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L'étude de l'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon

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par Amadou Oury DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Mémoire DEA 2008
  

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I. LES OUVRAGES THÉORIQUES :

Résumé de l'ouvrage : Les épopées d'Afrique noire de Lilyan Kesteloot et de Bassirou Dieng (1997), Karthala, éditions UNESCO.

Vaste panorama dont l'arrière-fond est coloré de vapeurs éclaircissantes49(*), Les épopées d'Afrique noire fait l'archéologie de l'immense paysage épique du continent, allant de la Mauritanie au Cap et du Golfe de Guinée aux confins orientaux. Subdivisé en trois parties, l'ouvrage effectue une chevauchée dans les épopées à travers des concepts forts, justes et accessibles.

Il dresse d'abord une théorie littéraire sur le genre. En effet, après avoir rappelé les traits spécifiques de l'épopée dans la tradition médiéviste50(*); après avoir critiqué les critères établis par Zumthor, Finnegan et Christiane Seydou, il dégage les traits principaux qui définissent véritablement l'épopée en Afrique : ton élevé et solennel, clamé et scandé; début surabondant de la parole; ampleur du récit; rythme; contenu. Sur la base de ces traits, sur d'autres considérations et en s'inspirant des modèles de Madelénat (modèle mythologique, modèle homérique et modèle historique), il dresse une typologie « approximative » des épopées africaines articulée en quatre groupes :

1) L'épopée royale ou dynastique : élaboré par les « sociétés organisées en royaumes hiérarchisés en caste » (p. 40), ce type de textes est illustré par les épopées sur Soundiata, Samory, Bademba, Samba Guéladio Diégui, Silâmaka, Hambodêdio, le Kajoor, le Koussa, le Ségou, le Rwanda.

2) L'épopée corporative. Elle concerne les pêcheurs, les chasseurs et les pasteurs. Les exemples sont : le « Pekaan » des pêcheurs du fleuve Sénégal, les épopées des pasteurs du Diolof, l'épopée Haoussa Gana Gari, l'épopée Maure Heunoune, les récits des chasseurs mandingues...

3) L'épopée religieuse. Produite par les populations islamisées, l'épopée dite religieuse porte sur des figures prophétique ou sainte (l'épopée de la vie de Mahomet, l'épopée d'Elhadj Omar).

4) L'épopée mythologique clanique. Faite par les « sociétés structurées en clans, lignages, et chefferies » (p. 47), ce genre de récit est illustré par le Mvet d'Afrique centrale, le Mwindo des Banyanga, le Moni Mambou des Pendé, etc.

Par ailleurs, c'est la formation d'artistes spécialisés préposés à la récitation, à la mémorisation, à la conservation... qui explique l'existence des oeuvres épiques qui, le plus souvent, sont composées sur des schémas d'abord appris et ensuite retravaillés et enrichis par les griots, et dont l'énonciation et le contexte de production peuvent varier d'une aire culturelle à une autre. Ces oeuvres véhiculent, entre autres, des thèmes politiques, mythiques et historiques.

L'ouvrage dans ses deuxième et troisième parties passe en revue les récits épiques d'Afrique occidentale, d'Afrique centrale et orientale dans un regroupement basé sur des critères ethniques. C'est pourquoi on trouve dans les récits épiques d'Afrique occidentale : les épopées mandingues, soninké, wolof, sérère, peules, zarma-songhaï-haoussa. Dans la troisième partie, ce sont les épopées claniques des régions forestières, les épopées royales et religieuses de l'Afrique centrale et orientale qui sont répertoriées.

Les épopées d'Afrique noire, menant de pair théorie et pratique, c'est à la fois une théorie et une anthologie épiques.

