CONCLUSION GENERALE
Quel rôle jouent les contre-mesures dans le droit
international public ? Telle est la question à laquelle nous sommes
attaché à répondre tout au long de la présente
étude.
La question n'est pas dénuée de controverses.
Les nombreuses contributions des experts qui ont eu à intervenir sur
cette question depuis l'inclusion dans un projet de la Commission du Droit
International, d'un régime juridique relatif aux contre-mesures, le
confirment indéniablement. Un certain nombre de membres de la
communauté internationale ont estimé que celles-ci ne sauraient
trouver place dans le droit international car elles sont le reflet d'une
justice privée, arbitraire et inégalitaire, donc dangereuse. Mais
si l'on se tient à la nature et la fonction des contre-mesures, nous
estimons que ce serait faire preuve d'un pessimisme faussement béat
d'affirmer tel propos aujourd'hui.
Les contre-mesures sont ce qu'elles sont mais nous devons
concéder qu'elles sont d'abord pacifiques et ensuite respectueuses des
principes fondamentaux du droit international public : la paix et
l'égalité entre les Etats. Les rétorsions prises par des
Etats faibles contre des superpuissances l'ont affirmé.
Quant au souci de leur finalité dite belliqueuse, on a
vu que les contre-mesures ont pour but de faire cesser une
illégalité internationale, de faire réparer le mal qui a
pu découler de cette violation du droit international. Les
contre-mesures sont donc une réponse à un acte internationalement
illicite. Parce que, plutôt que d'infliger des sanctions punitives, il
s'agit d'exercer des pressions afin de faire cesser la violation des droits de
l'homme, par exemple, et de rétablir la légalité et le
respect des obligations internationales. Certes, le risque de
débordement n'est pas à ignorer. Il est réel mais amoindri
par la réglementation des contre-mesures.
Après quarante années de travaux, la Commission
du droit international des Nations Unies a achevé en 2001 son examen de
la question de la responsabilité internationale des Etats, et par
là, celle des contre-mesures. S'il est possible pour chaque État
de réagir à la violation d'obligation internationale par un autre
État en adoptant des contre-mesures, cette possibilité est
soumise sous réserve de respecter plusieurs conditions posées par
ce projet, mais également par le droit international public d'une
manière générale. Le but est d'empêcher qu'en
répondant à un fait internationalement illicite, les
contre-mesures ne produisent des effets en dehors de la sphère du droit.
C'est pourquoi ces conditions sont suffisamment strictes pour décourager
le recours abusif des contre-mesures, en les limitant dans le temps, dans
l'espace, dans l'objet et dans leur substance.
A notre humble avis, les contre-mesures sont un meilleur
outil pour la régulation des relations internationales. Bien
encadrées par le droit international public, elles contribuent
également à son développement et son but,
l'équilibre de l'ordre juridique international, pour un monde meilleur
avec des relations internationales stables et pacifiques.
Mais, si l'on sait que les résolutions de la
Commission du Droit International n'ont qu'une valeur incitative, et comme
jusqu'à lors on n'a pas abouti à la conclusion d'un traité
international portant sur la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite, peut-on dire que ce régime juridique est
assez effectif ? L'introduction des contre-mesures dans ce projet
suffit-il à réduire les risques qu'elles présentent
à l'égard du droit international, ou faut-il créer une
« commission des contre-mesures » comme l'a
préconisé Calero Rodrigues ? Nous ne spéculons pas,
seul l'avenir nous le dira.
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