III- Etat des lieux au niveau national
Après avoir fait un tour d'horizon sur le concept des
SPL au niveau international, en l'occurrence les expériences italienne,
française et indienne, le même exercice au niveau national
s'impose à plus d'un titre.
Parler de l'existence d'une stratégie nationale bien
orchestrée et axée sur le développement des SPL serait
trop dire. Toutefois, plusieurs projets, au demeurant importants, ont
été entrepris par des départements ministériels
à vocation sectorielle (Ministère chargé de l'industrie et
Ministère chargé de l'artisanat) ou à vocation horizontale
(Ministère chargé de l'aménagement du territoire et
Ministère du Commerce Extérieure) ainsi que des initiatives
privées d'ONG et d'industriels.
En effet, le Ministère chargé de l'industrie
avait enclenché en 1997, en partenariat avec l'ONUDI et avec l'appui
financier de l'Italie, un projet portant sur les stratégies pour la
promotion des grappes/réseaux de PMI compétitifs et innovateurs
au Maroc, dont l'objectif était, notamment, la mise en oeuvre d'un
programme d'appui à l'organisation de groupements/réseaux de PMI
compétitifs et innovateurs qui contribueront à un
développement industriel durable dans le cadre d'une dynamique de
développement local??.
Ainsi, trois filières pilotes ont été
choisies en raison de leur important potentiel de production, de leur vocation
à l`export et de l'existence d'un intégrateur, dans la
perspective d'étendre l'expérience à d'autres secteurs
d'activités ; il s'agit des secteurs du cuir à Fès, de la
poterie à Safi et de la marqueterie (travail du bois de thuya) à
Essaouira.
Pour le secteur du cuir, qui concerne directement le
Département du Commerce et de l'Industrie, plusieurs actions ont
été réalisées dont on peut citer ??:
· Formation en design au profit d'une vingtaine
d'entreprises du secteur de la chaussure;
· Formation en Italie aux techniques de tannage et de
finissage, au profit de techniciens de l'antenne de la Fédération
des Industries du Cuir (FEDIC) à Fès;
· Voyage d'étude en Italie au profit de l'antenne de
la FEDIC, en matière de services offerts par les associations
professionnelles du cuir;
· Organisation de séminaires de sensibilisation et
d'information sur le concept des consortia à l'exportation ;
· Visite d'opérateurs marocains à des
Districts industriels italiens du cuir ;
· Préparation des termes de référence
de l'étude de faisabilité du parc industriel dédié
au secteur du cuir à Fès;
· Don de matériels et équipements de la
part du Centre Polytechnique International de Formation en Italie pour
équiper un centre de formation en design crée au sein de la
Délégation du Commerce et de l'Industrie de Fès ;
· Mise en place du centre de formation sur le cuir
domicilié au sein d'un établissement de l'OFPPT ;
?? Bulletin d'information du Programme Intégré
pour l'amélioration de la compétitivité du secteur
industriel au Maroc N°4, avril 2002
· Sélection d'un groupe d'entreprises
disposées à travailler selon le système de production
spécialisée et leur encadrement pour la préparation de
collections de produits en commun et pour le choix des stratégies de
promotion et de commercialisation de ces collections ;
· Mise en place d'une collection "made in Fès",
etc.
Actuellement, un projet de construction d'un parc industriel
spécialisé, dédié aux activités amont et
aval de l'industrie du cuir et étalé sur une superficie de 50 ha,
est en cours de lancement à Ain Cheggag (Province de Séfrou). Ce
parc, doté d'une station d'épuration, permettra de tirer vers
l'avant la filière du cuir à Fès, notamment, en
contribuant à sa mise à niveau environnementale et favorisera la
coopération et la complémentarité interentreprises, ainsi
que la mutualisation des efforts, ce qui ne manquera pas d'améliorer sa
compétitivité par le haut, à travers l'amélioration
de la qualité et la stimulation de l'innovation.
Pour les secteurs de la marqueterie (travail du bois de thuya)
à Essaouira et de la poterie à Safi, le Ministère de
l'Artisanat et de l'Economie Sociale s'est engagé en 2001, dans le cadre
de la coopération avec l'ONUDI, dans des projets de développement
de SPL ayant aboutit, après le diagnostic approfondi de ces secteurs,
à la création de consortia à l'exportation en s'inspirant
de l'expérience italienne.
