Deuxième partie - Application de la communication
participative et pistes de réflexion pour améliorer le
concept
|
. L'application de la démarche participative au club JRD de
Niakhar
|
I.1. Présentation des clubs de Jeunes de Recherche
et de Développement de l'IRD
Depuis la création d'un premier club de Jeunes de
Recherche et de Développement (JRD) en 1999 à Nouméa, en
Nouvelle-Calédonie, l'IRD propose à des jeunes, de 15 à 25
ans, d'entreprendre une étude scientifique.
Les activités de ces Clubs s'articulent autour de
thématiques correspondant aux principaux domaines de recherche de
l'Institut : alimentation et nutrition, santé, évolution des
climats, gestion de la ressource en eau, gestion des sols, éducation et
développement durable...
Bien que très différentes dans leurs
thématiques et leur fonctionnement, ces initiatives ont en commun leur
volonté de faire découvrir à des jeunes ce qu'est le monde
scientifique, et leur donner le goût des sciences.
En plus de les sensibiliser à un thème de recherche
pour le développement mené par les scientifiques de l'IRD, les
jeunes deviennent acteurs de cette recherche.
Le fonctionnement de ces clubs se base sur un partenariat entre
chercheurs de l'IRD et jeunes. Les quatre étapes essentielles de la vie
d'un club peuvent être résumées ainsi :
· Choix d'un sujet d'investigation réaliste, en
concertation avec le ou les scientifiques volontaires
· Étude de la documentation existante sur le
sujet
· Suivi d'un programme d'activités pour une ou deux
années
· Restitution de la synthèse des travaux et
résultats
Les missions réalisées lors de ce stage
étaient d'établir un historique des clubs JRD du
Sénégal passés et présents, et de réaliser
un site Internet à ce sujet. Il s'agissait également de faire un
bilan des activités de ces clubs et de faire des propositions pour
améliorer leur fonctionnement, tant au niveau logistique que
pédagogique.
A cela s'ajoutait naturellement un travail d'animateur des trois
clubs de Niakhar.
Ces différentes missions nous ont permis de tenter
d'appliquer la démarche participative au sein des clubs, et ainsi
valider ou infirmer par la pratique les hypothèses
énoncées auparavant. En particulier, nous avons adopté une
démarche participative au sein du club «utilité de
l'état civil» de Niakhar.
I.2. Le club JRD «utilité de l'état
civil» de Niakhar
L'IRD effectue depuis plus de 40 ans des études
démographiques et épidémiologiques sur une zone regroupant
22 villages et environ 30 000 habitants près de Niakhar, un village non
loin de Fatick dans la région du Saloum
29.
Cette présence de l'IRD depuis si longtemps auprès
de la population de la zone a permis la création d'un club JRD en
partenariat avec le jeune lycée de Niakhar.
Les élèves du club ont donc été
consultés pour choisir les thèmes de travail des futurs clubs
(parmi 5 ou 6 propositions), dont un émanait des professeurs et
élèves.
Ils ont à ce moment émis le désir de
travailler sur le thème de la nutrition, au plus près de leurs
préoccupations. Malheureusement, les ressources humaines à l'IRD
n'ont pas permis de retenir ce thème.
Au final, les choix retenus étaient : l'utilité de
l'état civil et l'accès aux soins en milieu rural. Par la suite,
un troisième club a vu le jour, sur le thème de l'adolescent face
au SIDA.
Ces trois clubs ont pu démarrer leurs activités
début 2005, ce qui fait d'eux de très jeunes clubs, mais
néanmoins très actifs.
a. Objectifs du club
L'état civil au Sénégal,
particulièrement en zone rurale, en est encore à son balbutiement
et se heurte à de nombreuses difficultés, en particulier pour ce
qui concerne l'inscription des naissances sur les registres d'état
civil.
Pour des raisons diverses (culturelles, manque d'information,
manque d'infrastructures, enregistrement payant ...), seule une minorité
des naissances est déclarée (17%) 30.
Cet acte est pourtant fondamental puisqu'il ouvre droit à la
scolarisation, au mariage, donne une identité, le droit de vote,
etc
C'est sur cet aspect que se sont concentrées les
activités du club état civil.