L'ouvrage s'inscrit en droite ligne par rapport à notre orientation de recherche principalement axée sur l'épopée. Aussi, dans l'ensemble, nous intéresse-t-il à plus d'un titre. La première partie traitant de l'épopée et des théories littéraires est celle qui contient plus d'éléments à travers lesquels nous pourrons approfondir notre analyse de l'épopée sur laquelle nous travaillons. À travers cette partie, en effet, nous percevons dans une large mesure les invariants communs tant aux épopées médiévales qu'africaines. Ceci nous permet donc d'appréhender le récit qui nous concerne avec une sensibilité (littéraire) plus forte parce que nourrie des apports fécondants issus des zones épiques aussi diverses que celles de l'Occident et celles d'Afrique Noire.

Outre ces intérêts certains, nous ne pouvons terminer cette lecture critique des Épopées d'Afrique noire sans donner notre sentiment sur l'esprit de modestie et de prudence qui anime les deux auteurs de l'ouvrage malgré leur notoriété certaine. Pour preuve, nous pensons à l'une des phrases par lesquelles ils ferment le chapitre 4 intitulé Essai de typologie des épopées africaines, à savoir : « Nous ne prétendons pas avoir clos de cette manière la typologie des épopées africaines. Il en existe peut-être d'autres ». Certainement! Et cette affirmation a tellement retenu notre attention que, lorsqu'ils écrivaient leur ouvrage (pensons-nons), ils ne soupçonnaient guère que des sociétés comme le Fouta-Djalon aient produit des récits épiques, mais malgré tout, avec la prudence caractéristique du bon chercheur, ils n'ont pas exclu d'éventuelles découvertes.

Résumé de l'ouvrage : Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire) de Mamoussé Diagne (2005), CELTHO-IFAN-KARTHALA.

Critique de la raison orale, articulée autour de la dialectique du verbe dans l'oralité, du mémorable et de l'immémorial, part d'une problématique générale qui tente de comprendre les procédés que les civilisations africaines mettent en jeu pour véhiculer leurs messages, et, partant, détermine les incidences notables de « l'orature » sur les pratiques discursives.

Pour cerner cette problématique, Mamoussé Diagne analyse d'abord les pratiques de l'oral et les procédés discursifs dans les sociétés africaines. Il affirme que le procédé de dramatisation51(*) constitue le point nodal d'où partent les pratiques discursives (plus particulièrement le conte) dont l'objectif est de prendre en charge le réel et le surréel par l'entremise de la mise en forme, la transmission et la conservation du savoir.

Par ailleurs, pour échapper à l'éternel ennemi de l'oralité (l'absence de support matériel de fixation), les griots ou « maîtres de la parole » procèdent à l'édification du mémorable qui s'effectue au moyen du grossissement, de l'intervention du merveilleux, et dont le rôle est d'arracher les faits et personnages illustres à la quotidienneté, si ce n'est simplement à la banalité quotidienne, qui risque de les fondre dans les fondrières de l'oubli et donc les entraîner à la disparition. L'épopée, oeuvre par excellence qui prise le mémorable, vise à donner une lecture de l'histoire « en des termes de significations plus qu'en termes de faits » (p. 432), à mettre en scène certains faits et événements de la communauté concernée dans une perspective historique.

Le procédé de dramatisation et l'initiation sont les remparts que la civilisation de l'oralité érige contre l'envahissement de l'oubli.

En outre, après avoir fait un distinguo sémantique entre mythe et légende, l'auteur a montré que le mythe narre le temps des origines (« le temps d'avant le temps ordinaire des hommes » p. 561) et qu'il se déploie dans l'espace de l'initiation.

L'initiation, ou voyage dans l'univers des signes et des symboles, passant du décodage «  de l'enclos du sens » à l'accès de la signifiance, a pour objectif la connaissance profonde. Kaïdara et Koumen d'Amadou Hampâté Bâ sont de très bels exemples du parcours initiatique ou herméneutique à travers lequel le postulant accède à la sagesse (Hammadi rencontre Kaïdara en personne; Silé découvre le nom secret du bovidé hermaphrodite).

