UNIVERSITE CHEIK ANTA DIOP DE DAKAR
Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques
LES CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL
PUBLIC
Mémoire présenté pour l'obtention
de la
MAITRISE DE DROIT PUBLIC
2006/2007
Presenté par : Sous la
direction de:
Hassani MOHAMED HASSANI Mr Mactar KAMARA,
Docteur en Droit International de l'Université de
Paris 1.
AVERTISSEMENT
____________________________
L'UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR N'ENTEND
DONNER AUCUNE APPROBATION NI IMPROBATION AUX IDÉES ET OPINIONS
ÉMISES DANS LE PRÉSENT MÉMOIRE.
ELLES N'ENGAGENT QUE LA RESPONSABILITÉ DE
SON AUTEUR, ET NE REFLÈTENT EN AUCUN CAS CELLES DU DIRECTEUR DE
MÉMOIRE NI DE LA FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DE
LADITE UNIVERSITÉ.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont expressément :
A mon directeur de mémoire, Monsieur Mactar KAMARA,
d'avoir accepté de superviser ce travail malgré ses nombreuses
occupations. Sa disponibilité et son accessibilité nous ont
facilité le travail.
A mon père qui, malgré la distance qui nous
sépare, n'a ménagé aucun effort afin que ce travail soit
réussi. Sa pression et son soutien moral ont été mes seuls
stimulateurs.
DEDICACES
" A ma mère,
cette jeune mère qui, s'endormant très légèrement
ce 26 juillet de l'année 1989 quand j'avais 8 ans, m'a confié
à papa avec mes deux frères et trois soeurs ;
A mon père qui, en m'inculquant la
devise "HONTE A CELUI QUI NE FAIT PAS MIEUX QUE SON PERE", m'a
donné ce que j'ai de plus précieux au monde :
l'honnêteté, la fierté et le travail bien
fait ;
A tous mes frères et nes soeurs,
A toi, fraîcheur qui adoucit ma
vie... ;
A tous mes ami(e)s, mes camarades, mes
cousin(e)s... ;
A tous mes ami(e)s sénégalais(e)s et
d'autres nationalités de la 1ère année 03/04 à la
maîtrise 06/07 "Promotion Kéba
MBAYE" ;
Ma dédicace spéciale à
Nassilat ABOUDOU, retrouve dans ces lignes toute ma
reconnaissance et ma gratitude.... ;
A mes futurs lecteurs, partisans et
détracteurs...
INTRODUCTION
1ère Partie :
L'INTERET DE L'ADMISSION DES CONTRE-MESURES EN DROIT
INTERNATIONAL PUBLIC
Chap. 1 :
DES MESURES DE SANCTIONS UNILATÉRALES
CONFORMES AU DROIT INTERNATIONAL
Sect. 1 : Une conformité reposant sur
le respect des principes fondamentaux du droit international public.
Sect. 2 : Une conformité reposant sur
l'intention de l'Etat auteur
Chap. 2 :
UN OUTIL DE RÉGULATION DES RELATIONS
INTERNATIONALES
Sect. 1 : Les Etats, gendarmes du droit international
Sect. 2 : Les contre-mesures, sanction de l'illicite en
droit international
2ème Partie :
LA STABILITE DE L'ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL PAR LA
REGLEMENTATION DES CONTRE-MESURES
Chap. 1:
LA PRÉCISION DES CONDITIONS DE RECOURS
À DES CONTRE-MESURES
Sect. 1 : La précision des conditions formelles
Sect.2 : La précision des conditions
matérielles
Chap. 2 :
LES LIMITES LÉGALES APPORTÉES AUX
CONTRE-MESURES
Sect. 1 : Les limites apportées à la
substance des contre-mesures
Sect. 2 : Les contre-mesures illicites
CONCLUSION
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_________________
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......................................................... Cour
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CIJ Rec.
.......................................................... Recueil des
arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la CIJ
CJCE
................................................................ Cour de
Justice des Communautés européennes
CPJI
.................................................................. Cour
permanente de Justice internationale
CPJI Sér. A
.................................................... Arrêts de la
CPJI
CSDO
............................................................... Conseil de
sécurité des Nations Unies, Documents officiels
COJI Sér. B
.................................................... Avis consultatifs de
la CPJI
FMI (IMF)
....................................................... Fonds
Monétaire International
G.A.F.I
............................................................. Groupement
d'action financière
GATT
................................................................ Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce
IDI
....................................................................
Institut de Droit International
OMC
.................................................................
Organisation Mondiale du Commerce
ONU
.................................................................
Organisation des Nations Unies
OTAN
................................................................
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
RCADI
................................................................. Recueil
des Cours de l'Académie de droit international de la Haye
RSANU..............................................................
Recueil des sentences arbitrales
(Publié par l'ONU)
RTNU..................................................................
Recueil des traités des Nations Unies
UE
........................................................................
Union européenne.
INTRODUCTION
Nemo judex in re sua (Nul n'est juge en sa propre
cause). Visant la garantie de l'impartialité des décisions
de justice, l'adage rejoint le principe fondamental qui veut que personne ne
puisse être à la fois juge et partie dans un même
procès. Il rejoint, par cette même philosophie, le principe selon
lequel « nul ne peut se faire justice
soi-même ».
Ces principes généraux de droit, bien
respectés en droit interne, semblent ne pas recevoir d'écho dans
la pratique internationale. Les contre-mesures en sont une bonne illustration
à travers des pratiques telles que les représailles et les
mesures de rétorsion.
En effet, depuis des décennies, il est né dans
les relations internationales une pratique qui tend de plus en plus à
remettre en cause le principe nemo judex in re sua à tel point
qu'on se demande aujourd'hui si l'ordre public international est encore
effectif face à une société internationale plus
décentralisée que dans les années d'après
guerre.
Cette pratique, communément connue sous le nom de
« contre-mesures », consiste à reconnaître aux
sujets de droit international, en particulier les Etats, « un
droit de se faire une justice privée »((*)1). C'est-à-dire le
pouvoir et le droit pour un Etat de sanctionner unilatéralement un autre
Etat face à des actes licites ou illicites commis par celui-ci et qu'il
estime préjudiciables à son égard, soit parce qu'ils
portent atteinte à ses droits, soit parce qu'ils lèsent ses
intérêts.
Littéralement, selon le "Petit Larousse
(2005)", le mot « contre-mesure » (emprunté
à l'anglais countermeasure) signifie « une
disposition prise pour s'opposer à une action, un
événement, ou pour les prévenir ». Mais, faut-il
bien le souligner, cette nouvelle expression ne sera consacrée
juridiquement en droit français que vers 1978 à l'occasion de la
décision du tribunal arbitral intervenue à l'occasion du litige
opposant les Etats-Unis à la France dans « l'affaire
concernant l'accord relatif aux services aériens du 27 mars
1946 »((*)2).
Dans le jargon juridique, les contre-mesures désignent
un « nom générique donné, dans les relations
internationales (politiques ou économiques), à diverses
initiatives prises unilatéralement par un Etat pour faire respecter ses
droits en réponse aux agissements licites ou illicites d'un autre Etat
qui lèsent ses intérêts, mesures dont la vocation
légitime, comme moyens temporaires de pression, est de déboucher
sur les procédures de règlement pacifique des différends,
sans les supplanter »((*)1).
Cependant, même si les Etats recouraient souvent
à de telles pratiques, la terminologie de contre-mesures n'était
pas encore consacrée dans la pratique juridique. On se contentait de
qualifier ces actes d'« embargos, sanctions économiques ou
boycott »((*)2).
Par extension, en droit international public, l'embargo est un
acte d'autorité d'un Etat qui peut s'appliquer à tout moyen de
transport ou à toute catégorie de marchandises ou de produits.
Ces derniers peuvent être les armes, les produits stratégiques ou
pétroliers. L'embargo consistera alors, soit à bloquer les moyens
de transport sur le territoire de l'Etat qui le décide, soit à
interdire l'importation des marchandises vers l'Etat sur lequel on entend faire
pression. Cette interdiction peut frapper aussi bien les importations que les
exportations((*)3).
Quant au boycott, il désigne un procédé
par lequel un Etat, afin de protester contre les actes d'un autre Etat et de
faire pression sur celui ci, interrompt, de façon partielle ou totale,
pour une durée variable, les relations politiques, économiques
qu'il entretenait avec cet Etat((*)4). Contrairement à l'embargo, le boycott
sous-entend soit la suspension des seules importations, soit la suspension de
toutes les relations commerciales.
Aujourd'hui, l'expression
« contre-mesure » est une expression qui couvre un champ
sémantique beaucoup plus large qui regroupe en son sein l'embargo, le
boycott, les représailles et les rétorsions et tout autre type de
sanctions d'ordre économique, financier ou politique. Cependant,
« du point de vue de la qualification juridique, les actions
auxquelles les Etats ont eu recours sont classées le plus souvent en
actions de représailles et en actions de
rétorsion »((*)1). C'est en ces termes qu'on désigne
dorénavant les contre-mesures.
Juridiquement, les mesures de rétorsion sont
considérées comme un « moyen de contrainte
consistant, dans le fait, pour un Etat de répondre par un usage
rigoureux de son droit à des actes eux-mêmes licites mais
inamicaux commis à son égard par un autre
Etat »((*)2).
Gérard Cohn voit en la mesure de rétorsion « une
mesure qui, tout en se tenant dans la limite de la loi, a pourtant pour fin un
traitement particulièrement défavorable pour l'Etat contre lequel
elle est dirigée »((*)3). On peut citer par exemple l'expulsion
réciproque d'agents diplomatiques ou la limitation de leur
déplacement dans un rayon déterminé à
l'intérieur du pays d'accréditation. Ce sont des mesures qui sont
licites mais inamicales car « draconiennes ». L'Etat,
auteur de ces mesures, utilise son droit mais d'une façon
rigoureuse ; ce qui les différencie donc des
représailles.
En ce qui concerne les représailles, l'Institut de
Droit International les définit comme
des « mesures de contrainte, dérogatoires
aux règles ordinaires du droit des gens, décidées et
prises par un Etat, en réponse à des actes illicites commis
à son préjudice par un autre Etat et ayant pour but d'imposer
à celui-ci, par pression exercée, au moyen d'un dommage, le
retour à la légalité »((*)4) On peut citer par exemple,
l'internement des étrangers ou la saisie de leurs biens. Les
représailles se présentent sous deux formes.
On distingue les représailles classiques et les
représailles armées. Seules les premières, qui sont
pacifiques, sont admises par le droit international public comme des actes
constitutifs de contre-mesures. Toutes les deux sont illicites, certes, mais la
légitimité des représailles non armées
découle de l'illicéité du fait auquel elles
répondent et de leur caractère pacifique.
Par contre, il est établi depuis longtemps
« que l'emploi de la force ne saurait être admis en tant
que réaction à des faits illicites n'ayant pas le même
caractère »((*)5). Ceci exclut donc tout recours à des
représailles armées contre un Etat pour répondre à
des agissements qui ne sont pas similaires de la part de celui-ci.
Il y a lieu de différencier également les
contre-mesures de la légitime défense. Le droit international
classe la légitime défense parmi les réactions licites
mais il la différencie des contre-mesures. En effet, bien que la
légitime défense et les contre-mesures aient des
caractères communs à savoir la condition de
proportionnalité, elles se différencient du seul fait que la
légitime défense suppose le recours à la force et est
liée à une agression armée alors que les contre-mesures
visent la cessation d'un fait illicite ou la réparation du dommage qui
pourrait résulter de ce fait.
L'autre distinction qui s'impose, c'est celle entre les
contre-mesures et les mesures prises en application de clauses de sauvegarde,
dites mesures de sauvegarde. Ces dernières sont définies comme
« toute mesure destinée à faire face à
une situation critique, comportant, pendant une durée limitée, la
mise en oeuvre licite de dérogations aux règles d'un
régime permanent et permettant de revenir, au bout d'un certain
temps, à l'application intégrale de ces règles
normales »((*)1). Généralement de nature
tarifaire, elles sont imposées provisoirement sur des importations de
produits qui causent ou menacent de causer un préjudice grave à
une branche de l'industrie nationale qui fabrique des produits similaires. Leur
objectif est de fournir du temps à l'industrie affectée pour se
soumettre à un processus d'ajustement, et elles sont prévues
surtout en matière commerciale((*)2).
La grande distinction entre ces différentes sortes de
mesures et les contre-mesures est que celles-ci présentent une
morphologie hétérogène et peuvent donc être
prises dans plusieurs domaines des relations internationales.
Il y a des contre-mesures qui se présentent sous la
forme de sanctions économiques comme l'embargo (technologique,
alimentaire, énergétique, etc....), le boycott ou la rupture des
relations économiques et commerciales. D'autres ont un aspect financier
tels que le gel d'avoirs étrangers, pendant que d'autres revêtent
une forme politique. Il peut s'agir en ce qui concerne ces dernières,
des expulsions des étrangers, de leur internement, d'expulsion
réciproque des diplomates, etc.
La pratique des contre-mesures s'est
généralisée depuis la fin de la seconde guerre mondiale,
notamment sous la guerre froide, période pendant laquelle, certains
Etats, à l'instar des Etats-Unis d'Amérique,
« s'estimant victimes ou tout simplement concernés par ce
qu'ils considéraient être des violations flagrantes des
règles internationales, réagissaient en utilisant à leur
tour l'arme économique »((*)1), pour amener d'autres Etats à cesser un
comportement inamical ou à se faire dédommager d'un
préjudice qu'ils ont pu subir((*)2).
Avant les Etats-Unis, les pays arabes producteurs de
pétrole ont eu à recourir à de telles pratiques pendant la
période de la guerre israélo-arabe de 1973((*)3). Il en est de même
pour les Etats européens qui ont, eux aussi, pris des contre-mesures
contre l'Argentine dans l'affaire dite des îles Malouines en 1982((*)4).
Face à la généralisation de leur usage,
la question de la légitimité et de la licéité des
contre-mesures commença à se poser sur le plan international
pour finir sur la table du juge. Vers la fin de la décennie 1970 et le
début des années 1980, les contre-mesures furent
consacrées pour la première fois par un tribunal international.
C'est dans la sentence arbitrale du 9 décembre 1978 intervenue dans
l'affaire de « l'interprétation de l'accord
franco-américain relatif au transport aérien » opposant les
Etats-Unis d'Amérique à la France que, pour la première
fois, un tribunal s'est prononcé sur la licéité des
contre-mesures inter-étatiques. En effet, le juge arbitral a
rappelé que chaque Etat «...a le droit, sous la réserve de
respecter les règles générales du droit international
relatives aux contraintes armées, de faire respecter son droit par des
contre-mesures »((*)1).
Cette décision sera reprise en 1980 par la Cour
Internationale de Justice dans la décision relative à
l'affaire du personnel diplomatique américain à
Téhéran, dans laquelle, le juge international
réaffirma la position du juge arbitral((*)2).
