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Les compétences du juge étatique dans l'arbitrage OHADA

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par Francis NGUEGUIM LEKEDJI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2007
  

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CHAPITRE II : LES COMPETENCES EXCLUSIVES DU JUGE ETATIQUE POUR L'ANNULATION DE LA SENTENCE ARBITRALE

Après que le tribunal arbitral ait rendu la sentence, les parties peuvent l'exécuter spontanément. C'est l'hypothèse rêvée. Mais il arrivera aussi qu'une partie ne soit pas satisfaite de cette sentence, et souhaite la voir par conséquent paralysée. Celle-ci peut alors exercer l'un des recours172(*) prévus par la loi.

La base juridique du recours contre la sentence est le chapitre V de l'AU.A. Les voies de recours sont limitativement énumérées. On peut distinguer trois situations. D'abord, les voies de recours dont la connaissance est réservée à l'arbitre ayant statué sur l'affaire173(*). Il s'agit de la tierce opposition174(*) et du recours en révision175(*). Ensuite, les voies de recours exclues par l'AU.A176(*). Il s'agit de l'opposition, de l'appel et du pourvoi en cassation. Enfin, l'article 25 alinéa 2 énonce qu' « elle (sentence) peut faire l'objet d'un recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans l'Etat-partie ». Seule cette dernière disposition retient notre attention dans le cadre de ce travail.

Le recours en annulation est une voie de droit qui permet l'anéantissement rétroactif de la sentence pour irrégularité de forme, mais surtout de fond. Il s'agit donc d'une décision aux conséquences graves, c'est la raison pour laquelle l'AU.A prévoit expressément les manquements qui peuvent entraîner une pareille sanction (Section I). Cependant, rien n'est dit sur la juridiction compétente pour en connaître, encore moins sur la procédure à suivre devant cette juridiction. Au regard des lois camerounaises précitées, nous statuerons sur ces modalités (section II).

SECTION I : LES MOTIFS D'ANNULATION DE LA SENTENCE ARBITRALE

L'article 26 AU.A indique les dispositions dont l'inobservation entraîne l'annulation de la sentence. Six cas sont prévus :

- si le tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;

- si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ;

- si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;

- si le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- si le tribunal arbitral a violé une règle d'ordre public international des Etats signataires du traité ;

- et si la sentence arbitrale n'est pas motivée.

Le règlement d'arbitrage du CIRDI comporte sensiblement les mêmes motifs d'annulation de la sentence, avec cependant une différence notable qui est la corruption d'un membre du tribunal arbitral177(*). La consécration de ce motif d'annulation a sans doute été à l'origine de l'aménagement spécial des délais de son invocation. En effet, le règlement prévoit un délai de 120 jours suivant la date de la sentence pour formuler la demande d'annulation ; sauf qu'en matière de corruption, la demande doit être formée dans le même délai à compter de la découverte de la corruption178(*). Dans le même sens, le règlement d'arbitrage de la CCJA ne prévoit pas la non motivation de la sentence comme motif d'annulation de celle-ci179(*).

Compte tenu de l'importance en nombre des motifs d'annulation prévus par l'AU.A, nous nous proposons de n'étudier que deux de ceux-ci. Il s'agit de la non-conformité des arbitres à la mission à eux assignée (§ I), et de la violation d'une règle d'ordre public international des Etats signataires (§ II). Notre choix est dicté par le fait que ces deux motifs nous semblent des plus imprécis et méritent par conséquent une meilleure construction doctrinale.

* 172Les voies de recours sont des moyens mis à la disposition des plaideurs pour leur permettre d'obtenir un nouvel examen du procès ou de faire valoir les irrégularités observées dans le déroulement de la procédure.

On distingue les voies de recours ordinaires dont l'opposition et l'appel ; extraordinaires : tierce opposition, recours en révision et pourvoi en cassation; les voies de rétractation que sont l'opposition et le recours en révision; et la voie de réformation qu'est l'appel. V. Lexique, op. cit., p.597.

* 173Article 25 al.inéas 4 et 5 AU.A.

* 174C'est la voie de recours extraordinaire de rétractation ou de réformation ouverte aux personnes qui n'ont été ni parties ni représentées dans une instance et leur permettant d'attaquer une décision qui leur fait grief et de faire déclarer qu'elle leur est inopposable. V. Lexique, op. cit. p. 566.

* 175C'est une voie de recours extraordinaire et de rétractation par laquelle on revient devant les juges qui ont déjà statué en les priant de modifier leur décision que l'on prétend avoir rendue par erreur. Ce recours n'est possible que dans quatre cas (fraude de la partie gagnante, rétention ou falsification de pièces décisives, attestations, témoignages, serments mensongers) et suppose une décision passée en force de chose jugée. V. Lexique., op. cit. p.485.

Compte tenu des conditions d'exercice de ces recours et notamment du fait qu'il peut y avoir impossibilité de reconstituer le tribunal arbitral, une partie de la doctrine préconise qu'ils soient connus dans ce cas là par le juge étatique. V. P. Meyer, commentaire de l'AU.A, in J. Issa-Sayegh et alliés, OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, op. cit. p. 127. Dans le même sens, G. Kenfack Douajni, « le juge étatique dans l'arbitrage OHADA », in Rev. cam. Arb., no 12, pp.3-13, notamment p.7.

* 176Article 25 alinéa 1er AU.A.

* 177Article 52 alinéa 2c dudit règlement.

* 178Article 52 alinéa 2 du règlement d'arbitrage CIRDI.

* 179Article 30.6 qui énumère les motifs du refus de l'exéquatur à la sentence rendue sous les auspices de la CCJA.

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