CHAPITRE II : L'INFLATION
II.1. Définition
L'inflation peut être définie comme une hausse
du niveau général des prix. Elle ne doit pas être confondue
avec la hausse du prix d'un ou de quelques biens particuliers. Elle mesure une
hausse globale, cumulative et autoentretenue du prix moyen de tous les biens et
services. Les statistiques officielles publient généralement
comme taux d'inflation, le pourcentage de variation annuelle du niveau
général des prix, habituellement mesuré par
l'évolution d'un indice des prix à la consommation.
Les différents types
d'inflations
On distingue plusieurs types d'inflation, selon le rythme de la
hausse des prix et selon l'origine du déséquilibre ayant induit
cette hausse.
ü L'inflation est
déclarée, ou
ouverte, quand elle se traduit par une hausse
générale, rapide et cumulative des prix, accompagnée la
plupart du temps d'une augmentation de la quantité de monnaie en
circulation.
ü L'inflation est galopante
quand le taux de la hausse des prix comporte deux ou trois chiffres et quand
les agents économiques ne souhaitent plus détenir de la monnaie
nationale tant sa valeur diminue rapidement.
ü L'inflation est au contraire qualifiée de
rampante lorsque le taux de la hausse des prix est
faible mais continu.10
II.2. Les causes d'inflation
Les causes d'inflation sont multiples et se différentient
en fonction du niveau d'analyse retenu (global ou non).
II.2.1. Les causes partielles
Ce sont des causes relatives à des structures, à
des productions ou à des tensions particulières, les causes
«partielles» se généralisent par la suite.
10 Ce type d'inflation est commun à tous les
pays développés.
II.2. 1 . 1 Inflation et structures de
marché
De nos jours, l'analyse des causes ne se fait plus seulement
en termes d'offre et de demande globales, mais aussi en termes de structure de
l'offre et de la demande. En effet, l'inflation peut se déclencher,
même si la demande globale reste constante, du fait d'un changement dans
la composition de cette demande ; il suffit de variations internes et de
l'excès d'une demande particulière sur une offre
spécifique pour entraîner un mouvement de hausse des prix qui peut
se propager dans toute l'économie.
II.2. 1 .2 Inflation et pénuries
spécifiques
De même, ce n'est plus en termes de rigidité de
la production globale et de plein-emploi de tous les facteurs de production que
l'on raisonne, mais aussi en termes de goulots d'étranglement
localisés (rigidités dans un secteur particulier de production)
et de rigidités spécifiques de certains facteurs. Il suffit que
l'un des facteurs de production (travail, capital ou ressources naturelles)
soit indisponible dans certains secteurs pour qu'un blocage apparaisse et que
la hausse des prix se répande dans toute l'économie.
Naturellement, le déséquilibre sera plus important si
l'insuffisance de ressources apparaît dans un secteur clé
(matière première indispensable, pétrole par exemple)
plutôt que dans un secteur ne touchant que la consommation finale
(produits alimentaires, parfumerie...).
II.2. 1 .3 Inflation et tensions
localisées
Enfin, on ne considère plus seulement les écarts
entre offre et demande globales, mais aussi les tensions localisées
jouant tantôt sur l'offre, tantôt sur la demande. De telles
tensions peuvent se produire lors d'un accroissement brutal des dépenses
publiques ou d'une création excédentaire de crédit (qui
ont pour effet de modifier la structure de la demande, laquelle revêt
toujours une forme monétaire), ou bien encore à l'occasion d'une
rétention de stocks industriels ou lors de mauvaises récoltes qui
ont pour effet de modifier la structure de l'offre (laquelle revêt
toujours une forme réelle).
II.2.2. Les causes globales
Comme nous l'avons annoncé plus haut, l'inflation
consiste en un désajustement général de l'économie
d'un pays. Ce désajustement peut être induit par plusieurs
phénomènes.
II.2.2.1 Inflation : déséquilibre entre
l'offre et la demande
Le déséquilibre entre offre globale et demande
globales peut trouver son origine du côté de la demande (on parle
alors d'inflation par la demande) ou du
côté de l'offre (on parle d'inflation par les
coûts).
II.2.2.1.1. Inflation par la demande
Imaginons une situation d'équilibre nationale où
l'offre globale est égale à la demande globale et où les
prix sont stables. Intervient alors un « choc » qui entraîne
une augmentation sensible de la demande globale (ce peut être une
expansion de la demande étrangère, une politique de soutien de la
consommation ou de l'investissement, la création monétaire, le
marketing etc.). Au niveau des prix initial, qui équilibrait l'offre et
la demande, on constate désormais un excès de demande : le volume
des biens et services demandés dépasse le volume des biens et
services offerts. Concrètement, les entreprises voient leur carnet de
commande gonfler rapidement et ne peuvent satisfaire toutes ces commandes dans
les mêmes délais que par le passé. La pression
exercée par cette demande excédentaire va entraîner les
prix vers le haut.
II.2.2.1.2. Inflation par les coûts
Le déséquilibre entre l'offre et la demande peut
provenir d'un choc du côté de l'offre. La hausse des coûts
peut avoir différentes origines : hausse
généralisée des salaires, choc pétrolier,
augmentation des taxes grevant les produits, dépréciation de la
monnaie nationale qui renchérit le coût des importations, etc.
