces compétences, selon lui, sont très utiles
pour le médiateur qui veut intervenir dans des dossiers complexes
à forte teneur technique afin qu'il puisse saisir adéquatement le
conflit :
<< Dans certains dossiers techniques, je crois que le
médiateur doit avoir une certaine notion, par exemple dans un gros
contrat de construction. Le médiateur, il faut qu'il soit adapté
dans sa propre expertise au marché dans lequel il va faire une
médiation et doit être capable de comprendre c'est quoi le
problème. >> (Acteur D-02)
Il semble qu'il existe, chez ce gestionnaire, une
volonté que le médiateur intervienne et use de sa position, qui
est en retrait par rapport au conflit, pour proposer des pistes de solution au
conflit : << Il peut dire au donneur d'ouvrage, je comprends votre
position mais avezvous regardé telle ou telle chose dont vous devriez
tenir compte? >> (Acteur D-02)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-02 considère qu'une des forces du processus de
la médiation est le fait qu'il est non contraignant. Par
conséquent, il devient intéressant d'y avoir recours dans certain
cas :
<< Avec la médiation, on n'est pas lié. Si
tu n'es pas d'accord avec le médiateur parce qu'il n'a pas compris le
problématique, tu n'es pas lié. Cela peut être aidant,
compte tenu des particularités des dossiers ou des enjeux, ou des
projets ou de l'envergure de certaine réclamations avec certain
entrepreneur. » (Acteur D-02)
De plus, il considère que le processus de la
médiation, même s'il ne réussit pas à trouver une
solution au conflit, permet toutefois d'avoir une réflexion et de voir
le conflit sous un autre angle. Ce qui permet parfois aux belligérants
de reconsidérer leurs positions :
<< S'il n'y a pas de possibilité de
rapprochement, du côté de l'entrepreneur c'est de faire valoir ses
droit pour vis-à-vis les tribunaux et de notre côté, c'est
peut être suite à la médiation de reconsidérer le
dossier et la démarche qu'on devra faire pour trouver un
règlement. » (Acteur D-02)
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Pas d'opinion de cet acteur concernant les faiblesses du mode
alternatif.
2.2.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
Pour l'interviewé D-02, il n'y a pas une << plus
value » évidente pour Hydro-Québec d'inclure dans les
contrats avec les fournisseurs, une clause de règlement des
différends incorporant le processus de la médiation. Inclure une
telle clause dans les contrats devient contraignant pour la
société d'État qui préfère garder sa
liberté d'action et l'utiliser cas par cas.
<< Il y a eu déjà des hauts gestionnaires,
à Hydro-Québec, qui ont évoqué d'inclure une clause
de médiation dans nos contrats. Donc, il y a beaucoup d'ouverture de la
part de la haute direction pour la médiation. Mais on ne veut pas
être pris avec une clause obligatoire dans nos contrats. On va s'en
servir comme outil potentiel comme une façon de résoudre la
problématique qui peut être intéressante on ne va pas
être obligé à la regarder dans toutes les causes. »
Acteur D-02)
Selon l'acteur de la première ligne D-02, la question
à savoir s'il faut inclure une clause de médiation dans les
contrats d'Hydro-Québec a déjà été
débattue par un comité de la haute direction il y a quelques
années. Après une mure réflexion, la réponse
était non en raison, que dans la plupart des cas, l'écart qui
sépare la demande de l'entrepreneur et l'offre de la
société d'État est très important. Il y a une
crainte que le médiateur coupe la poire en deux. Dans ce cas,
Hydro-Québec se trouve dans l'obligation d'accepter un règlement
défavorisé :
<< Est-ce que oui ou non on devra inclure une clause de
médiation dans nos contrats ? À l'époque la position
d'équipement, il n'en voulait pas. Parce qu'ils estimaient que dans les
réclamations, avec les entrepreneurs, les écarts sont souvent
très importants. Car des réclamations sont faites pour 40
millions $ qui valent selon nous 4 millions $ : dix fois moins à titre
exemple. L'écart entre la réclamation et le bien fondé est
énorme. Dans ce cas, on ne veut pas se lancer dans un processus de
médiation, qui va finir par couter cher. [...] Pour d'autres dossiers on
dit l'écart est très grand on veut aller devant les tribunaux
pour des questions de principes. Une fois on est allé en
médiation et je me suis dit par après on n'aurait pas dû
aller en médiation. Par définition, la médiation il faut
que tu acceptes de mettre un peu d'eau dans ton vin et l'autre aussi, afin
d'arriver à une solution mitoyenne. Il faut que tu sois prêt
à concéder. » (Acteur D-02)
Toutefois, selon le gestionnaire, l'entreprise est tout
à fait ouverte pour l'utilisation de la médiation lorsqu'elle
juge que l'enjeu du conflit est discutable. Lorsque le bien fondé n'est
pas évident ou l'écart n'est pas très
éloigné Hydro-Québec accepte de participer à un
processus de médiation sur une base volontaire selon le cas :
<< Quand on jugera qu'il faut aller en médiation
on y ira. Ils en font de temps en temps. On a fait de la médiation dans
le passé dans les gros litiges où on a
préféré de ne pas aller en cours avec cela. [...] Oui, la
médiation est un outil intéressant mais pas pour tous les cas. On
a pris la décision à l'époque de ne pas l'introduire
systématique dans la clause générale. » (Acteur
D-02)
L'acteur D-02 explique qu'il préfère avoir la
liberté d'aller en médiation ou non. Car il y a des cas où
il n'est pas avantageux d'aller en médiation surtout lorsqu'il s'agit
d'une affaire de principe où on est sûr d'avoir gain de cause.
Selon lui, il faut adapter le processus de règlement au conflit et non
l'inverse :
<< Il faut adapter le mode de résolution des
problèmes aux dossiers. Des fois quand on pense qu'il faut aller en
arbitrage pour des raisons de confidentialité on va avoir la
liberté d'y aller. On ne préfère pas aller devant le
tribunal pour des raisons de confidentialité on est prêt à
vivre avec la décision. Il y a des dossiers où on juge qu'il est
avantageux d'aller en médiation. [...] Quand tu vas en
médiation
tu es obligé de faire la concession. On a fini par
régler ce dossier en médiation. Mais, moi, je n'étais pas
à l'aise. C'est une question de principe. Moi j'aurai aimé mieux
aller en cour que concéder. [...] En médiation il faut aller avec
un dossier ou tu pense qu'il y a quelque chose à concéder ou ce
n'est pas une question de principe pour toi. » (Acteur D-02)
L'acteur D-02 est d'avis que la décision de la
société d'État relative au refus d'introduire une clause
de médiation dans ses contrats avec les fournisseurs, qui date depuis
quelques années peut être reconsidérée et voir une
possibilité de le faire à titre expérimental dans quelques
contrats. Ensuite on pourra évaluer la pertinence de poursuivre ou de
revenir à la position du départ. Ainsi on peut apprécier
le plus valu qui sera apporté par une telle clause à la gestion
des différends issus des contrats d'Hydro-Québec avec ses
fournisseurs :
<< Ca ne veut pas dire que cette position qui date il y
trois ans ne peut pas évoluer dans le futur. [...] Cela étant
dit, on s'est déjà posé la question pourquoi on le test
pas ? On pourra peut être la tester dans un marché au lieu (at
large). Puis, voir qu'est ce que ça donne? Puis, faire un poste
mortem dans trois, quatre ou cinq ans. Là, on pourra dire on l'a
testée. C'est la recommandation qu'on avait faite à
l'époque. [...] Moi j'aurai aimé la tester, pour avoir vu
quelques articles la dessus et quelque expériences ailleurs dans
d'autres entreprise. [...] Pourrons-nous l'essayer pour un secteur? Justement
pour faire une idée qu'est-ce que ça représente? Pour
justement faire un business case et pour dire c'est rentable ou pas rentable.
Pour cela J'ai de la difficulté à se positionner. L'essayer pour
pouvoir quantifier les inconvénients et les avantages, rentable ou pas.
J'ai un penchant favorable pour l'essayer. » (Acteur D-02)
Selon l'opinion de l'acteur D-02, une clause de
médiation incluse dans les contrats risque de se trouver très
souvent en médiation. Ainsi, il y aura moins de réclamations qui
seront réglées pour négociation entre les administrateurs
directement concernés sur le terrain en chantier. Selon lui, l'inclusion
d'une telle clause dans les contrats va augmenter les coûts et peut
même entraver le règlement hors cour des différends :
<< C'est la faisabilité d'être toujours en
médiation. On a des grosses réclamations où très
peu d'entreprises au Québec se trouvent dans une telle situation, on a
des gros contrats qui amènent potentiellement des grosses
réclamations. On a des conditions de réalisation qui sont
particulières. Ce ne sont pas des conditions usuelle ni des
réclamations usuelles. On a des réclamations dont l'envergure et
la complexité sont importantes. Si on était en médiation
dans toutes nos réclamations, on as-tu la capacité de supporter
les coûts de tout ça? Comment cela coûterait par rapport
à notre façon de faire habituelle? Je pense qu'il faudrait faire
cette analyse en profondeur car ça n'a jamais été fait.
» (Acteur D-02)
Selon ce gestionnaire, d'autre acteurs résistent
même à essayer d'introduire une clause de médiation
à titre expérimental. Car ils sont convaincus que l'introduction
d'une telle clause nuira à la bonne gestion des différends
à Hydro-Québec où il y aura une forte augmentation des
réclamations qui vont se trouver en processus de médiation.
HydroQuébec perdra l'élément dissuasif qui presse les
administrateurs directement impliqués dans le conflit à trouver
un règlement :
« Ils ont dit non, nous, on aimerait garder le statu quo.
D'y aller avec une approche où on se réserve la
possibilité de le faire au moment opportun selon la nature du dossier.
C'est un peu l'historique à Hydro-Québec concernant la
médiation. On le saurait jamais si c'était la meilleure solution
ou pas. On n'a pas fait le test. Pour cela, moi, je ne sais pas. Comme on ne
l'a pas testé, je ne peux pas dire si c'est une bonne chose. »
(Acteur D-02)
2.3 Acteur D-03
L'acteur D-03 est un avocat de formation, il fait partie de
l'équipe du service juridique d'Hydro-Québec. Il a
déjà été mandaté pour régler des
litiges dans des dossiers provenant des activités de construction des
projets de l'entreprise. Il est à l'emploi d'Hydro-Québec depuis
plus de 8 ans; il a passé 13 ans dans le secteur privé
auparavant. Ses opinions sont importantes car le service juridique agit comme
conseiller du premier choix pour les gestionnaires qui ont à traiter des
conflits avec les fournisseurs.
2.3.1 La perception du partenariat
Selon l'acteur D-03, il arrive des fois où on
s'interroge si le mode de réalisation d'un certain projet est
considéré comme du partenariat ou comme une simple relation
d'affaire entre deux acteurs économiques oeuvrant dans un marché
particulier : « Je ne sais pas si on peut qualifier ce projet du
partenariat. » (Acteur D-03)
Il explique que de plus en plus pour réaliser des
projets spécialisés on laisse les appels d'offres publics pour
des appels de propositions où on invite un nombre très restreins
de fournisseurs spécialisés en mesure de réaliser des
projets particuliers dans des conditions propres à Hydro-Québec.
Il s'agit souvent des travaux dans des installations en services
avec tous les impératifs de la présence des courants
électriques de haute tension : « Je ne sais pas si on peut
qualifier ça de partenariat. Contractuellement ce sont des appels de
propositions. » (Acteur D-03) Aussi, selon lui, d'autres
risques peuvent être associés aux développements
technologiques qui parfois n'aboutissent pas aux résultats attendus
malgré les efforts investis : << Tu me parles de partenariat dans
le contexte de recherche et de développement. C'est sûr il y a
toujours des risques de part et d'autre, dépendamment des conditions du
marché. » (Acteur D-03)
2.3.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.3.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
L'acteur D-03 confirme que le mode usuel de règlement
des différends est décrit dans les clauses
générales de l'appel d'offres. Ce mode ne fait pas mention d'une
clause de médiation ou d'arbitrage : << Donc il n'y a pas des
clauses d'arbitrage obligatoire comme on peut rencontrer ailleurs à
l'occasion. Pas des clauses de médiation obligatoire. Il y a une clause
des procédures en cas de différends qui prévoit un
processus d'appel au supérieur hiérarchique. » (Acteur
D-03)
Toutefois, l'acteur D-03 mentionne que si l'entrepreneur
n'arrive pas à s'entendre avec l'administrateur désigné du
contrat, la procédure inscrite dans le contrat lui permet de s'adresser
à un niveau hiérarchique plus haut avec un dossier complet
justifiant sa demande dans le but de trouver une entente et changer la
décision de l'administrateur. Ainsi, le supérieur
hiérarchique reçoit le dossier de l'entrepreneur comme un appel
de la décision de son employé et tente de trouver un
règlement, mais toujours en se basant sur la normativité
juridique du contrat : << Il y a une clause de procédures en cas
de différends qui prévoit un processus d'appel au
supérieur hiérarchique. » (Acteur D-03)
Selon sa conception, les négociations avec
l'entrepreneur et l'analyse du dossier de réclamation
présenté par l'entrepreneur sont faites en équité
et avec transparence en s'appuyant sur des critères objectifs où
le dossier doit être bien fondé en droit. Les clauses
contractuelles, les lois et règlements demeurent la source de toute
justification pour la prise de décision. À cet effet, un avis
préalable du contentieux de la société d'État est
nécessaire pour conclure toute entente concernant le règlement
d'une réclamation par un gestionnaire. Le fardeau de la justification
incombe à l'entrepreneur où il doit présenter sa demande
de
compensation avec une bonne argumentation détaillée
et basée sur le contrat qui lie les parties :
<< C'est sûr il y a toute une phase de
présentation et d'analyse de la réclamation. Il arrive des
situations où on dit à l'entrepreneur, qu'il faut qu'il refasse
ses devoirs parce que la réclamation telle que présentée
n'est pas justifiée. Elle n'inclut pas les pièces justificatives.
[...] Quand il s'agit d'un dossier qu'on peut qualifier de réclamation
selon le pouvoir des décisions. L'affaire juridique est consultés
à ce niveau là on va intervenir. » (Acteur D-03)
Toutefois, il est d'avis que dans la plupart des cas, on fini
par s'entendre et par trouver une solution sans qu'il soit nécessaire de
se rendre devant les tribunaux. Selon les procédures, s'il n'y a pas
d'entente après avoir fait appel au Directeur, usuellement le dossier
sera transmis au contentieux afin de se préparer de le débattre
devant les tribunaux de droit commun. Mais l'interviewé s'entend pour
dire que la poursuite d'un dossier en justice est très rare car il
préfère trouver une solution avant d'en arriver à se faire
dicter une décision par un juge : << À défaut
d'entente, on va aux tribunaux de juridiction de droit commun. » (Acteur
D-03)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Selon l'acteur D-03, il existe un rapport des forces favorable
à la société d'État qui peut servir comme force
dissuasive pour inciter les belligérants à se rapprocher et
trouver une solution au lieu de se lancer dans un processus périlleux et
coûteux. À cet effet, HydroQuébec dispose des ressources
financières et humaines importantes en mesure de supporter les
coûts et le délai d'une poursuite devant les tribunaux où
peu des fournisseurs peuvent le faire :
<< Puisque les tribunaux ont juridiction, la force dans
le fond est une force dissuasive. Parce que les tribunaux sont coûteux et
imposent des délais importants de telle sorte que souvent les parties
vont tenter de se rapprocher pour éviter de s'en aller dans ce processus
là (judiciaire) dont l'issue est incertaine. Car la décision du
tribunal des premières instances, par exemple à la cour
supérieure, tu as un droit d'appel. Ce qui peut prolonger encore
d'avantage. Alors, c'est d'une certaine manière dissuasive. »
(Acteur D-03)
Le discours de l'acteur D-03 laisse entendre que la gestion des
deniers publiques impose un rendre compte au corps social. Ce qui n'est pas
le cas dans la gestion des affaires privées.
Il paraît plus facile de faire de compromis lorsqu'on
gère des intérêts privés que des fonds publics. Ce
qui laisse entendre que la gestion des compromis dans les négociations
des affaires de la société d'État est très
fastidieuse en raison des justifications qui doivent supporter chaque
décision ou chaque entente conclue pour un règlement : <<
Dans la vaste majorité des cas, je vois dans la négociation des
compromis. Je remarque une recrudescence des dossiers qui se judiciarisent.
Pourquoi ? » (Acteur D-03)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Une des faiblesses du mode usuel est le problème
d'accès à la justice qui se pose en raison de délais long
et des coûts de plus en plus importants pour supporter un procès :
<< Parce que les tribunaux sont coûteux et imposent des
délais importants, [...], la décision du tribunal des
premières instances, par exemple à la cour supérieure, tu
as un droit d'appel. Ce qui peut prolonger encore d'avantage. » (Acteur
D-02)
Malgré la satisfaction du mode usuel, il en demeure pas
moins que l'acteur D-03 est d'avis que la façon de faire actuelle en
matière de règlement des différends est longue, surtout
lorsque la valeur de la réclamation provenant d'un fournisseur est
importante : << L'autre faiblesse est le recours aux tribunaux qui est
long. » (Acteur D-03) L'interviewé souligne que le mode judiciaire
est coûteux en frais de contentieux et d'experts engagés pour
préparer et défendre les dossiers en litige devant les tribunaux
de droit commun : << Ce ne sont pas des mécanismes qui favorisent
le rapprochement. C'est l'antithèse de la médiation et de la
négociation. » (Acteur D-03)
2.3.1.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec.
Sur la question << Est-ce que vous avez-vous-même
expérimenté les méthodes alternatives de règlement
des différends? », l'interviewé D-03 répond par
l'affirmative en prenant bien garde de faire la distinction entre la
médiation et l'arbitrage qui est plus contraignant qu'un tribunal car il
n'y pas un droit d'appel sur le fond de la décision arbitrale rendue :
<< Oui. Je vous dirais en quelques occasions la médiation. Ma
première remarque il faut être extrêmes précis, on
parle de la médiation et non de l'arbitrage. » (Acteur D-03)
L'acteur D-03 affiche sa préférence pour le mode
judicaire au détriment du mode arbitrage. Il est très
réticent à choisir l'arbitrage pour régler les
différends avec les fournisseurs. Cette position est motivée par
le fait qu'une décision d'arbitre est exécutoire, elle lie les
parties et elle est sans appel. Tandis devant une décision de la cour,
on a toute la liberté de la porter en appel si on le juge
nécessaire. Il ajoute que la bonne foi et les bonnes attitudes de
communication doivent être la pierre angulaire du processus de la
médiation : << Moi je crois que la médiation basée
sur les prémisses que j'ai expliqué tantôt, bonne foi,
ouverture discussion, ca ne peut pas nuire. » (Acteur D-03)
Toutefois, cet intervenant voit un processus où il y a
des procureurs, pour chacune des parties, qui les conseillent et qui peuvent
influencer le déroulement du processus et son issue. Il s'attend
à ce que le processus prévoie une façon de pallier les
problèmes qui peuvent être créés par les procureurs
qui désirent prolonger inutilement le débat et entraver la
possibilité de conclure une entente :
<< Il faut éviter qu'il soit un exercice bidon.
Les chances de succès sont aussi tributaires d'objectivité et
d'honnêteté intellectuelle des avocats qui représentent les
intérêts des parties, ils ont parfois des comportements plus
antagonistes conflictuelles, ce qui a pour effet de prolonger le mandat et les
honoraires qui en découlent. » (Acteur D-03)
Il s'attend à ce que le processus garantisse que toute
discussion et information ne soient pas acceptées ou
interprétées comme admission par l'une des parties advenant une
poursuite devant les tribunaux. À cet effet, selon lui, le processus
doit prévoir un protocole clair qu'il soit signé par les parties
garantissant la confidentialité de tout ce qui est dit, entendu ou
dévoilé durant le processus de la médiation :
<< Il y a certains fournisseurs entrepreneurs ou
donneurs d'ouvrages qui vont être retissant par rapport à la
médiation par rapport à une certaine concession documents
échangés paroles dites, argument soulevé, soient les
interpréter comme des admissions. Des faiblesses qui peuvent être
invoquées contre la partie advenant qu'il n'y a pas d'entente, devant la
cour de la justice. Or, dans tous les cas de médiation, les parties ont
tout avantage à compléter un protocole de médiation. Qui
entre autre prévoit que le processus est entouré ou
englobé d'un privilège de confidentialité. Que toute les
paroles dites, proposition de règlement, documents, concession
pièces et documents déposés, le sont sans admission et ne
pourrons en aucune façon invoqué ou relégués
advenant qu'il n'y a pas d'entente. Ainsi, cette crainte là devra
être dissipée. Ça, c'est la médiation réelle.