Pour sa part, la doctrine s'est penchée sur la
question. De nombreux spécialistes du droit international,
universitaires comme praticiens, du nord comme du sud, s'y sont
prononcés, allant des divergences aux convergences d'idées. Le
problème réside toujours dans la reconnaissance de la
légalité et la légitimité des contre-mesures, mais
également dans leur finalité. On leur reproche d'être des
outils de pression aux mains des superpuissances, ou des moyens de
règlement de compte entre sujets de droit international,
échappant par conséquent au contrôle de celui-ci. Cette
controverse a été également observée lors de la
53ème session de l'Assemblée Générale
des Nations Unies notamment sur le point intitulé « Rapport de
la 53eme session de la Commission du Droit International », sur
lequel les délégations étatiques et les
spécialistes du droit international se sont longuement
opposés((*)3).
Dans le cadre de sa mission de développement et de
codification du droit international, la CDI a entamé depuis 1959, un
projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait
internationalement illicite. Il a tenté de codifier la pratique des
Etats en insérant dans ce projet, des dispositions expresses relatives
aux contre-mesures, cherchant ainsi à leur donner un régime
juridique spécifique afin d'éviter leur caractère
incertain. Depuis le début du projet jusqu'au milieu des années
1998, les Etats, surtout du Tiers-Monde et non alignés, se sont
longuement montrés hostiles à toute reconnaissance des
contre-mesures en tant que sanction de l'illicite international, ou
circonstance excluant la responsabilité. Cela a été
également accentué par une hostilité manifeste de la plus
grande majorité de la doctrine qui allait jusqu'à qualifier les
contre-mesures de « mesures belliqueuses par
nature»((*)1).
Après plus de 40 ans de débats sur la question,
la CDI a abouti à l'adoption d'un projet final de 59 articles,
intitulé « Projet d'articles sur la responsabilité de
l'Etat pour fait internationalement illicite »((*)2). L'article 22 de ce projet
dispose en des termes clairs que « l'illicéité du fait
d'un Etat non conforme à l'une de ses obligations internationales
à l'égard d'un autre Etat est exclue si, et dans la mesure
où, ce fait constitue une contre-mesure prise à l'encontre de cet
autre Etat conformément au chapitre II de la troisième
partie »((*)3).
Ce projet, soumis à l'Assemblée Générale de
l'Organisation des Nations Unies par la Commission du Droit International, dans
le cadre de son rapport sur les travaux de la cinquante sixième session
de l'Assemblée, n'a jusqu'à lors pas débouché sur
la conclusion d'un traité international((*)4).
Cependant, il n'empêche que les Etats ont encore recours
à de telles pratiques. Aujourd'hui, l'usage des contre-mesures est
toujours ambigu, tant que leur admissibilité par le droit international
contemporain reste controversée.
En effet, dans la mesure où celui-ci reconnaît
à un Etat le droit de sanctionner unilatéralement un autre Etat,
par des contre-mesures, sans l'intervention d'une autorité judiciaire
internationale, une question mérite d'être posée.
Doit on dire que les contre-mesures constituent une source de faiblesse
de l'ordre juridique international ou plutôt qu'elles contribuent
à son renforcement ? Autrement dit, quels sont l'intérêt
et l'impact de l'usage des contre-mesures en droit international public ?
Ce sont ces différentes questions qui feront l'objet
de notre étude, étude dont l'intérêt nous semble
évident. L'enjeu des contre-mesures dans les relations internationales
contemporaines ne prête pas à équivoque. Pour s'en rendre
compte, il suffit de voir les réactions actuelles des Etats, qui
n'hésitent pas à recourir à des menaces de contre-mesures
pour amener un autre Etat sur la table des négociations. Leur
reconnaissance par le droit international, revêt un intérêt
indéniable qui est à la fois théorique et pratique.
Théorique, parce que l'admission des contre-mesures
dans le droit international public continue encore d'alimenter le débat
sur son caractère hypothétique, opposant de plus en plus les
praticiens et les spécialistes. Tandis que certains militent pour leur
reconnaissance institutionnelle en tant que sanction contre les violations des
obligations internationales, en excluant toute responsabilité
internationale de l'Etat auteur, d'autres voient en elles une brèche
d'instabilité de l'ordre public international et un moyen efficace de
pression des superpuissances sur les Etats faibles.
Pratique, en ce sens que face à l'absence d'une police
internationale, chargée de faire respecter le droit international et de
protéger les droits et intérêts de ses sujets, les
contre-mesures permettent aux Etats, faibles ou puissants, de se prendre en
charge eux-mêmes, en réagissant face aux éventuelles
atteintes desdits droits et intérêts, afin d'en demander le
rétablissement ou la réparation.
Le présent mémoire a donc pour finalité
de montrer qu'en remettant la justice internationale aux mains des Etats, par
une reconnaissance d'un pouvoir légitime à chaque Etat de
réagir unilatéralement afin de protéger ses droits et
intérêts ou toute violation qualifiée du droit
international par un autre Etat, les contre-mesures permettent une
meilleure régulation des relations inter-étatiques et contribuent
au maintien en équilibre de l'ordre juridique international et au
développement du droit international public.
Une telle affirmation s'appuiera essentiellement sur les
différentes analyses de la doctrine, c'est-à-dire des
spécialistes du droit international intervenus sur la question des
contre-mesures, des avis et de la pratique des Etats, et des différentes
décisions des juridictions internationales intervenues dans la
matière. Il sera également question de faire une étude
approfondie du régime juridique des contre-mesures, envisagé par
le projet de la Commission du Droit International relatif à la
responsabilité internationale de l'Etat, ainsi que des divers
instruments normatifs internationaux.
Il n'est pas nécessaire de consacrer des
développements larges dans la notion de contre-mesure, celle-ci ayant
largement été évoquée dans cette introduction.
Il s'agira de montrer quel est l'intérêt de
l'admission des contre-mesures en droit international public, en
appréciant notamment leur conformité à celui-ci et leur
efficacité dans les relations internationales (1ère
Partie). Il s'agira également de montrer que si l'on s'en tient au
régime juridique proposé par la Commission du Droit International
dans son projet de codification de la responsabilité de l'Etat pour fait
internationalement illicite, les contre-mesures contribuent au maintien de
l'équilibre de l'ordre juridique international, en ce sens que cedit
projet pose les conditions et les limites du recours aux contre-mesures
(2ème Partie).
PREMIERE PARTIE
INTERET DE L'ADMISSION DES CONTRE-MESURES EN DROIT
INTERNATIONAL PUBLIC
La pratique des contre-mesures dans les relations
internationales n'est pas chose récente. Dans l'histoire des relations
internationales, il est admis de longue date que les Etats ont pu recourir
à une « justice privée »((*)1) pour régler leurs
différends. Cela s'expliquait par l'inexistence dans la
société internationale d'une organisation qui devait
régler leurs litiges. Les Etats pouvaient donc se faire justice
eux-mêmes en ayant recours à des sanctions individuelles mais
pacifiques afin d'éviter tout recours à la guerre. A titre
d'exemple, des pratiques comme celle consistant pour un Etat à interner
les ressortissants d'un autre Etat dont le comportement est jugé
dommageable, ont été monnaie courante dans l'Antiquité et
au Moyen age. Dans le droit international contemporain, de telles pratiques
sont encore d'actualité à travers les mesures de
représailles et de rétorsion.
Que ce soit d'une manière décentralisée,
c'est-à-dire un Etat contre un autre Etat, ou d'une façon
institutionnalisée, c'est-à-dire décidées par un
organe institutionnel de droit international, comme par exemple dans le cadre
de l'application des articles 40 et 41 du chapitre VII de la Charte des Nations
Unies, les contre-mesures sont devenues aujourd'hui un outil dont le recours
est indispensable, sinon efficace, dans les relations internationales.
Depuis fort longtemps, elles sont admises par le droit
international public, tantôt en tant que moyen de pression dans les
relations inter-étatiques, tantôt en tant que sanction
unilatérale ou institutionnelle, à l'encontre de tout sujet de
droit international en violation de ses obligations internationales.
Au fil des années, la généralisation de
l'usage des contre-mesures en tant que sanction par les Etats, a suscité
beaucoup de questions au sein de la communauté internationale. On les
reproche d'être une des causes de l'instabilité de l'ordre
juridique international de par leur caractère diffus et
décentralisé.
Cependant, ce serait ignorer totalement
l'intérêt majeur de leur admission dans le droit international,
dans la mesure où elles ont pour philosophie principale, le
contournement du recours à la force dans le règlement des
différends inter-étatiques.
L'objet de la présente partie est de montrer que
l'intérêt des contre-mesures dans le droit international public,
est qu'elles contribuent au développement de celui-ci. Les
contre-mesures permettent aux sujets du droit des gens de
s'autocontrôler, par des pouvoirs des sanctions unilatérales, sans
remettre en cause les principes fondamentaux du droit international public.
Cela peut être illustré par deux grands atouts
des contre-mesures. C'est que, dans un premier sens, elles sont des mesures de
sanctions unilatérales, certes, mais qui respectent les bases
fondamentales régissant le droit des gens (Chapitre 1er).
Leur second atout s'explique par le fait que, face à l'absence d'organes
internationaux chargés de faire respecter le droit international et
notamment les obligations qui découlent des relations
bilatérales, les contre-mesures constituent tout au moins un palliatif
à cette lacune en permettant une meilleure régulation des
relations internationales (Chapitre 2ème).
Chapitre I : Des mesures de sanctions
unilatérales conformes au droit international public
Chapitre II : Les contre-mesures, un outil de
régulation des relations internationales.
Chapitre Premier
DES MESURES DE SANCTIONS UNILATÉRALES CONFORMES
AU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Les contre-mesures sont définies comme des sanctions
qu'un sujet de droit international, plus particulièrement un Etat, peut
prendre unilatéralement à l'encontre d'un autre Etat qui
lèse ses intérêts ou qui porte atteinte à ses
droits. Ce peut être également une sanction qu'un Etat ou
plusieurs Etats décident à l'encontre d'un Etat qui ne respecte
pas, en général, ses obligations internationales,
c'est-à-dire un Etat qui se trouve en violation qualifiée du
droit international.
A première lecture, on serait tenté de dire que
pratiquement les contre-mesures permettent aux Etats de se faire justice
eux-mêmes, sans recourir à des autorités judiciaires
internationales pour régler leurs différends. C'est la principale
problématique de l'admission des contre-mesures en droit international.
Cette problématique s'est soulevée lorsque ce dernier les a
reconnues en tant que circonstances excluant la responsabilité d'un Etat
auteur d'un fait internationalement illicite. En légitimant les actes
illicites qu'un Etat aurait pris contre un autre, on craignait d'un
côté que cela ne débouche à un détournement
de l'objet des contre-mesures de la part des Etats, surtout puissants. D'autre
part, on voit aux contre-mesures une brèche de l'instabilité du
système juridique international en ce sens qu'elles constituent un
pouvoir de sanction diffus entre ses sujets qui en disposent arbitrairement.
Cependant, ces affirmations doivent être
relativisées. Si les contre-mesures sont admises par le droit
international, c'est grâce à leur caractère pacifique et
leur finalité. Quoiqu'elles soient des sanctions unilatérales, en
principe illicites, dont la qualification du fait reproché relève
du pouvoir discrétionnaire de chaque Etat, il n'empêche que leurs
modalités d'exécution et leur régime sont en
conformité avec les dispositions du droit international public. La
question qui se pose consiste à savoir comment cette conformité
se justifie-t-elle alors que les contre-mesures permettent à chaque Etat
de « punir » un autre sans l'autorisation du juge
international. On verra que la conformité des contre-mesures au droit
international s'explique par le fait qu'elles sont, avant tout, des mesures qui
respectent les principes fondamentaux du droit international public (Section
I). Ce sont également des sanctions décentralisées,
certes, mais qui trouvent leur fondement en droit international dans
l'intention pacifique de l'Etat qui décide d'y recourir (Section 2).
Section I
Une conformité reposant sur le respect des principes
fondamentaux du droit international
Le caractère répressif et unilatéral des
contre-mesures n'est pas à discuter ici. Leurs partisans et comme leurs
détracteurs sont d'accord sur ces deux aspects qui les
caractérisent d'une manière générale.
La controverse reste, cependant, sur leur nature et leur
aboutissement, c'est-à-dire leurs conséquences jugées
néfastes au droit international. Certains auteurs, à l'instar du
Professeur Charles LEBEN, les qualifient de « mesures
belliqueuses »((*)1), c'est-à-dire des mesures agressives qui se
plaisent à la guerre. Affirmer ainsi, aujourd'hui, serait ignorer le
caractère pacifique des contre-mesures et leur première
finalité.
La licéité que le droit
international public reconnaît aux contre-mesures est due au fait que
celles-ci sont caractérisées par une absence totale de tout
recours ou de toute menace d'usage de la force dans le règlement des
différends (Paragraphe 1). Le respect des principes fondamentaux du
droit international par les contre-mesures s'explique également par le
fait qu'elles offrent l'occasion aux Etats d'affirmer leur
égalité et leur souveraineté en droit international
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1
Le respect du principe de non usage de la force
C'est la caractéristique principale des
contre-mesures. Ces dernières doivent obligatoirement respecter le
principe du non recours à la force posé par l'alinéa 4 de
l'article 2 de la Charte des Nations Unies, mais aussi de l'obligation faite
aux Etats de recourir à tout moyen pacifique pour résoudre leurs
différends, posée par l'article 33((*)1). Le non usage de la force se manifeste dans tous
les types de contre-mesures, des mesures de rétorsion et
représailles (A) aux autres types de sanctions économiques (B).
A- Les mesures de rétorsion et de
représailles
Les actes de rétorsion, d'abord, sont des mesures
contraignantes prises par un Etat qui use rigoureusement de son droit afin de
répondre à des actes eux-mêmes licites mais inamicaux
commis à son égard par un autre Etat. Ce sont des mesures licites
et légales au regard du droit international car, même si elles
sont contraignantes et dolosives, elles ne comportent cependant aucun usage de
la force. L'Etat auteur des rétorsions use de sont droit mais d'une
manière forte, ou plutôt draconienne. L'admission des
rétorsions par le droit international trouve un fondement
légitime. On dit qu'« un Etat à l'égard duquel
un autre Etat a pris une mesure qui, tout en étant légale et
licite, est discourtoise, rigoureuse, dommageable, peut prendre à son
tour, à l'égard de celui-ci, des mesures ayant le même
caractère afin de l'amener à composition »((*)2).
La mesure de rétorsion peut prendre des formes
extrêmement variées. Elle peut viser les relations diplomatiques,
comme par exemple l'expulsion de citoyens ou de diplomates ou par exemple la
rupture desdites relations((*)3). Ce peut être également des entraves
exercées à l'égard des relations économiques ou
commerciales((*)4), mais
le principe reste le non usage de la force.
Il faut noter que peu importe qu'elle réponde à
un acte licite ou illicite, la mesure de rétorsion est par nature licite
et légale au regard du droit international. C'est cette
licéité par nature qui fait sa différence par rapport aux
mesures de représailles, qui ne sont licites que par
définition((*)1).