Les objectifs annoncés étaient de
réaliser une enquête auprès de la population afin de faire
l'état des connaissances sur l'état civil, ainsi que sur les
obstacles à la déclaration des naissances, ceci après
avoir rencontré les autorités et personnes intervenant dans ce
domaine. Il s'agissait aussi de diffuser l'information sur l'importance de
l'inscription des enfants sur les registres d'état civil et sur la
manière de procéder. Ce dernier objectif émanait
directement de la volonté des membres du club.
On voit bien ici tout l'intérêt de la
communication participative. Alors que le projet initial était
plutôt axé sur un recensement des connaissances sur l'état
civil, l'échange avec la communauté concernée a permis de
compléter cet outil avec un objectif complémentaire
répondant directement à ses préoccupations.
b. Vie du club
Comme les autres clubs, le fonctionnement repose sur la
présence, d'une part, d'un scientifique de l'IRD qui apporte ses
connaissances sur le domaine et la démarche scientifique et, d'autre
part, d'un professeur du lycée responsable de l'animation et la
coordination.
Ce qui diffère des autres clubs, c'est l'implication du
chercheur. En effet, depuis le début de l'année 2005 et
jusqu'à la fin de l'année scolaire, celui-ci est intervenu
à une dizaine de reprises, ce qui est exceptionnel en terme de
fréquence.
A chaque séance, le mercredi après-midi, les
élèves assistaient aux explications du chercheur sur ce qu'est
l'état civil, comment mener une enquête, comment élaborer
un questionnaire et traiter les résultats.
Les élèves ont également eu l'occasion de
suivre une initiation à l'informatique et de rencontrer divers acteurs
impliqués dans leur domaine d'étude (sous-préfet, chef de
village, chef religieux).
Mais les activités du club ne se sont pas
arrêtées là pour cette année scolaire 2004-2005.
Les élèves du club JRD état-civil ont
écrit et interprété des sketchs de sensibilisation sur
l'état civil.
C'est à cette occasion que nous sommes intervenus, en
prenant le relais au niveau de l'animation du club.
I.3. Participation au sein du club
Les élèves avaient précédemment fait
par de leur volonté de transmettre les savoirs acquis lors des
séances avec le chercheur de l'IRD et de leur recherche
d'information.
L'initiative partant des élèves, les conditions
étaient réunies pour mettre en place une communication
participative.
On peut considérer que cette démarche
était déjà amorcée avant notre arrivée.
D'abord, le contact avec le lycée, que l'on pourra considérer
comme une communauté, était déjà établi
depuis deux ans. Ensuite, le groupe d'élèves était
déjà formé (membres du club, tous volontaires) et
certaines activités débutées.
Par contre, le choix du thème du club n'était que
relatif, puisque choisi parmi 5 ou 6 thèmes possibles, mais fonction des
moyens disponibles.
Mais nous tenons à préciser que si la
démarche globale du club n'est pas participative au sens où nous
la définissons, nous avons tenté dans cette partie du travail,
d'appliquer les principes théoriques énoncés
auparavant.
La première phase de la mise en oeuvre de la
démarche était déjà réalisée, ainsi
que le problème soulevé, à savoir comment sensibiliser la
population sur la nécessiter de s'inscrire sur les registres
d'état civil.
Arrivant en cours de projet, nous avons tenté de nous
imprégner du contexte le plus rapidement et complètement
possible, par une étude documentaire dans un premier temps, grâce
aux nombreuses recherches menées par l'IRD sur cette zone notamment,
mais aussi sur la culture Serrer (ethnie locale), son histoire.
Nous avons ensuite complété cette étude sur
le terrain, avant de rencontrer les élèves.
Nous avons d'abord rencontré le proviseur, puis les
professeurs coordinateurs des clubs, avant de faire connaissance avec les
élèves, présentés de manière officielle par
le proviseur et le chercheur de l'IRD, comme il est de coutume.
Suite à ce premier contact, nous avons pu fixer un premier
entretien, afin de faire plus ample connaissance, sans la présence
d'autre autorité du lycée ou de l'IRD.
Dans le même temps, nous avons pu passer beaucoup de
temps avec les professeurs, en dehors de tout réunion formelle, pour
apprendre à connaître les lieux et les personnes du village.
a. Choix de l'outil de communication
Au cours des séances suivantes, qui avaient lieu en
dehors du lycée pour éviter le côté formel et parce
que les élèves le souhaitaient (locaux du lycée
inconfortables, envie de sortir du cadre scolaire...), nous avons pris le
rôle d'animateur «facilitateur».
