ORGANISME INTER-ETATS REPUBLIQUE DU CAMEROUN
Université de Yaoundé
II (SOA)
INSTITUT DE FORMATION ET DE RECHERCHE
DEMOGRAPHIQUES (I.F.O.R.D)
27ème PROMOTION (2005-2007)
DETERMINANTS DES DISPARITES ENTRE SEXES EN
MATIERE DE SCOLARISATION AU TCHAD
MEMOIRE DE FIN D'E TUDES
En vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes
Supérieures et Spécialisées en
Démographie (DESSD)
Option : Collecte et Analyse des
données
Présenté et
Soutenu par: MATCHOKE Tchouaféné Vounki
Sous la direction de :
Dr. PARFAIT M. ELOUNDOU-ENYEGUE (Directeur) Dr. HELENE KAMDEM
(Lecteur)
Yaoundé, Juillet 2007
A Lci vvtévvtoire ote vvtovt fr~re MATaH-OK~
Kcicibé4ovtgebbe ;
A Lci vvtévvtoire ote vvtci scecr
MATaH-OK~ ~oziLbé;
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vvt~re
-
yAN4tN4~~ Zipporci.
'TDé~~cace
~E!ME~CIE!MEJ\rT~
La présente étude sur (es déterminants
des disparités entre sexes en matière de sco(arisation au Tcliada
été menée a bonne fin grace au concours de p(usieurs
personnes et institutions. Qu 'i( nous soit permis de (eur adresser notre
reconnaissance.
J\ros vifs remerciements s'adressent a 'Dr. (Parfait !M. *
E.COt)J\r'DOt) ,
EJ\r+Egt)Enotre directeur de mémoire, qui n'a
ménagé aucun effort pour ('encadrement de ce travai(.
J\rous tenons a remercier notre (ectrice 'Dr. 7(J4!M'DE!M
Jfé(~ne dont (es consei(s ont servi a amé(iorer (e travai(, 'Dr.
Jean WJ47(J4!M pour avoir aider a jeter (es bases de cet encadrement sans
oub(ier (e personne(enseignant de ('IfFO~'D.
J\ros remerciements vont a ('endroit des condiscip(es de (a
27e promotion dont (a co((aboration a été d'un
avantage incontestab(e pour (a réa(isation de ce travai(.
J\rotre profonde gratitude va a ('endroit du gouvernement
tcliadien a travers ('t)J\rfF(PJ4 pour (efinancement de notre étude a
('IfFO~'D.
J\ros liommages s'adressent a notre pere !MJ4TCJfO7(E
(Pafingn, a notre mere ,OJ\r+EJ\rE !Massingfa, a notre frere et ami 'DJ4Ot)
fFo&a pour tant de sacrifices; a notre épouse 'DOt)ZJ4J\rE Oua&a
et notre fiston 'DJOJ\r+J4cBE Cliance(in pour tant de privations; nos
frères et amis !MJ4TCJfO7(E Lissouba, !MJ4TCJfO7(E +alira, !MJ4TCJfO7(E
'Doubané, (PJ4fFIJ\rg sOcB'DIcBE, TCJfIJ\rZOt)!McBE (Paliimi sans
oub(ier (esfami((es cBJ4I'DY(Pafing, Ot)J47(J4 Tongba, !McBOt)~IJ\rg !Mbali,
cBIJ47(J4 Tedang.
qxES SIj£ESE'P£IS'PE );~ElI)'PIO~S
ACDI : Action Canadienne pour le
Développement Industriel.
BCR : Bureau Central de Recensement. BET
: Borkou Ennedi Tibesti.
CFA : Centre de Formation et d'Apprentissage
CFC : Centre de Formation Continue CM : Chef
de ménage.
CNC : Centre national de Curricula. CNS
: Conférence Nationale Souveraine.
DCAP : Direction de la Coordination des
Activités en matière de Population.
DDEN : Délégation
Départementale de l'Education Nationale.
EDS (DHS) : Enquête Démographique
et de Santé (Demographic and Health Surveys). ENI :
Ecole Normale des Instituteurs.
EPT : Education Pour Tous.
EVF/EMP : Education à la Vie Familiale/
Education en Matière de Population.
IEB : Inspection de l'Enseignement de Base.
IESG : Inspection de l'Enseignement Secondaire
Général.
ISESCO : Organisation Islamique pour
l'Education, les Sciences et la Culture
MEN : Ministère de l'Education
Nationale.
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement.
ONU : Organisation des Nations Unies.
ONUSIDA : Programme commun des Nations Unies sur
le VIH/SIDA.
PARSET : Projet d'Appui à la
réforme du Secteur de l'Education au Tchad.
PIB : Produit Intérieur Brut.
RGPH : Recensement Général de la
Population et de l'Habitat.
RT : République du Tchad.
SA : Secteur d'Alphabétisation.
SIDA : Syndrome Immuno Déficience
Acquise.
SNRP : Stratégie Nationale de
Réduction de la Pauvreté.
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture. VIH: Virus de
l'Immunodéficience Humaine.
!DES
T4cBLE94TIERES
RE9ERCIE9EWTS III
!DES SIgLES ET IV 4cBRE'r.I4TIOWSLISTE
!DESLISTET4cBLE4)X !DES
LISTE 5Ig'uRES
RES)9E
4cBSTR4CT
V
IX . XII
XIII
XIV
!DES . T4cBLE 94TIERES
EIWTRp!D)CTIOW gEWER4L 2
ICOWTEXE !DE L 'ETV!DE C/4PITRE PRESEWT4TIOW!DQ) ,: TC/4!D.
7
1.1 CARACTERISTIQUES GEOGRAPHIQUES ET ADMINISTRATIVES 7
1.2 CARACTERISTIQUES SOCIO DEMOGRAPHIQUES ET ECONOMIQUES
10 1.3 CARACTERISTIQUES CULTURELLES : LA SITUATION DE LA FEMME
TCHADIENNE 12
1.4 CARACTERISTIQUES HISTORIQUES 14
1.5 ORGANIGRAMME DU SYSTEME EDUCATIF TCHADIEN 15
1.6 ORIENTATIONS DU SYSTEME 16
II
C/4PITRE C4!DT/EORIQQE ETRE'r.k,: !DEL4
ERELITTER4TORE18
2.1 CADRE THEORIQUE 18
2.1.1 L'offre scolaire 19
2.1.2 La demande scolaire 20
2.1.2.1 Facteurs socioculturels 20
a) Statut de la femme 20
b) Religion 21
c) Ethnie 22
2.1.2.2 Caractéristiques individuelles et familiales
24
a) Niveau d'instruction du chef de ménage 24
b) Statut familial de l'enfant 25
c) Milieu et région de résidence 26
d) Genre 27
2.1.2.3 Contraintes et motivations économiques 29
a) Activité économique du chef de ménage
29
b) Niveau de vie du ménage 30
c) Travail des enfants 31
2.1.2.4 Facteurs sociodémographiques 32
a) Structure par âge et sexe du ménage 32
b) La taille du ménage 33
c) Le sexe du chef de ménage 34
2.2 HYPOTHESES ET SCHEMA CONCEPTUEL 35
2.2.1 Hypothèse Générale : 35
2.2.2 Schéma conceptuel 36
2.2.3 Hypothèses Spécifiques: 37
2.2.4 Définition des concepts 37
III1YPE~2Y : ~J(1PI2PE 9E2J(ODOLOgIQQEY 39
3.1 SOURCES DES DONNEES UTILISEES 39
3.2 EVALUATION DE LA QUALITE DES DONNEES 40
3.2.1 Qualité des données sur l'âge
41
3.2.1.1 Qualité des données sur l'âge de
l'ensemble de la population enquêtée. 41
a) Rapport de masculinité 42
b) Indice Combiné des Nations Unies 42
c) Indice de Whipple 43
3.2.1.2 Qualité des données sur l'âge des
personnes de 6 à 24 ans. 44
a) Rapports de masculinité 44
b) Evaluation graphique 45
3.2.1.3 Qualité des données sur l'âge des
chefs de ménage 46
3.2.2 Taux de réponses 47
3.2.3 Biais lié à la méthodologie de la
collecte 48
3.3 MESURE DES VARIABLES 50
3.3.1 Présentation des Variables de l'étude
50
3.3.1.1 Variable dépendante 50
3.3.1.2 Variables explicatives et/ou de contrôle 50
3.4 METHODES D'ANALYSE 54
I'(1J4WJ4L+SE
: ~I55EREWTI C/J4PITRE ELLE IYES DISPJ4RITES EWTRE SEXES
EW ~E
MJ4TIERE SCOLJ4RISJ4J4'U 56 TC/J4!DTIOW
4.1 VARIATION DIFFERENTIELLE DE LA SCOLARISATION SELON LES
CARACTERISTIQUES DES ENFANTS 56
4.1.1 Scolarisation différentielle selon le sexe et l
'âge de l 'enfant 56
4.1.2 Scolarisation différentielle selon le lien de
parenté avec le chef de ménage 58 4.2 VARIATION
DIFFERENTIELLE DE LA SCOLARISATION SELON LE MILIEU ET
LA REGION DE RESIDENCE 59
4.2.1 Scolarisation différentielle selon le milieu de
résidence 60
4.2.2 Scolarisation différentielle selon la
région de résidence 62 4.3 VARIATION DIFFERENTIELLE DE LA
SCOLARISATION SELON LES
CARACTERISTIQUES DES CHEFS DE MENAGE 64
4.3.1 Scolarisation différentielle selon l 'âge
du chef de ménage 64
4.3.2 Scolarisation différentielle selon le sexe du
chef de ménage 66
4.3.3 Scolarisation différentielle selon le niveau
d'étude du chef de ménage 67 4.4 VARIATION DIFFERENTIELLE
DE LA SCOLARISATION SELON LES
CARACTERISTIQUES DU MENAGE 69
4.4.1 Scolarisation différentielle selon le niveau de
vie du ménage 69
4.4.2 Scolarisation différentielle selon la taille du
ménage 71
4.4.3 Scolarisation différentielle selon la survie
des parents 73
C/J4q'ITRE '(1
|
ESSJ4I 'IqyEWTIFICJ4qyES !YETERMIWJ4WT :
ES ISPJ4RITES SEWTTIOWRE
|
EWMJ4TIERE~EJ4'U J4D
SCOLJ4RISJ4TIOWSEXESTC/75
5.1 VUE D'ENSEMBLE 76
5.1.1 Inégalités entre enfants de 6-14 ans
76
5.1.2 Inégalités entre enfants de 15-24 ans
79
5.2 DIFFERENCE SELON LE MILIEU DE RESIDENCE 82
5.3 DIFFERENCE SELON LE NIVEAU DE VIE DU MENAGE 84
5.4 DIFFERENCE SELON LE NIVEAU D 'INSTRUCTION DU CHEF MENAGE
86
5.5 DIFFERENCE SELON LE SEXE DU CHEF MENAGE 89
5.6 DIFFERENCE SELON LA REGION DE RESIDENCE 90
ETCOWCL'USIOWSYWT/ESE,EWERJ4LE 92
. J4WWEXE96
~E5E~E7SVEs cBIcBLIOg~1PJfIQ)Es 98
LIsTi xis T1cBLi1VX
TABLEAU 3.1 : RAPPORT DE MASCULINITE PAR GROUPE D'AGES A
L'EDS-II (TCHAD) 42
TABLEAU 3.2 : INDICES DE WHIPPLE 43
TABLEAU 3.3 : RAPPORT DE MASCULINITE PAR AGE DES ENFANTS
DE 6 A 24 ANS A L'EDS-II (TCHAD). 44
TABLEAU 3.4 : TAUX DE REPONSES SELON LES VARIABLES
UTILISEES DANS L'ETUDE 48
TABLEAU 3.5 : LISTE DES VARIABLES ET MODALITES
53
TABLEAU 4.1 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION PAR
SEXE ET INDICES DE PARITE DES TAUX IPT (G/F) SELON LES TRANCHES D'AGES A L'ED
S-II (2004) 57
TABLEAU 4.2 : TAUX DE SCOLARISATION DES FILLES ET DES
GARÇONS ET INDICES DE PARITE IPT (G/F) PAR TRANCHE D'AGES SELON LE LIEN
DE PARENTE AVEC LE CHEF DE MENAGE A L'EDS-II (2004) 59
TABLEAU 4.3 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION DES
FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON LE MILIEU DE RESIDENCE ET
INDICES DE PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004) 61
TABLEAU 4.4 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION DES
FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON LA REGION DE RESIDENCE ET
INDICES DE PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004) 63
TABLEAU 4.5 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION DES
FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHES D'AGES DU CHEF DE MENAGE ET INDICES DE
PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004) 65
TABLEAU 4.6 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION DES
FILLES ET GARÇONS PAR SEXE DU CHEF DE MENAGE ET INDICES DE PARITE DES
TAUX IPT (G/F) SELON LES TRANCHES D'AGES A L'EDS-II (2004). 66
TABLEAU 4.7 : VARIATION DES TAUX DE SCOLARISATION DES
FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON NIVEAU D'ETUDE DU CHEF DE
MENAGE ET INDICES DE PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004).
