FACULTE DE DROIT, DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE
GESTION
CAP-HAITIEN
Promotion DAVID
RICARDO 1999-2003
THEME : PROBLEMATIQUE DE LA PAUVRETE
ET BIDONVILLISATION EN HAITI
LE CAS DE `SHADA ' AU CAP-HAITIEN
Mémoire de Sortie de
l'étudiant Ban et JEAN
Pour l'obtention du grade de
Licencié Ès Sciences Economiques
Sous la direction du Professeur Roland
BELIZAIRE
Février 2008
AVANT-PROPOS
Il nous est vraiment difficile de trouver des expressions
suffisamment puissantes pour présenter la situation quotidienne des
haïtiens, en ces derniers temps. Malgré les grands travaux
effectués par les experts pour trouver des réponses
cohérentes sur le problème que pose la pauvreté,
malheureusement, la condition de vie des citoyens continue à se
dégrader davantage. Parmi les travaux de référence, on
peut se souvenir des résultats des programmes d'ajustements structurels
(PAS), élaborés par les Institutions de Brettons Wood (IBW).
Aujourd'hui, encore, on essaie de venir avec d'autres stratégies pour
voir comment éradiquer ce fléau. Par exemple, à travers le
document intitulé « Cadre de Coopération Intérimaire
» (CCI), le Document stratégique pour la réduction de la
pauvreté - intérimaire (DSRP-I),... sans oublier les multiples
autres aides internationales.
Nous ne voulons pas être trop pessimiste, mais
l'expérience haïtienne révèle que ces types de
programmes ayant pour objectif de « réduire » la
pauvreté n'arrivent pas ou assez souvent, à la destination
finale. Les pauvres se plaignent, parce que leurs situations du point de vue
socio-économique se détériorent, jours après
jour.
De manière pratique, qui aide réellement les
pauvres à faire face aux difficultés de toutes sortes, en
particulier, l'eau, communication, santé, etc. ?
Pour s'échapper des solutions, bon nombre de penseurs
disent même que les pauvres sont les artisans même de leur propre
malheur. Pour trouver la source de la pauvreté, d'autres parlent de la
position géographique des pays, etc. Ces façons de voir ou poser
le problème peuvent-elles aider à solutionner le problème
? Les nouvelles approches sur ce fléau suscitent pas mal de commentaires
du côté des Haïtiens, tant chez les gouvernants que du
côté des gouvernés. Est-ce qu'on va enfin mettre un terme
avec cette question de pauvreté, en Haïti, qui dure
déjà trop longtemps ? Y a-t-il vraiment une grande
différence entre ce qu'on nous propose aujourd'hui et les autres
programmes de développement déjà présentés ?
Les habitants des bidonvilles, notamment ceux de Shada, au Cap-Haïtien,
ont-ils intérêt à espérer un mieux- être ?
Nous voulons dans le cadre de ce mémoire , d'une part,
à identifier les causes de la pauvreté dans les bidonvilles en
Haïti, en particulier, celles de Shada, bidonville situé à
l'entrée Est de la ville du Cap-Haïtien et, d'autre part,
essayer à proposer certaines pistes de solutions dans la
démarche de la lutte contre la pauvreté qu'on
mène afin de changer la condition de vie des concitoyens, en
difficulté, qui se demandent à chaque instant s'ils vont voir le
jour succédant, à cause de l'insécurité
alimentaire, manque de soin sanitaire, etc.
Ce travail est, franchement, le fruit de dur labeur, compte
tenu de multiples difficultés que confrontent les étudiants,
quand il s'agit de faire une recherche scientifique. Nous n'avons pas
été épargné de cette dernière. Nous avons
dû nous déplacer très souvent, en vue de nous rendre
à la Capitale, Port-au-Prince, pour trouver des informations
indispensables. Et, l'enquête n'était pas une chose facile
à mener à Shada. Les gens sont vraiment réticents à
partager des informations avec d'autres personnes qui ne leurs sont pas
familières et ceci peut expliquer d'une certaine manière
l'échantillon que nous étions obligé de choisir par
rapport à la population.. Heureusement, ils ont enfin compris notre
démarche. Nous les remercions vachement.
Que ce mémoire puisse contribuer grandement à
améliorer leur sort.