En fait, le but était, conformément à la
philosophie de la communication participative, d'aider les élèves
à choisir l'outil de communication qu'ils souhaitaient utiliser.
Pour faciliter le déroulement des activités, nous
avons utilisé comme outil de communication participative les discussions
de groupe et les débats.
Cet outil très efficace pour des petits groupes permet les
échanges entre les membres, afin de confronter les différentes
opinions en vue, dans l'idéal, d'obtenir un consensus
général.
Les discussions se déroulaient d'après un
«guide de discussion» préparé à l'avance, mais
dont les questions restaient évidemment ouvertes. Concrètement,
cela revenait à aider les
membres du club à se poser des questions sur leurs
objectifs, les moyens à disposition et l'efficacité potentielle
des outils dont ils pouvaient disposer.
Au cours de ces réunions, les élèves ont
d'abord recensé des problèmes que pouvaient soulever l'absence
d'état civil, comme l'accès à la scolarité, le
droit à la nationalité, les droits de l'enfant, l'accès
aux soins, l'héritage, le droit de vote ou encore le droit de
voyager.
Puis les moyens de résoudre ces problèmes.
Au Sénégal, l'inscription à l'état
civil se fait normalement à la naissance, par l'intermédiaire du
registre des naissances. Cette déclaration peut se faire auprès
de différentes autorités. En pratique, pour la région de
Niakhar, elle se fait principalement auprès du chef de village.
Et il est possible de déclarer tardivement une naissance,
grâce à d'autres dispositifs réglementaires (jugement
supplétif et audiences foraines) 31.
Conscients que ces démarches administratives ne sont
pas une panacée, que la population est très peu informée
sur les enjeux de l'inscription des naissances à l'état civils et
les modalités pour y parvenir, les jeunes ont d'abord choisi un outil de
communication, le mieux adapté possible au contexte.
Au cours de leur scolarité, les élèves
ont pu assister à quelques séances de sensibilisation, notamment
sur le thème du VIH/SIDA. La forme qui leur semblait la plus efficace
était le théâtre, avec en plus des conférenciers
venus expliquer les dangers que représente la maladie et les attitudes
à adopter.
Ils étaient donc familiarisés avec ce média
et se sont directement tournés vers lui. Postérieurement,
après discussion avec les différents partenaires, la
nécessité d'inclure une dimension interactive est apparue.
Les élèves ont alors décidé de faire
du «porte à porte», plus efficace selon eux, car permettant un
contact direct avec les personnes, ouvrant ainsi une possibilité de
débattre. Seulement, les contraintes d'une telle démarche ont mis
en attente ce projet, le nombre de personnes touchées leur ayant alors
paru trop restreint.
Le choix s'est donc redirigé vers du
théâtre, qui s'insérerait dans le cadre d'une
journée de sensibilisation. En effet, le motif pour lequel les
élèves ne voulaient pas faire uniquement du
31 Cf. annexe VII : L'état civil au
Sénégal
théâtre tenait à ce qu'ils estimaient que ce
média n'attire que les enfants, si du moins il n'est pas inclus dans un
cadre plus «sérieux».
Mais inséré dans le cadre d'une journée
de prévention, les avantages de ce média leur ont paru nombreux :
facilité à mettre en place les conditions pour pouvoir
réaliser les pièces ; possibilité de se déplacer
dans les villages de la zone ; format reproductible et adapté au public
- support oral (traditionnel), pour une population en majeure partie
analphabète, en langue locale.
Bien que le média choisi ne permette pas vraiment une
communication participative par la suite avec la population, nous ne sommes que
peu intervenu. Rappelons à cet égard que le but prioritaire ici
n'était pas de créer un support de prévention pour la
diffusion auprès de la population, mais bien d'initier les concepteurs
de ce projet à une démarche participative pour les sensibiliser
aux thèmes qu'ils étudiaient.
Les jeunes ont ainsi pu se rendre compte que les outils de
communication participative ne se s'adaptaient pas à tous les contextes.
Le choix du support s'est finalement arrêté sur le format
«sketchs» d'une dizaine de minutes, en lien avec un thème
lié aux enjeux que représente l'inscription des naissances.
b. Réalisation des sketchs
Pour écrire les sketchs, nous avons aidé quelque
peu les jeunes dans la méthodologie. C'est en fait surtout à ce
niveau qu'il a fallu faciliter la démarche des jeunes, ainsi que dans la
coordination avec le lycée et la logistique.