» (Acteur D-03)
L'acteur D-03 accorde une importance à la
crédibilité du médiateur par les deux parties en conflit.
Ce que, selon lui, doit être un critère important à
considérer lors de la sélection du médiateur : << Il
faut prendre certaines précautions, compétences, connaissances
techniques, connaissance juridiques, crédibilité, reconnus par
toutes les parties, dans le choix du médiateur. » (Acteur D-03) Il
est également d'avis que le médiateur doit posséder
certaines compétences techniques compatibles avec la nature du conflit.
Ces compétences, selon lui, sont très utiles pour le
médiateur qui veut intervenir dans des dossiers complexes à forte
teneur technique afin qu'il puisse saisir adéquatement le conflit :
<< Je vous dirais que la personnalité du
médiateur et ses connaissances des enjeux techniques sont des facteurs
extrêmement importants pour augmenter les chances de succès de la
démarche. D'une part le médiateur doit être techniquement
capable de comprendre l'enjeu technique et d'autre part les forces du
médiateur résident dans sa capacité de rapprocher les
parties en expliquant les forces et les faiblesses de chacune des deux parties.
[...] Si je simplifie cela, je dirais au fond le médiateur qui est
compétant techniquement, qui maitrise l'art de convaincre et qui a un
bon jugement devrait être aussi bon et aussi compétant que le
décideur lui-même qui est le juge. [...] La faiblesse est ce que
le décideur, en l'occurrence le juge, n'a pas d'expérience
particulière en construction. Donc sur le plan technique, tu ne peux
plus qu'autrement manquer d'expérience dans le domaine. Ce qui donnent
une plus grande importance aux experts d'un coté et de l'autre. »
(Acteur D-03)
La médiation est perçue par l'interviewé
D-03 comme faisant partie d'un continuum et elle est l'étape avant de
s'adresser à la cour. De sorte qu'il voit un rôle important du
médiateur dans l'évaluation du risque advenant que le dossier
d'une réclamation soit entendu par un juge. Il souhaite que le
médiateur soit en mesure de donner une appréciation juste des
résultats probables suite à une éventuelle poursuite en
cour de justice. Selon lui, il doit pouvoir intervenir et convaincre les
parties de la meilleure solution selon les circonstances :
<< Il devrait pouvoir convaincre les parties du
résultat probable du litige. S'il réussit à convaincre les
parties du résultat probable du litige, pourquoi les parties iraient
pour se le faire dire par le tribunal, trois ans plus tard, après avoir
investi des sommes importantes. En d'autres termes, un bon médiateur est
aussi bon si non meilleur qu'un juge. Il devrait pouvoir faire entendre la
raison aux deux parties. Par exemple une cause n'est jamais gagnée
d'avance mais il y a une part de gestion et d'évaluation du risque.
» (Acteur D-03)
Comme le fait remarquer cet intervenant, le médiateur
doit être en mesure de faire face aux procureurs qui
représentent les parties en conflit, qui parfois ont d'autre agenda ou
d'autres intérêts non compatibles avec la recherche d'une
solution. Il doit bien gérer la présence de
ces avocats afin qu'ils contribuent au rapprochement des parties
au lieu d'entraver le processus qui est différents d'un débat en
cour :
<< Le rôle de représentants de chacune des
parties est de capital. L'objectivité de l'avocat qui conseil le client
est également un ingrédient important au succès. Parce que
le médiateur, même s'il est objectif compétent et impartial
soit-il, lorsqu'il fait son exposé il peut être convaincant mais
derrière les portes clauses l'avocat de l'un des parties donne une
évaluation toute autre à son client pour des motifs variables.
Cela peut mettre en péril le processus. Moi je suis un ardant penseur de
l'approche qui consiste à dire tout simplement, que le juge de la cour
supérieur n'est pas mieux placé pour analyser un dossier que le
médiateur. Si le médiateur passe bien le message il devrait avoir
une entente négociée et rien ne peut me convaincre du contraire.
» (Acteur D-03)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-03 est d'avis que le processus de médiation,
même s'il ne réussit pas à trouver une solution au conflit,
il permet, toutefois, d'avoir une réflexion et de voir le conflit sous
un autre angle. Ce qui permet parfois de reconsidérer sa position.
<< S'il n'y a pas de possibilité de
rapprochement, du côté de l'entrepreneur c'est de faire valoir ses
droit pour vis-à-vis les tribunaux et de notre côté, c'est
peut être suite à la médiation de reconsidérer le
dossier et la démarche qu'on devra faire pour trouver un
règlement. » (Acteur D-03)
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Pas d'opinion en ce qui a trait aux faiblesses du mode de
règlement des différends.
2.3.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
L'acteur D-03 est en faveur de la médiation comme mode
de règlement des différends à condition qu'il ne soit pas
obligatoire. Dans ce cas, il ne voit pas la nécessité de
l'introduire par une clause dans les contrats d'Hydro-Québec avec ses
fournisseurs :
<< Je pense que oui, toute la question à savoir
est-ce une clause de médiation où toutes les parties sont
obligées d'y adhérer. Ou est-ce que cela demeure un
mécanisme de médiation au libre choix? Dans le fond, une clause
de médiation au libre choix, on n'a pas besoin de l'écrire car
les parties elles peuvent toujours se
parler. Si tu peux mettre une clause et ce n'est pas l'opinion
majoritaire, mon impression moi, est ce que les parties s'obligent de passer
par la médiation ou se donner cette possibilité d'une
façon libre. Je ne peux pas dire que je suis totalement favorable
à une clause de médiation qui oblige les parties. » (Acteur
D03)
L'ensemble du discours de l'Acteur D-03 dégage une
crainte que l'introduction d'une clause de médiation dans les contrats
va rendre obligatoire le passage par la médiation à chaque fois
qu'il se présente un conflit entre la société
d'État et son fournisseur. Selon lui, une telle décision risque
de créer une lourdeur administrative dans le règlement de la
plupart des dossiers en litiges : « Parce que cela pourra imposer sur
l'ensemble des dossiers une lourdeur administrative. Je ne peux pas recommander
la médiation obligatoire dans tous les dossiers. » (Acteur D-03)
Toutefois, il croit qu'une clause incluant la médiation
dans certain contrats spécifique pourra être utile, surtout
lorsqu'on s'attend à un nombre important des réclamations qui
pourraient survenir en raison de la nature d'un projet :
« Peut-être que certains marchés peuvent
être ciblés pour les inclure dans certains dossiers obligatoires.
Peut-être qu'on pourra statiquement identifier le type de contrats
où elle sera obligatoire, où il y a un taux de réclamation
plus important. Avec des enjeux techniquement plus complexes (excavation des
travaux civils, des travaux majeurs, des travaux de production),
peut-être dans ces contrats-là, on pourra inclure une clause de
médiation.» (Acteur D-03)
L'acteur D-03 est confiant et affirme que la
société d'État traite ses fournisseurs avec
équité et transparence. Il affirme que les procédures
mises en place sont adéquates pour actualiser les valeurs
énoncées par l'entreprise et particulièrement les valeurs
mises de l'avant avec ses relation avec les fournisseurs des biens et services
:
« Ce que je peux vous dire, d'une manière assez
générale, à ma connaissance quand Hydro-Québec doit
de l'argent, elle le paye. Puis elle le paye plus tôt que tard. Ça
c'est la prémisse. Évidement, ça ne nous met pas à
l'abri des situations où un administrateur de contrat peut être en
relation difficile avec un entrepreneur. Puis... soit plus dur, à tort
ou à raison. L'erreur est humaine. Donc d'une manière
générale et globale, je pense qu'Hydro-Québec n'a jamais
eu comme attitude ou approche d'alimenter les débats, de prolonger les
débats, ni d'avoir un entrepreneur ou un fournisseur à l'usure.
Je n'ai pas vu ça, du moins très rare. » (Acteur D-03)
2.4 Acteur D-04
L'acteur D-04 est un cadre de première ligne et
siège au comité de gestion de la Direction. Il a passé
plus de 13 ans à Hydro-Québec dans la gestion des projets majeurs
de construction. Avant de rejoindre la société d'État, il
a oeuvré 12 ans avec des entrepreneurs du secteur privé. Ses
opinions sont appréciées pour ce projet de recherche en raison de
sa position et de son expérience dans le secteur public comme donneur
d'ouvrage et dans le secteur privé comme fournisseur
d'Hydro-Québec.
2.4.1 La perception du partenariat
Selon l'acteur D-04, dans le domaine de la construction des
grands travaux, les objectifs communs partagés entre le donneur
d'ouvrage et l'entrepreneur sont perçus à un certain égard
comme une relation commerciale normale plutôt qu'une relation de
partenariat : << Avec les entrepreneurs, je considère que ce sont
des relations commerciales dans lesquelles on devrait éviter de parler
de partenariat; on devra plutôt parler d'objectifs communs. »
(Acteur D-04) Ce qui amène cet interviewé à adopter une
position prudente quant à la définition même du partenariat
que l'entreprise souhaite mettre de l'avant dans ses politiques d'acquisition :
<< Je pense qu'il faut faire attention avec la définition du
partenariat, j'entends beaucoup parler du partenariat par les années qui
courent. » (Acteur D-04)
Il ajoute qu'étant donné que, dans un appel
d'offres public, le donneur d'ouvrage ne participe pas à la prise de
décision du fournisseur, la relation du partenariat cède la place
à une relation commerciale où les intérêts des
parties ne sont pas toujours convergents. << Lorsqu'on entre dans une
relation d'affaires avec un entrepreneur dans le cadre d'un appel d'offres
public, c'est difficile de parler de partenariat. On est dans une relation
commerciale, on n'est pas dans une relation de partenariat. » (Acteur
D-04) À cet effet, selon lui, dans le domaine des contrats de
construction, il est important de bien définir les objectifs communs
entre l'entrepreneur et Hydro-Québec afin d'orienter et d'harmoniser les
actions et les décisions au cours des travaux : << On devra mettre
sur la table des objectifs communs du projet. » (Acteur D-04)
Ces objectifs communs peuvent être le respect des dates
clefs d'un échéancier ou la qualité de l'ouvrage
construit. Il est à remarquer que cet acteur n'a pas mentionné
les coûts, ce qui démontre que dans la réalisation de ses
projets, Hydro-Québec attache plus d'importance à la
qualité et à l'échéancier d'un projet en raison du
manque à gagner important en cas du non qualité ou du retard dans
la mise en service de l'ouvrage qui s'intègre dans un réseau
complexe et interdépendant : << Ces objectifs-là, on les
partage d'une façon commune entre l'entrepreneur et le donneur
d'ouvrage, que se soit au niveau de l'échéancier, que ce soit au
niveau de la qualité. » (Acteur D-04)
Selon la conception de ce décideur oeuvrant dans le
domaine de la construction des grands projets, le vrai partenariat
réside surtout dans la relation horizontale entre deux acteurs
économiques ou sociaux plutôt que dans la relation verticale
client-fournisseur :
<< À mon avis, par exemple, le partenariat que
l'on vit, c'est le projet EASTMAIN A-1 avec la signature de la Paix des braves.
La relation de partenariat qui se met en place avec les CRIS, la façon
que ça déroule présentement, c'est réellement un
partenariat. Parce que HQ/SEBJ ont décidé avec les CRIS d'un
commun accord de réaliser le projet EASTMAIN. Il y avait des
intérêts d'un coté comme de l'autre, pas
nécessairement sur la même base. Alors, je pense, le plus bel
exemple du partenariat selon moi, c'est le projet EASTMAIN A-1 avec les
autochtones.» (Acteur D-04)
Ainsi, les ententes avec les communautés qui ne sont
pas sous forme des contrats de fourniture et qui ne sont pas
considérées comme une relation client fournisseur, sont
perçu comme une vraie relation de partenariat motivée par des
objectifs communs partagés qui sont dans le cas du projet EASTMAIN A-1,
le développement d'un projet hydroélectrique d'envergure.
Associer les communautés locales comme promoteur d'un projet de
développement économique, est un virage qu'Hydro-Québec a
pris pour atténuer les critiques négatives, faire face à
l'opposition non constructive à ses projets et pour mieux concilier ses
objectifs avec ceux des communautés locales directement touchées
par le projet.
De même, cet acteur influant dans le domaine de
réalisation des grands ouvrages hydroélectriques perçoit
le partenariat avec un gain mutuel entre le donneur d'ouvrage et l'entrepreneur
: << Pour qu'un partenariat se tienne, il faut qu'il y ait des gains d'un
côté comme d'un autre des partenaires. » (Acteur D-04).
Toutefois, cet interviewé persiste et rappelle que les
projets de construction ne requièrent pas de la recherche et du
développement de la part de l'entrepreneur et par conséquent il
ne considère pas qu'un entrepreneur en construction des grands travaux
puisse contribuer à la création de la valeur : « Avec les
fabricants, peut-être on s'est rapproché un peu du partenariat.
Mais avec nos entrepreneurs, je ne sens pas que nous sommes là. »
(Acteur D04) Cette opportunité peut se traduire par le raffinement du
design en fonction des conditions du chantier .
Ce gestionnaire considère que la relation avec
l'entrepreneur en construction ne peut pas être une vraie relation de
partenariat car il n'y a pas de partage des bénéfices entre le
donneur d'ouvrage et le fournisseur : « L'entrepreneur est là pour
faire du profit et dans sa tête il n'est pas question de partager ces
profits avec le donneur d'ouvrage. Donc il n'y a pas de partenariat là
car il n'y a pas de partage. » (Acteur D-04)
2.4.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.4.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec.
L'acteur D-04 confirme qu'en premier lieu, il encourage et
souhaite que les gestionnaires des contrats règlent les conflits sur le
terrain entre les premiers intervenants soient entre le représentant
d'Hydro-Québec désigné comme administrateur du contrat et
le représentant de l'entrepreneur :
« Les méthodes usuelles utilisées le plus,
c'est... Moi je pars du principe : le moment où il y a un
différend, il doit se régler entre les responsables au chantier.
S'il y un différend entre un entrepreneur et la SEBJ, il doit se
régler entre les premiers intervenants, donc l'administrateur du
contrat. » (Acteur D-04)
L'acteur D-04 confirme qu'il existe un mode de
règlement des différends dans les contrats de la
société d'État avec les fournisseurs. Il mentionne que si
l'entrepreneur n'arrive pas à s'entendre avec l'administrateur
désigné du contrat, la procédure inscrite dans le contrat
lui permet de s'adresser à un niveau hiérarchique plus haut avec
un dossier complet justifiant sa demande dans le but de trouver une entente et
changer la décision de l'administrateur. Ainsi, le supérieur
hiérarchique reçoit le dossier de l'entrepreneur comme un appel
de la
décision de son employé et tente de trouver un
règlement, mais toujours en se basant sur la normativité
juridique du contrat :
<< Si le différend ne se règle pas
à ce niveau-là, c'est à ce moment ce qu'on met en place un
processus d'appel à une instance hiérarchique supérieure,
qui fait en sorte que cette instance a la possibilité de faire une
analyse du dossier, de voir de part et d'autre s'il y a des
éléments qui n'ont pas été
considérés. À ce moment-là, on peut décider
soit réviser une décision, soit commander des analyses
additionnelles du dossier. » (Acteur D-04)
Selon lui, une fois la demande de compensation est rendue au
niveau du directeur, elle sera considérée comme une
réclamation et elle sera traitée selon une procédure
interne non inscrite au contrat. Cette procédure consiste à faire
entendre la demande de l'entrepreneur par un comité de
réclamation formé par des personnes, d'Hydro-Québec, qui
sont en dehors du contexte du chantier. Ce comité, formé des
cadres de la société d'État, agit comme un tribunal
interne pour entendre les réclamations présentées par les
fournisseurs :
<< Si suite à l'analyse de la demande de
compensation, il n'y a pas entente entre les parties, à ce moment
là, il y a une petite équipe qui relève de
l'administrateur de projet et qui est détachée du chantier. Elle
va refaire l'analyse de la demande de compensation. Elle va, en collaboration
avec le chantier, se rassoir avec l'entrepreneur et renégocier ou tenter
de renégocier une entente. » (Acteur D-04)
Selon la conception de ce décideur, les
négociations avec l'entrepreneur et l'analyse du dossier de
réclamation présenté par l'entrepreneur sont faites en
équité et avec transparence en s'appuyant sur des critères
objectifs où le dossier doit être bien fondé en droit. Les
clauses contractuelles, les lois et règlements demeurent la source de
toute justification pour la prise de décision. À cet effet, un
avis préalable du contentieux de la société d'État
est nécessaire pour conclure toute entente concernant le
règlement d'une réclamation par un gestionnaire. Le fardeau de la
justification incombe à l'entrepreneur où il doit
présenter sa demande de compensation avec une bonne argumentation
détaillée et basée sur le contrat qui lie les parties :
<< C'est toujours à l'entrepreneur, quand il
présente son dossier, de faire la démonstration
premièrement qu'elle est bien fondée. Je pense que le premier
élément que tout entrepreneur doit faire est de fonder son
dossier c'est de démontrer le bien fondé de sa demande par
rapport à son contrat. [...] À ce moment-là,
l'entrepreneur doit démontrer que le différend ou le
préjudice a créé un coût additionnel ou qu'il y a eu
un impact sur la réalisation de son contrat. Donc il doit nous faire la
démonstration du préjudice et nous présenter son analyse
d'impact. » (Acteur D-04)
Toutefois, il mentionne que dans la plupart des cas, on fini
par s'entendre et par trouver une solution sans qu'il soit nécessaire de
se rendre devant les tribunaux. Selon les procédures, s'il n'y a pas
d'entente après avoir fait appel au Directeur, usuellement le dossier
sera transmis au contentieux afin de se préparer de le débattre
devant les tribunaux. Mais l'interviewé D-o4 s'entend pour dire que la
poursuite d'un dossier en justice est très rare et exceptionnel car il
préfère il favorise une solution négociée :
<< On ne devrait que très rarement avoir à se rendre devant
les tribunaux. » (Acteur D-04)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-04 accorde une importance capitale à la
transparence en raison du caractère publique de la société
d'État. Ses commentaires recueillies laissent ressortir que le mode
usuel de règlement des différends assure une transparence et une
équité dans les relations d'affaire entre Hydro-Québec et
son fournisseur. Des telles valeurs sont inscrites dans les politiques de la
société d'État et elles sont impératives à
la gestion des affaires publiques :
<< A cause de la transparence vis-à-vis des
contribuables, on a des obligations de transparence, on a des obligations de
démontrer que l'on ne favorise pas l'entrepreneur par rapport à
un autre ou un fournisseur par rapport à un autre. À cause de ces
obligations là, on doit se donner des processus qui sont plus
contraignants en termes de gestion des différends. » (Acteur
D-04)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-04 ne voit pas une faiblesse dans le mode usuel et
le problème réside surtout dans la recrudescence des cas de
conflit en raison des conditions difficiles d'un marché très
concurrentiel : << Du mode de règlement, moi en ce qui me
concerne, je ne suis pas sûr qu'il y a de faiblesse en tant que du mode
de règlement. Je dirai qu'on vit des années où on vie des
relations commerciales qui sont difficiles en raison des contraintes du
marché. » (Acteur D-04)
2.4.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
L'acteur D-04 mentionne que le recours à la
médiation est occasionnel et il s'inscrit dans un continuum après
l'échec d'une négociation bipartite :
« S'il n'y a pas des résultats à la
négociation et pas d'entente. À ce moment là, on peut d'un
côté comme de l'autre regarder s'il y a possibilité de
faire intervenir un médiateur. Ce n'est pas quelque chose qu'on utilise
fréquemment. Je dirai dans les dernière années il y a
peut-être eu quelques cas de médiation dans les contrats HQ/SEBJ.
Par contre on tend de plus en plus, si les parties s'entendent, à faire
intervenir un médiateur. [...] A date, il s'en est vécu trois, et
on va en avoir un quatrième prochainement... » (Acteur D-04)
L'acteur D-04 exprime également une nette
préférence pour le mode judicaire par rapport au mode arbitrage.
