DEUXIEME PARTIE :
EVALUATION DE LA CAPACITE DE L'AIRE DE MOUVEMENT
Introduction
Les études de capacité portant sur l'aire de
mouvement servent, dans le cadre de la planification de l'infrastructure
aéroportuaire, à l'établissement des documents de
planification à long terme de l'aéroport (APPM) et permettent de
juger de l'opportunité de projets d'investissements à court et
moyen termes.
Dans cette partie, avant d'évaluer la capacité
de l'aire de mouvement, qui sera une sorte de synthèse, nous allons
d'abord évaluer la capacité de ses trois composantes à
savoir la piste, le réseau de voies de circulation et l'aire de
trafic.
Dans le premier chapitre, pour évaluer la
capacité de piste, nous allons élaborer une méthode
inspirée de celle du Dr. Antonio A. Trani d'une part et concevoir un
outil d'évaluation par simulation d'autre part. Pour l'aire de trafic,
nous allons bâtir un modèle s'appuyant sur la théorie de la
gestion des stocks (recherche opérationnelle). En ce qui est de la
composante, réseau de voies de circulation, nous allons proposer une
méthode basée sur la théorie des graphes (recherche
opérationnelle). Un deuxième chapitre présentera les
résultats obtenus après application de nos méthodes
à quelques cas dont celui de l'aéroport de Dakar ainsi que les
analyses et interprétations de ces résultats.
CHAPITRE 1: Présentation de la
méthodologie élaborée
d'évaluation de la capacité de l'aire de
mouvement
1.1 Introduction
Pour connaître le nombre de mouvements qui peut
être réalisé sur une aire de mouvement, il est
nécessaire de déterminer la capacité de celle-ci. La
capacité d'une aire de mouvement et de ses maillons est ainsi une
donnée capitale aussi bien pour le gestionnaire de la plate forme
aéroportuaire que pour les autorités compétentes en
matière d'aviation civile ou même les compagnies
aériennes.
Dans cette partie, nous allons d'abord évaluer la
capacité des composantes de l'aire de mouvement (pistes, voies de
circulation, aire de stationnement) avant d'en déduire celle de l'aire
de mouvement proprement dite. Deux approches seront prises à savoir :
- une approche par manipulation d'un modèle
mathématique ou approche analytique
- une approche par simulation (elle concerne uniquement la
piste).
1.2 Evaluation de la capacité de piste
La configuration de l'aéroport détermine le
taux de fréquentation de chaque catégorie d'avion. Les normes de
séparation entre les mouvements dépendent de leurs types et des
équipements existants. Aussi, la capacité de la piste est
différente dans chaque configuration.
Hypothèses :
- Nous supposons qu'à l'arrivée, les
aéronefs naissent à l'IAF au premier niveau d'attente.
L'aéronef commence son approche lorsqu'il n'y a aucun autre
aéronef en approche, sinon, il attend. Dans le cas où
l'aéronef commence son approche, il doit être tenu compte du fait
qu'au moment où il sera au verrou de piste, la piste soit libre.
- Nous supposons que le verrou de piste est au FAP.
- Les aéronefs au départ naissent au point
d'entrée piste. Ils ne peuvent pénétrer sur la piste que
lorsque simultanément :
- s'il n'y a aucun aéronef qui a passé le verrou
de piste en approche
- si l 'aéronef qui vient d'atterrir a
dépassé sa bretelle
- si l'aéronef au départ a
décollé.
Une fois sur la piste, l'avion au départ ne peut
commencer la course au décollage que si la piste est libre.
- Le décollage est effectif lorsque l'aéronef a
atteint la vitesse de sécurité au décollage V2.
- Les situations de dysfonctionnement (approches interrompues,
pannes, etc.) n'ont pas été intégrées dans le
modèle de calcul des capacités.
