Université de Rouen
U.F.R. des Lettres et Sciences Humaines
Département d'Histoire
Julien Vinuesa
Le parquet général de Rouen sous la monarchie de
Juillet
(1830-1848)
Mémoire de maîtrise
Sous la direction de Jean-Claude Vimont
Année 2003-2004.
En couverture : Gustave Rouland, ancien premier avocat
général de Rouen (1840-1843), en habit de ministre de
l'Instruction publique et des Cultes du Second Empire.
(site napoleontrois.free.fr).
Université de Rouen
U.F.R. des Lettres et Sciences Humaines
Département d'Histoire
Julien Vinuesa
Le parquet général de Rouen sous la monarchie de
Juillet
(1830-1848)
Mémoire de maîtrise
Sous la direction de Jean-Claude Vimont
Année 2003-2004.
Introduction :
« Auprès de diverses juridictions, la loi a
établi une magistrature spéciale chargée de
représenter la société et, en son nom, de requérir
l'application des lois, de veiller à leur observation, de faire
exécuter les décisions de justice lorsqu'elles concernent l'ordre
public, de défendre les intérêts des incapables. Cette
magistrature ou cette fonction, dont les attributions sont si variées et
dont le rôle est si étendu, est le ministère
public » Francisque Goyet1(*).
.Les représentants du ministère public,
appelés « gens du roi » du temps du Parlement de
Normandie, forment auprès d'une juridiction ce que l'on nomme le
« parquet », terme qui rappelle qu'au Moyen Âge, les
officiers du ministère public ne prenaient pas place sur l'estrade mais
plaidaient debout sur le parterre2(*). A fortiori, les parquetiers établis
à la Cour d'appel rebaptisée, depuis 1815, Cour royale forment
le parquet général.
Sous la monarchie de Juillet, l'organisation judiciaire se
fonde toujours sur les « masses de granit » jetées
sous le Consulat et l'Empire. Composé d'un procureur
général3(*),
d'un premier avocat général, de deux avocats
généraux et de deux substituts du procureur
général, le parquet général de Rouen exerce
l'action publique devant la Cour d'appel de Rouen et devant la Cour d'assises
de la Seine-Inférieure4(*). La Cour d'appel de Rouen ou Cour Royale de Rouen
possède deux chambres civiles dans lesquelles sont examinés les
appels des tribunaux civils et commerciaux, une chambre des appels de police
correctionnelle (venant des tribunaux de simple police ou correctionnel) et une
chambre des mises en accusation statuant sur le renvoi des inculpés
devant la Cour d'assises. Le ministère public agit principalement devant
les juridictions pénales où il est « partie
principale » alors que pour les affaires civiles, il n'est souvent
que « partie jointe ». Même si les compétences
du ministère public en matière civile sont grandes notamment en
ce qui concerne la surveillance des actes d'état civil ou la protection
des faibles (comme les incapables, les aliénés, les absents, les
enfants naturels, les enfants en danger ou abandonnés, etc.) ,
c'est au pénal que le magistrat du parquet peut servir au mieux le
gouvernement qui l'a nommé. Comme l'écrit
Michèle-LaureRassat : « le ministère public est
placé, dans son ensemble, sous l'autorité du pouvoir
exécutif, tandis que chacun de ses membres est hiérarchiquement
subordonné à son supérieur immédiat :
soumission au pouvoir central et organisation hiérarchique
entraînant la dépendance ou la subordination »5(*). Le garde des Sceaux,
« chef suprême des parquets de France »6(*), exerce directement son
autorité sur le procureur général, de la même
manière que tous les membres du ministère public dans le ressort
de la Cour d'appel parquetiers généraux et parquetiers des
tribunaux de première instance (procureurs du Roi et les substituts)
doivent obéir au procureur général : « la
structure globale du ministère public, rappelle celle d'une pyramide, au
sommet de laquelle se situerait le garde des Sceaux »7(*).
Maître dans son ressort judiciaire qui couvre les
départements de la Seine-Inférieure et de l'Eure , le procureur
général trace l'unique ligne directrice : devant la Cour d'appel
et devant la Cour d'assises, l'action publique engagements des poursuites et
réquisitions est exercée par le procureur général
en son nom propre, les avocats généraux et les substituts ne
l'exercent pas en leur nom personnel8(*). Le parquet général est de ce fait un et
indivisible : les parquetiers, interchangeables lors des audiences,
doivent se conformer aux conclusions fixées par le chef du parquet et
sont conseillés fortement de requérir oralement en ce sens.
L'illusoire adage « Si la plume est serve, la parole est
libre » prétend laisser une certaine liberté de parole
à l'audience mais « c'est beaucoup moins parfois, le droit de
parler que celui de se taire »9(*) que les parquetiers réclament : forts d'un
silence évocateur, les officiers du ministère public se limitent
alors à déposer les réquisitions, sous forme
écrite, sur le bureau du juge. Dans la pratique, l'indépendance
des parquetiers n'existe pas.
Du haut de sa tribune, le procureur général est
avant tout un « agent du pouvoir exécutif »10(*), chargé de
développer les thèses gouvernementales lors des audiences,
solennelles ou non. Préfet judiciaire, le procureur
général informe régulièrement le garde des Sceaux
des événements quotidiens de son ressort11(*). La fidélité au
pouvoir politique doit être totale, sous peine de mutation ou de
révocation car contrairement aux juges du siège, les parquetiers
ne sont pas inamovibles.
Durant la période de la monarchie de Juillet,
vingt-trois parquetiers généraux se succèdent à
Rouen, dont cinq procureurs généraux12(*). Plusieurs phases se
dessinent pour expliquer l'orientation politique du parquet
général : la première 1830-1832 coïncidant avec le
« mandat » du procureur général Thil
correspond à une période de renouvellement du personnel mais
aussi de relative tolérance politique ; la deuxième
1832-1836 illustrée en la personne du procureur général
Moyne concorde avec la phase d'affermissement du régime et ouvre un
temps de réaction ; la dernière phase 1836-1848 est un long
moment de fonctionnement régulier, consensuel et conservateur du parquet
général. La tendance politique du personnel parquetier rouennais
suit les grands cycles du régime orléaniste : état de
fait qui semble normal, puisque le choix des magistrats amovibles est une
prérogative des gouvernants.
A en lire leurs discours, les magistrats du parquet ont une
propension évidente à l'élévation morale et
à concevoir le palais de justice comme « un monde sacré
dont ils sont les prêtres, défendant le sanctuaire contre
l'invasion des lâches agités par des mauvaises passions et des
sophismes »13(*). La vie du parquetier est paradoxale : soumis
à la bonne volonté du gouvernement, impliqué à plus
d'un titre dans la vie de la cité et souvent fortuné, le
parquetier, tout entier mêlé aux compromissions de la
notabilité, ne peut s'empêcher de se sentir investi d'une mission
suprême de justice, qui ambitionne moins l'équité que la
défense de l'ordre établi. Il est donc intéressant de se
demander en quoi ce paradoxe reflète et accompagne la logique du
régime. Les dépendances du parquet général avec le
politique et les problèmes qu'elles posent seront étudiés.
Puis, seront examinées les occupations tant internes que communautaires
du notable-magistrat. Enfin, seront abordées, sur le plan judiciaire,
les manoeuvres défensives du parquet pour neutraliser les oppositions
politiques et assurer l'ordre bourgeois.
Les dossiers personnels des magistrats ou les correspondances
entretenues entre le procureur général et le garde des Sceaux,
étant conservés par le ministère de la Justice aux
Archives Nationales, le présent travail aborde, grâce aux archives
judiciaires départementales de la Seine-Maritime, le rôle des
parquetiers dans leurs actions au sein de la Compagnie ainsi que dans leurs
travaux judiciaires, à travers notamment les registres des
délibérations de la Cour et les dossiers de procédure.
Avec la consultation des dossiers de presse et de leurs discours solennels de
rentrée seuls témoignages parfois de la vie du magistrat ainsi
que de l'ensemble des dictionnaires biographiques, les éléments
retrouvés à la Bibliothèque Municipale de Rouen nous ont
permis d'ébaucher le parcours des magistrats, complété par
ailleurs grâce à l'importante étude de Jean-Claude Farcy
Magistrats en majesté et ses utiles annexes14(*). La lecture du Journal de
Rouen a également été très précieuse
pour suivre l'actualité judiciaire rouennaise et rendre ses acteurs plus
vivants.
1-/ Le parquet
général : une institution dépendante des
considérations politiques.
1-1 : Un engagement
contrôlé par le pouvoir politique.
1-1-1 :
L'épuration du parquet général en 1830.
A-Une conséquence
normale.
L'avènement de la monarchie de Juillet provoque un
véritable bouleversement dans la magistrature. Les journées qui
suivent celles des « Trois Glorieuses » sont
marquées par une certaine confusion. Dans les palais de justice
règne la plus grande incertitude. La perplexité des magistrats se
traduit par un certain attentisme et une multiplication des absences en
août. Comme le note Jean-Louis Debré : « en ce
début d'août circulent encore dans les provinces
françaises, les informations les plus
contradictoires »15(*). Cette
« intoxication »16(*) amène le greffier en chef Floquet, pourtant
consciencieux d'habitude, à rayer la nomination du nouveau procureur
général Thil puis finalement de la
réécrire17(*).
Les magistrats les plus embarrassés sont ceux qui ont
servi et soutenu le régime précédent, en l'occurrence les
magistrats légitimistes. Incorporer le nouveau régime signifie
pour certains d'entre eux, renier un engagement politique profond, à
l'opposé des valeurs orléanistes18(*). L'exemple du procureur général de
Rouen, le baron Alexandre Boullenger, est assez symptomatique du sentiment qui
envahit la magistrature légitimiste « disposée ni
à la soumission, ni à la complaisance »19(*). Son père,
Louis-Charles-Alexandre Boullenger a fait carrière dans la
magistrature : président du tribunal civil de Rouen en 1805, il est
fait baron par Louis XVIII20(*). Alexandre Boullenger suit la voie paternelle et
entre au parquet général de Rouen, dès 1815, comme
substitut du procureur général puis avocat général
et premier avocat général. Continuant son ascension, il occupe
les fonctions de procureur général à Douai puis à
Caen. Enfin, une nouvelle nomination le rapatrie à Rouen, le 20 juillet
1829, toujours pour occuper la fonction de procureur général.
Alexandre Boullenger fait donc, sous la Restauration, une carrière
brillante et ne peut qu'être reconnaissant de ce régime qui a
éclairé le destin de son père et surtout le sien. Quant
arrive la Révolution de Juillet, Alexandre Boullenger n'a pas une
sympathie évidente pour le fils du régicide
Philippe-Egalité. Bien que nommé à Amiens comme
président de chambre, le 17 août 1830, le baron Boullenger
n'accepte pas cette nouvelle place offerte par le régime de
Juillet21(*).
Fidèle à ses convictions légitimistes, le baron Boullenger
se retire définitivement de la magistrature à 39 ans, pour
s'occuper de sa petite mairie de Saint-Denis-Le-Thiboult (près de
Darnétal).
Le ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, ancien
président de chambre à Rouen (révoqué par Louis
XVIII22(*)), et Joseph
Mérilhou, son secrétaire général au
ministère de la Justice (écarté lui aussi par le
régime restauré23(*)), tous les deux des épurés de 1815,
conduisent les opérations épuratives de 1830, comme une
conséquence évidente de l'instauration du nouveau régime.
Pour Pascal Vielfaure, l'épuration de 1830 est sans surprise :
« Sans procéder à une épuration
brutale du corps judiciaire, la monarchie de Juillet recourt aux
expédients habituels pour s'assurer le concours des juges. Le
mimétisme des gouvernants renforce cette idée que les magistrats
ne forment pas un pouvoir distinct, mais constituent seulement une
autorité importante dans la cité, sous la tutelle permanente du
politique »24(*).
B-Une distribution
intéressée des places.
Les magistrats du parquet sont les premiers touchés.
Dans La magistrature sous la monarchie de Juillet, Marcel Rousselet
estime qu'à la fin août 23 procureurs généraux sur
27 sont remplacés, et qu'entre août et décembre 1830, 426
membres du parquet sont révoqués25(*). Au parquet
général de Rouen, l'épuration touche les trois premiers
chefs : le procureur général, le premier et le second avocat
général. Comme le
souligne Jean-Pierre Royer, l'épuration
peut prendre plusieurs formes26(*) : le baron Boullenger refuse une nomination qui
peut être considéré comme une disgrâce. Les deux
autres, le premier avocat général Le Petit et le second avocat
général Lévesque sont écartés du parquet
général27(*). Le parquet général est
épuré, dans le sens où les postes principaux sont
renouvelés. Les têtes des magistrats les plus susceptibles d'avoir
profité du régime légitimiste sont tombées. Les
autres magistrats sont épargnés, notamment l'ancien avocat
général Gesbert et l'ancien deuxième substitut Le Tendre
de Tourville, tous deux légitimistes28(*). Dans un article de septembre 1833, le Journal de
Rouen se souvient :
« lors de la réorganisation du parquet de la
cour, en août 1830, [l'avocat général Gesbert] n'avait
été conservé qu'à grand peine par M. Dupont de
l'Eure ; qu'on avait fait passer devant lui M. Boucly, simple substitut,
passe-droit douloureux qui ne dut pas l'affectionner à la
Révolution de Juillet, [...] peu jaloux de fonctions qui pouvaient
l'obliger à donner des preuves de dévouement au nouvel ordre des
choses »29(*).
Dupont de l'Eure use de ce que Jean-Pierre Royer appelle, une
« savonnette à légitimistes »30(*) : les ennemis d'hier et
les orléanistes d'aujourd'hui sont finalement mis dans le même
bain. Pour les nouvelles nominations, Dupont de l'Eure choisit parmi ceux qui
se sont opposés au régime de la Restauration : les bonapartistes
et les libéraux. Le nouveau procureur général
Jean-Baptiste-Louis Thil, est, avant 1830, avocat à Rouen et
député aux idées libérales de centre-gauche. Le
premier avocat général Alfred Daviel, dont l'exemple est souvent
cité31(*), est
également avocat à Rouen, profondément libéral mais
de tendance bonapartiste. Son opposition pourrait se résumer par un
opuscule de 1829 intitulé: De la résistance passive32(*). Le second substitut du
procureur général, Hély d'Oissel, auparavant procureur du
roi à Evreux, a sans doute profité du prestige de son père
bonapartiste33(*) pour
entrer au parquet général. En résumé,
« l'art d'être orléaniste, c'est d'avoir souffert du
régime précédent, de le dire et de le faire dire par ceux
qui vous recommandent »34(*). C'est ainsi que le serment se révèle
être une assurance et une marque officielle d'attachement des magistrats
au nouvel ordre orléaniste.
1-1-2 : La prestation de
serment : une apparente formalité.
A-Un acte d'adhésion au
régime.
A Rouen, c'est le 3 septembre 1830, au cours d'une
cérémonie officielle que le corps judiciaire prête les
premiers serments de fidélité à la monarchie de Juillet.
Devant la salle de la Cour des assises, le procureur général Thil
dépose, sur le bureau du président Eude, la loi et
l'ordonnance du 31 août 1830, en vertu desquelles il doit procéder
à la prestation du serment des membres de la Cour. Puis :
« M. Thil, procureur général prononce
un discours dans lequel il s'applique à définir la nature du
serment en général, à faire sentir la portée de
celui que les magistrats et fonctionnaires, présents sont sur le point
de prêter, et la sincérité, la loyauté qui doivent
présider à cet important engagement »35(*).
La prestation de serment n'est pas une nouveauté de la
monarchie de Juillet. L'idée contemporaine du serment naît
à la Révolution (avec celui du Jeu de Paume), se
généralise sous le Consulat et l'Empire et s'institue sous la
Restauration : la loi du 31 août 1830 conserve la formule
héritée d'une circulaire du ministre de l'Intérieur
Lainé du 3 juin 1816. Ce serment est rendu nécessaire devant
l'instabilité des régimes politiques depuis la fin de l'Ancien
Régime. Pour assurer son autorité et asseoir le régime
louis-philippard naissant, le « roi des Français »
veut fidéliser son administration et s'entourer d'un personnel de
confiance. La loi du 31 août expose que sont concernés par la
prestation de serment les fonctionnaires de l'ordre administratif, militaire
mais surtout judiciaire.
B-Une cérémonie
loin d'être évidente.
Conformément à la prescription de la loi, le
président Eude, après avoir prêté serment
lui-même, procède au serment de la Cour. Il « se
lève et dit : Magistrats, membres de la Cour royale, pour jurer
fidélité au roi des Français, obéissance à
la Charte constitutionnelle ». A cette invitation, les présidents,
les magistrats du siège et les membres du parquet sont appelés
nominativement par le greffier en chef et se lèvent, tour à tour,
en répondant : « je le jure ». Lors de cette
cérémonie, seuls deux membres du parquet général
(Le Tendre de Tourville et Gesbert), rescapés de la purge judiciaire,
prêtent serment (le procureur général ayant
déjà prêté serment dans les mains du roi le 17
août 183036(*)). Ce
serment est un véritable engagement et son exécution ne va pas de
soit pour tous les magistrats. Ainsi, le procureur général
doit-il prendre acte de la non-comparution de quatre magistrats du
siège, par conséquent, fidèles aux idées
légitimistes. L'article 2 de la loi du 31 juillet prévoit, de
fait, que dans un délai de quinze jours, les magistrats qui ne se sont
pas présentés, « seront considérés comme
démissionnaires »37(*). Dans leur traité sur le ministère
public, Ortolan et Ledeau mettent l'accent sur la différence qui existe
entre la prestation de serment et l'installation :
« Il ne faut point confondre la prestation de
serment avec l'installation. Le serment constitue ce qu'on nomme la
réception ; quant à l'installation, c'est la
solennité par laquelle le magistrat est mis sur son siège, admis
pour la première fois à prendre possession de la charge qui lui
est confiée »38(*).
La suite de la cérémonie du 3 septembre 1830
vérifie cette distinction : après le serment de la Cour, le
procureur général, qui présente trois nouveaux membres du
parquet général, demande à ces derniers de prêter
serment :
« MM. Alfred Daviel, Boucly et Hély d'Oissel,
tous en robe rouge, se sont levés, et M. le président leur a
dit : Vous jurez fidélité au roi des Français,
obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume.
Les trois récipiendaires ont successivement répondu, en levant la
main, je le jure. La Cour a accordé acte à M. le procureur
général du serment prêté par MM.Daviel, Boucly, et
Hély d'Oissel, les a déclarés installés [...]
jusqu'à ce moment de la séance [ils] avaient été
assis sur des fauteuils placés au milieu du parquet au bas de l'estrade,
derrière le greffier en chef, [ils] sont allés prendre sur
l'estrade, des places réservées, appartenant à leurs
offices respectifs »39(*).
Assermentés et installés, les parquetiers sont
prêts à remplir pleinement leurs tâches. Mais auparavant et
en dehors des circonstances exceptionnelles qu'entraînent les
épurations, l'entrée dans la magistrature répond à
des exigences professionnelles mais aussi, et toujours, à des
considérations d'ordre politique.
1-2-1 : Candidature et
nomination : un recrutement politique.
A-Les conditions officielles
d'entrée.
Pour entrer dans la magistrature, de nombreuses conditions
doivent être remplies par le candidat mais le critère principal de
sélection reste déterminé par la considération
politique, fixée par le pouvoir. Pour les futurs magistrats du parquet,
la subordination aux vues du gouvernement doit être un impératif
pour entrer, mais également pour avancer par la suite, voire obtenir
l'inamovibilité du siège. Outre « des qualités
de morale et de civisme »40(*), les postulants doivent être
nécessairement titulaires d'une licence en droit, obtenus dans les
facultés de droit : le procureur général Thil,
originaire de Caen, fait son droit dans sa ville natale41(*) alors que le premier avocat
général Gustave Rouland, né à Yvetot42(*), tout comme
l'ébroïcien Alfred Daviel43(*), doivent s'expatrier à Paris, Rouen ne
disposant pas de faculté de droit. À l'exigence de la licence en
droit s'ajoute celle du stage au barreau. Après avoir prêté
le serment d'avocat, les aspirants à la magistrature sont inscrits,
obligatoirement, comme stagiaires pour deux ans44(*). Dans Parquet et politique pénale depuis
le XIXe siècle, Christian Bruschi constate que
« ces deux exigences licence en droit et stage au barreau allaient
constituer pour longtemps les critères de recrutement ; ce qui ne
signifiait pas qu'elles ouvraient à elles seules les portes de la
magistrature »45(*). Le système de sélection prend
également en compte des conditions d'âge. Il faut avoir au moins
22 ans pour être substitut dans un tribunal, 25 ans pour être
procureur du roi, substitut du procureur général, avocat
général ou premier avocat général et 30 ans pour
devenir procureur général46(*). C'est le cas de Gustave Rouland, qui à
l'âge de 22 ans, entre au parquet de Louviers comme substitut47(*). Mais la grande
majorité des candidats sont nommés au-delà de ces
âges minimums, car « une fois ces exigences satisfaites, le
choix parmi les candidats est à la discrétion du
pouvoir »48(*).
En effet, les procureurs généraux, comme les premiers
présidents, présentés par le garde des sceaux en Conseil
des ministres, sont nommés par le roi, conformément à
l'article 48 de la Charte constitutionnelle49(*). Les autres magistrats du parquet sont nommés
par le garde des Sceaux, à partir d'une liste de trois candidats
dressée conjointement par le procureur général et le
premier président de la Cour50(*) : « ce système, à
l'évidence entraîne pour première conséquence de
subordonner les magistrats et au premier chef le parquet au pouvoir
politique »51(*). Les magistrats du parquet, qui veulent faire
carrière, sont donc amener à appliquer, sans faille, les
volontés gouvernementales dans leurs actions judiciaires.
B-Le choix officieux et
déterminant du politique.
Ainsi, les nominations sont presque toujours teintées
de la couleur gouvernementale au pouvoir : le ministre de la justice,
Dupont de l'Eure, nomme, au début de la monarchie de Juillet, au parquet
général de Rouen des libéraux de gauche (le procureur
général Thil, le premier avocat général Daviel
(voir infra), le substitut du procureur du roi de Rouen Aroux (voir
supra), etc.) tandis qu'avec l'arrivée du
« parti de la résistance » et de gardes des Sceaux
comme Barthe ou Persil, les magistrats de droite sont favorisés :
le zèle du procureur général Moyne, officiant à
Rouen de 1832 à 1836, est récompensé par la
première présidence de la Cour de Poitiers52(*) ; le légitimiste
Gesbert est nommé premier avocat général après le
départ d'Alfred Daviel, etc. (voir supra). Toutefois,
les phases de nomination ne sont pas toujours aussi catégoriques et,
à partir de 1840, tentent souvent de pacifier les tensions politiques :
le jour de la formation du ministère Soult-Guizot, le 29 octobre 1840,
le Journal de Rouen écrit :
« Quant aux nominations officielles que nous venons
de donner [le premier avocat général Gesbert est nommé
président de chambre à Rouen ; l'avocat
général Rouland prend la place de premier avocat
général ; l'avocat général de Colmar Joseph
Chassan est muté aux mêmes fonctions à Rouen ; le
substitut du procureur général de Rouen Justin est pressenti pour
devenir conseiller à la cour de Rouen (nomination effective en janvier
184153(*))], on voit
qu'elles sont conçues dans cet esprit de transaction et de confusion qui
a marqué tous les actes du 1er mars [1er mars
1840 : début du deuxième ministère d'Adolphe Thiers],
et qui consiste à prendre indistinctement et systématiquement,
à droite [Gesbert], à gauche [Justin], et au milieu [Rouland et
Chassan], afin de neutraliser les couleurs les unes par les
autres »54(*).
Même si certains magistrats veulent rester dans leurs
fonctions ou gravir les échelons à Rouen ( Gesbert, Le Tendre de
Tourville, Justin, Leroy...55(*)), beaucoup ne font que passer au parquet
général, Rouen n'étant qu'une simple étape dans
leurs carrières. Toutefois, « la course à
l'avancement fait bien des déçus »56(*) : né à
Rochefort, Jacques-André Mesnard, procureur général
à Poitiers, à Grenoble, avant de l'être à Rouen de
1836 à 1841, regarde « comme une quasi-disgrâce ou, tout
au moins, comme une grande frustration de ses prétendus droits acquis,
de n'avoir saisi, dans le dernier remue-ménage, que la place de
conseiller à la Cour de cassation et le cordon de commandeur de la
légion d'honneur »57(*). Monter dans la hiérarchie induit donc une
habitude de soumission et une obéissance, qui semblent d'ailleurs plus
souvent récompensées que les compétences judiciaires
pures. Le pouvoir politique sait donc qu'il peut compter, au plan judiciaire,
sur une administration dévouée. L'engagement en politique des
magistrats est donc une suite normale et encouragée, qui dérive
de cet entremêlement.
1-1-3 : La
politique : une carrière parallèle.
A-Une mauvaise habitude,
vainement corrigée.
L'engagement des magistrats en politique pose le
problème du cumul des fonctions judiciaires et des mandats
électoraux. La concomitance qui existe entre le judiciaire et le
politique écarte l'idée d'une séparation des pouvoirs sous
la monarchie de Juillet. Pourtant interdit dès le 3 septembre 1791
où la constitution expose clairement : « L'exercice des
fonctions judiciaires sera incompatible avec celles de représentant de
la Nation »58(*), le cumul des fonctions devient un fait sous le
Consulat, l'Empire et la Restauration. La monarchie de Juillet tente de
remédier à cette pratique en légiférant à
deux reprises. Tout d'abord, la loi du 12 septembre 1830 soumet à
réélection tout député nommé à une
fonction publique ou recevant de l'avancement. C'est le cas du procureur
général Jean-Baptiste-Louis Thil, qui élu
député le 24 novembre 1827, réélu le 19 juillet
1830, doit de nouveau mettre son mandat en jeu après que le gouvernement
de Juillet l'ait nommé procureur général de Rouen, le 31
août 1830. Son mandat législatif est renouvelé le 28
octobre 1830 : Il obtient 1779 voix tandis que le procureur
général précédent, le baron Boullenger, n'en
totalise que 200 sur 2311 votants et 4253 inscrits59(*). C'est la seconde loi du 19
avril 1831 qui va écarter Thil de la Chambre des députés.
Dans son article 64, la loi énumère un certain nombre
d'incompatibilités absolues : par exemple, entre les fonctions
parlementaires et préfectorales. Mais elle prévoit aussi des
incompatibilités relatives : notamment que les procureurs
généraux et les procureurs du Roi sont inéligibles dans le
ressort de leur attribution judiciaire. Les procureurs généraux
peuvent donc continuer d'être procureur, s'ils se présentent dans
une circonscription qui n'est pas située dans leur ressort judiciaire.
Si jamais ils voulaient être député de leur endroit, ils
devaient avoir cessé leur fonction judiciaire depuis au moins six
mois60(*). Thil fait le
choix de s'écarter de la Chambre pour rester dans sa fonction de
procureur général. Lorsqu'il est remplacé par le procureur
général Moyne en novembre 1832, Thil redevient
député et ce jusqu'en 1848. Sous la Restauration, Thil
siège avec les libéraux et fait partie des 221
députés qui votent l'adresse en riposte au menaçant
discours du trône du 2 mars 1830. Adhérant à la monarchie
de Juillet, Thil quitte le centre-gauche pour le centre-droit conservateur,
rejoignant ainsi des hommes politiques comme Guizot ou Molé. Soutenant
la majorité dynastique, Thil se montre attaché aux principes de
la monarchie censitaire.
Malgré des législations limitatives, la
présence des fonctionnaires reste importante durant toute la monarchie
de Juillet. Parmi eux, le corps des magistrats est le plus
représenté.
B-Le magistrat-politique :
un modèle idéal pour le pouvoir.
La participation à la vie politique des magistrats du
parquet, amovibles par le gouvernement, assure à ce dernier des
députés serviles, capables de défendre les opinions
gouvernementales, aussi bien dans l'hémicycle qu'au palais de justice.
La justice est loin d'être un sanctuaire dominant les fièvres
politiques. Au contraire, la justice et ses hommes semblent être au coeur
des passions gouvernementales. Jean-Louis Debré écrit :
« Le candidat est contraint de prendre position
publiquement sur certains problèmes nationaux ou locaux.[...]Une
élection nécessite une campagne électorale. Celle-ci n'est
pas toujours d'une très grande dignité. Les passions politiques
engendrent souvent des outrances et des haines. Lorsque le candidat est un
magistrat en exercice, les suites de certaines campagnes électorales
peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur l'autorité de
la justice »61(*).
Jean-Louis Debré prend l'exemple de la circonscription
de Brioude (Haute-Loire) où Frédéric Salveton brigue le
siège de député. Le procureur général
Frédéric Salveton, en poste à Rouen de 1844 à 1848,
n'est pas un normand mais un auvergnat : né à Brioude,
Salveton, premier avocat général à Riom, est candidat aux
élections législatives du 21 juin 1834 mais n'obtient que 77 voix
contre 133 pour le député sortant M. Mallye, juge de paix
à Brioude et candidat de l'opposition dynastique62(*). La dissolution d'octobre 1837
va porter chance à Salveton qui va être élu avec 139 voix
contre 108 pour son adversaire Mallye. Les élections
générales anticipées de mars 1839 et celles de juin 1842
écartent Salveton de la Chambre des députés. Devenu
procureur général à Rouen le 20 avril 1844 et officier de
la Légion d'honneur le 29 avril 1846, Salveton triomphe aux
élections d'août 1846 aux côtés de ses amis du parti
ministériel. Proche de François Guizot et des valeurs du parti
conservateur constitutionnel, Salveton défend sa double fonction de
procureur-député : le 20 avril 1847, il prononce un discours
à la Chambre contre le projet porté par Charles Rémusat
sur le non-cumul entre fonction publique et députation63(*).
Cependant, l'engagement politique au niveau national , ne
passionne pas tous les magistrats et se borne souvent aux limites municipales
ou cantonales. Après la Révolution de 1830, Alfred Daviel
préfère renoncer à un siège à la Chambre des
députés pour employer tout son talent à sa nouvelle charge
de premier avocat général64(*). Rechignant à une carrière parisienne,
Daviel s'engage au conseil municipal de Rouen dès septembre 1830, aux
côtés de son ami Jules Senard65(*). Et même si, sous la monarchie de Juillet, Thil
fait partie du Conseil général du Calvados et en devient le
président66(*),
l'avancement des magistrats du parquet, soumis aux aléas
gouvernementaux, oblige à une mobilité géographique qui
n'est pas toujours compatible avec une carrière politique locale
suivie.
Si le pouvoir peut compter sur une magistrature du parquet
à ses ordres aussi bien dans les instances judiciaires que politiques,
il arrive que des magistrats contestent les empressements excessifs et
autoritaires qui viennent du gouvernement : en plus, de marquer
résolument leurs divergences, les magistrats récalcitrants,
s'exposent certes à des réprimandes attendues, mais se posent
surtout, aux yeux de leurs collègues, comme la représentation
d'un autre ordre, et pourquoi pas de l'alternative. L'affaire Aroux et
Tranchard, qui amène le premier avocat général Alfred
Daviel à la démission, en est une illustration exemplaire.
1-2 : L'affaire Aroux et
Tranchard et le coup d'éclat de Daviel : une affaire politique qui
éclabousse le parquet général.
1-2-1 : Le choc de
l'affaire : de l'incompréhension à l'indignation.
Pour la période de la monarchie de Juillet, l'affaire
Aroux et Tranchard, d'août 1833, et ses suites sont certainement
l'épisode le plus notable concernant le parquet général de
Rouen. Les tenants et les aboutissants de cette affaire, qui questionnent
longtemps la Cour, soulèvent un certain nombre de sujets qui pourraient
synthétiser la problématique du mémoire. L'affaire,
n'apparaît nullement dans les archives judiciaires
départementales, mais, heureusement, est particulièrement bien
traitée par le Journal de Rouen. Nous suivrons les
épisodes et les explications de l'affaire, dans la mesure où le
Journal de Rouen a, également, une responsabilité dans
la décision portée contre MM. Aroux et
Tranchard.
A-La nouvelle des
destitutions : le doute s'installe.
Le scandale éclate au grand jour le mercredi 7
août 1833 après que le Journal de Rouen ait lu, dans
le Moniteur du jour, l'ordonnance qui nomme M. Hébert ( avocat
à la Cour royale de Rouen), procureur du roi près du tribunal
civil de Rouen et M. Plisson (substitut du procureur du roi à Metz),
substitut du procureur du même tribunal. Habituellement mais de
façon irrégulière, le Journal de Rouen consacre
quelques lignes, parfois, aux nouvelles nominations à la Cour de Rouen
mais jamais le traitement de ces informations n'occupent, comme c'est le cas le
7 août, la première page. Ce qui interpelle le Journal de
Rouen, ce ne sont pas les nouvelles nominations mais les destitutions
qu'elles ont générées. Les révocations du procureur
du roi de Rouen, M. Aroux et de son substitut, M. Tranchard, sont
imputées au procureur général Moyne, qui serait parti
à Paris avertir le ministre de la Justice (ce dernier n'est pas
nommé), d'une conduite intolérable : les deux magistrats ne
sont pas allés à la messe du 27 juillet, commémorant les
Trois Glorieuses (voir supra). Cette « opposition à
la présence du tribunal à la messe du 27
juillet »67(*)
semble être le motif officiel de la destitution. Au passage, le
Journal de Rouen égratigne la compétence du procureur
général et critique ses visées politiques :
« M. Moyne, en travaillant à épurer
les parquets, de tout ce qui peut y représenter encore les principes de
la Révolution de Juillet, veut se ménager les moyens d'avoir
près de lui un substitut qui s'associe à son dévouement et
qui puisse au besoin soutenir éloquemment à la Cour d'assises un
procès politique. Le malencontreux essai que M. Moyne a fait de son
talent lors du second procès de la gazette de Normandie, doit
lui avoir appris qu'il est plus facile de prononcer une destitution qu'un
réquisitoire »68(*).
Le journal entend par « second procès de
la gazette de Normandie », le procès d'assises de
mars 1833 contre Théodore de Corneille,
propriétaire-gérant de la gazette de Normandie, à
l'issue duquel l'accusé a été acquitté (voir
supra). Moyne, peu persuasif lors des procès dirigés
contre les légitimistes, est plus déterminé lorsqu'il
s'agit de procéder à une seconde épuration : les
magistrats du parquet arrivés avec la Révolution de Juillet,
comme par exemple MM. Aroux et Tranchard, apparaissent ainsi comme les
premières victimes de la politique réactionnaire et
pro-gouvernementale de Moyne. C'est surtout le courant dominant au début
de la monarchie de Juillet, « le mouvement », qui est
visé par le procureur. L'un des personnages les plus
emblématiques, de cette période libérale de gauche, est
Dupont de l'Eure. Faisant un rapprochement qui est loin d'être innocent,
le Journal de Rouen, en donne des nouvelles dans un article repris de
leurs confrères du Temps. Les disgrâce des magistrats de
Juillet semblent être dans l'air du temps et surtout coïncider avec
l'évolution conservatrice du régime :
« La première présidence de la Cour royale
de Rouen, devenue vacante par la mort de M. le baron de Villequier, excite en
ce moment beaucoup d'ambition. Cette place semblerait revenir de droit à
M. Dupont de l'Eure, ancien président de chambre à la Cour de
Rouen, et ministre de la Justice depuis la révolution de Juillet [...].
Dans une correspondance particulière de Paris : il a
été en effet question de [la nomination de Dupont de l'Eure],
mais hors du conseil des ministres, [il] n'a pas été donné
suite à cette idée »69(*).
B-Une protestation
générale.
Après la nouvelle des destitutions, l'émotion
est vive dans le monde judiciaire rouennais. Le Journal de Rouen
retranscrit l'indignation ambiante : « Le sentiment
général hier [...] a été celui de la surprise et de
l'indignation [...]. Cette fois, la réprobation était unanime et
venait de tous les partis »70(*). Le journal est convaincu que la raison des
destitutions est effectivement le refus de la messe. La cause est
entendue : « leur révocation coïncide avec leur
refus à cette égard ; c'est un fait trop palpable pour que
le rapprochement échappe aux esprits les plus obtus »71(*). Le Journal de Rouen,
attaché aux idées libérales de gauche, craint le retour de
l'obscurantisme religieux et la remise en cause des libertés
individuelles : « Car il ne faut pas s'y méprendre :
les destitutions des deux magistrats du parquet ne sont autre chose que le
triomphe du bigotisme et de l'hypocrisie sur l'indépendance d'opinion et
la liberté de conscience »72(*). Néanmoins, le Journal de Rouen
reprend un article du National confirmant pourtant l'hypothèse
d'une deuxième vague épurative : « M. Aroux est
député, et il a compté à la dernière session
dans l'opposition la plus modérée. Le voilà
destitué, sans qu'il y ait à cette destitution aucun
prétexte connu. Ainsi le système des épurations se
continue et s'étend »73(*).
Autour d'Aroux et Tranchard s'organise un élan de
solidarité et de mobilisation. Le matin, un grand nombre de magistrats
dont les membres du tribunal de première instance, des fonctionnaires et
même de simples citoyens viennent rendre visite au deux
révoqués. Dans l'après-midi, les avocats présents
dans le palais et leur bâtonnier font de même. « Le soir,
une sérénade leur a été donnée, près
de mille citoyens, appartenant à la magistrature, au barreau, au
commerce, à l'industrie, se sont réunis et ont été,
avec un orchestre improvisé, composé de musiciens du
théâtre et de la garde nationale, protester contre la mesure
brutale que tout Rouen blâme avec tant de raison »74(*). Les morceaux joués
sont significatifs : La Marseillaise et Veillons au salut de
l'Empire, l'un est l'hymne des républicains, l'autre celui des
bonapartistes. La tendance politique des révoqués se situent,
à l'évidence, dans ces airs. On exalte l'indépendance et
le courage des deux parquetiers, en criant « Vivent les magistrats
indépendants ! Vive la liberté de
conscience ! ». À la fin de la manifestation concertante,
certains envisagent de rendre une visite impromptue au procureur
général Moyne « et de le saluer d'une très
discordante musique »75(*). Finalement, les proches des révoqués
les en dissuadent. En cette fin de soirée, une rumeur grandit : on
parle d'une possible démission du premier avocat général
Alfred Daviel : « chacun témoignait l'intention, si cette
nouvelle se confirmait aujourd'hui, de renouveler pour M. Daviel l'ovation
à laquelle on venait de prendre part »76(*).
C-La démission d'Alfred
Daviel : un cataclysme judiciaire.
Le 8 août, la rumeur est officiellement
confirmée. La démission du premier avocat général,
la seule démission du parquet général de Rouen durant
toute la monarchie de Juillet, est un événement politique et
judiciaire important. La décision courageuse de Daviel illustre
parfaitement l'ambition des nouveaux travaux historiques de rénovation
de l'image du ministère public77(*) :
« Pourtant, aujourd'hui, on revient quelque peu sur
cette image, qui en est presque devenue d'Épinal, selon laquelle le
ministère public se serait toujours accommodé du joug, qui pesait
sur lui. Jean-Pierre Royer l'expose clairement : «Le parquet agit,
donc, mais son ombre, si elle est droite, n'est pas forcément
courbée devant les volontés du pouvoir [...] et même ses
sentiments personnels sont souvent difficiles à
déterminer»»78(*).
Le cas de Daviel est repris en exemple dans Juges et
notables au XIXe siècle où le premier avocat
général est cité « pour avoir manqué de
prudence politique » : « Alfred Daviel, premier avocat
général à Rouen depuis 1830, fervent bonapartiste,
démissionne en 1833 pour protester contre la révocation de deux
de ses amis, également membres du ministère public et
bonapartistes »79(*). La réaction de Daviel porte un grand coup
à l'autorité judiciaire et gouvernementale,
représentée en la personne du procureur général. A
onze heures du soir, un concert de soutien est organisé pour saluer le
geste courageux de Daviel. Criant entre autres « à bas les
bastilles ! à bas les forts
détachés ! », les manifestants, portés par
l'enthousiasme et la rancoeur, émettent le voeu de charivariser le
procureur général. Malgré la désapprobation des
proches de Daviel, cent à cent-cinquante personnes vont, vers la rue de
Le Nôstre, siffler et chanter La Marseillaise, sous les
fenêtres du procureur général80(*). À en croire le
Journal de Rouen, Moyne joue double jeu : « il serait
navré du coup qui atteint MM. Aroux et Tranchard ; il se serait
presque constitué leur défenseur auprès du garde des
Sceaux, ou tout au moins il n'aurait pris contre eux aucune
conclusion »81(*).
1-2-2 : Les raisons des
destitutions : la convergence vers l'explication politique.
A-La divergence de vue quant
à la cérémonie des Trois Glorieuses.
Quant à la cause des destitutions, l'approche
s'affine : « la destitution de MM. Aroux et Tranchard serait
motivée non sur leur refus d'aller à la messe, mais sur leur
opposition formelle aux vues du gouvernement, et sur la correspondance de M.
Aroux avec le procureur général ». Cet échange
épistolaire82(*)
est, en effet, très éclairant sur une partie des divergences
entre le procureur du roi et son supérieur :
Lettre de M. le procureur général au
procureur du Roi, le 26 juillet 1833.
« L'objection présentée a
été que, la charte de 1830 ayant décidé que la
religion catholique n'était que la religion de la majorité des
français, et l'article de la Charte de 1814, qui décidait que
cette religion était celle de l'État, ne subsistant plus, ne
serait reconnaître la supériorité ou la domination d'un
culte sur les autres que de faire un acte officiel de religion. Cette objection
n'est pas fondée [...]. Le concordat de l'an X, qui est la loi de
l'État, décide aussi que la religion catholique est la religion
de la très grande majorité des Français ; la
disposition est la même, comme vous le voyez, que celle de la Charte de
1830. Or, pendant tout le temps qu'a duré le gouvernement
impérial, on a exécuté le décret de l'an XII ;
ce décret est toujours loi de l'État ; dites, dès
lors, comment la Charte de 1830 pourrait être un obstacle à son
exécution. Le gouvernement ne vous demande point une capucinade, le
temps n'en reviendra plus ; il vous fait inviter dans les formes
légales à assister à une cérémonie
religieuse et nationale qui a pour objet d'honorer les cendres des citoyens
morts en combattant pour la liberté ; il appelle les citoyens de
tous les cultes de tous les cultes dans leurs temples respectifs ; mais
pour augmenter la solennité et rendre un hommage public à ces
courageux citoyens, il veut que les autorités assistent à cette
cérémonie. [...] Le tribunal seul manquera [...] et les
légitimistes surtout se réjouiront de cette
opposition ».
Réponse de M. le procureur du Roi au procureur
général, le 26 juillet.
« Je ne saurais voir, dans la question
soulevée, une simple affaire de convenance, non pas même seulement
une question de légalité, mais bien une question de
liberté de conscience et de conviction [...]. La cérémonie
a sans doute été ordonnée dans les termes et selon les
formes déterminés par le décret du 24 messidor an
XII ; mais si ce décret est contraire à la Charte, doit-il
être exécuté ? Vous ne le pensez pas, j'en suis
convaincu, Monsieur le procureur général [...]. Le tribunal a
pensé, et je pense que le décret de l'an XII est au nombre de ces
lois abrogées. [...] il n'y a plus de religion de l'État et que
faire participer à une cérémonie religieuse toutes les
autorités du pays, c'est nécessairement ressusciter une religion
de l'État. [...] un corps quelconque, en tant que corps, n'a point de
religion qui lui soit propre, qu'il n'est composé que de citoyens ayant
chacun la sienne ».
Lettre de M. le procureur général, le 30
juillet 1833.
« Vous m'annoncez que le tribunal n'a pas voulu
laisser établir contre lui un précédent dans la crainte
d'être obligé d'assister à des plantations de croix [...].
L'exemple est mal choisi ; car vous ne pouvez ignorer que, sous la
Restauration, lorsqu'il était question de planter une croix de mission,
cette cérémonie n'était pas ordonnée par le
gouvernement : les autorités y assistaient trop souvent, il est
vrai, mais sur l'invitation des autorités ecclésiastiques. Les
autres passages de votre lettre peuvent se traduire par ces mots : ceux
qui sont allés à la cérémonie sont les complaisants
du pouvoir, la minorité du tribunal de première instance, au
contraire, respecte la Charte et a le courage de donner une leçon au
pouvoir. Je ne peux comprendre l'abrogation virtuelle du décret de l'an
XII par la Charte de 1830. [...] vous, Monsieur, qui avez l'ambition de donner
des conseils au gouvernement [...]. Cette séparation éclatante me
peine extrêmement, mais nous avons un juge, ce sera M. le garde des
Sceaux ».
Réponse de M. Aroux, le 31 juillet.
« Si au lieu de laisser passer quatre jours sans
provoquer de ma part une explication verbale à ce sujet, et de ne me
faire parvenir votre lettre qu'après votre départ pour Paris,
où vous allez déferrer ma conduite au garde des Sceaux, vous
eussiez bien voulu profiter, pour en conférer avec moi [...]. La
Restauration n'a pas invoqué ce décret pour forcer les
autorités, à assister aux cérémonies de la mission,
cela est vrai ; mais elle aurait incontestablement pu le faire [...].
J'approuve du fond du coeur la cérémonie religieuse sur ce
glorieux et funèbre anniversaire mais je voudrais qu'au lieu d'y inviter
des corps, on n'y convoquât que des citoyens, des fonctionnaires, des
magistrats, selon leurs croyances diverses ».
B-La raison religieuse : un
prétexte.
Même Le Journal de Paris, plutôt
conservateur, admet que le fond du problème n'est pas relatif à
des questions d'opinions religieuses : « Le remplacement des deux
magistrats du parquet de Rouen a été déterminé par
des considérations d'ordre public et de subordination
hiérarchique tout à fait indépendantes de l'absence de ces
magistrats à la cérémonie du 27
juillet »83(*).
En effet, dans tous les parquets généraux, la barre judiciaire du
ministère public est dirigée par le procureur
général, et le procureur du Roi doit suivre les instructions de
son supérieur hiérarchique, sous peine d'être muté
ou révoqué. De trop grandes divergences de vues peuvent donc
aboutir à des désaccords, contraire à la règle de
l'unité du parquet. Sous la coupe du ministre de la Justice, le
procureur général, de par son statut, a tout intérêt
à affirmer la logique gouvernementale et à en éloigner les
opposants. Conformément à son devoir judiciaire, le procureur
général Moyne donne comme prétexte ce refus d'assister
à la messe, pour se séparer d'un opposant aux idées
politiques du gouvernement. De même, le procureur du Roi Aroux saisit
l'occasion de la question religieuse pour affirmer les valeurs qui sont les
siennes, à une période où débute une
réaction dont sont l'objet les républicains et les
bonapartistes.