68
TABLEAU 4.8: TAUX DE SCOLARISATION DES FILLES ET
GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON NIVEAU DE VIE DU MENAGE ET INDICES DE
PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004). 70
TABLEAU 4.9: TAUX DE SCOLARISATION DES FILLES ET
GARÇONS ET INDICES DE PARITE DES TAUX IPT (G/F) PAR TRANCHE D'AGES SELON
LA TAILLE DU MENAGE A L'EDS-II (2004). 72
TABLEAU 4.10: TAUX DE SCOLARISATION DES FILLES ET
GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON LA SURVIE DES PARENTS ET INDICES DE
PARITE DES TAUX IPT (G/F) A L'EDS-II (2004). 73
TABLEAU 5.1 : RAPPORT DE CHANCES DE FREQUENTATION
SCOLAIRE DES ENFANTS DE 6-14 ANS SELON LES CARACTERISTIQUES DE L'ENFANT, DE SON
ENVIRONNEMENT ET DU CHEF DE MENAGE (TCHAD 2004). 78
TABLEAU 5.2 : RAPPORT DE CHANCES DE FREQUENTATION
SCOLAIRE DES ENFANTS DE 15-24 ANS SELON LES CARACTERISTIQUES DE L'ENFANT, DE
SON ENVIRONNEMENT, DU CHEF DE MENAGE (TCHAD 2004) 81
TABLEAU 5.3 : SOUS-SCOLARISATION FEMININE PARMI LES
ENFANTS DE 6- 14 ANS ET 15-24 ANS, SELON LE MILIEU DE RESIDENCE. 84
TABLEAU 5.4 : SOUS-FREQUENTATION FEMININE PARMI LES
ENFANTS DE 6- 14 ANS ET 15-24 ANS, SELON LE NIVEAU DE VIE DU MENAGE
86
TABLEAU 5.5 : SOUS-SCOLARISATION FEMININE PARMI LES
ENFANTS DE 6- 14 ANS ET 15-24 ANS, SELON LE NIVEAU D'INSTRUCTION DU CHEF DE
MENAGE. 88
TABLEAU 5.6 : SOUS-SCOLARISATION FEMININE PARMI LES
ENFANTS DE 6- 14 ANS ET 15-24 ANS, SELON LE SEXE DU CHEF DE MENAGE.
90
TABLEAU 5.7 : SOUS-SCOLARISATION FEMININE PARMI LES
ENFANTS DE 6- 14 ANS ET 15-24 ANS, SELON LA REGION DE RESIDENCE. 91
TABLEAU A.1 : EFFECTIFS AYANT SERVI AU CALCUL DES TAUX DE
SCOLARISATION DES FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES 96
TABLEAU A.2 : EFFECTIFS AYANT SERVI AU CALCUL DES TAUX DE
SCOLARISATION DES FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON LE SEXE DU
CHEF DE MENAGE 96
TABLEAU A.3 : EFFECTIFS AYANT SERVI AU CALCUL DES TAUX DE
SCOLARISATION DES FILLES ET GARÇONS PAR TRANCHE D'AGES SELON LES
VARIABLES DE CONTROLE 97
qxEs
£is~E Fig'U~Es
FIGURE1.1: CARTE ADMINISTRATIVE DU TCHAD 9
FIGURE 3.1 : REPARTITION DES EFFECTIFS DES FILLES ET
GARÇONS DE 6-24 ANS PAR AGE A L'EDS-II 45
FIGURE 3.2: TAUX DE SCOLARISATION (%) PAR AGE DES ENFANTS
DE 6-24 ANS A L'EDS-II 46
FIGURE 3.3 : REPARTITION DES EFFECTIFS DES FEMMES ET
HOMMES CHEFS DE MENAGE PAR GROUPES D'AGES QUINQUENNAUX A L'EDS-II ...
46
FIGURE 4.1 : TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS PAR SEXE
SELON LES TRANCHES D'AGES 58
FIGURE 4.2: TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE 6-14 ANS
ET 15-24 ANS PAR SEXE ET SELON LE MILIEU DE RESIDENCE 62
FIGURE 4.3: TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE 6-14 ANS
ET 15-24 ANS PAR TRANCHE D'AGES ET PAR SEXE SELON LA REGION DE RESIDENCE
64
FIGURE 4.4: TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE 6-14 ANS
ET 15-24 ANS PAR SEXE ET SELON LE NIVEAU D'ETUDE DU CHEF DE MENAGE
69
FIGURE 4.5: TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE 6-14 ANS
ET 15-24 ANS PAR SEXE SELON LE NIVEAU DE VIE DES MENAGES 71
~~SQ)94~
Cette étude examine les déterminants des
disparités entre sexes en matière de scolarisation au Tchad. Elle
vise à une meilleure compréhension des connaissances des
inégalités scolaires entre filles et garçons notamment en
explorant la variation de celles-ci au sein de plusieurs groupes
socioéconomiques définis par la résidence, l'instruction,
le sexe et l'âge, le lien de parenté, la survie des parents etc.
Le Tchad est particulièrement intéressant comme cadre
d'étude en ce sens qu'elle pourrait bénéficier de la manne
pétrolière pour résoudre ses multiples problèmes
dont celui des inégalités scolaires entre filles et
garçons.
L'hypothèse majeure est que les différences de
scolarisation seraient plus prononcées chez les groupes
vulnérables notamment les ruraux, les pauvres, les moins instruits, les
habitants des régions précaires, etc.
Nous faisons cette étude à partir des
données de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS)
du Tchad réalisée en 2004. Nous procéderons à une
analyse bivariée et une multivariée.
Les résultats auxquels nous sommes parvenus confirment
dans l'ensemble les hypothèses émises sauf dans le cas de la
région de résidence. L'étude souligne en particulier que
les différences entre sexes sont particulièrement fortes chez les
pauvres. Il découle de tout ce qui précède que les
politiques appropriées doivent être entreprises pour
résoudre ces problèmes dans les zones rurales par
l'amélioration de l'offre et des conditions de vie des pauvres.
flBSTRfl CT
This study investigates the levels and determinants of gender
inequalities in schooling in Chad. It advance previous research by exploring
variation in gender inequality among different groups defined by residence and
several characteristics of the household and household head. Chad is a
particular interesting case study because current oil revenues could be used to
support appropriate policies to solve several social problems including gender
inequality in schooling. The main hypothesis is that these gender differencies
are more severe among vulnerable group, such as rural, poor and ineducater
household, as well as residents of underprivileged regions.
Our study uses data from Demographic and Health Surveys (DHS) in
2004 in Chad. We apply bivariate and multivariate statistical analyses to test
our hypotheses. Our results generally support the main hypothesis, except in
the case of region. The study finds paticulary large sex-related difference
among rural and poor households. Based on results, we recommend policies to
improve the supply of schools in rural settings and subsidize the costs of
education for the poor.
~~~ (~)~~~(~ ,~~~?flL~
« Après la mise au monde, il reste l
'éducation. Vivre c 'est persévérer dans son être.
Et pour une société donnée, c 'est par l 'éducation
qu 'elle se perpétue dans son être physique et social. Il s 'agit
d'un accouchement collectif qui prolonge l 'enfantement biologique individuel
»
(Ki-zerbo, 1990, p.15)
L'éducation constitue l'un des attributs les plus
importants de la population car elle détermine pratiquement tous les
aspects de la vie des individus. Elle est à la fois un moteur de
développement économique et un facteur de socialisation et de
modernisation. Pour certains, la scolarisation est source de richesse
économique (Lange, 1993 cité par DABSOU, 2001). D'autres la
considèrent comme source de pouvoir et de liberté, d'autres
encore comme un choix judicieux en vue d'échapper à la
pauvreté, à la marginalisation et à la mauvaise
santé (ACDI, 2001). D'autres enfin la considèrent comme un moyen
d'accès au savoir, au savoir être et au savoir-faire.
L'instruction acquise à travers la scolarisation est l'un des outils
indispensables au bien-être des personnes et au développement
socioéconomique et culturel d'un pays. L'éducation peut
être aussi une puissante arme pour combattre les grands maux tels que les
guerres, les épidémies, la pandémie du VIH/SIDA dont
souffre l'humanité actuelle, elle est un facteur d'accroissement du
capital humain et par conséquent elle permet d'augmenter les
capacités de production des travailleurs.
L'éducation des filles et mères, en particulier,
présente des avantages sociaux et économiques incommensurables.
