Pratiques locales de développement urbain durable dans l'aglomération Dakaroise: cas de la commune d'arrondissement de NGOR( Télécharger le fichier original )par Mamadou DIOUF Ecole Nationale d'Economie Appliquée (ENEA) - DESS Aménagement du territoire, décentralisation et développement territorial 2007 |
RESUME DU MEMOIRE L'accent est souvent mis, aujourd'hui, sur le respect des générations futures, préoccupation devant conduire à ménager les ressources non renouvelables de l'environnement planétaire d'où l'adjectif durable, qui s'ajoute un peu partout (non seulement au développement mais aussi au transport, à la construction, à la ville ...). La notion de développement durable énonce en ce sens un idéal et exprime une volonté : trouver des conciliations entre un objectif de développement raisonné, un objectif environnemental de biodiversité et un objectif de justice et d'équité sociale. Appliquée à la ville, l'approche durabiliste établit les fondements éthiques, les concepts opératoires et les politiques publiques permettant d'articuler le développement socio-économique et l'aménagement spatial des agglomérations avec une gestion prudente de l'environnement de façon à garantir la viabilité à long terme des systèmes urbains. La fabrication du discours et de la pratique du développement urbain durable s'est cependant énormément complexifiée au sens où les jeux d'acteurs (l'interactivité des acteurs), l'impact des pratiques respectives sur les processus de changements sociaux en milieu urbain et sur la gouvernance/participation locale...sont devenus plus ambigus. L'action collective urbaine autour du développement durable souffre en effet, entre autres maux, de la multiplication des échelons de décision et de programmation ainsi que de la diversification des acteurs en présence. Tant au niveau local que global l'appropriation du développement urbain durable par les «community policies» revêt toutes les formes d'une appropriation compétitive. S'inscrivant dans le cadre d'un programme international de recherche portant sur « La petite fabrique locale du développement urbain durable. De la construction programmatique à la mise en oeuvre de projets labellisés, une comparaison Nord-Sud des enjeux de la mobilisation dans quatre métropoles : Berlin, Dakar, Marrakech, Toulouse», le présent mémoire a pour ambition d'apporter une modeste contribution dans l'analyse et la compréhension des enjeux et logiques qui président dans les jeux d'acteurs autour des pratiques locales de développement urbain durable dans l'agglomération Dakaroise. Pour cela nous avons choisi de travailler sur le cas de la commune d'arrondissement de NGOR et plus spécialement sur les jeux d'acteurs observables autour des pratiques d'usages, d'aménagement, de gestion, d'exploitation, d'entretien et/ou de préservation de la plage de NGOR village et de sa baie. D'où l'intitulé du mémoire : Les Pratiques Locales de Développement Urbain Durable dans l'agglomération Dakaroise : Cas de la commune d'arrondissement de NGOR. Le mémoire est structuré autour de quatre (4) parties. Intitulée Cadre théorique et méthodologique de la recherche, la première partie comprend cinq chapitres (I à V) à travers lesquels nous exposons le cadre théorique (problématique, objectifs et hypothèses de recherche, cadres conceptuels et opératoires de l'étude) et la démarche méthodologique de l'étude. La seconde partie se veut un profil environnemental ou de développement durable de la commune d'arrondissement de NGOR. Il faut comprendre que pour une étude qui s'intéresse aux pratiques locales de développement urbain durable il nous a semblé pertinent de faire, avant toute chose, un état des lieux du développement urbain durable dans la commune d'arrondissement. Le diagnostic territorial auquel nous avons procédé s'est ainsi longuement attardé sur les trois cadres fondamentaux du développement durable que sont: le cadre humain, le cadre de développement et le cadre de l'environnement. Nous nous sommes aussi beaucoup attardé sur les menaces environnementales et formes de pollution qui touchent la commune d'arrondissement et plus spécialement la plage de NGOR village et sa baie. Dans la troisième partie nous présentons, analysons et essayons d'interpréter les différents résultats qui sont ressortis de nos enquêtes sur le terrain. Le plan de rédaction de cette partie tient compte de principales attentes des cahiers de charges de l'étude (conférer Contrat de Service Spécial figurant en annexes). Voilà pourquoi cette partie du mémoire est articulée en trois chapitres (VI à IX) à savoir l'Analyse de l'un des principaux dispositifs de planification