1.2.1 Modèle analytique
Pour déterminer la capacité de piste, posons :
ROT = temps d'occupation de la piste (runway occupancy time). Ce
temps est fonction des paramètres pertinents suivants :
- nature du trafic
- position et type de voies d'entrée/sortie
- état de la surface de la piste
- minima de séparation
Il sera traité d'abord les deux cas simples
d'utilisation d'une piste destinée uniquement au décollage d'une
part et uniquement à l'atterrissage d'autre part. Ensuite, il sera
traité le cas d'une piste banalisée (piste utilisée
à la fois au décollage et à l'atterrissage).
i) Piste utilisée
uniquement pour les décollages :
· Supposons d'abord que nous n'ayons qu'une seule
catégorie d'aéronefs qui fréquentent la plateforme. Alors,
posons :
- C la capacité (en nombre d'avions par heure),
- ROTd le temps d'occupation au départ (en seconde),
- min la séparation minimale entre deux
départs en secondes (due par exemple à la turbulence de
sillage)
Posons e = sup(ROT d , min).
Alors, le nombre d'aéronefs qu'on peut écouler par
unité
de temps est 1 . Si on exprime e en secondes, en une heure, on
peut en écouler : e
C 3600 =
e
· Lorsque la piste accueille n catégories
d'avions et que ceux-ci utilisent une seule entrée de piste avec bien
stir des ROTdi différents (ROTdi étant le ROTd pour un
avion de la catégorie i=1..n). En outre, désignons par Pi la
proportion de la catégorie i dans le trafic global.
Si min(i,j) est la séparation minimale imposée
entre deux départs consécutifs i et j. L'écart minimal (e)
retenu entre deux départs consécutifs est la moyenne
pondérée des eij tels que : eij=sup(ROTdi, min(i,j)), j
étant l'avion suiveur :
in =
|
j
|
=
|
n
|
e
|
=
|
??
|
P i j
|
·
|
e ij
|
i
|
= 1 1 j=
|
|
où Pij est la probabilité qu'un avion i
suive un avion j et vice versa (P ij = P ji
=P i × Pj).
On aboutit également à :
|
C 3600 =
e
|
|
· Mettons nous maintenant dans le cas où il
existe plusieurs entrées de piste, m au total. Supposons que chaque
avion i ait une probabilité Qil d'emprunter
l'entrée de piste l, (l=1. .m) et notons ROTd il le
ROTd de cet avion i lorsqu'il emprunte l'entrée
piste l. Alors le ROT di
pondéré de cette catégorie i d'avion est :
ROT d
lm=
= ? Q·ROT
i il
il d
l =1
On aboutit également à la formule finale :
C 3600
= avec ??
e P e
= ·
i j ij
e i=1 1
j=
in=jn =
ii) Piste utilisée
uniquement à l 'atterrissage :
· Considérons que l'aéroport est
fréquenté par une seule catégorie d'aéronefs et
qu'il existe une seule sortie de piste. Soient ROTa le temps
d'occupation de la piste à l'arrivée et min la séparation
minimale entre aéronefs à l'arrivée.
D
V
Notons T le temps que met l'avion entre l'IAF et le seuil de
piste. On a : T =
avec D=distance (IAF, seuil).
Posons e=sup (T, ROTa, min). Alors
|
C 3600 =
e
|
|
· Supposons maintenant que la plateforme soit
fréquentée par n catégories d'aéronefs avec une
unique sortie de piste.
Soient ROT a i le temps d'occupation de la piste pour
un avion de la catégorie i à l'atterrissage et min(i,j) la
séparation minimale en temps entre un avion de catégorie i et un
autre de catégorie j.
D
Notons Tj le temps que met l'avion suiveur pour aller de l'IAF
au seuil. On a
T=
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar11.png)
j V
j
La probabilité pour qu'un avion de catégorie i
suive un autre de catégorie j et vice
versa est P ij = P ji = P i ×
P j .
e ij
P i j
n n
En Posant eij=sup(Tj, min(i,j), ROTa i ), on
aura alors : ??
e=
i==
1 1 j
e
· Supposons ensuite qu'il existe plusieurs sorties
pistes (m au total), que la probabilité pour qu'un avion de
catégorie i emprunte la voie de sortie l est Qil et
que le temps d'occupation de la piste est ROTa il.
Alors le temps moyen pondéré d'occupation de la
lm=
piste par un avion de catégorie i est : i il
ROT a = ? Q· ROT
il a
l=1
Avec un raisonnement similaire aux cas précédents
on aboutit à :
|
C 3600 =
e
|
iii) Cas de piste
banalisée
Dans ce point, nous évaluerons la capacité d'une
piste utilisée à la fois au décollage et à
l'atterrissage.
