Section 2 : ANALYSE DES RESULTATS
Globalement, sur la période 1996-2000, plusieurs
variables du modèle ont les signes att endus à l'exception du
Produit intérieur brut par tête qui est négatif et non
significatif. Ainsi une variation de 1% du produit intérieur brut (PIB)
accroît les exportations d'environ 1,4%.
Comme attendu, les exportations décroissent avec les
coûts de transport. Le coefficient de la variable (Distij) a le signe
attendu et est significatif. La distance est un facteur statique qui est ici
utilisée comme Proxy pour tenir compte de l'effet des coûts de
transport et autres coûts de transaction. Le coefficient
associé à cette variable est négatif et
statistiquement significatif. Il indique que le commerce
bilatéral décroît de façon plus que proportionnelle
par rapport à la distance en d'autres termes une variation de la
distance entre les pays partenaires de 1% entraîne une baisse des
exportations de l'ordre de 2,04%.
En ce qui concerne la variable UEMOA (Umij) pour
l'intégration régionale, elle affecte positivement les
échanges à l'intérieur de la sous-région. En effet,
toute chose étant égale part ailleurs, les pays de l'UEMOA
tendent à échanger environ 13,33 fois [exp. (2,59)] plus par
rapport à des pays qui ne sont pas membres de l'organisation
sous-régionale au cours de la période qui est prise en compte.
Ce signe positif est celui théoriquement att endu car,
l'un des principaux objectifs de l'UEMOA, comme celui de la plupart des
organisations d'intégration régionale, est de favoriser les
échanges commerciaux entre les pays membres. Par conséquent, un
signe négatif serait contraire à la théorie sur les
préférences régionales et les unions douanières.
La hausse des flux commerciaux peut être un simple
détournement de trafics, au lieu d'une création de commerce.
L'examen du signe de la variable UEMOA-Monde (UmMij) permet de savoir si
l'UEMOA a permis une création de commerce ou un simple
détournement des échanges au détriment des partenaires
commerciaux extérieurs à l'union.
A propos de UmMij, destinée à capter le
détournement des échanges, elle a le signe attendu mais elle
n'est pas significative. Il apparaît alors que l'effet net de l'UEMOA
pour cette période sur les échanges intra-communautaires
après les réformes est positif.
Les estimations révèlent aussi que le poids de
l'histoire joue dans la détermination de la direction des flux
commerciaux. En effet, toute chose égale par ailleurs, des pays qui ont
une langue commune tendent à échanger environ 2,96 fois plus
[exp. (1,084)], par rapport à des pays qui n'ont pas de langue commune.
Contrairement à la variable langue commune, la frontière commune
« Frij » a le signe positif attendu mais n'est pas statistiquement
significatif. La contiguïté des Etats de l'union a un effet
positif, sans plus, sur les échanges commerciaux au cours de la
période qui est prise en compte. L'enclavement des partenaires
commerciaux « pays sans façade maritime » a le signe attendu
et est très significatif (au seuil de 1%).
En somme, les résultats de la sous-période
1996-2000 montrent que l'UEMOA favorise les échanges
intra-communautaires. Ce constat est proche des conclusions de
Gbetnkom et Avom (2005) selon lesquelles l'effet net de l'UEMOA
sur les échanges intracommunautaires après les réformes
est positif pour la sous-période 1996-2000. En plus, ce résultat
confirme les conclusions de Foroutan et Pritchett (1993) sur les raisons de
l'échec des regroupements régionaux en Afrique Subsaharienne.
Enfin, il confirme aussi notre hypothèse de départ selon laquelle
la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires accroît
le commerce interne dans un groupement.
Le deuxième compartiment du tableau n°3
présente les résultats des régressions pour 2001-2005.
Cette période est destinée à capter l'effet de l'union
douanière sur le commerce intra-communautaire objet de notre
étude.
Les coefficients des variables traditionnelles du
modèle de gravité ont tous les signes attendus et sont
statistiquement significatifs à l'exception du PIB et de la langue qui
ne le sont pas au seuil retenu pour l'analyse.
Le Produit intérieur brut par tête (PIBT) est
positif et est significatif au seuil de 1% ce qui traduit que tout
accroissement du pouvoir d'achat des consommateurs telle que mesuré par
le PIBT augmente les exportations.
L'effet des barrières naturelles sur le commerce est
négatif comme prédit. Les échanges communautaires de la
zone décroissent avec l'augmentation de la distance. Cette variable est
significative à 1% comme à la première période. De
même, l'enclavement affecte négativement les échanges
communautaires comme prédits. Cette variable « Sans-FM »
muette est encore significative à 1%.