Dans le même sens, le Ministère du Commerce
Extérieur, conscient de la pertinence du concept des SPL, a
lancé, toujours dans le cadre du même projet avec l'ONUDI, une
initiative visant à encourager les opérateurs économiques,
en particulier les PME/PMI, à se regrouper au sein de consortia à
l'exportation dans le but de surmonter l'handicape de leur faible masse
critique et in fine améliorer leur accessibilité aux
marchés extérieurs.
Ainsi, les projets de consortia sélectionnés par
un comité de pilotage se voient octroyer par l'ASMEX une subvention de
200 000 dhs par an pour une période de 3 ans pour financer leur plan
marketing en plus d'une enveloppe de 100 000 dhs destinée à
couvrir les frais de la constitution.
A ce jour, une dizaine de consortia a été
créée juridiquement et concerne des secteurs variés
tels que le bâtiment et matériaux de construction, la tannerie, le
textile et habillement, l'agroalimentaire, la plasturgie, le travail du
marbre, les NTIC et la mécanique.
Quant au Ministère de l'Aménagement du
Territoire, de l'Eau et de l'Environnement, outre les séminaires et
congrès organisés sur la thématique des SPL, il a
lancé en 2002, en partenariat avec l'Université Pierre
Mendés (Grenoble), sous la supervision de l'imminent professeur Claude
Courlet qui est un grand spécialiste du développement
endogène, une étude sur le développement des bassins
d'emploi (cas des SPL au Maroc). Cette étude a permis d'identifier une
cinquantaine d'agglomérations productives industrielles au niveau
national à partir de l'analyse des statistiques industrielles de
l'année 1999.
On notera au passage que la méthode statistique
utilisée, quoique pertinente, aurait gagnée à être
combinée avec l'expertise locale voire régionale afin
d'éviter que des agglomérations ne soient occultées.
Ainsi, à titre d'exemple pour la préfecture de Mohammedia aucune
agglomération n'a été identifiée sachant que ce
territoire abrite une industrie mécanique, métallurgique,
électrique et électronique très développée
et on reviendra sur ce secteur dans les chapitres qui suivent.
Parmi les agglomérations identifiées, dix cas
expérimentaux ont été analysés en profondeur dans
le but de dégager des projets pilotes de SPL à fort
caractère démonstratif. Il s'agit:
?. du textile et habillement à Tanger
;
?. du textile et habillement à Ben Msik Sidi Othmane
(Casablanca) ;
?. du textile et habillement à Guercif et
Taza ;
?. de l'oléiculture à Guercif et
Taza ;
?. de la petite production mécanique et électrique
tournée vers la maintenance à Ain Sebaâ et Sidi Bernoussi
(Casablanca) ;
?. des technologies de l'information dans l'agglomération
de Casablanca ; ?. de l'agriculture intensive dans le
Souss-Massa (Agadir) ;
?. de l'agriculture traditionnelle dans le Souss-Massa
(Agadir) ;
? . du tourisme dans la région d'Arfoud
;
??. de l'artisanat à Fès.
Les diagnostics territoriaux relatifs aux cas pilotes
précités, dont une restitution a été faite
auprès des acteurs et opérateurs enquêtés, ont fait
ressortir trois cas de figures:
> territoires pour lesquels, il était difficile de
faire émerger des projets répondant aux critères de la
démarche SPL (textile à Guercif, etc.) ;
> cas demandant un approfondissement afin de déboucher
sur une réalisation concrète (technologies de l'information
à Casablanca, etc.) ;
> projets pouvant être mis en oeuvre selon un phasage
précis (dinanderie à Fès, confection
à Tanger, etc.).
L'étude a préconisé le lancement par la
Direction de l'Aménagement du Territoire (DAT) d'appels à projets
pour l'appui de toute démarche de mise en place de SPL répondant
aux exigences d'un cahier de charges (nombre suffisant d'entreprises,
caractère durable des coopérations interentreprises,
externalités positives, qualité de la structure de portage,
etc.).
Elle a également proposé la mise en place de
centres de ressources par les acteurs des territoires ; ces centres peuvent
fournir des services réels aux entreprises et opérateurs locaux,
tels que le diagnostic de la situation économique locale, le suivi des
entreprises, le conseil en entreprise, la fourniture d'informations
(commerciale, scientifique, technologique, etc.), la formation, etc.
Une expérience fort intéressante d'une ONG
marocaine, en l'occurrence "l'Association ITQANE", mérite d'être
citée, sachant qu'elle a été présentée
à Paris en 2001 à l'occasion du congrès mondial des SPL.