Le chemin de l'initiation qui s'effectue non seulement sur le plan de l'univers des signes, mais aussi sur celui de leur envers, est « à la fois comme mode de gestion d'un savoir supérieur et comme limite du dicible » (p.442).

En tant que tel, l'ouvrage Critique de la raison orale qui s'attache, comme l'affirme son préfacier Bonaventure Mvé-Ondo, à spécifier l'interrogation : « Et s'il y avait au coeur même de l'oralité, quelque chose comme une écriture? », présente de nombreux intérêts pour notre thèse.

En particulier, la deuxième partie (Les mémorables, pour que le temps suspende son vol) traitant de la question de l'oralité et de la temporalité, de l'édification du mémorable, des usages du passé et de l'anamnèse reconstructive, recèle des éclairages très intéressants en corrélation directe avec certains de nos sous-points, notamment : l'étude du temps et des intermèdes musicaux, épopée et histoire, et épopée comme expression de l'identité nationale.

Le traitement fait aussi du temps dans l'oralité, des stratégies pour l'édification du mémorable nous permettra d'élargir et d'approfondir notre réflexion sur le récit qui nous occupe.

L'autre intérêt de cet ouvrage pour notre sujet de recherche réside dans la richesse de sa bibliographie qui présente une multitude d'ouvrages aussi riches que variés sur la littérature orale, ou sur la civilisation de l'oralité.

Il faut remarquer cependant que la première partie de Critique de la raison orale, essentiellement axée sur la « dramatisation de l'idée » et la troisième partie orientée sur l'initiation ne présentent pas d'intérêts certains voire un certain intérêt pour notre thèse.

L'ouvrage de Mamoussé Diagne n'en demeure pas moins intéressant dans la mesure où il refuse et combat la conception normativiste procédant à « l'arraisonnement de la raison parle le seul mode de la pensée écrite52(*) » et à affirmer en le démontrant tout au long du texte que la dramatisation est le mode d'expression principal des civilisations de l'oralité.

Résumé de l'ouvrage théorique : L'épopée de Daniel Madelénat (1986), Paris, PUF.

L'épopée en tant que parole, action, séquence de thèmes est un genre codifié dont la structure peut cependant varier d'un auteur à un autre. Elle peut s'accroître et s'amplifier par des additions (de vers, d'épisodes, de motifs) auxquelles procèdent le barde ou l'aède. Ce sont le mode narratif du discours et les critères génériques du genre qui déterminent la polysémie des termes épopée, épique, héroïque et geste. L'épopée, narration au ton grave se caractérisant par une action collective et des thèmes héroïques, est « un genre de la tradition occidentale » (p. 74).

Le genre épique peut se subdiviser en trois modèles : mythologique, homérique et historique.

Le modèle mythologique mettant en scène des êtres surnaturels (des doublures des dieux) saturés du divin et « nostalgiques de l'immortalité » se caractérise par la complexité de l'action, l'ampleur des vers, la variété du style et le poids du mythe.

Le modèle homérique se définit par une action simple entre hommes et dieux qui gardent leur caractère propre. Les héros de ce type d'épopée dépassent en « dignité morale » (p. 159) les dieux qui sont dévalorisés ou profanés.

Le dernier modèle (historique), lui, se distingue par le fait qu'il ne confond pas hommes et dieux et que, plaçant les valeurs humaines au devant, il se rapproche de l'histoire du Moyen Age, et se réalise principalement dans le monde germanique (La Chanson de Nibelungen et Kudrun). La chanson de geste, marquée par une certaine instabilité formelle, réinterprète l'histoire et le mythe par la bipolarisation religieuse et la transformation de l'échec en victoire (La Chanson de Roland en est un exemple typique). Les plus anciennes chansons de geste sont La Chanson de Roland, Gormont, Isembart (seconde moitié du XIè siècle), la Chanson de Guillaume (première moitié du XIIè siècle).

Ces différents modèles se retrouvent dans d'autres cultures comme en Afrique, dans le monde celtique où on note une composition et une hybridation des modèles.