Il est très réticent à choisir l'arbitrage pour
régler les différends avec les fournisseurs. Cette position est
motivée par le fait qu'une décision d'arbitre est
exécutoire, elle lie les parties et elle est sans appel. Tandis devant
une décision de la cour, on a toute la liberté de la porter en
appel si on le juge nécessaire :
« À date on n'a pas considéré
l'arbitrage comme moyen de règlement de différends ou de litige
principalement pour trois grandes raisons. Premièrement l'arbitrage est
couteux, deuxièmement c'est long, puis troisièmement l'arbitrage
est décisionnel et sans appel. Alors tu es mieux d'aller dans le
processus du tribunal. De toute façon, il est aussi couteux et plus
long. Et à ce moment-là, vis-à-vis un tribunal, c'est le
contrat qui prime et non l'interprétation d'un arbitre. » (Acteur
D-04)
Ce gestionnaire de la première ligne s'attend à
ce que le médiateur aplanisse les difficultés et
éclaircisse certaines éléments du conflit afin d'assurer
un rapprochement entre les parties. Souvent, le médiateur est
appelé à intervenir dans des conflits dont les causes
dépassent parfois les critères objectifs, tel que les clauses
contractuelles ou les lois et règlements en vigueur :
« Moi je pense que la plus grande attente,
vis-à-vis un médiateur, serait de trouver l'élément
qui permet aux parties de reconsidérer le positionnement surtout si le
positionnement n'est pas appuyé sur des faits ou des
éléments contractuelles. Le médiateur doit travailler dans
les zones grises, quand c'est blanc c'est blanc, quand c'est noir c'est noir,
mais quand il y a du gris, le médiateur doit trouver les moyens de
rapprocher les parties dans les zones grises. » (Acteur D-04)
Selon le discours entendu de l'acteur D-04, le
médiateur doit être crédible, impartial et compétant
pour bien gérer le processus et pour gagner la confiance des parties en
conflit. Il s'agit des éléments fondamentaux qu'on doit trouver
chez les médiateurs : « ... que les médiateurs soient des
gens qui sont sérieux, compétents, qui n'ont surtout pas de
partie pris. » (Acteur D-04)
Il s'attend à ce que le médiateur soit neutre et
regarde le dossier avec un recul et avec une vision qui vient de
l'extérieur du contexte sans voir des idées
préconçues au départ. Il doit être en mesure
d'écouter attentivement les parties en conflit et tenter de voir s'il y
des ouvertures de rapprochement entre les positions des antagonistes :
« L'avantage d'un médiateur est le fait que
l'individu est complètement à l'extérieur du contexte
cherche de se positionner par rapport à l'événement du
litige, d'écouter les parties et de voir s'il est possible au partie de
se rapprocher. Si c'est possible, il fait en sorte que les parties se
rapprochent. Par contre s'il n'y a aucune possibilité que les parties se
rapprochent, à ce moment là, chacun retourne de son
côté et évalue l'étape suivant. » (Acteur
D-04)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Pas d'opinion de l'acteur D-04 concernant les forces du mode
alternatif de règlement des différends.
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Pas d'opinion.
2.4.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
Le discours de l'acteur D-04 laisse entendre que le
partenariat véritable s'établisse en dehors des appels d'offres
publics où on peut choisir librement les fournisseurs et les contrats
seront négociés à l'amiable de gré à
gré. Ainsi, les sociétés privées ont plus de marge
de manoeuvre pour opérer sans craindre la pression de l'opinion publique
quant à
l'apparence de conflit d'intérêt ou la justification
de transactions ou des gestes administratives :
« J'ai une expérience du privé j'ai
travaillé avec des clients directement et choisi par le client. Dans le
domaine du privé quand tu travailles avec un entrepreneur, c'est
très rare que tu vas te trouver dans une situation de réclamation
devant les tribunaux. Parce que de toute façon si tu te retrouves
là, tu ne peux plus travailler pour ce donneur d'ouvrage-là,
parce que le monde du privé ça ne pardonne pas. Si tu fais
affaires avec les tribunaux, eux vont faire affaires avec d'autres
fournisseurs. » (Acteur D-04)
Selon l'acteur D-04, la relation d'Hydro-Québec avec
les fournisseurs est plus contraignante que celle du secteur privé en
raison du caractère public de la société d'État.
Cette situation exige plus de rigueur et de transparence afin de dissiper toute
apparence de conflit d'intérêt ou de favoriser un fournisseur par
rapport un autre. Ainsi Hydro-Québec doit toujours rendre compte au
corps social de ses décisions d'affaires :
« Dans le domaine du public et du parapublic, comme nos
règles d'approvisionnement stipulent que tu vas aller en appel d'offres
public, même si tu as un mauvais fournisseur, il a toujours la
possibilité de soumissionner et tu as toujours l'obligation de faire
affaires avec lui. Donc, comme donneur d'ouvrage, on se trouve toujours dans
une situation où on fait toujours affaires avec le plus bas
soumissionnaire. Tandis que si on est dans le privé, on n'a pas
l'obligation de faire affaires avec lui du tout. C'est plus contraignant dans
le domaine du public et parapublic de faire du partenariat en affaires. C'est
beaucoup plus demandant que dans le domaine du privé. A cause de la
transparence vis-à-vis des contribuables, on a des obligations de
transparence, on a des obligations de démontrer que l'on ne favorise pas
l'entrepreneur par rapport à un autre ou un fournisseur par rapport
à un autre. Ces obligations-là on doit se donner des processus
qui sont plus contraignants en termes d'équité et de
transparence. » (Acteur D-04)
Il croit qu'une clause de médiation introduite dans un
contrat va diminuer la possibilité de régler les
réclamations en chantier entre les personnes directement
concernées. Une telle situation va faire en sorte que tous les conflits
seront peltés dans le court du médiateur et les administrateurs
des contrats ne seront pas incités à résoudre leurs
problèmes sur le terrain. Par conséquent, il n'est pas en faveur
d'insérer une clause de médiation dans les contrats, il
préfère garder le libre choix :
« Nous actuellement, la SEBJ/EQUIPEMENT, ce qu'on
préconise, c'est on est loin d'être contre la médiation
mais on ne croit pas qu'en mettant une clause dans les contrats, on va avoir
plus d'ouverture à la médiation qu'actuellement. Parce lorsqu'on
juge nécessaire d'utiliser la médiation on l'offre et on la met
sur la table et on la fait. » (Acteur D-04)
Toutefois, ce décideur de la première ligne est
d'avis que la décision de la société d'État
relative au refus d'introduire une clause de médiation dans ses contrats
avec les fournisseurs, qui date depuis quelques années, peut être
reconsidérée et voir une possibilité de le faire à
titre expérimental dans quelques contrats. Ensuite on pourra
évaluer la pertinence de poursuivre ou de revenir à la position
du départ. Ainsi on peut apprécier le plus valu qui sera
apporté par une telle clause à la gestion des différends
issus des contrats d'Hydro-Québec avec ses fournisseurs :
<< Je pense avant de mettre des clauses il faut
commencer par l'expérimenter la médiation, puis si effectivement
cela donne des résultats à 80 % peut être qu'on pourra
mettre une clause. Mais moi je pense qu'avec la bonne volonté de toute
façon pour que la médiation marche cela prend la bonne
volonté. Ça fait que déjà en partant si tu n'as pas
de bonne volonté, la médiation ne va pas plus loin. »
(Acteur D-04)
L'ensemble du discours de l'acteur D-04 dégage une
crainte pour l'introduction d'une clause de médiation dans les contrats
car il croit que cela va rendre obligatoire le passage par la médiation
à chaque fois qu'il se présente un conflit entre la
société d'État et son fournisseur. Selon lui, une telle
décision risque de créer une lourdeur administrative dans le
règlement de la plupart des dossiers en litiges :
<< A un moment donné là-dessus, pas
nécessairement parce que de toute façon, je dirai que le plus
grand problème que l'on a, les contrats sont toujours trop épais.
[...] Je pense qu'à partir du moment où il y a une volonté
de régler un différend, si la médiation est un moyen, les
deux parties vont adhérer à la médiation. S'il y a une
clause qui oblige la médiation, ça peut aider mais ça peut
d'un autre côté créer des abus, un petit différend
peut se ramasser devant un médiateur, alors que ca sera pas
nécessaire. » (Acteur D-04)
2.5 Acteur D-05
L'acteur D-05 est comptable de formation. C'est un cadre de
première ligne et il joue un rôle important dans le contrôle
de gestion de l'administration générale et de
l'approvisionnement. Il encadre les négociations des contrats et des
règlements des différends. Il a passé 22 ans à
Hydro-Québec et 10 ans dans le secteur privé. Ses opinions
contribuent au développement des réponses aux questions
posées par cette recherche.
2.5.1 La perception du partenariat
L'acteur D-05 considère que le terme partenariat couvre
un espace très important dans les relations commerciales. Cependant,
à Hydro-Québec, le fonctionnement en mode de partenariat avec les
fournisseurs est très limité pour des multiples raisons :
<< La question est très large lorsqu'on dit partenariat
réussi, quand on parle de partenariat, j'ai de la difficulté
à amener ça à l'interne de notre entreprise. C'est
sûr qu'avec certains fournisseurs ou certains entrepreneurs, on est plus
en mode de partenariat. » (Acteur D-05) Il considère que
l'acquisition des biens et services par appel d'offres public risque d'entraver
un vrai partenariat entre l'acheteur des biens et services, et le fournisseur.
D'après ce décideur, il n'est pas certain qu'on pratique à
Hydro-Québec un vrai partenariat avec les fournisseurs à
l'exception des ententes de fabrication avec des fournisseurs des
équipements stratégiques : << Des vrais partenariats...
est-ce qu'on a des partenariats à HQ ? Je ne suis pas sûr. Pas
sûr du tout. ». Il ajoute : « Avec les
fabricants peut-être on s'est rapproché un peu du partenariat.
Mais avec nos entrepreneurs, je ne sens pas que nous sommes là. »
(Acteur D-05)
Il fait la distinction entre les contrats de construction avec
l'entrepreneur et les contrats de fabrication d'équipements
stratégiques où il y a du développement technologique et
les contrats de service professionnel avec les consultants en
ingénierie. Il souligne qu'il est plus approprié de travailler en
partenariat lorsqu'il s'agit de l'ingénierie ou de la fabrication des
équipements qui implique de la recherche et du développement.
L'expertise d'Hydro-Québec conjuguée avec l'expérience du
fournisseur contribue de réaliser du développement technologique
qui crée de la valeur en permettant de produire des équipements
plus performants et conforme aux exigences du réseau électrique
qui sont en perpétuelle évolution :
<< C'est sûr qu'il y a certains fournisseurs ou
certains entrepreneurs où on est plus en relation de partenariat. Je
veux penser aux turbiniers qui fabriquent nos turbines, là je vois un
certain partenariat. C'est un appel d'offres restreint. Là, on s'assoit
avec le fournisseur et on essaye de s'entendre sur un design et sur un prix et
on réalise des travaux. » (Acteur D-05)
2.5.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.5.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec.
L'analyse du discours de l'acteur D-05 laisse entendre que
lorsque l'entrepreneur rencontre des conditions qu'il considère
imprévisibles et qu'il juge avoir subi des préjudices, en premier
lieu, il présente un dossier de demande de compensation à
l'administrateur du contrat désigné par la société
d'État dans l'avis d'attribution. Ce dernier étudie le dossier et
tente de négocier avec le représentant de l'entrepreneur un
règlement. Il s'agit le plus souvent d'une négociation bipartite
que le représentant d'Hydro-Québec doit conduire avec
équité et transparence, en se basant sur les clauses
contractuelles, les lois et les règlements en vigueurs. À cet
effet, des directives sont données aux administrateurs des contrats pour
être réceptifs aux demandes de l'entrepreneur et pour analyser la
demande selon des critères objectifs bien fondés en droit :
« Si on a eu de plus sur nos ouvrages quelque part et on a une valeur
ajoutée sur nos ouvrages on lui doit. Alors, c'est le principe de base.
Tu nous as fait des travaux ça fait améliorer nos actifs, on te
doit quelque chose. » (Acteur D05)
Si l'entrepreneur n'arrive pas à s'entendre avec
l'administrateur désigné du contrat, la procédure inscrite
dans le contrat lui permet de s'adresser à un niveau hiérarchique
plus haut avec un dossier complet justifiant sa demande dans le but de trouver
une entente et changer la décision de l'administrateur. Ainsi, le
supérieur hiérarchique reçoit le dossier de l'entrepreneur
comme un appel de la décision de son employé et tente de trouver
un règlement, mais toujours en se basant sur la normativité
juridique du contrat : « S'il n'est pas satisfait de cela, il peut faire
appel au directeur, il va chercher un niveau hiérarchique plus
élevé que celui de l'administrateur de son contrat. »
(Acteur D-05)
Selon la conception de ce gestionnaire, les
négociations avec l'entrepreneur et l'analyse du dossier de
réclamation présenté par l'entrepreneur sont faites en
équité et avec transparence en s'appuyant sur des critères
objectifs où le dossier doit être bien fondé en droit. Les
clauses contractuelles, les lois et règlements demeurent la source de
toute justification pour la prise de décision : « Il y a toujours
le Code civil qui lui permet dans les trois ans qui suivent la date de
l'événement de pouvoir nous poursuivre. [...] À mesure
où l'entrepreneur
soulève une problématique, la première
chose qu'on regarde : est-ce que c'est prévu au contrat? » (Acteur
D-05) À cet effet, un avis préalable du contentieux de la
société d'État est nécessaire pour conclure toute
entente concernant le règlement d'une réclamation par un
gestionnaire. Le fardeau de la justification incombe à l'entrepreneur
où il doit présenter sa demande de compensation avec une bonne
argumentation détaillée et basée sur le contrat qui lie
les parties.
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-05 croie que les modes, tel que pratiqués,
sont satisfaisants car ils ont démontré leur efficacité
dans les règlements de plusieurs demandes des fournisseurs au niveau de
chantier avant que ces demandes se retrouvent devant le comité du
Directeur sous forme des réclamations. Pour appuyer cette satisfaction,
le gestionnaire invoque le règlement de tous les changements qui
surviennent pendant l'exécution d'un contrat. Il mentionne que les
réclamations qui sont difficiles à régler
représentent environ 5 % du montant du contrat et la durée
moyenne pour régler une réclamation est d'environ deux ans :
« Mais j'ai des réclamations là-dedans qui
datent en moyenne de 24 à 18 mois. Alors quand je regarde cela, toute
proportion gardée, je me dis les réclamations dans le coût
final d'un projet vont représenter entre 4 % à 5 % du projet.
Mais ce n'est pas si pire que cela. [...] Actuellement avec notre mode de
fonctionnement, quand on a des changements contractuels à faire, on
finit par les régler à 95 %. On finit par les régler dans
des délais qui paraissent acceptables de part et d'autre. Il en reste un
petit bout et ça, c'est le mode de fonctionnement actuel qui nous a
amené là» (Acteur D-05)
Selon lui, la gestion des deniers publics impose un compte
rendu au corps social. Ce qui n'est pas le cas dans la gestion des affaires
privées. Il paraît qu'il est plus facile de faire de compromis
lorsqu'on gère des intérêts privés que des fonds
publics. Ce qui laisse entendre que la gestion des compromis dans les
négociations des affaires de la société d'État est
très fastidieuse en raison des justifications qui doivent supporter
chaque décision ou chaque entente conclue pour un règlement :
« Chez nous, il faut toujours être capable
d'expliquer à un moment donné à l'externe, pourquoi est-ce
qu'on l'a réglé à 70 % de ce qu'il nous réclamait.
[...] Dans le privé, j'ai déjà connu et travaillé
dans une entreprise qui avait une liste restreinte d'entrepreneurs. Quand c'est
le temps de régler un litige à un moment donné, on fait le
break down de tout cela. On s'entend sur un montant forfaitaire X. Selon mon
jugement, je pense que c'est correct, aussi selon le jugement de
l'entrepreneur, on pense tous les deux que c'est correct.
Tandis qu'Hydro-Québec est une société d'État, la
règle de transparence est de rigueur, je ne peux pas dire qu'on a
réglé à soixante dix pourcent, je dois être capable
de dire 70% est composé de ça, ça, ça. »
(Acteur D-05)
Selon ce gestionnaire de première ligne, le statut
d'Hydro-Québec comme société d'État exige un
traitement équitable, avec rigueur et transparence, de toute demande
provenant d'un fournisseur et toute négociation pour trouver une
solution à un différend doit être guidée par ces
valeurs fondamentales de la gestion de la chose publique. Il associe
l'équité à l'honnêteté. Ainsi, il
considère que son offre est équitable car il est sûr de sa
façon de voir les choses et de la justesse de son évaluation de
la demande du fournisseur :
<< On est une société d'État, alors
on doit faire beaucoup de transparence. Je me rappelais souvent à dire
qu'il faillait beaucoup plus de rigueur, comme n'importe quelle entreprise
privée avec un astérisque de plus. [...] Il y a des règles
d'équité par rapport à l'entrepreneur, et il y a des
règles de transparence par rapport à l'ensemble du public
québécois. » (Acteur D-05)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Selon l'acteur D-05 qui a vécu le conflit, il fait part
de ses déceptions du mode judiciaire où toutes les parties en
conflit se sont engouffrées dans une démarche coûteuse et
sans fin. La médiation a permis de trouver une solution en achetant la
paix :
<< C'est difficile à dire pace que nous avons
appliqué une pénalité. Juste pour te mettre dans le
contexte, 371 000 $ en 1990. En 1991, il y a eu une poursuite de l'entrepreneur
général contre nous pour le montant plus les
intérêts. Il y a eu une poursuite d'un sous-traitant contre
l'entrepreneur général. Il y a eu la caution, le bureau d'avocat
tout cela a fait une grosse boule. On était imbriqué
là-dedans. À tous les six mois, un an, ils sortaient une
procédure. Au bout de dix ans, [nous avions] changé d'avocat 2
à 3 fois. Au bout de dix ans, tu dis : on veut-tu se débarrasser
de cela? Tu sais, cela finit par faire de l'usure. Puis quand il y a eu
l'idée de la médiation, on avait offert 50 000 $, dans ma
tête on avait trop offert, On avait offert d'acheter la paix. »
(Acteur D-05)
2.5.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et
commerciaux à Hydro-Québec.
L'acteur D-05 a déjà vécu une
expérience où on a eu recours au mode alternatif pour
régler un différend. Toutefois il fait la distinction entre la
facilitation qu'il a utilisée et la
médiation et l'arbitrage : << Ce qu'on a
utilisé depuis un certain nombre des mois, c'est : dans des cas bien
particuliers à un moment donné, on engage un facilitateur, pas un
arbitrage ou une médiation comme telle, dans notre langage un
facilitateur. » (Acteur D05)
Ainsi, on trouve chez lui une ouverture timide à la
médiation où Hydro-Québec et le représentant de ses
partenaires, l'Association des Constructeurs de routes et Grands Travaux du
Québec (ACRGTQ) ont établi une liste de facilitateurs qui seront
appelés occasionnellement pour agir dans les dossiers de
réclamations relatifs aux contrats de construction. L'ACRGTQ, qui
représente les entrepreneurs en construction qui font affaire avec la
société d'État, a souvent exprimé le souhait de
faire intervenir un médiateur pour résoudre les conflits
commerciaux entre Hydro-Québec et ses membres :
<< On s'est déjà entendu avec l'ACRGTQ sur
une liste de facilitateurs, 4 ou 5 personnes. [...] À un moment
donné, j'ai vécu cela, une fois c'était suite à
notre demande, les trois autres c'était à la demande de
l'entrepreneur. Il a dit, vous offrez les services de facilitation cela
m'intéresse. Alors, on a sorti la liste il a fait un choix. »
(Acteur D-05)
L'interviewé D-05 fait aussi savoir que l'exercice
devient inutile si l'écart entre la demande de l'entrepreneur et ce que
peut offrir Hydro-Québec est très grand. Surtout si on
maîtrise très bien le dossier et qu'on est confiant de notre
position :
<< Il y a des cas où l'entrepreneur nous
demandait, où on était tellement éloigné, cela ne
servait à rien. On ne voyait pas comment on arriverait à se
rapprocher? Quand tu t'embarques là dedans, il faut toujours embarquer
quelqu'un sur une base exploratoire. Mais habituellement quand tu connais bien
ton dossier à l'interne, parce que tu sais que les parties sont
très éloignées, cela ne sert à rien. On va juste
gaspiller de l'argent, et à la fin de cela, chacun va sortir
frustré, et qu'il ne voudra plus s'embarquer la dedans. Malheureusement
des cas comme cela conduit à des procédures légales. Bon
c'est le risque. » (Acteur D-05)
Selon l'interviewé D-05, pour une société
d'État, parfois la pression de l'opinion publique va le contraindre
à accepter un règlement, d'une médiation, qui lui est
défavorable en terme de décision d'affaire. Pour cette raison, il
préfère le mode non contraignant et informel de la facilitation :
<< L'opinion publique va se prendre à nous d'une façon ou
d'une autre. À quelque part, on risque d'être obligé de
dire on va payer on ne va pas s'embarquer là-dedans. Fondamentalement,
la raison de fond c'est juste cela. Alors on préfère quelque
chose de vraiment informel, la facilitation. » Ainsi, il considère
que le processus de la
médiation est formel et contraignant tandis que celui
de la facilitation est informel et non contraignant. Ce qui fait
apparaître chez lui une ambigüité et une
méconnaissance par rapport à la médiation comme mode de
règlement non contraignant pour régler les différends.
Cet acteur semble avoir une compréhension vague de la
médiation qu'il associe, dans une certaine mesure, à l'arbitrage.