Ce projet, qui s'apparente à un SPL, concerne la filière du
textile traditionnel (broderie, montage beldi et tissage manuels) a pour
objectif de faciliter l'insertion professionnelle des femmes et de favoriser
leur épanouissement, de mettre en place un réseau de production
et de promotion du travail de la femme, de valoriser les métiers
traditionnels en les inscrivant dans la modernité, etc.
Cette association, dont le nombre d'adhérents
dépasse les 500 brodeuses, compte à son actif des
réalisations importantes dont on peut citer:
> 3 centres incubateurs régionaux (Casablanca,
Mohammedia, El Jadida); > 2 expositions à Paris et 2 à
Dubaï;
> actions promotionnelles ciblées en France et en
Italie ;
> un centre de formation en informatique, etc.
Une deuxième initiative, non moins importante, est en
cours de préparation à Mohammedia ; ses acteurs ne sont autres
que d'important industriels opérant dans la sous- traitance
électronique (cartes électroniques, circuits imprimés,
faisceaux de câbles, etc.) et activités connexes (mécanique
de précision, découpage, injection plastique, traitements
thermique et de surface, fonderie Alu et Zamak, etc.).
Ces entreprises ambitionnent de créer au sein de la
Zone Industrielle Sud-ouest de Mohammedia, sur une superficie de plus de 3 ha,
un parc industriel dédié à la sous- traitance
électronique à forte valeur ajoutée, intégrant les
étapes d'études de faisabilité, de conception,
d'industrialisation et de production ; ceci permettra la création de
plus de 1000 emplois nouveaux et drainera des investissement de l'ordre de 170
Millions de dhs.
L'objectif escompté de cette initiative est d'anticiper
les besoins des grands donneurs d'ordres mondiaux et de leur proposer une gamme
de produits complète, de valoriser la prestation de sous-traitance
à travers l'intégration de la conception et de
l'industrialisation, de développer des synergies, de mutualiser les
efforts, de renforcer la coopération et la complémentarité
interentreprises à l'image des SPL.
Ce projet ambitieux dénote du degré de
conscience des opérateurs économiques de l'importance capitale
pour les PME/PMI de se mettre en réseau afin d'améliorer leur
compétitivité et de profiter pleinement des atouts de la
proximité spatiale et des spécificités locales.
Sur un autre registre, le Ministère chargé de
l'industrie est en train de préparer une stratégie de
développement des pôles de compétitivité à
l'instar du modèle français.
En effet, il est préconisé de lancer des appels
à projets pour labelliser les pôles de compétitivité
au niveau régional répondant aux exigences d'un cahier de charges
qui ont trait à la visibilité nationale et internationale du
pôle, aux synergies entre les différents acteurs, au degré
d'implication des acteurs territoriaux, au partenariat et mode de gouvernance ;
les pôles retenus bénéficieront d'un appui technique et
financier des pouvoirs publics.
Par ailleurs, le Département du Commerce et de
l'Industrie projette de mettre en place un cluster industriel
dédié à la nanotechnologie, la microtechnologie et la
biotechnologie, en partenariat avec de grands groupes de renommée
mondiale spécialisés dans ses créneaux à fort
contenu technologique ainsi que des centres d'excellence et clusters
basés en France, au Japon, au Canada et aux USA.
Les Marocains Résidants à l'Etranger opérant
dans ces secteurs de pointe ont été approchés afin de les
mettre à contribution pour réussir cet ambitieux projet.
Deuxième partie: Identification de projets de
SPL dans le secteur industriel de Mohammedia
I- Typologie du secteur industriel de
Mohammedia
Mohammedia est une ville industrielle par excellence eu
égard sa longue tradition industrielle qui remonte à
l'année 1912, date à laquelle le Groupe Jacques Hersent
créa la compagnie du port de Fedala chargée de construire un port
et acquérir les terrains nécessaires à la construction des
premiers édifices de la ville. C'est donc le port qui a
été à l'origine de la genèse du secteur industriel
local.
Pendant la seconde guerre mondiale, la ville a connu une vague
de délocalisation de capitaux européens ce qui a permis
l'installation de grandes unités industrielles d'envergures nationale et
internationale, telles que NEXANS (ex ALCATEL), ICOMA et STRAFOR MAROC.