En effet, les mères (filles d'aujourd'hui) éduquées ont
une plus forte propension à adopter de bons comportements et attitudes
en matière de santé et de nutrition que celles qui ne le sont
pas. Une longue exposition des filles à la scolarisation augmente leur
âge d'entrée en union, réduit leur nombre moyen d'enfants
en fin de vie reproductive et prédispose à l'utilisation des
moyens contraceptifs modernes; et ces mères éduquées
scolariseront convenablement leurs propres filles. Certains auteurs vont plus
loin dans leur argumentation en affirmant que le développement durable
est irréalisable sans la participation active des femmes. En effet, les
attitudes et comportements individuels vis-à-vis de l'environnement sont
dans une très large mesure fonction de l'éducation et plus
spécifiquement de l'instruction. Celle-ci permet à l'individu de
maîtriser certaines
connaissances (des notions concernant le milieu naturel et sa
dynamique) et de prendre conscience des enjeux et risques associés
à l'environnement. A ce titre, l'ancien Secrétaire
général de l'ONU, Kofi Annan, a fait valoir que « toutes les
études montrent qu'il n'y a pas d'outil de développement plus
efficace que l'instruction des filles. Aucune autre politique ne peut autant
accroître la productivité, réduire la mortalité
infantile et maternelle, améliorer l'alimentation et la santé, y
compris la prévention contre le VIH/SIDA ».
Pour toutes ces raisons, il est donc normal que la
scolarisation retienne l'attention des pouvoirs publics. Cette
préoccupation pour la scolarisation a suscité au niveau
international l'adoption des déclarations et conventions à
différentes occasions: la déclaration universelle des droits de
l'homme (1948), la conférence des états africains pour le
développement de l'éducation (1961), le sommet mondial pour les
enfants (1990), la conférence sur l'environnement et le
développement (1992), la conférence mondial sur les droits de
l'Homme (1993), la conférence internationale sur la population et le
développement (1994), la conférence mondiale sur les besoins
éducatifs : accès et qualité (1994), la quatrième
conférence internationale sur les femmes (1995), la conférence
international sur le travail des enfants (1997), le forum mondial sur
l'éducation (2000), la conférence de Dakar (2002). Au cours de
ces différentes rencontres internationales, l'éducation a
été érigée en une des grandes priorités du
développement. Le cadre d'action de Dakar de 2002 va plus loin en
définissant les stratégies pour l'atteinte des objectifs
fixés parmi lesquels l'élimination des disparités entre
les sexes et l'instauration de l'égalité dans la scolarisation
d'ici 2015 renforçant ainsi les objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD).
En ce qui les concerne, les pays africains au lendemain de
leur indépendance ont affiché une volonté manifeste pour
le développement de la scolarisation considérée comme
indispensable à la construction et à la consolidation des jeunes
Etats indépendants. Les jeunes dirigeants africains avaient diverses
appréciations de la scolarisation: Ils se sont d'abord résolument
investis dans la construction des infrastructures scolaires (écoles
primaires, collèges et lycées, universités et grandes
écoles de formations professionnelles, etc.), ensuite dans la formation
du personnel enseignant et puis dans l'attribution des bourses d'études
aux meilleurs élèves et étudiants, tout cela dans le souci
de mise en place d'une offre scolaire de qualité.
Le Tchad a pris à son compte dans le plan d'action
nationale de l'éducation pour tous, les objectifs de Dakar et du
Millénaire. Il a adopté la déclaration de la politique de
population en 1994 dont l'objectif général 3 est
d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard
des filles et des femmes. Le secteur de l'éducation a fait l'objet de
plusieurs réflexions ayant abouti à la mise en place des projets
et programmes dont l'usage des langues nationales, le projet EVF/EMP (Education
à la Vie Familiale, Education en Matière de Population), le
PARSET (Projet d'Appui à la Réforme du Secteur de l'Education),
la mise en place du CNC (Centre National de Curricula), etc. L'éducation
nationale a été érigée en secteur prioritaire pris
en charge sur le fond pétrolier et il y a eu l'adoption d'un statut
particulier des enseignants.
En dépit des efforts consentis, les objectifs
fixés tant au niveau international que national sont loin d'être
réalisés. Déjà l'objectif "Education Pour Tous
(EPT) en l'an 2000" fixé à la conférence de Jomtien en
Thaïlande (1990), n'a pas été atteint en Afrique
subsaharienne qui demeure la région du monde la moins scolarisée,
où le problème d'accès à l'école se pose de
manière criante, et où un grand nombre de pays présentent
de faibles rapports de parité (filles/garçons). Le bilan EPT
montre des progrès importants mais il reste plus de 113 millions
d'enfants n'ayant pas accès à l'enseignement et 880 millions
d'adultes analphabètes. Les discriminations entre sexes existent
toujours dans les systèmes scolaires, la qualité de
l'apprentissage et la compétence est loin de répondre aux
aspirations et aux besoins de nos sociétés. A tous ces
problèmes, il faudra rajouter les problèmes nés des
ajustements structurels vécus par les Etats africains, et la persistance
de l'inadéquation éducation emploi.
Le Tchad, pays d'Afrique subsaharienne a connu plusieurs
années de guerre qui ont paralysé ses efforts et causé son
retard dans de nombreux secteurs notamment celui de l'éducation. Le taux
de scolarisation primaire est de 31,8% au niveau national, 53% en milieu urbain
et 26% en milieu rural et les garçons sont à peu près deux
fois plus scolarisés que les filles (40,4% contre 22,8%). Selon les
résultats de l'Enquête Démographique et de Santé
(EDS 2004), une proportion importante de la population tchadienne
âgée de 6 ans ou plus n'a jamais fréquenté
l'école et, plus particulièrement, les femmes (73% contre 54%
pour les hommes). Un tiers des hommes (34%) et moins d'un quart de femmes (23%)
ont fréquenté l'école primaire. Le pourcentage de femmes
ayant atteint au moins le niveau secondaire se situe à 4% contre 12%
pour les hommes. Les données selon le milieu de résidence mettent
aussi en évidence des écarts importants de scolarisation (En
milieu rural, 60% des hommes contre 78%
des femmes n'ont pas d'instruction contre respectivement, 33%
et 52% en milieu urbain). C'est à N'Djaména la capitale que la
proportion d'hommes et de femmes sans instruction est la plus faible
(respectivement, 27% et 43%). Bref à tous les niveaux, il existe une
supériorité numérique des filles non scolarisés par
rapport aux garçons. Les pratiques des familles tchadiennes en
matière d'éducation dénotent d'une construction sexiste
ayant pour corollaire la féminisation de la pauvreté étant
entendu que les femmes n'ont pas accès à l'éducation
formelle facteur d'ascension sociale et d'accès à
l'économie formelle. Pour Dabsou (2001), les filles sont pratiquement
désavantagées dans toutes les régions du Tchad en
matière de scolarisation même si dans les régions du centre
elles semblent avoir un léger avantage que leurs consoeurs du Nord et du
Sud en termes de rapport de chances de fréquentation.
La connaissance des mécanismes qui sous-tendent la
demande d'éducation (notamment au niveau des familles, de la
collectivité et de l'Etat) couplée à celles des facteurs
liés à l'offre est donc nécessaire pour améliorer
la scolarisation et les disparités entre filles et garçons (Pilon
et Yaro, 2001). Même si beaucoup d'études ont été
effectuées sur la scolarisation, peu ont été conduites au
Tchad. C'est dans ce cadre que s'insère la présente étude
sur les déterminants des disparités entre sexes en matière
de scolarisation au Tchad.
L'objectif général de cette étude est de
contribuer à l'amélioration du niveau de connaissances sur les
déterminants des inégalités scolaires entre garçons
et filles d'où la question de départ: Quels sont les
déterminants des disparités entre sexes en matière de
scolarisation au Tchad? Ladite étude s'insère dans un cadre
global d'étude population et développement en vue de contribuer
à une meilleure connaissance et compréhension des discriminations
entre filles et garçons en matière de scolarisation et à
faire ressortir des éléments nécessaires et indispensables
à la mise en place par les décideurs des mesures pouvant
permettre de réduire lesdites inégalités et d'envisager
une "éducation durable".
Plus spécifiquement, nous envisageons répondre
à plusieurs questions sur :
1- l'ampleur et les inégalités entre filles et
garçons en matière de scolarisation au Tchad.
2- les comportements différentiels des chefs de
ménage en matière de scolarisation des enfants.
3- les déterminants de cette scolarisation
différentielle, notamment en rapport avec : - les
caractéristiques individuelles de l'enfant.
- les caractéristiques des ménages.
- les caractéristiques du chef de ménage. - les
milieux et régions de résidence.
La présente étude s'organise en cinq chapitres
comme suit: Le premier donne le contexte de l'étude, en
présentant notre zone d'étude, le Tchad, son système
éducatif et les politiques éducatives en vigueur dans ce pays. Le
second passe en revue le cadre théorique, donne une synthèse de
la littérature sur la relation scolarisation et sexe des enfants et
résume les hypothèses de notre étude; Le troisième
décrit les aspects méthodologiques, notamment la source des
données utilisées, l'évaluation de la qualité des
données, la présentation des variables de l'étude et la
méthode d'analyse adoptée. Le quatrième présente
les résultats de l'analyse bivariée, et le dernier décrit
l'analyse multivariée.
I /1PI: CO~XE ,
EX T~E £ 'E)(1YE
qyu
'~~~1I(~ /1
1.1 CARACTERISTIQUES GEOGRAPHIQUES ET ADMINISTRATIVES
Le Tchad est situé entre les 7e et
24e degrés de latitude Nord et les 13e et
24e degrés de longitude Est. Il couvre une superficie de 1
284 000km²; il est le cinquième pays le plus vaste
d'Afrique après le Soudan, l'Algérie, le Congo
démocratique et la Libye. Du Nord au Sud, il s'étend sur 1 700 km
et, de l'Est à l'Ouest, sur 1 000 km. Il partage ses frontières
avec, au Nord, la Libye, à l'Est, le Soudan, au Sud, la
République centrafricaine et, à l'Ouest, le Cameroun, le Nigeria
et le Niger. De par sa position géographique, au sud du Tropique du
Cancer et au coeur du continent africain, le Tchad est marqué par une
continentalité accentuée dont l'étranglement
économique est l'une des conséquences. En effet, le pays est
dépourvu de toute façade maritime. Le port le plus proche est
celui de Port Harcourt (Nigeria), à 1 700 km de N'Djaména la
capitale. Cet enclavement extérieur est accentué par une
insuffisance des réseaux routiers qui rend difficile la circulation
durant une bonne partie de l'année.
Le pays appartient à l'Afrique centrale mais en raison
des similitudes des conditions climatiques, il est rattaché
également aux pays sahéliens. Sur le plan climatique, on
distingue trois zones :
· La zone saharienne qui couvre 50% de la superficie du
pays est marquée par une pluviométrie très faible (moins
de 300 mm par an), et par une végétation de type steppique ou
pseudo steppique. Les sols nus caractérisés par les dunes et les
ergs du désert saharien occupent les confins septentrionaux de la
zone.