Il préfère qu'on parle plutôt d'une facilitation car, selon
lui, le mode de facilitation répond mieux aux besoins en raison de son
caractère informel. Il considère la médiation comme un
exercice contraignant où la société d'État se
trouve dans l'obligation de défendre son refus de la recommandation du
médiateur face aux pressions de l'opinion publique. Ce qui n'est pas le
cas pour une entreprise privée lors d'un règlement d'un
différend avec son fournisseur :
« L'arbitrage à HQ, à ce que je sache, je
regarde les quinze dernières années, on n'est pas là. La
médiation dans sa forme qu'on connaît, on n'en est pas vu.
Pourquoi qu'on essaye de se tenir loin de ça? On est le gros donneur
d'ouvrage et dès qu'on va avoir un médiateur ou un arbitre qui va
prononcer dans une position ou dans l'autre, dès que cela devient
publique, cela devient difficile pour nous d'expliquer qu'on ne suivra pas la
position de l'arbitre ou la position du médiateur. Cela peut faire en
sorte que ceci ne peut pas faire notre affaire, pas du tout. Même si on
nous présente que l'arbitrage ne rend pas la sentence exécutoire,
la médiation rend la sentence exécutoire. Alors, nous, on dit
non. À partir où un arbitre va se prononcer contre nous, ou le
médiateur qui va se prononcer contre nous, on va être pris avec
cette décision là. Il faut expliquer sur la place publique
après, pourquoi on ne va pas dans cette direction là? »
(Acteur D-05)
L'attente par rapport au processus de règlement, selon
l'acteur D-05, est principalement la flexibilité qui caractérise
ce mode informel et non contraignant où la société
d'État peut préserver sa liberté d'action concernant tout
règlement qui risque de ne pas convenir à ses objectifs :
« Alors le facilitateur rencontre les deux parties, un
peu comme un médiateur le fait. Il les rencontre d'une façon
individuelle. Par après, il les rencontre autour d'une table. On n'a pas
besoin de rapport écrit. L'objectif est en sorte que entre les deux
parties, on l'appelle pas médiation mais cela le ressemble, on ne veut
pas s'y coller. C'est la facilitation. » (Acteur D-05)
L'acteur D-05 souligne également que le
médiateur peut être issu des différents corps
professionnels. Dépendamment du dossier, il peut venir du milieu
juridique, d'un domaine technique, d'un secteur des affaires avec une formation
en PRD ou une bonne expérience dans le domaine :
<< On utilise le service d'un facilitateur; quand je
regarde parmi la liste des personnes qu'on a, il y a des gens qui ont fait la
maitrise PRD comme celle que tu est en train de faire, puis il y a des avocats
d'origine là-dedans, des ingénieurs, même des comptables
là-dedans; à date, dans les trois ou quatre cas, ça a bien
fonctionné. » (Acteur D-05)
Ce gestionnaire est d'avis que le médiateur doit se
maintenir à son rôle et gérer le processus en toute
confidentialité. Il ne doit pas jouer le rôle d'un juge car il ne
s'agit pas d'un processus judicaire mais plutôt un exercice volontaire
non contraignant : << Il ne faut pas qu'il sorte de son rôle et qui
se donne un peu un rôle du justicier. Parce qu'il a vu une voie de
règlement et que nous, on ne le voit peut être pas. » (Acteur
D-05)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-05 voit que l'avantage d'avoir recourt au processus
de médiation est la possibilité de choisir un médiateur
spécialisé avec une expertise compatible avec la nature du
conflit :
<< La principale force est qu'on peut aller chercher un
facilitateur par domaine. Là j'ai parlé des différents
domaines d'activités. Un problème des fois de type contractuel,
on va aller chercher quelqu'un comme avocat de base. Pour un problème un
peu plus technique, on va aller chercher quelqu'un formé comme
ingénieur. » (Acteur D-05)
Ainsi les décideurs se sentent plus en confiance si le
médiateur connaît le domaine d'activité du milieu où
le conflit s'est produit. Ce qui n'est pas le cas dans un processus judiciaire.
En effet, les juges qui président les tribunaux n'ont qu'une formation
en droit. Pour cette raison, ce gestionnaire rencontré considère
que le manque des connaissances techniques est parfois une lacune qui ne permet
pas les juges de bien comprendre le conflit avec tous ses détails.
Cette liberté de mettre fin au processus et de discuter
dans un cadre informel sans procureurs est très apprécié
par l'acteur D-05 car il créera un dynamique d'échange
d'informations plus important et essentiel pour trouver une solution au conflit
: << Le facilitateur peut jouer un peu le rôle du médiateur.
En médiation les parties peuvent arrêter le processus n'importe
quand. On peut faire cela dans un cadre très informel où on ne
veut pas des procureurs de chaque coté. » (Acteur D-05)
Toujours selon cet acteur, la présence du
médiateur crée une dynamique dans les négociations et sort
les parties de leur isolement où chacun souvent se replie sur sa
position. Toutefois, l'acteur voit toujours la solution à travers un
compromis sur le litige et non une solution qui embrase le conflit avec toutes
ses dimensions : << Je dirai dans les quatre causes qu'on a faites, on
l'a utilisée parce qu'on n'arrivait pas à s'entendre autour de la
table, seul avec l'entrepreneur. Cela a porté fruit. On a fini par avoir
un compromis qui faisait consensus des deux cotés de la table. »
(Acteur D-05)
L'acteur D-05 trouve que le processus de la médiation,
même s'il ne réussit pas à trouver une solution au conflit,
permet d'avoir une réflexion et de voir le conflit sous un autre angle,
ce qui permet parfois de reconsidérer sa position : << S'il n'y a
pas de possibilité de rapprochement, du côté de
l'entrepreneur, c'est de faire valoir ses droits vis-à-vis les tribunaux
et de notre côté, c'est peut-être suite à la
médiation de reconsidérer le dossier et la démarche qu'on
devra faire pour trouver un règlement. »
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Par ailleurs, ce décideur trouve, d'après son
expérience, que le processus de médiation est long en raison des
négociations interminables conduites durant un cas vécu. Cette
perception dégage une méconnaissance du processus de la
médiation qui est connu comme un processus beaucoup plus court que le
processus judicaire.
<< En termes de mauvais côté, moi, je
trouve toujours, c'est le temps que ça prend. Il faut que cela prenne le
temps qu'il faut. Mais, je trouve parfois que c'est long. Je trouve cela long
à chaque fois. Je suis conscient que cela fait partie du processus. Cela
fait partie aussi du rôle du facilitateur, que chacun doit lâcher
un petit bout, et cela, ça prend un certain temps avant que chacune des
parties accepte de le faire. Moi, le facteur temps, je trouve que c'est long.
Il faut vivre avec cela. Cela fait partie du processus de résolution des
conflits. » (Acteur D-05)
Comme le fait remarquer ce gestionnaire de première
ligne, il est important que le processus reste sous le contrôle de la
société d'État. Selon son discours, il se dégage
une crainte de déléguer certains pouvoirs d'un organisme public
comme Hydro-Québec qui jouit d'un rôle aussi noble et prestigieux
comme gardien des deniers publics. La bonne
gestion des fonds publics appartient à la
société d'État et non au médiateur. Il souhaite que
tout processus en vue d'un règlement demeure en dehors de la place
publique :
« J'ai un cas qui a donné ce que je n'ai pas
aimé. On est une société d'État, une
société publique, il faut absolument, quand quelque chose qui se
passe ou quand quelqu'un intervient chez nous, il faut que cela reste chez
nous. Lorsqu'une personne part comme médiateur ou comme facilitateur et
qu'il s'en va ailleurs pour essayer d'avoir des appuis ailleurs et essayer de
régler cela...! Alors je veux dire : tant que cela reste à
l'interne entre l'entrepreneur et HQE, cela va bien aller. » (Acteur
D-05)
2.5.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
L'acteur D-05 voit la médiation commerciale entre
Hydro-Québec et son fournisseur à partir d'un cadre de
référence issue de la médiation imposée souvent par
le gouvernement pour débloquer des négociations lors d'une
grève dans le secteur public entre le syndicat et l'employeur. Dans ce
cas, il s'agit dans la plupart des cas d'un exercice très
médiatisé et politisé où la pression de l'opinion
publique est omni présente dans le processus. Ainsi cet acteur semble
craindre les pressions qui pourraient provenir du public pour forcer la
société d'État à accepte des règlements
qu'elle juge contraires à une seine gestion en affaire : « Il ne
faut pas oublier qu'à partir du moment où vous l'avez à
l'intérieur d'un contrat, la clause de médiation, je devine de
l'impact qu'elle a sur Hydro-Québec. Comme société
d'État, on risque le plus souvent d'être perdant en termes d'image
médiatique. » (Acteur D-05)
Aussi il croit qu'une clause de médiation introduite
dans un contrat va diminuer la possibilité de régler les
réclamations en chantier entre les personnes directement
concernées. Une telle situation va faire en sorte que tous les conflits
seront peltés dans le court du médiateur et les administrateurs
des contrats ne seront pas incités à résoudre leurs
problèmes sur le terrain :
« Moi ce que je craindrais, c'est le fait de rendre les
clauses obligatoires pour chacune des parties, ce que je craindrais... ce qui
reste à la fin... que ce soit encore plus gros, alors que là
comme il y a une pression, les lois du marché d'une certaine
façon, font en sorte que chacun d'entre nous, on avance puis on en
règle et on en règle, alors que quand les gens voient qu'il y a
une autre possibilité de recours : T1Je ne réglera pas
tout de suite, je peux m'y prendre ailleursT1, alors ce que je
dis... ça prendrait plus de temps, c'est pas 100 % qui nous reste
à la fin
mais peut-être 7 % ou 8 %, c'est ma crainte.
Fondamentalement c'est ma crainte. » (Acteur D-05)
L'ensemble du discours de l'acteur D-05 dégage une
crainte que l'introduction d'une clause de médiation dans les contrats
va rendre obligatoire le passage par la médiation à chaque fois
qu'il se présente un conflit entre la société
d'État et son fournisseur. Selon lui une telle décision risque de
créer une lourdeur administrative dans le règlement de la plupart
des dossiers en litiges :
<< Nos fournisseurs nous dit, on sait que vous ne voulez
pas avoirs des clauses d'arbitrage on sait que vous ne voulez pas avoir des
clauses de médiation pourquoi vous ne mettez pas une clause en terme de
facilitation, c'est du pareil au même ou presque. On ne veut pas s'y
obligé. Bon, le fait d'essayer de faire appel sur une base
régulière à une clause de facilitation imagines-tu du
temps que ça prend? » (Acteur-D-05)
Il confirme que l'instauration d'une clause de
procédure de règlement en cas de différends incluant la
médiation a été revendiquée par les fournisseurs
d'Hydro-Québec à plusieurs reprises. Mais la
société d'État préfère garder le statu quo
car elle le juge satisfaisant et répond bien à ses besoins :
<< Oui ça a été demandé par
l'Association des entrepreneurs des grands travaux du Québec. Puis je
dirai que... eux autres ne jurent que par ça. [...] Je peux
comprendre... on en a besoin pour régler notre dernier petit 5 % mais
tout ce qu'on règle avant, ça je veux garder ça. Parce que
ça marche à date, ça marche, alors pourquoi je prendrais
le risque de changer quelque chose qui a fait ses preuves? Alors, de
considérer quelque chose de plus lourd à gérer, au moment
où on se parle, je ne sens pas l'urgence, le processus actuel marche.
» (Acteur D-05)
L'acteur D-05 croit qu'on peut utiliser la facilitation
à titre préventif surtout lorsqu'il y a un conflit de
personnalité entre le représentant de l'entrepreneur et celui
d'Hydro-Québec au chantier. Le recours à un facilitateur peut
contribuer à restaurer un climat positif dans ce genre du milieu du
travail qui s trouve souvent isolé :
<< La facilitation n'est pas seulement à la fin,
on peut juger opportun à un moment donné en cour du contrat
à titre préventif, pour des situations où ça nous
prendra peut être un facilitateur tout de suite, une animosité
entre le gérant de l'entrepreneur et le chef projet. On aura peut
être juste besoin que les deux se rapprochent un peu mieux ou tous les
deux apprendre à se parler, un facilitateur peut être aidant.
» (Acteur D-05)
De même, il perçoit que souvent dans les relations
d'affaires, le fournisseur ne partage pas les mêmes objectifs que ceux de
la société d'État :
<< On a rarement des objectifs communs, par
définition de part et d'autre on a des objectifs divergeant. Alors
lorsque ça va mal, il faut essayer de trouver des zones communes pour
essayer de régler le conflit qui est en train de s'envenimer. Mais on a
toujours quand même trouvé le temps de régler un conflit
où chacun était entrain de s'en aller dans sa direction
opposée ainsi va le monde. » (Acteur D-05)
2.6 Acteur D-06
L'acteur D-06 est un décideur très influent de
première ligne. Il siège au comité de gestion qui oriente
la politique de l'entreprise en matière d'approvisionnement. Il a une
formation technique et a passé plus de 37 ans à
Hydro-Québec dans la gestion de projets. Ses opinions sont
indispensables pour ce projet de recherche, car il est réputé
connaître tout le rouage de l'entreprise en raison de la durée de
ses états de service et de son passage dans différents secteurs
de la société d'État.
2.6.1 La perception du partenariat
Selon l'acteur D-06, dans certains cas, on n'a pas
hésité à intervenir d'une façon décisive
pour redresser une situation où la non qualité n'était pas
tolérée, surtout lorsqu'il s'agit des produits
stratégiques qui se placent comme un maillon sensible dans le
réseau électrique d'Hydro-Québec. Dans ce cas selon lui,
il s'agit d'une mauvaise expérience vécue d'un partenariat :
<< Il y a certains biens manufacturés qui nous ont amené,
suite à des expériences de mauvaise qualité du produit,
à les exclure. » (Acteur D-06)
Selon ce décideur, cette relation partenariale, on la
trouve à Hydro-Québec dans les ententes de fabrication des biens
essentiels à sa mission fondamentale. Ces ententes de fabrication
s'échelonnent sur une période suffisamment longue. Ce qui permet
au fournisseur de s'engager dans le développement des nouveaux produits
répondant aux besoins particuliers de la société
d'État et de rentabiliser ses investissements en recherche et
développement :
<< Avec des partenaires des produits manufacturiers, on
travaille beaucoup avec des ententes de fabrication. On a des ententes de
fabrication, des ententes de partenariat, à long terme,
c'est-à-dire que, on s'entend sur des spécifications techniques,
on s'entend sur des prix, ça devient une entente de fabrication donc, ce
que j'appelle moi une entente de partenariat. » (Acteur D-06).
Le discours de l'acteur D-06 laisse entendre que dans le
domaine de fourniture d'équipement où il y a du
développement technologique, Hydro-Québec considère ses
fournisseurs comme des alliés stratégiques pour développer
des équipements qui sont en perpétuelle évolution afin de
se maintenir à la fine pointe de la technologie. En plus
HydroQuébec va s'allier avec ces fournisseurs pour maximiser les
retombées économiques au Québec. Lesquelles
retombées sont des préoccupations majeures pour l'actionnaire
principal de l'entreprise, Le gouvernement du Québec. Donc,
considérer ses fournisseurs comme des alliés stratégiques,
témoigne de la confiance que la société d'État
accorde à ses partenaires d'affaires.
En effet, cette confiance est traduite par
l'établissement d'une liste d'entrepreneurs et des fournisseurs
préqualifiés et homologués où ils seront
invités à soumissionner sur des appels d'offres restreints pour
la fourniture d'équipements, pour des contrats de construction ou ils
seront nommés comme consultants pour réaliser l'ingénierie
d'un projet :
<< Si on parle des entrepreneurs de construction des
lignes, on a la même affaire. On a quatre entrepreneurs qui sont
homologués. Ils soumissionnent en compétition. Mais c'est un
appel d'offres sur invitation. À partir du moment où c'est un
appel d'offres sur invitation, pour moi c'est un partenariat. Avec les firmes
d'ingénierie, c'est le même principe. Ce sont des firmes qui sont
homologuées ; donc on va en appel d'offre sur invitation. » (Acteur
D-06)
Ainsi, selon lui, une fois accrédité, le
fournisseur devient un allié privilégié et gagne la
confiance d'Hydro-Québec pour réaliser des travaux très
spécialisés dans des conditions critiques :
<< Je te dirai à HQ que se soit avec les
manufacturiers ou avec les entrepreneurs de construction, on fonctionne un peu
comme ça en mode partenariat avec les fabricants, avec les entrepreneurs
ou avec les services professionnels, dans le sens que on travaille beaucoup
avec les firmes ou des entreprises qui sont homologuées. » (Acteur
D-06)
2.6.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.6.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec.
L'acteur D-06 confirme qu'il existe des procédures de
règlement en cas des différends entre Hydro-Québec et
ses fournisseurs. Lesquelles procédures est incluses dans les
contrats et elle est encadrée par des guides
administratifs. Advenant un différend, on procède selon une voie
hiérarchique. C'est-à-dire le fournisseur tente en premier lieu
de régler le conflit par des négociations bipartite avec le
représentant d'Hydro-Québec désigné comme
administrateur de son contrat. Ensuite, s'il n'y a pas d'entente, il peut faire
appel au directeur et par après au comité de la direction avant
de se rendre devant le tribunal : « Actuellement ce qu'on a comme mode de
règlement des différends, ce que on y va de façon
hiérarchique. Donc quand il y a un différend il y a des
négociations qui se font entre les administrateurs des projets pour
essayer d'en arriver à une entente. » (Acteur D06)
Si l'entrepreneur n'arrive pas à s'entendre avec
l'administrateur désigné du contrat, la procédure inscrite
dans le contrat lui permet de s'adresser à un niveau hiérarchique
plus haut avec un dossier complet justifiant sa demande dans le but de trouver
une entente et changer la décision de l'administrateur. Ainsi, le
supérieur hiérarchique reçoit le dossier de l'entrepreneur
comme un appel de la décision de son employé et tente de trouver
un règlement, mais toujours en se basant sur la normativité
juridique du contrat : « S'il y a mésentente dans nos contrats, il
y a un processus qui permet au fournisseur d'avoir recours à un niveau
hiérarchique plus élevé, jusqu'au niveau du directeur.
» (Acteur D-06)
Une fois la demande de compensation est rendue au niveau du
directeur, elle sera considérée comme une réclamation et
elle sera traitée selon une procédure interne non inscrite au
contrat. Cette procédure, pour le gestionnaire D-06 rencontré,
consiste à faire entendre la demande de l'entrepreneur par un
comité de réclamation formé par des personnes,
d'Hydro-Québec, qui sont en dehors du contexte du chantier. Ce
comité, formé des cadres de la société
d'État, agit comme un tribunal interne pour entendre les
réclamations présentées par les fournisseurs :
« On a aussi mis en place ce qu'on appelle un
comité de réclamation, qui est composé des directeurs
principaux. Il y a le contentieux qui est présent. Lorsqu' il y a un
différend entre un fournisseur puis l'administrateur des contrats, on
lui (l'administrateur) demande de venir nous expliquer; C'est quoi la nature du
différend? C'est quoi le bien fondé du fournisseur? C'est quoi
qui l'amène à prendre une décision d'être en
désaccord avec la position du fournisseur, et de ne pas approuver ce que
le requérant demande? » (Acteur D-06)
Selon la conception de cet acteur, les négociations
avec l'entrepreneur et l'analyse du dossier de réclamation
présenté par l'entrepreneur sont faites en équité
et avec transparence en s'appuyant sur des critères objectifs où
le dossier doit être bien fondé en droit :
<< Les fournisseurs peuvent dire qu'Hydro-Québec
est sévère dans l'application de ses clauses contractuelles, et
on est un client exigeant. Mais on est aussi un client équitable. Les
fournisseurs qui font affaire avec Hydro-Québec ils le savent. [...] Je
te dirai : le principal critère c'est sur le bien fondé de la
réclamation, ou de la demande du requérant. De base, si un
fournisseur se sent lésé, s'il a subi un préjudice, c'est
lui qui doit nous faire la démonstration, et nous expliquer le bien
fondé. » (Acteur D-06)
Les clauses contractuelles, les lois et règlements
demeurent la source de toute justification pour la prise de décision.
À cet effet, un avis préalable du contentieux de la
société d'État est nécessaire pour conclure toute
entente concernant le règlement d'une réclamation par un
gestionnaire. Le fardeau de la justification incombe à l'entrepreneur
où il doit présenter sa demande de compensation avec une bonne
argumentation détaillée et basée sur le contrat qui lie
les parties.