Le Journal de Rouen aime à montrer la
duplicité du procureur général. À travers lui, le
journal se livre à une vive critique du pouvoir. La caricature du
procureur général est souvent acerbe, parfois même
ridicule. Le journal rappelle le passé du procureur et
révèle une nouvelle fois son caractère
contradictoire dans une affaire similaire :
« Avant d'être procureur général
à Rouen, M. Moyne avait rempli les mêmes fonctions à
Grenoble [...]. Un habitant de Grenoble nous affirme qu'en 1831 la Cour de
Grenoble, invitée par l'évêque de cette ville, à la
cérémonie anniversaire du 27 juillet, délibéra sur
la question de savoir si elle y assisterait comme corps [...] il fut
décidé que la Cour n'assisterait pas en corps à cette
cérémonie [...]. Le jour de la cérémonie, les
membres de la Cour et M. le procureur général lui-même ne
se rendirent à la cathédrale que comme individus et en habits de
ville. Avec un pareil antécédent, comment comprendre que cette
année, M. Moyne se soit si étrangement emporté contre
l'opinion adoptée par dix magistrats du tribunal de première
instance ? »84(*). Par ce rappel plus qu'embarrassant, le procureur
général, est discrédité et l'explication politique
des destitutions se confirme.
C-La justification
républicaine : la défense du Journal de Rouen.
Dans le numéro du 12 août 1833, la
démission de Daviel est justifiée en réaction à la
traque organisée contre les amis de Dupont de l'Eure85(*). Les importantes
démonstrations de soutien montrent que l'exaspération n'a pas
seulement gagné le premier avocat général mais aussi
l'opinion : « Voilà précisément pourquoi
l'émotion est si générale ; voilà pourquoi,
depuis la révolution de Juillet, jamais la population de notre ville, si
paisible, si difficile à émouvoir, n'a plus vivement ressenti le
contre-coup d'une mesure politique »86(*). MM. Aroux et Tranchard ne sont pas les seuls
à faire l'objet de brimades. Le Journal de Rouen cite les cas
de M. Lacaze-Aché, procureur du Roi de Pont-Audemer et par ailleurs ami
de Dupont de l'Eure, « déporté » à
Segré (Maine-et-Loire), et de M. Carpentier, procureur du Roi à
Louviers, « destitué sous la Restauration et rétabli
dans ses fonctions par M. Dupont de l'Eure, est de nouveau destitué, ou
plutôt, par une amère ironie, appelé à faire ses
droits à la retraite, lorsqu'on savait bien qu'il n'avait pas le temps
de service nécessaire pour réclamer une
retraite »87(*).
Le 13 août, le Journal de Rouen commence à toucher du
doigt la véritable raison des destitutions d'Aroux et Tranchard :
tout d'abord, le journal se défend d'entretenir avec Aroux une
quelconque connivence rédactionnelle, alors même qu'il n'est pas
fait état d'une mise en cause du journal :
« Nous pouvons déclarer sur l'honneur que,
depuis son entrée en fonction en septembre 1830, M. Aroux n'a eu avec
nous d'autres relations que celles qu'il se faisait un devoir de conserver avec
des hommes dont il avait pu apprécier l'amitié et le
dévouement dans les circonstances difficiles et notamment au mois de
juillet 1830 ; que, depuis la même époque, il est
resté complètement étranger à la rédaction
ou à la direction de notre feuille ; qu'enfin il n'avait pas
à l'époque de sa destitution, mis vingt fois depuis trois ans le
pied dans nos bureaux »88(*).
Le Journal de Rouen soutient également le
substitut Tranchard, accusé d'avoir des accointances avec les
républicains :
« M. Tranchard, c'est un
républicain ![...]. Les amis de M. Tranchard peuvent citer pour
réfuter ce reproche les paroles que prononçait ce magistrat,
précisément dans la délibération du 26
juillet : [...] «Je le déclare ici hautement, si un
républicain venait à s'élever, je donnerais ma
démission ; si une restauration devait revenir, je donnerais ma
démission. Que chacun ici en dise autant». Voilà le
républicain »89(*).
1-2-3 : Les contrecoups
directs de l'affaire : la réaction en marche.
A-Vers une nouvelle
épuration ?
Alors que la raison politique était admise, le journal
déclare s'y perdre quant aux motifs des destitutions. La
possibilité républicaine écartée rapidement, le
Journal de Rouen, revient, opportunément, sur la messe :
« Que reste t'il donc pour motiver la destitution ? La
messe ! Toujours la messe ! »90(*). Le lendemain,
L'Écho de Rouen, rapporté par le Journal de
Rouen, se fait le porte-parole du gouvernement : « Suivant
[L'Écho], il y a nécessité d'éloigner des emplois
tout citoyen appartenant à l'opposition »91(*). En contradiction avec la
ligne éditoriale de L'Echo, le Journal de Rouen
critique cette vision impossible, qui induit une épuration à
chaque changement de gouvernement et pourtant, c'est ce qui semble être
le cap :
« La conséquence de ce beau système,
c'est qu'à chaque changement de ministère, il faudra (sans parler
du personnel de toutes les autres administrations) renouveler tous les parquets
du royaume, puisque, depuis le procureur général jusqu'au dernier
, tous les membres du parquet doivent être inféodés corps
et âme au ministère ; puisqu'il ne leur suffit pas de rester
fidèles au serment prêté au roi et à la Charte, et
de remplir leurs fonctions avec zèle, s'ils ne se résignent pas
à penser comme le procureur général, à n'avoir de
conscience politique que la sienne »92(*).
L'Écho de Rouen salue, soulagé, le
départ de Daviel et fait l'éloge de cette sage démission
qui est l'application du précepte dénoncé,
précédemment, par le Journal de Rouen :
« M. Daviel s'est conduit noblement, et, en donnant sa
démission, il a rendu hommage à l'harmonie qui doit régner
entre les divers degrés de la hiérarchie, il a senti
l'incompatibilité de deux opinions ennemies dans le sein d'une
organisation qui doit être une pour être forte »93(*).
Finalement, c'est Aroux qui va livrer la véritable
raison au Journal de Rouen. Dans une lettre adressée au
journal, Aroux expose son entrevue avec le ministre de la Justice, Félix
Barthe. Au cours de cet entretien, Aroux, accompagné du
député-maire, Henry Barbet et du vice-président de la
Chambre des députés, M. Béranger, entend du garde des
Sceaux la raison qui a motivé sa destitution : Barthe reproche
à Aroux d'avoir « conservé des relations avec les
rédacteurs et l'imprimeur du Journal de Rouen, «feuille
qui s'oubliait parfois jusqu'à attaquer une personne auguste, et dont il
aurait subi l'influence» et «parce qu'il n'y avait pas, entre le
procureur du Roi et le procureur et le procureur général,
l'harmonie nécessaire» »94(*). Garde des Sceaux, déjà sous Casimir
Perier en mars 1831, Félix Barthe collabore au ministère Soult du
11 octobre 1832 à la même fonction: c'est justement au
début de ce deuxième ministère, en novembre 1832, qu'est
nommé procureur général de Rouen, M. Moyne.
Représentant de l'aile droite, Barthe nomme aux plus hauts postes des
hommes de confiance et suffisamment dociles pour appliquer la politique
triomphale du parti de « la
résistance »95(*). A l'opposé et même visé par la
politique anti-républicaine, le procureur du Roi Aroux, arrivé
avec « le mouvement », est la victime de l'épuration
de « la résistance ». Alfred Daviel, anticipant la
réaction, préfère faire une sortie
héroïque : sacrifiant une situation confortable dans la
magistrature, Daviel refuse l'état de fait politique et adopte une
posture habituelle et officielle d'opposant. Par la suite, plusieurs fois
bâtonnier de l'Ordre des avocats de Rouen sous la monarchie de Juillet,
Alfred Daviel, pour ses confrères, donne un autre visage à
l'idée de résistance.
B-Une radicalisation des
positions : le conflit manifeste entre les avocats et le procureur
général Moyne.
Par la suite, l'affaire ne fait plus la une mais reste dans
tous les esprits. Le 20 août 1833, les avocats, en forme de protestation,
élisent comme bâtonnier de leur Ordre, Me Aroux, au
premier tour de scrutin (« Jamais, peut-être, il n'avait
été aussi nombreux »96(*)). Jusqu'en novembre, le Journal de Rouen
fait des allusions à l'affaire et charge le procureur
général Moyne, notamment en reprenant ses exploits
passés97(*). Au
passage, le journal règle ses comptes, en dénonçant les
relations de certains parquetiers avec les légitimistes et la
gazette de Normandie98(*). La promotion de l'avocat général
légitimiste Jean Gesbert de la Noë-Seiche99(*), devenu premier avocat
général à la place de Daviel, est perçue
« comme un retour assez significatif vers les hommes de la
Restauration, comme une nouvelle preuve de ce système de réaction
que nous avons plus d'une fois signalé »100(*). Enfin, la rentrée de
la Cour royale du 4 novembre est l'occasion d'une nouvelle démonstration
de force de l'Ordre des avocats, et d'un moment unique dans les annales de la
Cour. A la fin du discours de rentrée, les avocats doivent, comme il est
d'usage, présenter leurs hommages au premier président et au
procureur général. Ce 4 novembre, les avocats et les
avoués en décident autrement ; ils vont voir le premier
président mais partent sans s'être présenté au
parquet où le procureur général Moyne les attend :
« Cette manifestation de la part du barreau tout entier contre M.
Moyne est d'une haute gravité, et elle vient donner une nouvelle force
à l'élection de M. Aroux, comme bâtonnier de l'Ordre, faite
quelques jours après la brutale destitution fulminée contre ce
procureur du Roi »101(*). Cette impolitesse frondeuse est observée par
le corps des avocats jusqu'en 1836, c'est à dire jusqu'au remplacement
du procureur général Moyne102(*). D'ailleurs, l'affaire Aroux et Tranchard se
clôt réellement à cette date, après une explication
a posteriori et anachronique du successeur d'Aroux, le procureur de
Rouen Hébert : selon lui, Aroux aurait été
destitué pour avoir refuser de poursuivre les membres de la
Société des Droits de l'homme (voir supra). Seulement,
la loi sur les associations qui condamne cette dernière est d'avril 1834
et la destitution a lieu en août 1833. Comme l'écrit le
Journal de Rouen, « ce seul rapprochement de dates constitue
M. Hébert en mensonge flagrant »103(*).
Pourtant, le fond de l'affaire reste éminemment
politique et l'excuse de la messe, soutenue par le Journal de Rouen,
reste un prétexte et une défense pour le journal qui n'a pas
envie d'être accusé de soutenir de trop près les
républicains. Le procureur général Moyne, dans la logique
d'affermissent du gouvernement, tient son rôle de chef du parquet
inébranlable. Garant de la nécessaire unité du parquet,
Moyne se montre un excellent défenseur politique et s'attache à
écarter, pour un temps, « le fantôme de la
République »104(*), au sein de l'institution du parquet.
Unique pour la période, cette marque d'insoumission est
à l'inverse de l'attente du pouvoir qui cherche à avoir pour le
servir des « magistrats-agents politiques » qui promeuvent
l'action ministérielle et non qui la contestent notamment au travers
des discours de rentrée : ces derniers sont une tribune
irremplaçable et privilégiée pour faire part de la
propagande officielle.
1-3 : Les discours solennels
de rentrée : reflets idéologiques de la mission du
parquet.
1-3-1 : Une
célébration du passé ?
A-Rappel des origines.
Les discours des audiences solennelles de rentrée ont
fait l'objet d'une grande étude menée par Jean-Claude Farcy. Dans
son livre Magistrats en majesté, l'auteur a recensé,
pour toutes les cours d'appel, le plus grand nombre de discours de
rentrée, prononcés de leur rétablissement en 1811
jusqu'à nos jours.
La cérémonie de rentrée, au cours de
laquelle est prononcé le discours, renvoie à une tradition
héritée de l'Ancien régime : l'origine du discours de
rentrée remonterait au XIVe siècle105(*). L'Empire, attaché
à renouer avec les siècles, restaure la coutume du
discours : la monarchie de Juillet perpétue cet héritage,
sans rien y changer. D'après un règlement organique du 30 mars
1808, la prérogative de prononcer le discours de rentrée revient
au procureur général. Puis, la grande loi d'organisation
judiciaire du 20 avril 1810, étend cette faculté aux avocats
généraux106(*). Finalement, un décret du 6 juillet 1810
laisse une certaine liberté dans le contenu du discours et prescrit de
faire, en conclusion, une évocation des magistrats disparus dans
l'année107(*).
Le thème traditionnel, que l'on trouve dans la plupart
des discours de rentrée prononcés à Rouen, est
l'évocation de la grandeur passée des Parlements, et plus
particulièrement celui de Normandie. Les citations des noms de grands
magistrats comme Séguier, D'Aguesseau, Talon, Harlay, Pasquier108(*), etc...relient la
tradition parlementaire aux nouvelles attributions des Cours royales, de telles
façons que l'on en oublierait presque la Révolution
française. C'est sans doute parce que pour beaucoup de magistrats, la
Justice est au dessus de tout, qu'elle doit se situer également au
dessus des remous politiques. Faire l'éloge des magistrats
passés, ce n'est pas faire l'éloge de l'Ancien Régime mais
c'est rattacher la Justice a sa propre histoire. Ainsi, l'exercice du discours
de rentrée peut prendre, parfois, l'allure d' « une
dissertation érudite »109(*), un devoir obligé et donc peu
apprécié. Le 6 novembre 1844, le procureur général
Frédéric Salveton expose clairement ce point de vue :
« deux siècles auparavant dans une cérémonie
analogue, le grand magistrat Domat s'était élevé contre la
coutume impitoyable qui demande tous les ans un discours nouveau sur un sujet
toujours le même »110(*).
B-Originalité et
utilité du discours.
Certains magistrats vont pourtant innover et introduire des
thèmes originaux : par exemple, en 1840, le premier avocat
général Gustave Rouland démontre le grand
intérêt de la philosophie et de l'histoire dans le travail de la
magistrature111(*) ; l'avocat général Chassan, en
1846, introduit le thème de la poésie dans les lois. A ce propos,
Elisabeth Ancenay-Chavoutier écrit :
« [l'avocat général Chassan] rappelle
l'ancienne tradition hellénique représentant Apollon, le dieu de
la poésie, comme le premier législateur qui publiait ses lois au
son de la cithare, le statut des Egyptiens qui avaient reçu leurs lois
de la déesse Isis sous forme de poèmes, les poètes du
Moyen-Age qui avaient chanté et conservé le droit de leur
époque avant que les légistes n'aient songé à
l'écrire. Selon l'orateur, les maximes juridiques qui tiennent une
grande place dans la pratique du palais, sont rédigées avec la
cadence ou la mesure syllabique, avec la rime ou
l'assonance »112(*).
Mais derrière l'exposé savant, les discours de
rentrée sont d'un contenu très riche car ils
révèlent, selon Jean-Claude Farcy, « les conceptions
idéologiques, le système de représentation de la
magistrature quant à la pratique de son métier, à sa place
dans l'appareil d'Etat et à sa position sociale »113(*). De plus, en renouant avec
la tradition du discours de rentrée, l'exécutif place les membres
du parquet en propagandistes de l'action gouvernementale. La place que les
procureurs et avocats généraux occupent, est un promontoire de
premier ordre pour élever la parole gouvernementale en une règle
instituée et un fondement à défendre. L'affirmation et la
publicité des positions officielles sur des sujets politiques sont aussi
un moyen efficace de contrecarrer les forces politiques opposantes. Sur
dix-sept discours recensés (voir annexe 8) par Jean-Claude Farcy pour la
période de la monarchie de Juillet, nous avons retrouvé onze
discours (dix discours de rentrée et le discours d'installation du
procureur général Thil en 1830, qui est le premier grand discours
de rentrée, depuis la Révolution de Juillet (voir annexe 9)),
insérés soit dans les dossiers de presse de la
Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans les numéros du
Journal de Rouen. De leurs lectures, deux axes, regroupant plusieurs
thèmes, apparaissent :
1-3-2 : La
défense du sanctuaire judiciaire et du pouvoir en place.
A-La critique du gouvernement
précédent : une constante.
Les discours du procureur général Thil114(*) et du premier avocat
général Alfred Daviel115(*), prononcés respectivement les 31 août
et 3 novembre 1830, célèbrent le nouveau régime de la
monarchie de Juillet et le renouveau de la Justice, enterrant, de fait,
l'ère arbitraire de la Restauration. Contrairement à l'habitude,
ces deux discours font référence à la politique et
constituent de véritables réquisitoires contre le régime
précédent. Le procureur général Thil critique
vivement les gouvernements de la Restauration : « Des hommes
insensés ont méconnu l'opinion de la France : son calme
était à leurs yeux de l'indifférence ; sa longue
résignation de la faiblesse. Dans leur délire, ils ont
pensé qu'ils pouvaient impunément offenser un peuple
généreux et violer la foi des serments ». Mais c'est le
discours d'Alfred Daviel, qui est le plus emblématique de cette
période et le plus souvent cité comme témoignage de cette
transition politique116(*). Tout d'abord, le premier avocat
général dénonce le régime de la Restauration qui
n'a pas tenu compte du progrès engendré par la Révolution
française : « Quinze ans d'épreuve ont appris
[à la France] que ni la liberté, ni la dignité, ni le
bien-être du pays n'étaient compatibles avec une famille qui,
élevée à l'école du pouvoir absolu, n'a jamais pu
adopter sincèrement le régime constitutionnel, ni les grandes
choses enfantées par le mouvement national qui l'avait jetée et
si longtemps retenue sur la terre étrangère ». Pour
Daviel, la restauration de « la vieille royauté féodale
sortit des caveaux de Saint-Denis » , par obstination
idéologique, n'a fait que s'opposer aux « institutions
sociales » : le ministère public et plus
généralement la magistrature ont perdu sous la Restauration leur
indépendance et « ont été constamment
livrées, sous ce prétendu régime constitutionnel aux
atteintes, les plus oppressives ». La monarchie de Juillet leur rend
donc cette liberté de fonctionnement que même « les
gouvernements les plus absolus », ceux de l'Ancien Régime leur
avaient garanti : « ce ministère auxiliaire de la
magistrature qui, après avoir subi les funestes influences de la
Restauration, va reprendre enfin son véritable caractère, sous un
gouvernement vraiment national, sous un prince qui a juré de ne
régner que par les lois et selon les lois ». Avocat sous la
Restauration, Daviel déplore que l'institution du parquet se soit
transformé en « saint-office d'inquisition
politique » et invective les magistrats : « Pourquoi
faut-il, Messieurs, qu'un grand nombre des officiers du ministère public
se soient laissés entraîner dans cette nouvelle carrière ?
Pourquoi faut-il que [...] les réquisitoires n'aient montré
d'énergie que dans la défense des prétentions du droit
divin et des doctrines de l'obéissance passive ? ». Alfred
Daviel fait de nombreuses comparaisons avec la restauration des Stuarts et la
Glorieuse Révolution de 1688 : « Jacques II, livré
aux jésuites, avait tenté de renverser la constitution du pays,
en rompant le contrat primitif d'entre le Roi et le Peuple ».
Après la Glorieuse Révolution, sorte de Révolution de
Juillet à l'anglaise, la Nation « contracta un nouveau pacte
avec un Roi qui, avouant tenir d'elle tous ses droits devait respecter les
siens ». Daviel prédit à la France de Louis-Philippe le
même destin que l'Angleterre d'après la restauration de Jacques II
avec Guillaume III : « Si la Restauration des Bourbons fut la
trop fidèle image de la restauration des Stuarts, l'avenir qui s'ouvre
devant nous, sous les auspices de la Maison d'Orléans et de la Charte du
7 août, promet désormais, à la France les bienfaits que,
depuis un siècle et demi, l'Angleterre, libre au-dedans, puissante et
respectée au-dehors, montre avec tant d'orgueil aux autres
nations ». Après avoir céder à une certaine
anglophilie, l'ancien avocat Daviel officieusement bonapartiste, fait une
critique ambiguë et sans doute embarrassée du régime
napoléonien : « C'était la France du
dix-neuvième siècle, étourdie un instant par la
catastrophe imprévue de l'Empire, mais couronnée encore de
toutes ses gloires et reprenant courage aux cris de
liberté ».
B-L'attachement à des
valeurs essentielles : la Charte, Louis-Philippe, le Code civil...
Le discours de Thil en 1830, première voix du parquet
général, fait un appel à tous les français pour
respecter et défendre la Charte, condition sine qua non
à l'établissement de la nouvelle monarchie : « La
Charte est confiée au patriotisme et au courage des gardes nationales et
des citoyens français ; sous ce patronage, elle doit être
invulnérable ; et si jamais on osait l'attaquer, les magistrats,
n'en doutons pas, seraient au rang de ses plus intrépides
défenseurs ». Plus loin, le procureur Thil ajoute :
« la royauté que Louis-Philippe Ier honore de ses
vertus et de son patriotisme ne peut trouver d'appui véritable que dans
la Charte constitutionnelle ». L'homme que le parquet
général célèbre unanimement, c'est bien sûr
Louis-Philippe, à qui toutes les qualités humaines sont
trouvées : pour Thil, le roi est « un homme de bien,
éprouvé par l'adversité » ; quant à
Daviel, il fait un long panégyrique du roi : « Roi
vraiment français ! A Jemmapes, il combattait pour
l'indépendance nationale, il portait au feu les couleurs de la
liberté. Plus tard, obéissant à regret à un
décret de la convention, il quittait la France les larmes aux
yeux ». Louis-Philippe est décrit comme proche des
français, de leurs souffrances, de leurs attentes : « Roi
citoyen ! Il saura respecter les droits du peuple, puisqu'il se
plaît à reconnaître que c'est du peuple qu'il tient ses
droits [...] il est la meilleure des républiques ».
Il faut attendre le discours de rentrée de 1842 du procureur
général Gaultier117(*), qui arrive après la mort accidentelle du duc
d'Orléans (le 13 juillet 1842), pour connaître une telle
démonstration d'attachement. Alexandre Gaultier rend hommage au courage
du roi et salue le nouvel héritier, le nouveau prétendant,
Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris :
« Mais c'est encore ce roi affligé qui,
surmontant ses angoisses paternelles, a ranimé notre courage ;
c'est lui qui, reportant nos espérances sur le précieux enfant,
désormais le représentant d'une dynastie chère à la
nation, nous l'a montré s'élevant heureusement sous l'influence
de sa profonde sagesse, protégé par la tendre sollicitude
d `une auguste mère, d'une royale et vertueuse famille, et
assuré, dans son berceau comme sur le trône qui l'attend, de
l'appui loyal de nobles princes ».
Dans un discours de rentrée prononcé en 1847 et
traitant largement de l'étude historique du Grand Coutumier de
Normandie, l'avocat général Antoine-Georges Blanche consacre
l'oeuvre législative de la Révolution française et du
Consulat, finalisée par le Code civil :
« L'Assemblée constituante put décréter
l'unité de la loi [Constitution de 1791, titre I ] ; et ce
fut avec reconnaissance et bonheur que la nation reçut des mains du
premier consul le Code civil, ce chef d'oeuvre de législation, qui
atteste si merveilleusement la puissance synthétique de la raison
moderne »118(*). Se demandant tout d'abord si « le Code
civil périra-t-il aussi ? » comme le Grand Coutumier,
l'avocat général Blanche donne raison à Napoléon
qui « lui a présagé l'éternité [et]
le considérait comme l'expression exacte de la morale et de la justice
». Il conclut, par une prédiction longtemps
vérifiable : « le Code civil sera longtemps encore la loi
vivante de la nation française ».
C-Une représentation
supérieure et idéale de la Justice.
En 1843, l'avocat général Blanche commence par
cet exorde solennel : « Messieurs, la Justice est le besoin le
plus impérieux de l'Humanité »119(*). Pour Blanche, la justice
« protège et resserre les saintes affections de la famille,
organise la propriété, assure l'inviolabilité des
transactions [...]. C'est elle enfin qui, sage et modératrice,
élève la barrière de la loi entre les émotions
populaires et les envahissements du pouvoir ». S'il est une chose dont
les magistrats sont farouchement jaloux, c'est bien leur indépendance
vis-à-vis de l'exécutif. En 1830, Alfred Daviel insiste
longuement sur cette nécessité d'indépendance :
« L'indépendance est une qualité de l'âme que la
loi ne communique pas : elle vient de plus haut et réside dans un
sanctuaire inviolable. L'homme sûr de sa conscience aime à suivre
la voie du devoir à ses risques et périls ». Plus loin,
Daviel rend hommage, sans le nommer, au ministre de la Justice, Dupont de
l'Eure, dont la seule présence est une garantie de liberté et
d'impartialité pour la magistrature : « il a connu tout
le prix de l'indépendance, il saura respecter l'indépendance des
magistrats, ses subordonnés ; et désormais nos devoirs
seront faciles ». Une fois l'indépendance garantie, il reste
aux magistrats d'être à la hauteur de leur devoir, voire de leur
mission : le procureur général Frédéric
Salveton, en 1844, attribue aux magistrats, et notamment ceux du
ministère public, une dimension divine. A la fin de son discours
intitulé les dangers de l'indifférence120(*), Salveton prononce un
véritable sermon qui compare la fonction des parquetiers à un
quasi-sacerdoce. Les membres du ministère public sont, en quelque sorte,
les ministres du culte judiciaire :
« Sachons donc, Messieurs, honorer notre
ministère autrement que par des paroles, en accomplissant tous les actes
dont il se compose avec cette énergie de volonté qui se puise aux
sources de l'amour et de la foi, et que l'indifférence tue. Aimons nos
graves et saintes occupations ; aimons-les à cause
d'elles-mêmes, à cause du bien qu'elles répandent, à
cause de la justice qui triomphe par elles »121(*).
Se référant à l'Ancien Testament et aux
paroles de Moïse, le sermonnaire Salveton considère que les
magistrats dispensent la justice de Dieu : « Rien n'est
changé de nos jours, Messieurs, excepté la forme. Si un
goût plus délicat ne permet plus de vous dire, en style biblique,
que vous êtes les dieux de la terre, la justice n'en est pas moins
restée pour tous un bienfait céleste dont vous êtes ici-bas
les uniques dispensateurs »122(*). Le procureur général Salveton, en
faisant une comparaison aussi flatteuse, responsabilise d'autant plus les
magistrats dans leur mission. Les magistrats doivent être juste et en
aucun cas laisser triompher l'injustice : « un mot de lui peut changer
toute une existence et porter au sein d'une famille ou le bonheur ou la
désolation ! »123(*). Sur les épaules du magistrat repose donc un
poids considérable. Le magistrat doit être tout entier à
remplir sa tâche et ne saurait être partial.
D-Le magistrat doit être
dénué d'esprit partisan.
Le palais de Justice n'est pas un temple inviolable. Au
contraire, il est sans cesse l'objet d'intrusions du politique. Alfred Daviel
regrette cet état de fait et rend responsable la Restauration d'avoir
créer un précédent, préjudiciable au fonctionnement
même de la Justice : « L'invasion des passions politiques
dans le sanctuaire de la Justice est un des caractères qui ont
signalé la période de restauration ou plutôt de
perturbation que nous venons de parcourir »124(*). Mais celui qui se plaint le
plus de cette invitation gênante du politique est le procureur
général Moyne : dans son discours de rentrée de 1834,
Moyne, encore révulsé par l'affaire Aroux et Tranchard
d'août 1833 (voir infra), condamne «
fermement »125(*) les immixtions des convictions politiques dans le
domaine judiciaire et prévient la magistrature : « le
magistrat doit dépouiller l'homme privé ; oublier ses
engagements de parti, s'il en a eu, pour se vouer au culte de la
loi »126(*).
Pour Moyne, les prétentions des partis sur le judiciaire sont
dangereuses et seul le concours de la loi est un rempart efficace contre
elles : « la force morale ne suffit pas pour résister aux
violences des partis, il faut la jouissance des lois et la ferme volonté
de les exécuter pour calmer la fièvre des passions
politiques »127(*). Moyne montre du doigt deux partis : le parti
républicain et celui des légitimistes, ces « deux
partis extrêmes et toujours ennemis, emploient des efforts
simultanés pour ruiner l'édifice glorieux de Juillet ».
Le procureur général Moyne reprend comme principe ce que le
procureur général Thil, avait dit en 1830 : « le
procureur général, sentinelle avancée, veille constamment
au maintien de l'ordre public ; il n'agit, il ne parle que pour le
triomphe de la Justice »128(*). Se voulant au dessus des partis, Moyne est en
réalité le défenseur officiel du régime : Dans
l'affaire Aroux et Tranchard, il combat les républicains et les
bonapartistes ; en août 1834, il s'en prend à la
Société des Droits de l'homme et du citoyen de Rouen,
accusée de républicanisme (voir supra) ; il
poursuit la presse d'opposition légitimiste et républicaine
(la gazette de Normandie, le National de 1834 : voir
supra). Toutes ces initiatives dirigées pour raffermir le
pouvoir renforcent l'idée que la position de procureur
général est une fonction partisane puisqu'elle permet de
réduire les oppositions politiques au profit du pouvoir politique en
place. Mais Moyne rejette cette vision complaisante et s'en défend
:
« Ces partis vous attaquent dès que vous leur
résistez, ils s'insurgent contre les lois et traitent en adversaires et
en ennemis ceux qui les appliquent à leurs méfaits ; tel fut
toujours leur langage et leur partialité ; leur exigence ne peut
être satisfaite [...]. La loi est-elle claire, rendez-là obscure,
vous serez absous ; qu'en vos mains elle devienne une arme qui les
protège, la renommée n'aura pas assez de bouches pour exalter
votre indépendance [...]. Si les yeux fixés sur la loi, vous osez
la leur appliquer, tout est changé, vous n'êtes plus que des
hommes vendus au pouvoir »129(*).
Pour Moyne, le magistrat doit être impartial et faire fi
des critiques des partis : « Ils voudront vous classer, vous
diviser, en scrutant vos opinions judiciaires [...], acceptez comme un
éloge ce qu'ils vous adressent comme une injure »130(*). Au contraire, se retrouver
seul contre tous est une preuve d'indépendance, voire un honneur.
Conspué par le barreau de Rouen et désavoué par la
démission de son premier avocat général Alfred Daviel, le
procureur général Moyne se fait gloire de sa constance, de son
indépendance de caractère, et persiste et signe dans la voie de
l'ordre.
1-3-3 : L'affirmation du
respect des valeurs conservatrices.
A-Pour une liberté de la
presse contrôlée.
La récurrence du thème de la liberté de
la presse dans les discours de rentrée du procureur Moyne de 1832
à 1835 révèle que la question est au coeur des
préoccupations du parquet général. Allant de pair avec la
liberté d'opinion et d'expression de l'opposition, la liberté de
la presse se place au coeur des combats politiques. Défendre la
répression ou la liberté de la presse est une bonne occasion pour
prendre position contre ses adversaires politiques et affirmer les choix
gouvernementaux. Jean-Claude Farcy cite un long article du Journal de Rouen
qui rappelle « au procureur général Moyne ses
discours antérieurs, pleins d'enthousiasme en faveur des idées de
la liberté131(*),
alors qu'il est désormais conduit [en 1835] à justifier les lois
nouvelles limitant la liberté de la presse »132(*). Dans son discours de 1834,
Moyne, appelant à la plus grande fermeté, fait un éloge
critique de la presse :
« Un nouvel élément de l'organisation
sociale, la presse, rendrait la position des magistrats plus difficile, s'ils
montraient la monde faiblesse [...]. La presse fait disparaître les
distances, unit les intérêts, développe les principes
utiles, opère la diffusion des lumières [...] cette
conquête, assurée par la Révolution de Juillet, ne peut
être contestée [...]. A côté de l'usage se trouve
l'abus [...] c'est un mal que les amis de la liberté de la presse
doivent savoir supporter ; ils doivent respecter cette précieuse
liberté jusque dans ses écarts »133(*).
Moyne, dénonçant l'influence néfaste des
partis, se pose en victime de la presse d'opposition, notamment du Journal
de Rouen, particulièrement dur avec ce procureur
général comme jamais auparavant :
« Les partis sont en présence, leur langage est
passionné, irritant ; ils sont déçus dans leurs
espérances par l'ordre qui renaît ; vous qui êtes
institués pour réprimer leurs excès, voulez-vous que la
partie de la presse qui représente leurs opinions, leurs
intérêts, soit juste envers vous, cela ne saurait être
[...]. Le mensonge et la calomnie seront sciemment employés contre vous
[...]. Et si, par vos fonctions, vous sévissez contre cette partie de la
presse au nom de la loi transgressée, les passions
déchaînées ne connaîtront plus de frein ; c'est
un crime irrémissible de toucher à eux et à leurs
amis »134(*).
Intitulé « Ordre et
liberté » et traitant également du problème de
la presse, le dernier discours de Moyne du 3 novembre 1835 constitue une
étape importante, « une première brèche
»135(*) dans les
thèmes des discours. Le procureur général Moyne utilise
l'occasion du discours de rentrée pour prononcer un véritable
discours politique. Le thème central du discours est la question des
récentes lois sur la presse du 9 septembre 1835. Loin des
généralités judiciaires d'usage, Moyne, comme Alfred
Daviel en 1830, réagit sur les événements politiques du
moment, et érige les lois gouvernementales de septembre en
nécessité. Contrairement à 1834, Moyne n'accepte plus les
écarts de la presse d'opposition (voir infra) et espère
que les lois de septembre y donneront un coup d'arrêt
définitif :
« Faut-il s'étonner, qu'à peine
à [l'origine du gouvernement constitutionnel], la licence de la presse
se soit développée avec autant de responsabilité ?
[...] La liberté de la presse, si largement consacrée par la
Charte, est une arme de bien et de mal [...], la presse, comme les
institutions, a ses inconvénients, ses excès. Si elle devient
licencieuse, elle a besoin d'un frein »136(*).
Le discours de 1835 est aussi une opportunité pour
revenir sur les procès de presse dirigés par le parquet
général. Moyne commente : « Les accusés
étaient de nobles victimes du courage et du patriotisme ; on les
encourageait par leur audace, et leurs juges étaient presque des
bourreaux. Plus tard, on aura peine à croire à tant de
délire »137(*). Moyne, relayant la pensée gouvernementale,
considère la presse comme « la première arme dont les
partis se sont emparés »138(*) : Moyne fait allusion dans son discours
à un procès d'assises dirigé contre la gazette de
Normandie, le 19 novembre 1832, qui arrive peu après le
débarquement puis la capture de la duchesse de Berry (voir
supra) et accuse, à juste titre, ce journal de faire le lit du
parti légitimiste139(*). Contre les menaces de la presse légitimiste
et républicaine, Moyne considère que les lois de septembre
constituent des mesures efficaces pour faire respecter l'ordre et assurer la
liberté de la presse :
« les faits avertissaient assez que la
répression était insuffisante ou échappait de la main de
ceux qui l'employaient ; il fallait un appel à la
législature. Le long cri d'indignation poussé par la France a
été entendu [...]. Il ne sera plus permis de multiplier, sous
toutes les formes, les attaques contre celui que la Charte déclare
inviolable ; sa famille ne sera plus exposée aux insultes de ces
pamphlétaires méprisables qui luttent de bassesse et d'infamie
»140(*).
Pour Moyne, les partis avaient pris les organes de presse
comme armes. Désormais, les magistrats ont désormais de quoi
répliquer141(*).
B-Contre l'utopie et les
idées socialistes : pour une défense de la
propriété.
Consacré en bonne partie au Grand Coutumier de
Normandie, le deuxième discours de rentrée d'Antoine Blanche,
prononcé le 3 novembre 1847, n'est pas seulement tourné vers le
passé. Enchaînant sur le Code civil, l'avocat
général Blanche se montre très critique quant aux
idées socialistes : « Serait-il vrai, comme le
répète chaque jour l'utopie, que «respecter la
propriété est une compression, et qu'il faut abolir la
propriété ?».[...] «Nos socialistes modernes se
trompent de date» a dit l'un de nos économistes les plus
distingués ; «ils se croient au temps où l'homme
n'avait que la voûte du ciel pour abri, et pour nourriture que le gland
du chêne !» »142(*). Dans cette charge finale contre les courants de
pensée socialistes et communistes, Antoine Blanche relaie
l'inquiétude des notables face à l'émergence de projets
visionnaires qui remettraient en question les structures économiques et
sociales du régime bourgeois orléaniste. Cette condamnation sans
appel des doctrines socialistes apparaît comme une défense du
régime, qui depuis 1846, traverse une phase critique : la grave crise
industrielle et agricole, qui s'abat sur la France à partir de la fin de
l'année 1846, engendre un chômage massif et des troubles
frumentaires importants. Face à cette désespérance
sociale, l'idéologie libérale dominante, apparaît comme
impuissante et inefficace. Il est habituel, en des circonstances
d'inquiétudes ou d'injustices, que des courants alternatifs voient le
jour et dirigent leurs discours vers les groupes les plus fragilisées.
Déjà en 1834, le procureur général Moyne se plaint
de cette corruption des pensées socialistes (saint-simonisme,
fouriérisme, etc.) sur les classes ouvrières :
« les théories du jour sont remplacées
par d'autres plus folles du lendemain [...] On ne se contente plus des
carrières laborieuses qui conduisent à une modeste fortune par
l'économie ; on veut de ces mouvements qui déclassent les
divers ordres de la société ; sous le prétexte
d'améliorer le sort des classes ouvrières, on décourage la
vie des pauvres ; [...] si depuis la Révolution de 89, les classes
moyennes et élevées sont plus morales, le moyen le plus sûr
d'améliorer la condition des pauvres est de leur donner des habitudes
meilleures et de leur enseigner que le travail persévérant et
l'économie sont les seuls moyens réels d'arriver à un
bien-être matériel [...] nous ne pouvons entendre, comme
magistrat, avec indifférence, les nombreuses attaques dont la
propriété est l'objet, notre regret est aussi grand quand nous
voyons les flatteries dont les classes laborieuses sont l'objet, de la part
d'hommes qui voudraient s'en servir comme d'instruments en les égarant
sur leurs intérêts »143(*).
La force potentielle de la classe ouvrière, classe la
plus nombreuse et la remise en cause par certains de la propriété
(comme Etienne Cabet, Joseph Proudhon, etc.), placent une
épée de Damoclès au dessus de la France des notables.
Moyne s'interroge :
« Sommes-nous donc au milieu d'une
société sans gouvernement ? la lice est-elle ouverte pour
réaliser toutes les utopies ?[...], que d'autres hommes
rêvent une société perfectionnée, s'administrant et
se gouvernant par elle-même ; où les lois seraient
obéies comme par enchantement ; tant que leur imagination restera
dans ces limites, la société n'aura pas sujet de
s'inquiéter ; elle regrettera seulement qu'un aussi grand nombre de
ses enfants perdent, dans des théories qui ne peuvent se
réaliser, des forces et des moyens qu'ils pourraient utiliser dans
l'intérêt social »144(*).
En défenseur institué de la
société, les magistrats du parquet ne peuvent être que
violemment opposés aux réorganisateurs utopistes de l'ordre
établi. En 1842, soit deux ans après la publication Qu'est ce
que la propriété ?de Proudhon, le procureur
général Gaultier se pose en protecteur des propriétaires
et présente la classe dominante des notables comme le moteur de la
France :
« Celui qui tient de ses pères, ou de son
travail, les avantages de la propriété, s'il administre avec
sagesse et libéralité, répand le bien-être autour de
lui, encourage le commerce et les arts, forme les familles honnêtes et
intéressés à la défense de l'ordre et des
institutions, et, par là, rend des services à la
société aussi grands, aussi essentiels qu'ils ont
été naguère follement
déniés »145(*).
Idée exaltée par la Déclaration des
Droits de l'homme et consacrée par le Code civil, la
propriété privée n'est pas prête de
disparaître. Blanche, sûr de lui, lance quelques mois avant la
chute de la monarchie de Juillet :
« Oui, Messieurs, ils se trompent. Malgré
leurs agitations et leurs clameurs, la propriété jouira d'une
longue sécurité ; la propriété est un principe
que ne peuvent atteindre ni les écarts de l'imagination, ni les
intempérances de la logique [...], l'humanité ne rompra pas des
liens consacrés par la sagesse des siècles »146(*).
Mais ces prises de position radicales contre les menaces
utopistes, montrent une notabilité judiciaire soucieuse de son propre
équilibre et de la pérennité des valeurs établies.
Les magistrats ne sont pas les derniers à s'appliquer le respect de la
règle qu'ils imposent et garantissent à la société.
C-Une vie privée au
dessus de tout soupçon.
Nombres de discours rappellent les obligations du magistrat,
et notamment dans sa vie privée. L'abnégation du magistrat doit
être au coeur de son action personnelle tant dans son travail qu'au sein
de sa famille. Ce rappel des impératifs de vertus à
intégrer, fait partie de la tradition du discours de rentrée. La
légèreté n'a de place nulle part. La famille et le mariage
sont les seuls cadres possibles : les écarts moraux des magistrats
y sont prohibés. Le magistrat doit s'enfermer dans son travail et
être un bon père de famille. Tout au long des discours, les
procureurs et avocats généraux diffusent une conception de la
façon de vivre de la magistrature qui n'est pas marquée du sceau
de la gaieté. Dans un discours au titre évocateur,
L'exemple, Pierre Paillart explique bien la ligne de conduite à
adopter tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du
palais de justice : l'avocat général préconise que
les magistrats doivent se parer de toutes les vertus147(*) et servir ainsi d'exemple
pour la société, la rigueur morale n'excluant que la diffamation
ou la suspicion :
« Tout n'est pas fini, en effet, pour le magistrat,
quand il vient d'accomplir les fonctions de son ministère ; une
autre loi reste, qui veille sur ses pas et le suit jusque dans la vie
privée. Elle lui impose des moeurs austères, des habitudes
sérieuses et des jours bien remplis, de telle sorte que contre nous
toute accusation soit calomnieuse et tout soupçon une invraisemblance
[...]. Toutes les vertus, Messieurs, grandissent et se fortifient par
l'exemple. Il doit être donné à chaque heure de la vie,
à chaque degré de la puissance, par les discours aussi bien que
dans les actes, dans les débats de l'audience comme dans le travail du
cabinet [...]. Ici, en un mot, tout doit être pur de reproche et
même de soupçon, depuis les prêtres de la justice
jusqu'à ceux qui gardent les avenues du temple »148(*).
Dans leur sacerdoce, les « prêtres de la
justice » sont soumis à une certaine ascèse: le
principe de l'austérité du magistrat est récurrent et tend
à faire croire que la réalité n'est pas si
éloigné du principe édicté. Pour le procureur
général Gaultier, l'austérité est même la
seule marque de notabilité qui doit rendre fier le magistrat. La seule
quête de justice vaut bien alors un chemin de croix :
« Les études de l'homme public sont longues
et ardues ; elles embrassent à divers degrés les lois, les
institutions, les principes mêmes de l'ordre social, c'est à dire
les sujets les plus sérieux qui puissent appeler nos médiations,
et chaque pas qu'il fait lui en présente des applications
nécessaires [...]. Une vie laborieuse, l'assujettissement, de
pénibles luttes, et trop souvent des injustices et des
dégoûts, voilà donc, Messieurs, ce qui l'attend dans sa
carrière ! Le courage, la modération, l'oubli de ses
intérêts et de ses sentiments personnels, voilà quelles
sont les vertus qui lui sont commandées [...]. Dans cette
austérité même résident leur élévation
et leur noblesse »149(*).
Ne déshonorant pas son nom de famille, le procureur
général Moyne qui se retrouve un peu délaissé
après l'affaire Aroux et Tranchard (voir infra), n'a pas de mal
à prôner le principe d'isolement ; mais quant à celui
de confraternité, il semble un peu moins crédible :
« Sévère pour lui-même, il doit
éviter les actions qui, prises en mauvaise part, pourraient
paraître équivoques ; sa conduite doit être
austère, il doit éviter les occasions d'une trop grande
dissipation ; l'homme léger simulerait difficilement la
gravité [...]. Se renfermer dans le cercle étroit d'un petit
nombre d'amis, donner à ses habitudes un caractère de
bienséance et de dignité, vivre dans des sentiments de
confraternité avec ses collègues ; car l'isolement absolu
engendre l'égoïsme, et est contraire à l'esprit qui doit
nous animer »150(*).
Finalement, la nécessité d'une vie privée
sans débordements est justifiée par Antoine Blanche en des termes
moins passionnés et plus rationnels. L'avocat général
résume : « C'est dans une vie calme et recueillie que le
magistrat trouvera le loisir nécessaire pour sonder les profondeurs de
la science et en préparer l'application »151(*).
Débarrassé de la toge du propagandiste, le
parquetier général est dans l'intimité du palais un membre
de la Cour comme les autres, qui certes n'oublie jamais vraiment sa mission
réquisitoriale. Si les aspects politique et juridique reviennent souvent
pour définir le magistrat du parquet, son rôle au sein de la
compagnie ou de la cité est peu abordé. L'objet de la
deuxième partie essayera donc de voir le rôle occupé par le
parquetier aussi bien dans l'organisation interne de la Cour qu'à
l'extérieur, dans ses occupations sociales.
2-/ Vie de la Cour et temps extra-
judiciaire : de la participation active à l'attention apparente du
parquet.
2-1 : Un rôle de
surveillant dans les affaires internes.
2-1-1 : Impressions et
annonces judiciaires : une vue du parquet sur les parutions judiciaires.
A l'image du ministre de la Justice chargé d'assurer,
au plan national, la publication des lois, le procureur général
de Rouen doit veiller pareillement à rendre compte des décisions
et des communiqués judiciaires, pris à l'intérieur de son
ressort.
En novembre 1831, le procureur général Thil est
missionné par le garde des Sceaux pour superviser une étude de
marché entre différents imprimeurs de Rouen : le but de
l'opération est d'établir la concurrence entre les imprimeurs et
ainsi de faire baisser les prix. Le procureur général fait
insérer « dans trois journaux de la ville un avis qui invitait
les imprimeurs qui seraient dans l'intention d'entreprendre ces impressions
à faire leurs soumissions »152(*). Le procureur général, s'il
représente la société, doit garantir la publicité
des procès et des décisions judiciaires et les porter à la
connaissance de la collectivité : par exemple, en matière
pénale, les décisions des cours d'appel et d'assises
entraînent parfois la publicité des peines, soit par la voie
d'affiches collées dans tout le département, soit par la voie de
presse, où les jugements sont insérés dans
différents journaux locaux, voire nationaux pour les affaires
importantes (voir supra : affaire Barbet). Le marché
qu'ouvre la justice, pour l'impression, est vaste : il est à noter
d'ailleurs que les discours de rentrée prononcés par les
parquetiers généraux sont tous publiés par l'imprimeur de
la Cour153(*). A la
suite de la prospection dirigée par le procureur général
Thil, la Cour décide de retenir l'imprimeur François Marie, ce
dernier proposant des prix d'impression inférieurs d'un tiers sur son
confrère Frédéric Baudry. La sélection de
l'imprimeur Marie n'est pas qu'un choix économique, mais est surtout un
choix politique : Frédéric Baudry, « notable
maçonnique »154(*), est écarté car il est l'imprimeur du
journal de gauche, le Journal de Rouen alors que François Marie
est, selon Jean-Pierre Chaline, un imprimeur de droite155(*). Dans son
intérêt et dans celui de la continuité de la Justice, la
Cour préfère privilégier un conservateur, favorable aux
idées du gouvernement, plutôt que cautionner les activités
d'un opposant politique.