Toute la difficulté était de ne pas imposer une
façon de faire, de manière directe ou détournée.
Mais pour autant, il était nécessaire de faire progresser les
travaux.
Dans la partie précédente, où les jeunes
ont eu à soulever les problèmes à résoudre et
choisir un support, nous ne sommes que peu intervenus, pour rappeler quelques
contraintes à ne pas oublier, et souligner quelques questions à
se poser. Toujours en utilisant comme outil de communication le groupe de
discussion.
Trois sketchs ont entièrement été
rédigés par les jeunes, sans aucune aide (à notre
connaissance). Nous avons simplement corrigé quelques fautes de
français. Tous les élèves n'ont pas participé
à la rédaction, ils étaient trop nombreux (une vingtaine),
mais chaque texte est une oeuvre collective (au moins trois jeunes par
texte).
c. La mise en scène et les
répétitions
Au cours des séances suivantes, les membres du club se
sont attribués les rôles, sur une base de volontariat, ce qui a eu
pour effet de faire jouer quelques acteurs sur deux sketchs, tandis que
d'autres n'ont pas eu de rôle. Mais plus de la moitié des
élèves en ont eu au moins un.
A partir de ce moment, les séances ont étés
consacrées aux répétitions et à la mise en
scène. Les jeunes n'avaient pas vraiment de notions de mise en
scène, ni du jeu de théâtre. Malgré cela, le
résultat s'est avéré très satisfaisant.
Ils ont présenté leurs sketchs en conditions
réelles pour la première fois devant le personnel de l'IRD de
Dakar le 6 juillet 2005, ainsi que devant les élèves des autres
clubs de Niakhar alors en visite des locaux de l'IRD.
Pour donner quelques repères, voici la chronologie de
ces différentes étapes, sachant que les premières
séances ont eu lieu début mai, et les dernières
début juillet (chaque séance durait une demi-journée).
· Premier contact, présentations - 1
séance
· Rappel des enjeux et définition des objectifs - 1
séance
· Choix de l'outil de communication - 2 séances
· Ecriture des sketchs - 2 séances (fait en grande
partie en dehors de ces réunions)
· Répétitions et mise en scène - 5
séances (plus les répétitions en autonomie) Ces
séances étaient plus ou moins rapprochées dans le temps.
Les contraintes de temps et de distance ne nous permettaient pas de venir de
façon tout à fait régulière.
I.4. Bilan
a. Méthodologie
Pour réaliser le bilan de ces activités, en plus
des observations de terrain, nous avons conduit une série d'entretien de
deux types principalement :
- des entretiens non formels, lors de discussions libres pendant
ou en dehors de la journée de travail
- des entretiens formels de type semi directif fonctions de
la personne interrogée et de la problématique (guide d'entretien
répertoriant des thèmes et sous thèmes, évitant de
cadenasser l'entretien comme peut le faire un questionnaire rigide, mais
permettant de garder le contrôle de la discussion).
Enfin, pour les élèves, en plus des entretiens, vu
leur nombre, nous leur avons soumis un questionnaire avec des questions
ouvertes. 32
Pour le traitement des données, nous avons fait une
analyse thématique du contenu, en repérant les thèmes
communs et transversaux à l'ensemble des entretiens recueillis.
Même réalisés de manière rigoureuse,
ces questionnaires et entretiens restent totalement subjectifs, et
l'échantillon interrogé étant faible, un traitement
statistique ne serait pas pertinent.
Il faut donc prendre en compte ces aspects en lisant les
résultats du bilan.
b. Bilan avant la mise en place de la communication
participative
Avant de faire un bilan des activités du club pour la
partie sketchs, voici d'une manière générale les points
positifs issus du bilan des activités du club :
- Travail régulier et fréquent
- Solides connaissances théoriques apportées
- Investissement personnel du chercheur de l'IRD très
important - Cours d'informatique réguliers et utiles au travail des
clubs
32 Questionnaire soumis à chaque élève des
clubs, voir annexe IV
Pour ce qui est des points négatifs :
- Manque de pratique en dehors des cours d'informatique et des
sketchs
- Peu ou pas d'investissement des professeurs
- Attitude très « scolaire » du chercheur
(communication verticale de l'émetteur vers le récepteur), avec
tout de même un certain nombre de rencontres de professionnels de
l'état civil
- Aucune initiative laissée aux élèves
- Compréhension des objectifs et enjeux du club pas
toujours claire, que ce soit pour les membres du club ou les professeurs
- Travail d'enquête et de prévention dans le
même temps (ajoute à cette confusion) - Pas d'activité en
dehors des interventions de l'IRD au sein des clubs
- Cours très théoriques et trop simples selon le
résultat de l'enquête menée auprès des
élèves
- Manque de matériel en informatique : trois PC pour
parfois trente jeunes par cours.