Toutefois, selon lui, dans la plupart des cas, on arrive
à s'entendre et à trouver une solution sans qu'il soit
nécessaire de se rendre devant les tribunaux. Selon les
procédures, s'il n'y a pas d'entente après avoir fait appel au
Directeur, usuellement le dossier sera transmis aux contentieux de la
société d'État afin de se préparer de le
débattre devant les tribunaux de droit commun. Mais l'interviewé
s'entend pour dire que la poursuite d'un dossier en justice est très
rare car il préfère trouver une solution avant d'en arriver
devant les tribunaux : << Je n'ai jamais eu des dossiers qui se sont
réglés en cours pendant mes 37 ans de service. On a toujours
réglé avec les négociations. » (Acteur D-06)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Selon l'acteur D-06, le statut d'Hydro-Québec comme
société d'État exige un traitement équitable, avec
rigueur et transparence, de toute demande provenant d'un fournisseur et toute
négociation pour trouver une solution à un différend doit
être guidée par ces valeurs fondamentales de la gestion de la
chose publique. Certain administrateur associe l'équité à
l'honnêteté. Ainsi, il considère que son offre est
équitable car il est sûr de sa façon de voir les choses et
de la justesse de son évaluation de la demande du fournisseur :
<< On a quand même à HQ une philosophie qui
fait en sorte on veut travailler en équité, jamais on va demander
à un administrateur de contrats, regardes, lui il demande tant, toi tu
penses ça vaut tant, puis on va essayer d'aller chercher un peu plus
d'argent. Un principe qu'on dit à nos administrateurs, il faut
être équitable. Si vous pensez qu'on lui doit, faites pas du
marchandage, offrez-lui ce qu'on pense qu'on lui doit. » (Acteur D-06)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-06 n'a pas d'opinion sur cet élément.
2.6.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
L'acteur D-06 mentionne que les partenaires
d'Hydro-Québec demandent souvent d'avoir recourt à la
médiation commerciale pour résoudre les conflits qui sont souvent
des réclamations issues de l'exécution d'un contrat :
<< La médiation, nos fournisseurs nous demande
beaucoup d'avoir recourt à cette méthode là. Ce qu'on leur
dit, ce que, actuellement, on l'a à l'interne via le comité de
réclamation. Donc, on a dit ce qu'on a mis en place à
Hydro-Québec, c'est à peu près équivalent d'un
comité de médiation que vous avez en tant que fournisseurs.
» (Acteur D-06)
La position de l'entreprise est favorable à
l'utilisation du mode de médiation entre l'administrateur
désigné par Hydro-Québec et le fournisseur. Toutefois,
selon lui, il est important que la société d'État garde le
contrôle du processus de règlement des différends avec ses
fournisseurs. À cet effet, on a créé à l'interne un
comité de réclamation qu'il le considère comme
l'équivalent d'un comité de médiation car les membres de
ce comité sont détachés du contexte du projet où le
litige à eu lieu et il considère que ce comité est
à égale distance par rapport à l'administrateur du contrat
et au fournisseur.
Cependant, selon lui, les fournisseurs demande d'être
entendu par le comité de réclamation afin qu'ils puissent plaider
leurs dossiers et participer d'une façon active à cette
médiation interne :
<< La seule chose qu'ils nous demandent de plus, c'est
dire : T1Bon, c'est beau là, oui on sait qu'il y a
quelqu'un qui regarde cela d'un autre oeil, un oeil plus élevé
dans
la hiérarchie. Mais, nous, on voudrait avoir accès
à ce comité-là. C'est-à-dire... on voudrait
être capable d'aller présenter nos causes". » (Acteur
D-06)
L'acteur D-06 mentionne que face à cette demande, la
société d'État résiste à faire participer
directement le fournisseur à ce comité de réclamation ou
de changer son fonctionnement qu'elle juge satisfaisant. Ce gestionnaire
influent ne trouve pas une urgence d'agir car il considère que cette
façon de faire répond aux besoins de l'entreprise en raison des
résultats obtenues et qu'il y a très peu des cas qui se rendent
devant les tribunaux :
« Nous, à l'heure actuelle, on hésite.
Parce qu'on dit, actuellement, ça rapporte des fruits ce comité
là de réclamation. Ça fait en sorte, très peu des
cas se traduisent par des jugements en cour. Ce qu'on a mis en place, cela se
traduit par des bons résultats. C'est à peu près
l'équivalent d'un comité de médiation. Nous, on dit le
comité de réclamation supérieur c'est l'équivalent
d'un comité de médiation. Donc, sur ta question si on l'a
utilisée je pense qu'on l'a à l'interne. » (Acteur D-06)
L'acteur D-06 n'avait pas d'opinion concernant les attentes par
rapport au processus ou au médiateur.
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-06 n'avait pas d'opinion sur cet
élément.
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
L'acteur D-06 n'avait pas d'opinion sur cet
élément.
2.6.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
L'acteur D-06 est d'avis que la décision, de la
société d'État relative au refus d'introduire une clause
de médiation dans ses contrats avec les fournisseurs, qui date depuis
quelques années peut être reconsidérée et voir une
possibilité de le faire à titre expérimental dans quelques
contrats. Ensuite on pourra évaluer la pertinence de poursuivre ou de
revenir à la
position du départ. Ainsi on peut apprécier le plus
valu qui sera apporté par une telle clause à la gestion des
différends issus des contrats d'Hydro-Québec avec ses
fournisseurs :
<< Pour le moment, nous on pense que non, c'est pour
cela on le met pas en application. Ce qu'on pense que, s'il aurai une clause de
médiation obligatoire pour Hydro-Québec et pour l'entrepreneur,
et pour le fournisseur de services, on pense que compte tenu des
quantité des contrats, qu'on a en cours que se soit des biens de
fournisseurs ou d'entrepreneur ou des firmes, ça retarderai un
règlement de dossiers et ça accentuerai le nombre des dossiers
qui iraient en médiation. Parce que les fournisseurs diraient on a rien
à perdre on va aller en médiation, et ça retarderait le
règlement. [...] Quand on parle de médiation ça veut dire
que le contrat est fini tu traines le dossier, les gestionnaires
affectés au projet sont affectés à d'autres projets, ou
qui sont carrément plus présents dans le dossier, ça
traine en longueur. Puis on pense que ça retarde le règlement de
nos dossiers. Ça peut se traduire par des nombreux dossiers qui s'en
iraient en médiation. >> (Acteur D-06)
Le gestionnaire D-06 est d'avis qu'avant d'instaurer une
clause de médiation dans les contrats, il faut faire la
démonstration que la nouvelle façon de faire apportera un plus
valu par rapport à la pratique usuelle. Il résiste aux
changements parce qu'ils considèrent que le monde usuelle est
adéquat et ils ne voient pas l'urgence d'agir : << Donc là
il faut que faire la démonstration>> et <<Quand même,
avec la quantité des dossiers qui sont traités, il a
été démontré que le processus qu'on a en place
livre la marchandise. >> (Acteur D-06) L'opinion de l'acteur D-06 laisse
entendre que la société d'État encourage les
administrateurs sur le terrain à régler les conflits avec le
fournisseur directement sans passer par un intermédiaire. Pour ce faire,
selon lui, Hydro-Québec met à la disposition des administrateurs
désignés directement pour gérer les contrats des
fournisseurs tous les outils nécessaires pour bien accomplir cette
tâche :
<< On donne comme directive à nos gestionnaires
et on leur donne tous les outils pour s'entendre avec le fournisseur, on limite
le règlement au niveau des intervenants directs, les administrateurs des
contrats, les gestionnaires des projets, et ceux qui gèrent et le
fournisseur des services. Donc, ils savent que le dossier, il faut qu'il se
règle à leur niveau et ils savent qu'ils ont tout
intérêt à le régler. Nous, on pense que
l'administrateur de contrat et le gestionnaire du projet a tous les outils pour
régler son contrat. Aussi, on pense que le fournisseur a la même
chose, chez lui, donc on dit : T1Essayons de régler les
différends chez les gens qui sont impliquésT1.
>> (Acteur D-06)
Selon l'interviewé D-06, la société
d'État n'a pas besoin d'inclure dans ses contrats une clause de
médiation car il considère qu'il est en mesure, avec les
spécialistes et les équipes internes, d'offrir
l'équivalent d'une médiation aux fournisseurs pour garantir
qu'ils seront
traités avec équité. Si ces
spécialistes n'existaient pas à l'intérieur de
l'entreprise d'une façon permanente, on pourra justifier l'instauration
d'une clause de médiation dans les contrats de fourniture des biens et
services. Dans ce cas, une telle clause peut contribuer à
résoudre et à prévenir les conflits qui peuvent
découler de l'exécution du contrat :
<<Je te dirais que si on n'avait pas les ressources
permanentes à Hydro-Québec les spécialistes en
administration de contrats, moi, si j'avais un bâtiment à faire
comme la Bibliothèque Nationale, comme le projet de l'Université
du Québec ou les trois hôpitaux qu'ils vont faire, je te dirais
que je mettrais cela (clause incluant la médiation) dans mon appel
d'offres. Car on s'en va avec un contrat, je n'ai pas des spécialistes
en gestion des différends, donc on va prévoir le processus de
médiation si jamais on ne s'entend pas. Puis je pense que cela serait de
mise de mettre ça en place. Tandis qu'à Hydro-Québec, on
travaille avec des fournisseurs en continu répétitif, on
travaille avec des gestionnaires en continu répétitif, je pense
qu'on a l'équivalent du processus de médiation à
l'interne. » (Acteur D-06)
2.7 Acteur D-07
L'acteur D-07 a une formation technique. Il a consacré
30 ans de sa carrière à HydroQuébec comme gestionnaire des
travaux et administrateur des contrats. Il est à la tête d'une
équipe qui se trouve en première ligne au point de vue contact
avec les fournisseurs. Donc ses perceptions et commentaires sont importants en
raison de sa position et sa vaste expérience vécue dans
l'administration des contrats de construction.
2.7.1 La perception du partenariat
La perception du partenariat n'est pas tout à fait
claire pour l'acteur D-07. Selon lui, une relation de partenariat peut se
présenter sous différents degrés, fort, moyen et faible
selon les circonstances : << On était dans un espèce de
partenariat. » (Acteur D-07)
Selon lui, la compétence de l'entrepreneur devient un
enjeu important dans la réalisation des projets forts complexes et
propres à la société d'État. Souvent, la
qualité du produit et l'échéancier sont de loin plus
important que le dépassement des coûts d'un projet. Car, la
fiabilité d'un réseau aussi vaste comme celui
d'Hydro-Québec est tributaire du projet réalisé ou du
produit installé :
<< Quand on négocie de gré à
gré avec quelqu'un on n'a pas l'assurance que on a le meilleur prix
si on veut. Mais un des objectifs importants de ce projet là
était l'échéancier, le prix s'en est un, mais le prix
était moins important que
l'échéancier, pour réussir de le mener
à bien il fallait s'assurer de la compétence dans le personnel.
» (Acteur D-07)
Ainsi, selon lui, l'absence du facteur confiance dans une
relation d'affaire affecte d'une façon significative le bon
déroulent d'un projet : << La job est mal parti parce que nous
étions comme méfiants mais par après ça s'est
replacé, on s'est expliqué. » (Acteur D-07). Il ajoute que
le partage des frais des imprévus sur un projet a contribué
à surmonter les difficultés et les travaux ont été
complétés avec succès : << Je pense que tout le
monde a mis du sien, puis c'était une réussite. » (Acteur
D-07)
2.7.2 La perception du mode de règlement des
différends
Cet acteur n'avait pas d'opinion précise concernant le
mode de règlement général des différends. Par
contre, ses commentaires ont fait ressortir des opinions sur certains
éléments.
2.7.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec.
L'acteur D-07 n'avait pas d'opinion générale sur
les modes usuels, quoiqu'il a mentionné quelques éléments
qui peuvent être rattachés aux forces et faiblesses de ce mode.
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Les données recueillies par le discours de l'acteur
D-07 laissent ressortir que le mode usuel de règlement des
différends assure une transparence et une équité dans les
relations d'affaire entre Hydro-Québec et son fournisseur. Des telles
valeurs sont inscrites dans les politiques de la société
d'État et elles sont impératives à la gestion des affaires
publiques :
<< On est une société d'État qui
doit faire preuve de transparence puis d'éthique,
d'équité, mais il n'y a pas obligation des résultats,
à régler dans tant de jours de ci de ça. On peut dire
à un fournisseur non et c'est non et il fera appel aux procédures
légales, Je ne sais pas si c'est une force mais c'est un fait. »
(Acteur D07)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
Avec le discours de l'acteur D-07, on peut comprendre que le
raté du système réside dans la brisure entre Droit et
Morale de la communauté qui est en faveur de la protection de plus
faible contre l'abus de pouvoir qui peut être exercé par le plus
fort en abusant de son rapport de forces pour faire plier le plus petit :
« Nous sommes comme principal donneur d'ouvrage. Nous
avons une certaine force de frappe, dans le sens qu'on peut refuser et s'assoir
bien confortablement sur un libellé. On peut dire à
l'entrepreneur : "Si tu veux t'adresser à la cour, vas-y, on a des
avocats et on a tout." [Est-ce] une force? Je ne suis pas certain, mais c'est
ça. On peut l'utiliser comme force de dissuasion lorsqu'un entrepreneur
est de mauvaise foi et qu'il joue sur tous les tableaux. » (Acteur
D-07)
Ce qui se traduit par une inégalité
d'accès à la justice entre une société
d'État possédant des ressources importantes pour faire valoir et
supporter sa position et un petit fournisseur avec des moyens nettement
inférieurs pour supporter un procès long et couteux.
2.7.2.2 Les modes alternatifs de règlement des
différends civils et
commerciaux à Hydro-Québec.
Selon l'acteur D-07, ce mode de règlement demeure un
exercice exceptionnel, toutefois il a eu l'occasion de vivre
l'expérience d'une médiation lors d'un conflit assez complexe
survenu durant sa vie professionnelle à Hydro-Québec : «
Mais je pense [que] ce sont des cas très rares. Puis avant d'arriver
là, on a vraiment passer par plusieurs autres étapes avant.
» (Acteur D-07) Ce mode de règlement est perçu, par l'acteur
D-07, comme une gestion des compromis financiers où chacune des parties
doit faire des concessions pour enfin arriver à une solution
satisfaisante :
« Cela donnait une dynamique différente. Puis,
tant qu'à moi, c'était très bien. On a
réglé. Avec cela, on a bonifié ce qu'on a offert avant.
Parce que, justement, on voulait régler. Mais tout le monde a mis de
l'eau dans son vin. L'entrepreneur, il fallait qu'il mette de l'argent pour
finalement aboutir un à montant de règlement. » (Acteur
D-07)
La médiation commerciale est vue, par l'acteur D-07,
comme un débat judiciaire mais non contraignant. Où les
procureurs de chacune des parties en conflit sont omniprésents et
occupent beaucoup d'espace lors de l'exercice :
<< Il y avait neuf parties représentées,
les sous-traitants tout le monde poursuivait tout le monde. Puis, il y a eu
trois séances de médiation. Une première séance
juste les avocats entre eux. Puis, après cela, ils ont embarqué
les administrateurs, chef travaux, l'entrepreneur et les sous-traitants.
>> (Acteur D-07)
Il ne semble pas saisir la différence entre
facilitation et médiation. Il n'est pas sûr de la
définition de chacun de ces termes dans le domaine de règlement
des différends commerciaux : « Le cas s'est
terminé, je ne sais pas comment cela s'appelle, est-ce de la
médiation ou de la facilitation, je crois que c'était de la
médiation mais sans être engagé. >> (Acteur D-07)
La médiation est perçue comme faisant partie
d'un continuum et elle est l'étape avant de s'adresser à la cour,
de sorte qu'il voit un rôle important du médiateur dans
l'évaluation du risque advenant que le dossier d'une réclamation
soit entendu par un juge. Il souhaite que le médiateur soit en mesure de
donner une appréciation juste des résultats probables suite
à une éventuelle poursuite en cour de justice. Selon lui, il doit
pouvoir intervenir et convaincre les parties de la meilleure solution selon les
circonstances :
<< Ils ont engagé un médiateur, un ancien
juge en chef de la cours supérieur du Québec. Je ne me souviens
plus de son nom, très sympathique comme médiateur. [...] On
n'était pas contraint d'accepter les recommandations ni les offres qui
ont étaient faites... Le médiateur a dit : T'Regardez! Si vous
n'acceptez pas cela, si vous ne réglez pas cela de même, moi, je
ne peux pas vous recommander autre chose que cela.T' C'est ainsi que cela a
fini par se régler. >> (Acteur D-07)
Les forces (les satisfactions) du mode alternatif de
règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-07 souligne que ce qui l'a marqué dans une
expérience vécue de médiation est l'attitude du
médiateur qui s'est comporté de la même façon qu'un
juge. Pour l'exercice en question, le médiateur était un ancien
juge à la retraite et ses attitudes sont restées imprimées
dans ses comportements pendant ses fonctions comme médiateur. Pour
plusieurs, le processus de médiation est semblable à un processus
judiciaire avec la seule différence qu'il est volontaire et non
contraignant : << Il regarde cela d'une façon impartiale. Puis, il
analyse les faits et il se prononce sur les faits, puis ce qui était sur
la table c'est tout. Je l'ai trouvé très bon. >> (Acteur
D-07)
Comme le fait remarquer ce gestionnaire, le fait d'avoir des
gens détachés du contexte du conflit permet de jeter un regard
extérieur différent de celui des personnes impliquées
directement et qui ont vécu le conflit. Il attache beaucoup d'importance
aux points de Droit. Car, pour lui, les critères objectifs doivent
demeurées la référence principale pour tout
règlement :
<< Au départ, je n'étais d'accord avec la
démarche, par contre j'ai vu comment cela pouvait se passer. La
façon que les gens, les avocats, les médiateurs, comment ils sont
détachés du quotidien. Puis comment ils font juste regarder des
points de droit, etc. Puis, pour moi, c'était bénéfique en
termes d'apprentissage. Puis, je pense que l'entrepreneur croyait
sincèrement qu'il avait raison. Puis nous, on croyait sincèrement
qu'on avait raison. Puis, dans des cas comme cela, je trouve que c'est une
bonne démarche. » (Acteur D-07)
L'acteur D-07 trouve que le processus de médiation,
même s'il ne réussit pas à trouver une solution au conflit,
il permet d'avoir une réflexion et de voir le conflit sous un autre
angle. Ce qui permet parfois de reconsidérer sa position : << S'il
n'y a pas de possibilité de rapprochement, du côté de
l'entrepreneur c'est de faire valoir ses droit pour vis-à-vis les
tribunaux et de notre côté, c'est peut être suite à
la médiation de reconsidérer le dossier et la démarche
qu'on devra faire pour trouver un règlement. » (Acteur D-07)
Les faiblesses (les déceptions) du mode alternatif
de règlement des différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec
L'acteur D-07 souligne sa déception concernant le
comportement des procureurs lors d'un processus de médiation qu'il l'a
vécu avec un ancien juge comme médiateur. Il déplore que
les procureurs confondent souvent leur rôle comme conseillers de leurs
clients en médiation avec leur rôle comme procureurs dans un
processus judicaire devant les tribunaux :
<< Les déceptions, c'est dû plus aux
avocats qu'au médiateur. Si on avait été en cour, il
aurait été un peu pareil. Ce que les avocats sont
détachés. Mais, des fois ils disent des affaires ça pas
d'allure. Ils empruntent des voies légales qui n'ont pas rapport. Ils
posent des questions après dix ans des faits. Puis ils te demandent, par
exemple, le 13 mai 1990, il y a eu un tel événement, parce qu'ils
ont vu cela dans un rapport, qu'est- ce que vous pensez ? Ils sont un peu
ratoureux. Je trouve cela un peu exagéré. Mais le
médiateur, qui est un ancien juge, il les ramenait un peu à la
réalité. » (Acteur D-07)
2.7.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
Les opinions de l'acteur D-07 sont à l'effet qu'il
n'existe pas une relation évidente entre le partenariat tel que
pratiqué par Hydro-Québec avec ses fournisseurs et le mode de
règlement des différends :
« Actuellement, il n'y en a pas de relation entre
partenariat et règlement des différends. Comme
société publique, c'est le plus bas soumissionnaire conforme qui
est choisi, le règlement des litiges est fait sur une base
égalitaire. Ça fait que la relation entre le partenariat et le
mode de règlement n'est pas là. » (Acteur D-07)
Selon ce gestionnaire, le statut de l'entreprise comme
société d'État est l'élément montré
du doigt comme étant le plus contraignant pour établir un vrai
partenariat avec les fournisseurs et pour adopter la médiation comme
mode de règlement des différends. À cet effet, le
règlement d'un conflit avec un fournisseur se fait selon les mêmes
procédures indépendamment de la nature de relation avec le
fournisseur et ce qu'il soit un partenaire ou non.