Imaginons par exemple une hausse
généralisée du prix des matières premières :
cela réduit la profitabilité de la production. Si les entreprises
veulent maintenir leur marge bénéficiaire par rapport aux
coûts, elles doivent augmenter les prix de vente dans les mêmes
proportions que le coût des matières premières, ou bien
trouver le moyen de réduire d'autres coûts de production (en
abaissant les salaires, par exemple).
Le problème majeur de l'inflation par les coûts
tient à son caractère auto- entretenu et cumulatif.11
En effet, si les producteurs répercutent les hausses de coûts sur
les prix, la hausse du niveau général des prix dégrade le
pouvoir d'achat des salariés. Si ces derniers anticipent les effets de
l'inflation en cours sur leur pouvoir
11 Notons que même si son origine est autre
(une demande excessive, par exemple), tout processus d'inflation est
susceptible de déclencher une inflation par les coûts dans la
mesure où, à un moment ou à un autre, les travailleurs
cherchent à rattraper toute perte de pouvoir d'achat. Les
phénomènes d'anticipation peuvent ainsi contribuer à
accentuer l'inflation par les coûts même après la
disparition de ses causes initiales.
d'achat, ils revendiquent des hausses de salaires pour
compenser l'inflation. Les hausses de salaires ainsi obtenues viennent
augmenter les coûts des producteurs, qui tentent alors de rétablir
leurs marges en relevant leurs prix; le pouvoir d'achat des salariés se
dégrade à nouveau, provoquant de nouvelles revendications, et
ainsi de suite... L'économie se trouve ainsi piégée dans
une course-poursuite des prix et des salaires qui accélère
indéfiniment l'inflation.
II.2.2.2 Inflation : phénomène
monétaire
Quelle que soit sa cause initiale, l'inflation est par nature
un phénomène monétaire. L'approche monétariste,
à travers la théorie quantitative de la monnaie (basée sur
l'équation d'Irving Fisher M ·
V=P·T, qui préconise que la masse
monétaire ne doit pas croître de manière plus importante
que la croissance réelle de l'économie), attire l'attention sur
le fait qu'en règle générale, l'inflation ne peut pas se
développer sans une certaine expansion de la quantité de monnaie;
il faut bien que les agents trouvent quelque part les moyens de paiement
nécessaires à l'achat de biens et services dont le prix moyen
augmente. Dès lors, quelles que soient les causes fondamentales de
l'inflation, la création monétaire en constitue une condition
permissive que le gouvernement peut contrôler par la politique
monétaire.
II.2.2.3 Inflation : phénomène
structurel
Du fait des structures d'économie ouvertes du monde
contemporain, l'inflation peut être importée par les flux
d'échanges internationaux. Une hausse du prix des importations aura un
effet inflationniste en particulier s'il s'agit de matières
premières, qui pèsent lourd dans les coûts de production.
Dans ce cas l'inflation importée sera de type inflation par les
coûts.
Le caractère monopolistique ou oligopolistique d'un
marché de biens et service (moins de concurrence et entente interne)
peut aussi être source d'inflation.
II.3. Littératures récentes sur les causes
de l'inflation
La littérature économique regroupe
généralement les principales sources d'inflation en quatre
catégories :
· Sargent et Wallace (1981) pense que les
déséquilibres budgétaires pourraient accroître
l'inflation du fait de leur prépondérance à la croissance
de la masse monétaire. Cette idée est confortée par
Liviatan et Piterman (1986) ou Montiel (1989), qui montrent que les
déficits budgétaires induisent des déséquilibres de
la
Balance des Paiements, et forcent ainsi une
dépréciation du taux de change. Les interactions entre la
politique budgétaire et l'inflation sont particulièrement mises
en évidences dans Razin et Sadka (1987) ou Bruno et Fisher (1990). Cette
catégorie indique la variation de la masse monétaire et le taux
de change réel comme sources de l'inflation.
· Chopra (1985) émet l'idée selon laquelle
l'inflation doit avoir une forte composante autorégressive provenant des
ajustements par rapport à l'inflation anticipée. Cette
catégorie indique comme source de l'inflation, ses propres
réalisations passées.
· Coe et McDermott (1997) dans une étude sur 13
économies asiatiques, met en évidence le fait que : tout comme
dans les pays industrialisés, l'inflation dans les pays en
développement indique une économie en surchauffe et qui est
influencée par une variable d'activité. l'output gap et une
mesure du niveau d'activité dans le monde sont les sources qui sont
suggérées par cette catégorie.
· Ball et Mankiw (1995) examine une autre source de
l'inflation, en se focalisant sur le niveau de l'Offre des Biens et Services et
le « choc des coûts » c'est-à- dire, le mouvement des
prix des produits particuliers tel que le pétrole, qui participent aux
changements persistants (ou structuraux) du niveau général des
prix. Pour capturer les chocs de coût, cette catégorie indique les
variations de l'indice des prix des produits pétroliers et des produits
non pétroliers comme source de l'inflation.
|