c. Aspects positifs
Après ce bref aperçu des forces et faiblesses
des clubs, important pour préciser dans quel contexte se sont
déroulées les activités qui nous concernent, nous pouvons
voir le bilan de la partie à laquelle nous avons directement
participé.
Si on se restreint à l'action que nous avons
menée, on peut considérer que la démarche adoptée
était participative, avec une quasi autonomie des jeunes dans
l'élaboration de leur support de communication. Ils étaient
réellement acteurs de leur projet.
La démarche adoptée était des plus
rigoureuse bien que non imposée (dans le contexte), avec un réel
travail de recherche du meilleur moyen pour réaliser les objectifs,
à savoir la sensibilisation de la population aux questions concernant
l'état civil. Considérant les différents paramètres
du contexte, les avantages et inconvénients des différents
supports de communication, ils ont finalement pris la décision
eux-mêmes de faire des sketchs.
La réalisation de ceux-ci s'est également faite de
façon rigoureuse, malgré leur inexpérience et le manque de
temps certains.
Ils ont donc pu mener leur projet de bout à bout, sans
qu'il ne leur soit imposé de contraintes autres que des contraintes de
temps et de moyens. Ils ont travaillé en commun, pris les
décisions et réalisé ce projet.
Les sketchs, même s'ils n'ont pas encore
été testés auprès de la population, ont reçu
un avis très favorable de la part du personnel de l'IRD ainsi que des
élèves des autres clubs de Niakhar. Mais il faudra attendre de
voir les résultats auprès des cibles (population de la zone de
Niakhar) pour connaître leur réelle efficacité.
Enfin, un dernier aspect très positif, les
élèves étaient très motivés,
impliqués dans les activités, présents jusqu'à la
fin. Or en fin de projet (pour cette année), les activités ont
continué malgré l'achèvement de l'année scolaire.
De plus, la fermeture du lycée correspond au début de
l'hivernage, synonyme de travaux dans les champs pour ces jeunes qui doivent
aider leurs parents. Il s'agit peut être d'une conséquence de
l'appropriation du projet par les jeunes.
Toutefois, l'absence de recul rend aléatoire une
évaluation rigoureuse de l'efficacité de la démarche.
d. Difficultés
Bien qu'a partir de la décision des membres du club de
faire de la sensibilisation auprès des habitants de la région,
une démarche participative a été entreprise avec
succès, les activités antérieures n'avaient pas ce
caractère.
Or, il serait intéressant de savoir si il est possible
d'adopter cette démarche dès l'initiative de création d'un
club JRD.
En effet, ils n'ont pas entièrement choisi la
thématique du club, bien qu'ils aient eu le choix parmi plusieurs
thèmes. Mais on peut considérer que cette restriction dans le
choix du thème fait partie des contraintes du milieu, de part la
disponibilité limitées des ressources de l'IRD (au niveau
matériel et humain).
Le deuxième point pouvant nuancer la part de
participation réelle dans le projet concerne les connaissances
préalables nécessaires à l'élaboration des messages
des supports de communication. Or cette acquisition des connaissances s'est
faite de manière classique, le chercheur se substituant au professeur et
donnant des cours, sans interactivité réelle.
On peut donc se poser des questions sur ce préalable :
savoir s'il était indispensable d'une part, et surtout s'il ne peut
être dispensé d'une autre manière, moins verticale, d'autre
part.
En dehors de ces questions par rapport au contexte
périphérique aux activités qui nous intéressent,
nous avons relevé quelques difficultés dans le déroulement
du projet.
Au niveau de l'organisation, il était parfois difficile
de fixer des rendez-vous. Nous fixions rendez-vous directement avec les
élèves, puis confirmions avec les professeurs, ou inversement.