· La zone sahélienne qui s'étend sur
environ 40% de la superficie du territoire, se situe entre la zone saharienne
au nord et soudanienne au sud. Les pluies n'y sont abondantes que dans la
partie sud (400 à 700 mm par an) et s'étalent sur deux à
trois mois; la formation végétale est celle de la savane
arbustive du type sahélo soudanien.
· La zone soudanienne qui s'étend sur environ 10%
de la superficie du territoire est constituée par deux bassins des
principaux fleuves (le Chari et le Logone). La pluviométrie
dépasse 700 mm par an et peut atteindre 1 200 à 1 300 mm au
Sud.
On rencontre deux saisons au Tchad: la mousson du sud-ouest
provoque la saison de pluie et l'harmattan du nord-ouest la saison
sèche.
Il faut noter qu'au Nord, région essentiellement
désertique, l'offre scolaire seule ne suffit pas à
améliorer le niveau de scolarisation car les parents à
majorité nomade et musulmans, ne croient pas au bienfait de
l'école française et les enseignants affectés dans cette
zone hésitent d'y aller. Au centre du pays, on retrouve
particulièrement la région du Salamat qui est très
enclavée et coupée des autres régions pendant la saison de
pluie et au moment de la rentrée scolaire. Dans cette région, les
équipements scolaires y arrivent tardivement et beaucoup d'enfants des
zones isolées, fortement islamisées sont exclus du système
éducatif. Le sud du pays habitée majoritairement des agriculteurs
chrétiens bénéficie des efforts du pouvoir public en
matière de scolarisation sans oublier l'investissement missionnaire
chrétien dans ce sens.
Sur le plan administratif, tenant compte de la volonté
de rapprocher l'administration des administrés et surtout de prise en
main du développement par les collectivités locales, la
constitution de 1996 révisée en 2005 a institué l'Etat
fortement décentralisé et par Décrets 418/PR/MAT/2002 et
419/PR/MAT/2002, le pays est découpé en 18 régions (y
compris la ville de N'Djaména), 50 départements, 212
sous-préfectures et arrondissements municipaux, 12 sultanats et 471
cantons.
Figure 1.1: Carte administrative du Tchad
1.2 CARACTERISTIQUES SOCIO DEMOGRAPHIQUES ET
ECONOMIQUES
La population du Tchad, estimée en 1993 à
environ 6 280 000 habitants s'établit en 2005 à 9,3 millions et
atteindra 12 millions en 2015 selon les projections de la Direction de la
Population (DCAP, 2003). Le taux d'accroissement de cette population est
passé de 1,4% en 1964 (Service de Statistique, 1996) à 2,5% en
1993 (BCR, 1995) pour atteindre 3,2% en 2000 selon les projections de la DCAP
en 2003.
Cette population est très mal répartie sur
l'ensemble du territoire, avec pour conséquence des zones de fortes et
de faibles concentrations. Environ la moitié de la population du pays
(47%) est concentrée sur seulement 10% de la superficie du territoire
national. La densité moyenne de la population en 1993 est faible (4,9
habitants/kilomètres carrés) et varie de 0,1 habitants par
kilomètres carrés dans la région septentrionale (BET)
à 52 habitants par kilomètres carrés dans la région
du Logone Occidental au Sud. Cette densité est estimée à
7,2 habitants par kilomètre carré aujourd'hui, et elle atteindra
environ 9,3 habitants par kilomètres carrés en 2015. La
mortalité infantile est de 102%o, avec une espérance de vie
à la naissance de 49,6 ans. Avec un taux brut de mortalité
estimé à 16,3% en 1993 et un taux de natalité de 44,6%o,
le taux d'accroissement naturel est de 2,5%, ce qui signifie que la population
tchadienne est appelée à doubler tous les 28 ans.
La structure par âge et sexe révèle que la
population du Tchad est relativement jeune et à dominance
féminine. En 1993, la population âgée de 15 ans
représentait 48% de la population totale, 47% pour les 15-59 ans et 3,5%
pour les personnes âgées de plus de 64 ans. Les femmes
représentaient 52% de la population et la proportion des hommes
était d'environ 48%. Le niveau de fécondité au Tchad reste
l'un des plus élevés de la sous région. L'Indice
Synthétique de Fécondité (nombre moyen d'enfants par
femme) était de 5,1 enfants par femme en 1964 (Service de Statistique,
1996). Il était estimé à 5,6 enfants par femme en 1993
(BCR, 1995) et à 6,6 enfants par femme en 1996-97 (EDS-I).
Sur le plan économique, grâce à l'appui de
la Facilité d'ajustement structurel renforcé et de la
Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la
croissance depuis 1994, le Tchad a connu une performance macroéconomique
satisfaisante. La croissance du PIB a été en moyenne de 5,2% en
valeur réelle pendant la période 1994-2003. Depuis 2001, elle a
dépassé
9,5% en moyenne par an. D'après les dernières
estimations et projections, le PIB réel a continué d'augmenter
à un rythme soutenu (8,4 et 12,6%) en 2002 et 2003 sous l'effet des
investissements liés au pétrole et de leurs retombées.
En ce qui concerne le développement humain, le Tchad
occupe la 1 67e place parmi les 177 pays inclus dans l'indice du
développement humain des Nations Unies. Les indicateurs sociaux restent
bien en dessous des moyennes de l'Afrique subsaharienne. L'accès
à des sources améliorées d'eau potable s'est étendu
au cours des trois dernières années mais reste limité
à trois personnes sur neuf. Seulement 1% de la population dispose de
l'électricité et on ne compte que 550 kilomètres de routes
revêtues sur un territoire de plus de 1,2 millions
km².
La vitesse d'expansion du VIH/SIDA est inquiétante. En
effet, avec 2 cas en 1986, l'ONUSIDA estime que la prévalence du VIH au
Tchad est d'environ 4,8% et que près de 200.000 personnes y vivent avec
le virus de VIH/SIDA (ONUSIDA, 2004). Avec un taux d'urbanisation de 2 1,4%, le
Tchad est l'un des pays les moins urbanisés de la sous région;
40% de la population urbaine est concentrée à N'Djaména la
capitale et seulement 25 villes avaient plus de 10 000 habitants en 1993.
Le pays compte plus de 160 ethnies regroupées en 13
grands groupes. Quatre religions prédominent: l'islam (53,9%), le
catholicisme (20,3%), le protestantisme et religions connexes (14,4%) et
l'animisme (7,4%). La partie méridionale du pays est habitée
majoritairement par les ethnies fortement christianisées et animistes
alors que la zone septentrionale constitue le bastion des ethnies
majoritairement musulmanes.
La population active est estimée à 2 719 497
individus répartie comme suit:
-52,1% d'hommes et 47,9% de femmes;
-14,8% en milieu urbain et 85,2% en milieu rural;
-99,3% sont occupés et 0,7% des chômeurs.
L'économie du Tchad repose essentiellement sur
l'agriculture et l'élevage avec le coton comme première culture
commerciale. Par ailleurs, le Tchad est deuxième producteur mondial de
la gomme arabique. Les cultures vivrières les plus répandues sont
le mil et le riz. En outre, le Tchad est un grand pays d'élevage.
Le Nord du Tchad fait partie du Sahara et est habité
majoritairement par des musulmans. C'est une zone d'élevage mais aussi
de pêche et d'agriculture surtout dans le lac
Tchad. Au centre du pays cohabitent musulmans et
chrétiens avec pour principales activités l'élevage et
l'agriculture. Le sud est constitué de la savane arborée
où se concentre l'essentiel des terres cultivables. Prenant leurs
sources en République Centrafricaine dans l'Oubangui Chari, les fleuves
Logone et Chari arrosent la vaste plaine du Sud-Ouest, inondable une partie de
l'année avant de se joindre à N'Djaména et de continuer
leur course dans le Lac Tchad. Les poissons des fleuves Chari et Logone
représentent une ressource importante de même que les mines de
natron du Kanem. Les puits de pétrole sont localisés au Sud du
pays (Doba, Moïssala, Bongor, etc.). La majeure partie de la population
tchadienne est concentrée dans les zones fertiles, au sud des fleuves
Chari et Logone.
Il ressort des résultats du RGPH 1993 que les ethnies
du Sud scolarisent plus les enfants que celles du Nord et du Centre. Les Arabe,
Ouaddaï et Peul sont les ethnies les moins scolarisées en milieu
rural au Tchad et, elles sont composées majoritairement de musulmans et
vivent dans les régions du Centre et du Nord.
Le Tchad est un pays pauvre et la lutte contre la
pauvreté reste une priorité, c'est pourquoi la vision du pays
à l'horizon 2015 s'inscrit dans une perspective de réduction de
l'indice d'extrême pauvreté de moitié et d'une
économie post-pétrolière diversifiée et
compétitive. Ainsi, 80% des ressources directes provenant du projet
pétrole tchadien sont affectées aux dépenses des secteurs
prioritaires (Education, Santé, Infrastructures, Environnement,
Ressources en Eau, Défense). Les cinq axes principaux de la
Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté (SNRP)
sont de promouvoir la bonne gouvernance ; d'assurer une croissance
économique forte et soutenue ; d'améliorer le capital humain ;
d'améliorer les conditions de vie des groupes vulnérables ; de
restaurer et sauvegarder les écosystèmes.
1.3 CARACTERISTIQUES CULTURELLES : LA SITUATION DE LA
FEMME TCHADIENNE
Dans la société traditionnelle tchadienne, la
femme bien que ne prenant généralement pas part aux
assemblées des hommes, avait toujours son mot à dire, en
coulisse, ou alors elle jouait le rôle "d'oreille" de l'homme. Lorsque le
chef ou l'ancien qui préside une réunion s'excuse promptement et
s'absente pour un moment, c'est souvent pour aller consulter la
doyenne ou sa première épouse. Dans cette
société traditionnelle, l'éducation du jeune enfant quel
que soit son sexe, relève du domaine de la femme. C'est elle qui
inculque à l'enfant les valeurs essentielles de son clan. C'est donc par
la femme que se transmettent de génération en
génération et se pérennisent les valeurs de la
société. Elle est la gardienne de la société.
La place accordée à la femme tchadienne varie
selon les zones écologiques du pays. Aussi, la situation de guerre qu'a
connue le pays associée à la crise économique et sociale,
a fait que la femme est devenue la première responsable de la famille,
prenant ainsi la place de l'époux souvent sans revenus, exilé ou
enrôlé dans les organisations politiques. C'est le cas des veuves
dont les époux sont morts dans les maquis ou pour d'autres causes. Les
femmes tchadiennes exercent en grande majorité des activités de
type informel et sans investissements conséquents, ni qualifications
particulières. On les retrouve dans l'agriculture, l'élevage, la
pêche, le commerce et l'artisanat.