En effet, selon l'Institut du Droit International, les
représailles sont des « mesures de contrainte
dérogatoires aux règles ordinaires du droit des gens prises par
un Etat à la suite d'actes illicites commis à son
préjudice par un autre Etat et ayant pour but d'imposer à
celui-ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit »((*)2). Les mesures de
représailles se différencient des rétorsions sur deux
points. D'abord elles sont des réactions à un acte illicite, puis
elles s'exercent par « des moyens qui auraient été
illicites si le comportement initial qui les explique n'avait pas
été lui-même illicite »((*)3). Ce sont donc des mesures
illicites par nature mais dont la licéité découle du fait
qu'elles sont destinées à combattre un acte illicite
antérieur. Par contre, sont exclues des contre-mesures les
représailles armées qui sont à priori interdites par le
droit international((*)4).
L'absence d'usage de la force armée dans les mesures
de représailles pacifiques et les actes de rétorsion cautionne
leur licéité et, par conséquent, leur conformité
avec le droit international public. Cependant, cette licéité a un
seuil à ne pas dépasser qui s'analyse par rapport à l'acte
préalable auquel elles répondent et à leur
conformité au droit international général, obligation
étant faite aux Etats de respecter les normes impératives de ce
dernier (jus cogens)((*)5). En effet, bien qu'un Etat puisse
légitimement décider des rétorsions ou des
représailles en riposte à des actes illicites d'un autre Etat, on
condamne certaines mesures ayant pour but de contraindre un Etat à
subordonner l'exercice de ses droits souverains((*)6). C'est le problème posé par les
contre-mesures économiques et financières qui ont souvent un tel
dessein.
B- Les autres types de sanctions économiques et
financières
Comme les représailles et les rétorsions, ces
sanctions sont également caractérisées par le pacifisme et
la diversité. On distingue le boycott, l'embargo et certaines
contre-mesures à caractère financier.
Le boycott consiste en une suspension des relations
commerciales ou politiques ou une interruption des importations entre deux ou
plusieurs Etats. Il peut également consister en une action comme en une
abstention. C'est une pratique très prisée par les Etats
grâce à son caractère politique et dissuasif. Un Etat peut
décider de boycotter ses relations politiques avec un autre Etat
lorsqu'il estime que celui-ci pratique des manoeuvres dolosives à son
égard, ou lorsqu'il juge que cet Etat ne respecte pas, en
général, le droit international. C'est cette politique qu'ont
adoptée les Etats-Unis contre l'URSS lorsque celle-ci avait envahi
l'Afghanistan aux années 1979((*)1). Pour le boycott abstentionniste, « un
Etat peut interdire à ses nationaux (personnes physiques ou morales) de
commercer à l'importation ou à l'exportation avec un Etat tiers
et ses nationaux »((*)2).
Quant à l'embargo, il relève d'un régime
un peu plus contraignant que le boycott. C'est une mesure qui frappe aussi bien
les exportations que les importations vers ou en provenance de l'Etat sur
lequel on entend faire pression. L'embargo est en général
commercial mais peut revêtir d'autres formes.
Pour l'embargo commercial, il peut être partiel comme il
peut être total. L'embargo partiel est moins léger que l'embargo
total car il ne vise qu'une catégorie de produits commerciaux
stratégiques comme les armes((*)3). L'embargo total consiste, quant à lui,
à interdire catégoriquement toute importation ou toute
exportation avec l'Etat visé quel que soit le produit commercial((*)4). Cependant, il n'y a pas
que l'embargo commercial. L'embargo peut être d'ordre
technologique((*)1),
militaire ou même financier qu'on qualifiera de contre-mesures ou de
sanctions financières.
Les contre-mesures financières consistent pour l'Etat
décideur, soit à bloquer ou geler les avoirs financiers de l'Etat
sur lequel on entend faire pression, soit à réduire les aides
financières envers cet Etat. Les Etats-Unis utilisent l'arme
financière tantôt comme moyen de sanction contre l'organisation
terroriste Al-Quaida, tantôt comme moyen de négociation et de
pression à l'égard du régime nord-coréen((*)2). Les contre-mesures
financières peuvent également être prises en dehors de tout
cadre conflictuel notamment lorsque des organisations internationales
décident des sanctions financières contre des Etats
réfractaires aux politiques monétaires internationales ou
constituant des paradis fiscaux ou de nids de blanchiment d'argent((*)3).
Toutefois, la licéité de ce type de
contre-mesures n'est établie que lorsqu'elles ne sont pas
entachées d'un abus de droit. C'est-à-dire leur usage ne doit pas
avoir comme objectif de contraindre la souveraineté d'un Etat mais celui
de l'amener à la légalité internationale ou à un
état non compromettant. Autrement dit, ces sanctions doivent avoir en
elles, la philosophie première des contre-mesures.
Paragraphe 2
Le respect du principe d'égalité et de la
souveraineté des Etats
Les contre-mesures permettent d'affirmer les principes de
l'égalité et de la souveraineté des Etats en droit
international. En matière de recours à des contre-mesures, les
Etats ont une égalité de droit, observée également
dans la pratique, quel que soit leur niveau de développement ou leur
pouvoir d'influence (A). Cette égalité est renforcée par
le fait que chaque Etat a le droit et le pouvoir de qualifier souverainement le
fait illicite et d'en décider discrètement sa sanction (B).
A- Une égalité de droit et de fait reconnue
à chaque Etat
On peut dire que les contre-mesures permettent d'assurer une
certaine égalité entre les Etats dans les relations
internationales. Le droit international reconnaît un pouvoir à
chaque Etat de prendre des contre-mesures pour protéger ses
intérêts, quelle que soit sa puissance économique et
financière, ou son pouvoir d'influence sur la scène
internationale. C'est une égalité de droit reconnue à tous
les Etats et affirmée par la plupart des textes internationaux. C'est le
cas, par exemple, de l'Accord de l'OMC qui donne le droit à chaque
membre de prendre des contre-mesures contre un autre membre((*)1). La Charte de l'ONU
prévoit également dans son chapitre VII que dans la recherche
d'une résolution d'un éventuel conflit, les Etats membres de
l'Organisation peuvent être invités à prendre des mesures
n'impliquant pas l'usage de la force, qu'on peut qualifier de
contre-mesures((*)2).
Ces textes sont aussi affirmés par le projet de la CDI
qui donne le droit à chaque Etat de prendre des contre-mesures face
à un acte dolosif de la part d'un autre Etat ou la violation par
celui-ci du droit international((*)3). Au regard du droit international, les Etats sont
égaux et peuvent décider des contre-mesures entre eux sans avoir
à se justifier du moment où ces mesures sont justifiées et
sont en respect avec leurs obligations internationales relatives au droit
international général. Certains auteurs reprochent, cependant,
aux contre-mesures d'être une source d'inégalité de
fait.
Pourtant, d'aucuns pensent que le principe selon lequel en
droit international les Etats sont égaux en droit mais inégaux de
fait s'illustre dans la pratique des contre-mesures. Selon cette
théorie, il est facile pour un Etat fort et puissant, ou une
organisation internationale ayant un pouvoir d'influence, de décider des
contre-mesures à l'encontre d'un Etat faible. De telles contre-mesures
seront effectives car l'Etat contre lequel on les décide va céder
à la pression, craignant de se voir sanctionner((*)1).
Par contre, dit-on, un Etat faible aura du mal à
prendre des contre-mesures vis-à-vis d'un Etat fort et puissant. De
telles contre-mesures restent toujours ineffectives car l'Etat destinataire,
s'il est une superpuissance, peut user de son pouvoir d'influence et sa
puissance économique pour contrebalancer des mesures prises à son
égard. Surtout si elles ne sont pas décidées par une
juridiction internationale. On dit donc que les contre-mesures sont un
instrument stratégique permettant aux superpuissances d'asseoir leur
hégémonie sur les Etats faibles, maintenant ainsi leur
souveraineté en état d'assujettissement.
Cependant, il faut noter que dans la pratique on constate une
tendance au contraire. Le risque d'inégalité dans l'usage des
contre-mesures existe certes, mais il doit être amoindri. En effet, dans
la pratique contemporaine du droit international, on note que certains Etats
dont on qualifierait de faibles, ont pu prendre des contre-mesures à
l'égard d'autres Etats puissants((*)2). Récemment, un micro Etat, à savoir
la Biélorussie, a menacé de prendre des contre-mesures contre son
ancienne puissance, la Russie, une des superpuissance du monde((*)3).
Ceci montre qu'au lieu de constituer une source
d'inégalité de fait entre les Etats, les contre-mesures sont au
contraire un signe d'affirmation de l'égalité des Etats, et
respectent de ce fait, l'un des principes fondamentaux du droit international
public. Elles permettent également aux Etats d'affirmer leur
souveraineté notamment dans la qualification du fait internationalement
illicite et sa sanction.
B- Le pouvoir de qualification unilatérale du fait
illicite et sa sanction
Les contre-mesures, comme nous l'avons dit, sont des
sanctions qu'un sujet de droit international, en particulier un Etat, prend
unilatéralement contre un autre sujet (un autre Etat) en réponse
à des faits internationalement illicites que ce dernier aurait commis
à son égard ou à l'égard du droit international
général. On se demande qui décide de la
licéité du fait et de sa sanction. Ce pouvoir revient en
général à l'Etat lésé. La qualification du
fait internationalement illicite permet donc de constater, encore une fois, que
les contre-mesures mettent les Etats au même pied
d'égalité. L'illicéité du fait commis se constate
au regard des règles du droit international mais c'est l'Etat auteur des
contre-mesures qui décide lui-même de qualifier cette
illicéité et d'en déterminer unilatéralement la
sanction. Il n'y a pas de transfert de souveraineté au niveau
international. Cette souveraineté ne s'exerce que sur le plan interne,
notamment dans la qualification de la faute et sa sanction. L'Etat regarde son
intérêt lorsqu'il analyse si le traité est violé ou
s'il est respecté. Il exerce sa souveraineté en
interprétant le texte, le fait et en décidant la sanction. Par
exemple, dans l'affaire franco-américaine relative à
l'interprétation de l'accord aérien de 1946, il n'y avait aucun
transfert de souveraineté lorsque les Etats-Unis se sont
prononcés sur l'illégalité du comportement du gouvernement
français.
La seule leçon qu'il faut retenir d'une telle pratique
est que les contre-mesures donnent l'occasion aux Etats de faire valoir leur
souveraineté internationale. La notion de contre-mesures dépend
du pouvoir de chaque partie. Chaque Etat, quelle que soit sa puissance, peut
juger unilatéralement le comportement d'un autre Etat et le qualifier
d'illicite au regard du droit international pour, ensuite, le sanctionner. Le
problème reste à savoir si une telle pratique ne
résulterait pas d'une sorte de vengeance entre les Etats ou un usage des
contre-mesures dans un autre but.
Section II
Une conformité reposant sur l'intention de l'Etat
auteur
Contrairement à l'idée selon laquelle les
contre-mesures sont un outil arbitraire dont les superpuissances disposent
contre les Etats faibles, on peut dire que ce sont des mesures qui, en plus
d'être pacifiques, présument une bonne intention de la part de
l'Etat auteur. Leur caractère unilatéral et
décentralisé ne cache pas forcément une mauvaise intention
quant aux finalités que les Etats les assignent. Un Etat qui
décide de recourir à des contre-mesures contre un autre Etat a un
autre dessein que celui de le sanctionner ou de soumettre sa
souveraineté à un état d'assujettissement. Il s'agit de
voir ici en quoi consiste cette intention (Paragraphe 1). Par ailleurs, le
caractère unilatéral et dommageable des contre-mesures trouve un
fondement en droit international. Ce fondement repose sur le pouvoir
légitime reconnu à chaque Etat de protéger lui-même
ses intérêts face à une éventuelle atteinte par un
autre Etat (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
La philosophie principale du recours aux contre-mesures
En analysant les contre-mesures dans leur fond, on constate
que leur première philosophie n'est pas toujours de sanctionner. Un Etat
qui décide des contre-mesures à l'égard d'un autre le fait
principalement soit pour dissuader celui-ci pour l'amener à la
négociation (A), soit pour faire pression sur lui (B).
A- Le recours aux contre-mesures à fin de
négociation
La première philosophie des contre-mesures est la
dissuasion. C'est un moyen de pression que les Etats ou les organisations
internationales utilisent pour convaincre un autre Etat qui viole le droit
international à la négociation afin qu'il cesse le fait illicite
reproché, ou qu'il répare le dommage résultant de ses
actes((*)1). Les Etats
sont rattachés à la résolution pacifique des conflits face
à des actes préjudiciables de l'un d'entre eux. Leur
réaction est de tenter de le convaincre de revenir dans la situation
antérieure, c'est-à-dire de rétablir la
légalité. Le principe pacta sunt servanda fait que
devant un conflit, chaque Etat va essayer d'abord de trouver un
règlement pacifique.
L'usage des contre-mesures comme instrument de
négociation dans les relations inter-étatiques est d'une grande
actualité dans la pratique contemporaine du droit international. La
communauté internationale n'hésite pas à menacer de
sanctionner un Etat dans le but de le dissuader. Il est vrai qu'on emploie
souvent le terme de « sanction » pour désigner les
contre-mesures mais la philosophie du terme « sanction »
est de convaincre l'Etat récalcitrant à faire cesser
l'illicéité ou à réparer le dommage y
résultant. Un exemple parmi tant d'autres, on peut citer le cas
récent où « le gouvernement américain
décida de sanctionner les autorités soudanaises par des
contre-mesures face à leur obstruction de trouver une issue
définitive à la crise du Darfour »((*)1). Le but était
d'amener ces autorités à négocier avec la
communauté internationale pour une intervention armée au Darfour
en vue de faire cesser les hostilités. Les organisations internationales
utilisent, elles aussi, cette politique de négociation par des
contre-mesures à l'égard de certains Etats réticents dans
l'application du droit international ou qui sont en violation avec ce
dernier((*)2).
B- Le recours aux contre-mesures à fin de
dissuasion
Les contre-mesures sont avant tout des mesures dissuasives
que punitives. La dissuasion ne joue pas seulement à l'égard de
l'Etat en cause. Elle peut également viser un Etat tiers qui voudrait,
à l'avenir, manifester le même comportement illicite. Les
contre-mesures auront donc pour objectif d' « endiguer de tels
agissements dans le futur »((*)3). Cet endiguement peut être, par exemple, la
suspension du traité ou son extinction qui constitue également
une contre-mesure. La dissuasion peut être, par exemple, des
manifestations vigoureuses et répétées de la part des
membres de la communauté internationale auprès des ambassadeurs
représentant l'Etat en question. La dissuasion par des contre-mesures
est une politique initiée par les Etats-Unis mais aujourd'hui reprise de
plus en plus par les Etats. De nombreux Etats font aujourd'hui recours aux
contre-mesures pour faire pression même à la communauté
internationale((*)4). Il
résulte que cette fin dissuasive montre combien les Etats sont
attachés à une politique pacifique dans le règlement des
différends internationaux, objet principale des contre-mesures.
L'exemple de la menace américaine et onusienne de sanctionner le Soudan
montre combien ces derniers voulaient à tout prix éviter de
recourir à la force contre cet Etat, ce qui aggraverait encore la
situation dans la région. La dissuasion a usé de son influence
car sous la pression diplomatique, les autorités soudanaises ont fini
par céder et accepter l'intervention sans condition de la force hybride
africaine et onusienne au Darfour.