Mais il arrivait parfois qu'au dernier moment, les horaires soient
changés sans que nous en soyons avertis, ni que tous les
élèves soient prévenus.
Compte tenu des contraintes dues au peu de temps disponible
pour faire avancer le projet et des contraintes géographiques (nous
étions basés à Dakar, à 3 heures de route de
Niakhar), le moindre retard était pénalisant pour
l'avancée du projet.
Cette contrainte a quelque peu précipité
l'écriture et la mise en scène des sketchs. Il y a fort à
parier que le résultat aurait été encore meilleur avec
plus de temps. Mais le travail devrait reprendre dès la
rentrée.
Enfin, un dernier point a peut-être eu une influence sur
le déroulement des activités. Le fait que ce soit un
français (avec toute l'image que cela véhicule au
Sénégal) qui facilite et anime les activités, et que les
élèves n'aient pas l'habitude d'avoir l'initiative dans le cadre
scolaire ont sûrement retardé l'établissement de bons
contacts entre les partenaires.
Cette retenue s'est heureusement assez vite dissipée,
peut-être grâce au caractère non autoritaire de la
communication participative.
e. Evaluation de la pertinence de la
démarche
Le bilan de cette expérience soulève plus de
questions que de réponses, car d'une part il est difficile
d'évaluer sur une seule démarche de ce type, d'autre part nous ne
disposons pas de suffisamment de recul.
Les activités sont amenées à se
poursuivre. Il faut voir si les élèves continueront sur la
voie qu'ils se sont tracés sans animateur. Nous pensons qu'ils
pourront très certainement interpréter leurs sketchs, mais les
faire évoluer, les inscrire dans une démarche plus globale,
ce qui implique la création de partenariats et
l'acquisition de nouvelles compétences semble plus difficile.
En outre il est très délicat de s'auto
évaluer, pour un problème d'objectivité évident.
Nous ne pouvons donc nous reposer que sur des critères qualitatifs.
De nombreuses questions découlent de l'étude de
l'efficacité de cette démarche. En effet, y aurait-il eu la
même efficacité sans les connaissances apportées au
préalable par le chercheur ? Sûrement pas, vu la pertinence des
informations contenues dans le message. A moins qu'ils aient cherché
eux-mêmes les informations (ce qu'ils ont fait en partie). Mais est- ce
que la qualité du contenu était vraiment importante ? Sans aller
dans des considérations théoriques sur l'importance du contenu
par rapport au medium, le but recherché n'était tant pas tant
l'efficacité du message pour la qualité de ses informations, mais
plus sur la réalisation de celui-ci par les jeunes pour les sensibiliser
en priorité.
Ce qui revient à une question beaucoup plus large et
délicate : est-il nécessaire de posséder des connaissances
avant de pouvoir faire ce type de communication participative ? Et cet
apprentissage peut-il se faire de manière interactive, tout comme
l'expérience en éducation des adultes nous le montre ?
Toutefois, s'il est impossible de comparer avec un autre cas en
tous points similaire en dehors de l'utilisation de la communication
participative, on peut toujours s'en tenir aux faits.
Le problème étant plus dans la
généralisation, à savoir si les remarques valables ici le
seront dans d'autres cas.
La motivation et l'appropriation de la thématique par
les élèves se sont révélées excellentes,
puisque qu'ils ont mené le projet du début jusqu'à une
première représentation alors qu'ils n'y étaient pas
obligés.
Ensuite, les jeunes étaient acteurs de leur propre
«développement», ou plutôt de leur propre apprentissage,
puisqu'en quasi autonomie.
Enfin, l'adoption d'une démarche participative dans
cette partie des activités du club n'a pas nuit à la
qualité du travail effectué. De l'avis des chercheurs,
professeurs et autres personnes ayant assisté à la
représentation (dont le secrétaire de l'association
Sénégalaise Kaddu Yaraax, organisant des festivals de
théâtre-forum sur des thèmes de prévention),
affiliés ou non aux
clubs JRD, le résultat était
«excellent», de par son interprétation inventive et dynamique,
ainsi que par la pertinence des informations véhiculées et les
arguments utilisés.
Au-delà d'une efficacité potentielle de ce
support, cette qualité pourrait être le signe d'une acquisition et
d'une appropriation de connaissances sur la thématique, ainsi que de la
pertinence de la méthodologie employée par les jeunes.
|