En 1841, un autre procureur général,
Jacques-André Mesnard, va s'attirer les foudres du Journal de
Rouen156(*) : le
procureur général demande l'application de la loi du 2 juin 1841
qui institue que dorénavant doit être désigné qu'un
seul journal par arrondissement pour rendre compte des annonces
judiciaires157(*). Les
annonces des procès, les comptes rendus des affaires judiciaires, les
mises en vente ou en location et, en général, les nouvelles du
monde judiciaire (voir infra l'affaire Aroux et Tranchard) occupent
une part non négligeable dans les colonnes des journaux, prouvant que
nombreux sont les lecteurs intéressés par ce genre
d'informations. La suppression des annonces judiciaires signifie pour le
Journal de Rouen une fuite possible d'une partie du lectorat vers le
journal officiel pour les annonces judiciaires : Le Mémorial de
Rouen journal gouvernemental « patronné »
par le maire de Rouen Henry Barbet158(*). Pour le Journal de Rouen, l'affaire des
annonces judiciaires est « un coup d'état
politique »159(*).
Le droit de regard s'exerce jusque dans les rayons de la
librairie de la Cour où les parquetiers-bibliothécaires
continuent de contrôler les lectures du personnel judiciaire.
2-1-2 : La
bibliothèque du palais : les parquetiers à l'étude.
La charge de magistrat suppose naturellement un temps
important pour l'étude : les dossiers judiciaires impliquent une
nécessaire attention et demandent souvent des prospections importantes
dans les archives judiciaires. La bibliothèque du palais de justice
apparaît donc comme le lieu évident, aussi bien, pour la
préparation des discours de rentrée, ou des interventions lors
des délibérations de la Cour que pour l'élaboration des
travaux d'érudition ou de recherche judiciaire personnels.
A Rouen, le procureur général a une implication
dans la sélection des ouvrages à acquérir : il est
membre permanent d'une commission de cinq membres, chargée
d'établir une liste de livres à commander. Disposant en moyenne
d'une somme de cinquante francs, la commission et le procureur
général ont naturellement un pouvoir important dans le
contrôle des publications achetées160(*). Participant à
l'organisation de cette bibliothèque commune, la commission est parfois
obligée de rappeler à l'ordre certains : ainsi le premier avocat
général Gustave Rouland, en l'absence du procureur
général, et les quatre autres commissaires (dont l'ancien premier
avocat général, le conseiller Gesbert) veulent mettre un terme
aux dysfonctionnements de la bibliothèque, notamment en ce qui concerne
la question de l'emprunt des livres. Le 9 juin 1842, la commission
dénonce « l'abus qui s'est introduit dans l'emport des livres
appartenant à la bibliothèque de la cour, livres que plusieurs
empruntent sans laisser une note, et retiennent très longtemps chez eux,
sans qu'il soit possible de savoir à qui s'adresser pour les
réclamer, et en faire effectuer le rétablissement dans la
bibliothèque »161(*). Pour remédier au problème, les
commissaires décident de mettre en place un registre, à quatre
colonnes, placé sur la table de la bibliothèque, où
l'emprunteur doit apposer son nom, le titre du livre emprunté, la date
de son retour et enfin la date du jour où il a remis l'ouvrage162(*).
La bibliothèque permet, outre la consultation
d'ouvrages, l'accès à la presse. La Cour est abonné
à divers journaux, en général, des papiers aux tendances
politiques dans l'air du temps : le 10 novembre 1830, la Cour
décide de cesser son abonnement au Constitutionnel pour Le
Temps, mais les deux journaux sont de centre-gauche163(*). En revanche, quelques jours
avant la Révolution de Février 1848, la Cour décide de
résilier son abonnement au journal Le Siècle, quotidien
de la gauche dynastique. Les deux commissaires-inspecteurs, dont Pierre Mary,
l'ancien substitut du procureur général devenu depuis peu
conseiller, estimant que « l'opinion du journal Le
Siècle était déjà représentée ou
à peu près, par l'un des journaux, qui se lisent à la
bibliothèque », décident de « supprimer cet
abonnement sans causer de préjudice aux lecteurs »164(*). Des membres de la compagnie
protestent mais finalement, la commission dont le premier avocat
général Joseph Chassan, confirme la résiliation.
Considéré comme l'un des grands jurisconsultes de son
temps165(*), Alfred
Daviel est un spécialiste, entre autres, des questions hydriques.
Redevenu avocat après sa démission, Daviel laisse une bonne
impression à la Cour : le 15 mars 1837, la Cour le remercie d'avoir
offert à la compagnie sa dernière publication :
Traité de la législation et de la pratique des cours
d'eau. Ce geste de Me Daviel ainsi que le remerciement de la
Cour lors des délibérations sont rares et formulent une
reconnaissance réciproque, située au-delà des conflits
passés car, en général, les membres de la Cour
distribuent plus souvent des mauvais points que des bons.
2-1-3 : Le Conseil de
discipline ou le ministère public converti en accusateur interne.
A-L'affaire D'Avannes et
Avril : la traque des légitimistes infiltrés.
Quand un officier ministériel ou un magistrat commet
une faute professionnelle, il peut être poursuivi devant la chambre de
discipline. L'action disciplinaire, peut être aussi décidée
contre celui qui s `est rendu coupable d'actes en contradiction avec la
dignité ou l'honneur. Les 6 et 7 février 1833 est cité,
devant la chambre du conseil, le vice-président du tribunal civil
d'Evreux D'Avannes. Le premier avocat général Alfred Daviel (en
présence également de l'avocat général Gesbert et
du substitut Mary) prononce un réquisitoire et retient deux chefs
d'inculpation contre D'Avannes : le premier reproche est que le
fonctionnaire public, lié par le serment du 31 août 1830, a en
tant que magistrat, participé à une souscription ouverte par
la gazette de Normandie pour couvrir l'amende de son gérant
Edouard Joseph Walsh (voir supra : deuxième affaire de
la gazette de Normandie). Rendu coupable, par la Cour d'assises de la
Seine-Inférieure, d'excitation à la haine et au mépris du
gouvernement du roi, le gérant est condamné à six mois de
prison et 5000 francs d'amende (voir supra). Le second chef
d'inculpation est plus traditionnel : D'Avannes s'est emballé
devant une assemblée du tribunal civil d'Evreux contre son chef de
compagnie, après avoir été averti par ce dernier.
« Le procureur général conclut, pour
le roi, à ce qu'il plaise à la Cour [...] ordonne que M.
D'Avannes sera et demeurera suspendu, pendant six mois, de ses fonctions de
vice-président du tribunal civil d'Evreux, avec privation de traitement
et le condamner aux dépens »166(*).
La raison principale de l'accusation est une raison
politique : ce qui est reproché à D'Avannes, ce sont ses
attaches avec un journal d'opposition légitimiste qui a
été poursuivi par le même membre du parquet, Alfred Daviel,
le 19 novembre 1832. Il est singulier de voir que le procureur
général Moyne n'intervient pas lui-même au conseil de
discipline dans une affaire qui va pourtant occuper la Cour pendant une
semaine. Alfred Daviel poursuit les légitimistes et le procureur
général Moyne préfère s'en prendre aux
républicains. Le partage des tâches est loin d'être un
compromis mais plutôt un duel entre deux hommes sur le champ du
ministère public avec pour armes, le droit de poursuites.
La décision de la Cour du 9 février 1833
précise que D'Avannes est un « affilié » de
la gazette de Normandie, et qu'il a apporté sa souscription de
5 francs, après que soient publiées les listes de souscription
déjà presque remplies. Si D'Avannes a souscrit, ce n'est
« qu'à titre d'amitié et de bienfaisance, envers la
partie condamnée »167(*). Cette souscription est un procédé qui
n'est pas « admissible ». D'Avannes aurait
« dû voir dans la souscription proposée, ce que tout le
monde y a vu, l'oeuvre d'un parti qui protège ouvertement les actes de
ses adhérents, tendant au renversement du trône et des lois
constitutives de l'Etat »168(*). La Cour tempère cependant la peine requise
par le premier avocat général : Alfred Daviel avait
demandé la peine maximum : la suspension provisoire. Finalement, la
Cour choisit une peine intermédiaire : la censure avec
réprimande, c'est à dire la suspension d'un mois de
traitement169(*) (aucune
sanction n'a été retenue contre D'Avannes, quant au
deuxième chef d'inculpation, au sujet des débordements au
tribunal civil d'Evreux). Le 12 février 1833, la chasse aux
sorcières continue : le juge suppléant au tribunal d'Evreux,
M. Avril, est mis en cause par le doyen des présidents Eude
pour les mêmes raisons que D'Avannes, sur un réquisitoire du
parquet du 7 janvier 1833 (dont la paternité et le contenu ne sont pas
vérifiables170(*)). La souscription pour le gérant de la
gazette de Normandie est considérée comme « un acte
évidemment conçu et exécuté dans la vue d'amortir
l'effet des dites condamnations et de les détourner de leur but morale
et politique »171(*). Mais le 22 février 1833, M. Avril
échappe finalement à l'avertissement normalement prévu. Le
président Eude ne lui adresse qu'une lettre de rappel.
Les comparutions de D'Avannes et Avril devant le conseil de
discipline traduisent bien l'étendue des affaires de presse qui sont
aussi des affaires politiques, impliquant les sensibilités d'opinion des
magistrats. En 1835, l'événement disciplinaire concernant les
avocats de Rouen revêt, elle aussi, une dimension politique
républicaine cette fois mais avec une résonance
nationale sans commune mesure.
B-L'affaire des avocats de Rouen
ou comment lutter contre « l'anarchie en robes de
palais ? »172(*).
L'affaire des avocats de Rouen, qui commence en avril 1835,
fait suite au mouvement insurrectionnel lyonnais et parisien d'avril 1834, qui
se solde par l'arrestation de nombreux républicains et la condamnation
de la Société des Droits de l'homme (voir supra),
responsable de la mobilisation. Conformément à une ordonnance du
15 avril 1834, les accusés d'avril sont traduits devant la Cour des
Pairs, pour un « procès monstre », où doivent
défiler plus de 2000 inculpés et 4000 témoins173(*). Devant la volonté
affichée des accusés d'appeler pour leurs défenses des
amis politiques et ainsi de transformer le prétoire de la Cour des Pairs
en tribune républicaine, l'exécutif réagit et prend une
ordonnance, à l'origine de la fronde des avocats rouennais. L'ordonnance
du 30 mars 1835 confère au président de la Cour des Pairs, le
soin de désigner d'office les avocats du barreau de Paris aux
accusés qui voudraient prendre des avocats d'autres barreaux aux
idées républicaines. Le 6 avril 1835, le barreau de Rouen,
« avant même que le barreau de Paris, directement visé,
se soit prononcé »174(*), délibère en conseil de l'Ordre,
contre l'ordonnance et apporte son soutien à leurs confrères
parisiens. Le parquet général de Rouen répond, le 18
avril, par une citation du bâtonnier Senard devant les chambres
assemblées de la Cour d'appel. À huis-clos, dans la chambre du
Conseil, Senard comparaît, sur le réquisitoire du procureur
général du 17 avril, pour voir déclarer nulle et non
avenue la délibération de l'Ordre des avocats du 6 avril et pour
se voir appliquer des peines disciplinaires175(*). Plus de 26 avocats, dont Me Alfred
Daviel, le rédacteur de la délibération du 6
avril176(*), son
père et le doyen du collège Me Le Varlet,
viennent soutenir le bâtonnier Senard et, par une requête,
demandent à intervenir individuellement. Épaulé par le
premier avocat général Gesbert, l'avocat général
Paillart, et les substituts Leroy et Rouland, le procureur
général Moyne refuse que les avocats soient reçus parties
intervenantes et requiert contre la requête. Me Cheron,
représentant des avocats signataires de la requête,
développe « ses moyens à l'appui de la demande en
intervention, s'attachant surtout à établir que chacun des
avocats signataires [...] était individuellement intéressé
dans la cause »177(*). Le bâtonnier, le seul investi pour
défendre le barreau, fait tout de même un brillant
exposé :
« Les avocats, sachez le bien, Monsieur le Procureur
Général, ne connaissent pas ces distinctions de lieux et de
barreaux. Tous les avocats n'ont-ils pas les mêmes droits et les
mêmes devoirs ? Ne sont-ils pas soumis aux mêmes lois, aux
mêmes règlements ? Ignorez-vous la confraternité qui
les lie ? En tout temps, leur union a fait leur force et leur
dignité ; en tout temps, quand un avocat a été
frappé ou menacé d'une injustice, cette injustice a
été sentie par tous, et tous se sont levés pour la
repousser »178(*).
Peine perdue ! A 13h30, le procureur
général Moyne clôture la séance extraordinaire du 29
avril en prononçant un réquisitoire, véritable rappel
à l'ordre pour le barreau de Rouen : le procureur
général reproche à l'Ordre des avocats d'avoir
qualifié l'ordonnance du 30 mars 1835 d'illégale et
déclaré « être prêt à s'associer
à toutes les mesures qui seraient prises par l'Ordre des avocats de
Paris »179(*).
Considérant que le barreau a remis en cause la pertinence judiciaire de
la Cour des Pairs, Moyne vocifère qu'« il y a eu une haute
inconvenance à contester les pouvoirs judiciaires de la Cour des Pairs
et à la qualifier de commission politique »180(*). Pour le procureur
général, Me Senard, « en envoyant un extrait
[de la délibération de l'Ordre du barreau de Rouen du 6 avril] au
bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris [le bâtonnier] a
manqué à ses devoirs »181(*). Pour toutes ses
transgressions, Moyne demande à la Cour de déclarer
illégale la délibération du 6 avril et la réunion
de l'Ordre, ce dernier ne pouvant se réunir que pour l'élection
du conseil de discipline et du bâtonnier. Le lendemain, les débats
judiciaires continuent et c'est seulement le 4 mai que le barreau est
fixé sur son sort. Dans ses premiers attendus, la Cour formule sa
surprise au sujet des libertés prises par les avocats :
« il faudrait admettre cette nouvelle doctrine qui,
par délibération, prise en nom collectif, un barreau quelconque
pourrait, arbitrairement et sans frein possible s'élever contre les
institutions du royaume, lutter en corps contre l'autorité royale,
arguer ses ordonnances d'inconstitutionnalité, se soulever contre leur
exécution, provoquer les autres barreaux à en agir de même,
et, ainsi, faire de l'anarchie, en robes de palais »182(*).
La Cour souligne l'inconscience des frondeurs et leurs
reproche de n'avoir pas évalué les conséquences de leurs
actes : « Cela frappe tout d'abord, quand on voit les avocats du
barreau de Rouen, par leur adhésion anticipée à des
mesures dont ils ignorent la portée, se mettre à la
discrétion d'un autre barreau, sans savoir, jusqu'où cet abandon
pourra les conduire ». Surtout, la Cour ne veut pas créer un
précédent préjudiciable aux institutions du
régime : en effet, la Cour considère la
délibération du 6 avril et le soutien apporté aux avocats
parisiens comme un retour aux corporations : la Cour rappelle que l'Ordre
des avocats, supprimé comme toutes les corporations par
l'Assemblée Constituante et réapparaissant après la loi du
22 ventôse an XII, n'a pas été rétabli
« en corporation délibérante sur les affaires de
l'État »183(*). Conformément aux voeux du parquet
général, la Cour annule la délibération de l'Ordre
des avocats de Rouen car il s'« impose à la magistrature le
devoir d'anéantir un acte aussi contraire à la démarcation
des pouvoirs, qui est un des pivots de l'ordre social »184(*). Quant au bâtonnier
Senard, il est condamné à rembourser les frais
entraînés par l'affaire. En 1896, le bâtonnier Vermont du
barreau de Rouen, revenant sur l'affaire des avocats de Rouen, saisit bien le
sens de l'événement : « Il s'agissait d'un
procès politique, Senard le perdit devant la Cour, il le gagna devant
ses confrères et devant l'opinion publique »185(*). L'agitation du barreau de
Rouen n'est pas isolée : les conseils de l'Ordre de Nancy et de
Marseille contestent également l'ordonnance. Comme pour Rouen, les Cours
royales de Paris et de Nancy, mais pas celle d'Aix, condamnent les
décisions des barreaux. Le 5 avril 1841, la Cour de cassation rejette le
pourvoi contre l'arrêt du 4 mai 1835, confirmant ainsi la position des
juges de la Cour royale de Rouen186(*). Le procès des insurgés d'avril qui
s'ouvre en mai 1835 qui devait être le procès du régime
met, en réalité, un terme à l'activisme publique des
républicains.
En interne, si le parquet juge souvent sur l'étiquette
politique les contrevenants, les parquetiers, eux, sont jugés par leurs
supérieurs pour leur assiduité aux règles de l'usage et du
protocole.
2-2 : Le parquet
général en majesté.
2-2-1 : La relation
royale : un privilège d'élite.
A-Les arrivées
royales : les parquetiers aux premières loges.
Dans les registres de délibérations,
« l'érudit normand Floquet » selon les mots de
Jean-Pierre Chaline187(*) , par ailleurs greffier en chef à la Cour de
Rouen fait part des visites royales à la Cour de Rouen et donc au
parquet général. On apprend que Louis-Philippe est venu deux fois
à Rouen. Le 17 mai 1831, le procureur général Thil, le
premier avocat général Daviel, les avocats généraux
Boucly et Gesbert, les substituts Le Tendre de Tourville et Hély
d'Oissel, accompagnés de la Cour, se rendent à l'hôtel de
la préfecture pour une audience avec le roi mais aussi deux de ses fils,
Louis, duc de Nemours mais surtout Ferdinand Philippe, duc d'Orléans,
âgés respectivement de 17 ans et 21 ans. Outre le
côté très solennel, ces rencontres officielles ne sont pas
dénuées d'intérêts politiques : elles sont une
façon d'affirmer l'autorité du nouveau roi, qui a bien besoin de
soutiens, notamment de l'appui des élites dont appartiennent les membres
du parquet général. Rencontrer la famille royale, c'est aussi
mettre des visages sur une idée politique assez neuve :
l'orléanisme. La présence du jeune duc d'Orléans peut
rassurer une magistrature debout qui s `est engagée par serment et
a donc fait le pari de la branche cadette. Le 9 septembre 1833, Louis-Philippe,
accompagné cette fois de la reine des Français, se rend de
nouveau à Rouen :
« Leurs majestés [...] ont traversé
la grande galerie [de l'hôtel de la préfecture], aux cris de
« Vive le roi, vive la reine ». Leurs majestés,
entourés des jeunes princes et princesses sont allés se placer
dans un salon attenant à la grande galerie. Immédiatement, le
maître des cérémonies a appelé la Cour royale, le
premier corps qui ait été admis à saluer leurs
majestés. Cette Cour s'est avancée ayant à sa tête
M. Eude, son premier président, lequel a harangué le roi. Sa
majesté a répondu avec beaucoup de noblesse et
d'affabilité puis M. le premier président a salué le roi,
la reine, les princes et princesses, tous les membres de la Cour ont
passé en s'inclinant devant leurs majestés et les princes et
princesses de la famille royale [...]. En rentrant au palais , la compagnie a
appris avec satisfaction que M. Eude, son premier président, M.
Aroux188(*), son doyen
des présidents, M. Moyne, procureur général allaient avoir
l'honneur de dîner ce jour, avec leurs majestés et la famille
royale »189(*).
Cette visite royale arrive un mois après les affaires
qui ont bouleversé le monde judiciaire rouennais : l'affaire Aroux et
Tranchard, suivie de la démission d'Alfred Daviel. Ce dernier n'est
toujours pas remplacé le 9 septembre. L'invitation de M.
Moyne au dîner royal est loin d'être un désaveu de
l'attitude du procureur général. Cette mention, au moment
où les tensions sont plus que vives entre le barreau et la magistrature,
est une marque de confiance non négligeable de la part de
l'autorité royale.
Le mardi 1er août 1837, le duc
d'Orléans revient à Rouen, accompagné de sa jeune
épouse Hélène de Mecklembourg, devenue duchesse
d'Orléans depuis le 30 mai 1837. Le procureur général
Mesnard, le premier avocat général Gesbert, les avocats
généraux Le Tendre de Tourville et Paillart, les substituts
Rouland et Justin, accueillent le couple à la préfecture. M.
Mesnard qui, la veille « présenté à leurs
altesses royales par M. le préfet, leur avait offert en peu de mots,
l'expression de son respect et de son dévouement »190(*), est nommé par le
premier président pour faire partie d'une députation en charge de
faire visiter le palais de justice à leurs altesses royales. Pour la
circonstance, le greffier Floquet fouille les archives du palais et retrouve
une « plaidoirie bouffonne » du fou du roi Brusquet
datée du 8 octobre 1550 et prononcée devant la reine de France
Catherine de Médicis, Marie de Guise, reine d'Ecosse, Diane de Poitiers
entre autres. Presque trois cents ans plus tard, la bouffonnerie marche encore.
Floquet note : « Cette lecture a excité l'hilarité
de leurs altesses royales et des personnes qui les accompagnaient ».
C'est peut-être la seule fois où l'on a pu entendre le procureur
général rire dans une salle prévue plutôt pour de
sérieux procès d'assises.
L'inauguration de la ligne de chemin de fer Rouen-Paris, le 3
mai 1843191(*), permet
au parquet général (le procureur général Gaultier,
le premier avocat général Rouland, les avocats
généraux Dufaure de Montfort et Chassan, les substituts Blanche
et Baillehache) d'accueillir au débarcadère de la rive gauche le
duc de Nemours et son frère cadet, Antoine, duc de Montpensier.
L'assemblée, placée dans une tribune couverte, outre d'assister
à la bénédiction du chemin de fer par le cardinal Prince
de Croÿ, assiste à la plus grande révolution des transports
et de la communication du XIXe siècle.
En dehors de ces cérémonies d'allégresse
et lorsque le roi traverse des moments importants, les magistrats ne tardent
pas pour apporter à l'autorité royale leurs témoignages
d'estime.
B-Adresses à
Louis-Philippe : communications directes avec l'autorité royale.
Outre participer à un certain nombre de
décisions concernant le fonctionnement intérieur, les magistrats
du parquet, au sein de la Cour, ont voix délibérative à
propos des adresses destinées au roi pour lui témoigner de leurs
soutiens lors des grands tournants ou des épreuves du régime. Le
8 septembre 1830, le procureur général Thil est
désigné pour faire partie d'une députation chargée
de présenter au roi une adresse d'adhésion, où la Cour
reconnaît officiellement le régime de Louis-Philippe :
« Déliés par un éclatant
parjure, c'est avec bonheur que nous avons vu les députés de la
France renouveler avec vous le Pacte sacré des droits et des devoirs,
et, acceptant pour caution de votre attachement au pays et à ses
libertés, votre vie toute entière, nous sommes rassurés,
désormais, sur les destinées de la patrie. Daignez, Sire,
agréer avec bienveillance les respectueux hommages de votre Cour royale
de Rouen »192(*).
Les adresses sont surtout l'occasion pour les magistrats de se
montrer présents lors des événements qui ont une incidence
directe sur la vie personnelle du roi : ainsi, le 26 août 1838, le
procureur général Mesnard décide avec le premier
président de rédiger une adresse pour célébrer la
naissance de Louis-Philippe d'Orléans, comte de Paris (après
avoir assisté à un Te Deum donné en son honneur), adresse
qu'ils soumettent, ensuite, au vote de la Cour :
« Là, réunie en assemblée
générale, à huis-clos, la Cour a voté
spontanément une adresse au roi, expression de la joie dont l'a
pénétrée la naissance de son altesse royale, le comte de
Paris ; cette adresse a été immédiatement
envoyée à M. le garde des Sceaux, avec une lettre écrite
par M. le premier président à ce ministre, pour le prier de
vouloir bien mettre l'adresse de la Cour sous les yeux de sa
majesté »193(*).
Présents lors des moments d'exaltation, les membres de
la Cour le sont, surtout, lorsque les circonstances sont plus douloureuses.
C'est le cas le 14 juillet 1842 lorsque la Cour apprend la mort accidentelle du
fils aîné du roi, le du duc d'Orléans. Comme souvent une
commission (de trois membres dont le conseiller de Tourville) est nommée
par le premier président pour rédiger l'adresse. A cette
commission s'est adjoint un représentant du parquet : le premier
avocat général Gustave Rouland est le parquetier
désigné, le procureur général Gaultier étant
absent :
« au milieu du deuil universel, quoique notre
pensée se reporte sur les fils qui vous restent sujets de consolation
pour vous, Sire, pour notre reine bien aimée, gages, pour nous, d'un
indestructible avenir, la douleur plus forte en ce jour que l'espérance
ne nous permet devant des infortunes si inouïes, que des larmes et une
association intime et sans réserve, à vos angoisses de monarque
et de père »194(*).
L'essentiel des autres adresses témoigne d'un
phénomène propre au régime de Louis-Philippe : les
attentats. Les nombreux attentats intentant à la vie du roi suscitent,
en effet, des réactions immédiates et unanimes de la Cour. Ces
attentats, pour déstabiliser les bases du régime, sont autant
d'occasions pour les magistrats de présenter des signes
répétés d'adhésion au gouvernement. Les adresses se
succèdent dans un style compatissant à l'extrême195(*) et, qui, du fait de la
répétition même, a posteriori, prêtes
à sourire : par exemple, en juin 1836, « Sire, encore un horrible
attentat contre les jours de votre majesté ! »196(*), en décembre 1836
« Le crime ne se lasse pas : un nouvel attentat vient
d'épouvanter la France. Sire, on dirait qu'il est des existences grandes
et prédestinées qui émoussent le poignard et
détournent la balle »197(*), ou encore en avril 1846 : « [ce
crime] vient du moins de présenter une pensée consolante, c'est
que la providence qui vous protège est encore plus
persévérante que la perversité qui vous poursuit
»198(*),
etc.
Les adresses au roi, que les parquetiers
généraux élaborent en partie, relèvent plus de
convenance et des règles du protocole de la Cour que d'une réelle
spontanéité. Toutefois, si ces correspondances sont très
formelles, elles permettent aux magistrats de la Cour de faire corps avec le
pouvoir en place. A l'extérieur du palais de justice, l'union de tous
les magistrats prend souvent forme autour de la conviction spirituelle, lors de
cultes religieux ou nationaux.
2-2-2 : Les
démonstrations d'attachement à l'Église et aux nouveaux
cultes.
A-L'Église : cadre
privilégié pour les solennités religieuses et civiles.
La religion catholique, religion « professée
par la majorité des Français » comme le mentionne
l'article 6 de la Charte de 1830199(*), est celle également de la majorité
des magistrats au XIXe siècle200(*). Le palais de justice,
souvent comparé à un sanctuaire inviolable (voir infra),
n'est pourtant pas le seul lieu de culte des magistrats : la
cathédrale de Rouen apparaît comme le lieu de toutes les
cérémonies, sauf peut-être celle de rentrée au mois
de novembre. En effet, rien ne laisse penser que la messe du Saint-Esprit,
remise au goût du jour par la Restauration201(*) et donnée à la
cathédrale, inaugure toujours, à partir de 1830, l'audience
solennelle de rentrée de la Cour de Rouen. Malgré cela, les
magistrats du parquet et de la Cour participent à bien d'autres messes
dites « rouges »202(*), surnom donné à cause de la robe
rouge, véritable tenue de cérémonie, que les magistrats
portent lors des grandes solennités. Le parquet général,
comme les autres membres de la Cour, se déplacent, du palais de justice
à la cathédrale, souvent à pied mais surtout en corps.
C'est d'ailleurs là une des pierres d'achoppement qui opposent, en 1833,
le procureur général Moyne et son procureur du Roi de Rouen
Aroux, ce dernier voulant que l'on convoque aux diverses
cérémonies non des corps mais des citoyens (voir infra).
Paradoxalement libres de leurs opinions religieuses, les parquetiers,
catholiques ou non, pratiquants ou non, sont officiellement sollicités
au sein du corps qu'ils représentent, pour participer à des
rituels imposés.
Si le procureur Aroux craint la réapparition d'une
religion d'État, il est certain que s'organise très rapidement un
« culte d'État » qui honore Louis-Philippe et les
Trois Glorieuses : le 1er mai, jour de la saint Philippe, est
l'occasion d'une fête nationale dédiée à
Louis-Philippe. Le 1er mai 1831, le procureur général
Thil, les avocats généraux Boucly et Gesbert ainsi que le
substitut de Tourville, se rendent à la cathédrale pour entendre
« une messe solennelle en musique [...] célébrée
à l'occasion de la fête de Sa Majesté et à laquelle
a assisté Monseigneur le cardinal Prince de Croÿ, archevêque
de Rouen »203(*). Jean-Pierre Chaline prend l'exemple de cette
fête pour illustrer le retour, de la part de la magistrature, d'un
certain bigotisme intéressé :
« Très vite, opportunisme politique et souci
de carrière ramenèrent au pied des autels fonctionnaires et
magistrats, libéraux nommés de la veille, lors des messes de la
Saint Philippe. «Tel qui ne croit pas un mot des dogmes catholiques
n'avait pas moins endossé la robe rouge ou l'habit brodé pour
venir faire acte de catholicisme», enrage le Journal de Rouen
[numéro des 1er et 2 mai 1831] »204(*).
Le 16 juillet 1831, le procureur général est
chargé par le garde des Sceaux d'instituer une nouvelle fête
nationale et pour cela de requérir que les audiences et travaux
judiciaires soient suspendus pendant les 27, 28 et 29 juillet,
« jours où des fêtes seront
célébrées, en mémoire des trois journées de
1830 »205(*).
Le 27 juillet 1831, le parquet général assiste à un
« service funèbre pour le repos de l'âme des citoyens
morts dans le sein de l'Église les 27, 28 et 29 juillet
1830 »206(*).
Sortant de la cathédrale, les magistrats participent à des
célébrations plus civiles cette fois : ils se rendent
à l'hôtel de ville où sur la place est élevé
« un obélisque funéraire élevé à
la mémoire des citoyens morts pour la patrie » et voient
défiler la Garde nationale, accompagnée de la troupe de
ligne207(*).
Les grands moments de la vie nationale sont très
souvent ponctués par des Te Deum à la cathédrale
pour les victimes d'attentat208(*) ou les naissances royales comme celle du comte de
Paris209(*), ainsi que
des services funèbres organisés pour, par exemple, la mort du duc
d'Orléans210(*)
ou de la soeur du roi, Mme Adélaïde211(*), etc. Pour les
obsèques plus courantes des présidents ou conseillers de la Cour,
le parquet général envoie généralement un ou
plusieurs de ses représentants, mais ne se déplace jamais en
corps. Pour les parquetiers, l'assistance à ces cérémonies
religieuses ou nationales fait partie intégrante du protocole judiciaire
et vouloir se soustraire à ces actes publics (plus qu'« actes
de catholicité ») constitue une faute
caractérisée, susceptible d'avoir des incidences majeures sur la
carrière du magistrat rebelle (voir infra l'affaire Aroux et
Tranchard). Quant au retour des cendres de Napoléon en 1840, la
manifestation semble plus prompte à établir un consensus national
indiscutable.
B-Le retour des cendres de
Napoléon Ier : une cérémonie en grande pompe.
« Dors, nous t'irons chercher ! Ce jour viendra
peut-être !
Car nous t'avons pour dieu sans t'avoir eu pour
maître !
Car notre oeil s'est mouillé de ton destin fatal,
Et, sous les trois couleurs comme sous l'oriflamme,
Nous ne nous pendons pas à cette corde infâme
Qui t'arrache à ton piédestal ! »
Victor Hugo (À la colonne, in Les
chants du crépuscule)212(*)
A la différence de l'inauguration de l'Arc de Triomphe
du 29 juillet 1836 qui se fait dans une relative discrétion213(*), le retour des cendres de
l'Empereur Napoléon Ier est
orchestré de manière plus bruyante. Après une
période de méfiance (justifiée notamment par les
tentatives échouées de Louis-Napoléon Bonaparte de
soulèvement de la garnison de Strasbourg, le 30 octobre 1836 puis du
débarquement à Boulogne le 6 août 1840), le régime
orléaniste veut tirer profit d'une vague nationale de dévotion
impériale. Après des pourparlers avec la reine Victoria, Adolphe
Thiers, président du Conseil et ministre des Affaires
étrangères, obtient, en mai 1840, la restitution des restes
mortels de l'empereur. Après une longue traversée depuis
Sainte-Hélène et avant de reposer sous le dôme des
Invalides, les cendres de Napoléon doivent, officiellement, passer par
Rouen. Averti par le préfet du département, la Cour royale, en
présence du procureur général Mesnard, « voulant
s'associer aux honneurs éclatants décernés par le
Gouvernement à la mémoire de l'Empereur », annonce, le
7 décembre 1840, qu'elle se rendra en corps au port de Rouen pour
assister à l'office funèbre du 10 décembre214(*). Les déclarations
publiques sont dithyrambiques : dans une proclamation aux habitants de la
Seine-Inférieure, le préfet déclare :
« Aucun événement, dans l'histoire, ne se
présente peut-être avec le caractère de grandeur qui
accompagne la translation inespérée des restes mortels de
l'Empereur Napoléon »215(*). Le mardi 8 décembre, Henry Barbet, maire de
Rouen, surenchérie : « Après vingt-cinq ans d'exil
sur la terre étrangère, Napoléon nous est enfin rendu
[...]. Quelques instants seulement nous sont donnés pour saluer le
cercueil du héros qui sut faire respecter le nom français dans le
monde entier [...]. Associons-nous avec un religieux recueillement aux
triomphales funérailles que lui réserve la cité où
sa gloire et son génie sont empreints d'une grandeur
immortelle »216(*). Comme prévu ; le jeudi 10
décembre 1840, à huit heures et demie, le parquet
général, (le procureur général Mesnard, le premier
avocat général Rouland, l'avocat général Dufaure de
Montfort, les substituts Justin et Blanche ; seul est absent l'avocat
général Chassan), habillé de robes rouges, quitte le
palais de justice en voitures, escorté par celles des
huissiers-audienciers et un détachement de gendarmerie à cheval,
traverse les rues Saint-Lô, Ganterie, la place Saint-Ouen, la rue
Malpalu, le pont de pierre, pour arriver quai Saint-Sever217(*). Là, ils sont
introduits, avec la Cour, dans une tribune couverte, située sur les
quais inférieurs. Sous cette tente richement décorée, le
parquet général se trouve en compagnie des plus hautes
autorités de la ville et du département :
« l'archevêque de Rouen à la tête de tout le
clergé de [la] ville et des élèves du séminaire,
l'état-major de la division, le préfet avec tout son personnel
administratif, le maire de Rouen et le conseil municipal » mais aussi
« le tribunal de première instance, l'ordre des avocats, les
avoués de première instance et d'appel, les tribunaux de commerce
de Rouen et d'Elbeuf, le conseil des prud'hommes, tout le corps universitaire,
toutes les administrations et toutes les sociétés
savantes »218(*). Tandis que les épouses sont
cantonnées sur les côtés de la tente officielle, la foule
immense, elle, envahit les berges de la rive gauche et de la rive droite,
certains regardent de leurs fenêtres et d'autres montent même sur
les toits219(*). Le
Journal de Rouen, ébahi devant un tel rassemblement,
écrit : « Non, jamais pareille influence ne
s'était peut-être vue dans cette partie de Rouen à aucune
époque de son histoire »220(*). Après quelques heures d'attente, le bateau
à vapeur la dorade n° 3, entre à onze heures du
matin dans le port de Rouen. Le cercueil, à l'avant de l'embarcation,
est « recouvert d'un drap de velours violet semé d'abeilles,
et surmonté de la couronne impériale que [recouvre] un
crêpe »221(*). À bord, sont là, notamment, le prince
de Joinville, fils de Louis-Philippe et les fidèles de Longwood, les
généraux Bertrand et Gourgaud ainsi que l'ancien valet de chambre
Marchand, qui étaient chargés, depuis
Sainte-Hélène, de ramener sur la frégate la Belle
Poule, les cendres de Napoléon. L'embarcation arrive finalement
jusqu'à la tribune officielle où le cardinal Prince de Croÿ
fait l'absoute du bateau-catafalque. Après les encensements
procédés par l'abbé Coquereau, aumônier du la
Belle Poule, un canot d'officiers vient saluer les autorités.
Restés à bord, le prince de Joinville et les autres officiels
saluent l'assemblée222(*), avant que le bateau-catafalque ne parte vers Paris
sous les seules acclamations des vétérans de l'Empire et des
élèves du Collège royal223(*). Le Journal de Rouen explique le silence de
certains et des officiels notamment : « L'âme était
resserrée, les regards étaient humides, les bouches
étaient muettes ! Que dire ? Quelles exclamations
proférer devant ce fait, qui disait à la fois toute la grandeur
et tout le néant de notre humanité ? »224(*). Le parquet
général, parmi d'autres, assiste à un grand moment de
l'histoire de la ville de Rouen. Les magistrats du parquet sont les
témoins officiels de ce retour triomphal qui est à mettre
à l'actif du règne de Louis-Philippe. Mais en rapportant les
restes mortels de Napoléon, le régime orléaniste rapproche
lui-même l'ombre impérial et enclenche, dès lors, sa propre
éclipse.
Auparavant, les magistrats du parquet profitent de leurs
situations pour vivre une parfaite vie de notable avec ses
préoccupations toutes particulières.
2-3 : L'appartenance
à la magistrature implique l'existence de signes extérieurs de
notabilité.
2-3-1 : La
notabilité avant la magistrature.
« On ne peut pas donner à la
propriété de meilleur défenseur que la
propriété elle-même » Adolphe Thiers225(*).
La magistrature ne fait pas la notabilité mais c'est
l'appartenance au monde des notables qui permet d'accéder à la
magistrature. Dans Les juges et le pouvoir, Gérard Masson
écrit : « la magistrature de la monarchie de Juillet
était à l'image d'un régime qui reposait sur une caste
financière. Son recrutement se faisait sur une base sociale très
étroite et l'accès aux hauts postes était
réservé aux juges les plus fortunés »226(*). Contrairement à ce
que l'on pourrait penser, la magistrature n'est pas une profession lucrative.
Les traitements des magistrats sont modiques227(*), même si un relèvement
général s'opère à partir de 1846228(*). La possession d'une fortune
préalable, facteur d'admission et d'avancement, est
obligatoire229(*). Avant
d'entrer dans la magistrature, beaucoup de parquetiers ont commencé une
carrière au barreau. Exerçant la profession libérale
d'avocat, les prétendants au parquet peuvent tous constituer un
patrimoine financier ou immobilier, susceptible d'appuyer leurs candidatures,
puis leurs promotions.
Mais souvent, la fortune, bien qu'héritée de
famille, a diverses origines : le procureur général
Frédéric Salveton, est issu d'une ancienne famille de robe ce qui
facilite, financièrement et notoirement, l'entrée dans la
magistrature. Habitant le Puy-de- Dôme et comme la plupart des notables
ruraux, Salveton est un propriétaire foncier, qui tire sa fortune de la
terre230(*). Le
procureur général Moyne, également, est un notable de la
campagne, qui possède des vignobles de vins de Champagne, dans la
région de Châlons-sur-Marne231(*). La richesse peut être aussi urbaine : le
substitut du procureur général Jean-Baptiste Pinel vient d'une
grande famille rouennaise qui a fait fortune dans l'industrie cotonnière
et qui s'en est éloignée, pour rejoindre, plus convenablement, la
haute bourgeoisie232(*).
Quant à l'avocat général Antoine Blanche, il brise comme
son frère Armand, avocat, la brillante hérédité
médicale, pour entrer au parquet général233(*). La noblesse conserve aussi
un rang de notabilité indéniable et privilégiée
dans la magistrature. La présence au parquet général de
l'ancienne noblesse -- avec Jean-Marie Gesbert de la Noë-Seiche, Alexandre
Le Tendre de Tourville, Dufaure de Montfort et Alphonse de Baillehache -- et de
la plus récente noblesse d'Empire -- avec Hély d'Oissel -- prouve
l'influence encore grande, des uns et des autres, sur le monde judiciaire
rouennais : la Révolution de Juillet passée, Gesbert de la
Noë-Seiche ne se prive pas d'ailleurs pour rouvrir son salon en 1832,
où il réunit et réconforte les légitimistes
nostalgiques234(*).
A la Cour, l'Ordre de la Légion d'honneur -- sans avoir
installer une nouvelle noblesse -- distingue l'importance du magistrat et sa
notabilité. La Légion d'honneur -- seul insigne officiel
porté au palais -- a le mérite sous la monarchie de Juillet
d'unir tous les magistrats dans un cadre institutionnel et d'établir une
concurrence plus sociale que politique. Mis à part Alfred Daviel, seul
décoré de Juillet, les autres parquetiers gravissent un à
un les grades de la décoration, mais conquièrent les sommets de
l'Ordre, seulement, en fin de carrière et non lorsqu'ils sont au parquet
général.
La distinction fait l'élite et être
académicien est un privilège de plus que les parquetiers
généraux ne rechignent pas à obtenir pour se
différencier de leurs collègues.
2-3-2 :
L'académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen : un lieu
d'épanouissement intellectuel.
L'académie des sciences, belles-lettres et arts de
Rouen reste, sous la Monarchie de Juillet, une institution intellectuelle
prisée, même si d'autres sociétés savantes comme la
société libre d'émulation pour le progrès des
sciences, des lettres et des arts lui font concurrence. Passant les
bouleversements politiques sa création remontant déjà
à 1744 , l'académie cultive une dimension surannée et
élitiste, qui ne déplaît pas à la mentalité
judiciaire du parquet.
Appréciant très souvent les lettres, le parquet
général de Rouen participe aux travaux érudits du grand
cénacle rouennais. La position, que les parquetiers acquièrent au
sein de la magistrature, leur assure une position privilégiée
dans la notabilité, et donc sont favorisés, quant aux principes
d`entrée qui reposent sur la cooptation. Leurs présences dans le
temple officiel de la culture sanctifient l'idée d'un certain
conservatisme bourgeois de la magistrature dont la motivation première
est d'être le plus près de la supériorité morale et
humaine. Le nombre restreint des élus une cinquantaine de
l'académie ajoute à la préexcellence de ceux qui son
acceptés.
A la différence du premier président, de
l'archevêque, du maire, ou encore du préfet, le procureur
général n'est pas, selon l'article 28 des statuts
délibérés en 1822 et 1823235(*), membre d'office de
l'académie. Cependant, deux procureurs généraux de Rouen
occuperont un siège à l'académie :
Jean-Baptiste-Louis Thil entre à l'académie sous la Restauration,
en tant qu'avocat brillant de la Cour de Rouen. Après la
Révolution de Juillet, Thil, devenu procureur général,
garde son siège jusqu'en 1833. Nommé conseiller à la Cour
de cassation en 1834, il est obligé de partir de Rouen pour la capitale.
Il devient pour l'académie de Rouen correspondant (1833), c'est à
dire que n'étant plus résidant à Rouen, il garde seulement
le titre d'académicien et ne participe que de façon très
limitée (par voie épistolaire) aux travaux académiques. Le
second procureur général à avoir été
académicien est Alexandre-Félix-René Gaultier, qui entre
le 14 janvier 1842, soit plus d'un an après son arrivée en
novembre 1841. Remplacé le 24 mai 1844 par le procureur
général Salveton, Gaultier devient correspondant à cette
date, Rouen n'étant qu'une étape dans son parcours judiciaire.
Pierre-Aubin Paillart, avocat général à Rouen depuis 1833,
n'est reçu à l'académie que le 16 janvier 1835. Il y reste
cinq ans et occupe les fonctions honorifiques de vice-président
(1836-1837) puis président (1837-1838) du bureau de l'académie.
Il devient, après sa nomination de procureur général
à Nancy, correspondant en 1840. Né marseillais, l'avocat
général Joseph-Pierre Chassan, , trouve en Rouen, une terre
d'élection et cultive, officiellement, jusque dans son travail de
jurisconsulte, un amour des lettres et de la poésie (Traité
des délits et contraventions de la parole, de l'écriture et de la
presse (1846) en deux volumes, Essai sur la symbolique du droit
(1847)) . Il entre à l'académie le 1er juillet 1842,
est vice-président (1844-1845), président (1845-1846) du bureau
et demeure académicien-résidant à Rouen, jusqu'à sa
mort en 1871. L'ancien substitut du procureur général, Narcisse
Leroy, devenu conseiller à la Cour royale de Rouen entre, le 15 janvier
1841, comme académicien-résidant, puis devient, le 27 janvier
1843, secrétaire perpétuel, dans la classe des lettres. Sous la
Seconde République, il est, également vice- président
(1850-1851) puis président (1851-1852) du bureau de l'académie.
Il faut dire que, parallèlement à la magistrature, Narcisse Leroy
s'attache à développer ses talents de dramaturge : c'est,
sans doute pour cette raison, qu'il est un des rares à avoir fait
carrière sans quitter Rouen.
Certes, les parquetiers préfèrent côtoyer
la bonne société de l'académie mais leur goût pour
l'humanisme les conduit parfois à développer une affection
philanthropique.
2-3-3 : La
société pour le patronage des jeunes libérés :
le philanthropisme parquetier à l'oeuvre.
« Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du
malfaiteur » M. Moyne236(*).
La société pour le patronage des jeunes
libérés naît de l'initiative de MM. Duhamel
et Lecointe, membres du comité cantonal gratuit pour l'instruction
primaire de Rouen. Ils proposent de mettre en place, au sein de la prison
Bicêtre de Rouen, une école d'apprentissage. Cette école
dite « d'enseignement mutuel » est fondée le 21
février 1833 et dirigée par eux. L'objectif de cette entreprise
est de faire diminuer le nombre élevé de récidives des
jeunes détenus après qu'ils aient purgé leurs peines. Ils
veulent ajouter à l'enseignement élémentaire, moral, et
religieux, « une profession utile, afin de joindre l'exemple au
précepte »237(*).
Ainsi, dès le 15 mai 1833, à la suite d'une aide
de 4000 francs du préfet de la Seine-Inférieure Dupont-Delporte,
sont construits, dans l'enceinte de la prison, des « ateliers de
cordonniers, tailleurs d'habits, tisserands, menuisiers, et
lamiers »238(*). Cette société pour le patronage des
jeunes libérés intéresse, à plusieurs titres, le
parquet général. Le procureur général en est,
semble-t-il, le président de droit : le procureur général
Moyne en a été le premier président, comme en
témoigne un discours très intéressant que nous
verrons239(*).
Jacques-André Mesnard lui a succédé comme en font foi deux
discours, de moindres valeurs, prononcés en séance
publique240(*). Rien ne
prouve que le procureur général Alexandre Gaultier a
été président de la société mais la
présidence avérée du procureur général
Frédéric Salveton241(*), de 1845 à 1848, laisse à penser qu'il
n'a pas dérogé à la règle. Les avocats
généraux participent également à l'administration
de la société : Pierre-Aubin Paillart est, en 1835, un des
six membres du conseil d'administration242(*) et a versé, au titre de souscripteur, la
somme de 15 francs. Jean-Marie-Joseph Gesbert, premier avocat
général, donne 25 francs et l'avocat général Le
Tendre de Tourville, 12 Francs243(*). Mais celui qui contribue le plus, au parquet
général, est le procureur général : le
procureur général Moyne souscrit pour un montant de 50 francs.
Après lui, viennent le premier président de la Cour Eude avec 90
francs, le maire de Rouen avec 100 francs, le préfet Dupont-Delporte
avec 50 francs enfin le duc d'Orléans et la reine des français
avec 200 francs respectivement. La liste prestigieuse des souscripteurs pour le
patronage des jeunes libérés fait voir l'intérêt que
portent les plus hautes autorités de la ville et de la France pour ce
projet.