en vigueur dans la commune d'arrondissement de NGOR (le PLD) ; la Systèmogenése du développement durable dans la commune d'arrondissement de NGOR et l'analyses des jeux d'acteurs observables autour des pratiques d'usages, de la gestion, de l'exploitation, de l'entretien et/ou de la préservation de la plage de NGOR village et de sa baie. La quatrième partie est consacrée aux principales conclusions et recommandations de l'étude. INTRODUCTIONL'histoire du concept de développement durable est longue ; elle tire son origine dans les préoccupations des penseurs du XVIIIe siècle qui, à l'instar de Malthus, posaient la question des relations entre population et ressources disponibles. Ces réflexions se retrouveront dans la pensée environnementaliste et écologiste du XXe siècle naissant. C'est au système des Nations Unies cependant que l'on doit, si l'on en croit les repères historiques, le modelage officiel (reconnaissance internationale) de la figure du développement durable. Sans être exhaustif nous retiendrons par exemple que, 1. c'est l'organisation internationale qui organisa en 1972 la première conférence internationale sur l'Environnement Humain. Bien qu'il n'était pas question de développement dans l'intitulé de cette conférence qui s'est tenue à Stockholm, il reste que la déclaration finale en faisait beaucoup mention « à cette conférence certes on ne parle pas encore de développement durable mais on évoque le slogan une seule terre et on mentionne déjà les générations futures »1(*). 2. C'est aussi, à l'ONU que l'on doit la publication en 1987 du célèbre rapport Brundtland2(*) par la commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED). Pour rappel, c'est en 1984 que l'assemblée générale des nations unies avait donné mandat à la CMED afin de proposer des lignes directrices pour « un projet de développement mondial capable de protéger l'environnement mais aussi de remplir les autres missions incluses dans l'objectif de développement »3(*). Le document final de la CMED intitulé Notre avenir à tous faisait alors apparaître le respect de l'environnement à la fois comme une condition de la poursuite du développement économique et comme une question de justice sociale. 3. C'est, enfin, l'ONU aussi qui convoqua en Juin 1992 à Rio de Janeiro la très célèbre conférence mondiale sur l'environnement et le développement durable (Sommet de la Terre). Tenue 20 ans après la conférence de Stockholm, cette conférence que beaucoup considère comme le moment fondateur de la figure internationale du développement durable a l'avantage de connaître un grand succès par la présence de nombreux chefs d'Etats et de gouvernements (108 sur les 178 membres de l'ONU) ainsi que par une forte mobilisation soutenue par un intérêt très actif de la société civile internationale. D'une façon générale le développement durable est défini comme une intégration plus poussée entre les préoccupations économiques, écologiques et sociales « le développement durable est une amélioration des conditions de vie des communautés humaines qui respecte les limites de la capacité de charge des écosystèmes »4(*). Pour Aurélien Boutaud, l'histoire du concept peut se relire à travers le prisme des théories de la négociation, « le développement durable nous apparaît alors comme la tentative de formulation, au plus haut niveau international, d'une valeur nouvelle dont l'objet serait la réconciliation entre des exigences de protection de l'environnement et de développement socio-économique (équivalant à ce que les théoriciens de la négociation appellent une approche gagnant gagnant, ou un jeu à somme positive, entre environnement et développement) »5(*). En s'affirmant comme thème et problème qui appellent une mobilisation scientifique, mais aussi des décisions politiques et des interventions techniques, le développement durable s'érige en catégorie de pensée et d'action. La notion de « développement durable » énonce un idéal et exprime une volonté : trouver des conciliations entre un objectif de développement raisonné, un objectif environnemental de biodiversité et un objectif de justice et d'équité sociale. Ces objectifs peuvent s'avérer pour une large part conflictuels. De ce fait, apparemment unitaire, elle demeure tout de même polysémique et la question de la cohérence des actions se pose avec insistance puisque les objectifs poursuivis (logiques économiques, préoccupations sociales et impératifs écologiques) ne sont pas forcément compatibles (exclusion et pauvreté, pollution atmosphérique, traitement des déchets, congestion, dégradation environnementale,...). Appliquée à la ville, l'approche durabiliste établit les