La gestion des ressources en eau dans le bassin conventionnel du Lac Tchad: état des lieux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Mbodou Mbami ABDOULAYE Université de Limoges - Master 2 en droit international de l'environnement 2006 |
INTRODUCTIONLe Lac Tchad ou « Tshad »1(*), jadis appelé la mer paléotchadienne, est l'un des plus grands lac d'Afrique. C'est un lac peu profond dont les eaux sont douces; ce qui est d'ailleurs rare pour un lac endoréique. Son bassin hydrographique ou géographique, d'une superficie de 2.381.636 Km2 est partagé entre l'Algérie, la Libye, le Cameroun, le Nigeria, le Niger, la République Centrafricaine (RCA), le Soudan, et le Tchad. Le bassin conventionnel dit bassin actif est la zone de juridiction de la commission du bassin du Lac Tchad. Il occupe le 1/6 du bassin géographique et constitue une ressource d'eau partagée par le Cameroun, le Nigeria, le Niger, le Tchad, la République Centrafricaine et le Soudan. Avec l'adhésion respective de ces deux derniers pays en 1994 et en 2000, le bassin conventionnel couvre aujourd'hui plus de 966.955 Km2 pour une population estimée à environ 30.000.000 d'habitants. L'approvisionnement en eau dépend principalement de l'hydrosystème Chari/Logone qui fournit environ 95%, de l'El-beid (3%) et du fleuve Komadougou-yobé (1%). Le lac Tchad, berceau de merveilles et de curiosités, a été traversé par plusieurs explorateurs pour tenter de le découvrir vers le 19e siècle. C'est ainsi que l'explorateur Anglais Denham découvrit pour la première fois le lac Tchad le 04 février 1823 et donna les impressions suivantes : « Nous découvrîmes plus loin, à moins d'un mille du lieu où nous étions, le grand lac réfléchissant les rayons du soleil. La vue de cet objet si intéressant pour nous, produisit en moi une satisfaction et une émotion dont aucune expression ne serait assez énergique pour rendre la force et la vivacité »2(*). L'oeuvre de la découverte du lac entamée par Denham fut parachevée par le Dr Gustav Nachtigal, Vogel et des conquérants français, à savoir le lieutenant colonel Monteil, Emile Gentil, etc. Les différents explorateurs et conquérants qui ont eu à parcourir cette vaste étendue d'eau ont tous démontré l'importance économique, écologique et culturelle jouée par ce Lac.
Juste après les indépendances des années 1960 et surtout avec la prise de conscience des problèmes relatifs à la dégradation de l'environnement en général et à la gestion des eaux des bassins fluviaux en particulier, les Etats riverains du lac Tchad ont engagé une série de concertation et de réflexion pour la mise sur pied d'une institution en charge de la gestion durable des eaux du lac Tchad. Eu égard à l'importance indéniable que joue le lac Tchad dans le domaine écologique, économique et social, les Etats riverains ont décidé de la création de la commission du Bassin du lac Tchad (CBLT). Cette convention, signée à Fort-Lamy (N'Djaména) le 22 Mai 1964 par Le Cameroun, le Nigeria, le Niger et le Tchad, se fixe comme objectif « l'exploitation par tous les Etats membres de la zone conventionnelle dans le respect des droits souverains de chacun d'entre eux, en particulier l'utilisation des eaux superficielles et souterraines du bassin ainsi délimité pour des raisons de commodité et d'efficacité, pour les besoins de développement domestique, industriel, agricole et la collecte des produits de la faune et de la flore ». A l'instar des autres régions et des bassins versants, « les grands problèmes actuels de l'environnement, à savoir eau, climat, biodiversité, déséquilibre économique »3(*) se posent également au niveau du lac Tchad. C'est pourquoi, la CBLT a dû adopter d'autres accords pour compléter la convention de Fort -Lamy afin de prendre en compte certains problèmes spécifiques et nouveaux qui affectent la région du lac Tchad. Il s'agit notamment de l'accord de Moundou (Tchad) signé le 21 août 1970 entre le Cameroun et le Tchad relatif au prélèvement d'eau dans le Logone aux fins agricoles et de l'accord d'Enugu, au Nigeria, portant réglementation commune sur la faune et la flore du 03 décembre 1977. Malgré cette prise de conscience et l'intérêt que les Etats riverains avaient accordé à la gestion commune et concertée du lac- car la CBLT est l'une des plus anciennes organisations africaines- la dégradation accélérée de l'écosystème du bassin conventionnel continue et demeure inquiétante. Comme l'affirme le Pr. Maurice Kamto, « l'eau est, avec l'air, l'un des éléments abiotiques de la biosphère sans lesquels toute vie est impossible »4(*). Cette nécessité impérieuse de l'eau fait d'elle aujourd'hui l'un des biens les plus précieux et les plus disputés de la planète. Selon le rapport du fonds mondial de la nature (WWF) de 2006, « plus d'un milliard d'êtres humains n'ont pas accès à l'eau douce »5(*). Pire encore, les zones humides, les cours d'eau et les lacs qui sont nos réserves d'eau douce, source de vie, sont en train de disparaître. Cette triste réalité qui se pose au niveau mondial se pose également au niveau du lac Tchad, car la pluviométrie irrégulière, la pression démographique et économique, l'exploitation abusive et irrationnelle des ressources en eau en particulier et des ressources naturelles en général sont sources de graves d'atteintes à l'écosystème de cette région. Le lac Tchad qui comptait en 1964 plus de 25.000 Km2 se retrouve aujourd'hui avec moins de 2.000 Km2. Selon les scientifiques les plus avertis de la planète, si rien n'est fait, le Lac Tchad pourra disparaître d'ici à vingt ans. Et si on arrivait à cela, on parlera de l'une des catastrophes la plus désastreuse du 21ème siècle. Il y a alors lieu de se poser la question sur l'éventuelle disparition de cette surface. Qu'adviendra-t-il si le lac Tchad arrivait à disparaître ? Quelles seront les conséquences? Existe-t-il des moyens pour sauver cet écosystème ? Existe-t- il des règles bien définies par la CBLT pour une gestion durable des eaux du lac Tchad ? Pour nous permettre de répondre à ces questions, il nous paraît nécessaire de dégager d'abord les éléments de base de la gestion des ressources en eau du bassin conventionnel du Lac Tchad (Partie I) avant d'analyser les différentes actions qui sont menées par la commission du bassin du Lac Tchad (Partie II). * 1 Dr Vogel, le lac Tchad ou tshad, 1854, p.459. * 2 Christian Bouquet, insulaires et riverains du lac Tchad, tome 1, l'Harmattan, Paris, 1991, P.38. * 3 Abdoulaye Mbodou Mbami, mémoire de magistrature, Lomé, 2005, p.26. * 4 Maurice Kamto, droit de l'environnement en Afrique, Edicef, 1996, p.326. * 5 Voir le rapport 2006 du wwf sur l'eau douce. |
|