Cependant, un problème s'est soulevé, celui de
considérer que l'usage des contre-mesures comme moyen dissuasif dans les
relations inter-étatiques aura un effet pervers sur lesdites relations.
On accuse les contre-mesures de constituer une sorte de chantage que certains
Etats ou organisations internationales pourraient mettre en exergue pour
arriver à leurs fins((*)1).
Il faut dire que ce risque est moindre. Au regard du droit
international, les Etats sont égaux en droit. Ils ont donc les
mêmes droits et moyens de décider des contre-mesures entre eux
du moment où celles-ci sont en respect avec les normes obligatoires
du droit international public. La question sur l'égalité des
moyens qui fait que les Etats sont inégaux en fait, ne se pose
guère dans la pratique des contre-mesures dans la mesure où
chaque Etat peut y recourir sans l'aval d'aucune instance internationale, ni
avoir à se justifier au préalable devant l'Etat contre lequel il
décide ces contre-mesures.
L'idée selon laquelle les contre-mesures constituent
un outil dangereux pour la société internationale en ce sens
qu'elles permettraient à certains Etats d'obtenir des avantages de la
part d'un Etat faible par des négociations forcées, doit donc
être relativisée. Il ne faut pas ignorer une telle
hypothèse mais elle peut être remise en cause dans la pratique.
L'Etat qui use des contre-mesures à cette fin sort carrément de
leur cadre d'application qui, rappelons-le, constituent une réponse
à un fait antérieur illicite. Si le but de cet Etat est
uniquement de soumettre la volonté d'un autre Etat, il viole
lui-même le droit international((*)1). Ses mesures ne sauraient se justifier en l'absence
d'un fait illicite générateur((*)2). Les contre-mesures ne sont
légitimées que lorsqu'elles constituent une réponse
à une violation antérieure du droit international ou une
lésion d'intérêts((*)3). C'est l'existence de cet acte illicite
antérieur qui justifie l'adoption des contre-mesures.
Paragraphe 2
Le fondement de la légitimité et la
légalité des contre-mesures
Le problème de l'introduction des contre-mesures dans
le droit international réside essentiellement sur cet aspect : leur
légitimité et leur licéité. Les contre-mesures sont
légitimes et légales au regard du droit international pour deux
principales raisons. D'abord c'est parce que chaque Etat a le droit et le
pouvoir de protéger lui-même ses droits et intérêts
face à un acte préjudiciable d'un autre Etat (A). Ensuite, c'est
parce que la contre-mesure est prise pour contrer une mesure antérieure
illicite ou licite mais dommageable (B).
A- La légitimité de chaque Etat à
protéger lui-même ses intérêts
En droit international, il est reconnu à chaque Etat le
droit, sinon le devoir de protéger lui-même ses
intérêts. La société internationale n'est pas assez
intégrée au point qu'il y ait une structure chargée de la
défense de l'intérêt de chaque membre comme c'est le cas
pour les pouvoirs publics au plan interne. Il appartient donc à chaque
membre d'exercer sa souveraineté pour protéger lui-même ses
intérêts face à une éventuelle atteinte à ses
droits par un autre sujet. C'est ce qu'a été décidé
par exemple dans la sentence arbitrale du 9 décembre 1978 dans l'affaire
opposant la France aux Etats-Unis((*)4). Face à une lésion de ses
intérêts par les faits et actes d'un autre Etat, ou une violation
du droit international qu'il juge préjudiciable à son
égard, ou tout simplement non-conformes aux normes du droit
international public, un Etat peut prendre différentes mesures pour
demander la réparation du préjudice subi ou la cessation des
actes illicite en cause((*)1).
Les contre-mesures offrent aux Etats un moyen de faire valoir
leurs droits sans violer le droit international. Avant de constituer une
sanction contre un Etat, elles ont pour but de demander à cet Etat de
réparer le dommage qu'il ait pu faire subir par ses agissements
illicites. L'Etat qui recourt aux contre-mesures ne viole pas le droit
international car il est fondé à protéger ses
intérêts. Leur légitimité se trouve justifiée
sur ce principe, le droit pour chaque Etat de protéger personnellement
ses droits et intérêts.
Le problème qui reste à déterminer, c'est
de savoir comment de telles mesures sont conformes au droit international alors
que, parfois, elles constituent elles-mêmes des actes illégaux.
C'est le problème du fondement de la légalité des
contre-mesures.
B- Le fondement de la licéité des
contre-mesures
Les contre-mesures ne sont pas des réactions
anticipées comme les mesures de sauvegarde ou les lois antiblocage. Ce
sont des mesures prises en réaction à des actes préalables
d'un Etat, ayant un caractère illicite au regard du droit international,
ou licite mais préjudiciable à l'égard de l'Etat
visé. Leur légalité par rapport au droit international
s'explique par l'illicéité de ces actes. D'ailleurs,
« la notion de contre-mesures est définie par la C.D.I. comme
l'ensemble des actes par lesquels un Etat riposte à une mesure prise par
un autre Etat et qui seraient illicites dans des circonstances normales. Elles
deviennent cependant licites du fait qu'elles répondent à un
comportement lui-même illicite dont l'Etat lésé conteste le
bien-fondé »((*)2).
Par contre-mesure, on désigne l'ensemble des actes
constituant une réponse, une riposte à un acte illicite d'un
autre Etat. Il résulte donc qu'en l'absence d'une mesure
préalable, illicite ou licite mais qui porte atteinte aux
intérêts d'un Etat, celui-ci ne peut pas prendre des
contre-mesures.
Conclusion du chapitre 1
Les contre-mesures sont des sanctions unilatérales aux
mains des Etats certes, mais conformes au droit international. Cette
conformité nous l'avons vu, repose sur leur respect des principes
fondamentaux du droit international public. Les contre-mesures respectent et
maintiennent en effet le principe du non usage de la force armée d'une
manière unilatérale dans les relations inter-étatiques et
les principes de l'égalité et de la souveraineté des
Etats. Si leur conformité au droit international public reste
évidente, il reste à savoir quel rôle jouent elles à
l'égard de ce dernier.
Chapitre II
UN OUTIL DE REGULATION DES RELATIONS
INTERNATIONALES
L'autre intérêt de l'admission des
contre-mesures dans le droit international public s'analyse en leur
efficacité dans la régulation des relations
inter-étatiques. Il est de la nature, pour les Etats, de toujours faire
valoir leurs intérêts par rapport à leurs obligations
internationales. Cela débouche le plus souvent à une violation
marquée du droit international par les Etats au nom de leur
souveraineté ou à des conflits incessants. Face à
l'absence d'une police internationale chargée de faire respecter le
droit international ou de servir d'arbitre dans les relations
inter-étatiques, les contre-mesures s'avèrent être un outil
efficace dans la régulation desdites relations. Les contre-mesures
désignent en effet « les actes par lesquels un Etat riposte
à des mesures qu'il estime infondées et préjudiciables
à ses intérêts, décidées à son
encontre par un autre Etat »((*)1). Cet aspect unilatéral facilite leur recours
et donne aux Etats l'occasion d'agir rapidement sans passer par une juridiction
internationale devant laquelle la procédure serait longue et
décourageante.
La question de l'efficacité des contre-mesures dans la
régulation des relations internationales a fait l'objet de plusieurs
critiques de la part d'un certain nombre d'auteurs et de praticiens du droit
international((*)2). On se
demandait, en effet, quel est l'intérêt d'admettre de telles
pratiques dans les relations internationales face à une
société déjà décentralisée et
divisée par les intérêts individuels de chacun. On
craignait qu'en admettant les contre-mesures, le droit international ne
légitime pas l'arbitraire des Etats en leur reconnaissant un pouvoir de
sanction, dont ils disposeraient à leur guise. On dit que les
contre-mesures n'ont pour effet que l'affaiblissement du système
juridique international((*)3).
Ces effets négatifs tant redoutés ne sont pas
observés nécessairement dans la pratique. Il faut noter, en
effet, que les Etats recourent aux contre-mesures non seulement pour
régler pacifiquement leurs différends, mais aussi dans le but de
prévenir ou de punir toute violation du droit international par un autre
Etat. On peut dire de ce fait que les contre-mesures permettent aux Etats
d'être leurs propres gendarmes en veillant au respect du droit
international (Section 1). Dans la mesure où elles permettent aux Etats
de sanctionner l'illicéité d'un acte international commis par un
autre Etat, on peut dire que les contre-mesures érigent les Etats en
leurs propres juges mais aussi en juges du droit international (Section 2).
Section 1
Les Etats, gendarmes du droit international
Les contre-mesures ne dénaturent pas le droit
international public. Au contraire, elles sont la manifestation de la
volonté des Etats à vouloir le renforcer en veillant à
leur respect. En permettant à ceux-ci de recourir à des
contre-mesures pour demander la cessation d'un fait illicite, ou pour obtenir
la réparation d'un dommage qui pourrait résultait d'un tel fait,
le droit international permet aux Etats de veiller au respect du droit
international. Ils sont devenus ainsi leurs propres gendarmes, les gendarmes du
droit international. Les Etats se contrôlent mutuellement et, par le
biais des contre-mesures, chaque d'eux oblige l'autre à respecter ses
obligations internationales, quoiqu'elles découlent d'une convention
bilatérale, multilatérale, ou du droit international
général. Ceci se manifeste à travers plusieurs
caractéristiques des contre-mesures dont, principalement, leur fonction
(Paragraphe 1) mais aussi leurs finalités c'est-à-dire le but de
leur emploi (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
Les fonctions des contre-mesures
Ici, on se pose une question essentielle. Que peut faire un
Etat contre un autre qui lèse ses intérêts en contrevenant
à ses obligations internationales ? Cet Etat peut prendre des
contre-mesures contre le premier. Les contre-mesures ont deux principales
fonctions importantes. Elles visent d'abord à faire cesser l'acte
illicite (A) et obliger l'autre Etat à réparer le dommage qui
pourrait résulter d'un tel acte (B).
A- Obliger un Etat à cesser un fait illicite ou
licite mais dommageable
La principale fonction des contre-mesures est de demander la
cessation d'un acte illicite. Elles obligent un Etat à respecter ses
obligations conventionnelles ou celles découlant du droit international
général. Face aux actes et faits d'un Etat qui
méconnaît une obligation découlant d'une convention entre
deux Etats, l'autre Etat décide des contre-mesures pour obliger l'Etat
défaillant à revenir à la légalité. Le but
est de l'obliger à cesser l'acte illicite qu'il est entrain de
commettre((*)1). Le fait
illicite peut découler d'une série d'actions ou d'omissions de
l'Etat((*)2).
Des contre-mesures peuvent également être
décidées contre des décisions ou des actes qui ne sont pas
forcément illicites au regard du droit international mais
préjudiciables à l'un de ses sujets. C'est le cas des mesures
dites dommageables. Par exemple, lorsqu'un Etat décide de chasser de son
territoire les ressortissants d'un autre Etat ou de nationaliser les biens de
ces derniers, il le fait de plein droit mais, du coup, il porte atteinte aux
intérêts de cet Etat. Les différentes mesures pouvant
être décidées sont des actes de rétorsion((*)3), qui auront pour but
d'obliger cet Etat à revenir en arrière, c'est-à-dire
à cesser ses actes dommageables.
La faculté de prendre des contre-mesures n'est pas
reconnue uniquement qu'à l'Etat directement lésé. D'autres
Etats se sentant indirectement lésés peuvent décider de
sanctionner un Etat par des contre-mesures lorsque celui-ci viole le droit
international général, même s'il ne porte aucune atteinte
aux intérêts de ces Etats. La seule violation du droit
international justifie ces contre-mesures((*)4). Les contre-mesures décidées dans un
cadre collectif tendent le plus souvent à protéger les
intérêts collectifs. Le plus souvent, les arguments portent sur la
protection des droits de l'homme. Ces contre-mesures sont, en
général, des mesures de sanction économiques ou
politiques. Les Etats deviennent ainsi gendarmes de leurs propres
intérêts et, en même temps, les gendarmes du droit
international.
Il n'existe aucune police internationale qui aurait comme
fonction d'obliger tous les sujets de droit international à se conformer
aux normes de ce dernier. La mise en oeuvre de ces règles
dépendant de la volonté des Etats, le droit international peut se
trouver menacé parce que chaque Etat aura tendance à faire
prévaloir sa souveraineté. L'absence d'une police internationale
fait que les Etats deviennent des gardiens de fait et demandent cessation de
tout acte qui viole le droit international par le biais des contre-mesures,
celles-ci ayant une force dissuasive.
La justice internationale intervient également pour
affirmer cette fonction des contre-mesures. Dans l'affaire des prises d'otages
dans l'ambassade américaine de Téhéran, la CIJ
décida que l'Iran devait « faire cesser immédiatement
la détention illicite du chargé d'affaires, d'autres membres du
personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis... »((*)1). Lorsque l'Etat aura obtenu
la cessation de l'acte illicite, il va demander à l'autre de
réparer le dommage qu'il a pu occasionner.
B- Obliger un Etat à réparer le dommage
résultant de ses actes
L'autre fonction des contre-mesures est celle d'obtenir la
réparation du dommage qui peut résulter du fait de l'Etat fautif.
Ici encore, l'absence d'une police internationale oblige les Etats à
s'ériger en gendarme de leurs intérêts. Ils veillent sur
eux et demandent réparation en cas d'atteinte sans recourir à une
juridiction internationale. En effet, le dommage peut être imminent et
très nocif pour l'Etat lésé. Le fait d'entamer des
procédures devant une telle juridiction peut avoir pour effet de
retarder la réparation ou de rendre celle-ci obsolète.
L'intérêt pour l'Etat de prendre des mesures immédiates
comme les contre-mesures en est qu'il va demander la cessation du fait et la
réparation du préjudice subi de ce fait.
L'obtention d'une réparation est, peut-on dire, la
raison d'être des contre-mesures. Les Etats demandent la cessation des
actes illicites qui est toujours suivie d'une demande de dédommagement
des préjudices ayant résulté de ces actes. La seule
cessation du fait ne suffit pas, les contre-mesures ayant pour fonction de
remettre les parties à l'état initial qu'elles étaient
avant la commission du fait. L'obtention de la réparation est
affirmée à plusieurs reprises pas la justice internationale comme
l'a affirmé, par exemple, la Cour Permanente de Justice Internationale
dans son arrêt rendu le 13 septembre 1928 concernant l'affaire entre
l'Allemagne et la Pologne, dite affaire de l'Usine de Chorzów((*)1).
La réparation peut avoir plusieurs formes. Ce peut
être, soit une restitution intégrale ou restitutio in
integrum, soit une réparation par équivalent ou encore par
une satisfaction sous quelque forme que ce soit.
La restitutio in integrum peut être une
réparation en nature du dommage subi (restitution en nature). Par
exemple, la restitution des biens nationalisés ou des territoires
annexés par la force. La réparation par équivalent et la
satisfaction peuvent être, par exemple, une réparation
financière.
Par leurs fonctions, les contre-mesures permettent aux Etats
de s'assurer du respect du droit international en prévenant sa
violation. Cette qualité, qu'on a qualifiée de gendarme du droit
international s'analyse également à travers les finalités
des contre-mesures.