fondements éthiques, les concepts opératoires et les politiques publiques permettant d'articuler le développement socio-économique et l'aménagement spatial des agglomérations avec une gestion prudente de l'environnement de façon à garantir la viabilité à long terme des systèmes urbains. Le développement urbain durable donne de ce fait une dimension nouvelle aux interrogations relatives par exemple à l'ampleur de l'étalement urbain. Combinant les points de vue de la nouvelle écologie urbaine et de l'économie institutionnelle des ressources, l'approche durabiliste du développement urbain invite à relire les processus urbains sous l'angle plus particulier des métabolismes qui les caractérisent : consommation, transformation, stockage des ressources naturelles (air, eau, sol, paysage) et culturelles (patrimoine bâti). À travers les thèmes de ville compacte, de mixité, d'organisations conjointes de l'espace et des mobilités, les tenants du développement urbain durable cherchent à alimenter le débat sur les formes urbaines les plus favorables à un développement urbain viable, vivable et équitable. Le développement urbain durable apporte en ce sens quelques éléments nouveaux de réflexion (changement climatique, risques émergents, inégalités écologiques, ...) mais il introduit surtout, pour les villes qui se prêtent à cette démarche, un questionnement d'ensemble. Le développement urbain durable n'est pas un projet qui se greffe sur une politique. Il se définit au contraire en fonction des situations existantes, des besoins, de la volonté des acteurs locaux et des priorités qu'ils énoncent, ce qui demande de reconsidérer un ensemble de questions urbaines. Les références à la notion de développement durable ou à des notions proches (éco développement, développement urbain durable, etc.) et leurs impacts sur les processus de changements sociaux ont varié dans le temps et selon les périodes. Durant les années de guerre froide, par exemple, ces thématiques étaient portées par le mouvement associatif planétaire. C'est dire que des années 70 à la tenue de la conférence de Rio, la référence au développement durable se rattachait surtout à des processus et à des acteurs issus de la société civile ou du mouvement associatif planétaire « (...) il apparaît que les concepts de développement durable et de ville durable ont effectivement été construits dans une logique coopérative »6(*). Là où le rôle des nations unies a été déterminant dans la reconnaissance et la prise en charge officielle (labellisation) des enjeux de développement durable, c'est qu'à travers la tenue de rencontres au sommet comme celle de Rio, l'institution internationale est parvenue au courant des années 90 à faire inscrire dans les agenda nationaux et internationaux les questions de développement durable. L'Action 217(*) mondial issu de la conférence de Rio donne lieu, par exemple, à différents programmes nationaux concernant le développement des villes. Devant être mis en oeuvre « jusqu'au XXI° siècle par les gouvernements, les institutions du développement, les organismes des Nations Unies et les groupes de secteurs indépendants, dans tous les domaines où l'activité humaine (économique) affecte l'environnement »8(*). Le programme Action 21 mondial définit dans ses 4 sections les objectifs, les types d'actions et les moyens à mettre en oeuvre par les acteurs du développement à tous les niveaux et, notamment, les initiatives à prendre par les collectivités locales à l'appui d'Action 21. Pour un auteur comme Edwin Zaccaï (2002), tout cela révèle la profonde volonté des signataires de multiplier au maximum les chances d'implication de tous. Depuis Rio cependant, l'expérience nous enseigne que malgré toute « la bonne volonté du monde » la fabrication du discours et de la pratique du développement durable s'est complexifiée dans le sens où les jeux d'acteurs (l'interactivité des acteurs), l'impact des pratiques respectives sur les processus de changement social en milieu urbain et sur la gouvernance/participation locale...sont devenus plus ambigus. On s'accorde même à penser que l'action collective urbaine autour du développement urbain durable souffre de la multiplication des échelons de décision et de programmation ainsi que de la diversification des acteurs en présence. Pour certains, force serait de constater, en ce sens, que tant au niveau local que global l'appropriation du développement urbain durable par les «community policies» revêt toutes les formes d'une appropriation compétitive «Etats, entreprises, ONG, collectivités locales, économistes ou écologistes se réclament aujourd'hui du développement urbain durable sans