Le parquet général et la justice
représentée à son plus haut sommet à Rouen par le
premier président se doivent de mettre tout en oeuvre pour
réussir leur double mission : ils ont à punir en cas de
faute mais aussi à s'assurer de ramener les délinquants dans le
droit chemin. Ainsi, cette participation à la vocation salvatrice de la
société pour le patronage des jeunes libérés donne
une autre image du parquet général, qui n'est plus seulement une
institution judiciaire appliquant aveuglément la loi, mais des hommes
qui pensent à sortir les plus faibles de l'ornière criminelle. Le
métier, acquis grâce au patronage, permet au jeune de s'assumer,
gagner honnêtement sa vie, de sortir de l'indigence et donc de la
délinquance. Le parquet général a tout
intérêt à soutenir cette initiative lorsque l'on
connaît le problème majeur que posent les conséquences de
la pauvreté dans les affaires de justice. C'est aussi une
réaction de notables, inquiets de voir des jeunes
désoeuvrés, animateurs potentiels de troubles ou de
débordements révolutionnaires futurs.
Excellent résumé des devoirs de la
société de patronage, le discours prononcé par le
procureur Moyne en assemblée générale dans la grande salle
de l'hôtel de ville de Rouen, en 1836, traduit bien le point de vue du
notable à la bonne conscience, qui stigmatise la pauvreté comme
un vice et les pauvres comme une classe dangereuse :
« Messieurs,
Si parmi les prisonniers, il en est qui sont corrompus et
pervers et chez lesquels les bons exemples sont inutiles ; si
ceux-là doivent rester dans cette ligne du crime qui les conduit, par
degrés, à des peines plus fortes, et qu'alors la
société soit réduite à la dure
nécessité de prendre ses sûretés pour se garantir de
leurs excès, il en est, et le nombre en est assez considérable
qui répondent aux efforts que l'on fait pour les rendre meilleurs. Le
résultat, quelque faible qu'il paraisse, est toujours fort important,
aussi rien ne doit ralentir le zèle des hommes généreux
qui consacrent leur temps à l'amélioration morale de cette classe
de la société. Sans doute, il en est beaucoup qui veulent rester
en état d'hostilité contre leurs semblables, et qui
préfèrent la vie aventureuse des vagabonds à la vie
laborieuse des pères de famille ; les soins seront infructueux,
l'habitude du mal est un besoin pour eux ; ils se plaisent dans le crime,
ils font la guerre à leurs semblables, comme si la guerre pouvait
être un droit ; ils se placent dans cette position hostile qui
devient une nécessité et qu'ils assimilent à un
devoir ; ces prisonniers conservent les mauvaises traditions des prisons,
ils sont le crime personnifié, avec tout ce qu'il traîne de hideux
à sa suite [...]. Ne croyez pas les ramener, ils aiment la vie du
malfaiteur [...]. Les jeunes détenus sont, en général, des
enfants naturels abandonnés ou des orphelins placés dans la
même position ; livrés au vagabondage, vivant de la
mendicité, ils sont entraînés dans cette voie par la
nécessité, ils y restent par habitude et par
fainéantise ; privés de leçons et de bons exemples,
ils n'ont pas la force ou la volonté d'en sortir ; ignorants, ils
sont privés des ressources que procure le travail ;
fainéants, ils chérissent la paresse [...]. Si on laisse cette
classe nombreuse suivre les routes et parcourir les cités, bientôt
on verra les crimes se multiplier et les bancs de la police correctionnelle ou
de la Cour d'assises présenter en grand nombre des enfants aux prises
avec le crime [...]. Jusque-là, Messieurs, les jeunes
libérés étaient rendus à la liberté et
abandonnés à leurs penchants bons ou mauvais : combien alors
de récidives venaient affliger leurs bienfaiteurs? Il fallait un
complément aux institutions formées dans la maison de
détention : alors vous avez fondé le patronage des jeunes
libérés ; ainsi toutes les institutions de bienfaisance sont
les anneaux d'une seule chaîne. Les salles d'asile protègent
l'enfance et lui préparent de bonnes habitudes, en même temps que
les parents sont rendus à toute la liberté que réclame le
travail. L'école et les ateliers, établis à Bicêtre,
instruisent les adolescents qui ont failli, et leur créent des
ressources par l'exercice d'une profession. L'extinction de la mendicité
dans la ville de Rouen fera cesser une des causes de beaucoup de délits.
Le patronage, enfin, les suit dans la société, leur cherche un
asile, un tuteur, leur procure des ressources pour rendre leur travail plus
productif, les couvre enfin de son autorité qui est toute morale et de
confiance »244(*).
Sorti de la société pour le patronage, le
parquet participe bien modestement aux oeuvres de charité.
2-3-4 : Charité
et souscription : une modeste prise en compte de la détresse
sociale.
Les voix délibérantes du parquet
général permettent de voter, lorsque des situations dramatiques
se présentent, des crédits exceptionnels en faveur des
nécessiteux. Pris sur les fonds de la Cour, l'argent des aides est sans
commune mesure avec la réalité du besoin et les dépenses
en matière sociale sont loin de grever le budget de la compagnie. Les
bonnes actions de la Cour ont simplement une valeur symbolique et rejoignent
les gestes de la charité chrétienne.
L'hiver est souvent la saison pour réveiller les coeurs
des magistrats : en janvier 1838, la Cour -- dont le procureur
général Mesnard, le premier avocat général Gesbert
et les avocats généraux De Tourville et Paillart -- décide
d'octroyer une somme de 1200 francs, au maire de Rouen, président des
bureaux de bienfaisance, pour « soulager » les pauvres de
la ville245(*). En 1840,
à même époque, « la Cour [dont le procureur
général Mesnard et le substitut Justin] prenant en
considération la rigueur du froid et la situation déplorable des
indigents et des ouvriers sans travail » vote, de nouveau, un
crédit mais, cette fois, donne moitié moins246(*). Il n'y a qu'en 1847 que la
Cour semble comprendre l'importance du malaise social et prend des mesures plus
adéquates et surtout plus solidaires :
« M. le président [Simonin] a rappelé
à la compagnie qu'elle a été convoquée pour
délibérer sur le point de savoir s'il n'y avait point urgence
à venir en aide au indigents de la ville, eu égard à la
cherté du pain et à la détresse dans laquelle se trouve la
classe ouvrière par suite de la stagnation et même de la fermeture
de plusieurs grands établissements industriels. Cette proposition ayant
été unanimement accueillie, la Cour a voté pour cette
destination, un secours de deux mille francs »247(*).
Outre le montant, plus conséquent que les
précédentes fois, c'est la réunion de la somme qui est
assez singulier : le parquet général, comme le reste de la
compagnie, abandonnent deux jours de traitement, soit plus de 1300
francs ; le reste de la somme étant constitué par les fonds
de la caisse particulière de la Cour. Le substitut du procureur
général Jean-Baptiste Pinel est, par ailleurs, missionné
par la Cour pour surveiller que la somme allouée va bien à la
distribution de soupes pour les indigents des paroisses de Rouen248(*).
La charité est dirigée, parfois, vers les
victimes de catastrophe, comme les inondés de Fécamp,
Étretat et Yport en 1842249(*) ou ceux de la Loire en 1846250(*). En mars 1843, le procureur
général Gaultier, le premier avocat général Rouland
et le substitut Blanche prennent même part à une souscription pour
les victimes du tremblement de terre, qui ravage la Guadeloupe et rase
Pointe-à-Pitre251(*).
Sans doute faut-il que les magistrats soient en retraite, pour
que ces derniers consacrent un peu plus de temps aux autres, à l'image
du baron Boullenger, procureur général de Rouen jusqu'à
son écartement en 1830. Considéré comme « ami et
bienfaiteur des pauvres », le philanthrope Boullenger, replié
dans sa mairie de Saint-Denis-le-Thiboult, apporte une aide notable aux malades
de la catastrophique épidémie de choléra de 1832252(*).
Mais ce dont les parquetiers ont vraiment la charge, c'est la
mise en oeuvre et la conduite de la répression pénale. Au travers
de ses missions traditionnelles, le parquet général arrange la
politique pénale, selon l'attente gouvernementale. En accord avec le
siège, le ministère public profite largement, lorsque les assises
ne sanctionnent pas, de la correctionnalisation judiciaire pour frapper plus
promptement toutes les formes d'oppositions politiques.
3/ Le parquet en procès :
une défense tous azimuts pour le triomphe de l'autorité.
3-1 : Le maintien de
l'ordre : une prérogative et une priorité pénale du
parquet.
3-1-1 : La Cour des
appels correctionnels : le lieu par excellence de l'application de la
politique pénale.
A-La place centrale du
ministère public dans la procédure pénale.
Devant la Cour des appels correctionnels, comme devant la Cour
d'assises, le procureur général est le seul détenteur de
l'action publique. Les avocats généraux ou les substituts du
procureur général exercent devant ses cours l'action publique,
non en leur nom propre, mais au nom du procureur général qui les
autorise par délégation expresse ou tacite253(*). La politique pénale,
définie par le pouvoir et les instructions ministérielles du
garde des Sceaux, est fixée, dans l'enceinte du palais de justice, par
le procureur général qui exerce son autorité sur tous les
autres membres du ministère public. Pour observer le rôle et le
quotidien judiciaire du parquet général à
l'intérieur de la Cour des appels correctionnels, nous avons
consulté les arrêts en appels correctionnels des cinq
premières années de la monarchie de Juillet et analysés,
dans le détail, les douze premiers mois254(*). Sur le plan
organisationnel, les parquetiers généraux établissent un
roulement : il n'y a donc pas un magistrat du parquet
général en charge de représenter le ministère
public devant la Cour des appels correctionnels mais chaque avocat
général ou substitut du procureur général est
amené à requérir devant cette Cour. Le cycle de roulement
n'est pas clairement définissable mais une véritable alternance
se fait jour tout de même : l'avocat général Gesbert
occupe le ministère public pendant tout le mois d'août 1830, soit
quatre séances, alors que les deux séances du mois de septembre
sont assurées, successivement par l'avocat général Boucly
et le substitut de Tourville. Ainsi, tous les magistrats du parquet
général viennent siéger à la Cour, excepté
le procureur général. Le nombre de séances, par mois,
tournent autour de trois ou quatre et le volume de dossiers examinés par
séance est variable mais représente, en moyenne, quatre affaires.
Sont portés devant la Cour des appels correctionnels, des jugements
rendus par les tribunaux de police et de première instance. Le
ministère public a la mission de poursuivre tous les jugements qui ne le
satisfont pas : notamment les acquittements ou les décisions aux
peines insuffisantes mais également les sentences viciées ou trop
lourdes. Dans la procédure de l'appel correctionnel, le ministère
public est incontournable dans le procès, soit comme demandeur, soit
comme défendeur. Néanmoins, dans certains cas, le
ministère public n'est pas partie poursuivante
privilégiée : lors de la séance du 23 août
1832, l'avocat général Gesbert, en charge du ministère
public, se joint, pour la première fois, à l'administration
forestière et vice versa, pour engager des poursuites. Cette
administration publique spécialisée concurrence le
ministère public, mais seulement dans son domaine de compétence.
D'ailleurs, cette séance du 23 août est entièrement
dédiée aux problèmes forestiers. Par la suite, d'autres
séances sont consacrées aux litiges forestiers et de
manière plus régulière (les 21 et 28 juin 1833, en janvier
1834, en avril 1834, etc.). Dans Parquet et politique
pénale depuis le XIXe siècle, Christian Bruschi
justifie une telle concentration d'affaires : « le contentieux
forestier dans la première moitié du XIXe
siècle est un «contentieux de masse», un peu similaire
à celui de la circulation routière tel qu'il s'est
révélé après 1960 »255(*). Mis à part quelques
séances annuelles affectées entièrement aux questions de
poids et mesures (le 20 décembre 1833) ou de pêches (le
1er mars 1834), le ministère public est amené à
se positionner sur des affaires très différentes.
B-Des poursuites pénales
ciblées.
Pour l'année 1830-31, une affaire sur trois
amenée devant la Cour des appels correctionnels concerne des
soustractions frauduleuses ou des vols : c'est la première
catégorie de délits en nombre (42 appels). Les choses
volées sont très diverses et souvent d'une valeur
dérisoire (une chemise, des clefs, une montre, des nappes, des
épis de blé, etc.) : les peines, quant à elles,
peuvent varier de quelques jours de prison à plusieurs années.
Par exemple, le 10 juin 1831, un prévenu voit son appel rejeté,
conformément au réquisitoire du substitut De Tourville :
l'appelant avait soustrait frauduleusement un parapluie et avait
été condamné en première instance à cinq ans
de prison, cinq cents francs d'amende et dix ans de privation des droits
civiques. Le traitement des appels relatifs au vagabondage et à la
mendicité représente une affaire sur cinq, soit un chiffre
considérable : ces délits sont punis de six mois à un an
de prison. Comme le constate Francis Démier : « La
pauvreté mène à la mendicité, au vagabondage, deux
délits réprimés qui conduisent les pauvres devant la
justice »256(*). Les petits larcins et les délits de
mendicité et de vagabondage totalisent la moitié des appels
formés, c'est dire la place importante qu'occupe le traitement des
conséquences de la pauvreté dans les instances judiciaires.
Contrairement à la Cour d'assises et aux
« jurys d'assises réputés manquer de vigueur dans la
répression »257(*), la Cour des appels correctionnels est le lieu de
prédilection du ministère public : le ministère
public peut dans le cadre de cette Cour, moins solennelle que les assises,
diriger une politique pénale fiable et cibler la répression vers
telles ou telles catégories, à moindre coût. A cet effet,
le ministère public use et abuse du principe de correctionnalisation,
qui amène devant la Cour des appels correctionnels, des affaires
délictueuses qui auraient pu être classées en crimes et
donc passées devant la Cour d'assises : c'est le cas du crime de
vol, atténué en soustraction frauduleuse ; du crime
d'attentat à la pudeur, allégé en délit d'attentat
aux moeurs ; ou lorsque la cause de la mort est involontaire,
etc. Pour l'année étudiée, le ministère
public est suivi dans ses réquisitions par les juges de la Cour dans
plus de 85% des cas. Contrairement aux assises où domine la
mauvaise habitude de l'acquittement, la Cour des appels correctionnels est une
cour d'enregistrement des avis du parquet général. Les
décisions de la Cour confirment largement les décisions du
premier degré : l'appelant a trois chances sur quatre pour voir sa
peine confirmée ou alourdie. Les bénéfices de l'appel sont
donc relativement réduits, surtout pour les plus modestes que le
ministère public ne soulage en rien.
C-Le ministère public
garant de l'atténuation des peines pour les mineurs.
A contrario, la politique pénale du parquet
touchant à la délinquance juvénile place les mineurs dans
une catégorie à part. La délinquance juvénile est
une préoccupation majeure du ministère public qui est
amené à se prononcer sur la responsabilité ou non du
mineur, ce dernier profitant d'une présomption d'irresponsabilité
jusqu'à sa majorité fixée à seize ans. Se pose
alors pour le parquet la question essentielle du discernement. Par exemple,
à une séance du 13 mai 1831, un mineur, âgé de
treize ans, pris pour vols, est condamné à passer une
année en maison de correction. En appel, le ministère public,
estimant que le mineur a agi sans discernement, demande à la Cour que
l'enfant soit remis à ses parents. Suivant les réquisitions du
parquet, les juges relâchent le jeune prévenu. Le ministère
peut en décider autrement et reconnaître le mineur
discernant : le 14 mai 1831, le ministère public confirme la peine
de vingt mois en maison de correction d'un mineur de quatorze ans :
condamné en première instance pour soustraction frauduleuse, le
ministère public de la Cour a jugé le mineur discernant au moment
de son acte. Le mineur, quoi que le ministère ne décide, profite
de peines atténuées et réduites : le 19 octobre 1832,
le ministère public confirme la condamnation de deux ans en maison de
correction pour un mineur ayant commis le crime d'émission de fausses
monnaies, bien que ce crime était passible, avant la réforme du
28 avril 1832, de la peine de mort258(*). Toutefois, le ministère public ne se montre
pas toujours clément et peut décider d'envoyer le mineur en
prison : Pour soustraction d'argent, un adolescent de quinze ans,
condamné à six mois de prison et à six mois dans une
maison de correction, doit comparaître, le 11 février 1831,
à la suite de l'appel formé par le ministère public.
L'avocat général Gesbert demande, à ce que le premier
jugement soit réformer et que le mineur soit détenu dans une
maison de correction « et dont la durée devrait être au
moins du tiers de la peine de cinq années, soit de réclusion,
soit de travaux forcés, qui aurait pu être prononcé contre
lui, s'il avait été âgé de seize
ans »259(*).
La Cour suit le parquet dans sa surcharge : le mineur est désormais
condamné à trois ans de prisons.
En général, le ministère public de la
Cour correctionnelle est attentif au sort des mineurs, préférant
placer les enfants dans des maisons de correction ou en les remettant
directement à leurs parents, lorsqu'ils en ont : le parquet, en les
faisant comparaître devant les tribunaux correctionnels, évite aux
mineurs la lourdeur de la Cour d'assises.
3-1-2 : La
répression des troubles qui suivent les Trois Glorieuses : la
poursuite systématique du parquet.
A-Contre les coalitions de
l'automne 1830.
Dans l'histoire de la France des origines à nos
jours, André-Jean Tudesq consacre six lignes aux
débordements de Darnétal pour illustrer la crise sociale du
début de la monarchie de Juillet260(*). Le premier avocat général Alfred
Daviel, dans un travail préparatoire, fait une longue description des
événements du 6 septembre 1830. Le déroulement de la
journée est précisément rapporté et la forme de
l'exposé laisse à penser qu'il a été
rédigé comme un compte-rendu officiel de
l'événement :
« Dans les premiers jours du mois de septembre 1830,
les ouvriers appartenant aux différentes manufactures situées
à Darnétal et dans les communes voisines s'étaient
coalisés pour arracher à leurs maîtres des conditions que
ceux-ci n'eussent pas librement consenties »261(*).
Daviel semble comprendre la crise et les mobiles du
mécontentement. La demande des coalisés porte sur la durée
du temps de travail, qu'ils veulent fixer à douze heures et non quatorze
ou quinze262(*). Devant
la montée de l'insatisfaction ouvrière, le préfet de la
Seine-Inférieure, le comte Treilhard, prend un arrêté, le 5
septembre, qui interdit au ouvriers des établissements industriels de se
coaliser ou de former des attroupements dans les rues. Comme l'écrit
Jean-Pierre Chaline dans Rouen sous la monarchie de Juillet,
« [il n'est] pas question de manifester dans la rue ou de se
«coaliser» contre les patrons »263(*). Pour le premier avocat
général, les revendications ouvrières, bien que
recevables, ne doivent pas déstabiliser l'ordre publique. Cet
arrêté, prévenant les coalisés des risques encourus,
est le point de départ de la journée du 6 septembre.
La lecture de l'arrêté, affiché le matin par un adjoint au
maire de Darnétal, provoque des cris de colère : de
« à bas l'arrêté, à bas
l'affiche », on finit par hurler « à bas la garde
nationale ». Un tisserand de Darnétal, Ambroise Moulin,
essayant d'entraîner ses compagnons, est particulièrement virulent
envers les gardes nationaux de Darnétal. Averti que la coalition prenait
de l'ampleur, le procureur du Roi de Rouen Aroux, se rend sur place vers onze
heures du matin. Les trois sommations réglementaires n'entament pas le
moral des coalisés. Au contraire, ces derniers, plus
déterminés que jamais, dirigent leurs pas vers la garde
nationale, aux cris de « enfonçons les »264(*). Choisi par ses camarades,
Louis-Jacques Bégard, ouvrier-teinturier, demande la libération
de deux manifestants, faits prisonniers. Devant un rassemblement de plus de six
cents ouvriers armés, « les uns de fourches, les autres de broches
à rôtir, ceux-ci de bâtons simples, ceux-là de
bâtons garnis par le bout de lames de couteau, quelques-uns de sabres ou
d'épées »265(*), le maire de Darnétal cède et remet en
liberté les deux prisonniers. Peu après, des renforts de gardes
nationaux et de gendarmes arrivent de Rouen et, finalement, chargent, dans la
rue de la Chaîne, une cinquantaine d'ouvriers, menée par
Louis-Jacques Bégard.
De la centaine de prévenus, retenue pour cette affaire,
seulement cinq sont accusés de crime de rébellion266(*) ; les autres sont
entendus comme témoins. Par un arrêt de la chambre des mises en
accusation du 14 octobre 1830, sont renvoyés devant la Cour
d'assises267(*) :
le tisserand de Darnétal Ambroise Moulin ; Louis Prévost,
fileur de Saint Martin du vivier, qui « s'était montré,
le vendredi 3 septembre, l'un des plus ardents moteurs de la
coalition »268(*) ; Désiré François Pimort,
ouvrier-teinturier de Saint Jacques sur Darnétal ; Zacharie Rever,
charretier à Darnétal et l'ouvrier-teinturier rouennais
Louis-Jacques Bégard. Seul ce dernier n'est pas acquitté par le
jury : le meneur de la révolte est condamné à cinq
ans de travaux forcés.
Le 8 octobre, le ministère public a une nouvelle
affaire de coalition à examiner, mais cette fois-ci, devant la Cour des
appels correctionnels. L'appelant n'est pas le ministère public mais
Pierre-François Drely, ouvrier fileur, coupable d'avoir mené une
coalition d'ouvriers, formée notamment dans les communes de Barentin et
Pavilly. Moteur de la coalition, Drely soulève ses camarades pour
s'opposer, une nouvelle fois, aux abus quant aux heures de travail et demande
aux ouvriers une petite contribution financière « pour
salarier ceux qui ne travailleraient point »269(*). Résumant l'affaire,
le substitut De Tourville demande le rejet de l'appel de Drely. La Cour, se
posant du point de vue de « la prospérité du commerce
et surtout du commerce industriel », réaffirme que les
ouvriers doivent respecter « les règlements
arrêtés par un fabriquant pour déterminer par jour, la
quantité d'heures de travail » et qu' « il est
très intéressant pour un fabriquant que ces conditions soient
strictement suivies »270(*). Donnant raison au ministère public, la Cour
confirme le jugement de première instance et la condamnation de deux ans
de prison. Le parquet, en poursuivant les chefs de coalition et en sollicitant
les peines les plus sévères, garantit le maintien de l'ordre
à l'intérieur de l'atelier et assure, par conséquent, la
bonne marche des affaires industrielles.
B-Le concours du parquet dans la
protection de la garde nationale.
Après les événements
révolutionnaires de Juillet, les autorités judiciaires ont
à répondre d'une fièvre gagnant une partie de la
population qui, déçue, s'en prend volontiers aux gardes
nationaux. Lors de la séance des appels correctionnels du 24 septembre
1830, le ministère public doit se prononcer sur deux affaires remontant
au mois d'août et concernant des violences faites à des gardes
nationaux. Le premier appel est formé par les nommés Voisin (23
ans)et Delavigne (25 ans), respectivement ouvrier teinturier et journalier, qui
sont déclarés coupables de rébellion avec
résistance, violence et voie de fait envers deux gardes nationaux. Le 9
août, Voisin et Delavigne, refusant d'obtempérer aux ordres des
gardes nationaux, tentent de désarmer les deux agents en les giflant, en
les intimidant avec un bâton et Voisin, en criant « à
moi mes amis, je suis français et libre »271(*). Le substitut De Tourville,
sans surprise, requiert que les condamnations de huit mois de prison pour
Delavigne et un an pour Voisin, soient confirmées, et c'est ce que
décidera la Cour. La seconde affaire est plus symbolique de l'action
directe du parquet général : en effet, l'appelant n'est
autre que le ministère public, qui souhaite réformer le jugement
du tribunal de première instance de Rouen, remettant en liberté
Charles Garet (25 ans), tailleur d'habits à Rouen272(*). Le ministère public
requiert que Garet soit reconnu coupable de provocation envers la garde
nationale : le 16 août, dans la soirée, Charles Garet a
incité quelques citoyens à se soulever contre la garde nationale,
assemblée sur la place de l'hôtel de ville de Rouen, et
proféré : « Si on voulait en un quart d'heure la garde
nationale serait culbutée ou elle ne resterait pas sous les armes
». Retenant le développement des moyens de l'appel du
ministère public, la Cour condamne Garet à trois mois et
cinquante francs d'amende. Annulant la décision des premiers juges, la
Cour, appuyant la motivation du parquet général, rend hommage
à la garde nationale : « à l'époque du mois
d'août dernier il existait un esprit de fermentation, surtout parmi la
classe des ouvriers, qui exigeait la plus grande surveillance, et que c'est
grâce à la fermeté et au dévouement de la garde
nationale, que cette grande et importante cité a joui du maintien du bon
ordre et de la tranquillité publique »273(*).
3-1-3 : Le parquet,
défenseur des notables : l'exemple des affaires de L'Indiscret.
A-L'intolérable mise en
cause du maire de Rouen.
Le 13 novembre 1835, la Cour des appels correctionnels examine
le pourvoi formé par Léon Laurier, homme de lettres,
âgé de 35 ans et gérant du journal L'indiscret Journal
du Dimanche, littérature, Beaux-arts, mode, théâtre
274(*). Journal
littéraire, L'Indiscret fait la critique de l'activité
artistique, surtout théâtrale, de Rouen. Mais à
côté des horaires de spectacle, le journal publie
régulièrement des articles satiriques sur la vie politique
rouennaise : L'Indiscret se fait un plaisir de railler les
grandes figures locales, au premier rang desquelles, le maire de Rouen, Henry
Barbet. A la tête de la ville depuis août 1830275(*), Henry Barbet
représente, pour le journal, le pouvoir qui l'a nommé. Outre ses
importantes fonctions municipales, Henry Barbet est un grand industriel du
coton, qui possède plusieurs établissements aux alentours de
Rouen : une fabrique d'indiennes à Déville-lès-Rouen
et une filature au Houlme276(*). Dans les numéros 79 et 80, du 1er
et du 4 octobre 1835, L'Indiscret met en cause Henry Barbet dans une
affaire d'abus de confiance. Dans un article intitulé
« Indiscrétions », L'Indiscret
dénonce : « Les propriétaires de la voiture
d'indienneurs qui passa samedi dernier à la barrière du Havre
avec un panier de Champagne en fraude, voudra t'il se donner la peine d'aller
en payer les droits. Il n'est pas bien de se servir de sa position pour flouer
la cité de ses droits »277(*). Clairement, le journal soupçonne le maire
d'avoir dissimuler des bouteilles de champagne dans une voiture lui
appartenant, pour échapper aux droits d'octroi perçus sur les
vins. Se reconnaissant, Henry Barbet s'adresse au procureur du Roi de Rouen et
motive sa plainte : « Tant que le journal publié en cette
ville sous le titre «L'Indiscret» n'a fait que la censure de
mes actes, de mes opinions, de mes votes comme maire ou comme
député, je n'ai pas cru devoir recourir à la justice pour
réprimer les imputations fausses et calomnieuses qui constituent
habituellement le fonds des attaques de cette feuille contre moi. Mais
aujourd'hui, c'est ma probité qu'on met en
suspicion »278(*). Le maire met en relation un second article, du
numéro 80, intitulé «De la nécessité de forcer
les employés de l'octroi» : « On ajoute que cette
voiture est arrivée dans la Cour d'un grand hôtel du boulevard
voisin. Si j'avais l'honneur d'être maire, dit le rédacteur,
j'ordonnerais que toutes les voitures de maire fussent
visitées »279(*). Dans le même numéro, une nouvelle
« indiscrétion » scandalise le maire et conseiller
général Barbet : les bouteilles de champagne auraient
été servies aux membres du Conseil général, lors de
dîners organisés à Deville et sans droits
d'entrée280(*).
Considérant que ces imputations constituent une diffamation, le parquet
se joint à la plainte du maire, qui se porte partie civile.
B-La protection du notable
Barbet par le parquet général.
En appel, l'avocat général Pierre-Aubin
Paillart, toujours partie jointe, au nom du procureur général,
suit les conclusions du substitut du procureur du roi de Rouen Justin (futur
substitut du procureur général de Rouen en 1837) et amène,
sans surprise, les juges à confirmer le premier jugement :
Extrêmement sévère, ce dernier condamne le gérant
Laurier à un mois de prison et dix mille francs d'amende au titre de
dommages et intérêts, l'avocat Alfred Daviel en avait
demandé vingt mille281(*). Dans le numéro du 22 octobre,
L'Indiscret persiste et signe : « parce que
condamné ou non, il restera établi qu'un homme s'est servi de sa
position, position sociale et de fortune, pour faire ou laisser faire la
fraude, et que tous les jugements du monde ne le laveront pas de cette
tâche [...]. Le journaliste est condamné mais il avait
raison »282(*). Ce que le journal critique dans cette affaire,
c'est l'entremêlement malsain des fonctions politiques,
économiques et sociales entre les mains de quelques-uns uns.
L'Indiscret, même s'il a peut être tort sur cette affaire,
remet en cause le système de la monarchie orléaniste,
fondé sur le monde des notables. Il est donc normal que le parquet, se
soit engagé du côté du maire Henry Barbet : le
ministère public représente la société mais surtout
défend avant tout la société des notables. D'ailleurs,
L'Indiscret n'est pas tendre non plus avec la magistrature, qu'il met
dans le même panier que le maire de Rouen. Dans un article du mois de
septembre conservé dans le dossier judiciaire, L'Indiscret
parodie le monde de la magistrature et des notables en une
société de chiens, assemblés dans un endroit comparable au
palais de justice et tous porteurs de l'Ordre du grelot, ressemblant fort
à l'Ordre de la Légion d'honneur283(*). Dans le numéro du
1er octobre 1835, les journalistes de L'Indiscret
rappelaient déjà le conflit ouvert entre le parquet et le
journal, à propos d'un procès284(*) contre des porteurs de L'Indiscret, qui
auraient vendu des exemplaires du journal, sans l'autorisation requise depuis
janvier 1834285(*). Le
journal publie un poème de soutien dédié à
Léon Laurier avec cet avant-propos : « Le public y verra
la preuve, si nous succombons dans la lutte engagée entre le parquet et
L'Indiscret, qu'à côté du réquisitoire, les
consolations, au moins, ne lui auront pas manqué »286(*).
C-Puis, L'indiscret
« envoie la farce ».
Le nouveau procès qui frappe Léon Laurier, le 20
novembre 1835, n'est pas une surprise : depuis la fin de
l'été 1835 et aux alentours des lois de septembre, le parquet
général et les parquetiers de première instance semblent
tout faire pour éliminer L'Indiscret. Le substitut du procureur
général de Rouen, Gustave Rouland, dans un réquisitoire du
24 août 1835, renvoie Léon Laurier devant la Cour d'assises (le 20
novembre 1835). Le tort de L'Indiscret est d'avoir tourner en
dérision le roi et le maire de Rouen, « transformés en
animaux cupides et voraces à classifier dans une nouvelle oeuvre de
Buffon »287(*) :
« L'auguste personnage daigna prendre du beurre avec
son royal couteau et dorer ce royal beurre de sa royale main sur le pain de
gruau [...] puis il s'écria -garçon ! absolument du ton d'un
honnête bourgeois qui dîne à quarante sous [...] portez de
ma part cette tartine de beurre à M. Don Quichotte Henry du Grelot,
député et maire de son endroit [...] -Oh !sire oh ! mon
roâ s'écria Don Quichotte. Bref, ce jour là, il mangea six
tartines, et vota le lendemain pour les vingt-cinq
millions »288(*).
Gustave Rouland reproche au journal d'avoir représenter
« le roi avec l'un de ses ministres [un certain Foutriquet] comme se
livrant à corrompre une partie des membres de la chambre des
députés et prenant part à une séance tout à
la fois odieuse et ridicule »289(*) ; l'avocat retient donc trois
délits : l'offense envers la personne du roi, l'attaque contre la
dignité royale et l'excitation à la haine ou au mépris du
gouvernement. En réalité, celui que vise L'Indiscret,
c'est le maire de Rouen, qui est décrit comme voulant
démissionner et obtenir un siège à la pairie. D'ailleurs,
L'Indiscret sait que ces attaques vont lui attirer des
problèmes et termine son article par : « Ce que c'est que
d'avoir le courage de son opinion ! »290(*). Contrairement à la
rigueur mécanique des juges de la Cour des appels correctionnels, le
jury acquitte Léon Laurier291(*). Les affaires de L'Indiscret
présentent les limites du ministère public : la clémence
de la Cour d'assises brouillant trop souvent la stratégie pénale,
le parquet général trouve dans la voie correctionnelle une
justice plus prompte et plus efficace, à défendre les
intérêts de l'ordre établi, notamment en éliminant
les oppositions politiques.
3-2 : Une lutte
continuelle et acharnée contre les légitimistes.
3-2-1 : La
première affaire de la gazette de Normandie : contre la
récupération du mouvement lyonnais.
A-Une protection
préventive du régime.
Le 27 décembre 1831 est traduit, devant la Cour
d'assises de Rouen, , Edouard Joseph Walsh, le gérant de la
revue carliste, la gazette de Normandie292(*). Déjà le
5 décembre, Hély d'Oissel, second substitut du procureur
général, interceptait les deux derniers numéros de la
gazette de Normandie, en soulignant les passages susceptibles
d'incrimination : dans les numéros 119 et 120, il est question
de l'actualité brûlante du moment : la révolte
des canuts de Lyon qui eût lieu des 20 au 22 novembre 1831. Dans ses
colonnes, la gazette de Normandie écrit :
« Nous croyons que la cause des troubles de Lyon
vient de plus loin et de plus haut que la taxation du tarif des ouvriers [...].
L'impôt ! L'énorme impôt ! qui vient encore peser de
tout son poids sur la misère, voilà, nous le pensons, la plus
grande, la plus véritable cause d'irritation ».
Pour réunir le plus de monde derrière leur
cause, les journalistes utilisent l'argument récurrent de l'impôt
excessif. La politique gouvernementale semble, ainsi, profiter de la confiance,
issue de Juillet 1830, pour alourdir la fiscalité, et donc susciter le
désespoir des français. Certes, l'impôt est lourd, surtout
en temps de récession économique, mais sans doute ne l'est-il pas
plus que sous la Restauration. Les carlistes récupèrent la
souffrance des ouvriers et des français les plus modestes, pour les
fédérer derrière la cause légitimiste.
« La Révolution de Juillet a
été entreprise [au profit du peuple], il a pu croire que le
bonheur, que la prospérité annoncés lui viendraient, il a
attendu [...]. Le gouvernement est venu asseoir un impôt, tel qu'on n'en
avait pas encore vu [...]. Alors accablé sous le poids, la population de
Lyon a crié. Ce cri a été celui de la
révolte ».
Les journalistes carlistes exploitent la révolte pour
la fondre dans un combat plus général : la lutte contre le
gouvernement de Louis-Philippe. La gazette de Normandie
dénonce, étrangement mais opportunément, le contrat
rompu entre Louis-Philippe et les Français, pourtant scellé par
les événements révolutionnaires de 1830. Louis-Philippe
n'aurait pas saisi cette chance historique de communion nationale. Les
carlistes placent la question de l'impôt au coeur des
événements lyonnais, alors que la revendication des ouvriers
révoltés est la reconnaissance d'un salaire minimum,
conquête vite perdue et reprise, violemment, par le patronat et
l'armée. Le numéro 120 de la gazette de Normandie est
encore plus explicite sur les motivations d'un tel soutien à la
révolte des canuts lyonnais et qui résume ce pourquoi le parquet
poursuit la gazette : « Oui, peuple, les royalistes sont tes
vrais amis ! ». Loin d'être une feuille d'information,
la gazette de Normandie est, avant tout, un organe de propagande
légitimiste : elle milite pour le rétablissement des
Bourbons et se trouve dans une opposition constante aux ministères qui
se succèdent. Comme l'écrit Pascal Vielfaure :
« la presse légitimiste n'hésite pas
à soutenir ouvertement le retour des bourbons. Or cette presse
d'opposition constitue une menace d'autant plus importante, qu'elle est souvent
très liée avec l'activité des sociétés
politiques organisant les émeutes ou récupérant
grèves et autres manifestations, dans le but de renverser la
monarchie293(*)
».
B-La condamnation de la
démagogie.
Une force d'opposition mobilisatrice, comme la gazette de
Normandie se veut être, est une menace réelle pour le
gouvernement en place :
« Mais le ministère a été
odieusement menteur lorsqu'il a eu l'imprudente audace d'afficher à la
bourse que ce mouvement était complètement étranger
à la politique ; qu'il n'était dirigé que conte
l'industrie et la propriété. Est-ce que toute la politique, tout
le système du gouvernement n'est pas dans ce mot horrible : J'ai
faim [...]. Il est accusateur pour nous, ministres de Louis-Philippe !
[...]. Disons mieux, il est votre condamnation [...]. Et ce drapeau noir qui
s'élève au milieu d'une population affamée ? Ce
drapeau sur lequel est écrit en grandes lettres blanches
« Vivons en travaillant ou mourrons en combattant »
n'est-il pas un monument pour l'histoire du ministère du 13
mars ? ».
Les légitimistes, nostalgiques du drapeau blanc des
bourbons, se reconnaissent presque dans le drapeau noir brandi par les canuts
lyonnais. A grands renforts de propos démagogiques, les
légitimistes se posent en une force presque révolutionnaire et
socialisante. Le souci des plus faibles est, semble-t-il, devenu le coeur du
programme légitimiste. Tout ce qui est fait contre le gouvernement de
Louis-Philippe, est bon pour poser Henri V en alternative évidente. La
gazette condamne ouvertement le gouvernement de Casimir Perier du 13 mars 1831,
qui installe durablement le parti de
la « résistance », au détriment des
libéraux de gauche du « mouvement ». Les
légitimistes ne veulent plus être une force d'opposition mais
s'affirment comme un courant de démolition du régime
louis-philippard.
Par conséquent, le parquet ne peut pas laisser passer
des propos qui font l'apologie de la fin d'un gouvernement dont il est
l'émanation et le porte-parole judiciaire. L'avocat
général Félix Boucly, membre du parquet
général de Rouen depuis la naissance de la monarchie de Juillet,
requiert donc, le 27 décembre, une peine exemplaire contre le journal.
Il s'agit de condamner lourdement, pour saper durablement les bases de ce
légitimisme de presse de plus en plus offensif. Ainsi, Boucly demande
que le prévenu Walsh soit condamné à l'emprisonnement,
à l'amende et au remboursement des frais du procès pour,
premièrement, excitation à la haine et au mépris du
gouvernement, et secondement, d'attaque contre les droits que le roi tient du
voeu de la nation française.
C'est un succès pour le parquet. Le jury
reconnaît que Edouard Walsh a bien offensé le gouvernement (le
deuxième chef d'accusation n'est pas reconnu recevable par le jury et le
gérant est acquitté sur ce point) : le gérant Walsh
est condamné à un mois de prison, à trois mille francs
d'amende et au remboursement du procès294(*). La décision judiciaire du jury
est conforme à la volonté politique et judiciaire du gouvernement
qui veut mettre un terme au débordements de la presse d'opposition de
plus en plus envahissante295(*). Cette affaire ouvre une période, moins
libérale pour les organes de presse politiquement
irrévérencieux, et marquée par des poursuites plus vives
du parquet.
3-2-2 : La
deuxième affaire de la gazette de Normandie : la fin de
l'écho vendéen.
A-Le réquisitoire
anti-légitimiste d'Alfred Daviel.
Le 17 octobre 1832, devant la chambre des mises en accusation,
le premier avocat général Alfred Daviel, en prononçant un
réquisitoire contre la gazette de Normandie, réagit
à la menace de l'équipée de la duchesse de Berry,
commencée en avril 1832. Pour Daviel, la gazette de Normandie
fait la promotion du débarquement vendéen de la duchesse,
mère du prétendant, Henri V. Faisant habituellement l'apologie du
parti légitimiste, la gazette de Normandie en appelle à
tous les légitimistes pour soutenir les chouans capturés à
Nantes. Se basant sur une rumeur qui courait, disant que les accusés de
chouannerie seraient jugés devant la Cour d'assises de la
Seine-Inférieure, le journal légitimiste décide d'ouvrir
une souscription. Daviel, en intégrant des citations de la gazette,
fustige un tel soutien :
« Ils n'ont pas souscrit comme «amis de la
légalité, sans acception de principes et de couleurs
politiques», et pour alimenter seulement des procédures, c'est
comme ennemis déclarés du gouvernement de Juillet, c'est comme
«amis sincères de ceux qui ont fait le bonheur de la France pendant
seize ans», c'est comme «légitimistes, henriquinquistes»,
comme admirateur du courage de la mère de Henry-Dieudonné, comme
«honorant les courageux défenseurs de la
légitimité», et enfin, un deux, a osé le dire
expressément, c'est comme «amis des chouans» qu'ils ont
apporté leurs offrandes »296(*).
Les souscriptions sont, pour le parquet général,
la démonstration de la possible force mobilisatrice du mouvement
légitimiste et « une véritable provocation à la
guerre civile »297(*). L'insurrection vendéenne,
« réchauffée, dans ces derniers temps, par la
présence de la duchesse de Berry »298(*), est l'oeuvre d'un complot
légitimiste, que la gazette de Normandie attise. Devant un tel
crime, le représentant du ministère public renvoie Edouard Walsh,
gérant-responsable de la gazette de Normandie, devant la Cour
d'assises de Rouen, pour la seconde fois.
Entre ce 17 octobre et le 19 novembre 1833, jour où
comparaît le gérant Walsh, un événement important se
produit, qui intéresse particulièrement l'affaire :
dénoncée, la duchesse de Berry, est arrêtée à
Nantes, le 6 novembre ; le danger légitimiste est
maîtrisé. La décision du 19 novembre est donc un
écho au succès récent qui écarte et amenuise la
menace légitimiste.
L'action du ministère public s'appuie sur deux chefs
d'inculpation : le premier chef considère qu'Edouard Walsh a
excité à la haine et au mépris du gouvernement du
roi ; le second estime que le gérant a « provoqué
les citoyens à la guerre civile, en s'armant les uns contre les autres,
laquelle provocation n'a été suivie d'aucun
effet »299(*).
Alfred Daviel, toujours à la tête du ministère public,
s'appuie sur plusieurs numéros de la gazette du mois de septembre et
d'octobre ( numéros du 12, 15, 18, 24, 25 septembre et du 2 octobre
1832), dont les passages ont servi à l'instruction.
B-La souscription à
l'origine de l'affaire D'Avannes et Avril (voir infra) : une critique
ouverte du gouvernement orléaniste.
Le numéro du 12 septembre fait mention de l'ouverture
d'une souscription au bureau de la gazette, dont le titre est sans
ambiguïté : « en faveur des victimes de l'arbitraire
dans l'ouest »300(*). La gazette de Normandie présente
à ses lecteurs un pouvoir central qui renoue avec les tragiques guerres
vendéennes de la Révolution française ; les ripostes
gouvernementales en Vendée sont décrites comme étant
« des mesures arbitraires dans les départements de
l'Ouest »301(*). Dans ses attendus, la Cour, au regard du soutien
aux chouans et à l'éloge du régime de la Restauration,
voit dans la souscription, un appel à la mobilisation en Vendée.
Par leurs dons, la Cour reproche à la gazette d'avoir nourri et
rallongé la résistance vendéenne. La Cour retient
particulièrement le numéro du 18 septembre où la gazette
se livre à une condamnation explicite du gouvernement :
« On s'efforce de ressusciter toutes les horreurs
qui firent jadis, de la Vendée, un vaste cimetière. Quel fruit,
le gouvernement peut il retirer de tant d'arbitraire et
d'illégalité [...]. Heureusement, le pays commence à
s'éclairer et les calomnies indignes répandues sur des
français qu'ils ont forcé d'être leurs ennemis, ne trouvent
plus d'écho en France. Nous le disons hautement le gouvernement seul est
responsable de tous les maux présents et de tous ceux qui peuvent surgir
encore : tôt ou tard, il en devra compte à la
Nation »302(*).
Mais c'est surtout l'article intitulé :
« appel fait par un vendéen à tous les amis de la
légalité », paru dans le numéro 25 septembre qui
scandalise davantage :
« puisse le pays se couvrir d'association contre la
tyrannie que la révolution nous apporte [...], la
nécessité le commande, les tentatives individuelles ne sont rien
pour arrêter la menaçante invasion de l'arbitraire, la
résistance doit être générale, les efforts unanimes
et le signal ne peut partir que des lieux où toute liberté n'est
pas étouffée [...]. la Terreur règne dans l'Ouest [...],
la France, cette terre de franchise et de liberté ne peut supporter
longtemps le règne abject d'une lâche violence [...]. Les agents
du pouvoir ont organisé dans l'Ouest un vaste système de
concussion et de pillage »303(*).
Déjà, dans son réquisitoire du 17
octobre, Alfred Daviel utilise ce passage pour justifier la poursuite du
gérant Walsh devant la Cour d'assises. Daviel apparaît surtout
choqué par le rapprochement qui est fait entre la Révolution
française et la Révolution de Juillet, la Terreur et le
gouvernement actuel : La gazette de Normandie en appelle à
l'affrontement avec le régime de Juillet, comme les vendéens
à partir de 1793 se sont battus contre le régime
républicain. Défenseur du pouvoir en place, Daviel n'en a pas
moins des sympathies pour les républicains :
« Est-il besoin de discuter la criminalité de
telles allégations ? Est-il besoin de prouver que signaler un
gouvernement comme livrant un pays à la désolation, comme le
poussant à plaisir à la révolte, comme faisant organiser
un vaste système de concussion et de pillage, s'efforçant de
ressusciter un régime de meurtre et de dévastation, et enfin
régnant par la Terreur [souligné plusieurs fois], c'est le
dénoncer à l'exécution et au mépris de tous les
citoyens ? »304(*).
Le jury entend le réquisitoire de Daviel et condamne,
finalement, Edouard Walsh pour excitation à la haine et au mépris
du gouvernement du roi, mais répond par la négative, quant
à la seconde question concernant la provocation à la guerre
civile. Conformément au réquisitoire du parquet
général, le gérant est contraint de payer une très
lourde amende de cinq mille francs. La sanction est exemplaire et calme, pour
un temps, le militantisme de la gazette de Normandie. C'est la
dernière grande condamnation du journal, avec une amende aussi
considérable. Par la suite, les procès, concernant la gazette,
seront d'une importance moins grande et aboutiront à des
acquittements.
3-2-3 : Les petites
affaires de la gazette de Normandie et autres délits politiques :
la vigilance sous toutes ses formes.
A-Les acquittements de la
gazette de Normandie : des entorses à la détermination du
ministère public.
De nouveau, le 16 mars 1833, Théodore de Corneille,
propriétaire-gérant de la gazette de Normandie, est
amené devant la Cour d'assises pour une modeste affaire de fausse
déclaration : la gazette de Normandie est accusée,
par le premier avocat général Alfred Daviel, d'avoir
inventé le récit de troubles parisiens, dans le numéro du
4 mars 1833, et d'avoir publié une fausse déclaration du
préfet de police de Paris Gisquet. Mais déjà, le 22
décembre 1832, Alfred Daviel avait eu à traiter une affaire
mettant en cause le gérant de la gazette de Normandie Walsh,
prévenu d'avoir diffamé et injurié par la voie de la
presse le même préfet de police : Walsh avait
été acquitté305(*). Dans ce nouveau procès, Alfred Daviel
considère que la gazette de Normandie a publié ces
fausses informations simplement pour « troubler la paix
publique »306(*). Une fois encore, la mise en cause du
« puissant préfet de police Gisquet »307(*) excède le parquet et
donne une occasion réitérée pour poursuivre la gazette.