Paragraphe 2
Les finalités des contre-mesures
Les finalités des contre-mesures sont corollaires de
leurs fonctions. L'analyse des finalités des contre-mesures revient
à étudier leur cause finale c'est-à-dire les objectifs des
réactions. Les contre-mesures ont, en général, deux
finalités ou objectifs : la coercition (A) et la correction (B).
A- La finalité coercitive
Les contre-mesures ont une finalité coercitive. Dans
la mesure où elles visent à effacer les effets
préjudiciables d'un fait illicite en obligeant l'Etat auteur de ce fait
à s'acquitter de son obligation, soit en réparant ce
préjudice, soit en mettant fin à l'acte illicite qui lui est
imputable, il y a usage de la coercition. La coercition s'analyse dans les
trois fonctions principales des contre-mesures à savoir l'obtention
d'une réparation, la dissuasion et la cessation du fait illicite.
Un Etat décide des contre-mesures pour deux
finalités principales dont la caractéristique principale est
la contrainte : l'obtention d'une réparation, la dissuasion et la
cessation de l'illicite((*)1). Le but est de contraindre l'Etat défaillant
à réparer immédiatement toute conséquence
dommageable résultant de ses actes, licites ou illicites((*)2).
Elle peut également avoir d'autres finalités
dites accessoires. C'est, par l'exemple, lorsqu'on contraint un Etat à
se rattacher à la norme internationale ou à accepter la
soumission du différend à un tiers impartial. La première
est en général utilisée par des Etats qui ne sont pas
concernés directement par le préjudice mais qui sanctionne toute
violation du droit international((*)3).
Quand au deuxième cas, il « se manifeste
lorsque l'auteur d'un fait illicite est lié vis-à-vis de l'Etat
s'estimant lésé par une convention ou un accord contenant une
clause compromissoire en vue d'une instance arbitrale sur le différend
qui oppose les parties, ou la soumission du litige à un tiers
partial »((*)4).
Face au refus auteur de la faute de recourir au tiers pour régler le
différend, l'Etat lésé peut décider des
contre-mesures dans le but de l'obliger à coopérer((*)5).
Il ne faut pas assimiler la coercition à une punition.
En effet, celle-ci s'analyse comme une vengeance d'un fait déjà
consommé, alors que « la coercition est une incitation ou une
pression tendant à amener l'Etat défaillant à modifier un
comportement illicite qui est en cours »((*)6). La différence en est
que la réaction punitive est irréversible. Par contre, la
coercition n'a de sens que si les effets de l'acte illicite initial sont en
cours, continuent de se déployer dans le temps. Une telle
réaction est toujours réversible. L'Etat auteur des
contre-mesures cesse ces dernières dès lors que le
préjudice s'arrête, sinon il corrige.
B- La finalité corrective
Les contre-mesures on également une finalité
corrective. Elles visent à corriger un Etat que l'on pourrait qualifier
de fauteur de troubles. Les mesures prises par l'Etat lésé visent
« à remédier à la situation résultant du
fait illicite »((*)1). Le but est de s'assurer que justice sera faite et
qu'il aura un avantage de cette correction, un avantage réel et
tangible, comme la réparation, la remise de la chose détruite
à l'état initial. Une mesure de représailles, par exemple,
qui consiste à expulser les nationaux de l'Etat auteur de la faute va
dans ce sens. Il en est ainsi du gel des avoirs que l'Etat décideur de
la contre-mesure prend à son profit.
De cette finalité corrective, résulte une autre
finalité cachée des contre-mesures. C'est l'ambition de retrouver
le rééquilibrage des positions des parties. Une telle
finalité est en principe présente dans le cadre des conflits
résultant des relations conventionnelles. Si le fait illicite consiste
en la violation de ladite convention, la ou les parties lésées
décident des contre-mesures dans le but de remettre les
intérêts de chacun à l'état antérieur
à la violation. Ces contre-mesures peuvent être, par exemple, la
suspension du traité, sa rupture, sa dénonciation mais,
également, des contre-mesures financières comme le gel des
capitaux. L'idée de rééquilibrer et de remettre les
parties sur le même pied d'égalité est bien affirmée
par les juges et arbitres internationaux, soit d'une façon implicite,
soit de façon explicite((*)2).
Les contre-mesures pourraient avoir une autre
finalité, celle de punir. On se demande si un Etat peut
réellement punir un autre. Cette question pourrait avoir une
réponse affirmative dans la mesure où les Etats sont à la
fois gendarmes du droit international mais également juges de sa
violation. A part le rôle de gardien du droit international, les Etats
peuvent sanctionner toute atteinte portée à celui-ci par un autre
Etat.
Section 2
Les contre-mesures, sanction de l'illicite en droit
international
C'est ici où se fonde, en effet,
l'intérêt majeur de l'introduction des contre-mesures en droit
international, mais c'est aussi la question qui soulève trop de
polémiques dans la communauté internationale. On pourrait
même se demander si un Etat a le pouvoir de sanctionner
unilatéralement un autre. On craint par ailleurs que les contre-mesures
ne débouchent à un règlement de compte entre les Etats, la
généralisation de la vengeance et de la justice privée.
Autre question qui s'est posée, les contre-mesures ne remettent elles
pas en cause les moyens de règlements prévus par le droit
international ? Ne justifient-elles pas le comportement illicite d'un Etat
dans la mesure où elles excluent notamment sa responsabilité
internationale ?
Il faut noter que le risque de
« perversion » des contre-mesures en vengeance est moindre
grâce à la réglementation de leur usage((*)1). Les contre-mesures
constituent seulement un palliatif face à l'impuissance de la
société internationale à protéger les droits et
intérêts de chaque membre. Chaque Etat peut individuellement se
protéger, comme des Etats peuvent se réunir pour défendre
un seul Etat ou punir toute violation du droit international (Paragraphe 1).
L'affirmation des contre-mesures par les instances internationales illustre
également leur utilité et leur efficacité dans la
régulation des relations internationales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
La justice internationale aux mains des Etats, un palliatif
à l'impuissance de la société internationale.
Les tribunaux internationaux ne pourraient pas intervenir
pour juger tous les différends inter-étatiques. Ceux-ci portent
le plus souvent sur des questions subjectives, parfois anodines mettant
généralement en cause des droits subjectifs relevant du droit
interne des Etats. C'est ainsi que le droit international admet que les Etats
puissent adopter des contre-mesures d'une manière unilatérale
(A), ou collectivement (B) pour sanctionner l'illicite en droit
international.
A- Les contre-mesures individuelles
Les contre-mesures peuvent être « de nature
verticale ou horizontale »((*)1). Les contre-mesures de nature verticale sont les
réactions décidées unilatéralement par un Etat qui
s'estime lésé face aux actes dolosifs ou illicites d'un autre.
L'Etat qui prend ces réactions s'érige en juge de fait et
sanctionne l'autre Etat. Il est de son droit, pour cet Etat, de prendre des
contre-mesures, lesquelles ont une logique correctrice dans un double
rôle.
Le premier rôle est de protection puisque l'Etat qui
décide les contre-mesures « entreprend... de se mettre
à l'abri des conséquences dommageables du comportement inamical
ou prétendument fautif d'un autre Etat »((*)2). L'Etat qui recourt aux
contre-mesures pour sanctionner l'autre, le fait dans le but d'éviter de
se retirer, par exemple, de la convention qui les lie, retrait qui
« aurait pour effet de libérer l'autre partie de ses propres
obligations à son égard ». Ces mesures permettront
à l'Etat de se protéger du déséquilibre
résultant du comportement illicite de l'autre partie. On pourrait dire
qu'il juge l'Etat défaillant et l'oblige à exécuter son
jugement lorsqu'il exerce une pression afin d'aboutir à un
règlement satisfaisant.
Le second rôle est de répression. L'Etat qui
décide des contre-mesures entend « infliger à l'Etat
visé des contraintes qui affectent ses droits et ses
intérêts »((*)3). Ces mesures, même si elles constituent,
elles aussi, des troubles au fonctionnement régulier des relations
inter-étatiques, elles ont pour but de rétablir l'ordre rompu par
les actes préalables en cause((*)4). Ces mesures de sanction peuvent être
expresses ou indirectes.
Comme sanctions expresses, on peut citer l'embargo ou le
boycott notamment lorsque l'Etat décide des restrictions aux
importations ou en limite les échanges. Quant aux sanctions indirectes,
ce peut être le rappel de son ambassadeur accrédité par un
Etat auprès de l'Etat accréditeur pour contester contre les
agissements de celui-ci. Toujours est-il que l'Etat fait tout pour
protéger ses intérêts individuels ; ce qui n'est pas,
généralement, le cas pour des Etats qui décident ensemble
de sanctionner un Etat par des contre-mesures.
B- Les contre-mesures collectives
En ce qui concerne les contre-mesures collectives, elles
s'exercent dans un autre cadre. Celles-ci sont exercées collectivement
par des Etats pour protester contre une violation du droit international par un
autre Etat. L'objet en cause ici n'est pas seulement un droit ou des
intérêts individuels d'un Etat lésé, mais d'une
manière générale et d'une façon plus large l'ordre
international dans son ensemble.
Certains auteurs voient en ces contre-mesures un danger
potentiel dans les relations internationales, celui de
l'inégalité de puissance entre Etats puissants qui
décideraient de telles sanctions contre un seul Etat faible((*)1). Cette position est
également soutenue par les Etats du Tiers-Monde. Cependant, elles sont
également d'une utilité convaincante car elles peuvent constituer
une substitution de la défaillance des mécanismes institutionnels
de règlement de conflits, à l'exemple du Conseil de
sécurité. Certaines institutions internationales ont reconnu
l'usage stratégique des contre-mesures et ont souvent recours.
Paragraphe 2
L'affirmation des contre-mesures par les instances
internationales
La coutume des Etats en matière de contre-mesures
reçoit son écho dans la pratique internationale. Les instances
internationales reconnaissent de plus en plus l'intérêt des
contre-mesures dans le droit international. Pour canaliser l'illicite dans la
société internationale, certaines organisations internationales
préconisent aux Etats d'adopter des contre-mesures ou les
prévoient comme moyen de règlement des différends (A),
pendant que des tribunaux internationaux ont affirmé et continuent
d'affirmer leurs fonctions et leur légitimité (B).
A- Les contre-mesures et les organisations
internationales
Les organisations internationales, surtout de
coopération, adoptent de plus en plus des contre-mesures si elles ne
recommandent pas aux Etats membres d'en recourir. C'est dans le seul souci de
sanctionner toute violation du droit international ou la méconnaissance
de ses obligations internationales par un Etat.
Pour ce qui est de l'Organisation des Nations Unies, par
exemple, on accorde une place importante aux contre-mesures. Elles sont
reconnues entièrement en tant que moyen de pression ou de
règlement des conflits, l'article 41 du chapitre VII de la Charte le
démontre clairement((*)1).
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies peut
recommander aux Etats de sanctionner un autre, ou décider de le
sanctionner lui-même lorsqu'il estime que celui-ci ne respecte pas le
droit international (menace pour la paix et la sécurité
internationales au sens de l'article 41 de la Charte). C'est le cas par,
exemple, des sanctions du Conseil de Sécurité de l'ONU à
l'égard de l'Union Sud-africaine contre laquelle il a pris une
résolution (Résolution 418 du 4 novembre 1977) où il
demandait aux Etats « d'instituer un embargo total sur la livraison
d'équipements militaires, après avoir qualifié la
politique de ce pays comme une menace à la paix et à la
sécurité internationales »((*)2).
Il faut noter que le Conseil peut décider des sanctions
contre un Etat même si cet Etat n'est pas membre de
l'Organisation((*)3).
Au sein de l'ONU, ce n'est pas uniquement le Conseil de
Sécurité qui applique les contre-mesures. L'Assemblée
Générale adopte, elle aussi, de telles mesures pour sanctionner
toute atteinte au droit international. Face aux manoeuvres d'un Etat qui sont
contraires au droit international ou mettant en danger l'ordre public
international, l'Assemblée Générale de l'ONU peut
prononcer des sanctions ou demander aux Etats de le faire.
L'exemple typique est sa résolution 273 (III) en date
du 11 mai 1949 dans laquelle elle a demandé aux Etats membres de l'ONU
de prendre différentes sanctions contre l'Etat d'Israël lorsque
celui-ci a envahi et occupé les territoires arabes. Ces
différentes mesures consistaient à faire cesser toute livraison
d'armes à Israël, la suspension de toute assistance et toute
coopération avec lui, la rupture des relations diplomatiques,
commerciales ou culturelles avec l'Etat hébreux.
L'Organisation des Nations Unies n'est pas la seule
organisation internationale qui pratique les contre-mesures. D'autres
organisations internationales adoptent, elles aussi, de telles sanctions. Soit
elles les adoptent elles-mêmes, soit elles les recommandent à
leurs Etats membres. C'est le cas, par exemple, du FMI, de l'AELE, du GATT et
de l'OMC et d'autres organisations de coopération économique.
Au sein du Fonds Monétaire International, par exemple,
il existe « une procédure permettant à un Etat qui se
dit lésé de porter plainte contre un autre Etat pour non respect
de ses obligations... Le Fonds, lui-même, peut adopter des sanctions
centralisées contre un membre défaillant »((*)1). Des dispositions similaires
sont prévues par les autres organismes suscités, qui ont pour
but, soit de rétablir l'équilibre rompu par un comportement
illégal d'un Etat, soit de le sanctionner, sanctions toujours reconnues
par des tribunaux internationaux.
B- Les contre-mesures et les tribunaux internationaux
Les tribunaux internationaux ne sont pas en reste dans
l'affirmation des contre-mesures en droit international public. Deux
célèbres décisions sont connues comme précurseurs
de la reconnaissance des contre-mesures dans le droit international. C'est
d'abord celle rendue par le tribunal arbitral du 9 décembre 1978 sur
l'affaire des services aériens opposant la France aux Etats-Unis.
Dans cette affaire, le juge arbitral international a
décidé que chaque Etat « a le droit, sous
réserve du respect des règles générales du droit
international relatives aux contraintes armées, de faire respecter son
droit par des contre-mesures »((*)1). Il a affirmé la licéité des
contre-mesures dans le cadre du droit international général et a
confirmé donc la pratique des Etats et des organisations internationales
en la matière.
La deuxième décision est celle rendue par la
Cour Internationale de Justice dans l'affaire opposant les Etats-Unis
d'Amérique à l'Iran, relative à la prise en otage du
personnel diplomatique et consulaire américain à
Téhéran. Le juge a reconnu le droit pour les Etats de
prendre des contre-mesures lorsqu'ils s'estiment lésés par un
autre Etat ou lorsqu'ils jugent qu'un Etat ne respecte pas, en
général, le droit international.
Mis à part d'avoir réaffirmé la
licéité et la légitimité des contre-mesures dans
cette décision, la Cour a également montré leur
caractère contraignant en décidant que les Etats-Unis ont
adopté de telles mesures contre l'Iran dans le but de l'obliger à
« cesser immédiatement la détention illicite du
chargé d'affaires, d'autres membres du personnel diplomatique et
consulaire des Etats-Unis »((*)2).
