VI.
Conclusion
Face aux questions majeures de santé publique, les
politiques mises en oeuvre par les institutions déconcentrées de
l'Etat rencontrent beaucoup de difficulté à promouvoir des
dynamiques efficaces et adaptées aux populations concernées et
aux réalités locales, tant en terme de prévention que de
prise en charge à une échelle infra-départementale. Cette
situation est rencontrée par les principaux acteurs institutionnels de
la région Midi-Pyrénées, pour qui l'aire urbaine
toulousaine est une configuration spatiale parfois difficile à
gérer.
La multiplicité des découpages
géographiques à échelle fine est une réalité
reconnue par les différents acteurs rencontrés lors de nos
recherches ; chaque institution, chaque acteur quelle que soit sa position
au sein du système de santé, possède sa propre logique
d'organisation spatiale indépendamment des autres ce qui nuit à
la lecture des pratiques de santé, qui construit elle aussi ses propres
territoires.
Les données servant à l'observation de la
santé sont dispersées, élaborées et détenues
par différentes structures publiques et privées. Il ne peut donc
y avoir d'observation pertinente et efficace sans dépassement des
logiques de pouvoir, par la confrontation et la synthèse des
données. Il semble pertinent de définir une méthodologie
d'observation commune à tous les acteurs ou de mettre en place une
coordination afin de faciliter la circulation et l'échange des
informations. La démarche d'observation, d'études, de recherches
et de conseil se doit donc de transcender quelque peu les institutions et leurs
rôles, les clivages institutionnels et financiers. Cette démarche
doit jouer un rôle moteur dans l'acquisition des connaissances et
l'apport d'information devant aider à mieux orienter l'action publique
et ainsi à prendre en compte les faits et les besoins de santé.
La finalité est donc de faciliter l'observation en définissant
des territoires homogènes d'observation par regroupement de communes
présentant le maximum de traits communs, et tenant compte des diverses
discontinuités géographiques.
Il n'existe donc pas, pour le moment, de zonage parfait pour
l'observation et l'intervention en santé publique, dans la perspective
d'être le plus en adéquation possible avec la
réalité socio-démographique et sanitaire de l'aire
urbaine toulousaine : un vieillissement et une précarisation de la
population de certains quartiers de la ville centre et en couronne
périurbaine, une demande toujours plus importante de soins d'une
population croissante en couronne périurbaine et un étalement
urbain progressif traduisant un éloignement du pôle urbain, et
donc des principaux lieux de soins, générant ainsi des facteurs
de risques associés à la mobilité, de nouvelles
inégalités socio-spatiales de santé et une demande d'offre
de soins de proximité, une réponse à la
vulnérabilité de certains espaces identifiables par le niveau
d'équipement et de services en général.
Cette conception du territoire humanisé dépasse
les logiques structurelles et les limites classiques administratives
puisqu'elle concerne des espaces où la notion de définition
territoriale (en tant que limites, frontières...) n'a pas de sens ;
toutefois, elle ne dit pas s'apparenter à un mythe territorial dont
l'utilisation pourrait se révéler rapidement non
contrôlée et abusive, très pratique pour toute
définition d'un territoire intercommunal en quête de
reconnaissance et de légitimité. Le risque serait le naufrage de
projets n'ayant pas un cadre territorial clairement établi en terme
d'aménagement de l'espace et de distribution spatiale des services. En
effet, il n'existe pas de vision politique claire et cohérente de
santé publique des espaces différenciés : lieux
de vie, de domicile, de travail, de soins.
Parallèlement à la (re)configuration des
territoires, la santé publique évolue en modifiant de
manière plus ou moins profonde les pratiques et les acteurs. Cette
évolution est directement associée à cette reconfiguration
spatiale au préalable à l'oeuvre, en lui offrant des nouvelles
opportunités d'expressions et d'applications. Or aujourd'hui, la
santé publique se développe également en dehors des cadres
institutionnels et légitimes : réseaux et associations en
sont de bons exemples. Si marginales qu'elles puissent paraître, ces
nouvelles pratiques sont révélatrices de changement et de
questionnement notamment sur le repositionnement social de la santé
publique, sur les principes de solidarité et de justice sociale. Or les
problèmes sociaux quelque soit le sujet concerné (santé,
société, économie, culture...) sont devenus peu à
peu interdépendants alors que progresse la division toujours plus fine
de l'espace.
|