Du point de vue de son statut social, la femme tchadienne
connaît de multiples contraintes qui freinent son épanouissement
et empêchent la pleine mobilisation de son énergie. Les droits
moderne, coutumier et musulman coexistent et certaines dispositions de ces
droits sont contraires à la jouissance des droits de la femme. Ainsi,
dans le mariage, la décision d'unir deux jeunes est prise par les chefs
des deux familles sans le consentement des futurs époux et ces
décisions font l'objet d'aucun acte civil. Certaines dispositions du
code civil censées protéger les femmes dans les liens de mariage
ne sont appliquées qu'à une minorité de femmes et la dot
demeure un facteur déterminant dans le maintien des femmes dans une
situation de soumission.
De type patriarcal, du point de vue de la succession, la
société tchadienne donne plus de droits aux garçons qu'aux
filles. Ceci est renforcé par l'ignorance des textes et lois en la
matière par les femmes impliquant la prépondérance de la
tradition. Dans les religions traditionnelles, la femme est associée aux
patrimoines et assimilée aux biens de son époux et, à ce
titre, elle est donnée en héritage à un frère ou
à un cousin du défunt sans son avis dans la majorité des
cas. Les textes fondamentaux de la République traitent de manière
égalitaire la femme et l'homme et confèrent à la femme une
pleine capacité juridique, mais des distorsions existent dans leur
application ; c'est alors en cas de silence de la coutume que le code civil est
appliqué.
Du point de vue de l'éducation, on inculque à la
petite fille dès le bas âge, une image peu valorisante de la
femme. Les travaux domestiques lui sont attribués d'office, même
si certaines peuvent être exécutés par les garçons,
cela en vue de lui faire comprendre qu'elle a intérêt à
"bien se comporter" pour se trouver un mari.
Somme toute, le poids des traditions, les privilèges
sociaux, les valeurs ancestrales et la religion constituent dans une certaine
mesure des freins à l'épanouissement de la femme. La
quasi-absence de volonté politique et le manque de structures ne
favorisent pas l'épanouissement de la femme tchadienne. Le
système traditionnel d'éducation et de formation est basé
sur les principes du système patriarcal qui fait de la femme un
être soumis et respectueux de la "supériorité" de
l'homme.
1.4 CARACTERISTIQUES HISTORIQUES
L'histoire de l'introduction de l'école au Tchad est
étroitement liée à celle de la religion. D'une part, la
pénétration de l'islam a favorisé la naissance des
écoles coraniques, et d'autre part, le christianisme et la colonisation
ont ajouté à cela l'école française dont la
première a été crée à Mao en 1911.
Cependant, dans certaines régions, le système éducatif
formel ne s'est véritablement développé qu'avec
l'arrivée des missionnaires qui, pour le besoin de la cause, se sont
attelés à l'oeuvre d'alphabétisation et de scolarisation
en plus de leur mission d'évangélisation.
Le système scolaire au départ n'était
accessible qu'aux enfants des collaborateurs de l'administration coloniale
(enfants des chefs coutumiers, des sultans, des notables, etc.), limitant ainsi
les possibilités d'accès des filles dont la place était
plutôt au foyer. Il a fallu attendre les années 1960 pour que le
système soit ouvert aux enfants issus de toutes les couches sociales. La
femme étant également un agent de développement, des
dispositions ont été prises pour intégrer les jeunes
filles dans ce système afin de les rendre plus efficaces. Pour inciter
les parents à envoyer davantage les filles à l'école, la
stratégie adoptée par les confessions religieuses, notamment
catholiques, était de créer des écoles et collèges
uniquement pour les filles. Les filles étaient ainsi
défavorisées dès le début de la création des
écoles.
1.5 ORGANIGRAMME DU SYSTEME EDUCATIF
TCHADIEN
Deux ministères sont directement impliqués dans
la gestion du secteur de l'éducation et de la formation : le
Ministère de l'Education Nationale (MEN) et celui de l'Enseignement
Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation
Professionnelle. Au niveau du MEN, trois organismes sont rattachés au
cabinet du ministre :
- La Commission Nationale Tchadienne pour l'UNESCO ;
- Le Centre Pédagogique pour l'ISESCO ;
- Le Centre National des Curricula.
Administrativement, le Tchad est divisé en 18
régions, 50 départements et 212 souspréfectures (ou
arrondissements). Sur le plan de l'éducation, il existe 29
Délégations Départementales de l'Education (DDEN), premier
échelon déconcentré du Ministère de l'Education
Nationale. Dans chaque DDEN se trouvent des structures locales chargées
de l'inspection, de la supervision, de l'encadrement et de la formation : des
Inspections de l'Enseignement Secondaire Général (IESG) ;
Inspections de l'Enseignement de Base (IEB) ; les Ecoles Normales
d'Instituteurs (ENI) ; les Centres de Formation Continue (CFC) ; les Secteurs
d'Alphabétisation (SA) ; les Centres de Formation et d'Apprentissage
(CFA).
Le système éducatif est subdivisé en 4
niveaux d'enseignement : la maternelle, l'élémentaire, le
secondaire et supérieur mais il existe une autre structuration qui est
faite par degré, avec le primaire comme premier degré, le
secondaire comme second degré et le supérieur comme
troisième degré.
- L'enseignement élémentaire
comporte six années d'études et accueille les enfants
âgés de 6 à 11 ans et il est sanctionné par le
Certificat d'Etudes Primaires (CEPE).
- L'enseignement secondaire se
décompose en deux branches : la formation générale et la
formation technique.
o L'enseignement secondaire général comprend le
1er et 2nd cycle d'une durée respective de quatre
et trois ans. Le 1er cycle est sanctionné par le Brevet
d'Etudes du premier cycle (BEPC) et le 2nd cycle par le
Baccalauréat de l'enseignement du second degré.
o La formation technique accueille d'une part, les
élèves de fin de 2e année du 1er cycle des
collèges d'enseignement technique pour une durée de trois ans
sanctionnée par un Certificat d'Aptitude
Professionnelle (CAP), et d'autre part, les élèves de la classe
de 3ème des lycées techniques pour la même
durée sanctionnée par le Baccalauréat de technicien.
- L'enseignement supérieur comprend
les facultés, les instituts et les écoles professionnelles
accueillant les élèves titulaires du Baccalauréat de
durée variable selon les filières et les écoles.
Les langues officielles d'enseignement sont le Français
et l'Arabe.
1.6 ORIENTATIONS DU SYSTEME
Le droit à l'éducation, à la formation et
à l'information est reconnu par la loi. La constitution de 1996
détermine en ses articles 31, 32, 33, 34, 35, 39 et 50 les missions
d'éducation assignées à l'Etat. Elle affirme entre autres
que :
- Tout citoyen a droit à l'éducation ;
- L'enseignement public est laïc et gratuit ;
- L'enseignement privé est reconnu et s'exerce dans les
conditions définies par la loi ;
- L'enseignement fondamental est obligatoire ;
- Les parents ont le droit naturel d'élever et
d'éduquer leurs enfants, ils sont soutenus dans cette tâche par
l'Etat et les collectivités décentralisées.
Depuis l'accession du Tchad à l'indépendance le
11 Août 1960, le pays a fait du secteur de l'éducation l'une des
priorités bien que dans la pratique, la réalisation de cette
priorité soit rendue difficile par la poussée
démographique et la demande sociale d'éducation. Un programme
Education-Formation en liaison avec l'Emploi (EFE) a été mis en
place en 1990 pour mieux orienter la formation en fonction des besoins du
marché du travail, améliorer le rendement du système et
accroître régulièrement le nombre de
bénéficiaires directs des services d'éducation et de
formation.
La Conférence Nationale Souveraine (CNS) du 15 janvier
au 6 Avril 1993, a recommandé la tenue des Etats Généraux
de l'Education qui ont eu lieu du 19 au 29 octobre 1994. Il s'est tenu en
Suisse en 2002, la table ronde de Genève IV (réunion sectorielle
sur l'éducation et la formation au Tchad) au cours de laquelle le
gouvernement a présenté sa
politique sectorielle en matière d'éducation et
la stratégie de sa mise en oeuvre. Le plaidoyer et la mobilisation
sociale en faveur de la scolarisation des enfants et des filles en particulier
sont les grands axes de ladite stratégie. La réduction des
disparités entre sexes occupe une place importante dans cette
stratégie.
Une amélioration de la scolarisation a
été constatée mais reste en déca des attentes.
L'insuffisance des structures d'offre de l'éducation constitue le
principal handicap au développement de l'éducation au Tchad. A
cela, s'ajoute le cycle infernal des années blanches et des
années scolaires élastiques ou tronquées.
IIC/fl'IcrqE: Cfl'lYqE cr/EOqIQQXE Ecr
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qE<QXE £IcrcrEqflcrQXqE
De nombreuses études ont examiné les
déterminants de la scolarisation en Afrique et des
inégalités scolaires entre filles et garçons. Ces
études ont été guidées par plusieurs
théories et perspectives, lesquelles soulignent l'importance de
plusieurs déterminants complémentaires opérant au niveau
des enfants eux-mêmes, leurs familles, leurs écoles ou la
communauté tout entière. Le présent chapitre décrit
le cadre théorique qui guidera notre étude, et il passe en revue
plusieurs déterminants principaux identifiés dans ce cadre.
2.1 CADRE THEORIQUE
Plusieurs théories ont été
avancées pour expliquer les variations dans la scolarisation des
enfants, notamment les différences entre garçons et filles. Ces
multiples théories peuvent être cataloguées selon plusieurs
critères différents, notamment leur perspective
générale, leur discipline-mère, ou leur point focal. Selon
la perspective, l'on peut distinguer les théories du consensus (qui
mettent l'accent sur le mérite individuel) et les théories du
conflit (qui mettent l'accent sur les privilèges liés à
l'origine sociale). Selon la discipline d'origine, on peut distinguer les
théories économiques des théories culturelles. Selon le
point focal, les théories peuvent mettre l'accent sur les
caractéristiques individuelles, familiales, ou communautaires par
exemple.
Le cadre théorique retenu pour cette étude
repose sur une distinction majeure entre les facteurs de l'offre et les
facteurs de la demande scolaire. En démographie, l'étude de la
demande scolaire est un domaine d'exploration récent. Pendant longtemps,
les chercheurs se sont appesantis sur l'effet de l'offre scolaire. On avait cru
que ces inégalités étaient dues uniquement à
l'insuffisance de l'offre scolaire et qu'il suffisait de mettre en place des
infrastructures scolaires, de former les enseignants, d'offrir des bourses
d'études aux apprenants pour améliorer la fréquentation
scolaire. Les limites de cette approche ont conduit
les chercheurs à faire attention à d'autres
facteurs dits de demande. Ces deux groupes de facteurs sont
présentés ci-dessous.