Cependant, ce ne sont pas les premières
décisions qui ont eu à intervenir sur les contre-mesures
même si ce sont elles qui ont généralisé leur
pratique. Bien avant ces décisions, le juge international a eu à
se prononcer sur les contre-mesures ; ce qui affirme le souci du juge de
vouloir préserver le droit international contre toute violation depuis
longtemps.
Parmi ces anciennes décisions, on peut citer
l'arrêt rendu par la Cour Permanente de Justice Internationale le 13
septembre 1928 concernant l'affaire entre l'Allemagne et la Pologne, dite
affaire de l'Usine de Chorzów qui consacra, par exemple, le droit
à réparation d'un dommage résultant d'un acte illicite
international((*)3).
D'autres arrêts sont rendus par la CIJ postérieurement à
ces deux célèbres décisions. On peut citer celui du 27
juin 1986 sur l'affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, ou récemment encore celui du 25 septembre
1997 relatif à l'affaire Gabcikovo-Nagymaros.
Conclusion du chapitre 2
L'intérêt de l'introduction des contre-mesures
dans le droit international public se confirme également dans leur
rôle de régulateur des relations internationales. La
société internationale n'est pas assez organisée d'une
manière à ce qu'elle puisse bien protéger les
intérêts de ses membres et prévenir la violation du droit
international. L'échec du Conseil de Sécurité des Nations
Unies à régler tous les conflits du monde le démontre
bien. C'est pourquoi une pratique comme les contre-mesures constitue un outil
efficace dans la mesure où elles permettent aux Etats de s'ériger
en gendarmes pour défendre leurs droits et intérêts mais
également en juges pour sanctionner toute violation du droit
international, pratique relayée par les instances internationales.
CONCLUSION 1ère PARTIE
A travers des pratiques telles que les représailles et
les rétorsions, ou les sanctions économiques et
financières, les contre-mesures ne peuvent être indexées
comme étant des mesures belliqueuses. Ce sont, au contraire, des mesures
qui sont en conformité avec les principes fondamentaux du droit
international public par leur caractère pacifique.
L'intention des Etats dans l'usage des contre-mesures est en
principe d'amener un Etat défaillant à la négociation.
Lorsque celles-ci sont décidées en guise de sanction, elles
trouvent leur fondement et leur légitimité dans le fait qu'il est
reconnu à chaque Etat le droit et le pouvoir de protéger
lui-même ses droits et intérêts, ou protéger le droit
international contre toute violation. C'est ainsi que les contre-mesures font
des Etats leur propre gendarme, en même temps que celui du droit
international. Elles permettent en effet, aux sujets de droit international
(Etats et Organisations internationales) de sanctionner individuellement ou
collectivement toute violation du droit international. En un mot,
l'intérêt des contre-mesures est qu'elles constituent un palliatif
aux carences des mécanismes de la société internationale
en matière de règlement de conflits entre Etats.
Mais, est ce qu'en reconnaissant à un Etat le droit de
sanctionner unilatéralement un autre, les contre-mesures n'ouvrent-elles
pas une brèche vers le déséquilibre de l'ordre juridique
international ? C'est la question à laquelle nous nous attacherons
à répondre dans la deuxième partie de la présente
étude.
DEUXIEME PARTIE
LE MAINTIEN DE L'ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL PAR
LA REGLEMENTATION DES CONTRE-MESURES
La pratique des contre-mesures, nous l'avons dit, ne date pas
d'aujourd'hui((*)1). Bien
généralisée dans l'époque contemporaine, elle a
commencé à devenir un sérieux problème dans la
communauté internationale. Il est notoire que les Etats font
prévalent d'abord la protection de leurs intérêts
personnels avant ceux de la société internationale. La tendance
à agir unilatéralement pour les protéger est
omniprésente chez tous les Etats. Il serait donc dangereux de leur
laisser libre recours dans l'usage des contre-mesures car cela pourrait
déboucher sur deux grands problèmes majeurs dans le droit
international((*)2).
Ayant soulevé une polémique dans la
communauté internationale, la réglementation de l'usage des
contre-mesures s'est imposée. Le but est de faire d'elles un outil
efficace des relations internationales, et non la source de leur
instabilité. Dans le cadre de sa mission de développement et de
codification du droit international, la Commission du Droit International va se
pencher sur la question pour leur trouver un vrai régime juridique,
codifiant ainsi la coutume des Etats. La tâche n'a pas été
facile pour celle-ci, mais elle finira par adopter un projet final de 59
articles, dit « Projet d'articles sur la responsabilité des
Etats pour fait internationalement illicite », qui sera soumis au
vote de l'Assemblée Générale des Nations Unies((*)3).
Le but de la CDI dans ce projet est de créer une
procédure de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour
fait international, et tracer dans quels cas cette responsabilité
pourrait être exclue. C'est dans ce dernier aspect que la Commission a
profité pour introduire les contre-mesures en tant que circonstance
justifiant la licéité d'un acte internationalement illicite.
Consciente de la réalité de la pratique
étatique, la Commission a mis en place des garde-fous pour
empêcher que les contre-mesures ne deviennent elles-mêmes un
instrument arbitraire aux mains des Etats. Leur réglementation s'imposa
donc comme le seul moyen de limiter un usage abusif. C'est ici où se
pose la question de savoir dans quelle mesure peut-on dire que cette
réglementation contribue à la stabilité de l'ordre
juridique international alors qu'elle laisse toujours les
contre-mesures à la libre disposition des Etats, autrement dit, la
réglementation des contre-mesures limite-t-elle réellement leur
usage arbitraire par les Etats ?
Ce sont là des questions intéressantes qui
démontrent clairement le rôle joué par la CDI dans le
développement du droit international. Il sera question de montrer ici
que la réglementation des contre-mesures constitue une véritable
garantie pour le maintien de l'ordre juridique international. En
précisant les conditions de recours à des contre-mesures
(Chapitre 1), la Commission du Droit International a fait d'une pierre deux
coups en ce sens qu'elle a également apporté de véritables
limites à leur usage (Chapitre 2).
Chapitre I : La précision des conditions
de recours à des contre-mesures
Chapitre II : Les limites
légales apportées aux contre-mesures
Chapitre Premier
LA PRÉCISION DES CONDITIONS DE RECOURS À
DES CONTRE-MESURES
Le projet de la Commission du Droit International
entamé depuis les années 1959 avait pour objet de
réglementer la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite. La Commission en a profité pour soumettre
le recours aux contre-mesures au respect de différentes conditions, la
finalité étant de limiter l'arbitraire des Etats et la tendance
à l'autodéfense de ces derniers.
A part les conditions posées généralement
par le droit international général, la CDI a introduit d'autres
conditions renforçant ainsi le régime des contre-mesures. La
précision de ces conditions consiste à leur poser des freins,
à restreindre leur recours généralisé par les Etats
dans le règlement des conflits, mais également, à limiter
le risque de débordement qu'elles présentent pour la
stabilité de l'ordre juridique international. La démarche est
intéressante d'un point de vue pratique notamment la protection de
certains Etats dits faibles contre l'arbitraire des superpuissances.
Si on voulait laisser les Etats recourir aux
représailles sans conditions comme dans la pratique coutumière,
certains feraient d'elles leur instrument de négociation même.
Le problème qui se pose est de savoir la
réalité de ces conditions et leur portée dans la pratique
des contre-mesures. En d'autres termes, en quoi peut-on affirmer que le projet
de la CDI pose véritablement des limites au recours à des
contre-mesures ?
Il s'agira de préciser ici en quoi consistent ces
conditions et quel est leur impact dans l'usage des contre-mesures.
L'étude de la réglementation des contre-mesures passe en effet
dans l'analyse des différentes dispositions mises en place par le projet
de la CDI et celles posées antérieurement par le droit
international général telles que les deux conventions de Vienne
et la Charte de l'ONU. Nous distinguerons deux types de conditions
posées aux contre-mesures. On fera remarquer avant tout que tout Etat
qui décide de prendre des contre-mesures doit d'abord respecter
certaines conditions de forme relatives à la procédure (Section
1). Mais, comme ces seules conditions ne suffiraient pas à canaliser les
risques de débordement des contre-mesures, d'autres conditions sont
prévues qui tendent, quant à elles, à limiter la
qualification du fait illicite imputable et sa sanction (Section 2).
Section 1
La précision des conditions formelles
La limitation du recours à des contre-mesures passe
d'abord par la précision de ces conditions formelles. Les conditions
formelles sont celles relatives au respect des procédures de mise en
oeuvre des contre-mesures, c'est-à-dire aux différentes
étapes de la sanction, de l'intention de prendre la contre-mesure
à sa décision. Il s'agit, dans ces conditions, d'encadrer
minutieusement l'Etat qui va prendre des contre-mesures afin d'éviter
que celui-ci ne dénature pas leur finalité.
Le respect des conditions formelles suppose la soumission de
l'Etat lésé à un formalisme rigoureux qui consiste, d'une
part, à le décourager dans son projet et, d'une autre part,
à recourir à un moyen institutionnel de règlement des
conflits. L'Etat qui décide de prendre des contre-mesures doit, avant
tout, remplir certaines conditions préalables (Paragraphe 1), s'assurer
de l'inexistence d'un moyen de règlement de conflit prévu
à cette fin (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
Conditions préalables à toute prise de
contre-mesures.
L'article 52 du projet de la CDI dispose qu'avant de prendre
des contre-mesures, l'Etat lésé doit remplir deux
conditions : exiger de l'Etat défaillant l'acquittement de ses
obligations (A) et lui notifier sa décision de prendre des
contre-mesures tout en lui offrant un moyen de négociation (B).
A- L'exigence d'une mise en demeure infructueuse
Un Etat n'a pas le droit de prendre des contre-mesures sans
tenter la négociation pour un règlement à l'amiable.
L'ambition de la CDI est d'éviter que les Etats ne prennent les
contre-mesures comme le moyen de principe dans le règlement de leurs
différends. Il faut noter que celles-ci ne trouvent leur valeur et leur
raison d'être que si on est en face d'un conflit n'ayant pas
trouvé un consensus ni résolution amiable. Les contre-mesures
sont l'exception et non le principe.
Aux termes du projet, « avant de prendre des
contre-mesures, l'Etat lésé doit : 1) demander à
l'Etat responsable, conformément à l'article 43 [du projet] de
s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la deuxième
partie. »((*)1).
Les obligations en question sont celles prévues par la deuxième
partie dudit projet qui sont le maintien de l'exécution de l'obligation
(art. 29), la cessation et la non répétition du fait illicite
(art. 30) et la réparation (art. 31). Ce qui est important, ici, ce
n'est pas de commenter le projet d'articles mais d'apprécier
l'obligation faite aux Etats de respecter cette condition d'exercice des
contre-mesures. L'obligation de la mise en demeure préalable a deux
stipulations.
Premièrement, l'Etat lésé doit demander
à l'Etat défaillant de cesser l'acte ou les actes en cause,
c'est-à-dire l'acte internationalement reconnu comme illicite ou licite
mais préjudiciable. La demande de cessation tend à éviter
une réponse similaire qui aurait comme conséquence le
déséquilibre de l'ordre juridique international.
Deuxièmement, la partie lésée doit
demander vainement la réparation du dommage qu'il a subi des actes et
manoeuvres de l'autre partie. C'est alors face à cette mise en demeure,
si elle s'avère infructueuse, que l'Etat lésé peut prendre
des contre-mesures. La mise en demeure infructueuse est une condition
obligatoire dont les Etats ne peuvent s'en déroger, même en cas
d'attaque armée. Le juge international a eu à le rappeler dans la
célèbre sentence arbitrale rendue le 31 juillet 1928 sur
l'Affaire Naulilaa qui opposait l'Allemagne au Portugal. Dans cette
affaire, le tribunal énonça que « la mesure de
représailles n'est licite que lorsqu'elle a été
précédée d'une sommation restée
infructueuse. »((*)2).
En constatant que les autorités allemandes avaient
déclenché des représailles contre les autorités
portugaises sans aucune formalité préliminaire, le tribunal
arbitral a également énoncé que « il y a eu...,
de la part des autorités du Sud-Ouest africain, recours à la
force, sans essai préalable d'obtenir satisfaction par les voies
légales, ce qui exclut... la légitimité des
représailles »((*)1). Même si cette sentence a été
rendue à propos des représailles armées, elle est
considérée comme la condition classique des représailles
pacifiques.
Une question s'est soulevée s'il fallait attendre
l'épuisement de toutes les voies de recours pour entamer les
contre-mesures. Autrement dit, fallait il avoir une réponse
négative de la part de l'Etat défaillant pour décider des
contre-mesures contre lui ? Cette question n'a pu recevoir de
réponse précise. Toutefois, « on peut en déduire
que l'Etat lésé n'est pas obligé d'attendre
l'épuisement des négociations pour prendre des
contre-mesures »((*)2) dans la mesure où, dans la sentence
arbitrale du 9 décembre 1978 sur l'Affaire concernant l'accord
relatif aux services aériens, le tribunal arbitral déclara
qu'il ne pensait pas « que dans l'état actuel des relations
internationales, on puisse énoncer une règle qui prohibe les
contre-mesures au cours d'une négociation. »((*)3). L'hésitation est
permise, et on peut se poser la même question en ce qui concerne
l'obligation de notification.
B- L'exigence d'une notification et d'une offre de
négociation
Elle est également posée par l'article 52 du
projet de la Commission du droit international. Il résulte de ce texte
qu'avant toute décision de prendre des contre-mesures, l'Etat
lésé doit notifier à l'Etat responsable toute
décision de prendre des contre-mesures et offrir de négocier avec
cet Etat.
L'exigence d'une notification à l'autre partie est une
condition formaliste de la précédente, même si celle-ci a
pour objet l'interdiction d'une réponse surprise. L'Etat désirant
prendre des contre-mesures ne peut le faire d'une manière
unilatérale et spontanée sans prévenir l'autre partie par
notification. En insérant cette disposition dans son projet, la CDI
pense non seulement limiter les dégâts qui résulteraient de
la prise de telles mesures soudainement, mais c'est aussi un moyen de chercher
un terrain d'entente. On pense que si on prévient l'Etat
défaillant qu'on va prendre des représailles à son
encontre, il aura tendance à céder aux pressions et à
exécuter ses obligations. Cette condition se présente donc
« comme le strict minimum qui pourrait éviter, le cas
échéant, l'aggravation du différend »((*)1).
L'exigence de notification n'est cependant pas une innovation
de la CDI. Comme la condition précédente qui a été
reprise d'une pratique ancienne, la Commission n'a fait que codifier, une fois
de plus, la coutume des Etats. Il relève de la coutume que ces derniers
cherchent toujours à régler pacifiquement leurs
différends. Face à des actes dommageables d'un Etat, la pratique
a montré que l'Etat lésé prévient toujours avant de
sanctionner. Certains avisent même en quoi va consister la sanction. Ce
fut le cas, par exemple, de la France contre la Roumanie en 1955.
