Du role de la société civile pour une consolidation de la démocratie participative au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Mamadou Hady DEME Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2008 |
Paragraphe 2 : Les partis politiques : entre oligarchie et insatisfaction des demandes socialesLa corruption politique qui affecte lourdement la démocratie prend le plus souvent source au sein des partis politiques. Face à la conjonction sociale actuelle du Sénégal, caractérisée par une forte accentuation de la pauvreté, des attentes aux droits de l'homme et de la mauvaise gouvernance. Les leaders politiques n'inspirent plus confiance aux masses populaires. Leur rôle comme l'entend Philippe Brand, « les représentants parlent et agissent au nom d'autres individus enfermés dès lors dans un statut beaucoup plus passif. Représenter c'est donc au sens le plus large du terme, tenir lieu de ... ; être là à la place de ... c'est aussi exercer au nom d'autrui une fonction de clarification de ses intérêts et aspirations, voie de direction d'un groupe »25(*). Ce rôle s'effrite à mesure qu'ils durent à la tête des partis et que s'accentue leur agissement clientéliste. On constate une oligarchie au sein des partis politique en Afrique du fait de la lancinante question du renouvellement des leaders. Cette question du renouvellement des leaders au sein des partis corrobore le problème du renouvellement des élites nationales. Les partis politiques sont régis par des séquences chroniques auxquelles correspondent des caractéristiques politiques propres. (Tableau) La lecture du tableau nous permet de constater que les partis se construisent, se consolident, vieillissent. La quatrième phase est celle de reconstruction par le renouvellement des instances, ou le parti disparaît.
Source : Philippe Brand, Sociologie politique, huitième édition, LGDJ 2006. La longévité des dirigeants politiques à la tête des partis a fini par ébranler les bases démocratiques qui devaient régir le fonctionnement de ces derniers. Il s'ensuit des déchirures à l'intérieur et des crises qui finiront par reléguer les préoccupations des populations au second plan. Dans ce contexte de troubles internes les organisations de la société civile doivent jouer un rôle salvateur pour la protection de la démocratie et la prise en charge des demandes sociales. Au Sénégal, les partis d'opposition affaiblis par ces crises n'ont pas réussi à construire un bloc fiable capable de faire face au pouvoir afin de garantir la démocratie. D'ailleurs, le manque d'organisation, les querelles internes de positionnement qui caractérisent les partis de l'opposition sénégalaise a poussé le chef de l'Etat à les qualifier, souvent dans ses discours, « d'opposition de salle ». Cette formule traduit le léger poids que représentent ceux-ci à ses yeux. En outre, cette formule prouve que le parti au pouvoir avec à sa tête le chef de l'Etat n'est pas inquiété par son opposition. C'est ce qui explique sans doute le néo-patrimonialisme constaté dans la gestion de l'Etat sénégalais au lendemain de l'alternance. L'espace politique sénégalais laisse entrevoir alors une insatisfaction des demandes sociales d'une part, mais aussi un retour du néo-patrimonialisme d'autre part dus à la faiblesse des partis d'opposition et des moyens d'action des OSC. La corruption qui connu son paroxysme au lendemain de l'alternance eu égard aux nombreuses transhumances notées, mine la démocratie. La corruption favorise la satisfaction de l'intérêt personnel au détriment de l'intérêt collectif. Aussi, le forum civil, qui est membre de Aid-Transparency international s'illustre dans ses combats contre la corruption. Il mène des enquêtes et publie des rapports sur l'état de la corruption au Sénégal. Les études menées par le forum civil se limitent à l'administration publique. Mais d'autres formes de corruption existent à d'autres niveaux de la société. Il est impossible de parler de démocratie sans opposition crédible et républicaine. Cette opposition doit être un cadre permanent d'observation et d'évaluation des actions des gouvernants. Il n'est point de démocratie aussi sans une implication totale de toutes les composantes de la nation à la gestion des affaires publiques. La gestion participative est aussi incontournable en matière de démocratie. Il est en outre impossible d'envisager la démocratie sans une société civile dynamique comme l'affirme fort élogieusement Tocqueville « il n'y a pas de démocratie sans une société civile dynamique. Mais il n'y pas de société civile dynamique sans l'engagement personnel des citoyens libres et responsables »26(*). Dans ce contexte politique marqué par le pluralisme et l'échec des partis politiques dans la prise en charge des préoccupations des citoyens, nul doute que le dynamisme de la société civile est devenu un donnée avec laquelle doit compter toute stratégie de consolidation de la démocratie. L'heure est à la réinvention d'une société civile capable de constituer un véritable contre-pouvoir, vecteur de sensibilisation. La société civile indépendamment des partis politiques instaure des cadres permanents de dialogue afin d'instituer la démocratie véritable. La lutte pour le renforcement et la permanence de la liberté d'expression est une donne de la lutte pour la démocratie et des droits de l'homme. A ce niveau l'avènement de la presse privée est salutaire. L'alternance est une « expérience cruciale » en politique, où elle accomplit la justice démocratique. Elle seule permettra de mettre fin à la transition en cours en Afrique, c'est-à-dire indiquera clairement que celle-ci a enfin véritablement résolu de prendre place dans le train de la démocratie, constatée depuis le début des années 1990. Elle est donc le grand défi politique à relever, à terme, contre les conservatismes en tous genres qui ont, pour la plupart, leur centre au coeur du puissant dispositif du capitalisme monopolistique international, où ils inspirent, structurent et participent diversement, voire arment nombre de coups d'Etat,dans des Etats sans personnalité souveraine et affaiblis par la mauvaise gouvernance qui a appelé les politiques d'ajustement structurel, dans le dos de la mondialisation positive qui, a contrario, presse les dictatures à lâcher prise, en particulier par la conditionnalité de l'aide au développement - de la démocratie, entendu en un sens global qui comprend tous les aspects sous lesquels les membres d'une société sont appelés à s'épanouir ou tous les droits auxquels ils aspirent. N'ayant pour vocation de conquérir le pouvoir, la société civile doit intensifier ses sensibilisations afin d'instaurer le culte et la culture démocratique dans ce pays qui est souvent pris comme exemple en Afrique et dans le monde.
* 25 Brand (P). sociologie politique ; huitième édition LGDJ, 2006, p.507. * 26 Tocqueville (A), De la démocratie en Amérique. (1835 et 1840) Garnier Flammarion |
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