Mais le jury ne semble plus aller dans le sens du ministère
public : comme Walsh précédemment, Théodore de
Corneille est acquitté308(*).
Quelques mois plus tard, c'est l'almanach Le Bon
Normand, qui est mis au banc des accusés. En réalité,
Le Bon Normand est une publication de la gazette de Normandie
et une version provinciale du Bon Français, publication
parisienne de la Gazette de France309(*). Dans le réquisitoire prononcé
à la chambre des mises en accusation, le 15 janvier 1833 , l'avocat
général Félix Boucly reproche au Bon Normand de
faire le plaidoyer de Charles X et de sa famille : l'almanach donne les
titres d'Henri V au duc de Bordeaux, de Madame à la
duchesse de Berry. La naissance du duc de Bordeaux y est
célébrée comme une fête nationale :
« Français, c'est aujourd'hui la fête de Henri votre roi
légitime »310(*). Malgré tout, le plus condamnable est que
Louis-Philippe, « le Roi des Français est
présenté comme le plus odieux des usurpateurs, comme un perfide
parent qui a commis une spoliation criminelle »311(*) : ainsi, le
ministère public retient de ces propos le délit d'offenses contre
la personne du Roi des Français. Toutefois, l'animosité contre le
régime orléaniste ne s'arrête pas là et les attaques
de l'almanach s'attachent également à
décrédibiliser un symbole du régime, le drapeau tricolore
: « Tous les crimes enfin de l'horrible convention ont imprimé
à ce drapeau des souvenirs que des victoires étonnantes de la
République et de l'Empire ne pourront effacer »312(*). La veille de la
séance de la chambre des mises en accusation, le 14 janvier 1833,
Maître Mengin qui assure la défense Marie-Auguste-Subtil
Delanterie, propriétaire-gérant de la gazette de
Normandie, présente un mémoire à la Cour qui ne
cache pas son ambition : « Le Bon Français [paru
dès 1831], à son apparition, fut, comme Le Bon Normand,
en butte aux poursuites du ministère public ; mais le
ministère public y perdit ses réquisitoires :
espérons qu'il en sera de même dans l'affaire du Bon
Normand »313(*). Tout en expliquant et en relativisant le contenu du
Bon Normand, l'avocat Mengin insiste sur l'incohérence de la
stratégie pénale du ministère public :
« Le Bon Normand ne contient en
réalité, et sauf un petit nombre d'articles, que des choses
déjà publiées dans la gazette de Normandie,
la Gazette de France, le courrier de l'Europe, le
Brid'oison et autres journaux ou feuilles périodiques.
Hâtons-nous d'ajouter qu'aucun de ces articles n'avait été
poursuivi lors de sa publication. Et certes, la susceptibilité du
ministère public est grande lorsqu'il s'agit de publications faites dans
les journaux : plus grande, et avec raison, nous devons l'avouer, que
lorsqu'il s'agit de publications faites dans les livres [...]. Comment penser
que ce qui a été innocent dans un journal, deviendrait coupable
dans un almanach ? [...]. Etrange contradiction, Messieurs, et dont vous ferez
justice »314(*).
La défense de Delanterie repose sur le fait que les
rédacteurs de la gazette de Normandie sont étrangers
à la parution du Bon Normand : par ailleurs, le plaidoyer
innocente également Pierre Pointel, éditeur de l'almanach :
« Poursuivre le compilateur [qui rapporte quelque fait de l'histoire
de nos diverses révolutions] serait vouloir mettre sous le scellé
l'histoire de nos quarante dernières années, et si telle est la
prétention du ministère public, cette prétention ne peut
être accueillie par la Cour »315(*). Le ministère public estime lui qu'il y a une
correspondance notable entre Le Bon Normand et la gazette de
Normandie : « Ces deux publications sont
rédigées dans le même esprit ; elles sortent de chez
le même imprimeur ; la gazette de Normandie a fait
l'éloge du Bon Normand ; cet almanach est annoncé
par elle comme devant être vendu dans ses bureaux »316(*). Le 15 mars 1833, Delanterie
absent, Pierre Pointel est le seul à comparaître devant la Cour
d'assises : il n'est pas présenté comme éditeur de
l'almanach Le Bon Normand mais comme « employé au
bureau du journal dit gazette de Normandie et ancien sous-officier
dans le deuxième régiment de cuirassiers de l'ex-garde
royale »317(*). Alfred Daviel fait condamner le journaliste Pointel
à six mois de prison et 500 francs d'amende. Quant à Delanterie
amené à la barre comme l'un des
propriétaires-gérants de la gazette de Normandie, il est
finalement jugé le 30 mai 1833 : le substitut du procureur
général Narcisse Leroy fait répondre l'accusé des
délits d'attaques contre les droits que le roi tient du voeu de la
nation française, d'offenses contre la personne du roi des
français et de provocation à la haine et au mépris du
roi ; « en aidant et assistant avec connaissance, Pierre
Pointel, éditeur de l'almanach [...], en mettant publiquement en vente
et en distribuant des exemplaires du dit almanach quoi qu'il connût la
nature et la criminalité de cet ouvrage »318(*). Condamné par
défaut lors du procès du 15 mars à mille francs et
à la même peine de prison que Pointel, Delanterie est
déclaré non coupable par le jury du 30 mai. C'est un nouveau
désaveu pour le parquet général. Le jury,
« institution qui sent encore les bois dont elle est sortie, et qui
respire fortement la nature et l'instinct »319(*), contrecarre les poursuites
répressives du parquet général pour mettre au pas
l'opposition légitimiste : ces décisions populaires
décevantes et à l'inverse des perspectives politiques justifient
d'autant plus le choix privilégié par le parquet de la
correctionnalisation.
Si la presse constitue la face la plus menaçante et la
plus surveillée du légitimisme, le ministère public se
doit de poursuivre, sous tous ses traits, cette opinion adversaire au
régime.
B-Les autres délits
politiques : un légitimisme plus latent.
En France, pour la période 1831-1835, les cris
séditieux représentent 47 % des délits
politiques320(*).
Nombres de poursuites pour cris séditieux ont pour motif la tenue de
paroles pro-légitimistes : ce type de délits doit être
d'ailleurs systématiquement déféré devant la Cour
d'assises. Par exemple, le substitut du procureur général De
Tourville requiert, le 4 octobre 1832, renvoyer Jean Quesnot devant la Cour
d'assises pour avoir dit, à deux reprises (les 14 et 15 septembre 1832),
dans le corps de garde de l'hôtel de ville de Dieppe :
« je bois à la santé d'Henri V »321(*), mais aussi pour avoir
brandi une cocarde blanche et écrit en gros caractères, sur la
guérite et les murs de la poudrière : « Vive Henri
V ! ». Le parquet général,
« considérant que ces faits constituent les délits
séditieux publiquement proférés, d'exposition dans un lieu
publique d'un signe destiné à propager l'esprit de
rébellion ou à troubler la paix publique »322(*), annule une ordonnance de la
chambre du Conseil du tribunal de Dieppe et décide finalement le renvoi
du prévenu Quesnot devant les assises. Traduit le 14 mars 1833, le
commis d'entrepôt Quesnot (26 ans) est condamné à trois
mois de prison et 463 francs d'amende pour délit politique323(*). Les contrevenants ne sont
pourtant pas toujours des légitimistes convaincus : crier
« Vive Henri V ! » ne peut être
interpréter alors que comme un simple pied de nez fait pour taquiner
les autorités. C'est le cas de Constantin Soyez (24 ans), colporteur de
lunettes, amené devant la Cour d'assises pour avoir crié dans un
café : Vive Charles X !, vive le drapeau blanc !, vive la
cocarde blanche !, à bas les trois couleurs !324(*). Après une demande
faite au procureur du Roi d'Yvetot, le procureur général Moyne
reçoit des renseignements sur le prévenu : Soyez a
déjà été condamné par défaut à
seize francs, pour cris séditieux, par la Cour d'assises de Saint-Omer,
les magistrats du Pas-de-Calais lui reconnaissant des circonstances
atténuantes325(*). Le maire de la ville où il réside,
décrit Soyez comme un « assez mauvais sujet, ivrogne
d'habitude »326(*). Evidement, le 20 février 1834, le jury
acquitte Soyez327(*).
L'expression du légitimisme peut prendre parfois des
formes plus originales, comme du linge de table. Le 7 juin 1838, le substitut
Justin requiert contre un fabriquant de linge, Nicolas-Victor Cadinot,
suspecté d'avoir réalisé du linge de table damassé,
« sur lequel le duc de Bordeaux est représenté avec une
couronne sur la tête et au dessous duquel portrait se trouve le quatrain
suivant : La couronne est à moi / du droit de ma naissance / Je
l'aurai par la loi / car je suis fils de France » 328(*) et d'avoir fait colporter ce
linge dans nombres de régions françaises et notamment dans le
Midi. Lors de la séance des assises du 27 juin, le jury reconnaît
le délit d'attaque contre les droits que le roi tient du voeu de la
nation française, délit retenu par le parquet, mais rejette le
délit de mise en vente de signes et symboles destinés à
troubler la paix publique329(*) : pour montrer son désaccord, le
substitut du procureur général Justin demande le renvoi de
Cadinot devant le tribunal de police correctionnelle330(*). Devant cette juridiction,
le substitut du procureur du Roi de Rouen, Antoine Blanche, réclame
l'application de l'article 20 de la loi du 9 septembre 1835331(*) ; les juges lui en
donnent raison : Cadinot est condamné à un mois de prison,
cent francs d'amende et la confiscation des linges saisis332(*). Si les jurys peuvent
parfois montrer une certaine indulgence quant aux impertinences carlistes, la
magistrature debout, surplombée par le procureur général,
veille à tous les échelons, à éloigner les propos
ou les nostalgiques d'un temps révolu, qu'ils soient légitimistes
ou républicains.
3-3 : Les grandes
menées du parquet général contre les
républicains.
3-3-1 : Les poursuites
contre Le National de 1834 : les prémices de la réaction
dans la presse.
A-Le renvoi de Carrel à
Rouen : la surprenante décision de la Cour de cassation.
Par un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1834, le
journaliste Armand Carrel et M. Conseil, son associé, tous les deux
gérants du journal Le National de 1834 sont renvoyés
devant la Cour d'Assises de la Seine-Inférieure et doivent
comparaître devant ladite Cour, le 17 juin 1834.
L'affaire remonte au 10 août 1833 où un
arrêt de la Cour d'assises de Seine- et-Oise condamne M. Paulin,
gérant-responsable du journal Le National, pour
« raison d'un compte [rendu] infidèle de mauvaise foi et
injurieux d'une des séances de la Cour d'assises de la
Seine »333(*) : Le National est interdit de rendre
compte des débats judiciaires pendant deux années. Comme le
rappelle Pascal Vielfaure, « Carrel, l'un des principaux dirigeants
du National décide de mettre fin à son existence
officielle et le remplacer par un journal titré : Le National
de 1834, avec une société composée de nouveaux
gérants. Rapidement, se pose la question de savoir si la condamnation
encourue par Le National doit ou non s'appliquer au
«nouveau» journal »334(*). Le 14 février 1834, la Cour d'assises de la
Seine, (avec à la tête du parquet, le substitut
Ponce-François dit Franck-Carré : futur premier
président de la Cour de Rouen en 1841335(*)) au regard de nouveaux comptes rendus publiés
dans trois numéros du mois de janvier 1834336(*), condamne Armand Carrel et
ses associés à deux mois de prison et deux mille francs
d'amende337(*).
« Estimant que rien n'interdit au propriétaire d'un journal
condamné d'en fonder un nouveau, sans que celui-ci ait à subir
les condamnations de celui-là »338(*), Carrel et Conseil forment
donc un pourvoi devant la Cour de cassation. Le 4 avril 1834, après
avoir entendu le rapport du conseiller Thil (l'ancien procureur
général de Rouen) et les plaidoiries de Me Adolphe
Crémieux (ministre de la Justice du gouvernement provisoire en 1848),
avocat de Carrel et Conseil, la Cour de cassation rend un arrêt favorable
aux deux journalistes. La Cour de cassation considère, en effet, que
l'interdiction, de rendre compte des débats judiciaires pendant deux
années prononcée contre Le National, ne s'applique pas
au journal Le National de 1834 :
« attendu que la société en nom
collectif, seulement fondée en 1831, sous la raison Paulin et
Cie, pour l'exploitation du National a
été dissoute en 1833, et qu'à la même époque,
une autre société en nom collectif et en commandite a
été établie sous la raison Armand Carrel, Scheffer,
Conseil et Cie pour la création et l'exploitation du journal quotidien
politique et littéraire intitulé : Le National de 1834
[...]. Le National de 1834 est un nouveau journal sur lequel ne frappe
pas l'interdiction de rendre compte des débats
judiciaires »339(*).
Cassant l'arrêt du 14 février, la Cour de
cassation renvoie Carrel et Conseil devant la Cour d'assises de la
Seine-Inférieure.
B-Le parquet
général de mauvaise foi ?
Devant la Cour d'assises de Rouen, Armand Carrel est le seul
à comparaître, Conseil étant au seuil de la mort, et se
trouve défendu par les deux grands avocats de la Cour, Me
Daviel et Me Senard, spécialistes des procès
politiques mêlant des républicains. Armand Carrel présente
par écrit les moyens de sa défense à Me Daviel,
que ce dernier expose oralement devant la Cour : Armand Carrel
dément être toujours éditeur ou gérant du
National, qualités qui sont à l'origine des poursuites
du ministère public devant la Cour d'assises de Rouen, « sa
seule qualité étant celle de gérant du National de
1834, comme il résulte de la déclaration par lui
passée le 31 décembre 1833 au ministère de
l'Intérieur »340(*). Le procureur général Moyne, moins
complaisant que la Cour de cassation, estime qu'Armand Carrel a essayé
de tromper les autorités, en faisant croire à la création
d'un nouveau journal, Le National de 1834 ayant pour but
« de voiler, par un changement de titre, par le changement des
gérants responsables [...] la continuation de l'ancien
journal »341(*). Pour le ministère public, Le
National n'a jamais cessé d'exister. C'est pour cette raison que le
procureur général veut que soit confirmée l'arrêt de
la Cour royale de Paris du 14 février 1834 et les peines de deux mois de
prison ainsi que l'amende de deux mille francs. Le ministère public voit
dans la création du National de 1834 une manière
dérobée d'échapper à l'interdiction de rendre
compte des débats judiciaires. Des échanges vifs sont
notés dans le procès entre l'avocat Senard et le procureur
général :
« Me Senard, avocat, autre conseil du
prévenu a observé que d'après ce que venait de dire son
confrère, Me Daviel, il ne pouvait faire que des
répétitions fastidieuses et qu'il ne se proposait de prendre la
parole que dans le cas où M. le procureur général
répliquerait [...]. Le procureur général s'est levé
et a dit que son intention n'était pas de répliquer, sans que
pour cela il fallut en induire qu'il acquiesçait aux moyens qui avaient
été présentés dans l'intérêt du
prévenu et il a persisté dans sa
réquisition »342(*).
La Cour donne raison au procureur général et
confirme les peines pour Carrel et Conseil. Mais peu de temps après,
Mme Conseil forme opposition contre l'arrêt par défaut
visant son mari, décédé entre temps. C'est là
l'occasion pour le Journal de Rouen de commenter l'affaire du
National de 1834 et de régler des comptes avec le parquet
général : « Le procureur général
avait tranché d'avance contre Mme Conseil en ne faisant pas
revenir les pièces qui eussent été indispensables pour
discuter le fond du procès »343(*). En charge du ministère public lors de
l'audience de Mme Conseil,
l'avocat général Le Tendre de Tourville est l'objet
d'attaques du journal. On rappelle notamment son passé judiciaire sous
la Restauration : « A pareil jour, en effet, il y a quatre ans,
M. l'avocat général de Tourville était substitut du
procureur général qui, à la tête de son parquet,
venait assurer main-forte aux ordonnances »344(*). Le Journal de
Rouen fait un parallèle saisissant entre la situation de la presse
au crépuscule de la Restauration et sous la monarchie de Juillet. Rien
n'a changé, ni ses défenseurs, ni ses détracteurs :
« MM. Daviel et Senard, qui défendaient le 29 juillet 1830, la
propriété du Journal de Rouen contre les lois de la
Restauration, défendaient le 30 juillet 1834, la propriété
du National de 1834 contre les mêmes lois, contre les
mêmes adversaires ! [...]. Qui dirait qu'une révolution faite
au nom de la liberté de la presse a passé entre ces deux
procès ? »345(*). Le Tendre de Tourville, trouvant la
prétention de l'opposante « étrange, sans convenance,
sans loyauté »346(*), fait rejeter la demande de Mme Conseil.
Le National de 1834 porte, de nouveau, l'affaire devant la Cour de
cassation, qui confirme, définitivement, l'analyse du procureur
général et les conclusions de la Cour d'assises de Rouen :
« Même interdit de publier des débats judiciaires,
Le National de 1834 n'en continue pas moins d'exister et se mêle
fréquemment de politique »347(*).
A travers Le National de 1834, c'est une nouvelle
fois les républicains que l'on vise. Les répliques du procureur
général Moyne et de l'avocat général De Tourville
répondent naturellement à l'attente du gouvernement348(*) et confirment le retour des
atteintes faites à la presse et aux organisations républicaines.
Le Journal de Rouen illustre justement cette vision lors de l'affaire
du National de 1834 : « Voilà comment on
interprète aujourd'hui la révolution de Juillet dans les
parquets : elle n'a renversé que Charles X ; tout l'entourage
a été consolidé »349(*).
3-3-2 : La dissolution
de la Société des Droits de l'homme et du citoyen de Rouen.
A-L'application de la
législation anti-républicaine.
Le 22 août 1834, la chambre des appels correctionnels de
Rouen reçoit l'appel formé par Adolphe Patey et dix de ses
amis350(*). A
l'audience, il est rappelé que le tribunal de 1ère
instance de Rouen, section correctionnelle, les a condamnés, le 2
juillet de la même année, dans l'activité de leur
association dite la Société des Droits de l'homme :
Adolphe Patey (âgé de 37 ans, agent d'affaires), Charles Alphonse
Anger (âgé de 27 ans, mécanicien), François Pierre
Auguste Juquin (âgé de 25 ans, commis de négociant),
Léon Brunswick (âgé de 36 ans, commerçant), Pierre
Bobée (âgé de 43 ans, commis), Jean-Pierre Guilbert
(âgé de 43 ans, tisserand), chefs directeurs ou administrateurs du
Comité central de la Société de Droits de l'homme sont
déclarés coupables d'avoir formé une association de plus
de vingt membres, dont le but était de se réunir pour s'occuper
d'objets politiques, sans l'agrément du gouvernement. Pour cela, les six
sociétaires sont condamnés à payer 100 F d'amende chacun.
Le tribunal acquitte les autres membres présents (Robert Evrard
(peintre), Jacques Nuisement (âgé de 36 ans, charcutier),
Eugène Ferment (âgé de 22 ans, commis), Jean-Baptiste
Saillard (âgé de 20 ans, ouvrier fondeur) et Stanislas Pelhestre
(âgé de 26 ans, horloger)) mais déclare la
Société dissoute. Lors de la séance du 23 août, le
substitut Leroy dépose sur le bureau du président une
réquisition écrite, visée par le procureur
général Moyne. Le parquet général
déclare les membres de la Société des Droits de l'homme,
coupables d'avoir contrevenu à l'article 291 du Code pénal
réglementant les associations ainsi qu'à la nouvelle loi
votée le 10 avril 1834 visant à démanteler les
sociétés républicaines351(*). L'affirmation de l'orléanisme,
prônée par un gouvernement de plus en plus conservateur, passe par
la réduction de la « menace républicaine » et
donc un renforcement des lois et de leurs applications. Pascal Vielfaure
écrit :
« Malgré des prises de positions fermes
à la Chambre des députés et une jurisprudence appliquant
l'article 291 du Code pénal, les associations continuent de
représenter une menace pour le gouvernement. Après les crieurs
publics, le gouvernement s'attaque à cette question. Un projet est
présenté aux députés à la séance du
25 février 1834. Le gouvernement n'hésite pas à montrer du
doigt le parti républicain. Et ces associations, qui tendent au
renversement de l'ordre établi, sont aux yeux du gouvernement la cause
de tous les maux. L'ennemi étant repéré, il convient de
l'anéantir. Pour ce faire, le garde des Sceaux propose de donner
« force et complément » aux dispositions de la loi
qui prohibe les associations. Il s'agit d'éviter que ces associations
contournent l'article 291 en se constituant en section de moins de vingt
personnes. Il s'agit aussi d'augmenter la pénalité jugée
dérisoire du Code pénal et d'atteindre, non seulement les
directeurs, les chefs de l'association, mais encore tous les membres sans
distinction ».
Et sur la compétence des juridictions correctionnelles
:
« En outre, la crainte de voir ces infractions
insuffisamment réprimées conduit à éviter autant
que possible la compétence des jurés au profit, soit des
magistrats, soit des politiques. Au nom de l'efficacité
répressive, le ministre écarte expressément la
compétence du jury »352(*).
Ce durcissement de la législation
anti-républicaine se justifie, par ailleurs, pour le gouvernement, par
l'implantation menaçante de la Société sur tout le
territoire national.
B-Le développement
inquiétant et surveillé de la Société.
La Société des Droits de l'homme qui
s'était organisée à Rouen, en septembre 1833, n'est que
l'une des succursales de la Société des Droits de l'homme et du
citoyen de Paris, considérée par la Cour comme la
« société-mère ». La
Société des Droits de l'homme de Paris, présidée
par Godefroy Cavaignac est une société s'inspirant des
conceptions sociales jacobines : visant le monde ouvrier, la
Société milite pour un programme égalitariste, aux
« valeurs aussi ridicules que téméraires, jurant haine
et mépris à tout ce qui existe » selon les mots, sans
appel, de la Cour. La Société s'installe dans l'Est et les
grandes villes ouvrières comme Lyon, Saint-Étienne ou
Grenoble. La Société de Rouen recrute peu par rapport à
Paris : 3000 adhérents dans la Capitale (soit-les ¾ de
l'effectif global) contre moins d'une soixantaine pour Rouen. Comme au niveau
national, la Société semble toucher plutôt les couches
avancées de la classe ouvrière : les artisans
qualifiés. La Cour de Rouen rappelle dans son verdict du 29 août
1834 que la Société est « composée en partie
d'artisans et de jeunes gens fanatisés ». Le comité
central de Rouen est composé de seize membres dont le chef suprême
de l'association est Adolphe Patey et le trésorier Léon Brunswick
Pour les juges, la Société de Rouen est chargée de
diffuser dans toute la région des imprimés républicains
« propres à corrompre l'esprit du peuple et de
l'armée », notamment le catéchisme
républicain et le Populaire, « journal
essentiellement anarchique ». Ils mettent en évidence
également le lien étroit qui existe entre la
Société des Droits de l'homme et le communiste chrétien
Etienne Cabet ( par ailleurs procureur général de la Corse au
début de la monarchie de Juillet), qui chargeait les sociétaires
« de répandre avec profusion » ses idées
formulées dans son journal le Populaire. Depuis le
début, la Société des Droits de l'homme et du citoyen est
à Rouen l'objet d'une attention accrue des autorités. Dès
le 2 octobre 1833, le ministère de l'Intérieur et des Cultes
envoie une lettre à M. le préfet de la Seine-Inférieure
dans laquelle il prévient l'autorité préfectorale de
l'établissement d'une société républicaine dite
l'association nationale et du projet d'établissement d'une seconde dite
des Droits de l'homme. Le message que le gouvernement fait passer est
clair : observer de près l'activité politique des
sociétés républicaines et, au moindre écart,
les interdire. Le ministère de l'Intérieur en appelle,
également, à M. le préfet pour en avertir les
autorités judiciaires, en l'occurrence le parquet de Rouen :
« Votre premier soin doit être de
déférer ces sociétés à M. le procureur du
Roi, afin qu'aux moindres contraventions (et vous vous êtes mis en mesure
de les constater ), elles puissent être dissoutes »353(*).
La lettre du ministère se termine par un ultime ordre :
« Continuez donc à les surveiller avec soin ». Ce conseil
suivi par le préfet aboutit à la condamnation par le tribunal
correctionnel du 2 juillet 1834. L'appel formé par les membres de la
Société des Droits de l'homme est l'occasion, pour le parquet
général de Rouen, de faire de ce nouveau procès un
exemple : ainsi, le procureur général Moyne, à sa
demande reçoit une lettre du procureur du Roi de Rouen dans laquelle il
transmet des informations sur des affaires mêlant des républicains
de Louviers et d'Evreux :
« J'ai l'honneur de vous faire l'envoi de deux
procédures suivies à Evreux et à Louviers à
l'occasion d'associations politiques et qui m'ont été
communiquées officieusement comme renseignement à joindre au
procès suivi à Rouen contre les nommés Patey, Anger et
autres dont je vous ai transmis les pièces le 31
juillet »354(*).
Antérieurement (le 16 mai 1834), le procureur du Roi
d'Evreux avait fait également part des éléments dont il
disposait au procureur de Rouen :
« M. Patey est inculpé d'être le chef
dans le département de la Seine-Inférieure ; que ce sont les
magistrats de Rouen qui, les premiers, ont été saisis de
l'affaire [...] qu'ainsi il y a connexité entre les diverses affaires
dont sont saisis les magistrats de Rouen et d'Evreux. Requiert que les
pièces de la procédure seront sans délai transmises
à M. le procureur du Roi à Rouen, pour être jointes
à celles de l'information antérieurement requise par ce
magistrat »355(*).
Le procès, en appel, de la Société de
Droits de l'homme est l'occasion pour le parquet général de faire
remonter les informations judiciaires portant sur des affaires de
républicains (susceptibles d'être sociétaire) que les
procureurs du Roi d'Evreux et de Louviers ont eu à traiter. La
centralisation des renseignements sur les réseaux républicains
dans le ressort de la cour d'appel démontre l'importance de la mission
du procès.
C-La confirmation
« contre la récidive ».
Les procès de juillet et d'août 1834 arrivent
après l'insurrection échouée d'avril 1834 soulevant une
nouvelle fois les canuts lyonnais et Paris, mais qui tourne court en province.
Les ouvriers lyonnais relayés par les républicains parisiens de
la Société des Droits de l'homme se dressent contre la loi
votée le 10 avril 1834, interdisant les associations de moins de vingt
personnes. C'est à l'appui de cette même loi que le parquet
général requiert le 23 août. L'application de la loi du 10
avril 1834 est une nouvelle fois l'enjeu du procès en août 1834.
L'action gouvernementale, dirigée par le ministre de l'Intérieur
Adolphe Thiers qui a pris la forme d'une répression sanguinaire à
Lyon et à Paris (massacre de la rue Transnonain) s'exprime, sur le plan
judiciaire, par une poursuite nationale de la Société des Droits
de l'homme rendue responsable des débordements d'avril et donc coupable
de menacer activement le régime356(*). Le vendredi 29 août 1834, en présence
du légitimiste premier avocat général Gesbert, la Cour,
suit les réquisitions du parquet général et réforme
le jugement de première instance à la défaveur d'Adolphe
Patey et consorts : l'amende de Patey est doublée, passant à
200 francs ; les amendes des administrateurs (Anger, Guilbert, Juquin,
Bobée, Brunswick) sont identiques, restant à 100 francs mais
les autres sociétaires (Saillard, Pelhestre,Evrard, Nuisement)
auparavant acquittés, sont condamnés à payer 50 francs
chacun. La dissolution de la Société des Droits de l'homme est
maintenue « contre la récidive » : cette
confirmation met un frein sérieux à la diffusion de l'idée
républicaine en Normandie et confirme l'implacabilité du parquet
sur les affaires mêlant des républicains. Ensuite, les « lois
de septembre » de 1835 sur les crimes et délits de la presse
marquent un tournant majeur dans l'histoire de la monarchie de Juillet :
la presse d'opposition en sort totalement muselée. Le débat
politique devient impossible, en dehors des partis constitutionnels. La presse
se bâillonne elle-même, de peur de se voir
disparaître357(*),
mais pas toujours.
3-3-3 : Les
déboires du Journal de Rouen ou la ferme volonté de
« nettoyer » la presse d'opposition.
A-L'attentat d'Alibaud : un
engagement un peu trop républicain du Journal de Rouen.
A Rouen, le premier journal à faire l'objet d'un
certain acharnement judiciaire est le Journal de Rouen, grand journal
d'opposition. Centralisant les idées de toutes les gauches358(*), le journal est une cible
facile et n'échappe plus aux poursuites du ministère public.
L'attentat de Fieschi est l'occasion dramatique de la législation du 9
septembre, l'attentat suivant, celui d'Alibaud du 25 juin 1836, est le sujet
qui met le feu aux poudres au parquet général de Rouen. Le
procureur général Moyne, dirige lui-même l'opération
et note consciencieusement les passages de divers numéros du Journal
de Rouen, qui sont susceptibles de déférer le journal devant
la Cour d'assises359(*).
Dans le numéro 182, du 30 juin 1836, Moyne retient le délit
d'attaque contre l'inviolabilité de la personne du roi, prévu par
la loi du 17 mai 1819 et celle du 25 mars 1822360(*). Le tord de l'article est de
faire de Louis-Philippe un citoyen comme les autres :
« Moralement et politiquement parlant, aujourd'hui
l'assassinat d'un Roi n'est pas une plus une plus grande monstruosité
que l'assassinat de tout autre citoyen ; l'un et l'autre sont
également exécrables et punissables, l'un et l'autre outragent la
conscience publique et mériteront toujours la plus forte des peines que
la raison humaine et sociale se croira le droit d'infliger ; mais l'un
n'est pas un plus grand sacrilège que l'autre, et n'appelle pas
d'appareil de réparation plus élevé et plus sonore
»361(*).
Les journalistes ont oublié que Louis-Philippe n'est
pas qu'un citoyen : il est le « roi-citoyen » et ne
tient pas à devenir « Louis-Philippe-Egalité ».
Pour le même passage, le procureur réclame l'article 8 de la
nouvelle loi du 9 septembre relatif au délit d'attaque contre le respect
dû au lois. Mais, c'est le second passage incriminé qui requiert,
de manière plus claire, l'application des lois de septembre :
« Hier, à minuit, on savait dans Paris que la
générosité du coeur du Roi n'avait pu avoir son cours, et
que le droit de grâce, dont il peut user d'ailleurs sans consulter son
conseil, ne serait pas exercer »362(*).
Le procureur général considère ces propos
comme relevant du quatrième article qui interdit que l'on fasse
« remonter au Roi le blâme ou la responsabilité des
actes de son Gouvernement ». Mais le droit de grâce ne
relève pas du gouvernement mais exclusivement de Louis-Philippe :
L'article 58 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830
prévoit que « le roi a le droit de faire grâce et celui
de commuer les peines363(*) ». Le gouvernement n'a aucune
responsabilité en matière de grâce364(*). Si Alibaud est
exécuté, c'est que le roi a consenti à son
exécution. L'application de cet article dédouane le roi mais ne
se justifie pas. Le Journal de Rouen a placé l'autorité
monarchique en face de ses responsabilités et de ses décisions,
c'est ce pourquoi, sans doute, le procureur relève ce nouvel affront. Le
dernier article, à être l'objet de poursuites365(*), est la chronique politique
du 13 juillet qui critique l'exécution d'Alibaud et condamne la
politique criminelle actuelle :
« La tête d'Alibaud a roulé sur
l'échafaud, presque la nuit, furtivement ; il semblait que ce
fût un crime que l'on commit [...].Voilà donc les résultats
de la civilisation qu'on disait si fort en progrès depuis 1830 ! En cinq
mois, quatre têtes sont tombées sur l'échafaud ; le
bourreau est aujourd'hui un personnage, et la guillotine ne se repose plus
[...]. Il est mort courageusement, et on n'a pu le calomnier à son
moment suprême, comme on l'a fait à la Cour des
pairs »366(*).
Alibaud est regardé comme une victime du système
gouvernemental. Mort presque en martyr, Alibaud n'est pas un terroriste qui a
tiré sur le chef de l'Etat, mais reste, pour le Journal de
Rouen, un républicain qui a essayé de changer le cours des
événements. Pour le chef du parquet, le Journal de Rouen
accuse la monarchie de Juillet d'être un régime
répressif et donne, scandaleusement, raison aux républicains. Le
procureur général ne fait que suivre la volonté
gouvernementale du duc de Broglie, dont les propos rapportés par
Duvergier de Hauranne (dans son Histoire du gouvernement parlementaire en
France de 1814 à 1848) sont simples et directifs :
« Le président du conseil insiste sur les
excès commis par les partis et lie l'attentat du 28 juillet «aux
violentes agressions de la presse». Il convient donc «de ramener tous
les partis à la religion de la charte, les ramener sous son
joug... ». Quant à la liberté de la presse, il la veut
«franche et complète, mais constitutionnelle», bref
orléaniste ! »367(*).
B-La censure du parquet
général.
Le Journal de Rouen, de par sa position complaisante
sur l'affaire d'Alibaud, est suspecté de républicanisme. C'est
pour cela que, le gérant du Journal de Rouen, Émile
Brière ( journaliste, âgé de 28 ans) est appelé
à comparaître devant la Cour d'assises, le 17 août 1836,
pour délit de presse. Le réquisitoire de l'avocat
général légitimiste Le Tendre de Tourville ne pèse
pas lourd face à la plaidoirie de la défense, assurée par
Jules Senard, l'un des plus brillants avocats du barreau de Rouen, qui
séduit littéralement le jury :
« Non content de défendre le Journal de
Rouen, dont la rédaction avait toujours été
«franche, indépendante, hardie, parfois rude, mais toujours
loyale», [Jules Senard] se fit l'accusateur et dressa contre ceux qui
avaient provoqué et dirigé les poursuites, un véritable
réquisitoire, suivi d'un acquittement triomphal. Sa plaidoirie parut si
belle, qu'elle fut tirée à 20.000
exemplaires »368(*).
Le ministère public se venge du succès de
Me Senard en le citant directement devant le tribunal correctionnel
pour diffamation369(*) : les poursuites du procureur
général auraient été menées après les
dénonciations de l'Écho de Rouen, journal
gouvernemental370(*).
Comme souvent dans les affaires de délits de presse, le
jury est indulgent et l'acquittement du 17 août n'est donc pas une
surprise371(*). Pourtant
ce procès est un événement pour la presse rouennaise
puisque c'est la première fois, depuis le début de la monarchie
de Juillet, que le Journal de Rouen se plaint d'un retour de la
censure :
« Nous avons donc supprimé le discours
d'Alibaud. Depuis que la loi de 1828 avait aboli la CENSURE, c'est la
première fois qu'elle reparaît, et qu'un journal se montre au
public mutilé par elle. La CENSURE, à tout jamais proscrite par
la Charte de 1830, existe donc. Mais ce n'est plus la censure de la loi :
c'est la censure de la force ! »372(*).
Supprimée en juillet 1828 par les réformes
libérales de Martignac, remise au goût du jour dans l'une des
quatre ordonnances du 25 juillet 1830, la censure est définitivement
enterrée et la liberté de la presse reconnue par la Charte de
1830373(*). Cette
réapparition de la censure ouvre, à l'encontre de la presse et du
Journal de Rouen plus particulièrement, une nouvelle
période de réaction et d'affermissement. Conforme à la
ligne gouvernementale, le procureur général veille à
« l'orléanisation » du paysage politique, surtout dans la
presse d'opposition. Toute remise en cause du gouvernement de Louis-Philippe
est donc sujette à poursuite.
C-La deuxième affaire
Brière : le chant du cygne pour le parquet.
Non content du résultat de son action, le parquet
général continue de tourmenter l'organe de presse
rouennais : la deuxième poursuite arrive à peine quatre mois
après. Entre les deux affaires est arrivé un
événement d'importance pour le parquet général de
Rouen et le Journal de Rouen : tant souhaité par le
journal, le départ du procureur général a eu lieu. La
nomination de M. Moyne à la première présidence de la Cour
de Poitiers marque la fin d'une époque. Procureur général
à Rouen, de novembre 1832 à novembre 1836, Moyne
représente, jusqu'à la caricature, la politique d'affermissement
du régime orléaniste. Son successeur, Jacques-André
Mesnard a une réputation plus libérale (et
bonapartiste)374(*) ; mais la fonction de procureur
général demande, avant tout, de servir les intérêts
monarchiques en place : déjà successeur de M. Moyne comme
procureur général de Grenoble en 1832, le procureur
général Mesnard, à Rouen, suit l'action ferme de son
prédécesseur, en matière de presse.
Le 5 décembre 1836, un mois à peine après
sa prise de fonction, le procureur général Mesnard prononce un
réquisitoire contre le Journal de Rouen. Devant la Chambre des
mises en accusation, Jacques-André Mesnard requiert que le
gérant, Émile Brière, comparaisse devant la Cour d'assises
pour diffamation375(*) : le journal, dans un article intitulé
des écoles d'enseignement mutuel, se fait l'écho d'un
scandale concernant le comité communal d'instruction primaire :
« nous devons ajouter encore qu'on s'est si peu
enquis préalablement de la moralité des personnes qui devaient
faire partie des nouveaux comités, que dernièrement on racontait
avec douleur, au sein du conseil municipal, que l'une d'elles avait eu un peu
trop oublié ce qu'elle devait à la pudeur de deux jeunes filles
de l'une des écoles dont elle avait la surveillance376(*).»
Le Journal de Rouen met indirectement en cause la
municipalité de Rouen, en charge du contrôle des
établissements d'instruction primaire de la ville. Face à cette
allégation portant gravement atteinte à la moralité et
à l'honneur du comité d'instruction primaire de la ville de
Rouen, le procureur général Mesnard reçoit la plainte du
comité et lance l'action publique contre le gérant-responsable.
Le 12 décembre 1836 s'ouvre, donc, le deuxième procès, non
moins important, du Journal de Rouen, devant la Cour des assises.
L'avocat général Pierre-Aubin Paillart, a en charge le
ministère public mais, une nouvelle fois, la défense est
excellente. Le barreau de Rouen se mobilise : le bâtonnier de
l'Ordre, Me Senard et Me Daviel (l'ancien premier avocat
général) se font les défenseurs de la presse
libérale rouennaise et soutiennent, avant tout leur ami, Émile
Brière. Après de longs débats, la défense obtient
du jury l'acquittement :
« Il est une heure du matin ; nous sortons de
l'audience après un débat qui a duré quinze heures, quinze
heures pendant lesquelles il nous a fallu lutter successivement contre le
ministère public, contre la partie plaignante et contre la Cour
elle-même [...]. A l'issue de l'audience, et, bien qu'il fût une
heure du matin, un public nombreux a accompagné [Me Senard]
jusqu'à sa demeure, au milieu des cris : Vive Senard ! Vive la
liberté de la presse !377(*) »
On le voit, derrière la mise au grand jour de la
vérité, le procès a un enjeu, plus grand que la cause
défendue : c'est la liberté de la presse. Le devoir d'un
journal d'opinion, comme le Journal de Rouen, est aussi de
révéler des scandales. La liberté de ton et d'information
est menacée par un régime qui veut uniformiser les journaux
d'opposition. Malgré la menace de poursuites qui pèse sur lui, le
Journal de Rouen n'a aucune envie de devenir une feuille
gouvernementale et continue de jouer son rôle de critique
vis-à-vis de la municipalité ou du gouvernement.
Le nouvel acquittement est un désaveu, de plus, pour le
parquet général et le recours légal au jury montre des
insuffisances flagrantes. Pour le ministère public, des limites
inacceptables ont été franchies : sa réplique est
à la hauteur de son humiliation. Deux ans plus tard, le Journal de
Rouen commente l'épisode :
« Le lendemain, nous fûmes rappelés
à nous expliquer devant les mêmes magistrats jugeant cette fois
sans jury [...]. Nous fûmes condamnés dans la personne de notre
gérant à une forte amende et à deux ans de prison !
[...]. Notre accusateur, c'était ce même parquet qui, la veille,
avait essuyé contre nous une défaite et qui se trouvait
blessé par nos critiques du lendemain [...]. La magistrature consentit
à nous frapper elle-même, et elle frappa
fort »378(*).
Faisant condamné à deux de prison et à
plus de 3300 francs d'amende le gérant Brière, le parquet
général peut finalement chanter victoire.
Conclusion :
Le banquet réformiste de Rouen du 25 décembre
1847 clôture en province la célèbre campagne
commencée en juillet de la même année ; la
réunion conforte l'avocat Jules Senard dans sa position de leader de la
gauche dynastique à Rouen : organisateur et
président du banquet, Jules Senard, devant dix-huit cents convives dont
Dupont de l'Eure, Odilon Barrot, Adolphe Crémieux, Gustave Flaubert,
Maxime Du Camp, etc.379(*) prononce un discours mesuré en faveur
de l'ouverture du droit de suffrage, tout en rappelant que « les
Révolutions les plus aisément accomplies, laissent à leur
suite un long ébranlement d'intérêts et un gaspillage
considérable des richesses et des forces sociales »380(*) : seul orateur
appartenant à la magistrature, l'ancien substitut du procureur
général, le conseiller Justin, plus radical, porte-lui
« un toast aux classes pauvres et laborieuses, aux institutions qui
doivent leur faire obtenir l'éducation, le bien-être et les droits
dont elles sont privées »381(*).
La Révolution inattendue de février 1848
évince la monarchie de Juillet : le 26 février, le
gouvernement provisoire remplace le procureur général
Frédéric Salveton. Conservateur et ami de Guizot, Salveton quitte
définitivement la magistrature pour finir avocat à Riom382(*). Lui succède Jules
Senard à la Cour d'appel de la République de Rouen. La nomination
de Senard au poste de procureur général marque la victoire de
l'opposition modérée à la Cour de Rouen. Moins convaincu
de la nécessité de la République que son confrère
Frédéric Deschamps avocat radical, nommé commissaire de
la République , Senard cache rapidement son étonnement pour
finalement célébrer « l'hôte ami qui a
devancé l'heure prévue de son
arrivée »383(*). Le 4 mars 1848, lors de sa cérémonie
d'installation, dans une Cour d'assises couverte de drapeaux tricolores, Senard
prononce, devant un parterre d'officiels384(*) et une foule en liesse385(*), un discours mêlant
simplicité personnelle et lyrisme fraternel386(*) :
« Et vraiment, j'admire comment cette tempête,
qui en quelques heures brisait et emportait un trône, une monarchie, un
édifice social tout entier, est venue en même temps soulever un
humble grain de poussière, et m'arracher, moi, simple citoyen, aux
habitudes de la vie privée, pour me transporter sur ce siège
élevé de magistrature [...]. Non ! Non ! que dans cette
main accoutumée aux travaux de la plume, dans cette main qu'ont blanchie
les soins recherchés de l'éducation et de nos habitudes de
bien-être, vienne se poser tout à l'heure, comme elle s'y est
posée souvent, la main dure et calleuse de l'ouvrier : je la
recevrai avec bonheur ! ».
Le 26 avril 1848, le procureur général Senard
remporte les premières élections législatives au suffrage
universel sur son rival Deschamps, l'organisateur des ateliers nationaux
à Rouen. Déçus par le résultat, des ouvriers
manifestent devant l'hôtel de ville et finissent rapidement par dresser
des barricades dans leurs quartiers. Senard prend la tête
des opérations et n'hésite pas à employer le canon pour se
rendre maître de la rue Sain-Julien. En deux jours, l'ordre est
rétabli mais le bilan est sanglant : une dizaine de morts dans le
camp des ouvriers387(*).
Pour avoir triomphé de l'émeute, « le héros de
la Saint-barthélemy de Rouen »388(*) est nommé le 5 juin
président de l'Assemblée Nationale. Puis, ayant apporté
son aide au général Cavaignac pendant les terribles
journées de juin, l'Assemblée Nationale décrète,
reconnaissance officielle suprême, que Senard et Cavaignac ont
« bien mérité de la nation »389(*).
Quant à Alfred Daviel, il réintègre le
parquet général de Rouen, en février 1850, cette fois
comme procureur général, grâce à l'appui du
président de la République Louis-Napoléon
Bonaparte390(*). Peu de
temps après, le 1er novembre 1851, le prince président
lui donne même le porte-feuille de ministre de la Justice : mais
Daviel n'en profite que jusqu'au coup d'État du 2 décembre, soit
un mois391(*).
Reconnaître et défendre l'autorité
en place sont les nécessaires conditions de l'exercice du
ministère public. Moins installés par nature institutionnelle que
les magistrats du siège, les parquetiers sont amenés à
trouver leur stabilité professionnelle dans une commode docilité
et leur équilibre personnel dans un monde judiciaire
idéalisé. Représentants de la société des
notables , les magistrats du parquet général attachent davantage
d'importance à protéger leurs propres intérêts et
ceux de la bourgeoisie à laquelle ils appartiennent, plutôt
qu'à soutenir sincèrement, en ces temps instables, le pouvoir en
place. Dans cette optique, le passage d'un régime à un autre est
un aléa aisément surmontable. Toutefois, d'autres exemples
montrent que le magistrat n'est pas toujours un serviteur aveugle du pouvoir
mais qu'il sait aussi le défier ou le défendre avec
conviction.
Bibliographie :
I-Ouvrages généraux
·Angibaud Brigitte, Le parquet, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. « Que-sais-je ? »,
1999, 127 p.
·Antonetti Guy, La monarchie constitutionnelle,
Paris, Montchrestien, 1998, 160 p.
·Antonetti Guy, Louis-Philippe, Paris, Fayard,
1994, 992 p.
·Barjot Dominique, Chaline Jean-Pierre, Encrevé
André, La France au XIXe siècle 1814-1914,
Paris, Presses Universitaires de France, 1995, 651 p.
·Carbasse Jean-Marie, Introduction historique au
droit, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « droit
fondamental », 1998, 379 p.
·Caron Jean-Claude, La France de 1815 à
1848, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 1993,
rééd. 2000, 193 p.
·Castaldo André, Introduction historique au
droit, Paris, Dalloz, 1999, 452 p.
·Démier Francis, La France du XIXe
siècle 1814-1914, Paris, Seuil, coll.
« Points », 2000, 602 p.
·Duby Georges (dir.), Histoire de la France des
origines à nos jours, Paris, Larousse,
coll. « In Extenso », 1970,
rééd. 2000, 1258 p.
·Farcy Jean-Claude (dir.), Guide des archives
judiciaires et pénitentiaires (1800-1958), Paris, CNRS, 1992, 1175
p.
·Farcy Jean-Claude, L'histoire de la justice
française de la Révolution à nos jours : trois
décennies de recherches, Paris, Presses Universitaires de France,
coll.
« Droit et Justice », 2001, 494 p.
·Farcy Jean-Claude, Deux siècles d'histoire
de la justice en France : 1789-1989, Paris, CNRS, 1996,
cédérom.
· Godechot Jacques, Les constitutions de la France
depuis 1789, Paris,
Garnier-Flammarion, 1970, 508 p.
·Robert Hervé, La monarchie de Juillet,
Paris, Presses Universitaires de France, coll.
« Que-sais-je ? », 127 p.
·Royer Jean-Pierre, Histoire de la justice en
France : de la monarchie absolue à la République,
Paris, Presses Universitaires de France, 1995, 788 p.
·Tulard Jean, Les Révolutions (1789 à
1851), Paris, Fayard, coll. « Histoire de France »,
1985, 568 p.