Face au refus du gouvernement roumain de libérer
certains ressortissants français emprisonnés en Roumanie, la
France décida de prendre des contre-mesures contre elle, estimant
qu'elle a violé l'accord qu'ils avaient signé sur cette question.
Outre les tentatives de régler le différend à l'amiable,
le gouvernement français avait notifié à la Roumanie la
mesure projetée avant de l'appliquer((*)2). L'introduction d'une telle exigence dans le
projet de la CDI a été influencée par des situations
récentes qui ont eu lieu tout juste avant l'ouverture des débats
du projet et pendant sa rédaction. C'est par exemple l'affaire qui
opposait les Pays Bas à l'Indonésie sur le statut de l'Irian
occidental. Devant le refus des Pays Bas de quitter l'Irian que
l'Indonésie considérait comme faisant partie intégrante de
son territoire, le gouvernement indonésien décida de nationaliser
les entreprises néerlandaises opérant sur son territoire,
déclaration étant faite devant l'Assemblée
générale des Nations Unies((*)3).
Il faut noter que l'obligation de notification n'est pas
erga omnes. Elle peut être écartée si la
nécessité l'exige. C'est ce qui résulte du paragraphe 2 de
l'article 52 qui dispose que « nonobstant le paragraphe 1b, l'Etat
lésé peut prendre les contre-mesures urgentes qui sont
nécessaires pour préserver ses droits ». Une fois de
plus, cette disposition prête à hésitations si l'on sait
très bien que ce sont les Etats qui déterminent eux-mêmes
cette nécessité.
Paragraphe 2
L'inexistence d'un mécanisme de règlement de
différend
Cette condition pose, une fois de plus, une difficulté
au recours à des contre-mesures. Celui-ci n'est possible que s'il
n'existe aucune procédure de règlement de conflits prévue
entre les Etats (A). Il ne doit également pas y avoir un tribunal en
cours d'instance de jugement du différend ou une décision
judiciaire ayant intervenu sur le litige (B).
A- L'absence d'une procédure de règlement
prévue entre les Etats
C'est une condition qui veille au respect des
mécanismes internationaux de règlement des différends.
Avant de prendre des contre-mesures, un Etat doit s'assurer s'il n'existe
d'autres moyens prévus pour régler le conflit. Autrement dit,
l'Etat lésé doit s'assurer qu'il n'y a aucun moyen textuel ou
coutumier lui permettant de faire cesser l'illicite ou faire réparer le
dommage. Ces moyens peuvent être prévus par un traité qui
pose lui-même les différents modes de règlement des
différends. Ce peut être, par exemple, l'intervention d'un arbitre
pour trancher, d'un organe prévu à cette fin, ou tout simplement
la négociation.
Il doit y avoir, en tout état de cause, un
épuisement de toutes les voies de droit internes et les moyens
traditionnels de règlement des différends. On pourrait dire qu'il
est fait obligation aux Etats de chercher à régler, d'abord,
pacifiquement la crise avant de prévoir des représailles ou des
rétorsions.
Cette question a soulevé beaucoup de débats au
sein de la CDI lors de la préparation de son projet relatif à la
responsabilité des Etats pour fait internationalement illicite. Lors de
sa session de novembre 1999, certaines délégations ont
prié la Commission d'examiner de manière plus approfondie le lien
existant entre les contre-mesures et les procédures de règlement
pacifique des différends((*)1). Le souci était d'éviter que les
contre-mesures ne l'emportent sur les mécanismes de règlement
prévus entre les Etats.
Dans son projet final de 2001, la CDI n'a pas
expressément prévu cette condition. Ce choix n'est,
peut-être, pas anodin. On pense, en effet, que si un Etat décide
d'employer des contre-mesures pour amener un autre à composition, c'est
parce que, peut-être, ces moyens de règlement n'existent pas ou,
lorsqu'ils sont prévus, ne sont pas assez suffisants pour dissuader
l'Etat récalcitrant. Les procédures de règlement existent
surtout en matière communautaire qui ont ce qu'on appelle
« des moyens suffisants à eux-mêmes »((*)2). La Commission a mis
seulement l'accent sur l'absence d'une instance du différend devant une
juridiction.
B- L'absence d'une saisine d'un organe juridictionnel
international
Dans l'article 52 de son projet, la CDI prévoit que
« des contre-mesures ne peuvent être prises et, si elles sont
déjà prises, doivent être suspendues sans retard indu si le
différend est en instance devant une cour ou un tribunal habilité
à rendre des décisions obligatoires pour les
parties »((*)3). La position de la CDI dans cette disposition est
catégorique. En prévoyant cette incompatibilité, l'ordre
juridique international et les mécanismes internationaux de
règlement des conflits sont, une fois de plus, affirmés et
protégés. Le texte pose deux termes : il est interdit, en
premier lieu, à un Etat de prendre des contre-mesures contre un autre si
une instance du différend qui les oppose est en cours devant une
juridiction internationale et, en deuxième lieu, il lui est fait
obligation de cesser ses contre-mesures (si elles sont déjà
prises) devant l'existence d'une telle procédure.
« A partir du moment où un mécanisme
juridictionnel de règlement des litiges est dûment saisi et apte
à fonctionner, la faculté de l'Etat s'estimant lésé
de réagir unilatéralement se trouve en principe suspendue
jusqu'au prononcé de la décision
définitive »((*)4). On dit donc que cette saisine aura pour effet
d'entraîner « la substitution des pouvoirs des tiers aux
compétences normales d'auto-interprétation des
Etats »((*)1).
L'incompatibilité des réactions
unilatérales avec le déroulement d'une procédure devant
une juridiction est affirmée de longue date par la jurisprudence
internationale. De nombreuses affaires font état des décisions
qui sont rendues pour rappeler le respect de ce principe. Il y a, par exemple,
dans les années d'après-guerre l'Affaire de l'Anglo-Iranian
Oil Co dans laquelle le Royaume Uni menaça d'intervenir en Iran
pour assurer la protection de ses sujets en danger alors que l'affaire
était en instance((*)2). Il y a les incidents répétés
entre les garde-côtes islandais et les navires britanniques dans
l'affaire concernant la Compétence en matière de
pêcheries alors que la CIJ était saisie((*)3), la tension qui
régnait entre la Grèce et la Turquie lors de l'affaire du
Plateau continental de la mer Egée((*)4). La tendance à vouloir sanctionner
l'Etat responsable pendant que le différend est sub judice est
très fréquente chez les Etats lésés. La pratique
actuelle fait que, même face à un moindre conflit, les Etats
sanctionnent avant la prononciation d'une décision. C'est le cas, par
exemple, du différend frontalier qui opposait le Burkina Faso
au Mali, de l'affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci et dans l'affaire de l'accord relatif aux
services aériens entre les Etats-Unis et la France.
Dans toutes ces affaires, la CIJ a rendu des ordonnances
conservatoires dans lesquelles elle demandait aux Etats de cesser les
rétorsions et les représailles tant que le différend est
en cours. Entamer une telle démarche n'aurait pour effet que de remettre
en cause le système judiciaire international et ses mécanismes de
règlement des différends et porter atteinte à
l'autorité de la juridiction saisie. C'est ce qu'a décidé
la CIJ à l'égard des Etats-Unis dans l'affaire du personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran((*)5).
Il faut noter que cette interdiction est anéantie
lorsque l'Etat défaillant ne fait rien pour éviter la sanction.
C'est ce qui résulte du paragraphe 3 de l'article 52 du projet de la CDI
dont cette disposition « ne s'applique pas si l'Etat responsable ne
met pas en oeuvre de bonne foi les procédures de règlement des
différends »((*)1). On ne peut pas spéculer en disant que la
Commission a ouvert une brèche dans cette exception pour justifier les
mesures qu'un Etat aurait prises à l'encontre d'un autre pendant que le
différend est en sub judice. Il y a, outre ces conditions,
d'autres que l'Etat doit remplir quand il prend des contre-mesures. Ce sont les
conditions matérielles.
Section 2
La précision des conditions
matérielles
Il s'agit ici de voir qu'est ce qui va engendrer la sanction
et comment sera-t-elle. Les conditions formelles sont relatives au fait
illicite reproché et à sa réponse. La précision des
conditions matérielles des contre-mesures joue un rôle majeur dans
le maintien de la paix et la sécurité internationales. Un Etat ne
peut pas, un beau jour, décider de sanctionner un autre sans raison
valable. C'est pourquoi le fait illicite ou licite générateur des
contre-mesures a été précisé de façon
à cantonner l'usage de celles-ci dans un cadre précis,
légitime et légal (Paragraphe 1). La sanction a
été, elle aussi, limitée et précisée dans sa
substance comme dans sa durée (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
La précision du fait générateur
Le fait générateur qui va
faire l'objet de la contre-mesure a été strictement
précisé. Le but est d'éviter que les Etats ne recourent
à des contre-mesures entre eux à tort ou à raison face
à n'importe quel fait. Pour éviter cet arbitraire, on exige qu'il
y ait, au préalable, un fait illicite (A). A défaut d'un fait
illicite, l'Etat doit avoir subi un dommage résultant du fait de l'Etat
responsable (B).
A- La condition sine qua non d'un fait illicite
préalable
Les contre-mesures ne sont pas des
réactions anticipées. Ce sont, selon la Commission du droit
international, l'ensemble des actes par lesquels un Etat riposte à une
mesure prise par un autre Etat et qui seraient illicites dans des circonstances
normales. On en déduit alors qu'elles deviennent licites du fait
qu'elles répondent à un comportement antérieur
lui-même illicite dont l'Etat lésé conteste le
bien-fondé((*)1).
L'autre déduction qu'on a pu tirer, c'est que les contre-mesures
constituent une riposte à un acte préalable pris par un autre
Etat. C'est le terme « riposte à un acte
préalable » qui nous intéresse ici.
En prenant des contre-mesures contre un autre Etat, l'Etat
lésé doit justifier qu'il y a eu une violation du droit
international, c'est-à-dire un acte internationalement illicite. C'est
cet acte qui, en mettant en jeu la responsabilité internationale de
l'Etat défaillant, va déclencher et justifier la contre-mesure.
En l'absence de violation d'une obligation internationale par un Etat, les
mesures qui seront décidées par l'autre Etat s'estimant
lésé ne peuvent être considérées comme des
contre-mesures, mais tout simplement des actes contraires au droit
international qui engageraient, par la suite, sa responsabilité
internationale. Il reste, cependant, à se demander en quoi consiste ce
fait illicite.
Le fait internationalement illicite consiste en la violation
d'une obligation internationale. En droit, il y a deux sortes d'obligations.
Une obligation positive (faire) et une obligation négative (ne pas
faire). En droit international, l'obligation de faire peut être, par
exemple, celle d'exécuter un contrat, de libérer des
ressortissants étrangers, de quitter un territoire envahi.
L'obligation de ne pas faire peut être l'interdiction de
s'ingérer dans les affaires intérieures d'un Etat, de violer les
droits humains, de ne pas faire la guerre ou tout simplement de ne pas
méconnaître les termes d'un accord. Le fait illicite consiste soit
en une commission, soit en une action qui viole l'une de ces obligations,
toutes deux attribuables à l'Etat responsable.
La condition du fait illicite préalable n'est pas une
innovation de la Commission du droit international. Elle relève de la
coutume et a également été, maintes fois, affirmée
par la jurisprudence. L'exigence de la violation d'une obligation
internationale comme condition de la sanction et particulièrement des
représailles a été affirmée par la Cour permanente
d'arbitrage dans la sentence rendue sur l'affaire des pêcheries de la
côte septentrionale de l'Atlantique. Le problème qui
était soulevé au niveau de la CDI résidait sur la
définition de la faute((*)1). On se demandait comment prouver une faute
internationale et quand est ce que le fait d'un Etat peut être
considéré comme illicite, entraînant ainsi sa
responsabilité internationale. C'est pourquoi à la notion floue
de la faute internationale, on a toutefois admis que l'Etat peut se
prévaloir du dommage qu'un autre lui aurait fait subir par ses faits et
actes, même licites.
B- L'exigence d'une lésion
Une contre-mesure n'est pas seulement une riposte à un
acte illicite. Elle peut également répondre à un acte
licite, mais qui cause des dommages. On définit, par exemple, la mesure
de rétorsion comme une mesure qui, « tout en se tenant dans la
limite de la loi, a pour fin un traitement particulièrement
défavorable pour l'Etat contre lequel elle est
dirigée »((*)2). On dit, en outre, qu' « un Etat
à l'égard duquel un autre Etat a pris une mesure qui, tout en
étant légale et licite, est discourtoise, rigoureuse,
dommageable, peut prendre à son tour, à l'égard de
celui-ci, des mesures ayant le même caractère, afin de l'amener
à composition »((*)3). Ceci dit qu'à part la présence de
violation d'une obligation internationale, une contre-mesure ne peut se
justifier que lorsque l'Etat qui les décide a subi un dommage
résultant des actes de l'Etat visé par les contre-mesures. En
effet, un Etat peut, tout en étant dans la légalité,
porter atteinte aux intérêts d'un autre. Il peut lui causer des
dommages sans pour autant enfreindre une obligation internationale. C'est
lorsque, par exemple, cet Etat interdit l'accès dans son territoire des
ressortissants de l'autre Etat, expulse lesdits ressortissants ou tout
simplement nationalise ses biens. La contre-mesure aura pour objet de demander
la réparation de ce préjudice. L'Etat qui prend la contre-mesure
doit donc prouver l'existence d'une lésion, d'un préjudice,
prouver qu'on l'a lésé moralement, physiquement ou
matériellement.
La lésion ou le préjudice peut être
moral, physique ou matériel. Le dommage moral peut être la
détention des citoyens, l'expulsion des diplomates ou la limitation de
leur mouvement dans une circonscription déterminée, la prise
d'otages((*)1), ou le
refus de laisser entrer un aéronef ou navire sur le territoire.
En ce qui concerne le préjudice physique, il peut
s'agir de l'assassinat, mais aussi de l'emprisonnement arbitraire des
ressortissants. La détention des ressortissants étrangers peut
être à la fois un préjudice moral et physique. Le cas de
l'assassinat est relativement rare dans la pratique internationale mais pose
des problèmes lorsqu'il y a lieu((*)2). Le préjudice matériel est le plus
caractéristique et celui qui fait souvent l'objet des rétorsions.
Ce préjudice frappe, en général, les biens mobiliers ou
immobiliers de l'Etat lésé, ou tout simplement les droits qui
portent sur ces biens. C'est, par exemple, la nationalisation des entreprises
étrangères, la rupture d'un accord, la pratique des manoeuvres
anti-concurrentielles ou tout simplement l'atteinte à une convention qui
porte, par exemple, sur des clauses préférentielles.
L'exigence d'une lésion a soulevé le
problème de savoir quel Etat peut s'estimer lésé. Ce
problème consiste à déterminer si un Etat qui n'a pas subi
directement un dommage peut justifier les contre-mesures qu'il prend à
l'encontre d'un autre. La réponse a porté à controverse
car, dans une affaire récente, on a décidé qu'un Etat
indirectement lésé peut prendre des contre-mesures contre l'Etat
responsable. La célèbre affaire qui confirma ce principe est
l'affaire des bananes. Dans cette affaire, l'Europe acceptait plus
facilement les bananes d'Afrique que celle d'Amérique latine. Les
Etats-Unis posèrent un recours contre l'Union Européenne aux
moyens selon lesquels celle-ci a méconnu les dispositions du GATT.