Nous remercions le Professeur Roland Bélizaire,
malgré ses multiples occupations professionnelles à travers le
pays, qui a accepté de diriger ce travail. Nos remerciements s'en vont
au Vice Doyen attaché à la section Economique, le professeur
Hervé C. HYPPOLITE , pour ses apports et encouragements et aussi,
à Me Fritz Brutus; à tous les professeurs et les membres du
décanat, aux collègues de la SOGESOL / Cap-Haïtien.
Nous ne voulons pas négliger certaines personnes qui
nous ont aidé, soit par des suggestions, soit en nous ouvrant leur
bibliothèque. Nous citons, entre autre, le personnel du Centre Carl
Levèque (Port-au-Prince), ISPAN (Cap-Haïtien), mes amis Pierre
Ironce, Pierre Duvon, Pierre Jérôme, Muller Frantz,
Métellus Jacquilot, ... et mon frère Jean Joël.
Nous remercions, sincèrement, notre mère Jean
Germilia qui nous donne un soutien inestimable, faisant de nous ce que nous
sommes aujourd'hui. Merci à notre épouse Jean T. Monique et Jean
Banet Ménard Keynes, notre fils.
Enfin, merci à tous et à toutes, qui d'une
façon ou une autre ont contribué à la réussite de
ce mémoire. Que ce travail aide à trouver une voie en plus,
pouvant conduire Haïti à connaître des jours meilleurs !
SIGLES ET ABREVIATIONS
AHE : Association Haïtienne des Economistes
BID : Banque Interaméricaine de Développement BM :
Banque Mondiale
CCI : Cadre de Coopération Intérimaire
CLED : Centre pour la libre entreprise et la Démocratie
CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire
CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement
CONASA : Conserverie Nationale S.A
DSRP-I : Document stratégique pour la réduction de
la pauvreté - intérimaire FAO : Organisation des Nations Unis
pour l'alimentation et l'Agriculture
FIDA : Fonds International pour le Développement
Agricole
FMI : Fond Monétaire International IBW : Institutions
de Brettons Wood IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et
d'Informatique
INARA : Institut National de la Reforme Agraire
ISI : Industrialisation par substitution des importations
ISPAN : Institut de Sauvegarde des Patrimoines Nationaux
MENFP : Ministère de l'Education Nationale et de la
Formation Professionnelle ODM : Objectifs de développement du
Millénaire
OEA : Organisation des Etats Américains ONG : Organisation
Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unis PAM : Programme
Alimentaire Mondiale
PAS : Programmes d'ajustements structurels PEA : Population
Economiquement Active PGC : Projet de Gouvernance Communale PIB : Produit
Intérieur Brut
PMA : Pays Moins Avancés
PNB : Produit National Brut
PNUD : Programme des Nations Unis pour le Développement
SEPREN : Service d'Entretien Permanent du Réseau Routier
National
SNEP : Service National d'Eau potable
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation,
la science et la culture
UNICEF : Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (ou
Unicef, United Nations Children's
Fund)
USAID : Agence des États-Unis
pour le développement international (ou United States Agency for
International Development)
Table des Matières
Introduction 1
PREMIERE PARTIE: DIMENSIONS THEORIQUES DE LA PAUVRETE
Chapitre I - CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 5
Section 1. Des Concepts . 6
Section 2. Multi dimensionnalité de la pauvreté
11
Section 3. Cadre théorique de la pauvreté
11
3.1. Selon les Classiques 12
3.1.1- Adam Smith et Jean Sismondi . 12
3.1.2- David Ricardo 14
3.1.3-Thomas Malthus . 15
3.2- Approche Marxiste . 17
3.3- Selon les Néoclassiques 19
3.4- Selon les Structuralistes 20
3.5- Certaines Approches contemporaines 21
3.5.1 - John Friedman .. 21
3.5.2- Amartya SEN 22
3.5.3- Banque Mondiale . 22
DEUXIEME PARTIE : LA QUESTION DE LA PAUVRETE EN
HAITI
ET A SHADA
CHAPITRE II- CAUSES DE LA PAUVRETE .