2.1.1 L'offre scolaire
L'offre scolaire recouvre l'ensemble des facilités
offertes par la société à ses membres en matière de
scolarisation : elle comprend non seulement les infrastructures mais aussi le
personnel enseignant, le matériel didactique, le contenu de
l'enseignement. La qualité de l'offre scolaire (proximité et
équipement des infrastructures, accessibilité financière,
qualification du corps enseignant...) peut influencer le choix de
l'école et la propension des parents à envoyer les enfants
à l'école.
La proximité et l'équipement des infrastructures
scolaires interviennent dans l'explication des disparités entre sexes en
matière de scolarisation. En effet, les parents refusent d'envoyer les
filles dans des écoles peu équipées ou
éloignées des maisons d'habitation pour ne pas les exposer aux
agressions de toute sorte. D'après Hill et King (1993) cités par
Kobiané (2002),
"in Egypt, Morocco and Tunisia, parents are reluctant to
send their daughters to distant schools because they fear exposing them to
moral or physical peril. Even in relatively more open societies of Malaysia and
the Philippines, distance to school is greater deterrent to girl's enrollment
than to boys. (...). In Bangladesh parents have withdrawn girls but not boys
from schools without latrines".
Dans le cas des tribus Massaï de la Tanzanie, Bonini N.
(1998) écrit :
« la faiblesse de l 'offre scolaire, la
quasi-inexistence du passage dans le secondaire (...) sont autant des
conditions qui limitent les stratégies éducatives des parents.
Pour les pères (...), l 'univers des possibles est donc très
restreint. On ne peut véritablement parler de choix éducatifs que
pour deux critères : le sexe des enfants scolarisés et leur
nombre ».
L'accès physique est également à
l'origine des inégalités entre filles et garçons en
matière de scolarisation car comme le soulignent Adjimou et Kouton
(2001), « la scolarisation entraîne des frais importants
d'inscription, d'uniforme et de transport. Pour ces raisons (...), quand la
famille n 'a pas de moyens, les parents donnent souvent priorité
à
l'éducation des fils ». Les mauvais
comportements de certains enseignants vis à vis des filles rendent les
parents réticents à envoyer ces dernières à
l'école. D'après UNESCO (1997), cité par Lange et Pilon
(2000), le harcèlement sexuel est l'un des facteurs qui
déterminent les disparités entre sexes en matière de
scolarisation.
Même si l'offre est un facteur essentiel dans la
scolarisation des enfants, elle n'est pas un facteur suffisant. La
décision d'envoyer les enfants des deux sexes à l'école,
dépend aussi d'autres facteurs dits de demande que nous évoquons
ci-dessous.
2.1.2 La demande scolaire
La demande scolaire est l'expression des comportements,
attitudes et représentations des familles et des ménages face
à l'école (Kobiané, 2002). Elle dépend de plusieurs
facteurs qui peuvent être regroupés en quatre catégories et
incluent les facteurs socioculturels, les caractéristiques individuelles
et familiales, les contraintes économiques, et les facteurs
démographiques.
2.1.2.1 Facteurs socioculturels
La culture est l'ensemble des valeurs et normes
régissant le fonctionnement d'une société. Les attitudes
et comportements, les pensées et les pratiques des individus sont
réglementés par leur culture. Les variables socioculturelles sont
donc importantes dans l'explication des phénomènes sociaux
notamment des disparités entre sexes en matière de scolarisation.
Ces facteurs incluent notamment le rôle et le statut de la femme, la
religion, et l'ethnie.
a) Statut de la femme
Dans les sociétés de l'Afrique subsaharienne en
général et au Tchad en particulier, la femme est d'abord
mère et épouse, exerce ses activités au sein du couple
conjugal et sa fonction principale est celle de la reproduction. En outre, elle
est une "résidente passagère" devant subir une migration pour
cause de mariage qui, en général intervient très
tôt. Il incombe seul à l'homme de générer les
ressources financières du ménage. Par conséquent, il
exerce des activités hors foyer conjugal afin de subvenir aux besoins de
sa famille. C'est
pourquoi l'éducation donnée à l'enfant
dès le bas âge est fondée sur cette division du travail et
la décision de le scolariser en dépend.
Dans une étude portant sur la tribu Massaï de la
Tanzanie, Bonini (1998) écrit : « Si la scolarisation des
garçons peut avoir certaines retombées positives sur l
'unité familiale, celle des filles est en général
considérée comme inutile, ne pouvant profiter à la
famille. [...]. Les connaissances que la jeune fille aura accumulées
durant sa scolarité pourront être d'aucun profit pour ses parents
mais bénéficieront à sa belle famille au côté
de qui elle réside désormais ».
Toutefois, la scolarisation des filles dans l'enseignement
primaire est tolérée car elle
ne présente pas un obstacle majeur au mariage des
écolières.
Dans une étude sur le Burkina Faso, Gérard
(1998) souligne que les femmes sont considérées comme des biens
matrimoniaux, gages de la reproduction biologique et sociale, de la
parenté au point où leur émancipation en dehors du cadre
lignager et des réseaux d'alliance menacerait l'équilibre social.
C'est donc pour cette raison qu'elles sont tenues à l'écart des
domaines masculins, notamment ceux du savoir et du pouvoir, propices à
une telle émancipation.
En définitive, la société traditionnelle
du Tchad est largement défavorable à la scolarisation de la fille
en raison du statut qui lui est assigné. Les normes et valeurs à
l'origine de cet état de fait, trouvent parfois leurs fondements dans
les croyances religieuses qu'il convient d'examiner de près.
b) Religion
Une religion véhicule des valeurs, normes et pratiques.
La religion chrétienne est associée aux valeurs
occidentalo-chrétiennes tandis que l'islam est associé aux
valeurs arabomusulmanes. Dans la littérature, l'islam est cité
comme un frein à la scolarisation alors que la religion
chrétienne est considérée comme favorable à
celle-ci. En effet, Yaro (1995) au Burkina et Gérard (1997) au Mali font
ressortir l'influence négative de l'islam sur la scolarisation des
enfants, notamment celle des filles, résultant du conflit entre
l'école publique laïque et les écoles confessionnelles, en
particulier musulmanes.
Dans la province du Séno au Burkina, la scolarisation
et les stratégies scolaires des ménages sont
déterminées par le fait que selon les parents : «
l'école est sans valeur, nous préférons l'école
coranique ». Dans la province du Bani au Burkina, les ménages
préfèrent envoyer leurs enfants à l'école coranique
car pour eux, l'école des « blancs » ne leur apporte rien de
concret ou de positif.
Il apparaît ainsi un antagonisme entre l'école
formelle et l'islam mais cela ne saurait être
généralisé et des nuances sont à relever. En effet,
à Bouza au Niger, Ali et al. cité par Kobiané (2002),
relève que l'intérêt pour l'école coranique
répond surtout à un besoin social qui est celui d'intégrer
l'enfant dans sa communauté villageoise. C'est pourquoi, il est
accepté que l'enfant fréquente à la fois l'école
classique et l'école coranique ; et dans certains cas, il est
créé l'école franco-arabe qui devient une solution de
substitution.
Au Tchad, les données du recensement de 1993 montrent
qu'en milieu rural tout comme en milieu urbain, les chrétiens sont mieux
scolarisés que les musulmans tant chez les filles que chez les
garçons. Les chrétiens ont une plus forte propension à
inscrire leurs enfants à l'école moderne que les musulmans.
Toutefois, la relation islam et faible scolarisation
féminine en Afrique n'est pas une relation de cause à effet comme
l'illustre « le cas du Soudan où le Nord musulman présente
des taux de scolarisation significativement plus élevés que le
Sud chrétien et traditionnel » (Hyde, 1993 cité par
Kobiané, 2002). Il convient de relativiser le conflit religion
musulmaneécole formelle, et il faudrait considérer d'autres faits
culturels dans l'explication de la demande d'éducation, parmi lesquels
l'ethnie.
c) Ethnie
L'ethnie désigne un regroupement socioculturel. Pour
reprendre les termes de Nicolas (1973 : cité par Kobiané, 2001),
c'est un "composé spécifique en équilibre plus ou moins
stable, de culturel et de social", et apparaît souvent comme un facteur
de différenciation en matière de scolarisation. La conquête
coloniale et l'implantation des missions catholiques d'où sont issues
les écoles et les rapports conflictuels qui en ont
découlés, permettent de comprendre l'attitude de certaines
communautés d'Afrique subsaharienne en matière de
scolarisation.
Au Tchad, l'étude de la scolarisation selon le grand
groupe ethnique au recensement de 1993, a montré que trois groupes du
Sud fortement christianisés se démarquent des autres : le groupe
"Sara" avec 57,5% d'enfants scolarisés, le groupe "Tandjilé" avec
48,4% et le groupe "Mayo-kebbi" avec 47,8%. Les mêmes groupes ethniques
prédominent lorsqu'on examine la scolarisation des filles (RT, 1995). En
revanche, les enfants des groupes ethniques fortement islamisés du Nord
sont les moins scolarisés du pays. C'est ainsi que la forte
scolarisation observée dans certaines régions du Tchad est
considérée comme le résultat d'une acculturation, et la
sous scolarisation existe chez les peuples très attachés à
leurs traditions (Mbaïosso, 1990).
La préservation et la pérennisation des acquis
culturels dans la société traditionnelle africaine
s'opèrent au niveau de l'ethnie sous le contrôle de la famille.
Etant donné que la scolarisation véhicule un modèle
culturel étranger, on comprend aisément le rôle que peut
jouer la famille dans l'appréciation du système scolaire par
rapport aux normes et valeurs sociales en vigueur et au modèle de
développement souhaité (Diallo, 2003).
D'après Bonini (1998), le faible niveau de
scolarisation des enfants chez les Massaï de la Tanzanie s'explique par le
fait que l'école de type occidental était vue comme une
contrainte empêchant les enfants de s'occuper du troupeau alors qu'on ne
voyait pas ses bienfaits.
Les travaux socio anthropologiques faits à travers les
récits de vie et les entretiens de groupe (focus group) ont
également contribué à faire avancer l'état des
connaissances sur les fondements des choix parentaux en matière de
scolarisation. A travers la représentation des rôles et les
statuts, on comprend pourquoi les parents préfèrent investir
davantage dans la scolarisation des garçons que des filles. On comprend
ainsi les subtilités des stratégies familiales ou des
négociations intrafamiliales que ni les approches économiques, ni
les apports de la démographie ne permettent de cerner (Kobiané,
2002).
La principale limite intrinsèque des travaux
sociologiques sur la demande d'éducation dans les pays du Sud est qu'on
ne peut généraliser les résultats trouvés dans les
contextes socioéconomiques différents (Kobiané, 2002). En
plus, on s'en tient dans ces études à l'effet des facteurs
socioculturels pris isolément, une telle démarche ne permet pas
d'appréhender la complexité et la totalité du
problème de la scolarisation dans une société
donnée.