Après l'indépendance, les investissements ont
connu une perte de vitesse due à la politique de nationalisation ayant
fait légion à l'époque, ce qui a amené l'Etat a
prendre le relais en investissant dans des créneaux fortement
capitalistiques, notamment, dans l'industrie pétrochimique et
l'industrie chimique ; la SAMIR (en 1962) et la SNEP (en 1973) voient ainsi le
jour, cédées par la suite respectivement au Groupe CORAL
(Suède) et au Holding Ynna (Maroc).
Les grands donneurs d'ordres, tant locaux que nationaux, comme
la SAMIR, la SNEP, l'ONE, l'ODEP, l'ONCF, l'OCP, les Sucreries (non encore
privatisées à l'époque) et les Cimenteries, de par leur
politique d'externalisation des activités périphériques
dans le but de se recentrer sur leur coeur de métiers, ont
favorisé l'émergence d'un tissu dense et diversifié de
sous- traitants locaux, en général d'anciens salariés de
ces grandes structures installés à leur propre compte,
spécialisé dans la mécanique, l'électricité,
la maintenance et le montage industriels.
Actuellement, le secteur industriel de Mohammedia, qui compte
près de 220 unités productives employant 14000 personnes, occupe
une place de choix sur le plan national ; il occupe le deuxième rang en
terme de production et de valeur ajoutée, le quatrième rang en
terme d'investissement et le cinquième rang en terme d'exportation.
Le tissu industriel de la préfecture de Mohammedia, qui
brasse les cinq secteurs de l'industrie de transformation, se démarque
par une prépondérance de l'industrie mécanique,
métallurgique, électrique et électronique (IMME) avec 40%
du nombre d'unités productives assurant 30% des emplois industriels et
de l'industrie chimique et parachimique (ICP), qui s'accapare plus de 70% de la
production industrielle avec 30% des établissements et des emplois
manufacturiers.
D'emblé, Mohammedia peut prétendre à se
positionner dans les créneaux de haute technologie liés à
la mécanique de précision et à la sous-traitance
électronique dont elle dispose déjà d'un vrai savoir-faire
avéré dû à la présence d'entreprises locales
performantes, spécialisées dans ces métiers à fort
contenu technologique, et qui travaillent pour des secteurs de pointe tels que
l'automobile, le ferroviaire, l'aérospatial, le médical, la
défense, etc.
Ventilation des Effectifs par secteur
d'activités
nAA
13%
nMME
29%
nTC
28%
nCP
30%
nMME 37%
Ventilation du nombre d'unités par secteur
d'activités
nCP 27%
16%
nAA
20%
nTC
IMME 4%
IAA
22%
ITC 3%
Ventilation de la Production par
secteur d'activités
ICP 71%
Données de l'Exercice 2004
Secteur
|
Nombre d'unités
|
Exportations
en millier de dhs
|
Production
en millier de dhs
|
Investissements en millier de dhs
|
Valeur
Ajoutée
en millier de dhs
|
Effectif
|
IAA
|
36
|
316078
|
5942763
|
157223
|
3118337
|
1736
|
ITC
|
44
|
286190
|
679807
|
53734
|
228676
|
3816
|
ICP
|
59
|
3312570
|
19085519
|
694556
|
2201588
|
4085
|
IMME
|
80
|
154269
|
1200237
|
135333
|
428262
|
3952
|
Total
|
219
|
4069107
|
26908326
|
1040846
|
5976863
|
13589
|
Production industrielle par ville
31%
34%
4%
6%
4%
6%
15%
Casablanca Mohammedia El Jadida
Tanger-Assilah Settat Fès Autres villes
Exportations industrielles par ville
Casablanca Tanger-Assilah El Jadida
Safi Mohammedia Agadir Autres villes
25%
28%
5%
14%
8%
10%
10%
Valeur ajoutée industrielle par ville
32%
38%
4%
4%
5%
6% 11%
Casablanca Mohammedia Tanger-Assilah
Kénitra El Jadida Fès
Autres villes
Investissements industriels par ville
Casablanca Safi Nouacer
Mohammedia Tanger-Assilah Settat Autres villes
28%
22%
3%
18%
6%
8%
15%
Données de l'Exercice 2004
|
Mohammedia
|
National
|
Poids de Mohammedia au niveau national (en %)
|
Nombre d'unités
|
220
|
7800
|
3
|
Production
en million de dhs
|
27000
|
186000
|
15
|
Exportations
en million de dhs
|
4100
|
51000
|
8
|
Investissement en million de dhs
|
1100
|
13000
|
8
|
Nombre d'emplois
|
14000
|
500000
|
3
|
Valeur ajoutée en million de dhs
|
6000
|
57000
|
11
|
|