Il croit qu'une clause de médiation introduite dans un
contrat va diminuer la possibilité de régler les
réclamations en chantier entre les personnes directement
concernées. Une telle situation va faire en sorte que tous les conflits
seront peltés dans le court du médiateur et les administrateurs
des contrats ne seront pas incités à résoudre leurs
problèmes sur le terrain : « Je ne suis pas un fervent d'avoir un
chemin rapide à cela. Peut être j'ai peur des changements. Mais je
trouve que cela est trop facile. Il ne faut pas qu'il se soit trop facile.
L'entrepreneur nous a amené là. Je pense qu'il a réussi
à avoir un règlement plus intéressant. » (Acteur
D-07)
CHAPITRE 3 INTERPRÉTATION ET EXPLICATION DES
DONNÉES
Le présent chapitre a pour but principal de
répondre à la troisième question spécifique de
recherche à savoir : Dans quelle mesure la méconnaissance de
la médiation avec tout son potentiel est la cause de
l'écart? Pour ce faire, une validation du contenu des
énoncés du départ sera faite par une réflexion et
une compréhension des données recueillies. Donc, à partir
du survol théorique et de l'étude in situ, on tente de
dégager les écarts et les causes profondes de l'écart
constaté entre le cadre conceptuel et la perception des acteurs
clefs.
D'abord, une analyse de la conception du partenariat par les
acteurs clés va permettre de savoir dans quelle mesure cette conception
est mobilisatrice pour implanter de nouveaux modes de résolution des
différends. Ensuite, l'examen de la perception de ces acteurs par
rapport à la médiation permet de comprendre dans quelle mesure
les avantages de la médiation dans un tel contexte ne sont pas
perçus par les décideurs. Enfin, on tente de voir dans quelle
mesure la méconnaissance de la médiation avec tout son potentiel
est la cause de l'écart.
3.1. Analyse de la perception du partenariat
La perception et la conception que font les sept acteurs
interviewés du partenariat tel que pratiqué s'écartent des
valeurs énoncées par Hydro-Québec. Six acteurs sur sept
s'accordent pour dire que le partenariat à Hydro-Québec est un
terme très général et qu'il est sujet à
interprétations multiples dépendamment des personnes ou du milieu
où il est pratiqué. Néanmoins, les positions
exprimées par ces décideurs demeurent dans les grandes lignes
convergentes malgré certains points de vue divergents.
En effet, la convergence s'articule autour du statut
d'Hydro-Québec comme entité publique où six acteurs sont
d'avis qu'il devient difficile de pratiquer avec les fournisseurs un vrai
partenariat en raison de l'utilisation, sur une base régulière,
des appels d'offres publics pour acquérir les biens et services,
où, dans la plupart des cas, le plus bas soumissionnaire conforme est
retenu. De telle sorte qu'il n'existe pas de partage des
bénéfices entre les partenaires et dans ce cas, selon ces
gestionnaires, on parle d'une relation d'affaires plutôt
qu'une relation de partenariat. Cette obligation de
procéder par appel d'offres public est dictée par le fait que la
société d'État se considère fiduciaire du bien
commun, et qu'on doit gérer la chose publique en bon père de
famille124, avec une transparence totale. C'est ainsi qu'on peut
expliquer cette convergence dans la perception du partenariat.
Toutefois, quatre acteurs sur sept s'entendent pour dire que
la nature du partenariat est fonction de la nature du produit ou du service
à acquérir ou du domaine d'affaire concerné. En effet,
dans le domaine de la construction des grands projets à
Hydro-Québec, les acteurs considèrent qu'il est très
difficile de considérer la relation avec l'entrepreneur de construction
comme du partenariat en raison du caractère public des appels d'offres.
La relation d'affaires est plutôt perçue comme une bonne
collaboration commerciale, car le donneur d'ouvrage ne participe pas à
la prise de décision du fournisseur, dans un contexte où chacun
cherche ses profits et où les intérêts ne sont pas toujours
convergents. Cependant, on a découvert une position unanime chez les
gestionnaires rencontrés à l'effet que l'équité est
au centre de leur relation commerciale avec leurs partenaires. Il s'agit d'une
valeur que l'entreprise énonce dans sa politique et à laquelle on
attache une importance capitale. Cette unanimité trouve son explication
dans le degré de confiance que le public leur témoigne et des
lourdes responsabilités qui se rattachent à l'administration de
la chose publique. Les administrateurs de la société
d'État se sentent le devoir d'entretenir un sens aigu des valeurs
morales qui doivent guider leurs actions.
Par ailleurs, dans le domaine d'acquisition
d'équipements spécialisés provenant de fabricants
particuliers, la relation avec les fournisseurs s'apparente à une
relation de partenariat en raison de l'existence de la recherche et du
développement pour acquérir des biens stratégiques selon
des spécifications propres à Hydro-Québec. Il s'agit donc
de relations durables où des compétences complémentaires
sont mises à contribution pour atteindre des objectifs partagés
qui sont des biens stratégiques performants et à la fine pointe
de la technologie. Ainsi, deux acteurs soulignent qu'il est plus
approprié de travailler en partenariat lorsqu'il s'agit de
l'ingénierie ou de la fabrication des équipements qui impliquent
de la recherche et du développement. Ces opinions sont conformes
à la politique annoncée par Hydro-Québec en matière
d'acquisition, laquelle politique est
124 Cooper, Terry L. (1991). An Ethic of Citizenship for Public
Administration, in Plamondon, Jacques A., Fonder l'éthique de
l'administration publique, Télescope, ENAP, Québec, vol.
9, no 1, novembre 2002.
guidée principalement par quatre orientations, soient :
la sécurité d'approvisionnement, la qualité du
matériel acheté, l'efficacité par laquelle on acquiert le
bien et les retombées économiques au Québec. Cette
dernière préoccupation, de favoriser les retombées
économiques, s'explique par le caractère public de la
société d'État, annoncé dans le cadre de
référence où cette dernière est appelée
à tenir compte de la politique du gouvernement du Québec en
matière de marchés publics.
Quant au domaine des projets spécialisés, trois
acteurs considèrent que les relations avec les fournisseurs sont une
forme de partenariat, car on procède par appels d'offres restreints
où les soumissionnaires sont des fournisseurs préqualifiés
et homologués. De plus en plus, on fait appel à des
compétences particulières pour réaliser des projets de
plus en plus complexes. Cette réalité amène la
société d'État à faire plus de place à des
appels de propositions où on invite un nombre très restreint de
fournisseurs spécialisés en mesure de réaliser des projets
particuliers dans des conditions propres à Hydro-Québec. Ainsi,
les appels d'offres restreints ou sur invitation imposent de travailler en
partenariat avec les fournisseurs, dans un climat où la confiance, qui
est difficile à gagner en relation d'affaires régulière,
est l'élément clef de la relation avec les entrepreneurs. Cette
position partagée par trois gestionnaires s'explique par des
politiques125 d'Hydro-Québec adoptées par le conseil
d'administration lors de la séance du vendredi 11 septembre 1998,
à savoir qu'à partir du 1er octobre 1998, le
coût le plus avantageux remplace le moindre coût comme
critère de sélection des soumissions. Cette façon de faire
permet à la société d'État d'effectuer un choix en
considérant d'autres paramètres que le strict moindre
coût.
Toutefois, deux acteurs sont d'avis que la pratique d'un
partenariat idéal se présente plus dans les ententes avec la
collectivité pour partager le développement d'un projet local. Il
s'agit d'un autre type de partenariat gagnant-gagnant où le partenaire
n'est pas un fournisseur, mais plutôt une collectivité
régionale très influente et souvent touchée d'une
façon importante par un projet de développement. Ces types
d'ententes ne sont pas sous formes d'un contrat de fournitures ni de relations
client-fournisseur, ce sont plutôt des contrats sociaux qui engagent les
parties dans une coopération mutuelle pour réaliser des projets
spécifiques. L'actualisation de ce type d'entente est perçue
comme une vraie
125 Hydro-Québec (2006). Politiques, nos acquisitions des
biens meubles et de services, 11 septembre 1998 [En ligne]
http://www.hydroquebec.com/soumissionnez/pdf/brochure.pdf
relation de partenariat motivée par des objectifs
communs partagés qui sont, dans le cas du projet EASTMAIN A-1, le
développement d'un projet hydroélectrique d'envergure. Cette
position des acteurs est expliquée par le fait que dans ce genre de
partenariat, on trouve toutes les valeurs du partenariat annoncées par
l'entreprise y compris le partage réel des bénéfices. En
plus, l'existence d'intérêts communs partagés, qui est le
développement du projet en harmonie avec le milieu, démontre bien
les points de vue de ces trois acteurs à cet égard.
Par ailleurs, les avis sont partagés en ce qui trait au
partage des bénéfices entre le donneur d'ouvrage et
l'entrepreneur. Ainsi, il y a deux acteurs qui croient au partage des
bénéfices et lors d'un différend, ils mettent de l'avant
l'option gagnant-gagnant où chaque solution recherchée doit
apporter des bénéfices ou une plus-value à chacune des
parties en relation d'affaires. Tandis que deux autres gestionnaires
considèrent que la relation avec les fournisseurs est une relation
d'affaires où il y a très peu de place au partage des
bénéfices. De même, les objectifs communs
partagés avec les entrepreneurs sont perçus par deux acteurs
comme une relation commerciale normale plutôt qu'une relation de
partenariat. Ce point de vue divergent est expliqué par une vision
étroite des bénéfices qui sont réduits au gain
financier direct. Pourtant, les bénéfices peuvent être une
multitude de gains tels que l'amélioration du savoir-faire, l'ouverture
de nouveaux marchés ou tout autre avantage de ce genre.
Un gestionnaire mentionne que malgré que la relation
commerciale puisse être améliorée avec le partenariat, il
n'en demeure pas moins que le partenariat représente encore des
défis et des difficultés à surmonter pour une entreprise
publique comme Hydro-Québec. La difficulté réside dans le
balisage commercial (Benchmarking) qui demande de s'assurer que ce que
propose le partenaire est toujours compétitif par rapport au
marché. Cette préoccupation confirme la particularité
d'une entreprise publique où les administrateurs d'Hydro-Québec
se considèrent gardiens des deniers publics.
Enfin dans l'ensemble, la conception du partenariat
s'écarte un peu du partenariat idéal énoncée par
Hydro-Québec en raison de l'utilisation des appels d'offres publics
où le plus bas soumissionnaire conforme ne partage pas
nécessairement les pertes et les bénéfices avec la
société d'État. Cela fait en sorte que la relation entre
le donneur d'ouvrage et le fournisseur est perçue comme une relation
d'affaires où chaque partie est préoccupée à
maximiser ses profits et où les intérêts
ne sont pas toujours convergents. Malgré que deux acteurs soient ouverts
à l'utilisation de la médiation comme mode de règlement
des différends dans certain cas, il y a presque un consensus pour dire
que le partenariat tel que pratiqué n'est pas tout à fait
mobilisateur pour implanter de nouveaux modes de résolution des
différends dans les contrats d'Hydro-Québec.
3.2. Analyse de la perception par rapport à la
médiation
À l'instar d'une grande entreprise, les
procédures administratives d'Hydro-Québec sont
règlementées par des politiques et des directives internes, de
telle sorte que le mode usuel de règlement des différends entre
Hydro-Québec et ses fournisseurs est encadré par une clause
normalisée insérée dans les clauses
générales des contrats et par un guide administratif de gestion
des réclamations126. La lecture de la perception des acteurs
clés par rapport à la médiation est faite à travers
leur pratique et leur conception du mode usuel, avec ses forces et ses
faiblesses, ainsi qu'à travers leur expérience de la
médiation qui inclut leurs attentes et leurs déceptions par
rapport au processus et au médiateur. Ainsi, l'analyse documentaire en
accord avec les données recueillies va permettre d'expliquer dans quelle
mesure les avantages de la médiation dans un tel contexte ne sont pas
perçus par les décideurs.
En premier lieu, les acteurs rencontrés sont unanimes
à dire que la pratique usuelle de règlement des différends
est presque uniforme en raison des procédures internes
normalisées et de l'existence d'un comité interne consacré
à la gestion des réclamations afin d'assurer une pratique
homogène de traitement des différends commerciaux.
Tous les gestionnaires s'entendent pour affirmer que le recours aux
modes alternatifs des règlements des différends comme la
médiation, la facilitation ou l'arbitrage n'est pratiqué
qu'exceptionnellement, dans des cas particuliers.
Cependant, les acteurs mentionnent que toutes les mesures sont
prises pour inciter leurs employés à régler le conflit
dès son apparition, en négociant directement avec le fournisseur
une entente à l'amiable. À cet effet, selon les gestionnaires,
des directives sont données aux administrateurs des contrats afin qu'ils
soient réceptifs aux requêtes de
126 R. Charbonneau, M. Marcotte et J. p. Pellerin (2007).
Hydro-Québec, Guide de gestion des réclamations, Unité
contrôle Direction-Administration et Contrôle HQE/SEBJ,
révision 2 mai 2007.
l'entrepreneur et qu'ils étudient toute demande selon
des critères objectifs bien fondés en droit. Selon les acteurs,
il s'agit, le plus souvent, d'une négociation bipartite que le
représentant d'Hydro-Québec conduit avec équité et
transparence, en se basant sur les clauses contractuelles, les lois et les
règlements en vigueur.
On peut expliquer cette attitude par le sentiment de lourde
responsabilité qui anime le responsable d'Hydro-Québec en tant
administrateur de la chose publique. Cette directive donnée à
l'administrateur de la société d'État, d'être
réceptif, s'explique par le devoir de posséder un sens plus aigu
des valeurs morales qui doivent guider ses actions. Donc, il doit exercer ses
fonctions avec transparence et intégrité totale, de même
que l'administrateur de la société voit, dans les critères
objectifs des négociations, une équité par rapport au
deuxième plus bas soumissionnaire qui n'a pas eu le contrat. Cependant,
les discours des acteurs rencontrés laissent sous-entendre que
l'équité est subjective. Ainsi, le représentant
d'Hydro-Québec considère que son offre de règlement est
équitable, car il est confiant dans sa façon de voir les choses
et de la justesse de son appréciation de la demande de compensation
présentée par l'entrepreneur. Cette attitude de très
grande confiance s'explique par le caractère bureaucratique qu'on trouve
chez les employés en pouvoir dans une fonction étatique. Ce genre
de comportement est expliqué par la théorie de
Mathiot127 où le bureaucrate, fier de ses connaissances, se
glorifie et devient peu sensible aux arguments provenant de
l'extérieur.
Ainsi, tous les acteurs interviewés se voient comme des
gestionnaires des fonds publics dont le mode de gestion diffère de celui
des entreprises privées. De sorte que la gestion de la chose publique
exige une imputabilité au corps social qui est en mesure de questionner
toute entente et toute prise de décision. Pour cette raison, il
paraît clair qu'on est plus libre de faire de compromis lorsqu'on
négocie des intérêts privés que lorsqu'il s'agit des
deniers publics. Par la suite, si l'entrepreneur et l'administrateur du contrat
désigné par HydroQuébec ne parviennent pas à
s'entendre, le conflit sera alors entendu par un comité de
réclamation interne à Hydro-Québec. Pour ce faire,
l'entrepreneur doit déposer un dossier bien argumenté à
partir de critères basés sur la normativité juridique tels
que le contrat, les lois et les règlements en vigueur.
127 A. Mathiot (s. d.) La pathologie de la bureaucratie.
Article.
Ainsi, ce comité formé des cadres
d'Hydro-Québec agit à l'instar d'un tribunal interne d'arbitrage
pour intervenir entre l'administrateur du contrat désigné par
Hydro-Québec et le fournisseur. En conséquence, le comité
examine le dossier présenté par l'entrepreneur ainsi que la
réponse de l'administrateur du contrat à cet effet. L'analyse du
cas et la décision qui en découle sont faites selon des
critères objectifs où les clauses contractuelles, les lois et
règlements demeurent la source de toute justification pour la prise de
décision. Donc, il s'agit d'un processus quasi judiciaire, car un avis
préalable du contentieux de la société d'État est
un pré requis à la conclusion de toute entente avec le
fournisseur.
Ainsi, selon trois acteurs interviewés, on arrive
à régler la majorité des cas présentés au
comité et très peu des cas se rendent devant les tribunaux.
Néanmoins, les interviewés s'entendent pour révéler
que la poursuite d'un dossier en justice est très rare, car les parties
préfèrent toujours trouver une entente avant d'en arriver
à se faire dicter une décision par un officier de la justice.
Cette recherche révèle que la volonté de la
société d'État est de régler ses conflits avec ses
fournisseurs par des ententes hors cours. Toutefois, elle tient à
préserver le contrôle de tout processus de règlement
extrajudiciaire, ce qui explique la formation de ce comité interne de
réclamation. Cette attitude ainsi que cette pratique usuelle de
règlement des différends sont expliquées par le souci de
bien gérer les biens communs.
3.2.1 Les forces du mode usuel
Par ailleurs, un acteur croit que, dans certains cas, le
recours judiciaire est préférable à la médiation
pour valider une question de principe. La jurisprudence qui en découle
deviendra alors une source importante pour parfaire les clauses contractuelles
et les rendre plus étanches aux interprétations subjectives de la
part des fournisseurs. Ainsi, la préférence du mode judiciaire
à la médiation s'explique par le fait que, parfois, le donneur
d'ouvrage use des jugements des tribunaux pour faire avancer le
Droit128 et développer un savoir-faire qui servira dans des
contrats futurs. À cet effet, Hydro-Québec dispose de ressources
importantes en mesure de supporter une poursuite devant les tribunaux où
peu
128 Commission du Droit du Canada (s. d.) La transformation
des rapports humains par la justice participative. ISBN 0-662-89974-1,
Catalogue JL2-22/2003F, page 158.
de fournisseurs sont en mesure de soutenir un long procès
en justice, dont les résultats sont d'ailleurs incertains.
Selon trois acteurs, ce rapport de forces favorable à
la société d'État est utile comme force dissuasive pour
inciter les concernés à trouver une solution au lieu de se lancer
dans un processus périlleux et coûteux. Cet avantage, selon un
interviewé, peut aussi servir à supporter une position de
principe et à faire face à un fournisseur récalcitrant et
de mauvaise foi. Cette position, à savoir « le pouvoir de soumettre
le petit acteur économique au diktat des grands producteurs de contrats
en situation de pouvoir »129 s'explique par les travaux de
Perrault et Beaudry. Ainsi, dans l'ensemble, tous les acteurs sont satisfais de
la pratique actuelle à Hydro-Québec car, selon eux, 95 % des
demandes sont réglées directement au chantier pendant la
réalisation des travaux. Donc, le rapport de forces favorable à
la société d'État est un élément non
négligeable pour assurer cette efficacité.
Les acteurs révèlent également, à
l'unanimité, que la force principale du mode usuel se trouve dans sa
flexibilité où la médiation n'est pas indiquée
comme un passage obligatoire pour régler un différend. Les
gestionnaires préfèrent le libre choix de recourir au mode qu'il
convient selon la situation au lieu de se trouver dans l'obligation de passer
par un quelconque mode pour régler leurs conflits commerciaux avec leurs
fournisseurs.
D'ailleurs, un comité interne de l'entreprise a
déjà étudié une requête des partenaires pour
réviser la clause contractuelle normalisée, concernant le
processus de règlement habituel, afin d'introduire la médiation
commerciale comme mode de règlement des différends. Après
mure réflexion, les décideurs ont opté pour le statu quo
qui a déjà fait ses preuves et qui est jugé satisfaisant
pour répondre aux besoins de la société d'État.
Cette position s'explique par la résistance au changement telle que
décrit dans Approches Stratégiques de John Kotter,
professeur à la Harvard Business School, le mieux connu des
auteurs sur le changement. Ainsi, les décideurs ne sont pas tout
à fait convaincus des changements à apporter au mode usuel et ne
sentent pas qu'il est urgent d'agir130. Selon monsieur Kotter, la
résistance des acteurs au changement est un phénomène
courant dans toute organisation en raison des inquiétudes face à
l'invasion d'un nouveau mode inconnu, et le plus grand
129 Perrault, C. et F. Beaudry (s.d.) Récents
développements en matière d'abus de droit : où
sommes-nous? 3.2 La nouvelle moralité contractuelle.
EYB2005DEV1078. Le pouvoir de soumettre le petit acteur économique au
diktat des grands producteurs de contrats en situation de pouvoir.
130 John Kotter (s. d.) Approches stratégiques,
Harvard, Harvard Business School.
défi pour implanter le changement réside dans
l'atténuation de la peur chez les acteurs concernés.
