Section 2 : Les limites de la croissance
La croissance économique telle que définie par F.
PERROUX comporte beaucoup de limites qui sont soit d'ordre économique
soit d'ordre physique ou spatiale.
I / Les limites d'ordre économique
Il s'agit de la loi des rendements décroissants et des
multiples problèmes lié au PIB.
A/ Le PIB comme un indicateur non pertinent
1 / PIB et répartition du revenu
Les modèles de croissance suivis jusqu'ici n'ont pas
véritablement aidé à élaguer la pauvreté et
les inégalités. On constate, après presque cinq
siècles de politique de croissance forte, une mauvaise
répartition des richesses et une très grande
paupérisation. En effet, 80% des richesses sont utilisées par
seulement 20% de la population mondiale, c'est-à-dire que la croissance
augmente les richesses des plus riches et diminuent celles des plus pauvres.
Par exemple, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la
production de biens de consommation et de services a fortement augmenté.
Le PIB mondial a été multiplié par 7 en 50 ans pour
atteindre 36 500 milliards de $ en 2000. Mais sa répartition est
très déséquilibrée. L'Occident (E.U, Europe de
l'ouest), les Etats-Unis et le Japon ont, par exemple, longtemps
monopolisé la richesse mondiale. L'Afrique a été et reste
encore le continent de la pauvreté ; seulement 3,8 % du PIB mondial en
1950 et 3,2 % en 2000.
2 / Le capital naturel marginalisé
La Chine va bien et pourtant les chinois ne sont pas
très satisfaits. Ce dicton a tout son sens dans la mesure où il
ressort tout l'aspect social que la politique de la croissance
économique dédaigne très fréquemment.
La croissance économique est, en effet, un indicateur
quantitatif qui n'incorpore que les variables susceptibles d'être
valorisées monétairement. Or, la quasi-totalité des biens
environnementaux ne sont pas quantifiables. De surcroît, le capital
humain et le capital physique ont tous un coût mesuré
respectivement par le salaire et l'amortissement. Pour le salaire, d'une
façon très commode, c'est le marché du travail qui
détermine son niveau. Ce niveau traduit le coût de la main
d'oeuvre et résulte formellement de la confrontation entre
l'offre et la demande de travail pour aboutir à un prix
d'équilibre. S'agissant du capital physique, essentiellement, les outils
de production, c'est le marché des capitaux qui régule son prix
et c'est la valeur de l'amortissement pratiqué dans l'immobilisation, en
vue de renouveler son stock, qui explicite son coût. Par contre pour le
capital naturel il n'y a pas de marché qui puisse relater son prix et,
de ce fait, il est souvent marginalisé.
Pourtant, le capital naturel a également un coût
: c'est la perte de bien-être engendrée par l'activité
économique. En d'autres termes, les dégâts de
l'activité économique sur l'environnement. La mesure des pertes
économiques - coût des maladies liées à
l'environnement, les efforts supplémentaires effectués toutes
choses égales par ailleurs - liées à la dégradation
de l'environnement peut en quelque sorte représenter ce coût.
3 / PIB et Bien-être
Le P.I.B est un indicateur économique, mais il n'inclut
pas un certain nombre d'activités essentielles pour le maintien de la
solidarité entre les membres d'une société. On n'y trouve
pas des éléments sur l'état de santé de la
population, son niveau d'instruction, la qualité des rapports sociaux
entre les membres de la société, ou d'autres
éléments. Certes la quantité de bien est importante mais
pas autant que la qualité de vie. Cependant, les deux
ne sont pas très dépendants. Un PIB élevé n'est pas
toujours synonyme de Bien-être (voir tableau 1).
Tableau 2 : Classement des pays
selon leur PIB et selon l'IDH (Indice de Développement
Humain)
|
Norvège
|
Suède
|
Etats-Unis
|
Afrique du Sud
|
Chine
|
France
|
Rang pour l'IDH
|
1
|
2
|
6
|
107
|
9 6
|
12
|
PIB / hbt ($ PPA)
|
29918
|
24277
|
34142
|
9401
|
3976
|
24223
|
Source : P.N.U.D , Rapport sur le
développement humain, De Boeck, 2002
On voit dans ce tableau que les Etats-Unis qui ont le plus
grand PIB se classe en sixième position. Alors que le Norvège se
place en première place et pourtant son PIB est plus élevé
que celle de la Suède, de la Chine et de l'Afrique du Sud. Par
conséquent aucune tendance ne se dégage. Le
niveau des richesses matérielles produites et sa croissance ne sont donc
pas le seul indicateur pertinent de l'amélioration des conditions de vie
dans un pays (voir annexe 7). Il y a
d'autres facteurs qui doivent entrer en jeu mais qui ne sont pas pris en
compte.
Ainsi, le classement des pays selon le PIB n'est pas le
même par l'Indice de développement humain (IDH). Donc,
l'augmentation du PIB seulement n'est pas suffisante pour réaliser tous
les objectifs de la politique économique. Le PIB s'avère, lui
seul, impertinent pour appréhender le développement d'une
nation8.
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