23
Section 1. Mode de production et faiblesse de l'économie
Haïtienne . 24
1.1.1 - Mode de production . 25
1.1.2- Répartition des exploitations . 27
1.1.3- Part des importations dans la consommation Nationale
31
1.2- faiblesse de l'économie haïtienne . 34
1.2.1- Evolution du PIB 35
Section 2. Les politiques économiques en vigueur 38
Section 3. Causes sociopolitiques et Institutionnelles ... 40
3.1 Instabilités politiques et Institutionnelles .
40 3.2- Situation socio-économique et développement Humain
45
CHAPITRE III - MONOGRAPHIE DE SHADA 47 Section
1- Historique et description géographique de Shada 47
Section 2- Sommaire de la situation d'observation
socio-économique de Shada .. 48
Section 3- Présentation de l'enquête 49
Section 4- Causes et typologie de la pauvreté à
Shada 57
Section 5- Analyse économique des résultats de
l'enquête ... 66
Section 6. Analyse sociale des résultats de
l'enquête en termes d'incidences
de la pauvreté et de couverture sociale 73
TROISIEME PARTIE : LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE ET
ALTERNATIVES
CHAPITRE IV.- LES MESURES TRADITIONNELLES :
78
Section 1. Les programmes d'ajustement structurels . 79
1.1- Programme d'aide 82
Section 2. Assistancialisme financier, technique et
institutionnel 82
2.1 - Apparition de l'assistance extérieure 82
2.2- Projet de développement institutionnel et
d'assistance Technique . 84
Section 3. La sécurité alimentaire 86
3.1 - Sécurité alimentaire, Approche
anti-pauvreté . 86
3.2- Approche de la Coordination Nationale de la
Sécurité Alimentaire . 90
Section 4. Le secteur public et la lutte contre la
pauvreté 92
CHAPITRE V- LES MESURES ALTERNATIVES 95
Section 1. L'apport des ONG et le développementisme
95
Section 2. Des politiques de démarginalisation et
de participation . 98
Section 3. La réforme agraire et la
décentralisation . . 99
- CONCLUSION & Recommandations 104
- BIBLIOGRAPHIE 109
- ANNEXE I
INTRODUCTION
La pauvreté est l'un des maux majeurs que confronte le
monde aujourd'hui, en particulier, les pays en développement. Le
fossé se creuse entre les riches et les pauvres. 80% de
l'humanité n'ont accès qu'à 20% de l'ensemble des
ressources incluant la terre et le savoir. Au même moment, les trois
personnes les plus riches du monde possèdent une fortune
supérieure à l'ensemble des produits intérieurs bruts
(PIB) des 48 pays les moins avancés du monde. Selon les récentes
enquêtes, menées par l'Organisation des Nations Unis pour
l'alimentation et l'Agriculture (FAO), le monde compte plus de 500 millions
d'hommes qui sont gravement sous-alimentés. De prestigieuses
institutions, ne cesse de parler de lutte contre la pauvreté ;
d'ailleurs c'est l'un des grands objectifs du millénaire pour le
développement. Le constat fait jusqu'à nos jours reste et demeure
simple et clair, à savoir : les conditions de vie des pauvres dans les
bidonvilles en Haïti, notamment, ceux de `SHADA', perdurent
précaire. La pauvreté est l'un des défis le plus important
à relever en Haïti, vu sa dimension qui touche l'ensemble du pays.
Touchant aussi bien les grandes villes que les villes secondaires, l'exode
rural massif pose de graves problèmes en matière de services de
bases et de disponibilité de logements.
Le contraste dans cette question de pauvreté se situe
dans une réalité où il y a un petit groupe (les nantis)
jouissant de tous les privilèges de la société en
même temps, une grande majorité souffre de toutes sortes
d'injustices de la part des responsables, à tout niveau confondu. On ne
peut compter pas plus que 5 latrines « publiques » disponibles pour
environ 12500 habitants. Constatant ce fait combien embarrassant, certaines ONG
comme l'OXFAM GB, PROTOS ET GTIH oeuvrent dans la zone en vue d'apporter
certaines solutions. C'est dans ce sens qu'elles interviennent ensemble dans un
projet intitulé EauCap, afin de doter la zone certaines latrines
écologiques.
Avec les latrines publiques construites en plein air sur la
mer, le Shada est en mal de santé publique. Le quartier est construit
sous une forme de labyrinthe, à proximité de la mer.
On constate qu'en ces derniers temps, l'extension de la
bidonvilisation prend des proportions alarmantes et a des incidences majeures
sur le mode de vie des habitants de SHADA.
La pauvreté et la bidonvilisation développent
des rapports de dépendance mutuelle et cohabitent pendant plus d'une
décennie. Tous les indicateurs socio-économiques sont au point
rouge, commençant par le taux élevé du chômage
jusqu'à celui d'analphabétisation en passant par l'absence de
soins d'hygiène et la montée grandissante du banditisme. Dans ce
bidonville, située à proximité de la ville du
Cap-Haïtien, c'est la désolation totale! Plus de 12500 habitants
vivent dans la promiscuité, la violence, la misère, la mise
à l'écart de tout soutien social, dans l'impossibilité
d'être seul avec soi-même. Ils sont confrontés à une
réalité les empêchant même d'élever leurs
enfants dans un environnement dépourvu des services de bases, comme
l'aurait fait remarquer André Corten.