3.2.2 Les faiblesses du mode usuel
Malgré la satisfaction au sujet du processus usuel
manifestée par six acteurs rencontrés, il n'en demeure pas moins
que, selon eux, ce mode présente toutefois des limites et des
faiblesses. Ainsi, les acteurs manifestent leur insatisfaction par rapport au
délai jugé trop long pour régler une réclamation
comportant un important impact financier. Cette situation s'explique par le
fait que les réclamations de cette nature traversent toutes les
procédures incluant celles de la justice avant qu'un règlement
aboutisse. Par exemple, les récentes poursuites de près de 200
millions $ déposées contre Hydro-Québec et sa filiale SEBJ
par les entrepreneurs du projet Eastmain-1 à la Baie
James131, qui démontrent bien les limites du mode usuel
à régler les conflits dans des délais acceptables.
D'autre part, l'accumulation des dossiers non
réglés fait l'unanimité des acteurs comme étant
l'irritant le plus courant de la pratique actuelle en raison des
priorités des administrateurs des contrats où on met plus
d'effort à réaliser les travaux selon les
échéanciers prévus que sur les règlements des
réclamations. Ce phénomène est dû au fait que les
dates clefs du projet sont très importantes, car souvent, le projet
s'inscrit à l'intérieur d'un programme stratégique d'une
importance capitale pour Hydro-Québec. Souvent on demande à
l'entrepreneur d'exécuter les travaux avant même d'avoir conclu
une entente sur le volet financier de compensation relative aux changements
contractuels. Ainsi, l'accumulation de dossiers non
réglés devient, à la fin du chantier, une source
importante de conflits dont la négociation d'un règlement devient
plus ardue et plus difficile en raison des documents manquants ou des personnes
affectées ailleurs sur d'autres projets.
Il existe également une convergence d'opinions des
personnes interviewées où quatre acteurs sur sept sont d'avis que
le mode actuel présente une déficience relativement à la
compétence de la tierce personne qui intervient dans le processus de
règlement. Or, selon ces acteurs, on risque de se retrouver devant un
juge qui, dans la plupart des cas, ne
131 Grammond, Stéphanie (2007). Poursuite de 200 millions
$ contre Hydro-Québec, Journal La Presse, Cahier La Presse
Affaires, Montréal, 14 septembre 2007.
possède pas les connaissances techniques
nécessaires pour comprendre les dossiers appartenant à des
domaines spécialisés et de plus en plus complexes. Ces opinions
expriment l'insatisfaction par rapport au mode judiciaire qui s'acharne sur la
normativité juridique en faisant passer au second plan la
normativité technique qui est plus accessible aux parties pour trouver
un sens au règlement du conflit ordonné par le juge. En plus, les
décideurs sont unanimes pour dire que le recours au mode judiciaire est
coûteux en frais de contentieux et d'experts engagés pour
préparer et défendre les dossiers en litige devant les tribunaux
de droit commun. Cette affirmation est démontrée par le cas
présenté au chapitre 1 concernant la Banque de Montréal
contre Hydro-Québec.
3.2.3 La pratique du mode alternatif
En deuxième lieu, les acteurs clés
révèlent que la société d'État ne recourt
qu'occasionnellement aux modes alternatifs tels que la facilitation, la
médiation ou l'arbitrage, pour régler ses différends avec
les fournisseurs. A cet effet, les gestionnaires sont unanimes pour
écarter l'arbitrage, car ce processus est jugé plus contraignant
par le fait qu'une sentence arbitrale demeure sans appel sur le fond par
rapport à un jugement de la cour où on jouit toujours d'un droit
d'appel par rapport à la décision rendue.
Bien que le recours aux modes alternatifs ne s'effectue
qu'à titre exceptionnel, selon les acteurs, la société
d'État reste toutefois favorable à l'utilisation du mode de la
médiation entre l'administrateur désigné par
Hydro-Québec et le fournisseur. Cependant, cette ouverture à la
médiation est conditionnelle à ce que le processus soit
totalement sous le contrôle d'Hydro-Québec. Pour cette raison, on
a créé à l'interne un comité de réclamation
que les acteurs considèrent comme l'équivalent d'un comité
de médiation car, selon eux, les membres de ce comité sont des
gestionnaires d'Hydro-Québec détachés du contexte du
projet où le litige à eu lieu et ce comité est
considéré comme neutre par rapport à l'administrateur du
contrat et le fournisseur. Cette conception de la médiation
témoigne d'une méconnaissance de la médiation dont un des
buts est de neutraliser le rapport de forces pour que les parties deviennent
égales dans un processus où elles participent librement à
la construction d'une entente satisfaisante.
Donc, ce comité interne de réclamations conserve
le rapport de forces favorable à Hydro- Québec et prive d'une
certaine manière le fournisseur d'une liberté de consentir
essentielle
à tout règlement satisfaisant. C'est ainsi que
les fournisseurs ont manifesté leur désir d'être entendus
par le comité de réclamation afin qu'ils puissent plaider leurs
dossiers et participer d'une façon active à ce processus interne
de médiation. Cette requête est restée sans réponse,
car la société d'État hésite à faire
participer directement les fournisseurs à ce comité de
réclamation ou à changer son fonctionnement qu'elle juge efficace
et satisfaisant. Selon un acteur clé, il n'y a pas une urgence d'agir,
car il considère que cette façon de faire répond aux
besoins de l'entreprise en raison des multiples succès
enregistrés et où il y a très peu des cas qui se rendent
devant les tribunaux. Cette position de l'entreprise est expliquée par
la résistance au changement132.
En conséquence, de plus en plus de fournisseurs
réclament la médiation comme mode de règlement des
différends qui les opposent à la société
d'État. Dans ce contexte, HydroQuébec et l'Association des
Constructeurs de routes et Grands Travaux du Québec (ACRGTQ) ont
établi une liste de facilitateurs qui seront appelés
occasionnellement pour agir dans les dossiers de réclamations relatifs
aux contrats de construction. Toutefois, l'ACRGTQ, qui représente les
entrepreneurs en construction qui font affaires avec la société
d'État, a souvent manifesté, sans succès, le désir
d'une révision par Hydro-Québec de la clause contractuelle du
processus de règlement en cas de différends afin d'introduire la
médiation comme mode de règlement des réclamations. Ce
refus de la part de la société d'État d'acquiescer
à la requête du partenaire trouve son explication dans les travaux
de recherche de Mathiot (s. d.), où les personnes en pouvoir d'une
organisation publique sont confiants et orgueilleux de bien gérer les
deniers publics et deviennent, par le fait même, « insensible aux
désirs et aux vibrations du corps social. »133
3.2.4 Attentes par rapport au processus
Néanmoins, les intervenants voient dans la
médiation un processus de règlement volontaire, non contraignant
et fondé sur la bonne foi et le respect réciproque des parties en
conflit. Ce faisant, ils s'attendent à ce que le déroulement du
processus demeure confidentiel et que tout ce qui est dit, entendu ou
dévoilé ne sera pas interprété comme une admission
ni admis comme preuve par le juge advenant une poursuite devant les
tribunaux.
132 John Kotter (s. d.) Approches stratégiques,
Harvard Business School, Harvard..
133 Mathiot. A. (s. d.). La pathologie de la bureaucratie, La
notion de la bureaucratie. [En ligne]
http://web.upmf-grenoble.fr/cours/scadmi/Fiche7.htm,
Fiche no 8.
Malgré l'existence d'un protocole de médiation
garantissant l'immunité du processus, les acteurs demeurent
réticents face à ces garanties, et la crainte de dévoiler
son jeu et d'être pénalisé au procès, advenant une
action en justice, est toujours omniprésente dans l'esprit des gens qui
participent à la médiation. Il n'en demeure pas moins que les
intervenants rencontrés associent à un certain degré la
médiation à un processus judiciaire en raison de la
présence des avocats qui conseillent les parties et qui peuvent
influencer le déroulement du processus. Ainsi, pour contrer les embuches
qui peuvent être créées par les procureurs pour faire durer
le débat, les acteurs expriment le désir que le processus soit en
mesure de pallier cette préoccupation.
Cette perception du processus démontre bien la
méconnaissance de la médiation qui est souvent
interprétée à travers les médiations
imposées par le gouvernent pour régler un conflit de travail qui
perdure. Les gestionnaires associent souvent la médiation à un
processus quasi-judiciaire comme l'arbitrage en raison de la présence
des avocats dans l'exercice. Pour cette raison, deux des personnes
rencontrées se sentent plus confortables avec la facilitation qu'ils
considèrent comme un processus tout à fait informel et non
contraignant. Ainsi, l'attente par rapport au processus de règlement,
selon un acteur, est de faire en sorte que la société
d'État préserve la liberté de choisir le mode de
règlement convenable selon les circonstances qu'elle juge favorables.
Il apparaît que la crainte de perdre la liberté
de choix n'est pas étrangère à la volonté d'une
société d'État de garder le contrôle de l'action
afin de sauvegarder son autorité morale dans l'orientation des
évènements. Cette position est expliquée par une culture
juridique où certains auteurs de l'école
française croient qu'il est impensable qu'une autorité publique
puisse s'asseoir avec le sujet et négocier un compromis134.
Les acteurs ne voient pas non plus l'utilité de la médiation
lorsque l'écart entre la demande du fournisseur et l'offre du donneur
d'ouvrage est important et lorsque le représentant d'Hydro-Québec
maîtrise très bien le dossier du litige et demeure confiant de la
justesse de sa position. Cette manière de voir la chose est
expliquée par la pensée que la médiation ne peut pas faire
mieux que la
134 Emile Tyan, Beyrouth (1972). Droit de l'arbitrage,
Librairie Antoine, no. 63.
Professeur en droit à l'Université St-Joseph
(Jésuite). Théorie de Droit fortement inspirée par le
Droit Français : « Il est contraire à la nature des choses
d'admettre, pour les personnes morales de droit public en tant que puissance
publique, la possibilité de compromettre dans les litiges internes
nés de leur activités. »
négociation bipartite où un bon gestionnaire peut
négocier lui-même un bon règlement : pourquoi
intégrer alors un médiateur étranger au dossier?
3.2.5 Attentes par rapport au médiateur
Concernant le rôle du médiateur, divers points de
vue émergent malgré un consensus sur certains
éléments. Par exemple, tous les acteurs s'attendent à ce
que le médiateur soit crédible, impartial et compétent
pour bien gérer le processus et pour gagner la confiance des parties en
conflit. Ils croient aussi que le médiateur doit intervenir pour
convaincre les parties d'adhérer à une solution qu'il juge la
meilleure selon les circonstances. D'un autre côté, un acteur a
exprimé clairement que le médiateur détient une obligation
de résultats et que la finalité du processus consiste à
obtenir une entente de règlement où la responsabilité de
l'échec ou de la réussite incombe en bonne partie au
médiateur. Cette attitude par rapport au
médiateur confirme la méconnaissance du rôle du
médiateur comme étant un intervenant qui a une obligation de
moyens afin de transformer une situation conflictuelle en un problème
commun à résoudre et dont la solution sera la meilleure chose
à faire selon les circonstances.
Aussi, les gestionnaires rencontrés considèrent
que le médiateur doit posséder les habiletés requises pour
rapprocher les parties et établir un climat de confiance entre les
belligérants. De même, il doit être
compétent pour orienter les parties sur des pistes de solution et pour
évaluer avec neutralité les conséquences pour chaque
partie advenant une éventuelle poursuite devant les tribunaux. Le besoin
de ce genre de médiation appelée « évaluation neutre
» est très courant dans l'industrie de la construction, surtout aux
États-Unis où elle est perçue comme la dernière
étape d'un continuum avant de s'adresser au tribunal. Pour cette raison,
les gestionnaires interviewés s'attendent à ce que le
médiateur possède certaines compétences techniques
compatibles avec la nature du conflit afin qu'il puisse donner une
appréciation neutre des solutions possibles du conflit. Il doit donc
posséder les capacités de convaincre les parties de la meilleure
solution selon les circonstances.
Par ailleurs, trois acteurs sur sept s'attendent à ce
que le médiateur soit en mesure de bien gérer le volet
émotionnel du conflit, car dans certains cas, derrière une
position tenue par une partie se cache un conflit de personnalité avec
son vis-à-vis. Pour cette raison, il est primordial en premier lieu de
régler la partie émotionnelle afin de se consacrer à la
partie
rationnelle du différend. Ainsi, selon les acteurs, la
recherche de toute solution doit s'appuyer sur des arguments écrits,
objectifs et rationnels. Cette obsession de toujours mettre de l'avant les
arguments rationnels et d'associer la médiation à un processus
quasijudiciaire où on parle souvent des faits, des pièces
justificatives, etc., s'explique par la culture juridique
québécoise qui est fortement influencée par une culture
romaine, latine, française qui a le culte de la Loi135
écrite, par rapport à la culture anglo-saxonne du Commun
Law basée sur la négociation et la jurisprudence. Ceci peut
expliquer d'ailleurs pourquoi la médiation est plus utilisée dans
le reste de Canada et aux États-Unis qu'au Québec et en
France.
3.2.6 Les forces (satisfactions) du mode alternatif
En outre, les acteurs voient dans le processus de la
médiation un avantage en raison de la possibilité de faire
intervenir dans le dossier un tiers avec des compétences techniques
compatibles avec la nature du conflit. De cette façon, les gestionnaire
se sentent rassurés de voir un médiateur qui maîtrise le
domaine du conflit et qui est en mesure de les écouter et comprendre
leurs besoins, ce qui n'est pas le cas dans un processus judiciaire. Cette
situation s'inscrit par l'insuffisance de la justice de répondre aux
besoins des citoyens qui réclament de plus en plus de faire intervenir
d'autres normativités que celles du monde judiciaire afin qu'ils
puissent donner un sens à toute solution du différend.
Par ailleurs, un autre acteur a vu un aspect négatif
dans la présence d'un ex-juge comme médiateur lors d'un conflit
vécu, car il a agi selon son cadre de référence judiciaire
et a usé de son autorité de juge et de ses arguments pour
convaincre les parties de la meilleure solution selon les circonstances. Cette
perception témoigne de la méconnaissance du processus de la
médiation qui est souvent attribué à un processus
judiciaire sauf qu'il est volontaire et non contraignant, et permet à un
tiers de jeter sur le conflit un regard extérieur différent de
celui des personnes impliquées directement dans le conflit. Ce qui
explique que les gestionnaires s'attendent à ce que le médiateur
fasse plus que de la facilitation en intervenant pour convaincre les parties
à adhérer à une entente qu'il considère la
meilleure dans les circonstances.
135Jean-Pierre Bonafé-Schmitt. La
médiation: une alternative à la justice, page 146.
Les acteurs sont unanimes pour dire que, même si le
processus n'aboutit pas à une solution, il permet toutefois de voir le
différend sous un nouvel angle afin que les parties reconsidèrent
leur position respective. Cette façon de voir le processus rejoint la
conclusion du comité ontarien chargé d'évaluer le recours
obligatoire à la médiation, à savoir que le fait de rendre
obligatoire le processus, même s'il est volontaire, a eu des
retombées positives sur l'accélération du règlement
des conflits.
3.2.7 Les faiblesses (déceptions) du mode
alternatif
Cependant, les acteurs sont unanimes pour dire que le
processus doit demeurer sous la gouverne et sous le contrôle de la
société d'État. L'analyse des discours dégage une
crainte de la part de la société d'État de se
départir d'un pouvoir qui lui revient comme entité publique qui
joue un rôle, aussi noble et prestigieux, que celui du fiduciaire du bien
commun. Ainsi, la majorité des gestionnaires rencontrés
considèrent que la bonne gestion des fonds publics appartient à
la société d'État et non au médiateur. Par
conséquent, tout processus en vue d'un règlement demeure sous son
contrôle et en dehors de la place publique. Cette façon de
concevoir le processus de règlement s'explique, selon la recherche
documentaire, par une culture profondément enracinée à
l'effet que la société d'État est assujettie au Droit
administratif québécois qu'on associe au Droit administratif
français dont l'origine remonte à la monarchie. Comme disait
madame Louise Lalonde, professeure : « À un certain égard en
France, on a remplacé la monarchie par la république, mais on a
gardé ses lettres de noblesse. »
Cette analyse de la perception des acteurs clés
révèle que les décideurs conçoivent la
médiation comme un mode de gestion des compromis sur les positions des
parties en conflit où toute recherche de solution est faite dans le
cadre de la normativité juridique, à savoir le contrat, la loi et
les règlements en vigueur. D'une certaine manière, les acteurs
associent la médiation à un processus quasi-judicaire où
il est indispensable que les parties soient accompagnées par leurs
procureurs respectifs. En plus, ils croient que le médiateur
détient une obligation de résultats qui se présente par
une entente de règlement où tout échec ou réussite
est imputé au médiateur. Il appert que le processus est souvent
vu à travers les médiations décrétées par le
gouvernent pour régler un conflit de travail qui perdure. Par
conséquent, les acteurs craignent qu'en acceptant de participer à
un processus géré par un médiateur externe, la
société d'État concède à un tiers un pouvoir
qui lui
revient comme entité publique qui joue un rôle,
aussi noble et prestigieux, que celui du fiduciaire du bien commun.
Or, le nouveau contexte impose à Hydro-Québec un
défi de taille en raison de la pénurie qui se pointe à
l'horizon dans le marché de la construction et des revendications
sociales qui se font entendre lors de la réalisation de ses projets de
développement. Elle doit donc assurer une bonne gestion de la chose
publique et participer au développement du Québec comme un bon
citoyen corporatif. Pour cette raison, elle a senti le besoin de modifier ses
politiques pour favoriser une relation d'affaires à long terme,
fondée sur la confiance, le partage de risque, l'équité,
l'intégrité et la transparence qui sont essentielles à
l'administration des fonds publics. En conséquence, il est
nécessaire d'adopter un mode de règlement des différends
commerciaux compatible avec cette vision de partenariat et en conformité
avec ces valeurs mises de l'avant par la société
d'État.
D'où un modèle de médiation comme celui
d'Ury et Fisher qui est le plus indiqué, et dans lequel une solution
sera recherchée en se basant sur les intérêts et les
valeurs communs et les relations à long terme, en considérant le
conflit avec toute son amplitude. De cette façon, on pourra
régler le litige et ses causes profondes par la convergence des normes
juridiques, de partenariat d'affaires et d'éthique propres à la
gestion de la chose publique. D'abord, la norme juridique, qui est le contrat,
sera évoquée pour qualifier le litige et ses conséquences.
Elle peut être employée pour situer le droit de chacune des
parties en litige ainsi que ses obligations contractuelles.
Ensuite, comme dans la plupart des cas le litige est issu
d'une mauvaise pratique qui se perpétue depuis longtemps de part et
d'autre des parties, des solutions peuvent être discutées afin de
prévenir d'autres conflits dans le futur. Ainsi, dans une
médiation où on cherche une solution, le fournisseur, en
l'absence du rapport de forces, peut faire part ouvertement de ses
doléances relatives aux documents contractuels ambigus et aux clauses
jugées abusives dans un contrat par adhésion comme celui
d'Hydro-Québec. De même, Hydro-Québec peut trouver une
solution qui saura à la fois répondre à ses contraintes en
matière d'échéancier et de qualité tout en tenant
compte de la préoccupation de son partenaire, lui permettant de
prospérer et de demeurer sur le marché. De la sorte, elle assure
du même souffle sa sécurité d'approvisionnement en
équipements stratégiques.
D'autre part, la présence d'un tiers neutre
crédible, dans une médiation, rassure le corps social d'une
intégrité de gestion et écarte toute apparence de
favoritisme ou de conflit d'intérêts, ce qui n'est pas le cas lors
d'une négociation bipartite. Quant à l'entente, en plus de la
solution du litige, elle peut inclure des éléments susceptibles
d'améliorer les opportunités et les relations d'affaires à
long terme. Il appert que la perception des acteurs clés par rapport
à la médiation dans ce sens diffère. La médiation
est vue à travers un cadre purement juridique (contrat) qui est
insuffisant pour régler un conflit sans provoquer une brisure entre le
Droit et les intérêts et les valeurs communs
énoncés. Ce qui fait que les avantages de la
médiation dans un tel contexte ne sont pas perçus par les
décideurs.
3.3. Analyse de la perception de la dynamique entre
partenariat et règlement des différends
La recherche documentaire révèle que dans
l'entente de partenariat entre la société d'État et la
collectivité, en récurrence les Cris de la Baie-James, le
règlement d'éventuels différends est encadré par
une clause prévoyant la médiation comme mode de règlement.
De même que l'entente de partenariat appelée la Paix des braves,
entre le Gouvernement du Québec et la communauté Cris de la
Baie-James, prévoit une clause de médiation pour le
règlement des différends. Or, les ententes et les contrats avec
les fournisseurs partenaires d'Hydro-Québec ainsi qu'avec ceux du
Gouvernement du Québec ne prévoient pas la médiation comme
mode de règlement des différends, malgré que les
fournisseurs soient unanimes à le réclamer. En plus, l'analyse de
la perception du partenariat et l'analyse de la perception du mode de
règlement des différends montre un écart en raison des
valeurs du partenariat qui ne sont pas actualisées par les acteurs lors
d'un règlement d'un conflit commercial. Pour cette raison, il est
important d'identifier dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec tout son potentiel cause cet écart.
