Du role de la société civile pour une consolidation de la démocratie participative au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Mamadou Hady DEME Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2008 |
Paragraphe 2 : La société civile face aux dérives institutionnellesLe système institutionnel sénégalais laisse entrevoir un régime de type présidentiel, puis présidentialiste. Sur ce point, il n'y a pas de différences marquées entre les deux périodes que nous avons distinguées depuis l'indépendance. Quant à l'Assemblée, après avoir été une chambre d'enregistrement, elle est aujourd'hui, par la présence en sein de quelques députés de l'opposition une tribune politique, mais ses capacités d'initiative en matière législative ou de contrôle du gouvernement sont extrêmement faibles. Cette faiblesse de l'institution parlementaire souvent subordonnée au pouvoir exécutif ouvre la brèche aux dérives institutionnelles venant de l'exécutif. Ce chevauchement entre ces deux pouvoirs marque un frein au principe de séparation des pouvoirs et au-delà un frein à la démocratie et à la bonne gouvernance. Au Sénégal, bien que la bonne gouvernance soit érigée en principe constitutionnel, son effectivité reste sujette à caution du fait de la toute puissance de l'exécutif. Le parlement qui est censé contrôler l'action du gouvernement reste affaibli par les majorités mécaniques, où beaucoup de députés pensent devoir leur sort beaucoup plus au président de la République qu'au peuple qui les a mandatés. Les parlementaires sont plus prompts à rendre service à ce dernier, histoire de rendre hommage à celui qui a été à l'origine de leur investiture. Les intérêts du peuple étant tout simplement relégués au second plan voire négligés. En l'absence d'un contrôle parlementaire adéquat, le pouvoir exécutif tend alors à devenir autoritaire au grand dam de la démocratie et du peuple. On constate après l'avènement de l'alternance une quasi concentration des pouvoirs au niveau de la présidence de la république, le parti au pouvoir et le gouvernement. Il est arrivé au Sénégal après l'alternance que le président de la république s'immisce et prend les devant sur des questions qui relèvent du domaine parlementaire ou judiciaire. La brouille qui a suivi la convocation du président de l'ANOCI par la commission des finances de l'Assemblée Nationale (AN) a témoigné de la limite du principe de séparation des pouvoirs au Sénégal, et des multiples dérives émanant de l'exécutif. Cette brouille témoigne encore de la fragilité du système démocratique et des institutions politiques au Sénégal. Quant au pouvoir judiciaire, il apparaît lui aussi soumis aux pouvoir exécutif, même si par rapport à d'autres Etats africains il semble jouir d'une certaine marge de manoeuvre. A ce titre Coulon en citant Sheldon Gellar souligne que « les tribunaux ont rarement statué à l'encontre du gouvernement sur les importants problèmes constitutionnels et lors des procès politiques. » 22(*) L'instrumentalisation de la justice s'est accrue d'une manière importante au Sénégal ces dernières années. Le cas de Idrissa Seck, ancien premier ministre avec les « chantiers de Thiès, ville dont il est le maire, en constitue un exemple. Tout laisse à voir une emprise des aspects politiques sur le droit dans cette nébuleuse. La justice sénégalaise en a beaucoup perdu de sa crédibilité du moment où jusqu'à l'heure où nous sommes, le peuple n'est édifier sur ce problème sensible qui est le détournement de déniés publics. Ce problème qui a tenu en haleine le Sénégal et les Sénégalais pendant plusieurs années témoigne de la main mise de l'exécutif sur le judiciaire. Ceci est d'autant plus évident qu'à la veille des élections présidentielles du 27 Février 2007, ont entendait le Chef de l'Etat sur les antennes de la télévision nationale déclarer que son ancien PM est innocent et qu'il accepte de revenir au bercail qu'est le PDS. Le président de la république s'est ainsi substitué à la haute cour de justice en donnant le verdict de cette affaire. La situation qui prévaut actuellement au Sénégal est selon Mamadou Dia « La matérialisation d'un état de fait qui trouve son origine dans la constitution de 2001, laquelle a engendré un bonapartisme personnaliste, sans équivalent historique».23(*) Sous l'euphorie de l'alternance de 2001, le Sénégal adopte par voie référendaire une nouvelle constitution qui à tous les égards, renforce les pouvoirs du président de la république, mais aussi participe à une concentration excessive de tous les droits entre les mains de l'exécutif. Ceci a conduit à une véritable centralisation du pouvoir, qui par ailleurs, a débouché sur une paralysie dans le fonctionnement normal des institutions républicaines. . Le rôle de la SC devrait être dans ce cas de figure de sensibiliser les populations en amont sur les dispositions de la nouvelle constitution qu'elles étaient appelées à adopter par référendum. Ainsi quelques années seulement après l'alternance, nous constatons que les nouveaux dirigeants, loin de se préoccuper à rétablir les bases institutionnelles d'une véritable démocratie pour le Sénégal, se sont évertués, au contraire à tenter de renforcer le pouvoir du président, devenu aujourd'hui quasi monopolistique, sur l'ensemble de l'appareil d'Etat. Cette entreprise a commencé par une accélération de la transhumance politique, ouvertement encouragée par d'importants secteurs du parti au pouvoir. Cette dernière n'est rien d'autre que le résultat de manoeuvres politiciennes encouragées pour permettre le repêchage des battus de la dernière élection présidentielle, à condition qu'ils viennent renforcer le clan présidentiel, ce qui a, du reste, contribué à l'assombrissement des horizons de la révolution populaire et démocratique du 19 mars 2000.
* 22 Coulon (C), « Le Sénégal : développement et fragilité d'une semi démocratie » in textes réunis par Larry Diamond Juan Linz Lipset, Les pays en développement et l'expérience de la démocratie, Nouveaux Horizons, 1996 * 23DIA (M) Echec de l'alternance au Sénégal et crise du monde libéral, l'harmattan, 2005, P.79 |
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