pour autant en donner une définition et un contenu identiques. Les débats sur la soutenabilité faible (approche néoclassique) ou forte (approche éco systémique) illustrent bien cette lutte d'appropriation »9(*). Etant convaincu que l'oeuvre de construction du développement durable et plus spécialement du développement urbain durable repose sur la (ré) conciliation de logiques distinctes en vue de leur intégration plus poussée « car les propositions sur le développement urbain durable insistent à l'envi sur les compromis à trouver »10(*) ; nous pensons qu'il demeure plus qu'impérieux de bien comprendre les processus de conflits et éventuellement aussi de compromis au centre desquels se trouvent inscrites les pratiques locales de développement urbain durable. Voilà pourquoi nous avons choisi, dans le cadre du présent mémoire, de travailler sur la problématique des jeux d'acteurs observables autour des dispositifs, projets ou programmes de développement urbain durable notre objectif principal étant d'identifier, d'analyser de comprendre et de décrire à travers une étude de cas portant sur la commune d'arrondissement de NGOR les différents jeux d'acteurs qui se dessinent autour des pratiques locales de développement urbain durable. Partant du postulat que ces différentes pratiques se situent entre politiques publiques locales (injonction institutionnelles) et construction sociale (initiatives de la société civile) nous avons, après identification des enjeux de développement urbain durable les plus significatifs pour la commune d'arrondissement, fait le choix de nous intéresser aux jeux d'alliances et de conflits observables autour des pratiques d'usages, d'aménagement, de gestion, d'exploitation, d'entretien et/ou de préservation d'un espace naturel menacé comme la plage de NGOR village et sa baie. En d'autres termes, nous avons cherché à comprendre la façon dont se projettent dans les domaines de l'usage, de l'aménagement, de la gestion, de l'exploitation, de l'entretien et/ou de la préservation de la plage et de sa baie ; les rapports entre acteurs publics et non publics. Jusqu'à récemment, la plage et la baie de NGOR village étaient présentées comme de véritables dépotoirs « les villageois s'en servaient comme décharges, les égouts y atterrissaient et la marmaille Ngoroise s'en servait de latrines ; résultat : odeurs infectes, étrons flottants et mauvaises fréquentations, même les méduses n'osaient plus y aller »11(*) en plus, les abords de la plage étaient utilisés de façon anarchique « (...) aucun occupant n'a le souci du bien public : les occupants dépassent les limites de leurs maisons afin d'avoir les pieds dans l'eau et les vendeurs colonisent sans aucun souci esthétique ce qui reste des minuscules plages »12(*). Depuis 2000, cependant, « la situation semble s'être nettement améliorée »13(*) et l'hypothèse que nous avons dès lors formulé est que : la nature et la qualité des jeux d'acteurs qui se dessinent depuis quelques années autour des pratiques locales d'usages, d'aménagement, de gestion, d'exploitation, d'entretien et/ou de préservation de la plage et de sa baie y sont pour beaucoup dans ce niveau de performativité constaté depuis 2000. * 1 Edwin Zaccaï (Centre d'étude du développement durable, Université libre de Bruxelles -IGEAT-), « Qu'est-ce que le développement durable », Intervention lors du cycle de conférences Rio : le développement durable 10 ans après, Paris, cité des sciences, mai 2002, 20 p. * 2 Du nom de Mme le premier ministre Norvégien de l'époque qui présidait la commission mandatée par les Nations Unies * 3 Rappelons que la promotion du développement à l'échelle mondiale constitue l'une des grandes vocations onusiennes * 4 Union internationale pour la protection de la nature (WWF). * 5 Aurélien Boutaud, op. Cit. * 6 Edwin Zaccaï, Op. Cit. * 7 « Action 21 » en français, « Agenda 21 » en anglais * 8 Novethic.fr (le média en ligne du développement durable), Les Agenda 21 : Outils de développement maîtrisé au Maroc, www.novethic.fr * 9 Aurélien Boutaud, Elaboration de Critères et Indicateurs de Développement Durable (CIDD) pour les collectivités locales, Thèse de troisième cycle Ecole Nationale des Mines de Saint-Étienne/ Centre Sciences, Information et Technologie pour l'Environnement, 2005, 327 p. * 10 Programme interdisciplinaire Développement Urbain Durable, Appel à proposition 2003 * 11 Les plages de Dakar et sa banlieue, document Internet ( www.sénégalaisement.sn) * 12 Commune d'arrondissement de NGOR, Plan Local de Développement, 2005, 67 p., p.21 * 13 www.sénégalaisement.sn, Op. Cit. |
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