·Tulard Jean (dir.), Dictionnaire
Napoléon, Paris, Fayard, 1989, rééd., 1999, 977 p.
·Tulard Jean (dir.), Dictionnaire du Second
Empire, Paris, Fayard, 1995, 1347 p.
·Volff Jean, Le ministère public, Paris,
Presses Universitaires de France,
coll. « Que-sais-je ? », 1998, 127 p.
·Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des
ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.
II- Ouvrages spécialisés et études
·Arnaud André-Jean, Les juristes face
à la société, du XIXe siècle à
nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, 228 p.
·Blanche Antoine-Georges, Etudes pratiques sur le
Code pénal, Paris, Cosse et Marchal, 1861-72, 7 volumes.
·Bruschi Christian (dir.), Parquet et politique
pénale depuis le XIXe siècle, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. de la Mission de recherche « Droit et
Justice », 2002, 381 p.
·Carbasse Jean-Marie, Histoire du Parquet,
Paris, Presses Universitaires de France, 1999, 333 p.
·Chaline Jean-Pierre, Les bourgeois de Rouen, Une
élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de
la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1982, 509 p.
·Chaline Jean-Pierre, Rouen sous la monarchie de
Juillet, Rouen, Centre Régional de Documentation
Pédagogique, 1971.
·Chazal Jean, Les magistrats, Paris, Grasset,
1978, 312 p.
·Collectif, Liste générale des membres
de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745
à 1900-1901, Rouen, Imprimerie Léon Gy, 1903.
·Collectif, Le Palais de Justice de Rouen,
Rouen, publié par le Ministère de la Justice et le
département de la Seine-Maritime, 1977, 297 p.
·Collectif (Association française pour l'histoire
de la justice : préface de Robert Badinter), L'épuration
de la magistrature de la Révolution à la Libération :
150 ans d'histoire judiciaire, Paris, éditions Loysel, 165 p.
·Collectif, Parquet et politique pénale
depuis le XIXe siècle, Actes du colloque organisé
par le Centre Lyonnais d'histoire du droit et de la pensée politique et
la Mission de recherche Droit et Justice, Université Jean Moulin Lyon
III, le 19 et 20 septembre 2002.
·D'Amat Roman (dir.), Dictionnaire de biographie
française, Paris, librairie Letouzey et Ané, 1965.
·Debré Jean-Louis, La justice au
XIXe siècle « Les magistrats »,
Paris, Perrin, 1981,
223 p.
·Devilleneuve L.-M., Carette A.-A., Lois
annotées ou lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil
d'État, etc., Paris, Administration du recueil
général des lois et des arrêts, Tome 1789 à 1830,
1854.
·Dupont-Bouchat Marie-Sylvie, Pierre Éric (dir.),
Enfance et justice au XIXe siècle, Essais d'histoire
comparé de la protection de l'enfance, 1820-1914, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. « Droit et Justice », 2001,
443 p.
·Farcy Jean-Claude, Magistrats en majesté,
Les discours de rentrée aux audiences solennelles des Cours d'appel
(XIXe-XXe siècles), Paris, CNRS, 1998, 793
p.
·Farcy Jean-Claude, «Justice et
pénalité, dans la France du XIXe siècle»,
Historiens et Géographes, no338, décembre
1992, pp. 161-173.
·Frère Edouard, Manuel du Biographe
normand, Rouen, A. Le Brument, 1858, 2 vol.
·Goyet Francisque, Le ministère public en
matière civile et en matière répressive et l'exercice de
l'action publique, Paris, Recueil Sirey, 1926, rééd. 1953,
503 p.
·Hoefer M., Nouvelle biographie
générale, Paris, Firmin Didot, 1855, 46 vol.
·Lebreton Théodore, Biographie Normande,
Rouen, A. Le Brument éditeur, 1857-1861, 3 vol.
·Martinage Renée, Punir le crime. La
répression judiciaire depuis le Code pénal,
Villeneuve-d'Ascq, L'Espace juridique, 1989, 291 p.
·Masson Gérard, Les juges et le pouvoir,
Paris, Moreau/Syros, 1977, 495 p.
·Ortolan Joseph-Louis-Elzéar, Ledeau L., Le
ministère public en France ; Traité et code de son
organisation, de sa compétence et de ses fonctions dans l'ordre
politique, judiciaire et administratif, Paris, Fanjat-Aîné,
Tome I, 1831, 380 p.
·Ortolan Joseph-Louis-Elzéar, Le
ministère public en France, Paris, Joubert, 1844,
2 vol.
·Oursel N.-N., Nouvelle Biographie Normande,
Paris, Alphonse Picard Éditeur, 1886,
2 vol.
·Plantrou Nicolas (dir.), Du Parlement de Normandie
à la Cour d'appel de Rouen
1499-1999, Rouen, Association du Parlement de Normandie,
1999, 601 p.
·Rassat Michèle-Laure, Le ministère
public entre son passé et son avenir, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 1967, 286 p.
·Robert Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire
des parlementaires français, Paris, Bourloton, 1890, 5 vol.
·Rouland Gustave, Discours et réquisitoires
de M. Rouland, Paris, Imprimerie Nationale, 1863, 2 vol. (I :
1838-1855 ; II : 1856-1862)
·Rousselet Marcel, La magistrature sous la monarchie
de Juillet, Paris, thèse de lettres, 1937, 488 p.
·Rousselet Marcel, Histoire de la magistrature
française des origines à nos jours, Paris, coll.
« Procès politique », 1957, 2 vol.
·Royer Jean-Pierre, La société
judiciaire depuis le XVIIIe siècle, Paris, Presses
Universitaires de France, 1979, 347 p.
·Royer Jean-Pierre, Lecocq Pierre, Martinage
Renée, Juges et notables au XIXe siècle,
Paris, Presses Universitaires de France, 1982, 398 p.
·Royer Jean-Pierre, Mathias Éric, Les
procureurs du droit, de l'impartialité du ministère public en
France et en Allemagne, Paris, CNRS, 1999, 288 p.
·Truche Pierre, Juges, Être jugé,
Paris, Fayard, 2001, 220 p.
·Vielfaure Pascal, L'évolution du droit
pénal sous la monarchie de Juillet entre exigences politiques et
interrogations de société, Aix-en-Provence, Presses
Universitaires d'Aix-Marseille, 2001, 618 p.
·Consultation de la base Leonore du Centre Historique
des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion d'honneur
(XIXe-XXe siècles) :
www.archivesnationales-culture-gouv.fr.
III-Sources archivistiques
Nos recherches ont été effectuées aux
Archives Départementales de la Seine-Maritime (A.D.S.M.),
deuxième dépôt de France après les Archives
Nationales, ainsi qu'à la Bibliothèque Municipale de Rouen, pour
notamment, la consultation des dossiers de presse concernant les magistrats.
? Archives départementales de la Seine-Maritime :
Série U ( Justice) :
1U Fonds de la préfecture :
·1U 1 : Correspondance : 1823-1914.
2U Cour d'appel et Cour d'assises :
·2U 103 : registres des délibérations
de la Cour d'appel de Rouen : 1828-1841.
·2U 104 : registres des délibérations
de la Cour d'appel de Rouen : 1841-1862.
·2U 108 à 2U 110 : Instructions
ministérielles : 1827-1849.
·2U 116 : Affaires générales.
Correspondance : 1822-1914.
·2U 134 : Magistrats : installations,
nominations, prestations de serment,
An XIII-1865.
·2U 259 à 277 : Arrêts civils de la
Cour Royale de Rouen.
·2U 441 à 447 : Arrêts sur la
poursuite du ministère public (Cour Royale de police
correctionnelle).
·2U 574 à 633 : Dossiers de procédure
de la Cour des appels correctionnels (1830-1848).
·2U 1683 à 1844 : Dossiers de
procédure de la Cour d'assises de Rouen (1830-1844 (lacunes de 1844
à 1848)).
Autres références :
·JPL 3/82 à 3/116 : collection du
Journal de Rouen de 1830 à 1848.
·BA 1461 : OEuvres charitables pour les
prisonniers.
·Etc.
? Archives de la Bibliothèque Municipale de
Rouen :
Liste des discours de rentrée conservés dans
les dossiers de presse (N 92) des magistrats correspondants :
·Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat
général devant la Cour Royale de Rouen à l'audience
solennelle de rentrée du 3 novembre 1830.
·Discours prononcé par M.Moyne, procureur
général près la Cour Royale de Rouen, à l'audience
solennelle de rentrée le 4 novembre 1834.
·Discours prononcé par M. le procureur
général Moyne, à l'audience solennelle de rentrée
de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1835.
·Discours prononcé par M.Gaultier, procureur
général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée,
le 3 novembre1842.
·Discours prononcé par M.Blanche, avocat
général, à l'audience solennelle de rentrée de la
Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1843.
·Discours prononcé par M.Salveton, procureur
général du Roi à l'audience solennelle de rentrée
de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1844.
·Les premiers présidents au Parlement de
Normandie au XVIe siècle par M.Rieff, avocat
général à l'audience solennelle de rentrée de la
Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1845.
·Discours de M.Blanche, avocat général,
à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le
3 novembre 1847.
Autres références :
·dossier de presse de Jules Senard (N 92) :
-discours de Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24
novembre 1896 dans la séance d'ouverture de la Conférence des
avocats stagiaires
-Max Brière, «Jules Senard. Défenseur
de la République et avocat de Flaubert», Connaître
Rouen-VI, Rouen, les Amis des Monuments Rouennais, 1989.
-Paris Normandie du 10 mars 1954.
·dossier de presse de Frédéric-Victor
Hély d'Oissel (N 92) :
-Profession de foi du candidat Hély d'Oissel (avocat
général à la Cour de Paris) pour les élections
législatives de Seine-Inférieure de 1849.
·Etc.
Annexes :
Annexe 1 : Liste des
procureurs généraux de Rouen de leur création à nos
jours392(*).
·1808 : Fouquet
·1938 : Savagnes
·1821 : De Peyronnet
·1942 :
Pinot
·1822 : Vandeuvre
·1948 :
Durrieu
·1829 : Boullenger
·1964 :
Dauvergne
·1830 : Thil
·1965 : Bot
·1832 : Moyne
·1971 : Gulphe
·1836 : Mesnard
·1976 :
Ecoutin
·1841 : Gaultier
·1976 :
Mazoyer
·1844 : Salveton
·1980 :
Cordier
·1848 : Senard
·1984 : Garsi
·1848 : Desseaux
·1986 :
Geromini
·1849 : D'Oms
·1990 :
Monestié
·1850 : Daviel
·1992 : Challe
·1854 : Massot
·1993 : Bestard
·1861 : Millevoye
·1996 :
Raysseguier
·1870 : Peulevey
·1871 : De Leffemberg
·1871 : Izoard
·1873 : Le Pelletier
·1874 : Desjardins
·1875 : Desarnaut
·1875 : De La Rouerade
·1878 : Vauloge
·1879 : Poux-Franklin
·1882 : Denis
·1886 : Legris
·1888 : Marais
·1894 : Jalenquer
·1903 : Jalenquer
·1906 : Daniel
·1908 :Gensoult
·1919 : Delangé
·1924 : Bazenet
·1930 : Friederich
·1934 : Guihaire
Annexe 2 : Liste
complète des vingt trois magistrats du parquet général de
Rouen à leur plus haut rang (1830-1848).
·M. Jean-Baptiste-Louis Thil, procureur
général
·M. Moyne, procureur général
·M. Jacques-André Mesnard, procureur
général
·M. Alexandre-Félix-René Gaultier,
procureur général
·M. Frédéric Salveton, procureur
général
·M. Alfred Daviel, premier avocat
général
·M. Jean-Marie-Joseph Gesbert de la Noë-Seiche,
premier avocat général
·M. Gustave Rouland, premier avocat
général
·M. Dufaure de Montfort, premier avocat
général
·M. Joseph-Pierre Chassan, premier avocat
général
·M. Antoine-Georges Blanche, avocat
général
·M. Félix Boucly, avocat général
·M. Alexandre-Charles Le Tendre de Tourville, avocat
général
·M. Pierre-Aubin Paillart, avocat
général
·M. Charles-Sylvestre Rieff, avocat
général
·M. Alphonse de Baillehache, avocat
général
·M. Frédéric-Victor Hély d'Oissel,
substitut du procureur général
·M. Guillemard, substitut du procureur
général
·M. Justin, substitut du procureur
général
·M. Jean-Baptiste-Auguste Pinel, substitut du procureur
général
·M. Ernest-Pierre-Claude-Marie Falconnet, substitut du
procureur général
·M. Pierre-Auguste Mary, substitut du procureur
général
·M. Narcisse Leroy, substitut du procureur
général
Annexe 3 : Le parquet
général de Rouen et l'épuration de 1830393(*).
Avant l'épuration (en 1829) :
M. le baron Boullenger procureur
général
M. Le Petit premier avocat général
M. Lévesque second avocat général
M. Gesbert avocat général
M. Boucly premier substitut du procureur
général
M. Le Tendre de Tourville deuxième substitut du procureur
général
Après l'épuration (en septembre 1830) :
M. Thil procureur général
M. Daviel premier avocat
général
M. Boucly second avocat général
M. Gesbert avocat général
M. Le Tendre de Tourville premier substitut du procureur
général
M. Hély d'Oissel second substitut du procureur
général
Annexe 4 : Date
d'installation des procureurs généraux : de Boullenger
à Senard394(*).
20 juillet 1829
|
M. le Baron Boullenger
|
31 aout 1830
|
M.Thil
|
3 novembre 1832
|
M. Moyne
|
17 novembre 1836
|
M. Mesnard
|
3 novembre 1841
|
M. Gaultier
|
24 mai 1844
|
M. Salveton
|
4 mars 1848
|
Le citoyen Senard
|
Annexe 5 : Date
d'installation des premiers avocats généraux :1830-1848395(*).
3 septembre 1830
|
M. Daviel
|
4 novembre 1833
|
M. Gesbert
|
3 novembre 1840
|
M. Rouland
|
4 Juin 1843
|
M. Chassan
|
Annexe 6 : Philosophie
et histoire vues par le premier avocat général Gustave
Rouland.
« Le discours d'usage a été
prononcé par M. Rouland, maintenant premier avocat
général. L'honorable magistrat avait pris pour thèse la
nécessité, pour la magistrature, d'adjoindre à ses
études professionnelles des études générales
puisées aux diverses branches des connaissances humaines, afin qu'elle
conquière sur la société cette autorité morale et
cette influence prépondérante qui lui manquent aujourd'hui
M. Rouland n'est point de ces orateurs auxquels on pourrait faire honneur ou
reproche d'une parole vide et brillamment sonore ; chez lui, au contraire,
la pensée, toujours substantielle, réfléchie, souvent
profonde, forte, pressée et juste, manquerait plutôt de coloris et
de vibration. Il enchaîne les idées avec une grande puissance de
logique, mais l'abondance même de ses idées nuit à leur
ordre de génération et à leur clarté ; elles
gagneraient à être plus élémentaires et plus
à la portée du vulgaire. Le discours d'hier n'a donc pas produit
autant d'effet qu'en aurait peut être excité une oeuvre plus
faible de pensée, mais plus palpitante et plus limpide par l'expression.
Il pourra être médité avec fruit dans le cabinet ; il
a paru un peu trop métaphysique pour être prononcé dans une
réunion publique »
« Tout en s'écartant de l'abus des
abstractions métaphysiques, [le XIXe siècle] a,
pourtant pris dans la philosophie le point de départ de ses opinions et
de ses recherches. Cette philosophie, qui ne s'appelle ni Condillac, ni Kant,
ni Schelling, qui procède simultanément de la droiture du coeur
et de l'indépendance de la réflexion, répudie les
écoles exclusives, et armée des méthodes de la logique
pure, elle demande au raisonnement, non des théories, mais la
vérité. Elle n'a d'autre orgueil que celui de la
perfectibilité humaine, et elle se plaît à avouer qu'elle
doit à la spontanéité de la conscience le dogme
fondamental de l'existence de Dieu, de la matière et de l'âme
immortelle [...]. L'histoire a cessé d'être une chronologie
stérile, un tissu de récits infidèles. La lumière a
brillé dans ce chaos où les hommes, les événements
et les époques n'avaient ni leur explication ni leur physionomie. Un
spectacle imposant s'est alors offert à notre admiration. Le monde
secoue la poussière des temps passés ; le voici devant nous,
s'avançant à travers les révolutions, dans les routes que
la Providence lui a frayées ! Ses destinées ne sont plus un
mystère : industrie, art, moeurs, religion, gouvernement, tout est
interrogé, tout raconte son origine et ses oscillations, tout concourt,
en vertu de lois éternelles, à l'amélioration progressive
des sociétés [...]. C'est à la science historique et
à ses résultats que nous devons cette élévation de
vues, cet esprit de généralisation, cette critique rationnelle
sans laquelle le monde intelligible et vivant au jour le jour ne nous
apparaîtrait plus que comme le produit du hasard et le jouet de la
fatalité [...]. Messieurs, nous venons de définir les hautes
études qui initieront la magistrature à la vie sociale,
accroîtront ses talents et sa raison, et lui obtiendront l'influence
qu'elle n'a pas. Douterait-on de la nécessité des rapports
à créer entre la philosophie, l'histoire et le droit ?
L'évidence, nous le croyons, viendrait bientôt jaillir à
tous les yeux [...]. Or, essayez de séparer la philosophie de
l'étude du droit, qu'arrivera-t-il ? Le magistrat qui doit
confondre le sophisme n'aura pas même les premiers rudiments de la
logique [...]. Il n'y avait pas moins d'inconvénient à isoler la
magistrature des études historiques. L'histoire est le plus riche
commentaire du droit [...]. L'histoire et ses méthodes d'observation
doivent s'allier à nos travaux [...]. Vous ne jugez bien les faits
contemporains qu'avec la science des précédents, et, sous
l'impression des graves leçons de l'histoire, quand il faut faire
tête aux systèmes qui tourbillonnent à la surface du pays,
votre raison grandit , votre coeur s'échauffe, et la mission de la
magistrature s'accomplit avec autant d'intelligence que de fermeté
[...]. La philosophie et l'histoire sont l'expression la plus
élevée du mouvement intellectuel, et que c'est par l'intelligence
générale qu'il convient de vérifier la science du droit
[...]. Que la magistrature se lève donc, au nom du devoir, au nom de
l'amour de la patrie, au nom de la religion du serment ! Que, dans ses
fonctions, elle cherche la force qui sort de la sincérité des
opinions et de l'exercice viril de la pensée ! »
« M. Rouland est du petit nombre de ces hommes de
qui l'on peut dire qu'ils prêchent d'exemple. L'orateur n'a donné
là que des conseils qu'il a mis en pratique depuis longtemps, et dont il
a pu personnellement éprouver toute l'efficacité. La
collaboration de M. Rouland à la Revue de Rouen a prouvé
qu'il est fort versé dans les études historiques et
philosophiques ; la puissance d'argumentation, la solidité de
jugement, la gravité et l'autorité de la parole, qu'il en a
retirées et portées dans les débats judiciaires, soit au
criminel, soit au civil, sont choses connues à
Rouen »396(*).
Annexe 7 : Affaires
traitées par la Cour des Appels correctionnels : l'exemple de
l'année 1830-1831 :131 affaires397(*).
Appels pour :
Vol / soustraction frauduleuse : 42 affaires = 32,06%.
Vagabondage / mendicité : 27 affaires = 20,6%.
Violences / outrages à fonctionnaires / gardes
nationaux :12 affaires = 09,16%
Coups / blessures : 10 affaires = 7, 63%.
Litiges chasse / pêche : 9 affaires = 6,87%.
Escroquerie / abus de confiance : 8 affaires = 6,1%.
Recel : 3 affaires = 2,29%.
Vente illégale de médicaments : 3 affaires
= 2,29%.
Acte de rébellion : 2 affaires = 1,52%.
Tentative d'évasion : 2 affaires = 1,52%.
Loterie non autorisée : 2 affaires = 1,52%.
Coalition : 1 affaire = 0,76%.
Adultère : 1 affaire = 0,76%.
Problème d'état civil : 1 affaire =
0,76%.
Enseignement sans autorisation : 1 affaire = 0,76%.
Mort involontaire : 1 affaire = 0,76%.
Attentat aux moeurs : 1 affaire = 0,76%.
Autres / Affaires indéterminées : 5
affaires = 3,8%.
Les décisions des appels :
Confirmation du premier jugement : 83 affaires = 63,
35%.
Acquittement : 13 affaires = 9,92%.
Rejet de l'appel du ministère public : 6 affaires
= 4,58%.
Réduction de peine : 11 affaires = 8,39%.
Première ou nouvelle condamnation plus lourde : 18
affaires = 13,74%.
L'impact du ministère public :
Ministère public suivi dans ses
réquisitions : 112 affaires = 85, 49%.
Ministère public non suivi : 16 affaires =
12.21%.
Ne se prononce pas / s'en remet à la décision de
la Cour : 3 affaires = 2,29%.
Annexe 8 : Liste des
discours de rentrée de la Cour royale de Rouen sous la monarchie de
Juillet398(*).
·Alfred Daviel, avocat général, [Une
Restauration est presque toujours la plus dangereuse et la plus mauvaise des
révolutions] 3 novembre 1830, Rouen, F. Baudry, 1830, 22 p.
·Jean-Baptiste-Louis Thil, procureur
général, [Le magistrat comme homme privé, citoyen et
arbitre suprême de ses compatriotes] 3 novembre 1831, Rouen, F.Baudry,
1831, 12 p.
·Moyne, procureur général, [ Les devoirs
des magistrats dans la situation actuelle]
4 novembre 1833, Rouen, Impr. de F. Marie, 1833, 18 p.
·Moyne, procureur général,
[L'indépendance de caractère chez le magistrat]
4 novembre 1834, Rouen, Impr. de F. Marie, 1834, 20 p.
·Moyne, procureur général, [La
liberté et le régime de la presse]
3 novembre1835, Rouen, Impr. de F. Marie, 1835, 24 p.
·Jean-Marie-Joseph Gesbert, avocat
général, [Devoirs de la magistrature],
3 novembre 1836, [ Journal de Rouen et des départements de
la Seine-Inférieure et de l'Eure, 4 novembre 1836]
·Jacques-André Mesnard, procureur
général, [Les devoirs des magistrats] 11 novembre 1837, Rouen,
Impr. de F. Marie, 1837, 26 p.
·Pierre-Aubin Paillart, avocat général,
L'exemple, 3 novembre 1838, Rouen, Impr. de F. Marie, 1838, 27
p.
·Jacques-André Mesnard, procureur
général, [Eloge de Antoine-Joseph-Michel de Servan] 4 novembre
1839, Rouen, Impr. de F. Marie, 1839, 39 p.
·Gustave Rouland, avocat général, [La
magistrature considérée dans ses rapports avec l'impulsion morale
et politique du pays] 3 novembre 1840, Rouen, Impr. de F. Marie, 1840, 23 p.
·Joseph-Pierre Chassan, avocat général,
[De l'histoire du droit dans les études historiques] 3 novembre 1841,
Rouen, Impr. de Vve F. Marie, 8 p.
·Alexandre-Félix-René Gaultier, procureur
général, [ Les fonctions publiques et l'accomplissement des
devoirs qu'elles impliquent] 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, 1842,
12 p.
·Antoine-Georges Blanche, avocat général,
[L'histoire de nos grands corps judiciaires et la position actuelle de la
magistrature] 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, 1843, 15 p.
·Frédéric Salveton, procureur
général, [Les dangers de l'indifférence] 6 novembre 1844,
Rouen, Impr. de F. Marie, 1844, 16 p.
·Charles-Sylvestre Rieff, avocat général,
Les premiers présidents du Parlement de Normandie au XVIe
siècle, 3 novembre 1845, Rouen, A. Surville, 1845, 19 p.
·Joseph-Pierre Chassan, avocat général,
[De la poésie dans la rédaction du droit] 3 novembre 1846, Rouen,
Impr. de A. Surville, 1846, 17 p.
·Antoine-Georges Blanche, avocat général,
[Le grand coutumier de Normandie]
3 novembre 1847, Rouen, Impr. A. Surville, 1847, 22 p.
Annexe 9 : Discours
retrouvés soit à la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit
dans le Journal de Rouen et ayant servi à la partie 1-3 :
·Discours d'installation de M.Thil, procureur
général, le 31 août 1830, extrait du Journal de
Rouen
·Discours prononcé par M.Daviel, premier
avocat général devant la Cour Royale de Rouen à l'
audience solennelle du 3 novembre 1830.
·Discours prononcé par M.Moyne, procureur
général près la Cour Royale de Rouen, à l'audience
solennelle de rentrée le 4 novembre 1834.
·Discours prononcé par M. le procureur
général Moyne, à l'audience solennelle de rentrée
de la Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1835.
·Discours de M.Paillart, avocat général
pour l'audience de rentrée de 1838 dans le Journal de Rouen.
·Discours de M.Rouland, premier avocat
général, à l'audience solennelle de rentrée de la
Cour Royale, le 3 novembre1840, extrait du Journal de Rouen
·Discours de M.Gaultier, procureur
général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée,
le 3 novembre1842.
·Discours de M.Blanche, avocat général,
à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le
6 novembre 1843.
·Discours de M.Salveton, procureur
général du Roi à l'audience solennelle de rentrée
de la Cour Royale de Rouen, le 6 novembre 1844.
·Les premiers présidents au Parlement de
Normandie au XVIe siècle par M.Rieff, avocat
général à l'audience solennelle de rentrée de la
Cour Royale de Rouen, le 3 novembre 1845.
·Discours de M.Blanche, avocat général,
à l'audience solennelle de rentrée de la Cour Royale de Rouen, le
3 novembre 1847.
Annexe 10 :
Informations sur la carrières judiciaire et dans l'Ordre de la
Légion d'honneur :
des procureurs
généraux de Rouen (1829-1848) :
Boullenger (Alexandre)399(*) :
(9 avril 1791400(*)-1853) né à Rouen
1813 : conseiller-auditeur à la cour
impériale de Rouen
1815 : substitut du procureur général de
Rouen
.... : 1er avocat général
à Rouen
1825 : procureur général à Douai
.... : procureur général à Caen
1829 : procureur général à
Rouen401(*)
1830 : président à la Cour royale d'Amiens
(nomination refusée)402(*)
Thil (Jean-Baptiste-Louis)403(*) :
(15 décembre 1781- 2 janvier 1849) né à
Caen
1800-1830 : avocat à Rouen 1831 :
chevalier404(*)
1830-1832 : procureur général à
Rouen 1838 : officier405(*)
1834 : conseiller à la Cour de cassation
1846 : commandeur406(*)
... : procureur général à la
Cour de cassation
1847 : président à la Cour de
cassation
Moyne407(*) :
...1831-1832 : procureur général à
Grenoble
1832-1836 : procureur général à
Rouen 1832 : chevalier
1836-... : 1er président à
Poitiers
Mesnard (Jacques-André)408(*) :
(11 novembre 1792- 24 décembre 1858) né à
Rochefort
1812-1830 : avocat à Rochefort
1830-1832 : avocat général à
Poitiers (puis procureur général)
1832-1836 : procureur général à
Grenoble
1836-1841 : procureur général à
Rouen
1841 : conseiller à la Cour de cassation
1841 : commandeur
... : président de chambre honoraire à la
cour de cassation409(*)
Gaultier (Alexandre-Félix-René) :
(22 décembre1786410(*)-1864) né à Aze (Mayenne)411(*)
1831-1841 : procureur général à
Angers412(*)
1841-1844 : procureur général à
Rouen413(*) 1841 :
officier414(*)
...-1864 : conseiller honoraire à la cour de
cassation415(*)
Salveton (Antoine dit Frédéric )416(*) :
(20 avril 1801-14 novembre 1870) né à Brioude
(Haute-Loire)
1823-1830 : avocat à Riom
1830-1833 : avocat général à
Riom
1833-1839 : 1er avocat général
à Riom 1835 : chevalier
1839-1844 : procureur général à
Amiens 1846 : officier
1844-1848 : procureur général à
Rouen
1848-1870 : avocat à Riom
des premiers avocats
généraux de Rouen (1830-1848) :
Daviel (Alfred)417(*) :
(3 mars 1800-12 juin 1856) né à Evreux
1821-1830 : avocat à Rouen 1830 :
décoré de Juillet
1830-1833 : 1er avocat général
à Rouen ...1850 : légion d'honneur418(*)
1833-1850 : avocat à Rouen 1852 :
officier419(*)
1850-1854 : procureur général de Rouen
1853 : commandeur420(*)
1851 (quelques semaines) : ministre de la Justice
1854 : 1er président honoraire de la
cour de Rouen
Gesbert de la Noë-Seiche (Jean-Marie-Joseph) :
(...-1871)
...1827-1833 : avocat général à
Rouen421(*)
1833-1840 : 1er avocat général
à Rouen422(*)
1840-... : président de chambre à la
Cour royale de Rouen423(*)
...-1871 : président honoraire à la
cour de Rouen424(*)
Rouland (Gustave)425(*) :
(1er février 1806-12 décembre 1878)
né à Yvetot
1827-1828 : avocat
1828-1831 : substitut du procureur du Roi à
Louviers
1831-1832 : substitut du procureur du Roi à
Evreux
1832-1835 : substitut du procureur du Roi à
Dieppe
1835-1838 : substitut du procureur général
de Rouen
1838-1840 : avocat général à Rouen
1841 : chevalier426(*)
1840-1843 : 1er avocat général
à Rouen 1846 : officier427(*)
1843-1847 : procureur général à Douai
1857 : grand-officier428(*)
1847-1853 : avocat général à la cour de
Cassation 1862 : Grand-croix
1853-1856 : procureur général de Paris
Dufaure de Montfort429(*) :
(...-1844)
...1835-1840 : avocat général à
Caen430(*)
1840-1843 : avocat général à Rouen
1840 : chevalier
1843 (quelques mois) : 1er avocat
général à Rouen
1843-1844... : procureur général à
Nîmes431(*)
Chassan (Joseph-Pierre)432(*) :
(21 janvier 1800-1871) né à Marseille
...1834-1837 : avocat général à
Colmar433(*)
1840-1843 : avocat général à
Rouen434(*)
...1840 : Légion d'honneur435(*)
1843-1848 : 1er avocat général
à Rouen436(*)
Après 1848 : avocat à Rouen
des avocats
généraux de Rouen (1830-1848) :
Boucly (Félix)437(*) :
(14 novembre 1797438(*)-1880) né à Paris439(*)
Avant 1830 : substitut du procureur
général de Rouen
1830-1833 : avocat général à
Rouen
...1841... : avocat général à
Paris440(*)
...-1880 : conseiller honoraire à la cour
de cassation441(*)
Le Tendre de Tourville (Alexandre-Charles442(*)) :
( 17 octobre 1802443(*)-1892) né à Rouen444(*)
Avant 1830 : 2ème substitut du
procureur général de Rouen445(*)
1830-1833 : 1er substitut du procureur
général de Rouen446(*)
1833-1838 : avocat général à
Rouen447(*)
1838 : conseiller à la cour de Rouen448(*)
... : président honoraire à
Rouen449(*)
Paillart (Pierre-Aubin) :
(1795-1869)
1825-1831 : avocat général à
Colmar450(*)
1833-1840 : avocat général à
Rouen451(*) 1840 :
chevalier452(*)
1840-1845... : procureur général à
Nancy453(*)
... : 1er président
honoraire à Nancy454(*)
Blanche (Antoine-Georges)455(*) :
(29 septembre 1808-13 avril 1875) né à Rouen
1838-1840 : substitut du procureur du Roi de
Rouen456(*)
1840-1843 : substitut du procureur général
de Rouen457(*)
1843-1848 : avocat général à
Rouen458(*)
...1848 :Légion d'honneur
1848 (juin)-1852 : 1er avocat
général à Rouen459(*) 1874 : commandeur
1853-... : procureur général de
Riom460(*)
...1861-1871... : avocat général à
la cour de Cassation461(*)
Rieff (Charles-Sylvestre) :
(11 août 1804-1874) né à Paris462(*)
...1840-1843 : avocat général
Nîmes463(*)
1843-1847 : avocat général à
Rouen464(*)
1843 : chevalier465(*)
... : conseiller à la cour de
cassation466(*)
Baillehache (Alphonse de)467(*) : (...-1883)
1841-1847 : substitut du procureur général
de Rouen
1847-1848 : avocat général à
Rouen
...1852-56... : avocat général à
Colmar468(*)
... : conseiller honoraire à
Paris469(*)
des substituts du procureur
général de Rouen (1830-1848) :
Hély d'Oissel (Frédéric-Victor) :
(27 février 1803-1883) né à Paris470(*)
Avant 1830 : Procureur du Roi d'Evreux471(*)
1830-1833 : substitut du procureur général
de Rouen472(*)
...1847 : substitut du procureur général
de Paris473(*)
1848-1849... : avocat général à
Paris474(*)
...: président de chambre honoraire à la cour de
cassation475(*)
Guillemard476(*) :
(...-1880)
...-1833 : substitut du procureur du Roi à
Yvetôt
1833-... : substitut du procureur du Roi d'Evreux
1838-1840 : substitut du procureur général
de Rouen
...-1880 : conseiller à la cour de
cassation477(*)
Justin478(*):
(...-1869)
...-1833 : substitut du procureur d'Evreux
1833-1837 : substitut du procureur du Roi de Rouen
1837-1841 : substitut du procureur général de
Rouen
1841-1869 : conseiller à la cour de Rouen
Pinel (Jean-Baptiste-Auguste) 479(*):
(1810-1893)
Avant 1843 : substitut du procureur du Roi de Rouen
1843-1849 : substitut du procureur général
...1855... : avocat général à
Rouen480(*)
Falconnet (Ernest-Pierre-Claude-Marie) :
(26 avril 1815-1891)481(*)
1847-1848 : substitut du procureur général de
Rouen482(*)
... : conseiller à la cour de cassation483(*)
Mary (Pierre-Auguste) 484(*):
(28 juillet 1794-1851) né à Evreux485(*)
1833-1835 : substitut du procureur général
de Rouen
1848 : conseiller à la cour de Rouen
Leroy (Narcisse) :
(21 octobre 1795- 31 janvier 1856) né à Rouen
1833-1837 : substitut du procureur général
de Rouen486(*)
Sous le Second Empire : conseiller à la Cour
impériale de Rouen
Annexe 11 :
Informations biographiques :
·Aroux
(Eugène)487(*) :
Fils de Michel-Jean-Baptiste-Jacques Aroux [(1761-1841)
député au corps législatif du Premier Empire, premier
avocat général et président de chambre à Rouen],
né à Rouen, le 21 octobre 1793, mort à Paris, le 17
octobre 1859, fait ses études au collège de Sainte-Barbe et suit
les cours de l'École de droit. Avocat à Rouen à partir de
1815, il obtient au barreau quelques succès, s'occupe de politique et se
fait un nom parmi les membres les plus actifs de l'opposition libérale
sous la Restauration. Le 28 juillet 1830, dès cinq heures du matin, il
se rend au Journal de Rouen, barricade les portes de l'Imprimerie,
rédige et fait composer, sous forme de lettres au préfet, une
énergique protestation contre les actes du ministère. Trois jours
après, il est élu secrétaire d'une commission municipale
chargée d'administrer provisoirement la ville de Rouen. Partisan
déclaré de la monarchie de Juillet, il reçoit du
gouvernement (septembre 1830) le poste de procureur du Roi à Rouen, et,
à peine entré en fonctions, a à réprimer un
soulèvement des ouvriers de Darnétal. Appelé à la
Chambre des députés le 6 septembre 1831, par le 8e
collège électoral de la Seine-Inférieure, puis
réélu le 21 juin 1834, il vote généralement avec
les conservateurs, non sans montrer, dans plusieurs occasions, une certaine
indépendance : il est même destitué [août 1833]
de ses fonctions de procureur du Roi pour avoir fait adopter par le tribunal de
Rouen cette opinion : que la présence officielle, obligatoire, des
autorités constituées à une cérémonie
religieuse, implique la reconnaissance d'une religion d'État, et
conséquemment, méconnaît les principes de la Charte de
1830. Rentré au barreau, ses confrères le choisissent pour
bâtonnier de l'Ordre [...]. Il ne se présente pas aux
élections de 1837, et se consacre tout entier à des travaux
littéraires : traduction de Thomas Moore, de Milton, de Dante,
etc.
·Blanche
(Antoine-Georges) :
Antoine-Geoges Blanche est né à Rouen, le 29
septembre 1808, d'une famille de grands médecins : son
grand-père Antoine-Louis Blanche, originaire de l'Orne, s'est
établi à Rouen vers 1780 comme maître chirurgien ; son
père Antoine-Emmanuel Blanche (1785-1849) est docteur en médecine
(1807) puis médecin chef à l'hospice général de
médecine488(*).
D'abord substitut du procureur du roi de Rouen, il entre, en 1840, au parquet
général de Rouen comme substitut du procureur
général. Le 14 juin 1843, il succède à Gustave
Rouland au poste d'avocat général. L'effondrement de la monarchie
de Juillet n'interrompt pas sa carrière dans la magistrature : au
contraire, il est promu premier avocat général et reste à
cette fonction pendant toute la durée du régime
républicain489(*). Antoine Blanche traverse brillamment le Second
Empire : en 1853, il est nommé procureur général de
Riom490(*). Puis, le
gouvernement de Napoléon III lui confère une place d'avocat
général à la Cour de cassation qu'il occupera pendant plus
d'une dizaine d'années jusqu'à sa mort à Paris le 13 avril
1875491(*). Antoine
Blanche a été membre de l'académie de Rouen le 30 juin
1848, au moment de sa nomination comme premier avocat général
puis devient correspondant après son départ pour Riom en
1852492(*). Dans le
cadre de ses travaux académiques, il rédige un mémoire en
1849 intitulé De l'application du jury aux matières
civiles. Il publie également des Etudes pratiques sur le code
pénal de 1861 à 1872493(*). Chevalier de la Légion d'honneur en 1848, il
est Commandeur de l'Ordre en 1874494(*).
·Le Baron
Boullenger (Alexandre)495(*) :
Alexandre Boullenger naît à Rouen, le 9 avril
1791496(*). Il est le
fils de Louis Charles Alexandre Boullenger (Son père est nommé
vice-président du tribunal civil de Rouen en 1802 et président en
1805. En 1821, il reçoit le titre de baron) et suit comme son
père la carrière de la magistrature, dans laquelle il entre en
1813, avec le titre de conseiller auditeur à la Cour impériale de
Rouen. Nommé en 1815, substitut près du parquet de la même
cour, et, plus tard, avocat général, il devient successivement
procureur général près des Cours royales de Douai de Caen
et de Rouen. Peu de temps après la révolution de Juillet, le 17
août 1830, il est nommé président de chambre à la
Cour d'Amiens, fonction que des motifs de convenance ne lui permirent point
d'accepter. Retiré à Saint-Denis-le-Thiboult, près de
Darnétal, le Baron Boullenger, devenu maire de cette commune et membre
du Conseil général, ne cesse d'apporter dans ses fonctions le
concours de son expérience et de ses lumières, qui étaient
celles d'un esprit supérieur. Ami et bienfaiteur des pauvres, il leur
prodigue les plus grands soins, lors de l'épidémie de
choléra, en 1832. Ce philanthrope est mort à Paris, le 18
février 1853. Ses restes, rapportés à
Saint-Denis-le-Thiboult, le 22 du même mois, ont été
inhumés dans le tombeau de sa famille. Le conseil municipal de cette
commune, plein de reconnaissance envers ce généreux magistrat, a
fait placer son buste en bronze sur la porte de la mairie. Comme son
père, le Baron Boullenger a appartenu à l'académie de
Rouen, où il est reçu en 1825.
·Chassan
(Joseph-Pierre) :
Joseph-Pierre Chassan est né à Marseille le 21
janvier 1800497(*). Il
intègre d'abord la charge d'avocat général
à Colmar (1835-1837)498(*), puis le 7 décembre 1840 est nommé
à Rouen à la même fonction en remplacement de
M.Gesbert, promu président de chambre à
la même Cour. Vacant après le départ de Gustave Rouland
pour Douai, Chassan s'assied dans le fauteuil de premier avocat
général de Rouen en 1843. La
Révolution de 1848 vient interrompre sa carrière dans le
ministère public499(*). Fidèle au gouvernement de Louis-Philippe, il
préfère plaider au barreau de Rouen où il est
« l'un des avocats les plus distingués ». Membre de
l'académie de Rouen le 1er juillet 1842, Chassan s'interroge
sur le rôle de l'écrit et la place de la poésie dans le
droit : En 1846, il publie un Traité des délits et
contraventions de la parole, de l'écriture et de la presse en deux
volumes. En 1847, il édite un Essai sur la symbolique du droit,
précédé d'une introduction sur la poésie du droit
primitif dont son discours de rentrée du 3 novembre 1847,
intitulé De la poésie dans la rédaction du droit
se fait l'écho. En juriste, il commente et publie Les lois sur la
presse depuis le 24 février 1848 avec notes et observations500(*). Après avoir
été président du Bureau de l'académie de 1845
à 1846, Chassan est resté académicien résidant
à Rouen jusqu'à sa mort en 1871501(*).
·Daviel
(Alfred)502(*) :
Alfred Daviel est né à Evreux, le 3 mars 1800.
Fils de François-Denis-Hyacinthe Daviel, avocat, et d'Hortense
Delaroche503(*), il est
le petit-neveu du célèbre oculiste rouennais Jacques Daviel
(1696-1762). Il suit les cours de droit à Paris mais revient dans sa
région natale, exercer la profession d'avocat à la Cour de Rouen
dès 1821. En 1823, il reçoit une médaille de trois cent
francs de l'Académie de Rouen pour un mémoire sur cette
question : « Quelle fut, sous les ducs de Normandie depuis
Rollon jusque et y compris Jean sans Terre, l'administration civile, judiciaire
et militaire de la province ? »504(*). Il se fait remarquer par
ses plaidoiries et par ses confrères qui l'élisent
bâtonnier de l'Ordre des avocats de Rouen. Fréquentant les milieux
libéraux et franc-maçonniques rouennais505(*), il s'oppose sans
relâche au régime de la Restauration. Pour cette
résistance, le gouvernement de Louis-Philippe le décore de la
médaille de Juillet506(*) et le ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, le
nomme le 3 septembre 1830, premier avocat général à Rouen.
Contre l'attitude réactionnaire du procureur général
Moyne, nommé en 1832, qui manoeuvre la révocation de deux de ses
collègues et amis bonapartistes507(*), Daviel prend la décision courageuse de
démissionner. Il regagne le barreau de Rouen et se charge de la
défense d'opposants et d'écrivains politiques tel Armand Carrel,
en 1834508(*). Pour
s'assurer une certaine indépendance et éviter toute censure,
A.Daviel repousse l'étiquette de républicain en publiant, en
1836, un plaidoyer imprimé509(*). Salué de nouveau pour son action au barreau,
il est élu bâtonnier de son Ordre en 1843 et de nouveau en 1845.
Le gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte saura distinguer le
dévouement d'Alfred Daviel : en février 1850, il est
nommé à la première place du parquet général
de Rouen. A peine a t'il réintégré la magistrature comme
procureur général que le prince-président lui propose le
poste de ministre de la Justice, le 1er novembre 1850. Il occupe le
ministère de la place Vendôme très brièvement
(quelques semaines) jusqu'au coup d'État510(*) : il ne laisse aucune
trace politique de son passage et regagne son parquet. Sa flamme bonapartiste
lui assure un avancement rapide dans l'Ordre de la Légion
d'honneur : en 1850, il est fait chevalier, en 1852, officier et en 1853,
commandeur. Ardent défenseur de la politique impériale,
l'Empereur lui témoigne sa reconnaissance en l'élevant à
la dignité de sénateur, le 19 juin 1854. A la chambre haute, il
vote fidèlement avec ses amis impérialistes. Parallèlement
à son mandat sénatorial, il continue sa carrière
judiciaire : en 1854, il reçoit le titre de premier
président honoraire de la Cour impériale de Rouen. Il meurt
à Paris le 12 juin 1856. Localement, Alfred Daviel a fait partie du
Conseil municipal de Rouen dès 1830 et du Conseil général
de la Seine-Inférieure. Il a laissé diverses publications dont
plusieurs ouvrages de jurisprudence : Examen de l'ordonnance du 20
novembre 1822, concernant l'Ordre des avocats (1822) ; son
Traité de la législation et de la pratique des cours
d'eau (1824) apporte des solutions expertes à une matière
litigieuse ; Lettres (adressées à Me
Isambert) sur la liberté individuelle dans l'ancien droit normand
(1827) ; De la résistance passive (1829)511(*) dans lequel il s'oppose
à la politique gouvernementale de Charles X ; Recherches sur
l'origine de l'ancienne coutume de Normandie (1834) ; Commentaire
de la loi du 29 avril 1845 sur les irrigations (1845). Il a
participé aussi à différents travaux publiés dans
des revues juridiques spécialisées, comme la Revue de
législation et de jurisprudence et est l'un des auteurs du
Dictionnaire général d'administration (1849)512(*).
·Leroy
(Narcisse) :
Narcisse Leroy est né à Rouen le 21
octobre1795513(*). Il
intègre le parquet général de Rouen comme substitut en
1833. Il occupe ces fonctions jusqu'en 1837514(*). Il devient conseiller à la Cour de Rouen.
Parallèlement à sa carrière judiciaire, Leroy se fait
connaître par ses activités littéraires : Il
écrit plusieurs pièces en vers dont l'une est intitulée
Géricault, en hommage au grand peintre rouennais. Il s'essaye
à la poésie et traduit les vers du latin Catulle. Ses travaux
sont insérés dans les mémoires (des années 1842 et
1854) de l'académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen dont
il a été le secrétaire515(*). Il est mort le 31 janvier 1856 dans la ville
où il s'est illustré516(*).
·Mesnard
(Jacques-André)517(*) :
Jacques-André Mesnard est né à Rochefort
(Charente-Inférieure) le 11 novembre 1792, « fils du citoyen
Pierre Mesnard, avoué près le tribunal du district de Rochefort
et de Marie-Louise Schiller ». Après avoir
étudié le droit à Poitiers, il s'inscrit en 1812 comme
avocat au barreau de sa ville natale. Il se fait remarquer dans plusieurs
affaires qui eurent quelques retentissements, notamment dans celle du capitaine
de la Méduse, M. de Chaumareix.
Réclamé comme défenseur par le général
carbonariste Berton, il ne peut obtenir du garde des Sceaux l'autorisation,
alors nécessaire de venir plaider à Poitiers. D'opinions
libérales, sous la Restauration, il applaudit à la
Révolution de Juillet qui lui vaut, le 26 août 1830, les fonctions
de premier avocat général près la cour royale de
Poitiers ; devient ensuite, le 22 septembre 1832, procureur
général près la cour de Grenoble, le 14 octobre 1836
procureur général près la cour de Rouen, et, le 12 octobre
1841, conseiller à la Cour de cassation. Louis-Philippe, par une
ordonnance du 23 septembre 1845, appelle M.Mesnard à siéger
à la Chambre des Pairs, où il se fait remarquer par sa science du
droit. La Révolution de 1848, qu'il a annoncée dans un discours
célèbre à la Chambre haute (janvier 1848), interrompt sa
carrière politique. Ses qualités d'orateur et la séduction
d'un esprit vif et brillant ont « ensorcelé », comme
il le dit lui-même, le prince-président, qui le nomme en 1851,
président de chambre à la cour suprême, et, le 26 novembre
1852, membre du nouveau Sénat. M.Mesnard est le premier
vice-président de la Chambre haute, et, en cette qualité, porte
le 7 novembre, à Louis-Napoléon Bonaparte, qui
rétablissait l'Empire héréditaire. L'état de sa
santé ne lui permet pas de conserver ses fonctions à la Cour de
cassation ; il s'en console par la culture des lettres. Une traduction
ébauchée de la Divine Comédie de Dante a permis
à l'Empereur de le nommer membre de l'Institut (Académie des
sciences morales et politiques). Grand-officier de la Légion d'honneur
du 14 août 1852, il est admis à la retraite, comme magistrat, le
14 mars 1857 et meurt à Paris le 24 décembre 1858.