L'évolution des civilisations occidentales, la centralisation politique, la laïcisation de la pensée et la libération de l'art ont imposé au genre épique une variation des modèles. Pour éviter les déviances, l'épopée s'est à la fois ouverte éclectiquement et s'est fermée pour se conserver. Son adaptation s'est opérée au moyen de l'amplification, de l'allégorie, de la surcharge épisodique et de l'intériorisation (« l'action devient psychologique » p. 187). Elle a subi cependant une parodie : l'épopée animalière, par exemple, caricature ruse et combats dans la geste de Renart.

En outre, dans l'Antiquité gréco-latine, Homère suscite l'admiration chez les Grecs et influence fortement les Latins (l'Énéide qui fait un retour à l'orthodoxie d'Homère).

Au Moyen Age, la chanson de geste connaît des dérives. D'abord, l'épopée médiévale devient arborescente avec des ramifications historique, chronique, romanesque. Ensuite, l'inflation (accroissement de la quantité des vers, l'allongement de la laisse et la multiplication des épisodes et des thèmes) revêt un caractère général à travers les oeuvres (La Chanson de Roland, La Chanson de Guillaume, etc.) sauf en Espagne où l'épopée, quoique originale, reste sobre et brève. Avec la Renaissance et le néo-classicisme arrive la période des synthèses (La Divine comédie de Dante, Les Tragiques d'Aubigné, La Henriade de Voltaire...).

Au XIXè siècle, l'épopée est, d'une part, marquée par quelques petites mutations et métamorphoses allant de la néo-épopée à l'épopée mineure (la petite épopée) via l'épopée humanitaire et, d'autre part, avant de disparaître, elle est récupérée par l'industrie culturelle et la politique.

L'ouvrage théorique de Madelénat a retenu notre attention dans le cadre de ce travail parce que d'abord il nous semble être une très belle étude sur l'épopée, ses invariances, ses genèses et affinités, ses modèles et évolutions, et que par conséquent, il recoupe dans une large mesure un certain nombre d'aspects de notre problématique de thèse.

Ainsi les chapitres I, II, et III de la première partie traitant respectivement de la parole épique, de la composition et de l'action, et des personnages et des thèmes, nous informent sur la manière d'analyser avec pertinence ces différents aspects qu'on retrouve dans le récit qui fait l'objet de notre thèse. La deuxième partie aussi n'est pas en reste car elle nous permet d'éclairer l'épopée à la lumière de l'histoire et du mythe, et que, détaillant les rapports entre guerriers et valeurs aristocratiques, elle nous suggère d'envisager ceux qui existent, d'une part, entre les guerriers peuls et l'idéal nanthioya (l'aristocratie guerrière du Ngâbou).

Les caractères généraux qui définissent le modèle historique médiéval, à savoir, entre autres, la réduction du merveilleux au profit de valeurs proprement humaines, l'affiliation à l'histoire, nous semblent pertinentes et extensibles à certaines épopées ouest-africaines.

C'est fort de ces constats - et surtout de l'intérêt particulier pour notre thèse - qu'un de nos choix fut porté à l'ouvrage de Daniel Madelénat.

* 49La théorie littéraire.

* 50Ces traits sont : « poème narratif; imitation d'actions de haute morale; composé autour d'une action « entière et complète, ayant un commencement et une fin »; ampleur du poème; composition étendue ; multiplicité et variété des épisodes; péripéties merveilleuses et pathétiques; utilisation du mettre héroïque (hexamètre), élocution » (p. 21).

* 51Le procédé de dramatisation est « un ensemble de pratiques au moyen desquelles une idée s'élabore et se transmet, se reçoit et se conserve », Diagne, Mamoussé (2005) Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire), CELTHO-IFAN-KARTHALA, p. 26.

* 52Bonaventure Mvé-Ondo, « Préface » (pp. 5-10), p. 9. dans Critique de la raison orale...

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