On pose :
eaa : l'écart minimal en temps entre la fin d'une
arrivée et la fin d'une autre.
eda : l'écart minimal en temps entre la fin d'un
départ et la fin d'une arrivée.
ead : l'écart minimal en temps entre la fin d'une
arrivée et la fin d'un départ.
edd : l'écart minimal en temps entre les fins de
deux départs.
d(verrou,seuil) : la distance entre le verrou et le seuil de
piste
ead = ROTd - T twy -
seuil
Ttwy-seuil est le temps que
l'aéronef au départ mettra pour atteindre sa position
`aligné prêt'.
eROT=+
da aV
d Verrou seuil
(, )
app
Nous avons alors : eaa= ead +eda + z.edd
z = e aa - ead -
eda
edd
×
36002 (ceci revient à
pour Z>0. Si Z<0, c=
ead eda
+
E(Z) (partie entière de Z) est le nombre de départs
qu'il est possible d'insérer entre deux arrivées
consécutives.
Finalement : (())
c+
=36001 EZ
eaa
élargir l'intervalle de temps eaa pour
pouvoir introduire un départ, on aura ainsi
eaa=ead+eda )
ead et eda sont calculés en tenant compte de la
flotte qui fréquente le terrain. Ainsi pour
n m n m
deux types i, j nous aurons : = ??
ead
i
Pe
ij a i d j
j
et = ??
eda
i
P e où
ij d i a j
j
ea i d j et edi a j
sont respectivement les écarts minimaux entre une arrivée de
catégorie i et un départ de catégorie j et entre un
départ de catégorie i et une arrivée de catégorie
j.
iv) Calculs de ROTa et ROTd
Pour évaluer les temps d'occupation de piste ROT, il
existe deux principales approches :
- une approche empirique qui consiste à faire des
observations sur le trafic réel durant un intervalle de temps
donné.
- une approche théorique qui consiste à utiliser un
modèle mathématique de l'évolution des avions en approche
et au sol pour évaluer ces grandeurs.
Dans notre étude nous avons opté pour cette
deuxième approche.
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar12.png)
Figure 8:Rayon de virage à une sortie piste
A partir du schéma de la piste ci-dessus, on trouve un
rayon de virage :
/
tgT (
T
/ 2)
2)().( SinTtg
Modélisation
Pour calculer le ROTa et le ROTd, nous avons écrit un
algorithme qui tient compte de :
- La vitesse d'approche
- Les positions des voies de circulation
- Les vitesses de roulage sur la piste ainsi que les
accélérations et décélération
admissibles.
Nous avons muni le plan d'approche (plan vertical contenant
l'axe de piste) d'un repère dont l'origine est la projection du FAP au
sol, un axe vertical dirigé vers le haut et un deuxième axe
horizontal confondu à l'axe de piste. L'unité utilisée est
le mètre.
Les données utilisées pour les modèles
de décollage et d'atterrissage sont extraites du manuel de conception
d'aérodrome Doc9 157, 2ième partie intitulée
« voies de circulation, aires de trafic et plates-formes d'attente de
circulation », édition 2005.
Calcul de ROTa
- De l'IAF au point de toucher, la vitesse utilisée est
Vapp (vitesse d'approche) qui est égale à 1,3 fois
Vdec (vitesse de décrochage). Le temps correspondant est
alors
L
t = où Lapp est la distance
de l'IAF au seuil.
app
appV
app
Posons S1 l'abscisse du point de toucher.
- Après le toucher, l'aéronef roule pendant 15
secondes avant de commencer à freiner à une vitesse Vsf
telle que :
V sf = V app - 2,72m /s, vitesses en m /s
Soit S2 l'abscisse atteinte après ces 15 secondes.
- Calcul de la décélération (Dec) qu'il
faut pour avoir la vitesse Vx requise au point de sortie E(i) :
> Si la décélération Dec < 1
,5m/s2, alors la sortie E(i) sera prise. On
-
calcule alors le temps de roulage correspondant :
tsfx
VV
= où
r Dec
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar13.png)
V x = R·a n avec :
'
bb ( d i ) llé f i d
l' l
/
T (angle entre la piste et la voie de circulation) et de la demie
largeur (b) de la piste.
. an étant l'accélération latérale
admissible au sol ; an=0,133g, g est l'accélération
de la pesanteur.
