2. Le masque grec.
Dans la Grèce ancienne, le théâtre
s'inscrit dans une pratique religieuse15 clairement définie
qui, comme pour les rituels égyptiens vus ci-dessus, reste un
élément moteur de la représentation. Nous ne parlerons pas
ici de la fonction de résolution de problèmes
d'expressivité que permet le masque mais plutôt, de la figuration
cultuelle des dieux.
Si « le masque sert à exprimer symboliquement des
aspects autres du surnaturel »16 , il sert donc aux spectateurs
de tremplin vers une vision de l'au-delà. Il ouvre clairement dans le
spectacle une autre dimension spatio-temporelle, dans ce cas précis, le
monde des Dieux.
Lorsque le masque est porté en scène, il nous
offre une vision autre que notre vision de simple mortel. Il nous donne de
cette façon accès à l'invisible, à l'inhabituel
voire au surnaturel. On peut alors, semble-t-il, dégager un « (...)
secteur du surnaturel défini par le masque(...) »17 . Ce
« secteur du surnaturel » est cet accès tangible, palpable,
aux mondes des Dieux.
De Gorgô à Dionysos (voir annexes 1 a, page I) en
passant par Artémis, nous avons une vue imagée des trois Dieux
qui, représentés par leur masque respectif, sont convoqués
sur la scène.
Ces trois dieux au masque offrent « dans les trois cas
des effets de tension entre termes contraires, terreur et grotesque, sauvagerie
et culture, réalité et illusion »18. Au travers
de ces trois Dieux, c'est l'illusion qui intervient ici. Illusion d'autant plus
étrange et troublante si l'on s'attache aux racines du mot «
théâtre » qui signifiait en grec : le lieu d'où l'on
voit, lieu d'où l'on contemple.
Le lieu où l'on voit, certes, mais aussi le lieu
où l'illusion se mêle au réel. Lieu où l'on a
accès à l'illusion, lieu de perte du réel retrouvé
symboliquement par le truchement de l'illusion ? Notre levier ici, sous la
forme du masque, nous donne accès à une vision de
l'au-delà. La présence des Dieux est essentielle à ce
passage bien sûr, mais notre condition de mortel change
considérablement de statut. Nous devenons
15 Cf. Françoise Frontisi-Ducroux et
Jean-Pierre Vernant, Divinités au masque dans la Grèce
ancienne in Le masque du rite au théâtre, CNRS
éditions 2000, p. 19.
16 Ibidem p. 19.
17 Ibidem p. 26.
18 Ibidem p. 26.
les spectateurs des agissements des Dieux, héros et
autres « êtres de condition supérieure ».
Comme les Dieux s'amusent de la vie des hommes, les hommes se
divertissent de la vie des Dieux. Extraordinaire bouleversement de statut qui
voit, par l'emploi du masque sous sa forme spectaculaire, l'incarnation, parmi
nous d'un monde divin et dont les travers, amour, haines, sont fort semblables
aux nôtres. Des Dieux plus humains en quelque sorte. Des Dieux plus
humains, derrière des masques.
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