Impact de la "propriété foncière" des migrants sur la gestions des ressources naturelles : cas de Dibien dans la Province du Tuy( Télécharger le fichier original )par Bôbakebé Florent SOME Université de Ouagadougou; UFR/Sciences Humaines; Département de Sociologie - Maîtrise option Sociologie Rurale et du développement 2002 |
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE1.1. PROBLEMATIQUEChapitre 1 L'économie du Burkina Faso, quoiqu'on dise, reste embryonnaire et largement dominée par les secteurs de l'agriculture et de l'élevage. Très extensifs dans leurs techniques de production, ces deux secteurs contribuent à plus de 40% au PIB et assurent presque 80% des exportations totales du pays (ENESA, 1993 ; BM, 1994 ; MEF, 1998). Il s'établit alors, à travers ces chiffres, que ces secteurs jouent sans conteste un rôle fondamental dans l'ensemble du processus de développement du pays. Ils assurent l'alimentation des populations, surtout rurales ; procurent des devises ; fournissent des capitaux pour l'investissement et occupent plus de 85% de la population active (INSD, 2000). La terre et les autres ressources naturelles constituent sans doute un capital très important pour l'exercice et la réussite de ces activités. Or, avec les grandes sécheresses récurrentes et successives de 1973/1974) et 1983/1984, la croissance démographique très élevée 2,68% par an (INSD, 1998)6(*) et à l'augmentation du cheptel, on constate nettement la dégradation accélérée de ces ressources, surtout des régions du Nord et du Sahel. Cette situation a placé sur le chemin de la migration un grand nombre d'agriculteurs et de pasteurs. Cette migration s'est faite d'une part vers les grandes villes, les centres urbains (exode rural), et d'autre part vers d'autres zones rurales à la recherche de meilleures terres et du pâturage. Comme quoi, l'homme veille toujours à s'installer dans les meilleurs écosystèmes, car vivre, c'est satisfaire un ensemble de besoins essentiels. Et la satisfaction de ces besoins nécessite inéluctablement la disponibilité en qualité et en quantité suffisante des ressources en terres cultivables et en pâturages.
C'est dans un tel contexte que l'Ouest burkinabé, et plus singulièrement Dibien dans la province du Tuy, a subit sans heurt la `'descente'' des populations du Nord et du Centre principalement. En effet l'Ouest burkinabé est l'une des régions la mieux arrosée du pays (800 mm à plus de 1000mm d'eau par an (Atlas Jeune Afrique, Burkina 1998) et de ce fait présente des caractéristiques physiques favorables, un potentiel productif très important pour l'exercice des activités agropastorales. Entre les années 70 et 80, elle était qualifiée de « zone vide » du fait qu'elle disposait de 30% de la population totale en 1985 contre 55% pour le centre (OUEDRAOGO, K. Souleymane, 1991). En plus, elle possédait plus de la majorité des terres fertiles du pays soit 35% contre 32% pour le centre. Toutes ces fortes potentialités ont fait du Tuy et de Dibien en particulier un pôle d'attraction, un `'eldorado'' pour les populations du Centre et du Nord, durement éprouvées par les calamités climatiques et géomorphologiques. 1.1.1. Problème et question généraleL'accès à un espace d'exploitation agricole ou pastorale est strictement lié à l'accès à l'espace foncier. C'est dire que l'acquisition de l'espace foncier constitue un élément très déterminant dans les conditions d'installation et d'exploitation des ressources naturelles dans le village. Et cette acquisition peut être appréciée à travers notamment les modes d'appropriation (individuels et collectifs) mis en oeuvre et les règles de succession par lesquelles les droits d'usage ou de propriété sont transférés à travers les générations. Ces règles elles-mêmes dictées par les normes et certaines valeurs préétablies dans les différents groupes sociaux. De cette logique, l'Ouest du Burkina en général et la province du Tuy en particulier s'affirme par la souplesse et la flexibilité de son système de gestion foncière (la terre est donnée ou prêtée à celui qui en a besoin pour nourrir sa famille). Cela a facilité l'afflux massif et l'installation