Ce qui nous conduit à :
ROT a =15secondes+t
r
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar14.png)
Figure 9:L 'aéronef gagne directement la bretelle de
sortie (DGAC, France)
> Sinon (cas où Dec = 1,5m/s2)
l'aéronef va décélérer jusqu'à 15Kt, ensuite
rouler jusqu'en bout de piste où il fera un demi tour sur la raquette
durant 50S à 60S (DGAC France) et revenir vers un point de sortie
à la vitesse de 1 5Kt .
Ce qui nous conduit à :
ROTa ondes tr ondes tr
= + + +
15sec1 60sec2
tr1 temps pour rouler jusqu'en bout de piste et tr2 temps pour
rouler du bout de piste à la sortie.
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar15.png)
Figure 10: L 'aéronef roule jusqu 'en bout de piste,
fait un 1/2tour avant de dégager (DGAC, France)
N.B :
Le positionnement des bretelles de sortie est très
important pour minimiser la ROTa. La localisation d'une bretelle devrait
permettre de minimiser le temps de roulage pour gagner la bretelle de sortie.
Par ailleurs, l'angle que fait la bretelle de sortie avec la piste et notamment
l'utilisation de sortie rapide permettent de :
- diminuer la distance d'atterrissage,
- diminuer le temps de roulage de sortie en raison d'une vitesse
de sortie plus élevée. Ces recommandations dépendent de
l'infrastructure, et notamment de la distance entre piste et voies de
circulation qui doit être suffisante pour permettre aux avions de
décélérer.
D'un point de vue opérationnel, lorsque
l'infrastructure ne peut évoluer mais que les sorties sont relativement
bien placées, il est nécessaire d'émettre des
recommandations aux pilotes afin qu'ils utilisent la sortie la mieux
adaptée aux performances de leurs avions. Ainsi, en diminuant la
distance d'atterrissage et le temps de roulage pour gagner la bretelle de
sortie, ils contribuent à diminuer la ROTa.
è Calcul de ROTd
L'accélération au décollage Acc
est calculée en tenant compte de la distance au décollage
Ddec et de la V2 :
2
V2
A cc D
2· dec
Après l'instruction de pénétrer la piste,
l'aéronef roule et pénètre la piste : > il commence le
décollage si la distance est suffisante et on a :
ROT 2 V
=
d A
cc
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar16.png)
Figure 11 :L 'aéronef décolle de la bretelle
(DGAC, France)
> Si la distance n'est pas suffisante, il remonte jusqu'en
bout de piste ; on aura alors :
V
ROT tondes 2
= + 60sec+
d r A
cc
où tr est le temps pour rouler jusqu'en bout de piste
![](methodologie-evaluation-aire-mouvement-gestion-auto-aire-traffic-aeroport-dakar17.png)
Figure 12:Le départ remonte la piste avant de
décoller (DGA C, France)
N.B :
Le positionnement des bretelles d'entrée sur une piste
est très important. La localisation d'une bretelle devrait permettre aux
avions d'éviter de faire de demi-tour pour l'alignement. Dans le cas
où les demi-tours sont inévitables, il faut positionner une
raquette de retournement à une distance suffisante pour permettre les
décollages, mais suffisamment proche du seuil afin de diminuer le temps
de roulage.
La construction d'une voie de circulation parallèle
à la piste permet d'optimiser les séquences d'avions au
départ.
De même, d'un point de vue opérationnel, lorsque
l'infrastructure ne peut pas évoluer mais que les bretelles sont
relativement bien placées, l'augmentation de la capacité
technique au départ résulte de l'amélioration des
procédures aériennes. Il est aussi possible d'émettre des
recommandations aux pilotes en vue de diminuer les temps de réactions
aux clairances d'alignement et de décollage. En effet, les temps de
réaction des pilotes peuvent augmenter les ROTd au décollage dans
le cas d'une attention détournée (check list...). Ces temps de
réaction peuvent être élevés. Pour les
aéroports saturés où la capacité doit être
maximale, chaque seconde gagnée de ROTd est importante. Par exemple,
Eurocontrol développe actuellement un programme de mesure de ces temps
de réaction afin de donner des instructions pour les diminuer. Cette
organisation a ainsi édité un guide et un manuel d'augmentation
de la capacité.
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