On tente donc de trouver une réponse à cette
question à travers l'analyse documentaire et la lecture que font les
acteurs de la relation entre le partenariat et le mode de règlement des
différends. A cet effet, tous les acteurs rencontrés sont d'avis
qu'il n'existe pas une relation évidente entre le partenariat
pratiqué à la société d'État et le mode de
règlement des différends en raison du mode d'approvisionnement
par appel d'offres publics. De sorte que souvent, le plus bas soumissionnaire
est retenu et le règlement d'un conflit avec un fournisseur se fait
selon les mêmes procédures et avec la même philosophie
indépendamment de la nature de relation avec ce
dernier. Ainsi, peu importe la nature de la relation d'affaires, la gestion de
la chose publique exige une rigueur plus aigue que la gestion des
intérêts privés, de telle manière que toute
négociation et toute recherche de règlement doivent être
faites selon des critères objectifs et positifs. Toute entente
acceptable doit être justifiée par les clauses contractuelles, la
Loi et les règlements en vigueur. D'un autre côté, toute
concession non justifiée en droit doit être évitée
par souci d'équité par rapport aux autres soumissionnaires qui
n'ont pas été retenus pendant l'analyse de soumissions. Dans un
tel contexte, selon les gestionnaires, il est difficile de parler du
partenariat, on y voit plutôt une relation d'affaires basée sur la
maximisation des profits.
Par contre, selon trois acteurs, l'exercice d'une
véritable relation du partenariat est possible lorsqu'on choisit
librement les fournisseurs et lorsqu'on négocie avec ces derniers des
contrats à l'amiable, de gré à gré. À ce
moment, on peut envisager la médiation comme mode de règlement
des différends. Dans un tel cas, il est exigé de la
société d'État qu'elle soit en mesure de faire face
à l'apparence de conflit d'intérêts en justifiant toute
transaction et tout geste administratif dans ce sens. Par
ailleurs, un acteur affiche une méconnaissance de la médiation
commerciale à un point tel qu'il l'associe à la médiation
imposée souvent par le gouvernement pour débloquer des
négociations lors d'un conflit de travail. Dans ce cas, il la voit comme
un exercice contraignant où le médiateur intervient directement,
d'une façon accrue, dans la recherche d'une solution au conflit.
En conséquence, les acteurs ne voient pas la valeur
ajoutée d'inclure une clause de médiation dans les contrats, car
ils craignent d'être obligés de passer par la médiation
pour régler chaque conflit, de telle sorte que l'entrepreneur ne sente
plus l'urgence de régler ses demandes avec l'administrateur des
contrats, étant donné qu'il a la possibilité de les
régler en médiation. En effet, selon l'opinion de trois
gestionnaires, une clause de médiation incluse dans les contrats risque
de faire en sorte que les gestionnaires vont de se trouver très souvent
en médiation. Selon eux, l'inclusion d'une telle clause dans les
contrats va augmenter les coûts et peut même entraver le
règlement hors cour des différends. De plus, six
interviewés sur sept considèrent que la relation avec les
fournisseurs constitue plutôt une relation d'affaires dont les objectifs
sont plus divergents que convergents en raison de la maximisation des profits.
Ainsi, trois gestionnaires rencontrés sont d'avis qu'avant d'instaurer
une clause de médiation dans les contrats, il faut faire la
démonstration que la
nouvelle façon de faire apportera une valeur
ajoutée par rapport à la pratique usuelle. Ils résistent
au changement parce qu'ils considèrent que le mode usuel est
adéquat et ils ne voient pas l'urgence d'agir.
Cette position s'explique d'une part par la
méconnaissance du potentiel de la médiation comme processus de
transformation d'une situation conflictuelle en une situation de recherche
d'une solution d'un problème commun. D'ailleurs, la
société d'État a manifesté cette position à
ses partenaires lorsqu'ils ont exprimé à plusieurs reprises leur
désir d'ajouter dans les contrats d'Hydro-Québec une clause de
procédure de règlement en cas de différends incluant la
médiation.
L'analyse des discours sous-tend que souvent le
médiateur tente de réconcilier les positions des parties en
divisant la poire en deux. Pour cette raison, trois décideurs restent
réticents à aller en médiation lorsque l'écart est
important entre la demande de l'entrepreneur et l'offre raisonnable
d'Hydro-Québec. Ainsi, une clause de médiation instaurée
dans les contrats risque de contraindre la société d'État
à accepter un règlement qu'elle juge défavorable. Cette
façon de voir une clause de médiation dans les contrats
témoigne de l'insuffisance de la représentation de ce mode en
émergence.
De même, tous les acteurs clés expriment la
crainte que l'introduction d'une clause de médiation dans les contrats
crée une lourdeur administrative et qu'en plus, Hydro-Québec
perdre l'élément dissuasif pour régler directement sur le
terrain par négociation. Cette attitude s'explique par la volonté
naturelle d'une entité publique de préserver le pouvoir
assuré par le rapport de forces. En conséquence, il y a deux
décideurs qui n'envisagent même pas d'introduire une clause de
médiation à titre expérimental, car ils sont convaincus
que l'introduction d'une telle clause nuira à la bonne gestion des
différends à HydroQuébec où il y aura une forte
augmentation des réclamations qui vont se trouver en processus de
médiation. Toutefois, un gestionnaire demeure en faveur de tenter
l'expérience d'introduire une clause de médiation dans un contrat
particulier et d'évaluer par la suite sa plus-value par rapport au mode
usuel. Il apparaît donc que des décideurs de première ligne
reconnaissent l'insuffisance des informations véhiculées à
propos de la médiation commerciale et son potentiel.
D'ailleurs, selon un gestionnaire, l'entreprise est tout
à fait ouverte à recourir au processus de la médiation
lorsque l'enjeu du conflit est discutable et lorsque le bien fondé n'est
pas évident. Dans ce cas, Hydro-Québec préfère
participer à la médiation sur une base volontaire et selon le
cas. Car il y a des cas où le processus de la médiation n'est pas
avantageux surtout lorsqu'il s'agit d'une affaire de principe où on est
sûr d'avoir gain et cause. Donc, selon un acteur, il faut adapter le
processus de règlement au conflit et non l'inverse. Cette attitude
montre que l'entreprise est plus préoccupée de protéger
les deniers publics que de faire des compromis pour assurer une relation
durable avec les fournisseurs.
Autre élément non négligeable, un acteur
croit qu'on peut recourir à la facilitation à titre
préventif pour atténuer les conflits de personnalité entre
les individus en charge au chantier, de sorte que le recours à un
facilitateur peut contribuer à restaurer un climat positif dans ce
milieu de travail qui se trouve souvent isolé. Cette perception
démontre bien l'importance des relations humaines dans la relation
d'affaires et qu'un climat positif dans ce milieu de travail isolé reste
un objectif partagé par les deux parties en affaires.
Enfin, deux interviewés s'entendent pour dire que la
société d'État offre déjà, avec le
comité des réclamations, l'équivalent d'une
médiation aux fournisseurs et que, par conséquent elle n'a pas
besoin d'inclure une clause de médiation dans ses contrats. À cet
effet, elle possède toutes les ressources pour gérer avec ses
spécialistes un processus transparent et équitable réglant
les différends avec ses fournisseurs. Cependant, si la
société d'État ne dispose pas suffisamment des
spécialistes pour gérer un processus équivalent à
la médiation, l'instauration d'une clause de médiation dans les
contrats sera alors justifiée. Cette perception de la médiation
montre bien la crainte des acteurs clés de voir l'entreprise de
l'État perdre un pouvoir dans la gestion des affaires des biens communs,
ce qui explique l'insuffisance de représentation du médiateur et
du processus de la médiation avec tout son potentiel.
Donc, la volonté exprimée par
Hydro-Québec de considérer ses fournisseurs comme des
alliés et son désir exprimé d'avoir une relation durable
de partenariat, fondée sur la confiance, le partage de risque,
l'équité, la transparence, la satisfaction de la clientèle
et la dignité des personnes impliquées dans le projet, est
motivée par les conditions du marché lui permettant d'accomplir
sa mission fondamentale. Comme elle fait face de plus en plus à un
marché menacé par des pénuries de travailleurs
qualifiés, elle a senti récemment le
besoin de tenir des réunions de concertation avec les
autres grands donneurs d'ouvrage comme la Ville de Montréal et le
Ministère des Transports du Québec pour tenir compte de cette
réalité dans la planification de leurs projets de construction.
Elle est donc très intéressée à préserver
des liens de partenariat avec les bons fournisseurs qualifiés et fiables
qui sont en mesure de l'accompagner dans sa mission en garantissant son
approvisionnement en biens et services stratégiques.
Comme d'un autre côté, elle résiste
à acquiescer à la requête de ses partenaires d'instaurer
dans ses contrats une clause prévoyant la médiation comme de
règlement des différends, un écart émerge entre la
relation de partenariat énoncée et le mode de règlement
des différends déployé pour régler les conflits
avec les fournisseurs. Cet écart est causé surtout par la
méconnaissance du mode de la médiation commerciale avec tout son
potentiel. Car les acteurs clés de la société
d'État perçoivent la médiation à travers d'un cadre
juridique où toute entente de règlement doit être conforme
avec le contrat, la Loi et les règlements en vigueur.
Les décideurs interviewés ne perçoivent
pas la médiation comme un processus de transformation guidée par
les valeurs et intérêts communs partagés entre
Hydro-Québec et son partenaire, et où le médiateur sert
d'agent de changement pour transformer une situation conflictuelle en une
situation où les deux parties seront conscientes de l'existence d'un
problème commun à résoudre. Ils ne voient pas clairement
que la solution recherchée ne s'arrête pas aux compensations
financières directes, mais englobe le conflit avec toute son amplitude
afin de préserver les relations futures entre Hydro-Québec et son
fournisseur. Ils ne font pas le lien entre ce mode de règlement et les
divers aspects du problème qui leur posent difficulté parfois :
la recherche d'une solution d'un différend par la médiation, en
plus de régler l'aspect financier direct, peut prendre en
considération les valeurs du partenariat, la pénurie du
marché, le règlement des irritants qui perdurent dans les
documents contractuels, les conflits de personnalité des responsables au
chantier, la sécurité d'approvisionnement, les impératifs
de gestion des fonds publics et l'amélioration des relations à
long terme. Donc, la méconnaissance de la médiation avec tout son
potentiel par les acteurs clefs apparaît être la cause
première de l'écart entre la conception des acteurs et le cadre
de référence.
CONCLUSION
Le point de départ de cette recherche est issu de ma
pratique comme gestionnaire de projets de construction dans une
société d'État. Fort de mon expérience à
Hydro-Québec, j'ai constaté que la société
d'État affiche une certaine frilosité à introduire la
médiation comme mode de règlement de différends
malgré sa volonté d'établir une relation de partenariat
avec ses fournisseurs. La problématique de cette recherche s'est
construite à partir d'un constat d'une apparente incohérence dans
le discours de l'entreprise qui prône un partenariat avec des valeurs qui
semblent incompatibles avec l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends avec les fournisseurs. Ainsi,
l'enrichissement de la réflexion des acteurs clefs qui sont
appelés à choisir la politique de règlement des
différends entre la société d'État et ses
fournisseurs définit l'objectif général de la
recherche.
La question générale de cette recherche se pose
comme suit : Y-a-t-il une incohérence réelle entre la conception
du partenariat et l'absence de la médiation chez les acteurs à
Hydro-Québec? Pour répondre à cette question, il fallait
d'abord vérifier si, théoriquement, il existe un lien entre le
partenariat et la médiation. Par la suite, il était important de
connaitre la perception des acteurs clefs au sujet de la dynamique entre le
partenariat et le mode de règlement des différends, ce qui a
permis de voir dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec son potentiel pouvait être la cause de
l'écart.
Donc, les objectifs à atteindre par ce projet de recherche
résident principalement dans trois questions spécifiques de
recherche à savoir :
· Au point de vue théorique, y a-t-il un lien
nécessaire entre le partenariat et la médiation et, si oui,
quelle forme de médiation?
· Quelle est la perception des acteurs chez
Hydro-Québec devant une éventuelle incohérence entre
l'absence de médiation et le partenariat?
· Dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec tout son potentiel estelle la cause de l'écart?
Le premier chapitre a permis de définir le cadre
conceptuel en formulant les variables de recherche à mesurer par les
entrevues in situ. En plus, un survol théorique a permis de
répondre à la première question
spécifique de recherche. À cet effet, la recherche dévoile
qu'au point de vue théorique, il existe un lien entre le partenariat mis
de l'avant par HydroQuébec et la médiation inspirée du
concept de la négociation raisonnée de Ury et Fisher et de
l'approche éthique de Georges A. Legault. Ainsi, ce modèle de
médiation s'est avéré le meilleur mode pour actualiser les
valeurs partenariales. Par conséquent, la recherche théorique
démontre qu'il existe une incohérence entre l'absence de la
médiation et le partenariat souhaité par la société
d'État.
Le deuxième chapitre est consacré à
obtenir la position des acteurs clefs devant une telle incohérence.
À cette fin, des entrevues semi-dirigées ont été
réalisées à l'aide d'un questionnaire structuré
afin d'avoir une image fidèle des opinions des personnes
interviewées. Des questions ouvertes ont permis aux acteurs d'exprimer
librement le fond de leur pensée et ont évité les
réponses complaisantes (politiquement correctes). Ainsi, à
travers une expérience vécue, lorsqu'il était possible,
chaque acteur a été questionné d'abord sur sa perception
par rapport au partenariat. Ensuite, il a été interrogé
sur sa conception du mode de règlement usuel et du mode de
règlement alternatif. Par après, nous avons obtenu leur
perception concernant la dynamique entre le partenariat et le mode de
règlement des différends, ce qui a donné réponse
à la deuxième question de recherche. À cet effet, celle-ci
révèle que les acteurs consultés ne voient pas une
incohérence entre le partenariat prôné par
Hydro-Québec et l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends en raison du caractère public des
appels d'offres d'Hydro-Québec.
Le troisième chapitre a été
dédié à analyser et interpréter les
résultats obtenus par les entrevues des acteurs clefs. Aujourd'hui, la
médiation commerciale s'est imposée comme un mode de
règlement des différends commerciaux entre partenaires d'affaires
et a acquis ses lettres de noblesse dans le domaine de la
construction136. Cependant, Hydro-Québec et sa filiale SEBJ
affichent une certaine frilosité à introduire une clause de
médiation dans les contrats avec les fournisseurs. Il s'est
révélé que la réticence de la société
d'État à adopter une telle clause est causée d'une part
par l'écart entre le partenariat pratiqué et le partenariat
défini par le cadre conceptuel et d'autre part par la
méconnaissance de la médiation avec
136 Jean H. Gagnon (2003). Développements
récents en droit des affaires Service de la formation permanente du
Barreau du Québec, Québec, EYB2003DEV536.
son véritable potentiel surtout dans une relation de
partenariat. Ce qui fait qu'en pratique, les acteurs clefs rencontrés ne
perçoivent pas une incohérence réelle entre leur
conception du partenariat et l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends. Toutefois, devant l'émergence de
ce phénomène, certains acteurs clés montrent une timide
ouverture quant à l'essai et l'instauration d'une clause de
médiation dans un contrat à titre expérimental afin d'en
évaluer la plus-value.
Enfin, les conditions économiques d'aujourd'hui font en
sorte que la pénurie de la maind'oeuvre spécialisée est
devenue un enjeu majeur et lance un défi de taille au monde des
affaires. Pour faire face à cette nouvelle situation, il est tout
à fait pertinent de poursuivre la réflexion pour
réinventer de nouvelles relations d'affaires et de nouveaux modes de
règlement des différends en mesure de soutenir un monde
économique en pleine mutation.
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of Commissioners on Uniform State Laws, USA.
ANNEXE 1
QUESTIONNAIRE DE L'ENTREVUE
SEMI-DIRIGÉE
Objectif de la question
|
Sous-thème de la question
|
Libellé de la question
|
Sonde
|
1- Variables personnelles
|
Âge
|
Quel est votre âge?
|
Écart générationnel
|
|
Sexe
|
Sans question
|
|
|
Formation
|
Quelle est votre
formation académique et professionnelle?
|
.Technique ou
gestion
.Niveau
universitaire,
collégial ou autre.
|
|
Position hiérarchique
|
Quelle est votre
position hiérarchique?
|
.Degré de pouvoir de changer et d'influencer.
|
|
Secteur d'activité
|
Quelle est votre
emploi et votre
secteur d'activité?
|
.Contrôle de gestion; .Approvisionnement; .Gestion de
contrats;
|
|
Années de
service à HQ
|
Quel est le nombre de vos années de service à
HQ?
|
. Culture de gestion; .Bureaucratie publique;
|
|
Années de
service dans le secteur privé
|
Quel est le nombre de vos années de service dans le
secteur privé?
|
.Culture de gestion; .Capacité
d'ouverture sur les
demandes du corps social.
(Entrepreneurs et
fournisseurs)
|
2) Écart
partenariat/règlement des
différends.
|
2.1Conception du partenariat.
2.2 Conception du mode de
|
-Pourriez-vous à
l'aide d'un
exemple réussi de partenariat nous
dire comment se concrétise
l'approche du
partenariat avec les fournisseurs à
Hydro-Québec?
-Pourriez-vous
avec un cas non
réussi de
partenariat nous
dire quelles étaient vos attentes et vos
déceptions?
Quels sont les
modes usuelles de règlements des
|
. Relations durable; .Partage du risque;
.Relation Gagnant-
gagnant;
.Considérer les
fournisseurs comme des alliés;
.Confiance et respect mutuel;
.Désirs partagés;
.Équité et partage
des bénéfices;
. Négociation
|
|
règlement des
différends.
|
différends civils et commerciaux entre HQ et ses
partenaires?
.C'est quoi pour
vous une négociation?
|
bipartite.
. Critères objectives, clauses du contrat,
normes Lois et règlements.
. Maximisation des intérêts.
|
|
|
|
.Gestion des
compromis.
|
|
|
|
. Résolution d'un
problème commun.
|
|
|
Selon votre
expérience
pratique, quelles
sont les forces de
|
. Judiciaires.
.On garde le
|
|
|
ces modes?
|
contrôle.
|
|
|
|
.Utilisation du
rapport de forces favorable.
|
|
|
|
. Validation des
clauses
contractuelles.
|
|
|
|
.Justification de la
décision auprès du corps social.
|
|
|
|
.Transparence
|
|
|
Quelles sont les
|
.Apparence de
|
|
|
faiblesses?
|
conflit d'intérêts.
|
|
|
|
. Délais.
|
|
|
|
.Coûts.
|
|
|
|
.Faillites de
partenaires.
|
|
|
|
.Création d'une
jurisprudence défavorable.
|
|
|
Avez-vous expérimenté des modes alternatifs de
règlement des différents civils et commerciaux avec vos
partenaires?
Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos attentes par
rapport au processus?
Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos attentes par
rapport au médiateur,
facilitateur ou à l'arbitre ?
Pouvez-vous nous faire connaitre en quoi vous étiez
satisfait?
Pouvez-vous nous faire part de vos déceptions?
|
.Relations affectées. .Facilitation. .Médiation.
.Préserver la relation d'affaire.
. Permettre une solution
confidentielle
.Trouver une
solution équitable
pour les deux parties.
.Trouver la meilleure solution selon les circonstances.
.Délais.
.Coûts.
.Transparence. .Solution d'un problème commun.
.Degré d'intervention.
.Expertise dans le domaine.
.Création de la
valeur.
.Règlements des
conflits sous-jacents.
|
|
|
.Degré
d'intervention. .Impossibilité de trouver une
entente.
|
|
|
|
.Ouvrir son jeu avant procès.
|
|
2.3
|
.Quelle relation
|
Actualisation des
|
|
Dynamique
|
trouvez-vous entre
|
valeurs énoncées par
|
|
entre
|
le partenariat et le
|
HQ relative au
|
|
partenariat et
|
mode de règlement
|
partenariat.
|
|
règlement des
|
des différends?
|
|
|
différends.
|
|
.Relation durable.
|
|
|
|
.Confiance.
|
|
|
.Quelle est selon
|
.Partage des risques
|
|
|
vous la nature de
|
et bénéfices.
|
|
|
cette relation?
|
.Objectif commun à atteindre.
|
|
|
.S'il y a absence de
|
.Création de la
|
|
|
relation, Pourquoi?
|
valeur.
|
|
|
.Pourquoi vous
préférez un tel mode de règlement de
différends plutôt qu'un autre?
|
|
|
|
.Êtes-vous en
faveur pour
instaurer dans vos
contrats de
fourniture d'une
clause de
réglementent des
différends incluant
la médiation civile et commerciale?
|
|
|
|
.Pourquoi?
|
|
|