·Pinel
(Jean-Baptiste)518(*) :
Jean-Baptiste Pinel est issu d'une famille d'industriels du
coton : son arrière grand-père Pierre Pinel (1695-1755) est
maître toilier à Rouen, son grand-père Jean-Baptiste Pinel
(1743-1809) est fabricant puis filateur à Déville, son
père Philippe-Auguste Pinel (1773-1813) prend la suite de la filature de
Déville et épouse en 1803 Elisabeth Ganucheau, fille de
négociant bordelais. Sa tante Eugénie-Flavie Pinel épouse
en 1810 le baron Charles-Louis Elie-Lefebvre (1773-1821), négociant et
maire de Rouen sous l'Empire. En 1821, l'usine familiale est vendue. La famille
délaisse le coton : Jean-Baptiste Pinel préfère
s'engager dans la carrière de la magistrature et épouse en 1837
Marie-Alexandrine Lebreton, fille de propriétaire, avec laquelle il aura
huit enfants. Après avoir été substitut du procureur du
Roi de Rouen, il devient, en 1843, substitut du procureur général
de Rouen jusqu'en 1849519(*). Sous le Second Empire, il devient avocat
général à Rouen mais préfère vivre ensuite
de ses rentes de propriétaire. Il a été membre de la
chambre de commerce de Rouen.
·Rouland
(Gustave)520(*) :
Né à Yvetot le 1er février
1806, Gustave Rouland fait ses études au collège de Rouen
où il reçoit un prix d'honneur521(*), puis part à Paris faire son droit. Il est
reçu avocat en 1827 et entre dans la magistrature comme juge-auditeur au
tribunal des Andelys. Il devient successivement substitut du procureur du Roi
à Louviers (1828), à Evreux (le 1er juin 1831),
procureur du Roi à Dieppe (le 1er octobre 1832), substitut du
procureur général à la Cour de Rouen (le 17 janvier 1835)
et avocat général (le 1er novembre 1838) au même
siège. Il devient premier avocat général de Rouen (en
novembre 1840) après la promotion de M.Gesbert, devenu président
de chambre522(*). Il
accède à la place de procureur général à
Douai le 28 avril 1843 et parallèlement est élu le 1er
aout 1846, député du 7ème collège de la
Seine-Inférieure (Dieppe). Il siège dans la majorité,
parle sur des questions de législation, et est nommé le 23 mai
1847, avocat général à la Cour de cassation :
à cette occasion, ses électeurs lui renouvellent son mandat
législatif. Gustave Rouland donne sa démission de magistrat
à la Révolution de février 1848, est
réintégré dans ses fonctions, le 10 juillet 1849, et est
nommé procureur général près la Cour de Paris, le
10 février 1853. A la mort de M.Fortoul, Napoléon III
lui confie le porte-feuille de l'Instruction publique et des Cultes (13
août 1856-24 juin 1863) : Il modifie le système dit de la
bifurcation, inaugure l'enseignement professionnel, fonde pour M. Renan une
chaire de linguistique comparée au Collège de France le 11
janvier 1862, et suspend le cours le lendemain de la leçon d'ouverture
(18 janvier) pour « attaques aux croyances
chrétiennes ». Comme ministre des Cultes, il s'efforce
d'entraver le mouvement des évêques en faveur du pape
(1860) ; au Sénat où il avait été
appelé par l'Empereur, le 14 novembre 1857, il répond à
l'archevêque de Bordeaux, en 1865, dans la discussion sur l'Adresse, que
l'Encyclique et le Syllabus ne sont qu'une réponse à la
convention du 25 septembre, la revanche du parti ultramontain, dont l'influence
allait grandissant tous les jours ; en 1867, il parle contre la
gratuité de l'enseignement, et dit que « l'instituteur
doit être l'ami de l'ordre public, l'ami du gouvernement », et
qu'il faut laisser aux préfets le droit de les choisir et de les nommer.
Dans la même discussion, sur une allusion à M. Renan, M. Rouland
prétend que celui-ci, avant sa nomination, a pris vis-à-vis du
ministère des engagements conditionnels qu'il n'a pas tenus ; M.
Renan oppose à cette allégation, dans le journal des
Débats du lendemain, un formel démenti. M. Rouland est
nommé ministre présidant le conseil d'Etat (18 octobre 1863-27
septembre 1864), membre du conseil supérieur de l'Instruction publique
(7 novembre), gouverneur de la Banque de France (28 septembre 1864) ; il
est vice-président du Sénat à partir de cette
dernière année(1864-1870)523(*). Le 5 juin 1871, il est appelé aux fonctions
de procureur général à la cour des Comptes. Mais M. Ernest
Picard, nommé à sa place gouverneur de la Banque de France, ayant
refusé ce poste, M. Rouland est réintégré dans ces
fonctions le 29 décembre suivant. Conseiller général du
canton d'Yvetot, secrétaire et président de l'assemblée
départementale, il est élu, le 30 janvier 1876, sénateur
de la Seine-Inférieure par 495 voix sur 868 votants ; il
siège à la droite bonapartiste, accorde la dissolution de la
Chambre demandée par le cabinet du 16 mai, combat de ses votes les
ministères républicains, et meurt au cours de la
législature. Officier de la Légion d'honneur (1846)
Grand-officier (1857). Grand-croix (1861)524(*).
·Salveton (Antoine
dit Frédéric)525(*)
Né à Brioude (Haute-Loire), le 20 avril 1801,
d'une vieille famille de robe, il fait son droit à Paris, après
de brillantes études au lycée de Clermont. D'opinions
libérales, il est, par l'influence de La Fayette, son compatriote,
entraîné dans la conspiration de Belfort ; poursuivi de ce chef,
bien qu'il n'est point participé à la tentative
d'exécution, il est acquitté par le jury du Haut-Rhin, le 13
août 1822. Reçu licencié en droit le 11 juillet 1823, il se
fait inscrire au barreau de Riom, où il acquiert rapidement de la
réputation. Il collabore aussi au Journal des audiences de
Riom, et, à l'avènement de la monarchie de Juillet, est
nommé, avocat général à Riom (le 4 septembre
1830) ; il passe premier avocat général près la
même cour le 27 novembre 1833. Candidat aux élections
législatives à Brioude, le 21 juin 1834, il n'obtient que 77 voix
contre 133 accordées à M. Mallye, candidat de l'opposition
dynastique. Elu, le 27 avril 1835, chevalier de la Légion d'honneur, il
se représente à la députation dans la même
circonscription, le 4 novembre 1837, et est élu par 139 voix contre 108
à Mallye, député sortant (252 votants, 285 inscrits). Les
élections générales du 2 mars 1839, après la
dissolution de la Chambre, ne lui sont pas favorables ; il échoue
avec 117 voix, contre 133 données à M. Mallye, élu.
Procureur général près la cour d'Amiens le 16
décembre1839, et membre du conseil académique de cette ville (10
mars 1840), Salveton se représente de nouveau à la
députation à Brioude, aux élections
générales du 9 juillet 1842 ; mais il échoue contre
M. Mallye, élu par 174 suffrages. Le gouvernement l'appelle aux
fonctions de procureur général à Rouen (le 20 avril 1844)
et le promeut officier de la Légion d'honneur (le 29 avril
1846). Le 1er août 1847, candidat aux élections
législatives à Brioude, Salveton est élu, au second tour,
par 199 voix, contre 94 à M. Rabusson-Lamothe et 66 à M. Mallye (
361 votants, 385 inscrits). Durant ces deux législatures, Salveton prend
une part active aux travaux parlementaires, et fait partie de nombreuses
commissions, notamment de celle qui élabore la loi des 28 mai-8 juin
1838 sur les faillites et banqueroutes ; il est un de ses membres les plus
laborieux et les plus écoutés, prend plusieurs fois la parole
à la tribune lors de la discussion de cette loi en séance
publique, et fait le plus souvent adopter sa manière de voir. En 1839,
il se fait inscrire pour appuyer le projet d'adresse au projet d'adresse
hostile au ministère Molé : mais la discussion est close
avant son tour de parole, et il est des 213 députés qui
repoussent le projet d'adresse amendé favorablement au ministère
et adopté par 222 voix (19 janvier 1839). Le 20 avril 1847, il prononce
un discours contre le projet Rémusat sur les députés
fonctionnaires, mais l'agitation qui règne dans la Chambre ne lui permet
pas de l'achever. Membre de la commission chargée d'examiner le projet
de loi sur les livrets d'ouvriers, il est choisi par elle comme rapporteur, et
son rapport, déposé le 6 juillet 1847, a été
considéré comme le travail le plus complet sur la matière.
Nommé membre de la commission du budget de 1849, il est
empêché de remplir ce mandat par la Révolution de
février 1848. Ami de François Guizot, Salveton a toujours
voté avec le parti conservateur constitutionnel et n'a pris aucune part
à la campagne réformiste qui amena la chute de Louis-Philippe. Le
gouvernement provisoire le remplaçe dans ses fonctions par Jules Senard
(26 février 1848). Salveton reprend sa place au barreau de Riom (10
décembre suivant), et y reste jusqu'à sa mort ; il est neuf
fois élu bâtonnier de l'Ordre, de 1852 à 1867.
Fidèle au gouvernement qu'il a servi, il refuse toujours par la suite de
rentrer dans la magistrature et dans la vie politique. Il souffre
déjà du diabète, lorsque les désastres de 1870
viennent compliquer cette affection de cruelles angoisses morales qui le
conduisent au tombeau (le 14 novembre 1870). Comme magistrat, Salveton porte la
parole dans nombre de procès célèbres, notamment dans
l'action intentée par l'Etat contre le duc d'Aumale, au sujet de la
prétendue domanialité des terres de Chantilly (décembre
1842) ; il siége dans le procès intenté contre M. de
Beauvallon pour son duel mortel contre M. Dujarrier, gérant de la
Presse (mars 1846). Il a épousé, le 12 décembre 1826,
Melle Elisabeth Euphrasie Amarithon de Beauregard, cousin du
député J.-B.-L. Amarithon, baron de Montfleury ; il en a
deux fils. L'académie des sciences, belles-lettres et arts de
Clermont-Ferrand, dont il était membre depuis le 7 janvier 1836, confie
le soin de prononcer son éloge funèbre à M. Ancelot (3
août 1876). On a de lui, outre des plaidoyers et des discours :
Etudes sur la vie de Michel de l'Hôpital (1835) ;
Etudes sur la vie et les oeuvres de Jean Domat (1840) ;
discours sur l'indifférence (1844), etc.
·Senard
(Antoine-Marie-Jules)526(*) :
Né à Rouen, le 9 avril 1800, Jules Senard, fils
d'un architecte, fait ses études au lycée de Rouen et est
reçu avocat à Paris mais s'inscrit à 19 ans, au barreau de
sa ville natale. Il y remporte de brillants succès de Cour d'assises,
prend parti contre la branche aînée lors des Ordonnances de
Juillet, mais ne tarde pas à faire de l'opposition au gouvernement de
Louis-Philippe : il préside, le 24 décembre 1847, le banquet
réformiste de Rouen. Bâtonnier de l'Ordre des avocats, il est
nommé par le gouvernement provisoire, procureur général
à Rouen (mars 1848) ; mais il résigne ces fonctions, pour se
faire élire, le 23 avril suivant, représentant de la
Seine-Inférieure à l'Assemblée Constituante, le 18e
sur 19. Des troubles ayant éclatés à Rouen, il y
revient, n'étant pas encore remplacé comme procureur
général, réussit à triompher de l'émeute,
et, de retour à Paris, fait partie du comité du travail, et est
nommé président de l'Assemblée. L'appui qu'il prête
à la dictature du général Cavaignac lors des
journées de Juin, lui vaut les félicitations de
l'Assemblée et le portefeuille de l'Intérieur (25 juin) ; il
s'efforce, dans ce poste, de réorganiser l'administration, donne sa
démission le 13 octobre, et fait de l'opposition au Prince
Louis-Napoléon-Bonaparte, après l'élection
présidentielle du 10 décembre. Il vote pour le
rétablissement du cautionnement, contre le droit au travail, contre
l'impôt progressif, contre l'amendement Duvergier de Hauranne sur les
deux chambres, pour l'amendement Grévy, pour le remplacement militaire,
pour la proposition Rateau, contre la diminution de l'impôt du sel, pour
la mise en accusation du président et de ses ministres. Non
réélu à la Législative, Senard se fait inscrire au
barreau de Paris. Au 4 septembre 1870, le gouvernement de la Défense
nationale l'envoie en mission à Florence pour réveiller en notre
faveur les sympathies italiennes, et pour demander des explications sur le
mouvement séparatiste qui semblait se dessiner à Nice. Bien que
Senard croit devoir féliciter officiellement Victor-Emmanuel
« de l'heureux événement qui délivre Rome et
consacre l'unité de l'Italie » (les troupes
piémontaises venaient d'occuper Rome), il n'obtient satisfaction que sur
le second point de sa mission. De retour en France, (23 octobre), il se porte
candidat à l'Assemblée Nationale dans la Seine-Inférieure,
aux élections du 8 février 1871 ; mais il échoue.
Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris (juillet1874), il se
représente à la députation, le 18 octobre de la même
année, à l'élection partielle motivée dans le
département de la Seine-et-Oise par le décès de M.
Labélonye, et est élu. Il prend place à gauche et vote
pour les lois constitutionnelles. Il refuse de se représenter le 20
février 1876 ; mais, après la dissolution de la Chambre par
le cabinet du 16 mai, il est élu (14 octobre 1877) député
de la 1ère circonscription de Pontoise contre M. Dehaynin,
candidat conservateur. Il soutient la politique des cabinets
républicains, réclame du ministère au nom des gauches,
après l'élection d'une majorité républicaine au
Sénat en janvier 1879, une politique fermement républicaine, et
est nommé vice-président de la Chambre le 24 mai suivant. Les
élections du 21 août 1881 ne lui sont pas favorables : la
1ère circonscription de Pontoise ne lui donne que 4876 voix
contre 7053 au candidat radical élu, M.Vermond. Nommé chevalier
de la légion d'Honneur par M. Dufaure en 1876, M.Senard a refusé
cette distinction.
·Thil
(Jean-Baptiste-Louis)527(*) :
Né à Caen dans le Calvados le 15 décembre
1781, Jean-Baptiste-Louis Thil étudie le droit et s'établit
à Rouen, vers 1800, comme défenseur officieux. Après
s'être longtemps distingué dans les affaires criminelles, il
s'occupe plus particulièrement d'affaires civiles, d'abord en
première instance, où il déploie un talent qui lui assigne
bientôt une des premières places au barreau de Rouen et lui
mérite l'honneur d'être plusieurs fois élu bâtonnier
de son Ordre528(*). Il
se lie avec Dupin aîné et porte la parole dans plusieurs affaires
importantes. En 1824, après avoir soutenu un procès qui
intéressait Mme du Cayla, il se voit offrir par le
gouvernement royal une place de conseiller à la Cour de cassation. Il
refuse, et préfère solliciter le suffrage des électeurs
libéraux de la Seine-Inférieure, comme candidat à la
Chambre des députés : élu le 24 novembre1827,
député de ce département, par 448 voix (804 votants, 911
inscrits) , il siège au centre gauche et se montre attaché aux
principes constitutionnels. M.Thil vote pour l'adresse des 221, est
réélu député, le 19 juillet 1830 par 580 voix (903
votants, 1005 inscrits), et se rallie à la monarchie de Louis-Philippe.
Nommé procureur général à la Cour de Rouen, il
obtient le renouvellement de son mandat législatif, le 28 octobre 1830,
par 1779 voix (2311 votants, 4253 inscrits), contre 289 à M.Duvergier de
Hauranne et 200 au Baron Boullenger. M.Thil fait partie de la majorité
conservatrice, vote, lors de la discussion de la loi électorale, pour le
cens, et se prononce contre le bannissement des Bourbons. Il est quelques temps
éloigné de la Chambre, par suite de l'incompatibilité
consacrée par la loi électorale, entre les fonctions de procureur
général et celles de député dans le ressort de la
cour. Soutenant le gouvernement de son vote et de sa parole, il est
nommé en 1834, conseiller à la Cour de cassation, et est
réélu député la même année. Paraissant
assez fréquemment à la tribune, il soutient notamment le
gouvernement dans la discussion de l'adresse, lors de la coalition de Thiers et
de Guizot contre le ministère Molé. Il fait aussi partie du
Conseil général du Calvados, dont il devient
président529(*).
Il devient procureur général puis président, en 1847,
à la Cour de cassation, rentre dans la vie privée en 1848 et
meurt à Paris, l'année suivante (le 2 janvier 1849), commandeur
de la Légion d'honneur (1846)530(*). Il est inhumé à Saint Nicolas de la
Taille, près du Havre531(*).
Index:
AROUX, 15, 19, 20, 21, 22, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 39, 47, 50,
59, 63, 64, 69, 82, 146, 150
BAILLEHACHE, 15, 60, 69, 75, 125, 142
BARBET, 29, 49, 50, 66, 85, 86
BARROT, 115
BARTHE, 15, 29, 30
BLANCHE, 37, 38, 44, 46, 48, 60, 66, 69, 75, 76, 99, 100, 119,
122, 125, 134, 135, 141, 147
BOUCLY, 10, 13, 58, 63, 77, 91, 95, 96, 125, 126, 140
BOULLENGER, 8, 9, 10, 17, 76, 124, 126, 127, 136, 148, 161
CABET, 45, 106
CARREL, 100, 101, 102, 103, 108, 150
CAVAIGNAC, 106, 116, 159
CHARLES X, 96, 99, 104, 151
CHASSAN, 15, 34, 52, 60, 66, 70, 75, 125, 128, 134, 140, 149
CHERON, 55
CRÉMIEUX, 101, 115
DAVIEL, 11, 13, 14, 15, 18, 19, 22, 23, 27, 29, 30, 31, 33, 35,
37, 38, 39, 41, 42, 52, 53, 54, 55, 58, 59, 69, 81, 82, 86, 91, 92, 93, 94, 95,
97, 102, 103, 113, 116, 117, 122, 124, 125, 126, 128, 133, 135, 138, 150
DESCHAMPS, 115, 116
DU CAMP, 115
DUCHESSE DE BERRY, 43, 91, 92, 96
DUFAURE DE MONTFORT, 60, 66, 69, 125, 139
DUPONT DE L'EURE, 9, 10, 11, 15, 21, 27, 38, 115, 150
DUVERGIER DE HAURANNE, 111, 159, 161
EUDE, 11, 12, 15, 54, 58, 72
FALCONNET, 125, 144
FLAUBERT, 115, 122
FLOQUET, 8, 58, 59, 66, 67
FRANCK-CARRÉ, 101
GAULTIER, 37, 45, 46, 47, 60, 61, 70, 72, 75, 122, 124, 125, 127,
134, 135, 137
GESBERT DE LA NOË-SEICHE, 10, 12, 15, 16, 30, 31, 51, 53,
55, 58, 59, 63, 69, 72, 74, 77, 80, 108, 125, 126, 128, 133, 138, 149, 155
GISQUET, 95
GUILLEMARD, 125, 143
GUIZOT, 15, 17, 18, 115, 158, 161
HÉBERT, 20, 31
HÉLY D'OISSEL, 11, 13, 58, 69, 88, 122, 125, 126, 143
HENRI V, 90, 91, 96, 98
JUSTIN, 15, 16, 59, 66, 75, 86, 99, 115, 125, 143
LA FAYETTE, 157
LE PETIT, 10, 126
LE TENDRE DE TOURVILLE, 10, 12, 16, 58, 59, 69, 72, 98, 103, 111,
125, 126, 141
LE VARLET, 55
LEROY, 16, 55, 71, 97, 104, 125, 145, 152
LÉVESQUE, 10, 126
LOUIS XVIII, 9
LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE, 65, 117, 147, 150, 153, 155
MARY, 52, 53, 125, 144
MÉRILHOU, 9
MESNARD, 15, 16, 50, 59, 61, 65, 72, 74, 113, 124, 125, 127, 133,
137, 153
MOLÉ, 17, 157, 161
MOYNE, 6, 15, 17, 20, 21, 22, 24, 26, 27, 30, 31, 32, 39, 40, 41,
42, 43, 44, 45, 47, 48, 53, 55, 56, 59, 63, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 99, 102,
103, 104, 107, 109, 112, 122, 124, 125, 127, 133, 135, 137, 150
PAILLART, 46, 47, 55, 59, 71, 72, 74, 86, 113, 125, 133, 135,
141
PERSIL, 15, 103
PINEL, 69, 75, 125, 144, 154
PRINCE DE CROY, 60, 63, 67
PROUDHON, 45
REINE VICTORIA, 65
RÉMUSAT, 18, 157
RIEFF, 122, 125, 134, 135, 142
ROULAND, 2, 14, 15, 33, 51, 55, 59, 60, 61, 66, 75, 87, 120, 125,
128, 129, 130, 133, 135, 139, 147, 149, 155, 156
SALVETON, 18, 33, 38, 39, 46, 68, 70, 72, 115, 122, 124, 125,
127, 134, 135, 138, 157
SENARD, 19, 55, 56, 57, 102, 103, 111, 113, 114, 115, 116, 122,
124, 127, 158, 159
SOULT, 15, 29
THIERS, 15, 65, 68, 108, 161
THIL, 6, 8, 11, 12, 14, 15, 17, 19, 34, 35, 36, 40, 49, 58, 60,
63, 70, 101, 124, 125, 126, 127, 133, 135, 136, 161
TRANCHARD, 19, 20, 21, 22, 24, 27, 28, 30, 31, 39, 47, 50, 59,
65, 69, 150
TREILHARD, 81
Table des matières :
INTRODUCTION :
4
1-/ LE PARQUET GÉNÉRAL :
UNE INSTITUTION DÉPENDANTE DES CONSIDÉRATIONS POLITIQUES.
8
1-1 : UN ENGAGEMENT
CONTRÔLÉ PAR LE POUVOIR POLITIQUE.
8
1-1-1 : L'ÉPURATION DU PARQUET
GÉNÉRAL EN 1830.
8
A-Une conséquence normale.
8
B-Une distribution intéressée des
places.
10
1-1-2 : LA PRESTATION DE SERMENT : UNE
APPARENTE FORMALITÉ.
11
A-Un acte d'adhésion au
régime.
11
B-Une cérémonie loin d'être
évidente.
12
1-2-1 : CANDIDATURE ET NOMINATION : UN
RECRUTEMENT POLITIQUE.
13
A-Les conditions officielles
d'entrée.
13
B-Le choix officieux et déterminant du
politique.
15
1-1-3 : LA POLITIQUE : UNE CARRIÈRE
PARALLÈLE.
16
A-Une mauvaise habitude, vainement
corrigée.
16
B-Le magistrat-politique : un modèle
idéal pour le pouvoir.
17
1-2 : L'AFFAIRE AROUX ET TRANCHARD ET LE
COUP D'ÉCLAT DE DAVIEL : UNE AFFAIRE POLITIQUE QUI
ÉCLABOUSSE LE PARQUET GÉNÉRAL.
19
1-2-1 : LE CHOC DE L'AFFAIRE : DE
L'INCOMPRÉHENSION À L'INDIGNATION.
19
A-La nouvelle des destitutions : le doute
s'installe.
20
B-Une protestation générale.
21
C-La démission d'Alfred Daviel : un
cataclysme judiciaire.
23
1-2-2 : LES RAISONS DES DESTITUTIONS : LA
CONVERGENCE VERS L'EXPLICATION POLITIQUE.
24
A-La divergence de vue quant à la
cérémonie des Trois Glorieuses.
24
B-La raison religieuse : un
prétexte.
26
C-La justification républicaine : la
défense du Journal de Rouen.
27
1-2-3 : LES CONTRECOUPS DIRECTS DE
L'AFFAIRE : LA RÉACTION EN MARCHE.
28
A-Vers une nouvelle épuration ?
28
B-Une radicalisation des positions : le
conflit manifeste entre les avocats et le procureur général
Moyne.
30
1-3 : LES DISCOURS SOLENNELS DE
RENTRÉE : REFLETS IDÉOLOGIQUES DE LA MISSION DU PARQUET.
32
1-3-1 : UNE CÉLÉBRATION DU
PASSÉ ?
32
A-Rappel des origines.
32
B-Originalité et utilité du
discours.
33
1-3-2 : LA DÉFENSE DU SANCTUAIRE
JUDICIAIRE ET DU POUVOIR EN PLACE.
35
A-La critique du gouvernement
précédent : une constante.
35
B-L'attachement à des valeurs
essentielles : la Charte, Louis-Philippe, le Code civil...
36
C-Une représentation supérieure et
idéale de la Justice.
38
D-Le magistrat doit être
dénué d'esprit partisan.
39
1-3-3 : L'AFFIRMATION DU RESPECT DES VALEURS
CONSERVATRICES.
41
A-Pour une liberté de la presse
contrôlée.
41
B-Contre l'utopie et les idées
socialistes : pour une défense de la propriété.
44
C-Une vie privée au dessus de tout
soupçon.
46
2-/ VIE DE LA COUR ET TEMPS EXTRA-
JUDICIAIRE : DE LA PARTICIPATION ACTIVE À L'ATTENTION APPARENTE DU
PARQUET.
49
2-1 : UN RÔLE DE SURVEILLANT DANS LES
AFFAIRES INTERNES.
49
2-1-1 : IMPRESSIONS ET ANNONCES JUDICIAIRES :
UNE VUE DU PARQUET SUR LES PARUTIONS JUDICIAIRES.
49
2-1-2 : LA BIBLIOTHÈQUE DU PALAIS :
LES PARQUETIERS À L'ÉTUDE.
51
2-1-3 : LE CONSEIL DE DISCIPLINE OU LE
MINISTÈRE PUBLIC CONVERTI EN ACCUSATEUR INTERNE.
52
A-L'affaire D'Avannes et Avril : la traque
des légitimistes infiltrés.
52
B-L'affaire des avocats de Rouen ou comment
lutter contre « l'anarchie en robes de palais ? ».
55
2-2 : LE PARQUET GÉNÉRAL EN
MAJESTÉ.
58
2-2-1 : LA RELATION ROYALE : UN
PRIVILÈGE D'ÉLITE.
58
A-Les arrivées royales : les
parquetiers aux premières loges.
58
B-Adresses à Louis-Philippe :
communications directes avec l'autorité royale.
60
2-2-2 : LES DÉMONSTRATIONS D'ATTACHEMENT
À L'ÉGLISE ET AUX NOUVEAUX CULTES.
62
A-L'Église : cadre
privilégié pour les solennités religieuses et civiles.
62
B-Le retour des cendres de Napoléon
Ier : une cérémonie en grande pompe.
65
2-3 : L'APPARTENANCE À LA
MAGISTRATURE IMPLIQUE L'EXISTENCE DE SIGNES EXTÉRIEURS DE
NOTABILITÉ.
68
2-3-1 : LA NOTABILITÉ AVANT LA
MAGISTRATURE.
68
2-3-2 : L'ACADÉMIE DES SCIENCES,
BELLES-LETTRES ET ARTS DE ROUEN : UN LIEU D'ÉPANOUISSEMENT
INTELLECTUEL.
69
2-3-3 : LA SOCIÉTÉ POUR LE
PATRONAGE DES JEUNES LIBÉRÉS : LE PHILANTHROPISME PARQUETIER
À L'oeUVRE.
71
2-3-4 : CHARITÉ ET SOUSCRIPTION :
UNE MODESTE PRISE EN COMPTE DE LA DÉTRESSE SOCIALE.
74
3/ LE PARQUET EN PROCÈS : UNE
DÉFENSE TOUS AZIMUTS POUR LE TRIOMPHE DE L'AUTORITÉ.
77
3-1 : LE MAINTIEN DE L'ORDRE : UNE
PRÉROGATIVE ET UNE PRIORITÉ PÉNALE DU PARQUET.
77
3-1-1 : LA COUR DES APPELS
CORRECTIONNELS : LE LIEU PAR EXCELLENCE DE L'APPLICATION DE LA POLITIQUE
PÉNALE.
77
A-La place centrale du ministère public
dans la procédure pénale.
77
B-Des poursuites pénales
ciblées.
78
C-Le ministère public garant de
l'atténuation des peines pour les mineurs.
80
3-1-2 : LA RÉPRESSION DES TROUBLES QUI
SUIVENT LES TROIS GLORIEUSES : LA POURSUITE SYSTÉMATIQUE DU
PARQUET.
81
A-Contre les coalitions de l'automne 1830.
81
B-Le concours du parquet dans la protection de
la garde nationale.
83
3-1-3 : LE PARQUET, DÉFENSEUR DES
NOTABLES : L'EXEMPLE DES AFFAIRES DE L'INDISCRET.
84
A-L'intolérable mise en cause du maire de
Rouen.
84
B-La protection du notable Barbet par le parquet
général.
86
C-Puis, L'indiscret « envoie la
farce ».
87
3-2 : UNE LUTTE CONTINUELLE ET
ACHARNÉE CONTRE LES LÉGITIMISTES.
88
3-2-1 : LA PREMIÈRE AFFAIRE DE LA
GAZETTE DE NORMANDIE : CONTRE LA RÉCUPÉRATION DU
MOUVEMENT LYONNAIS.
88
A-Une protection préventive du
régime.
88
B-La condamnation de la démagogie.
90
3-2-2 : LA DEUXIÈME AFFAIRE DE LA
GAZETTE DE NORMANDIE : LA FIN DE L'ÉCHO VENDÉEN.
91
A-Le réquisitoire anti-légitimiste
d'Alfred Daviel.
91
B-La souscription à l'origine de
l'affaire D'Avannes et Avril (voir infra) : une critique ouverte du
gouvernement orléaniste.
93
3-2-3 : LES PETITES AFFAIRES DE LA GAZETTE
DE NORMANDIE ET AUTRES DÉLITS POLITIQUES : LA VIGILANCE SOUS
TOUTES SES FORMES.
95
A-Les acquittements de la gazette de
Normandie : des entorses à la détermination du
ministère public.
95
B-Les autres délits politiques : un
légitimisme plus latent.
98
3-3 : LES GRANDES MENÉES DU
PARQUET GÉNÉRAL CONTRE LES RÉPUBLICAINS.
100
3-3-1 : LES POURSUITES CONTRE LE NATIONAL
DE 1834 : LES PRÉMICES DE LA RÉACTION DANS LA
PRESSE.
100
A-Le renvoi de Carrel à Rouen : la
surprenante décision de la Cour de cassation.
100
B-Le parquet général de mauvaise
foi ?
102
3-3-2 : LA DISSOLUTION DE LA
SOCIÉTÉ DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DE ROUEN.
104
A-L'application de la législation
anti-républicaine.
104
B-Le développement inquiétant et
surveillé de la Société.
106
C-La confirmation « contre la
récidive ».
108
3-3-3 : LES DÉBOIRES DU JOURNAL DE
ROUEN OU LA FERME VOLONTÉ DE « NETTOYER »
LA PRESSE D'OPPOSITION.
109
A-L'attentat d'Alibaud : un engagement un
peu trop républicain du Journal de Rouen.
109
B-La censure du parquet
général.
111
C-La deuxième affaire
Brière : le chant du cygne pour le parquet.
112
CONCLUSION :
115
BIBLIOGRAPHIE :
118
ANNEXES :
123
Annexe 1 : Liste des procureurs de Rouen de
leur création à nos jours.
124
Annexe 2 : Liste complète des vingt
trois magistrats du parquet général de Rouen à leur plus
haut rang (1830-1848).
125
Annexe 3 : Le parquet général de
Rouen et l'épuration de 1830.
126
Annexe 4 : Date d'installation des procureurs
généraux : de Boullenger à Senard.
127
Annexe 5 : Date d'installation des premiers
avocats généraux :1830-1848.
128
Annexe 6 : Philosophie et histoire vues par le
premier avocat général Gustave Rouland.
129
Annexe 7 : Affaires traitées par la Cour
des Appels correctionnels : l'exemple de l'année
1830-1831 :131 affaires.
131
Annexe 8 : Liste des discours de rentrée
de la Cour royale de Rouen sous la monarchie de Juillet.
133
Annexe 9 : Discours retrouvés soit
à la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans le Journal
de Rouen et ayant servi à la partie 1-3 :
135
Annexe 10 : Informations sur la
carrières judiciaire et dans l'Ordre de la Légion
d'honneur :
136
des procureurs généraux de Rouen
(1829-1848) :
136
des premiers avocats généraux de Rouen
(1830-1848) :
138
des avocats généraux de Rouen
(1830-1848) :
140
des substituts du procureur général de
Rouen (1830-1848) :
143
Annexe 11 : Informations
biographiques :
146
·Aroux (Eugène) :
146
·Blanche (Antoine-Georges) :
147
·Le Baron Boullenger (Alexandre) :
148
·Chassan (Joseph-Pierre) :
149
·Daviel (Alfred) :
150
·Leroy (Narcisse) :
152
·Mesnard (Jacques-André) :
153
·Pinel (Jean-Baptiste) :
154
·Rouland (Gustave) :
155
·Salveton (Antoine dit
Frédéric)
157
·Senard (Antoine-Marie-Jules) :
159
·Thil (Jean-Baptiste-Louis) :
161
INDEX:
162
TABLE DES MATIÈRES :
164
* 1 Cf. Francisque Goyet, Le
ministère public en matière civile et en matière
répressive et l'exercice de l'action publique, Paris, Recueil
Sirey, 1926, p. 7.
* 2 Cf. André Castaldo,
Introduction historique au droit, Paris, Dalloz, 1999, p. 123.
* 3 Ou procureur
général du Roi.
* 4 Devant la Cour d'assises de
l'Eure située à Évreux, l'action publique est
exercée par le procureur du Roi d'Évreux, et non par un
parquetier général de Rouen. Voir Francisque Goyet, Le
ministère public...,
op. cit., p. 9.
* 5 Cf. Michèle-Laure
Rassat, Le ministère public entre son passé et son
avenir, Paris, Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence, 1967, p. 54.
* 6 Cf. Christian Bruschi
(dir.), Parquet et politique pénale depuis le XIXe
siècle, Paris, Presses Universitaires de France, coll. de la
Mission de recherche « Droit et Justice », 2002, p. 107.
* 7 Cf. Brigitte Angibaud,
Le parquet, Paris, Presses Universitaires de France, coll.
« Que-sais-je ? »,
1999, p. 27.
* 8 Cf. Francisque Goyet, Le
ministère public..., op. cit., p. 9.
* 9 Cf. Michèle-Laure
Rassat, Le ministère public entre son passé et son
avenir, op. cit., p. 122.
* 10 Cf. David Deroussin,
« Politique criminelle et politique pénale », in Parquet
et politique pénale depuis le XIXe siècle, Actes
du colloque organisé par le Centre Lyonnais d'histoire du droit et de la
pensée politique et la Mission de recherche Droit et Justice,
Université Jean Moulin Lyon III, le 19 et 20 septembre 2002, p. 2.
* 11 Cf. Jean-Louis
Debré, La justice au XIXe siècle « Les
magistrats », Paris, Perrin, 1981, p. 96.
* 12 Voir annexes.
* 13 Cf. Jean-Pierre Royer,
Pierre Lecocq, Renée Martinage, Juges et notables au XIXe
siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 257.
* 14 Farcy Jean-Claude,
Magistrats en majesté, Les discours de rentrée aux audiences
solennelles des Cours d'appel (XIXe-XXe
siècles), Paris, CNRS, 1998, 793 p.
* 15 Cf. Jean-Louis
Debré, op. cit., p. 54.
* 16 Ibid.
* 17 Installation de M. Thil,
procureur général, le mardi 31 août 1830, 2U 134. La rature
de tout un document sur ce genre de registres est exceptionnelle et n'est pas
qu'une simple erreur.
* 18 « Comment
lorsqu'un candidat ou ses ancêtres ont servi sincèrement le roi
légitime, pratiquer l'art d'être orléaniste et
s'intégrer à l'ordre louis-philippard ? »
in Jean-Pierre Royer, et al., Juges et notables au
XIXesiècle, op. cit., p. 52.
* 19 Ibid.
* 20 Le décret du
1er mars 1808, qui prévoyait que les premiers
présidents et procureurs généraux des Cours d'appel
pussent après dix ans d'exercice, être créés baron
à titre personnel par l'Empereur, est repris sous la Restauration.
* 21 « M. Boullet,
avocat général à la Cour d'Amiens, est nommé
président à la même Cour, en remplacement de M. Boullenger,
non acceptant. » in Le journal de Rouen,
numéro 250, du 7 septembre 1830.
* 22 Cf. Jean-Louis
Debré, op. cit., p.56.
* 23 Cf. J.-P. Royer et
al., Juges et notables au XIXe siècle, op.
cit., p. 52.
* 24 Cf. Pascal Vielfaure,
L'évolution du droit pénal sous la monarchie de Juillet entre
exigences politiques et interrogations de société,
Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2001, p. 173.
* 25 Cité dans Pascal
Vielfaure, op. cit., p. 170.
* 26
« l'épuration englobe plusieurs opérations de nature
différente, des exclusions proprement politiques
anti-légitimistes mais aussi de véritables licenciements pour
incapacité professionnelle ou encore, et tout simplement, des
disgrâces, parce que l'on a cessé de plaire. » in
Jean-Pierre Royer, Histoire de la justice en France de la monarchie
absolue à la République, Paris, Presses Universitaires de
France, 1995, rééd. 1996, p. 481.
* 27 Les deux magistrats sont
appelés à d'autres fonctions (voir : Séance
solennelle du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août
1830, 2U 134), ils seront conseillers à Rouen sous la monarchie de
Juillet.
* 28 Journal de Rouen,
numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.
* 29 Ibid.
* 30 Cf. Jean-Pierre Royer,
Histoire de la Justice..., op. cit., p. 510.
* 31 Cité notamment dans
Jean-Pierre Royer et al., Juges et notables au
XIXesiècle, op. cit., p. 53 et p. 324 ; et plus
généralement mentionné pour son discours prononcé
le 3 novembre 1830 (voir supra).
* 32 Cf. article Alfred Daviel
in Roman d'Amat (dir.), Dictionnaire de Biographie
française, Paris, librairie Letouzey et Ané, 1965.
* 33 Ou de son oncle ?
Abdon-Patrocle-Frédéric Hély d'Oissel [1777-1833] :
préfet de Maine-et-Loire et baron sous l'Empire. Après 1815, il
est nommé maître des requêtes au Conseil
d'État : article de Jean Tulard in Dictionnaire
Napoléon, Paris, Fayard, 1989, p. 869.
* 34 Cf. J.-P. Royer et
al., Juges et notables au XIXe siècle, op.
cit., p. 53.
* 35 Séance solennelle
du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août 1830, 2U
134.
* 36 Installation de M. Thil,
procureur général, le 31 août 1830, 2U 134.
* 37 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 172.
* 38 Cf. J.L.E.Ortolan et
L.Ledeau, Le ministère public en France ; Traité et code
de son organisation, de sa compétence, et de ses fonctions dans l'ordre
politique, judiciaire et administratif, Paris, s.l.,
1831, t.1, p. 5.
* 39 Séance solennelle
du 3 septembre 1830 pour la prestation du serment du 31 août 1830, 2U
134.
* 40 Cf. Christian Bruschi
(dir.), op. cit., p. 47.
* 41 Cf. article
Jean-Baptiste-Louis Thil in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire
des parlementaires français, Paris, Bourloton éditeur,
1890.
* 42 Ibid., article
Gustave Rouland.
* 43 Ibid., article
Alfred Daviel.
* 44 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 174.
* 45 Cf. Christian Bruschi
(dir.), op. cit., p. 47.
* 46 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 174.
* 47 Article de Gustave
Rouland, dictionnaire des parlementaires français, op.
cit.
* 48 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 175.
* 49 Cf. Godechot Jacques,
Les constitutions de la France depuis 1789, Paris, Garnier-Flammarion,
1970, p. 250.
* 50 Christian Bruschi, op.
cit., p. 47.
* 51 Ibid.
* 52 « La confiance
du roi vous appelle à remplacer un magistrat qui, pendant quatre
années d'exercices des fonctions de procureur général en
cette Cour, s'est fait remarquer par son attachement aux institutions
constitutionnelles, aux lois du royaume, et à l'ordre public ; il
reçoit aujourd'hui le prix de ses honorables travaux, dans son
élévation à la première présidence de la
Cour royale de Poitiers, nous n'avons que des félicitations à lui
adresser sur son changement d'état » : Discours du
premier président Eude, prononcé lors de l'installation du
procureur général Mesnard, le 17 novembre 1836, 2U 134.
* 53 « M. Justin
nommé conseiller et M. Baillehache, nommé substitut de M. le
procureur général » : nominations du 20 janvier
1841, 2U 134.
* 54 Journal de Rouen,
numéro 303, du jeudi 29 octobre 1840.
* 55 Voir annexe 10.
* 56 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 177.
* 57 Journal de Rouen,
numéro 311, du dimanche 7 novembre 1841.
* 58 Titre III, chapitre I,
section III, article 5 de la constitution de 1791. Voir Jacques Godechot,
op. cit.,
p. 42.
* 59 Cf. article Thil
in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 60 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 181.
* 61 Cf. Jean-Louis
Debré, op. cit., p. 68.
* 62 Cf. article Salveton
in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 63 Ibid.
* 64 « Le choix de M.
A. Daviel pour premier avocat général nous paraît remplir
toutes les conditions et obvier à tous les inconvénients que nous
venons de signaler et l'empressement avec lequel il a résigné,
pour faciliter cet arrangement, les plus importantes auxquelles il avait
été d'abord appelé, est encore pour nous une
épreuve que, pendant la durée comme dans l'intervalle des
sessions de la Chambre des députés, la direction du parquet de la
Cour sera constamment la même, sage, énergique, et
libérale. » Cf. Journal de Rouen, numéro 249,
du 6 septembre 1830.
* 65 Journal de Rouen,
numéro 262, du 19 septembre 1830.
* 66 Article Senard in
Théodore Lebreton Théodore, Biographie Normande, Rouen,
A. Le Brument éditeur, 1857-1861.
* 67 Journal de Rouen,
numéro 219, du mercredi 7 août 1833.
* 68 Ibid.
* 69 Ibid.
* 70 Journal de Rouen,
numéro 220, du jeudi 8 août 1833.
* 71 Ibid.
* 72 Ibid.
* 73 Ibid.
* 74 Ibid.
* 75 Ibid.
* 76 Ibid.
* 77 « Ainsi,
l'histoire du ministère public au XIXe siècle serait
celle d'un mouvement de balancier entre «soumission forcée» et
«rébellion polie» qui aboutit, pour les plus opiniâtres
des parquetiers, lorsqu'ils sont persuadés de trahir leur conscience
s'ils se conforment aux injonctions, à une démission
lancée à la face du pouvoir comme un soufflet » :
Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 109.
* 78 [Note n°2 :
Jean-Pierre Royer, Histoire de la Justice en France, 2ème
édition, Paris, 1996] » in Christian Bruschi
(dir.), op. cit.
* 79 Jean-Pierre Royer, et
al., op. cit., p. 324.
* 80 Journal de Rouen,
numéro 221, du vendredi 9 août 1833.
* 81 Ibid.
* 82 Ibid.
* 83 Journal de Rouen,
numéro 222, du samedi 10 août 1833.
* 84 Journal de Rouen,
numéro 223, du dimanche 11 août 1833.
* 85 « La
démission de M. Daviel qui n'a pas hésité à
sacrifier une brillante position [...] parce qu'il a vraisemblablement
pénétré le véritable esprit de ces destitutions, et
qu'il a senti qu'il ne pouvait consciencieusement, lui aussi magistrat de
juillet, rester associé à un semblable système, tout cela
est hautement significatif pour le pays tout entier » :
Journal de Rouen, numéro 224, du lundi 12 août 1833.
* 86 Ibid.
* 87 Ibid.
* 88 Journal de Rouen,
numéro 225, du mardi 13 août 1833.
* 89 Ibid.
* 90 Ibid.
* 91 Journal de Rouen,
numéro 226, du mercredi 14 août 1833.
* 92 Ibid.
* 93 Ibid.
* 94 Journal de Rouen,
numéros 227 et 228, du jeudi 15 et vendredi 16 août 1833.
* 95 « Il est
impossible de reprocher à la Restauration les deux ou trois destitutions
prononcées contre les procureurs généraux pour leur
conduite comme hommes politiques, lorsqu'on voit la faux de M. Barthe frapper
impitoyablement jusqu'aux simples substituts » : Journal de
Rouen, numéro 229, du samedi 17 août 1833.
* 96 Journal de Rouen,
numéro 233, du 21 août 1833.
* 97 « [extrait du
discours d'installation de M. Moyne de 1832 envoyé par un abonné]
«Indépendant par caractère et par ma position sociale, je
porterai dans tous mes actes la liberté d'opinion et d'examen. Je me
fais une trop haute idée de la magistrature pour croire qu'un
fonctionnaire puisse exécuter des ordres qui répugneraient
à sa conscience ou seulement le mettraient en opposition avec
lui-même : il faut savoir faire respecter son caractère. Je
m'empresse de déclarer que, depuis la Révolution de Juillet, la
magistrature a été rendue à toute son indépendance.
Ce que je dis s'applique non seulement à la magistrature assise, mais
encore aux membres des parquets. Nous avons la liberté d `action,
et jamais le chef de la Justice ne nous a demandé que ce qui est
prescrit par la loi» [...]. Il est fâcheux sans doute que le
discours d'installation d'un procureur général justifie si bien
le proverbe : Menteur comme un programme » : Journal de
Rouen, numéro 241, du jeudi 29 août 1833.
* 98 « Pour nous, en
admirant ce nouvel exemple des vicissitudes humaines [ l'avancement de M.
Gesbert], nous admirons surtout qu'un des principaux motifs de la destitution
de MM. Aroux et Tranchard ait été le soupçon d'avoir
conservé quelques relations, non pas avec le journal, mais avec les
rédacteurs et les propriétaires du Journal de Rouen,
tandis que leur relation de parenté et d'affections intimes avec les
gérants et les rédacteurs de la gazette de Normandie
n'ont nullement nui à l'avancement de MM. Gesbert et de Tourville. C'est
vraiment une chose notable » : Journal de Rouen,
numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.
* 99 Ibid. :
« A cette occasion, peut-être on rappellera aussi que le salon
de M. Gesbert, fermé, comme en signe de deuil, depuis la
Révolution de Juillet, s'est rouvert l'année dernière par
une fête où n'avaient été invités que des
légitimistes et d'anciens magistrats démissionnaires par refus de
serment. On rappellera peut-être ses relations avec plusieurs
propriétaires de la gazette de Normandie, qui figuraient
à cette fête, donnée par un membre du parquet de la Cour
précisément lorsque l'un d'entre eux était cité par
le procureur général devant la Cour d'assises ».