Ironiquement les grands pays, dits amis d'Haïti,
continuent d'aider et à faire des promesses d'aide dans le but de
résoudre le problème de la pauvreté. Chose étrange,
la pauvreté perdure encore en Haïti alors qu'on prétend que
nous sommes en plein coeur d'une révolution économique
internationale. On se demande pourquoi les programmes d'aide ou de lutte contre
la pauvreté s'échouent-ils? Devant cette constatation combien
désastreuse et douloureuse, nous ne pouvons que paraphraser le Prix
Nobel Albert CAMUS dans son dernier livre LE PREMIER HOMME, où il eut
à écrire « La pauvreté est entrain de devenir une
forteresse sans porte de sortie ». La pauvreté reste un
phénomène complexe qui au cours des dernières
décennies a fait l'objet de nombreux débats théoriques,
très souvent complémentaires les uns des autres.
L'intérêt commun aux différentes approches reste
l'identification rigoureuse des causes de la pauvreté, indispensable
pour faciliter la mise en oeuvre des politiques d'éradication de ce
phénomène.
Notre objectif est de déterminer et analyser les causes
de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, en particulier,
celles de Shada afin d'établir les impacts socio- économiques.
Pour ce faire, nous avons tenté de répondre
à certaines interrogations articulées autour d'une question
principale, pour la rédaction de ce document :
Les politiques économiques suivies dans le pays depuis
les décennies 70 ne sont-elles pas responsables de l'aggravation de la
pauvreté dans le pays et notamment à Shada ?
· Quelles sont les causes de la pauvreté en
Haïti ?
· Quels sont les facteurs socio-économiques de la
Pauvreté et Bidonvilisation à SHADA ?
Les analyses vont être produites autour des
hypothèses suivantes:
1- Le phénomène de la pauvreté et
bidonvilisation s'intensifie au fur et à mesure que l'Etat Haïtien
continue à appliquer des politiques socio-économiques qui ne
cadrent pas avec la réalité des conditions de vie des couches
défavorisées ;
2- La pauvreté des habitants de Shada est le
résultat de la faiblesse de la production nationale liée aux
politiques économiques appliquées ou mises en oeuvre par les
différents gouvernements depuis plus de deux décennies.
Et, nous axons notre plan de travail en trois parties.
+ La première partie se porte sur le profil
théorique de la pauvreté. Elle contient un chapitre traitant le
cadre théorique et conceptuel, ayant trois sections :
· Des concepts ;
· Multi dimensionnalité de la pauvreté ;
· Les différentes approches sur la
pauvreté.
+ La deuxième partie traite la question de la
pauvreté en Haïti et à Shada. Elle se compose des chapitres
deux et trois.
o Le deuxième chapitre est intitulé : Causes de la
pauvreté, avec trois sections
· Mode de production et faiblesse de l'économie
haïtienne ;
· Les politiques économiques en vigueur
· Causes sociopolitiques.
o Le troisième chapitre est titré : Monographie de
Shada. Il contient six sections
· Historique et Description géographique de Shada
;
· Sommaire de la situation d'observation
socio-économique de Shada ;
· Présentation de l'enquête ;
· Typologie de la pauvreté à Shada ;
· Analyse économique des résultats de
l'enquête ;
· Analyse sociale des résultats de l'enquête
en termes d'incidences de la pauvreté et de couverture sociale.
+ La troisième partie a pour titre: Les mesures de lutte
contre la pauvreté et alternatives. Elle se constitue des chapitres
quatre et cinq.
o Le chapitre quatre est titré : Les mesures
traditionnelles. Il a quatre sections.
· Les programmes d'ajustement structurels ;
· Assistancialisme financier, technique et
institutionnel;
· La sécurité alimentaire ;
· Le secteur public et la lutte contre la
pauvreté
o Le chapitre cinq traite les mesures alternatives et contient
trois sections ;
· L'apport des ONG et le développementisme
;
· Des politiques de démarginalisation et de
participation ;
· La réforme agraire et la
décentralisation.
Enfin, nous présenterons nos recommandations au niveau de
la conclusion.
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