de vagues successives (individuelles ou collectives) de migrants agriculteurs ou pasteurs venus essentiellement du Centre et du Nord, durement éprouvés par les grandes sécheresses. A cette souplesse, il faut ajouter le réseau fortement structuré des migrants déjà installés qui a permis l'installation d'autres. La migration ainsi développée est un phénomène social qui pose avec une certaine acuité la question de la nécessité de l'organisation de la propriété foncière, de l'exploitation et de la gestion des ressources agropastorales en particulier, et en général des ressources naturelles dans la localité de Dibien. Car elle a entraîné de profondes mutations au niveau de la région qui se sont traduites par une rupture démographique (PARE L. 2001) et une recomposition de l'espace social. A cela il faut ajouter l'essor de la culture cotonnière très poussée et de certaines cultures de rentes avec l'adoption de nouvelles techniques et pratiques culturales. La conjugaison de ces facteurs a engendré une transformation des systèmes agraires et de production agricole : course effrénée de l'espace foncier et surexploitation concurrentielle des ressources naturelles. De cette situation, il en découle un constat désolant : dégradation très avancée des ressources naturelles, saturation démographique, rupture sociale avec l'éclatement des unités d'exploitation, saturation de l'espace foncier, la `'brousse est finie'' (TALLET, B. 1997). Cette situation vient une fois de plus poser ou reposer la problématique de la propriété / sécurité foncière des allochtones dans le village. En effet, les premiers immigrants installés dans le village remontent des années soixante dix (70). Aujourd'hui leur nombre dépasse de très loin celui des autochtones. En nous inscrivant dans la logique que : (i) la ressource foncière est le support fondamental de l'agriculture ; (ii) la sécurité foncière est une notion multiforme et changeante ; (iii) les droits d'usage sont permanents et transmissibles par héritage ; (iv) les tenures foncières locales sont dynamiques, peuvent se négocier, s'arranger et se renégocier ; et enfin (v) la sécurisation de l'accès à la terre et des droits fonciers sont les principes fondamentaux qui permettront l'intensification de la productivité agricole par les investissements sur les parcelles. De cette logique, ajoutée aux constats qu'il n'existe plus d'attribution de terre dans le village du fait d'une part de la rareté des terres cultivables et même de jachère, de la démographie galopante (4,1% l'an selon le recensement démographique de 1998) et d'autres part du refus des autorités coutumières de céder encore des terres à ces derniers; de la recomposition de l'espace social7(*) ; de la dégradation des terres et des autres ressources naturelles ; de la faible utilisation des techniques modernes culturales ; nous amène à identifier comme question générale de recherche pour nous guider à mieux orienter notre étude, formulée comme suit : Quel est l'impact de la `'propriété foncière'' sur l'adoption des techniques de gestion des ressources naturelles ? C'est sur une telle interrogation principale autour de laquelle que se fondera notre travail de recherche. Elle nous renvoie à l'exploration de plusieurs champs de la sociologie, notamment la sociologie rurale, à la sociologie du changement social, à la sociologie du développement, à la sociologie de la population, de la politique ; mais aussi à faire recours à d'autres disciplines comme l'économie, les sciences de l'environnement. Car la question foncière en Afrique, la question d'immigration des populations, comme le reconnaissent d'ailleurs plusieurs auteurs, sont des questions suffisamment complexes qui nécessitent une approche pluridisciplinaire. * 6 Le Burkina Faso est passé de plus de 7 millions d'habitants en 1985 à près de 12 millions en 1996, INSD/RGPH, 1985&1996. * 7 Les migrants installés dans le village de Dibien depuis les années 70 sont pour la plupart des migrants de première ou de deuxième génération qui n'ont plus d'attache forte avec leurs villages d'origine. |
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