L'homme n'est pas un "simple idiot culturel" ou un "automate
culturel", mais un acteur social et ses comportements dépendent non
seulement des normes et valeurs sociétales mais aussi de aspirations et
considérations individuelles. Ainsi, la décision de scolariser un
enfant dépend non seulement de l'environnement sociologique, mais aussi
et surtout des aspirations et choix des parents, conditionnées par
plusieurs facteurs tels les caractéristiques individuelles et
familiales, les contraintes et motivations économiques, et les facteurs
démographiques.
2.1.2.2 Caractéristiques individuelles et
familiales
Parmi les déterminants individuels et familiaux de la
scolarisation, l'on relève notamment le niveau d'instruction du chef de
ménage, le statut familial de l'enfant, et le genre.
a) Niveau d'instruction du chef de
ménage
L'instruction du chef de ménage influence positivement
la scolarisation des enfants, et particulièrement les disparités
entre sexes en matière de scolarisation. Plus, le chef de ménage
est instruit, plus les enfants ont de chances d'être scolarisés et
de manière plus égalitaire. Pilon (1996) affirme que le niveau
d'instruction de la mère apparaît au moins aussi important sinon
plus que celui du père pour la scolarisation des enfants. Plus le niveau
d'instruction est élevé, moins il y a des discriminations contre
les filles. Abagio (1995) et Shapiro (1999), abordent dans le même sens
en disant: plus le niveau d'instruction du chef de ménage
s'élève, moindres sont les inégalités de
scolarisation entre filles et garçons.
Il ressort aussi d'une étude réalisée par
Wakam en 2001 sur les données du recensement du Cameroun de 1987, que le
niveau d'instruction du chef de ménage tend à favoriser davantage
la scolarisation des filles dans les ménages dirigés par les
femmes et celle des garçons dans les ménages dirigés par
les hommes. Dabsou (2001) a montré que dans le cas du Tchad, plus le
niveau d'étude du chef de ménage augmente, moins grandes sont les
inégalités entre filles et garçons en matière de
scolarisation.
b) Statut familial de l'enfant
Les disparités entre sexes à l'école sont
parfois liées au statut familial de l'enfant dans le ménage.
L'effritement des liens de solidarités, la cherté de la vie
conjugués à l'effet de la crise font que les chefs de
ménage ne peuvent offrir les mêmes chances de scolarisation
à leurs propres enfants et à ceux qui sont à leur charge
d'une part, et d'autre part, entre les enfants de sexe masculin et de sexe
féminin.
Dans une étude sur le Mali, Marcoux (1994)
parvînt au résultat suivant: le statut familial de l'enfant au
sein du ménage de résidence induit des stratégies
scolaires différentes avec un net désavantage pour les filles
confiées à un ménage urbain, même quand une femme
est à la tête du ménage. Selon Wakam (2001), la survie des
parents influence la scolarisation des enfants et jeunes. En effet, les
orphelins de père et mère sont de loin les plus
défavorisés notamment les jeunes de 15-24 ans en terme de
fréquentation scolaire. Le décès de la mère est
plus néfaste que celui du père et les inégalités
sont plus importantes entre filles orphelines et non orphelines qu'entre
garçons orphelins et non orphelins. Au Tchad, Faya (1994 cité par
Biloo 2004) a montré que les enfants orphelins sont le plus souvent
abandonnés par leur famille, car on les dit "touchés par le
mauvais sort", ils sont alors contraints de travailler pour se prendre en
charge et leurs frères, ce qui les prive automatiquement de la
scolarisation.
Les enfants confiés font partis des
défavorisés dans les sociétés africaines. Le
confiage ou "la circulation" des enfants est une pratique courante qui
d'après Messan (2002), va aussi bien dans l'intérêt des
parents (expression et réception de solidarité) que des enfants
(socialisation, scolarisation, apprentissage, etc.). L'approche sociologique du
confiage des enfants considère que, traditionnellement c'est une
confirmation des alliances ou des amitiés entre deux familles ou deux
personnes. C'est pourquoi, la notion de père ou mère de l'enfant
renvoyait à un groupe d'individus chez qui l'enfant pouvait "circuler"
(Antoine et Guillaume, 1984). Aucun calcul économique n'existait dans
cette pratique de mobilité car l'accueil des enfants au sein des
ménages rend compte de la capitalisation de l'humain plutôt que de
l'économique (Wakam, 1994). Et Wakam de continuer, dans le contexte
négro-africain, notamment camerounais, les plus grandes valeurs sont
celles de l'estime et du prestige et cela se mesure à travers le nombre
de personnes que l'on peut rassembler autour de soi et dont on peut s'occuper.
Avec les difficultés économiques et la mutation des valeurs
culturelles
traditionnelles, le confiage perd son sens et les enfants
confiés vivent souvent des situations intenables (Fagnon et Kpadonou,
1997 cités par Biloo, 2004). Pilon (2002) étudiant le travail des
enfants et la scolarisation, est parvenu à la conclusion selon laquelle
le confiage en direction des centres urbains est plus un transfert de main
d'oeuvre qu'une pratique de socialisation, et apparaît de nos jours comme
une stratégie de diversifications des sources de revenus des
ménages.
Il ressort de toutes ces analyses que les chefs de
ménage opèrent parfois des choix de scolariser tel ou tel autre
enfant du ménage au vue de son statut familial, et ce choix joue dans la
plupart des cas en défaveur des enfants de sexe féminin.
c) Milieu et région de
résidence
Les infrastructures scolaires (écoles primaires,
collèges, lycées, universités, grandes écoles,
etc.) sont plus nombreuses et les effets de la modernisation culturelle plus
visibles en milieu urbain qu'en milieu rural où les pesanteurs
socioculturelles continuent d'influencer considérablement les
comportements des individus, notamment des parents en matière de
scolarisation des enfants. On s'attendrait donc à ce que les chances de
fréquentation des ruraux soient plus faibles que celles des citadins.
Au Burkina Faso, Yaro (1995) relève de fortes
disparités entre les trente unités administratives qui composent
le pays; alors que les provinces de la Tapoa et du Séno ont des taux
bruts de scolarisation entre 10 et 20%, le Kadiogo comprenant la capitale du
pays présente un taux de scolarisation de plus de 80%. Ainsi, on observe
une forte proportion des enfants qui fréquentent en ville
conséquence nécessaire d'une forte concentration des
infrastructures scolaires. Wakam (2000), a montré dans le contexte
camerounais que, les enfants du milieu urbain avaient nettement plus de chances
de fréquenter que ceux résidant en milieu rural, et que les
inégalités entre les filles et les garçons sont plus
grandes en campagne qu'en ville. Il faut donc noter que c'est dans les zones
rurales que les pesanteurs culturelles sont très fortes et influencent
la scolarisation en augmentant les disparités entre sexes.
Au Tchad, au recensement de 1993, sur 100 enfants de 6 à
15 ans, 45 sont scolarisés en milieu urbain et 21 en milieu rural (RT,
1995). Le niveau de scolarisation des garçons des
centres urbains est plus élevé que celui des
garçons des zones rurales (50,0% contre 27,6%); et chez les filles, on
observe les mêmes faits (40,8% contre 14,8%). Ainsi, pour 100
garçons tchadiens de 6-15 ans scolarisés, on a 82 filles de 6-15
ans scolarisées en villes et seulement 54 filles de 6-15 ans
scolarisées en campagne. Par ailleurs, le déséquilibre
entre centre urbain et zone rurale à l'intérieur d'une même
région est plus grande.
d) Genre
Dans les sociétés d'Afrique subsaharienne,
l'accès différentiel des filles et garçons s'inscrit dans
un contexte culturel du "construit social", le genre. Pour Locoh (1996), le
genre se définit comme « l'étude des rapports socialement
construits entre les sexes aussi bien au niveau micro social des relations
individuelles qu'au niveau macro social ». Pour Tchouta (1978),
l'éducation différentielle entre les sexes tient une place
importante dans la culture. En effet, le garçon est éduqué
par le père et son éducation est culturelle et relative à
la société globale. En revanche, la fille reçoit une
éducation en étroite relation avec la tradition : elle est sous
l'autorité et le contrôle de sa mère ; elle n'a de contact
avec son père que lorsqu'il l'appelle ou quand elle lui apporte le
repas. La fille est considérée comme une étrangère
parce qu'elle est amenée à partir en mariage, sa charge sera
prise par son époux et par conséquent sa scolarisation n'est pas
nécessaire. Par contre, la charge de la famille revient au garçon
plus tard, son choix pour ce qui concerne la scolarisation est de ce fait
automatique par rapport à la fille.
Belarbi (1985), montre ainsi que ce sont les parents qui
forment la personnalité de l'enfant et ses relations avec autrui. Les
parents apprennent aux filles à jouer les rôles féminins
qui ne s'accommodent pas avec une scolarisation poussée ; et aux
garçons à jouer les rôles masculins.
Gianini (1974) montre que le comportement et le rôle de
la femme et de l'homme au foyer sont conditionnés par l'éducation
différentielle qu'ils reçoivent pendant la petite enfance, cette
différenciation est perceptible à travers l'éducation
reçue à la maison et à l'école par le biais des
jeux, des jouets et de la considération qu'ils ont de la part parents et
des éducateurs à l'école. C'est ce qui justifie l'abandon
à la femme, malgré ses occupations extra domestiques, des travaux
domestiques et de l'éducation des enfants.
Au Tchad, les mariages, les cérémonies
d'excision, les travaux domestiques sont autant des occasions pour retirer les
filles de l'école. Dans les sociétés du sud du Tchad,
c'est l'homme qui exécute toutes les activités difficiles et la
femme ne doit en aucun cas chercher à accomplir les activités
réservées aux hommes, c'est ainsi qu'en zone rurale, il n'est pas
admis que la fille se déplace sur une longue distance pour des motifs
scolaires. Chez les Sara au sud du pays, les rites et pratiques d'initiation,
"le yondo" contribue à faire comprendre au garçon qu'il est le
tout-puissant et ne doit pas se rabaisser devant une femme. Le jeune
garçon entre dans la brousse comme une "femme" et en ressort comme un
"homme", il est ainsi né de nouveau et devient l'égal des autres
initiés et appartient désormais à une classe
supérieure à celle de la femme. Dans ce contexte, l'école
a pour rôle de former les élites et chefs de famille responsables
qui ne sont autres que les garçons. Au Nord et au Centre du pays, les
filles ne doivent pas être tous les temps en contact avec les
garçons, c'est la raison pour laquelle plusieurs parents refusent
d'envoyer les filles à l'école et surtout dans les
établissements mixtes. Habituellement dans ces régions, les
femmes doivent être voilées et soumises à leur mari, elles
n'ont pas le droit d'élever le ton en face de l'homme. Or,
l'école moderne, s'inscrit dans une perspective d'égalité
en mettant les filles et garçons ensemble.