De ce qui précède, on peut dire que la distance
et l'enclavement des partenaires commerciaux dans l'UEMOA sont donc des
facteurs déterminants de l'accroissement de leurs échanges. Ce
résultat interpelle les pays de l'union qui doivent d'une part
améliorer les réseaux de transports internes et, d'autre part,
développer le réseau international, dans le cadre des politiques
sectoriels de l'UEMOA, pour se connecter au Burkina Faso, au Mali et au Niger
qui sont dépourvus de façades maritimes.
Le coefficient positif et statistiquement significatif
associé à la variable « Frij » indique que toute chose
égale par ailleurs, des pays « adjacents » tendent à
échanger environ 14,8 1 [exp. (2,68)] plus par rapport à des pays
qui n'ont aucune frontière commune.
A propos de la variable UEMOA (Umij) destinée à
capter l'impact de l'harmonisation douanière sur le commerce, qui est
l'une de nos variables d'intérêt, elle est touj ours
significative. Ce qui montre que l'instauration du Tarif extérieur
commun (TEC) qui est la réforme majeure de cette période a un
impact positif sur le commerce des pays membres. En
effet, toute chose étant égale par ailleurs, le
niveau du commerce des pays membres a augmenté de 11,08 fois [exp.
(2,405)].
Pour ce qui est de l'autre variable d'intérêt la
variable « UmMij » destinée à capter le
détournement des échanges, elle a le signe attendu mais
contrairement à la première période elle est significative
pour cette période. De ce résultat, on peut conclure que l'UEMOA
induit un détournement vers le commerce intra-communautaire en
détériorant les conditions d'échanges commerciaux avec
l'extérieur au cours de la période qui est prise en compte pour
l'analyse.
En fait, la définition même du TEC mis en place
explique ce résultat : une des composantes de ce TEC étant
laissée à l'appréciation des juridictions nationales, les
pays l'ont utilisée pour se compenser des pertes de revenu tarifaires
dues à l'harmonisation des autres droits de douane et pour assurer
à leur industrie une protection minimale. Par conséquent, le TEC
n'était plus le même selon les pays et souvent celui-ci
était plus élevé que les anciens droits appliqués
aux pays tiers, ce qui a favorisé l'apparition et l'augmentation du
DC.
De plus, ce DC peut s'expliquer aussi par le fait que le TEC
de l'UEMOA est une création artificielle. En ce sens que, la mise en
place du TEC qui marque le passage à l'union douanière doit
être précédée par le désarmement douanier
total entre les pays membres et pour tous les types de produits ; autrement dit
par l'avènement préalable d'une zone de libre échange ;
or, rien de tel dans l'UEMOA, où les produits industriels non
agréés sont toujours soumis aux droits de douane. Ensuite, dans
un ensemble économique, le TEC s'obtient en faisant la moyenne des
tarifs des pays membres1 ; dans l'UEMOA, le Fond Monétaire
International (FMI) a procédé à une simple harmonisation
tarifaire, ce qui fait que le taux maximum des droits de porte est
ramené de 65% à 22%. La forte baisse du taux de protection
extérieure qui en résulte ne bénéficie qu'aux
multinationales qui exportent sur le marché.
Ce résultat sur le TEC est également
observé par Decaluwé et al. (1998). Leurs simulations
ont révélé la présence de DC lors de la mise en
place d'une union douanière entre les pays de l'UEMOA.
1 Dans la communauté économique européenne,
le TEC avait été obtenu en 1968 en faisant la moyenne
arithmétique entre le taux le plus élevé (celui de la
France) et le taux le plus bas (celui de l'Allemagne). La
France
ainsi défavorisée,
devrait trouver compensation dans la
politique agricole commune.
En outre, ce résultat en dehors de la mise en
évidence de la mauvaise application des mesures (application non
uniforme : exonérations, régime d'incitations, favorisant
potentiellement des entorses au régime TEC et mauvais maîtrise des
règles d'origine...) vient renforcer l'idée de Boungou Bazika
(2001) et Békolo-Ebé (2001) que l'échec de
l'intégration africaine est le caractère externe de la dynamique
de ce processus. En effet, le processus de
l'intégration régionale a souvent montré
qu'il était suscité de l'extérieur, par les grandes
puissances et non de l'intérieur par les Etats africains
eux-mêmes. Ainsi le processus d'intégration régionale court
ainsi le risque d'échapper au contrôle des acteurs, les africains
eux-mêmes, les premiers concernés. Il risque de ne pas
correspondre aux contraintes historiques, politiques, économiques et
culturelles des sociétés qui sont sensées être
intégrées.
A l'analyse des résultats, nous pouvons conclure dans
l'ensemble que la régression a favorablement répondu aux attentes
théoriques concernant les effets des variables utilisées dans
notre modèle. L'on a pu avoir une idée nette de quelques
déterminants du commerce intra-UEMOA après l'harmonisation
douanière.
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