* 100 Ibid.
* 101 Journal de
Rouen, numéro 306, du mardi 5 novembre 1833. L'épisode est
noté par Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté...,
op. cit., p. 51 : « A Rouen, pendant plusieurs
années, le procureur achève son discours de rentrée sans
la traditionnelle adresse aux avocats et ces derniers répliquent en
s'abstenant de faire leur visite habituelle au chef du parquet à la fin
de la journée ».
* 102 Cf. Journal de
Rouen, numéro 308, du mercredi 5 novembre 1834 :
« Les avocats ne se sont pas dérangés pour laisser
passer M. Moyne qui a dû attendre qu'ils eussent tous
défilé, et quoique M. le procureur général
fût en costume, bien peu d'avocats se sont découverts devant lui,
affectation qui a dû le frapper d'autant plus, que nul n'a omis de saluer
MM. Les avocats généraux » ; numéro 308, du
mercredi 4 novembre 1835. En 1836, le nouveau procureur général
absent, c'est le premier avocat général Gesbert qui officie mais
les avocats considèrent qu'il faut « observer le
statu-quo », Gesbert rappelant trop Moyne : Journal de
Rouen, numéro 308, du vendredi 4 novembre 1836.
* 103 Ibid.
* 104 Ibid.
* 105 Cf. Jean-Claude Farcy,
op. cit., p. 11.
* 106 Ibid. p. 30.
* 107 Ibid.
* 108 Tous ces noms sont
cités dans Alfred Daviel, Discours prononcé par M. Daviel,
premier avocat
général devant la Cour royale de Rouen
(audience solennelle du 3 novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830.
* 109 Cf. Article d'Elisabeth
Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou
(dir.), Du Parlement de Normandie à la Cour d'appel de Rouen
1499-1999, Paris, Imprimerie Nationale, p. 378.
* 110 Cf.
Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton,
procureur général du Roi à l'audience solennelle de
rentrée de la Cour royale de Rouen, Rouen, Impr. de F. Marie, n.d.,
16 p.
* 111 Cf. Journal de
Rouen, du mercredi 4 novembre 1840. Voir Annexe 6.
* 112 Cf. Article d'Elisabeth
Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou
(dir.), op. cit., p. 381.
* 113 Cf. Jean-Claude Farcy,
Magistrats en majesté, op. cit., p. 11.
* 114 Journal de
Rouen, numéro 244, du mercredi 1er septembre 1830.
* 115 Cf. Alfred Daviel,
Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat
général devant la Cour royale de Rouen (audience solennelle du 3
novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830, 22 p.
* 116 Cité dans
Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 417,
dans l' article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen),
in Nicolas Plantrou (dir.), Du Parlement de Normandie à la
Cour d'appel de Rouen 1499-1999, op. cit., p. 381 et par
Christian Bruschi (dir.), op. cit., p. 109.
* 117 Cf.
Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par
M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience
solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, Rouen, Impr. de
Vve F. Marie, 1842, 12 p.
* 118 Antoine-Georges Blanche,
Le Grand Coutumier de Normandie, Rouen, Impr. de A. Surville, n.
d.,
22 p.
* 119 Antoine-Georges Blanche,
Discours prononcé par M. Blanche, avocat général,
à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le
6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, n. d., 15 p.
* 120 Cf.
Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton,
procureur général du Roi, à l'audience solennelle de
rentrée de la cour royale de Rouen, le 6 novembre 1844, Rouen,
Impr. F. Marie, n. d., 16 p.
* 121 Ibid.
* 122 Ibid.
* 123 Ibid.
* 124 Cf. Alfred Daviel,
Discours prononcé par M. Daviel, premier avocat
général devant la Cour royale de Rouen (audience solennelle du 3
novembre 1830), Rouen, E. Beaudry, 1830, 22 p.
* 125 L'idée de
fermeté est assené pendant tout le discours. M. Moyne,
Discours prononcé par M. Moyne, procureur général
près la Cour royale de Rouen, à l'audience solennelle de
rentrée, le 4 novembre 1834, Rouen, Impr. F. Marie, n. d.,
20 p.
* 126 Ibid.
* 127 Ibid.
* 128 Journal de
Rouen, numéro 244, du mercredi 1er septembre 1830.
* 129 Cf. M. Moyne,
Discours prononcé par M. Moyne, procureur général
près la Cour royale de Rouen, à l'audience solennelle de
rentrée, le 4 novembre 1834, Rouen, Impr. F. Marie, n. d.,
20 p.
* 130 Ibid.
* 131 Extraits du Journal
de Rouen du 3 novembre 1835 : « En 1832, [ Moyne ]
s'annonçait comme devant «porter dans tous ses actes la
liberté d'opinion et d'examen».[...] En 1833, il disait :
«On ne croit pas au libéralisme de ceux qui
enchaînèrent la presse ». [...] En 1833, il disait
aussi : « Il n'y a de durable que ce qui est bon, et les brusques
changements dans la législation seraient en opposition avec nos
habitudes, nos moeurs, nos besoins, et ne pourraient se soutenir ». [...]
Il ajoutait : « La presse est la plus précieuse de nos
libertés ; il faut la conserver : elle est l'essence de notre
gouvernement. Ses amis peuvent déplorer ses violences ; ses amis la
défendraient si elle était menacée dans son existence
». [...] Il disait encore :
«L'exagération des peines irrite et dépasse le
but qu'on veut atteindre» ».
* 132 Cf. Jean-Claude Farcy,
Magistrats en majesté, op. cit., p. 50.
* 133 Cf. M. Moyne,
Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op.
cit.
* 134 Ibid.
* 135 Cf. article d'Elisabeth
Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou
(dir.), op. cit., p. 381.
* 136 Cf. M. Moyne,
Discours prononcé par M. le procureur général à
l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le 3
novembre 1835, Rouen, Imp. De F. Marie, n. d., 24 p.
* 137 Ibid.
* 138 Ibid.
* 139 Ibid. :
« Mais si un parti qui regrette ce qui n'est plus, formule ses
projets en attaques systématiques contre un gouvernement fondé
aux acclamations de tout un peuple ; s'il prêche sans cesse le
renversement des institutions, au risque de soulever des flots populaires dont
il serait la première victime ; si d'autres provoquent directement
à la fondation d'une république, vague,
indéterminée, qu'eux seuls connaissent ou
conçoivent ; que leurs opinions soient traduites en actions sur la
place publique, ou développées tous les jours dans des feuilles
anarchiques ; si ces partis, aussi antipathiques que les
éléments les plus opposés, unissent leurs efforts pour
renverser ce qui existe dans un but bien différent, aucun gouvernement
ne tiendraient longtemps contre ce double feu ».
* 140 Ibid.
* 141 « votre
concours [s'adressant aux magistrats] sera plus puissant avec le secours des
nouvelles lois sur la presse [...] ces nouvelles armes entre vos mains ne
seront point dommageables pour le pays, vous les appliquerez avec une
fermeté éclairée ».
* 142 Cf. Antoine-Georges
Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie, du 3
novembre 1847, Rouen, Impr. de A. Surville, n. d., 22 p. :
Blanche cite Louis Reybaud, Etudes sur les Réformateurs ou
Socialistes modernes, édition de 1848, p. 301.
* 143 Cf. M. Moyne,
Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op.
cit.
* 144 M. Moyne, Discours
prononcé par M. le procureur général Moyne... le 3
novembre 1835, op. cit.
* 145 Cf.
Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par
M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience
solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, op. cit.
* 146 Cf. Antoine-Georges
Blanche, Discours de M. Blanche, Le Grand Coutumier de Normandie,
op. cit.
* 147 Idée
présente dans Frédéric Salveton, Discours
prononcé par M. Salveton [...] le 6 novembre 1844,
op. cit. : « Honorable privilège,
Messieurs, qui vous impose, comme obligation ordinaire de votre charge, la
pratique des vertus qui sont un honneur, mais non un devoir pour la plupart des
autres professions ».
* 148 Extraits du discours
L'exemple de l'avocat général Pierre-Aubin Paillart,
Journal de Rouen,
numéro 308, du 4 novembre 1838.
* 149
Alexandre-Félix-René Gaultier, Discours prononcé par
M. Gaultier, procureur général du Roi, à l'audience
solennelle de rentrée, le 3 novembre 1842, op. cit.
* 150 Cf. M. Moyne,
Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op.
cit.
* 151 Antoine-Georges Blanche,
Discours prononcé par M. Blanche,[...] le 6 novembre 1843, op.
cit.
* 152
Délibération du 19 décembre 1831, concernant les
impressions judiciaires, 2U 103.
* 153 Voir annexe 8.
* 154 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe
siècle, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1982, p. 264.
* 155 Ibid., p.
341.
* 156 Le procureur
général Mesnard n'en est pas à son coup d'essai avec le
Journal de Rouen. En 1836, il fait condamner son gérant
à deux ans de prison et 3300 francs (voir supra : les
déboires du Journal de Rouen)
* 157
Délibération du 21 juin 1841, relatif à la loi du 2 juin
1841 et aux annonces judiciaires, 2U 104.
* 158 Jean-Pierre Chaline,
Les Bourgeois de Rouen, op. cit., p. 341.
* 159 Journal de
Rouen, numéro 311, du dimanche 7 novembre 1841.
* 160
Délibération du 25 novembre 1839, in
délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.
* 161
Délibération du 9 juin 1842, in
délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.
* 162 Ibid.
* 163
Délibérations du 10 novembre 1830, in
délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.
* 164
Délibération du 12 février 1848, in
délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132.
* 165 « Quelques
magistrats sont si bien en cour qu'on les consulte : Corbin, Daviel,
etc. » :
Jean-Pierre Royer, et al., op. cit., p. 262.
* 166 Réquisitoire du
premier avocat général Alfred Daviel du 7 février 1833, 2U
103.
* 167 Décision de la
Cour du 9 février 1833, 2U 103.
* 168 Ibid.
* 169 Cf.
Ibid. : Dispositions des articles 49 et 50 de la loi du 20 avril
1810 : l'article 49 prévoit que « Les
présidents des cours impériales et des tribunaux de
première instance avertiront d'office ou sur réquisitoire du
ministère public, tout juge qui compromettra la dignité de son
caractère » ; l'article 50 précise que le juge
sera soumis à l'une des peines suivantes : la censure simple, la
censure avec réprimande ou la suspension provisoire. La censure avec
réprimande implique une privation de traitement d'un mois. Quant
à la suspension provisoire, elle implique une privation de traitement
pour la durée de la suspension : en l'occurrence, le parquet
général aurait souhaité une privation de traitement de six
mois.
* 170 Avertissement à
M. Avril du 12 février 1833, 2U 103.
* 171 Ibid.
* 172 Arrêt de la Cour
dans l'affaire des avocats de Rouen, le 4 mai 1835, 2U 103.
* 173 Cf. Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 302.
* 174 Articles du
bâtonnier Brière et de Me Georges Mac Grath, in
(Collectif), Le palais de Justice de Rouen, Rouen,
Ministère de la Justice et du département de la Seine-Maritime,
1977, p. 186.
* 175
Délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen,
2U 103.
* 176 Discours de
Me Vermont, bâtonnier, lors de la séance d'ouverture de
la Conférence des avocats stagiaires, le mardi 24 novembre 1896, dossier
de presse Senard, N 92.
* 177
Délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen,
2U 103.
* 178 Articles du
bâtonnier Brière et de Me Georges Mac Grath, in
(Collectif), Le palais de Justice de Rouen, op. cit., p.
186.
* 179 Réquisitoire du
procureur général Moyne du 29 avril 1835 in
délibération du 29 avril 1835 sur l'affaire des avocats de Rouen,
2U 103.
* 180 Ibid.
* 181 Ibid.
* 182 Arrêt de la Cour
dans l'affaire des avocats de Rouen, le 4 mai 1835, 2U 103.
* 183 Ibid.
* 184 Ibid.
* 185 Discours de
Me Vermont, bâtonnier, lors de la séance d'ouverture de
la Conférence des avocats stagiaires, op. cit.
* 186 Cf. Vielfaure
Pascal, op. cit., p. 304.
* 187 Cf. Chaline, Les
bourgeois de Rouen, op. cit., p. 204.
* 188
Michel-Jean-Baptiste-Jacques Aroux (1761-1841) : le père
d'Eugène Aroux (celui de l'affaire Aroux et Tranchard).
* 189 Cf.
Délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 103.
* 190 Cf. Séjour
à Rouen de leurs altesses royales Monseigneur le duc d'Orléans et
Madame la duchesse d'Orléans, du 1er au 2 août 1837,
in délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132
* 191 Cf. Inauguration du
chemin de fer, le 3 mai 1843, in délibérations de la
Cour royale de Rouen 2U 132.
* 192
Délibération du 8 septembre 1830, relative à
l'adhésion au régime orléaniste, 2U 103.
* 193
Délibération du 26 août 1838, relative à la
naissance du comte de Paris, 2U 103. Extraits de l'adresse écrite
pour l'événement : « Ce nouvel héritier du
trône, qui vous est donné par la providence, et qui apporte une
garantie de plus à la stabilité de nos institutions [...]. Sire,
le comte de Paris sera cher à la France, parce qu'il apprendra de votre
Majesté et de son auguste père à aimer et à
défendre les libertés du pays ».
* 194
Délibération du 14 juillet 1842 relative à l'adresse
rédigée pour la mort du duc d'Orléans, 2U 104.
* 195 Voir également la
délibération du 24 novembre 1832, relative à l'adresse au
roi rédigée, à l'occasion de l'attentat du 19 novembre
1832, 2U 103 : « ce nouveau crime fera sentir de plus en plus le
besoin de se rallier autour du trône et de fondre toutes les opinions
dans le sentiment de l'amour du prince et de la patrie » ; la
délibération du 29 juillet 1835 relative à l'adresse au
roi rédigé, à l'occasion de l'attentat du 28 juillet 1835,
2U 103 ; la délibération du 3 novembre 1840, relative
à l'adresse au roi pour l'attentat du 15 octobre 1835, 2U 103 et la
délibération du 27 septembre 1841, relative à l'adresse au
roi pour un nouvel attentat, 2U 104.
* 196
Délibération du 27 juin 1836, relative à l'adresse au roi
pour l'attentat commis le samedi 25 juin 1836, 2U 103.
* 197
Délibération du 28 décembre 1836, relative à
l'adresse au roi pour l'attentat du 27 décembre 1836, 2U 103.
* 198
Délibération du 20 avril 1846, relative à l'adresse au roi
pour l'attentat à la vie du roi commis le 16 avril 1846, 2U 104.
* 199 Cf. Jacques Godechot,
op. cit., p. 247.
* 200 Cf. Jean-Louis
Debré, op. cit., p. 117.
* 201 Jean-Pierre Royer,
Magistrats en majesté, op. cit., p.45.
* 202 Ibid.
* 203
Délibération du 1er mai 1831, relative à la
fête du roi Louis-Philippe, 2U 103.
* 204 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 267.
* 205
Délibération du 16 juillet 1831, relative à l'instauration
des 27, 28 et 29 juillet, journées de fêtes nationales, 2U 103.
* 206
Délibération du 27 juillet 1831, relative au service
funèbre pour les citoyens morts les 27, 28 et 29 juillet 1830, 2U
103.
* 207 Ibid.
* 208
Délibération du 4 août 1835 pour le service funèbre
des victimes de l'attentat du 28 juillet 1835, 2U 103.
* 209
Délibération du 26 août 1838 concernant le Te Deum,
à l'occasion de la naissance de S.A.R., le comte de Paris, 2U 103.
* 210
Délibération du 25 juillet 1842 concernant le service
funèbre pour le repos de l'âme du duc d'Orléans, fils
aîné du roi, décédé le 13 juillet 1842, 2U
104.
* 211
Délibération du 5 janvier 1848 relative au service funèbre
pour le repos de l'âme de Mme Adélaide, soeur du roi,
morte le 30 octobre 1847, 2U 104.
* 212 (C'est à la suite
d'une réticence de la Chambre des députés, à la
séance du 7 octobre 1830, d'aborder la question du rapatriement des
cendres que Victor Hugo compose ces vers le 9 octobre 1830. Mais
déjà en 1827 avec son Ode à la colonne, le jeune
poète montrait une ardente envie de se réapproprier la
dépouille de Napoléon Le Grand.)
* 213 « Trente ans
après la pose de la première pierre, l'arc fut inauguré le
29 juillet 1836, hors de la présence de Louis-Philippe et aussi
discrètement qu'au départ » : Georges Poisson,
« La curieuse histoire de l'arc de triomphe », Revue du
Souvenir Napoléonien, décembre-janvier 2001, p. 46.
* 214 Cérémonie
à l'occasion du passage par Rouen du convoi funèbre de l'Empereur
Napoléon,
le 7 décembre 1840, in
délibérations de la Cour royale de Rouen, 2U 132 : Sont
présents, outre le procureur général, le premier avocat
général Rouland, les avocats généraux Dufaure de
Montfort et Chassan, ainsi que les substituts Justin et Blanche.
* 215 Proclamation du
préfet aux habitants de la Seine-Inférieure, Journal de
Rouen, numéro 341, du 7 décembre 1840.
* 216 Proclamation du maire
Henry Barbet, Journal de Rouen, numéro 342, du mardi 8
décembre 1840.
* 217 Passage par Rouen du
convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef :
Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen,
2U 103.
* 218 Cf. Journal de
Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11
décembre 1840.
* 219 Ibid.
* 220 Ibid.
* 221 Passage par Rouen du
convoi funèbre, le 10 décembre 1840 (greffier en chef :
Floquet), in délibérations de la Cour royale de Rouen,
2U 103.
* 222 Ibid.
* 223 Cf. Journal de
Rouen, numéros 343 et 344, du jeudi 10 et vendredi 11
décembre 1840.
* 224 Ibid.
* 225 Cité par
Jean-Pierre Royer, La société judiciaire depuis le
XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France,
1979, p. 281.
* 226 Cf. Gérard
Masson, Les juges et le pouvoir, Paris, Moreau/Syros, 1977, p. 38.
* 227 « La
rémunération des juges et des procureurs est
modeste » : Jean-Louis Debré, op. cit., p.
203 ; voir également Christian Bruschi, op. cit., p.
48.
* 228 Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 179.
* 229
« L'entrée en magistrature suppose donc l'existence d'une
fortune antérieure et la modicité des traitements judiciaires a
un sens et une fonction précis, elle assure
l'homogénéité sociale du groupe » :
Jean-Pierre Royer, La société judiciaire depuis le
XVIIIe siècle, op. cit., p. 281.
* 230 Article Salveton
in Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 231 Voir les numéros
du mois d'août 1833 du Journal de Rouen, au moment de l'affaire
Aroux et Tranchard : le journal livre quelques indiscrétions sur le
passé et la vie du procureur général Moyne.
* 232 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 303 : Tableau 8.
* 233 Ibid., tableau
16.
* 234 Journal de
Rouen, numéro 257, du samedi 14 septembre 1833.
* 235 Collectif, Liste
générale des membres de l'académie des sciences,
belles-lettres, et arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, Rouen,
Imprimerie Léon Gy, 1903, p. 20.
* 236 Discours prononcé
par M.Moyne, président de la société pour le patronage des
jeunes libérés du département de la
Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.
* 237 Considérations
sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons,
février 1835, BA 1461.
* 238 Ibid.
* 239 Discours prononcé
par M.Moyne, président de la société pour le patronage des
jeunes libérés du département de la
Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.
* 240 Discours de M.Mesnard,
procureur général du 4 février 1838 et du 4 mars 1841, BA
1461.
* 241 Manuel du Biographe
normand, Rouen, A.Le Brument, 1858, Tome I.
* 242 Considérations
sur l'utilité de fonder des écoles morales dans les prisons,
février 1835, BA 1461.
* 243 Ibid.
L'imprimé a interverti les fonctions de De Tourville et
Gesbert : De Tourville, devenu premier avocat général aurait
versé 12 francs et Gesbert, devenu, avocat général, aurait
versé 25 francs.
* 244 Discours prononcé
par M.Moyne, président de la société pour le patronage des
jeunes libérés du département de la
Seine-Inférieure, Rouen, imprimerie Brière, 1836, BA 1461.
* 245
Délibération du 20 janvier 1838 pour le secours aux indigents, 2U
103.
* 246
Délibération du 26 février 1840 pour le secours aux
indigents, 2U 103.
* 247 Présence du
premier avocat général Chassan, des avocats
généraux Blanche et De Baillehache ainsi que le substitut
Pinel : délibération du 22 mars 1847 pour le secours aux
pauvres, 2U 103.
* 248 Ibid.
* 249 La Cour a voté un
secours de six cent francs pour les inondés les plus pauvres de ces
communes. Présence du procureur général Gaultier, de
l'avocat général Chassan et des substituts Blanche et De
Baillehache : délibération du 9 novembre1842 pour le secours
aux inondés, 2U 104.
* 250 La Cour verse mille
francs à la caisse du receveur général.
Délibération du 25 novembre1846 pour le secours des
inondés de la Loire, 2U 104.
* 251 La somme totale de la
souscription s'élève à 805 francs :
délibération du 21 mars 1843 pour la souscription en faveur des
victimes du tremblement de la Guadeloupe, 2U 104.
* 252 Cf. l'article
consacré au baron boullenger in Théodore Lebreton,
Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument, 1857-1861, 3
vol.
* 253 Francisque Goyet,
op. cit., p. 8.
* 254 Arrêts sur la
poursuite du ministère public, Cour royale de police correctionnelle,
1829-1835, 2U 441.
* 255 Christian Bruschi
(dir.), op. cit., p. 76.
* 256 Cf. Francis
Démier, La France du XIXe siècle 1814-1914,
Paris, Editions du Seuil, 2000, p. 187.
* 257 Christian Bruschi
(dir.), op. cit., p. 117.
* 258 Jean-Pierre Royer,
Histoire de la justice, op. cit., p. 505.
* 259 Arrêt de la Cour
des appels correctionnels du 11 février 1831, 2U 441.
* 260 Cf. André-Jean
Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 »,
in Georges Duby (dir.), Histoire de la France des origines
à nos jours, Paris, Larousse, coll. In Extenso, 1999, p. 602.
* 261 Rapport du premier
avocat général Alfred Daviel sur les événements du
6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.
* 262 André-Jean
Tudesq, « La France romantique et bourgeoise, 1815-1848 », op.
cit.
* 263 Cf. Jean-Pierre Chaline,
Rouen sous la monarchie de Juillet, Rouen, C.R.D.P., 1971, p. 12.
* 264 Rapport du premier
avocat général Alfred Daviel sur les événements du
6 septembre 1830, le 14 janvier 1831, 2U 1703.
* 265 Ibid.
* 266 Ibid. :
« Dans ces circonstances, Ambroise Moulin, Louis Prévost,
Désiré-François Pimort, Zacharie Rever et Louis-Jacques
Bégard sont accusés d'avoir, le 6 septembre 1830, fait attaque et
résistance avec violences et voies de fait envers la force publique
agissant pour l'exécution des ordres de l'autorité publique, et
d'avoir commis cette rébellion, au nombre de plus de vingt personnes
armées ».
* 267 Réquisitoire du
procureur général de Rouen, du 14 janvier 1831, 2U 1703.
* 268 Rapport du premier
avocat général Alfred Daviel sur les événements du
6 septembre 1830, op. cit.
* 269 Procès de
Pierre-François Drely devant la Cour des appels correctionnels, le 8
octobre 1830, 2U 441.
* 270 Ibid.
* 271 Procès de Voisin
et Delavigne devant la Cour des appels correctionnels, le 24 septembre 1830,
2U 441.
* 272 Procès de Charles
Garet devant la Cour des appels correctionnels, le 24 septembre 1830, 2U
441.
* 273 Considérants de
l'arrêt du 24 septembre 1830 concernant Charles Garet, 2U 441.
* 274 Arrêt de la Cour
des appels correctionnels du 13 novembre 1835, 2U 585.
* 275 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 107.
* 276 Ibid., p.
430.
* 277 L'Indiscret,
numéro 79, du 1er octobre 1835, 2U 585.
* 278 Lettre du maire de
Rouen, Henry Barbet, à M. le procureur du roi du tribunal civil de
1ère instance de Rouen, en date du 4 octobre 1835, 2U 585.
* 279 Ibid.
* 280 Ibid.
* 281 Jugement du tribunal
civil de 1ère instance de Rouen du 24 octobre 1835, 2U
585.
* 282 L'Indiscret,
numéro 85, du jeudi 22 octobre 1835, 2U 585.
* 283 « Une
séance solennelle des membres de l'Ordre du Grelot dans la commune des
chiens : [...] Une immense niche, placée dans une voûte
souterraine [...]. Dans le fond se détache, en forme de fauteuils, des
embrasures d'une architecture gothique, dentelées comme les mille
aiguilles de nos cathédrales [...]. Bientôt, les portes s'ouvrent
et deux autres boule dogues annoncent, par trois aboiements successifs,
l'arrivée des membres du grelot. Alors arrivent processionnellement,
lentement et majestueusement des chevaliers de toutes les espèces de la
gente canine : Barbet, chiens-couchants, boules-dogues, bassets, chiens
courants, caniches, épagneuls, etc. et vont se ranger dans
l'enceinte, à la suite les uns des autres, selon leur grade et leurs
attributions dans l'Ordre du grelot, dont ils sont tous indistinctement
porteurs » : L'Indiscret, numéro du 27 septembre
1835, 2U 585.
* 284 A en croire le
journal : procès du 29 septembre 1835 devant le tribunal de police
correctionnelle.
* 285 L'Indiscret,
numéro 79, du 1er octobre 1835.
* 286 Ibid.
* 287 Réquisitoire
prononcé par Gustave Rouland, le 24 août 1835, 2U 584.
* 288 Ibid.
* 289 Ibid.
* 290 L'Indiscret,
numéro 64, du dimanche 9 août 1835 : « De cette
indigestion là, nous en sommes toujours nous autres, pour un maire de
moins ; car d'après arrêt de la Faculté, Don Quichotte
est venu, nous dire : «Par raison de santé, je donne ma
démission» Pourquoi diable, aussi, a-t-il mangé ces six
tartines ? Au fait, il s'en moque bien ; s'il a gagné à
cela une gastrite, il sait qu'on lui fera cadeau d'un manteau de pair, pour se
tenir les pieds chauds cet hiver. Manger six tartines, voter les cinq millions,
en avoir une indigestion et la pairie, ça vaut mieux que d'être
maire de son endroit. Ce que c'est que d'avoir le courage de son
opinion ! »
* 291 Procès de la Cour
d'assises du 20 novembre 1835, 2U 584.
* 292 Procès d'Edouard
Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour
d'assises, le 27 décembre 1831, 2U 1708.
* 293 Vielfaure Pascal,
op. cit., p. 56.
* 294 Procès d'Edouard
Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour
d'assises, le 27 décembre 1831, 2U 1708.
* 295 Cf. Vielfaure, op.
cit., p. 52.
* 296 Réquisitoire du
premier avocat général, Alfred Daviel, daté du 17 octobre
1832, prononcé devant la chambre des mises en accusation, 2U 1717.
* 297 Ibid.
* 298 Ibid.
* 299 Procès d'Edouard
Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour
d'assises, le 19 novembre 1832, 2U 1717.
* 300 Ibid.
* 301 Ibid.
* 302 Ibid.
* 303 Ibid.
* 304 Réquisitoire du
premier avocat général, Alfred Daviel, daté du 17 octobre
1832, prononcé devant la chambre des mises en accusation, 2U 1717.
* 305 Affaire d'Edouard Walsh
du 22 décembre 1832, 2U 1717.
* 306 Réquisitoire du
premier avocat général Alfred Daviel pour le procureur
général, du 5 mars 1833, 2U 1723.
* 307 Francis Démier,
op. cit., p. 125.
* 308 Procès de
Théodore de Corneille devant la Cour d'assises, le 16 mars 1833, 2U
1723.
* 309 Mémoire de
l'avocat Mengin (avocat de Marie-Auguste-Subtil Delanterie,
propriétaire-gérant de la gazette de Normandie)
présenté le 14 janvier 1833, 2U 1721.
* 310 Réquisitoire de
l'avocat général Félix Boucly, devant la chambre des mises
en accusation, le 15 janvier 1833, 2U 1721.
* 311 Ibid.
* 312 Ibid.
* 313 Mémoire de
l'avocat Mengin (avocat de Marie-Auguste-Subtil Delanterie,
propriétaire-gérant de la gazette de Normandie)
présenté le 14 janvier 1833, 2U 1721.
* 314 Ibid.
* 315 Ibid.
* 316 Ibid.
* 317 Procès de Pierre
Pointel et Marie-Auguste-Subtil Delanterie, devant la Cour d'assises, le 15
mars 1833, 2U 1721.
* 318 Procès de
Marie-Auguste-Subtil Delanterie, devant la Cour d'assises, le 30 mai 1833, 2U
1721.
* 319 Propos du conventionnel
Adrien Duport sur les jurys d'assises. Cité par Christian Bruschi,
op. cit., p. 118.
* 320 Pascal Vielfaure,
op. cit., p.574.
* 321 Réquisitoire du
substitut du procureur général Le Tendre de Tourville, du 4
octobre 1832, 2U 1723.
* 322 Ibid.
* 323 Procès de Jean
Quesnot devant la Cour d'assises, le 14 mars 1833, 2U 1723.
* 324 Réquisitoire du
procureur du Roi d'Yvetot demandant le renvoi de Constantin Soyez devant la
chambre des mises en accusation, le 1er décembre 1833, 2U
1726.
* 325 Cris séditieux
publiquement proférés, dans un café et dans les rues
d'Hesdin : « A bas le drapeau des trois couleurs, vive la
République, vive Bonaparte, merde pour le drapeau tricolore ».
Lettre du procureur du Roi d'Yvetot au procureur général de
Rouen, le 22 décembre 1833, 2U 1726.
* 326 Lettre du maire de la
ville d'Hesdin au procureur du Roi de Montreuil, le 14 décembre 1833, 2U
1726.
* 327 Procès de
Constantin Soyez devant la Cour d'assises, le 20 février 1834, 2U
1726.
* 328 Réquisitoire du
substitut du procureur général Justin, le 7 juin 1838, 2U 594.
* 329 Procès de
Nicolas-Victor Cadinot devant la Cour d'assises, le 27 juin 1838, 2U 594.
* 330 Réquisitoire du
substitut du procureur général Justin pour le renvoi de Cadinot
devant le tribunal de police correctionnelle, le 2 juillet 1838, 2U 594.
* 331 « Aucun
dessin, aucunes gravures, lithographies, médailles et estampes, aucun
emblème de quelque nature et espèce qu'ils soient, ne pourront
être publiés, exposés ou mis en vente sans l'autorisation
préalable du ministre de l'Intérieur à Paris et des
préfets dans les départements » : Cf. Jean-Claude
Caron, La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, coll.
« Cursus », 1993, rééd. 2000, p. 113.
* 332 Réquisitoire du
substitut du procureur du Roi de Rouen Blanche et décision du tribunal
de police correctionnelle, le 10 juillet 1838, 2U 594.
* 333 Arrêt de la Cour
de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises
de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.
* 334 Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 55.
* 335 Dans La justice au
XIXe siècle «Les magistrats», Jean-Louis
Debré évoque, de nouveau, le destin croisé de
Franck-Carré avec Le National : « Le 23
septembre 1841, le gérant du journal Le National, traduit
devant la Cour d'assises de la Seine pour injure au roi, est acquitté.
Cette décision courageuse ne convient pas du tout au pouvoir. Le
ministère public, rendu responsable de cette indulgence, est
immédiatement sanctionné. Le procureur général
près la Cour de Paris, Franck-Carré, se retrouve à la Cour
de Rouen » : op. cit., p. 104.
* 336 Lettre du parquet de
Rouen informant du renvoi de MM. Carrel et Conseil, gérants du
National de 1834, devant la Cour d'assises de la
Seine-Inférieure, le 17 juin 1834, 2U 1735.
* 337 Arrêt de la Cour
d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.
* 338 Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 55.
* 339 Arrêt de la Cour
de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises
de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735.
* 340 Conclusions
prononcées par Me Daviel (mais signées Armand Carrel)
lors de la séance du 17 juin 1834, 2U 1735.
* 341 Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 55.
* 342 Arrêt de la Cour
d'assises de Rouen du 17 juin 1834, 2U 1735.
* 343 Journal de
Rouen, numéro 213, du vendredi 1er août 1834.
* 344 Ibid.
* 345 Ibid.
* 346 Journal de
Rouen, numéro 212, du jeudi 31 juillet 1834.
* 347 Pascal Vielfaure,
op. cit., p. 55.
* 348 « Il est
impossible, en effet, de voir les délégués de M. Persil
défendre le gouvernement comme ils le défendent, et il est
impossible de les voir développer les thèses de commande dont le
programme leur est envoyé tout fait de Paris, sans prendre en profond
dégoût toute cette politique officielle » :
Journal de Rouen, numéro 212, du jeudi 31 juillet 1834.
* 349 Ibid.
* 350 Arrêts sur la
poursuite du ministère public/Cour Royale police correctionnelle
1829-1835, 2U441.
* 351 « Il est
manifeste que depuis 1834, le gouvernement tente d `éviter le jury,
chaque fois que c'est politiquement réalisable. Ainsi, la loi du 10
avril 1834 attribue aux tribunaux correctionnels les infractions qu'elle
édicte et particulièrement les manquements à l'article 291
du CP. Cet article figurait dans la liste des délits politiques depuis
la loi du 8 oct. 1830 et donc relevait du jury », Vielfaure Pascal,
op. cit., p. 216.
* 352 Vielfaure Pascal,
op. cit., p. 143.
* 353 Lettre du
ministère de l'Intérieur et des Cultes à M. le
préfet de la Seine-Inférieure du 2 octobre 1833, 4M2703.
* 354 Lettre du procureur du
Roi d'Evreux au procureur du Roi de Rouen du 16 mai 1834, 2U582.
* 355 Lettre du procureur du
Roi de Rouen au procureur général de Rouen du 4 août 1834,
2U582.
* 356 Attendus du
procès du 29 août 1834 : « Attendu que par suite de
sa protestation du 30 mars contre la loi alors en discussion, [...] que
persévérant dans cette scandaleuse protestation, on ait voulu
continuer l'association... », 2U441.
* 357 Comme l'écrit
brillamment Armand Carrel : « On n'écrit pas tout ce
qu'on pense, et l'on ne publie pas même tout ce que l'on
écrit », Jean-Claude Caron, op. cit., p. 113.
* 358 « le
Journal de Rouen, jusqu'en 1848 au moins, résume pratiquement
à lui seul tous les courants de gauche », in J.-P.
Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 341.
* 359 Réquisitoire
préparatoire du procureur général de Rouen du 30 juillet
1836, 2U 1753.
* 360 « La
première réprime, d'une part , la provocation à des crimes
et délits par voie de presse, d'autre part, diverses offenses et
attaques ; la seconde renforce la répression sur plusieurs
points », Vielfaure Pascal, op. cit., p.121.
* 361 Cf. Journal de
Rouen, numéro 182, du 30 juin 1836.
* 362 Cf. Journal de
Rouen, numéro 194, du 12 juillet 1836.
* 363 Cf. Godechot Jacques,
op. cit., p. 251.
* 364 « Le roi
regarde le droit de grâce comme la plus précieuse des
prérogatives de sa couronne. » Cf. Guy Antonetti,
Louis-Philippe, Paris, Fayard, 1994, p. 682.
* 365 Pour ce troisième
article, le Journal de Rouen a, selon le procureur
général, commis le délit d'excitation à la haine et
au mépris du gouvernement du roi, prévu par l'article 4 de la loi
du 22 mars 1822.
* 366 Cf. Journal de
Rouen, numéro 195, du 13 juillet 1836.
* 367 Cf. P. Vielfaure,
op. cit., p. 155
* 368 Discours de
Me Vermont, bâtonnier lors de la séance d'ouverture de
la Conférence de avocats stagiaires du mardi 24 novembre 1896.
* 369 « Avant de
comparaître devant ses juges légaux, notre confrère saisit
le Conseil de l'Ordre de la citation qu'il a reçue, il accepte pour
défense l'appui du Bâtonnier et voit l'Ordre tout entier
l'accompagner à l'audience [du 31 août 1836], en s'associant
à la décision du Conseil . Acquitté par les magistrats,
Senard fut, par ses confrères, nommé de nouveau
bâtonnier. », ibid.. Cette suite de l'affaire du
Journal de Rouen est une nouvelle fois l'occasion pour l'Ordre des
avocats de manifester, en bloc, leur opposition au procureur
général et au manque de libéralisme du régime.
* 370 Cf. Collectif, Le
palais de justice de Rouen, Rouen, Ministère de la Justice et
département de la
Seine-Maritime, 1977.
* 371 « Soumises au
jury depuis la loi du 8 octobre 1830, les poursuites contre les journaux
connaissent des taux records d'acquittements. », in
Vielfaure, op. cit., pp. 52-53.
* 372 Cf. Journal de
Rouen, supplément au numéro 112, du dimanche 10 juillet
1836.
* 373 Second alinéa de
l'article 7 de la Charte constitutionnelle de 1830 : « La
censure ne pourra jamais être rétablie», J.Godechot, op.
cit., p. 247.
* 374 Notamment, en 1822,
Jacques-André Mesnard alors avocat à Rochefort, est
demandé par le général Berton, lié à la
Charbonnerie, pour sa défense. Défense qui, pour une raison de
refus d'autorisation de plaider en dehors de son barreau, ne se fera pas. Cf.
Adolphe Robert (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 375 Réquisition
devant la Chambre des mises en accusation du procureur général de
Rouen Jacques-André Mesnard, le 5 décembre 1836, 2U 1753.
* 376 Ibid.
* 377 Cf. Article
intitulé : Acquittement du Journal de Rouen, Journal de
Rouen, numéro 348, du mardi 13 décembre 1836.
* 378 Article sur l'affaire du
Journal de Rouen contre le comité d'instruction primaire :
Journal de Rouen, numéro 348, du samedi 15 décembre
1838.
* 379 Max Brière,
«Jules Senard. Défenseur de la République et avocat de
Flaubert», Connaître Rouen-VI, Rouen, les Amis des
Monuments Rouennais, 1989.
* 380 Journal de
Rouen, numéro 360, du dimanche 26 décembre 1847.
* 381 Ibid.
* 382 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 383 Discours de
Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24 novembre 1896 dans la
séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires.
* 384 Sont invités le
commissaire de la République, le général de division,
l'archevêque de Rouen, le général de brigade, le maire de
Rouen et ses adjoints, l'Intendant militaire, les membres du tribunal civil,
les membres du tribunal de Commerce, le colonel de la Garde Nationale, le
colonel de la gendarmerie, le président du Consistoire, le recteur de
l'Académie, l'Ordre des avocats et son bâtonnier, les
avoués de la Cour, etc. : arrêté de la
commission pour l'installation du procureur général Senard du 3
mars 1848,
2U 104.
* 385 « une
affluence considérable de citoyens s'était portée au
Palais et avait envahi la grande salle des assises [...]. M. Senard est
monté au banc du parquet et a prononcé un discours qui a
été bien souvent interrompu par les acclamations et les
applaudissements de l'assemblée. Jamais l'illustre orateur ne fut plus
grand, plus pathétique, plus entraînant. L'émotion
était à son comble, quand il s'est rassis, et la salle a
longtemps retenti des cris : Vive la République ! Vive
Senard ! » : Journal de Rouen, numéro 63,
supplément du samedi 4 mars 1848.
* 386 Jean-Claude Farcy,
Magistrats en majesté, op. cit., p. 424.
* 387 Maurice Agulhon, «
La Seconde République, 1848-1852 », in Georges Duby
(dir.), Histoire de la France des origines à nos jours, op.
cit., p. 624.
* 388 Paris Normandie
du 10 mars 1954.
* 389 Décret du 28 juin
1848 (Moniteur Universel du 29 juin 1848) : discours de
Me Vermont, bâtonnier, le mardi 24 novembre 1896 dans la
séance d'ouverture de la Conférence des avocats stagiaires.
* 390 Installation du
procureur général Alfred Daviel, le 23 février 1850 :
délibération du 21 février 1850,
2U 104.
* 391 Article «Alfred
Daviel » de Francis Choisel in Jean Tulard, Dictionnaire du
Second Empire, Paris, Fayard, 1995.
* 392 Cf. la liste
présentée en annexe dans Nicolas Plantrou (dir.), op.
cit., p. 598, et après correction (au moins jusqu'en 1854).
* 393 Installations,
nominations, prestations de serment An XII-1865, 2U 134.
* 394 Installations,
nominations, prestations de serment des magistrats, An XIII-1865, 2U 134.
* 395 Installations,
nominations, prestations de serment des magistrats, An XIII-1865, 2U 134.
* 396 Journal de
Rouen, le mercredi 4 novembre 1840.
* 397 D'après :
Arrêts sur la poursuite du ministère public, Cour royale de police
correctionnelle, 1829-1835, 2U 441.
* 398 D'après la liste
des discours de rentrée de la Cour d'appel de Rouen de 1811 à
1992 in Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., pp.
658-665.
* 399 Lebreton
Théodore, Biographie Normande, Rouen, A. Le Brument
éditeur, 1857-1861, 3 vol.
* 400 Base Leonore du Centre
Historique des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion
d'honneur (XIXe-XXe siècles)
* 401 Magistrats :
installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 402 Journal de
Rouen, numéro 250, du 7 septembre 1830.
* 403 Robert Adolphe, Cougny
Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires français, Paris,
Bourloton, 1890, 5 vol.
* 404 Oursel N.-N., Nouvelle
Biographie Normande, Paris, Alphonse Picard Éditeur, 1886, 2 vol.
* 405 Ibid.
* 406 Ibid.
* 407 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 408 Dictionnaire des
parlementaires français, op. cit.
* 409 Consultation des listes
nécrologiques et des discours prononcés dans les
différentes cours d'appel : listes en annexe dans Magistrats en
majesté, op. cit.
* 410 Base Leonore.
* 411 Ibid.
* 412 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 413 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 414 Ibid.
* 415 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 416 Dictionnaire des
parlementaires français, op. cit.
* 417 Ibid.
* 418 Magistrats :
installations,etc., op. cit. : mention de la Légion
d'honneur à cette date.
* 419 Ibid.
* 420 Ibid.
* 421 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 422 Ibid.
* 423 Ibid.
* 424 Annexes Magistrats
en majesté,op. cit.
* 425 Dictionnaire des
parlementaires français, op. cit.
* 426 Nouvelle Biographie
Normande, op.cit.
* 427 Ibid.
* 428 Ibid.
* 429 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 430 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 431 Ibid.
* 432 Frère Edouard,
Manuel du Biographe normand, Rouen, A. Le Brument, 1858, 2 vol.
* 433 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 434 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 435 Ibid.
* 436 Ibid.
* 437 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 438 Base Leonore.
* 439 Ibid.
* 440 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 441 Ibid.
* 442 Base Leonore.
* 443 Ibid.
* 444 Ibid.
* 445 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 446 Ibid.
* 447 Ibid.
* 448 Ibid.
* 449 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 450 Ibid.
* 451 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 452 Ibid.
* 453 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit.
* 454 Ibid.
* 455 Nouvelle Biographie
Normande, op.cit.
* 456 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 457 Ibid.
* 458 Ibid.
* 459 Ibid.
* 460 Annexes Magistrats
en majesté,op. cit
* 461Ibid.
* 462 Base Leonore.
* 463 Annexes Magistrats
en majesté,op. cit
* 464 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 465 Ibid.
* 466 Annexes Magistrats
en majesté,op. cit
* 467 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 468 Annexes Magistrats
en majesté,op. cit
* 469 Ibid.
* 470 Base Leonore.
* 471 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 472 Ibid.
* 473 Journal de
Rouen, numéro 359, du samedi 25 décembre 1847 :
« Le moniteur annonce ce matin que M. Hély d'Oissel, substitut
du procureur général près la Cour royale de Paris, est
nommé avocat général près la même
Cour ».
* 474 dossier de presse (N 92)
Hély d'Oissel : Profession de foi du candidat Hély d'Oissel
(avocat général à la Cour de Paris) pour les
élections législatives de Seine-Inférieure de 1849.
* 475 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit
* 476 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 477 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit
* 478 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 479 Ibid.
* 480 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit
* 481 Base Leonore.
* 482 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 483 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit
* 484 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 485 Annexes Magistrats
en majesté, op. cit
* 486 Magistrats :
installations,etc., op. cit.
* 487 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 488 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe
siècle, op. cit., annexe
tableau 16.
* 489 Magistrats :
installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 490 Listes en annexe dans
Magistrats en majesté, op. cit.
* 491 Oursel N.-N.,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 492 Liste
générale des membres de l'Académie des Sciences,
Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, op.
cit.
* 493 Etudes pratiques sur
le Code pénal, Paris, Cosse et Marchal, 1861-72, 7 volumes in
Pascal Vielfaure, op. cit., p. 545 (bibliographie).
* 494 Oursel N.-N.,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 495 Théodore
Lebreton, Biographie Normande, op. cit.
* 496 Base Leonore du Centre
Historique des Archives Nationales concernant les dossiers de la Légion
d'honneur (XIXe-XXe siècles)
* 497 Edouard Frère,
Manuel du Biographe normand, op. cit.
* 498 Listes en annexe dans
Magistrats en majesté, op. cit.
* 499 Magistrats :
installations, nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 500 Manuel du Biographe
normand, op. cit
* 501 Liste
générale des membres de l'Académie des Sciences,
Belles-Lettres et Arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, op.
cit.
* 502 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 503 Roman d'Amat (dir.),
Dictionnaire de biographie française, op. cit.
* 504 N.-N. Oursel.,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 505 Roman d'Amat (dir.),
Dictionnaire de biographie française, op. cit.
* 506 Installations,
nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 507 Voir
infra : affaire Aroux et Tranchard
* 508 Arrêt de la Cour
d'assises de Rouen du 17 juin 1834, 2U 1735.
* 509 M. Hoefer, Nouvelle
biographie générale, op. cit.
* 510 Article «Alfred
Daviel » de Francis Choisel in Jean Tulard, Dictionnaire du
Second Empire, Paris, Fayard, 1995.
* 511 Roman d'Amat (dir.),
Dictionnaire de biographie française, op. cit.
* 512 M. Hoefer, Nouvelle
biographie générale, op. cit.
* 513 Oursel N.-N.,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 514 Installations,
nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 515 Edouard Frère,
Manuel du Biographe normand, op. cit
* 516 Oursel N.-N.,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 517 D'après Robert
Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 518 Jean-Pierre Chaline,
Les bourgeois de Rouen, op. cit., annexe
tableau 16.
* 519 Installations,
nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 520 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 521 N.-N. Oursel,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit
* 522 Installations,
nominations, prestations de serment, An XIII-1865, 2U 134.
* 523 Article Gustave Rouland
de Francis Choisel in Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des
ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.
* 524 N.-N. Oursel,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit
* 525 D'après Robert
Adolphe, Cougny Gaston (dir.), Dictionnaire des parlementaires
français, op. cit.
* 526 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 527 Adolphe Robert, Gaston
Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français,
op. cit.
* 528 Théodore
Lebreton, Biographie Normande, op. cit.
* 529 Ibid.
* 530 N.-N. Oursel,
Nouvelle Biographie Normande, op. cit.
* 531 Théodore
Lebreton, Biographie Normande, op. cit.