Il apparaît ainsi dans de nombreux cas, que les
clichés de genre renforcent la domination du genre masculin et que cela
se perpétue, se maintient à travers les différences dans
la pédagogie et le contenu de l'éducation inculquée aussi
bien à l'école qu'à la maison. L'école formelle
constitue un cadre de renforcement de décisions fondées sur le
sexe de deux manières: elle façonne l'esprit des enfants en leur
inculquant des modes de pensées et des pratiques bien
stéréotypées, ensuite l'éducation sert à
légitimer cet état de fait en lui conférant une apparence
naturelle et acceptable au point que les filles finissent par céder la
supériorité aux garçons.
La scolarisation est un fait social, et que le fait social est
un « fait total », il existe certainement bien d'autres facteurs
explicatifs des inégalités entre sexes en matière de
scolarisation, notamment les facteurs socioéconomiques.
2.1.2.3 Contraintes et motivations
économiques
La théorie microéconomique ayant à la
base l'hypothèse de rationalité, stipule que les agents
décideurs ont un comportement rationnel, cherchant à maximiser
leur bien-être en fonction de l'environnement économique et des
ressources dont ils disposent. Appliqué dès les années 60
par Becker à la demande d'éducation, cette approche voit la
scolarisation comme un moyen d'augmenter le "capital humain" de l'individu
défini comme l'ensemble des connaissances et des capacités
inculquées en l'individu et susceptible d'accroître sa
productivité.
a) Activité économique du chef de
ménage
La présence des hommes adultes dans le ménage a
une influence négative sur la scolarisation des enfants, non seulement
à cause de l'augmentation du travail domestique mais également
à cause des activités qu'ils exercent et qui pourraient
éventuellement nécessiter l'utilisation des jeunes gens comme
aides familiaux. En effet, Rogers (1978) cité par Marcoux (1994)
souligne que certains types d'activités se prêtent beaucoup plus
au travail familial, augmentent les opportunités d'emploi pour les
membres du ménage, en particulier pour les enfants. Marcoux
relève qu'en milieu urbain malien, les enfants appartenant aux
ménages dirigés par les salariés du secteur moderne
fréquentent l'école dans des proportions plus
élevées que ceux des ménages dont le chef est un
indépendant, et cela quel que soit le sexe de l'enfant. Toutefois, les
écarts de fréquentation scolaire entre filles et garçons
sont très importants pour le groupe des chefs de ménage
salariés et celui des chefs de ménage indépendants du
secteur primaire. Toutefois, ces écarts sont très faibles pour
les chefs de ménage indépendants exerçant dans le secteur
de commerce et des services.
En définitive, les enfants appartenant aux
ménages dont le chef est un travailleur indépendant ont une
grande propension au risque de travailler, et donc de ne pas fréquenter
l'école comparativement à ceux des ménages dont le chef
est un travailleur salarié. Dans bien des cas, l'activité
économique du chef de ménage détermine le niveau de vie du
ménage.
b) Niveau de vie du ménage
Plusieurs études montrent que le niveau de vie du
ménage a une influence sur les disparités entre sexes en
matière de scolarisation. La pauvreté des ménages est
associée à une sous scolarisation des enfants en
général et à celle des filles en particulier.
Dans une étude intitulée « Les
stratégies scolaires des ménages au Burkina », Yaro (1995)
souligne la primauté des facteurs socioéconomiques sur la
scolarisation à Ouagadougou et vérifie que les
différenciations scolaires d'ordre ethnique ou religieux diminuent en
ville et laissent place aux hiérarchies sociales. La scolarisation des
enfants induit une certaine hiérarchisation sociale et
économique. Les ménages dont le chef appartient à la
catégorie sociale élevée, scolarisent de manière
relativement importante leurs enfants tout en leur assurant de meilleures
conditions scolaires. En revanche, les catégories sociales modestes ne
peuvent offrir de conditions d'études complètes à leurs
enfants, et donc il convient d'opérer un choix qui est
généralement orienté vers les garçons.
Analysant les données de l'enquête
démographique du Mali de 1985, Marcoux (1995) met en évidence
l'importance du statut socioéconomique dans l'explication de la
scolarisation des enfants en milieu urbain. Il parvient au résultat
selon lequel les filles des milieux les plus pauvres ont deux fois moins de
chances de fréquenter que celles des ménages aisés. En
revanche chez les garçons, l'écart n'est que de 67%.
Dans le contexte Camerounais, Wakam (2002a) montre que le
niveau de vie du ménage est plus déterminant pour les
garçons chez les femmes chefs de ménage et pour les filles chez
les hommes chefs de ménage. De même, il est plus
déterminant pour la scolarisation des garçons chez les femmes
chefs de ménage que chez les hommes chefs de ménage.
Dans le cas du Tchad, Mbaïndoh (1997) étudiant les
déterminants socioéconomiques et démographiques de la
scolarisation au Tchad note l'avantage des enfants dont les pères sont
salariés sur ceux dont les pères sont des entrepreneurs
individuelles. Cependant, le résultat obtenu par Odi (1995) contraste
avec ceux évoqués précédemment. En effet, il
parvient au résultat selon lequel la relation entre la scolarisation des
enfants et le niveau du ménage est plutôt négative ou
nulle.
Comme on le voit, le niveau de vie des ménages a
généralement une influence positive sur la scolarisation des
enfants. Dans le contexte de crise économique des années 80 et 90
en Afrique, plusieurs pays se sont vus contraints d'adopter des politiques
d'ajustement, avec des conséquences probables sur la demande
scolaire.
c) Travail des enfants
« L'enfant a le droit d'être protégé
contre l'exploitation économique et de n'être astreint à
aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son
éducation ou de nuire à sa santé ou son
développement physique, mental, spirituel, moral ou social » (Haut
Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, 1989). Plusieurs parents
pensent que les enfants qui étudient seront amenés à
quitter le village pour les études et le travail ; et ceux qui
n'étudient pas aideront leurs parents aux champs et prendront la
relève au village garantissant ainsi la succession. C'est pour cela que
les parents adoptent la stratégie qui consiste à envoyer un
enfant sur deux à l'école. Dans certaines régions du Mali
(Bandiagara), l'école est réservée à
l'aîné car la famille a besoin des enfants pour travailler aux
champs et garder le bétail souligne Patricia Carola (sociologue de l'ONG
Napoli) dans une étude sur l'éducation à travers les
témoignages de deux sénégalaises et d'un malien. Les
enfants sont confiés dès leur bas âge aux marabouts pour
l'apprentissage du coran.
Le travail des enfants est considéré comme un
facteur de différentiation entre filles et garçons à
l'école. Kantieba (1991) dans une étude sur les travaux
ménagers et activités rémunératrices des femmes
dans le district de Bamako, est parvenu aux résultats suivants : les
travaux ménagers occupent 97% des filles de 8 à 14 ans contre 25%
pour les garçons. Une fille sur trois est dans les activités
commerciales et une sur quatre dans l'informel et le petit commerce.
Au Tchad, l'EDS (2004) relève que 83% des enfants
âgés de 5 à 17 ans ont effectué des travaux
quelconques, dont près de la moitié (43%) l'ont fait pendant au
moins 4 heures par jour. Trois enfants sur quatre (75%) ont travaillé
dans le cadre domestique et 13% y ont consacré plus de 4 heures par jour
; 17% des enfants ont travaillé pour quelqu'un d'autre qu'un membre du
ménage au cours de la semaine précédent l'enquête.
La proportion des
enfants qui travaillent augmente avec l'âge, en
particulier ceux qui travaillent pour quelqu'un d'autre, dans les champs ou les
affaires familiales. Une proportion légèrement plus importante
des filles que de garçons avaient travaillé la semaine avant
l'enquête (85% contre 80%) ; en particulier les filles sont plus
impliquées que les garçons dans les travaux domestiques (82%
contre 67%) alors qu'elles le sont moins dans les champs ou les affaires de
famille (46% contre 53%). La proportion d'enfants orphelins qui travaillent en
dehors du ménage est nettement supérieure à celle des
enfants dont les deux parents sont en vie (22% contre 17%).
Les modèles économiques familiaux de la demande
d'éducation comportent des limites notamment lorsqu'on les applique aux
pays en développement : ils revêtent un caractère statique
et ne prennent pas en compte l'incertitude quant aux revenus futurs des
enfants. Par ailleurs, le processus même de prise de décision
n'est pas élucidé et les modèles ne prennent souvent pas
en compte le rôle de la famille élargie, qui y est pourtant
impliquée dans la plupart des cas.
2.1.2.4 Facteurs
sociodémographiques
a) Structure par âge et sexe du
ménage
Dans les pays en voie de développement, compte tenu de
la division sexuelle des rôles dans le ménage et du fait que les
institutions s'occupant des enfants sont rares, les femmes doivent faire face
non seulement aux travaux domestiques mais aussi à la garde des enfants.
Elles se font aider le plus souvent par les filles les plus âgées
du ménage. L'une des hypothèses formulées par les
chercheurs est l'existence d'une relation négative entre le nombre
d'enfants d'âge préscolaire d'un ménage et la
fréquentation scolaire des filles. Dans une étude portant sur
sept pays d'Afrique subsaharienne (Cameroun, Kenya, Malawi, Namibie, Niger,
Tanzanie et la Zambie), Lioyd et Blanc (1996) ont observé cette relation
avec quelques exceptions.
En milieu urbain au Mali, Marcoux (1995), montre que «
l'absence des enfants de 0 à 4 ans diminue les probabilités de
fréquenter l'école de près de 16% pour les filles et d'un
peu moins de 10% pour les garçons alors que la présence d'au
moins deux enfants de cet âge favorise la fréquentation scolaire
des garçons de manière significative ». En revanche, Wakam
(1999) trouve que dans le cas du Cameroun, « c'est dans les ménages
n'ayant aucun enfant en
bas âge et dans ceux qui en ont au moins deux que la
scolarisation des enfants de 6-14 ans est élevée, alors qu'elle
est faible dans ceux ayant un seul enfant ». Toutefois, considérant
la scolarisation chez les 15-24 ans, la relation négative s'observe quel
que soit le sexe mais elle est plus forte chez les filles ; ce qui signifie que
la garde des enfants incombe plus aux adolescents de 15-24 ans qu'aux enfants
de 6-14 ans et qu'elle revient plus aux filles de 15-24 ans qu'à leurs
homologues garçons, et qu'elle est prioritairement confiée aux
adolescentes. Toutefois cette relation constatée n'est pas de cause
à effet car la garde des enfants peut être confiée à
des filles qui ne fréquentent pas et qui peuvent même avoir
été sollicitées à cause de leur
disponibilité.
Aussi, les ménages ne se composent pas uniquement des
enfants d'âge préscolaire mais également des enfants
scolarisables et on s'attend à ce que leur nombre influence
négativement la fréquentation scolaire.
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