L'Union européenne répondit que les Etats-Unis n'ont aucun
intérêt juridique car ils n'ont subi aucun préjudice.
L'arbitre chargé de trancher cette affaire répondit que
dès que les obligations juridiques se trouvent violées, tous les
membres de l'OMC sont juridiquement fondés à faire valoir le
respect de l'accord.
On peut dire donc que « le cercle des États
habilités à réagir, longtemps cantonné aux
États directement lésés dans leurs droits subjectifs,
s'étend aujourd'hui à tous les États de la
communauté internationale qui, lésés par la violation des
droits de l'homme, sont habilités à adopter des
mesures »((*)1). Afin de mettre un frein à l'arbitraire des
Etats, la Commission a également défini la mesure constitutive de
la réponse.
Paragraphe 2
La substance de la réaction
L'acte constitutif d'une contre-mesure est strictement
encadré par le projet de la Commission du droit international, par la
pratique des Etats mais aussi par la jurisprudence. En un bloc, on oblige un
Etat qui prend une contre-mesure de veiller à ce que celle-ci soit
proportionnelle à l'acte auquel elle répond (A) et de veiller
à ce que la contre-mesure cesse au même moment que cesse le fait
reproché (B).
A- L'obligation de proportionnalité
L'article 51 du projet de la Commission du droit
international pose le principe de la proportionnalité de la
contre-mesure au dommage dû au fait illicite reproché. Celui-ci
dispose : « les contre-mesures doivent être
proportionnelles au préjudice subi compte tenu de la gravité du
fait internationalement illicite et des droits en cause »((*)2). Cette disposition tente
de restreindre les abus des Etats qui n'hésiteraient pas à
prendre des contre-mesures abusées et disproportionnées à
l'acte incriminé. C'est une disposition qui reprend le principe selon
lequel la réponse doit être proportionnelle à l'attaque.
Le principe de la proportionnalité a été
maintes fois affirmé dans la pratique internationale. L'Institut du
droit international affirma à travers une résolution que dans
l'exercice des représailles, l'Etat lésé doit
« proportionner la contrainte employée à la
gravité de l'acte dénoncé comme illicite et à
l'importance du dommage subi »((*)3). Dans l'affaire de l'incident de Naulilaa,
le tribunal arbitral avait qualifié d'illicites les
représailles allemandes car « hors de toute proportion avec
l'acte qui les a motivées »((*)4).
Dans une autre affaire, la jurisprudence a rappelé le
respect de cette obligation. C'est l'affaire de l'accord relatif aux
services aériens entre la France et les Etats-Unis dans laquelle le
tribunal énonça qu' « on ne saurait
considérer que les mesures qui ont été l'objet de l'action
des Etats-Unis aient été clairement disproportionnées
à celles prises par la France »((*)1).
Le principe de la proportionnalité des contre-mesures
à l'acte contesté ou au dommage est également le souci des
Etats. Ces derniers veillent à son respect et reconnaissent en lui une
condition substantielle du recours à des contre-mesures. De nombreux
Etats affirment que les contre-mesures doivent être proportionnées
« au mal causé »((*)2) par le fait illicite. Au cours de la
rédaction du projet de la CDI, certains Etats ont insisté sur ce
point et critiquaient l'absence d'une « disproportion
manifeste »((*)3). Il en a été ainsi pour la
doctrine((*)4). Sans
influence, la CDI n'a pas pris en compte les critiques, mais inséra tout
simplement que la proportionnalité se mesure « au
préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait
internationalement illicite et des droits en cause ». L'autre coup
porté à la contre-mesure est l'obligation de cessation.
B- L'obligation de cessation après la disparition du
fait litigieux
L'obligation de cessation est une obligation formelle. Elle
s'impose, selon la CDI, à l'Etat qui a pris des contre-mesures, d'en
cesser au cas où l'Etat responsable s'est acquitté de ses
obligations. L'article 53 du projet dispose qu'« il doit être
mis fin aux contre-mesures dès que l'Etat responsable s'est
acquitté des obligations qui lui incombent à raison du fait
internationalement illicite conformément à la deuxième
partie ».
L'obligation de cessation est une obligation qui s'applique
à toutes les contre-mesures, quelque soient qu'elles répondent
à des actes licites ou illicites. Cela s'explique. L'Etat qui prend des
contre-mesures doit cesser sa sanction dès lors que l'acte
reproché ou le dommage a cessé. La disparition de l'acte
incriminé entraîne en conséquence celle des contre-mesures.
Lorsque l'Etat lésé avait suspendu le traité ou avait
délimité le déplacement des diplomates de l'autre Etat sur
son territoire, la cessation des actes reprochés doit entraîner le
rétablissement des situations en question, c'est-à-dire la
reprise de l'application du traité et la redéfinition du droit de
circuler des diplomates. La cessation des contre-mesures après la
disparition du fait reproché a été posée depuis
longtemps par l'Institut du droit international.
Dans sa résolution sur les représailles,
l'Institut affirmait que l'Etat lésé doit « cesser les
représailles aussitôt qu'il aura obtenu
réparation ». Se pose, toutefois, le problème
consistant à déterminer le moment précis de la cessation
des contre-mesures. Autrement dit, quand est-ce que les contre-mesures
doivent-elles prendre fin ? Cela dépend de la nature de l'acte
illicite. On dit que « si le fait illicite est instantané, les
représailles cesseront au plus tard au moment où l'Etat auteur
accordera une réparation adéquate »((*)1).
Si « le fait illicite est composé d'une
série d'actions ou d'omissions, les représailles prendront fin
lorsque l'Etat défaillant offrira des garanties suffisantes quant
à la non-répétition des agissements
incriminés »((*)2). On se demande cependant comment faire lorsque le
fait illicite est continu. Dans ce genre de situation, c'est-à-dire si
le fait illicite est continu, « les représailles se
termineront au moment où l'Etat auteur s'acquittera de son obligation de
mettre fin au fait illicite »((*)3).
Conclusion du chapitre 1
La limitation de la substance des contre-mesures
répond bien à leur finalité : la stabilité de
l'ordre juridique international. La CDI a veillé à ce que les
contre-mesures ne soient pas cet instrument arbitraire aux mains des Etats
telles qu'on les a toujours qualifiées. La précision des
conditions de recours rend leur usage difficile à tel point qu'elles ne
puissent nuire à l'ordre juridique international. D'abord leur forme,
puis leur fond, tout a été passé en revue. Les nombreuses
interdictions imposées par le projet ont toutes le même souci de
la protection de l'ordre juridique international contre l'arbitraire des Etats.
C'est ce même souci qui a animé la CDI à limiter
également leur usage en canalisant les contre-mesures dans un usage bien
précis.
Chapitre 2
LES LIMITES LÉGALES DES CONTRE-MESURES
L'usage des contre-mesures a été tracé
et délimité pour un but précis : la sanction de
l'illicite en droit international. La Commission du droit international, la
Charte des Nations Unies, les Conventions de Vienne sur le droit des
traités de 1961 et 1963, la doctrine et la jurisprudence internationales
ont toutes prévu des mécanismes qui ont pour finalité de
maintenir la stabilité de l'ordre juridique international.
Ce souci s'est manifesté également dans la
réglementation des contre-mesures. Soumettre le recours à ces
dernières à un respect des conditions formelles et
matérielles est certes dissuasif mais pas tellement convaincant pour
empêcher les Etats de les détourner à des fins politiques.
La canalisation de leur usage s'en est donc imposée.
La canalisation des contre-mesures revient en effet à
délimiter l'objet et la nature des contre-mesures et à prohiber
carrément l'usage de certains types de contre-mesures, surtout en temps
de paix. C'est une avancée importante dans le droit des conflits
internationaux dans la mesure où on pose de vrais contrepoids aux
contre-mesures abusives, aux contre-mesures disproportionnées et aux
contre-mesures illégales et illégitimes. Une question cruciale
mérite d'être posée. La canalisation de l'usage des
contre-mesures à des fins précises constitue-t-elle
véritablement une garantie de l'ordre public international ? Y
a-t-il réellement un contrepoids au caractère
« belliqueux » des contre-mesures ? C'est
à ces questions que nous essayerons de répondre dans ce
chapitre.
On aura à montrer que les contre-mesures sont
réduites à un formalisme draconien qui limite de plus en plus
leur recours par les Etats. Disons, une fois de plus, qu'elles ne constituent
pas une remise en cause du droit international public. Cette affirmation
découle de l'analyse des différentes limites apportées aux
contre-mesures (Section 1) et de l'interdiction d'user de certaines
contre-mesures (Section 2) dans les relations inter-étatiques.
Section 1
Les limites apportées à la substance des
contre-mesures
La substance des contre-mesures a fait l'objet d'une
limitation minutieuse. L'objet a été d'encadrer
véritablement les contre-mesures, de contourner l'arbitraire des Etats
et de bannir carrément l'usage de la menace et de la force dans les
relations internationales. Les limites apportées à la substance
des contre-mesures consistent à interdire que les Etats ne s'adonnent
à un règlement de comptes, une guerre illimitée de
contre-mesures ou qu'ils ne prennent des contre-mesures afin d'arriver à
d'autres fins. C'est pourquoi on a tenu à préciser, d'une part,
leur objet (Paragraphe 1) et d'autre part leur nature (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
La limitation de l'objet des contre-mesures
Ces limites, posées par l'article 49
du projet de la C.D.I., consistent en plusieurs interdictions et visent
à réduire, sinon empêcher l'usage abusif et pérenne
des contre-mesures par les Etats. Il s'agit de ne pas diriger les
contre-mesures à d'autres finalités (A). L'autre limite est celle
qui oblige l'Etat à prendre des contre-mesures tout en gardant la porte
ouverte à la reprise des obligations par l'autre partie et savoir les
limiter dans le temps (B).
A- L'interdiction de détourner les contre-mesures
à d'autres fins
On interdit à l'Etat auteur des contre-mesures de
détourner leur but à d'autres fins que celles ayant pour objet
l'obligation de cessation d'un fait internationalement illicite ou la
réparation d'un dommage. L'alinéa 1er de cet article
dispose : « l'Etat lésé ne peut prendre des
contre-mesures à l'encontre de l'Etat responsable du fait
internationalement illicite que pour amener cet Etat à s'acquitter des
obligations qui lui incombent... ».
La CDI a posé ici un véritable frein à
l'arbitraire des Etats. Il résulte de ce texte qu'un Etat ne peut
prendre des contre-mesures contre un autre que dans le but de l'obliger
à « s'acquitter de ses obligations » qu'il a,
auparavant, violées. Le terme « s'acquitter de ses
obligations » signifie, tout autant le respect des obligations
découlant du droit international général, que celles
découlant du droit international conventionnel, c'est-à-dire des
conventions entre Etats.
Le premier vise la cessation des actes constituant une
violation du droit international public, le second la réparation d'un
dommage résultant d'un comportement préjudiciable de la part de
l'Etat à l'égard d'un autre. Un Etat ne peut être
visé par une sanction telle qu'elle a été
présentée ci-dessus que s'il a engagé sa
responsabilité internationale. En d'autres termes, l'Etat en question
doit avoir violé une norme du droit international général
causant ainsi un dommage certain et réel à d'autres Etats.
C'est une idée remarquable de la part de la Commission
du droit international d'autant plus que cette interdiction limite
l'inégalité de fait qu'on reproche aux contre-mesures. Un Etat
puissant ne pourrait se prévaloir des contre-mesures pour justifier une
sanction qu'il décide contre un autre Etat faible si ladite sanction
sort du cadre général d'utilisation des contre-mesures. Il y a
ici une volonté de la Commission de vouloir éviter l'usage
abusé des contre-mesures par certains Etats qui voudraient en faire leur
instrument de politique dissuasive dans les relations inter-étatiques.
Cette contrainte n'est pas une innovation de la Commission du
droit international. Elle date de l'entre-deux guerres. Dans sa
résolution sur le régime des représailles en temps de paix
adoptée en 1934, l'Institut de droit international a souligné que
l'Etat doit « ne pas détourner les représailles du but
qui en a déterminé initialement l'usage »((*)1). C'est une règle
qui vaut mutatis mutandis pour toutes les réactions à
l'illicite, à fortiori les contre-mesures. Détourner
l'objet des contre-mesures a toujours été interdit par le droit
international((*)2) et
est sanctionnée par le juge international((*)3). La reprise de ce principe
par le CDI dans son projet sur la responsabilité des Etats
démontre clairement son ambition à vouloir réglementer
l'usage des contre-mesures dans un souci de protéger l'ordre juridique
international. C'est ce même souci qu'on retrouve dans la limitation de
la durée et la consistance des contre-mesures.
B- La limitation de la durée et la cohérence
des contre-mesures
L'autre limite apportée par ce même article est
celle posée par son deuxième alinéa. Ce dernier
dispose : « les contre-mesures sont limitées à
l'inexécution temporaire d'obligations internationales de l'Etat prenant
les mesures envers l'Etat responsable ». Cette disposition pose une
limite temporaire, c'est-à-dire de la durée des contre-mesures.
Elle vise à limiter l'usage des contre-mesures dans le temps, elle
interdit la prolongation des contre-mesures au delà de la cessation du
fait illicite.
De façon concrète, lorsqu'un Etat décide
de sanctionner un autre par des contre-mesures, il ne doit pas
pérenniser cette sanction si l'Etat visé cesse les faits
reprochés. Cette disposition a été affirmée sinon
reprise du juge international dans l'affaire Naulilaa((*)1). La limitation de la
durée de la sanction constitutive d'une contre-mesure vise à
éviter une conséquence néfaste qui serait celle de
maintenir l'Etat responsable en état d'assujettissement ou celle de
prolonger les effets de la sanction dans le temps, les rendant ainsi
irréversibles. Même si les effets du fait illicite sont continus
dans le temps, leur cessation oblige également la cessation de la
contre-mesure.
Ce garde-fou doit cependant être relativisé. On
reconnaît un droit à un Etat de persister dans ses contre-mesures
lorsque l'Etat défaillant persiste, quant à lui, sur l'irrespect
de ses obligations. Tant que la violation n'a pas cessé, la
contre-mesure doit être maintenue. Il résulte donc qu'un Etat peut
maintenir ses contre-mesures tant que l'Etat défaillant poursuit les
faits incriminés ou n'accepte pas de réparer les
préjudices subis, résultant de ses actes.
Il y a, enfin,: une dernière limite apportée
à l'objet des contre-mesures par ce même article. C'est celle
posée par son alinéa 3 qui interdit en quelque sorte les
contre-mesures irréversibles. Cet alinéa dispose en effet que
« les contre-mesures doivent, autant que possible, être prises
d'une manière qui permette la reprise de l'exécution des
obligations en question ». Il vise une seule chose : limiter
l'aggravation de la situation déjà créée par
l'autre partie défaillante.
On interdit l'Etat qui prend des contre-mesures de durcir sa
sanction d'une manière à rompre manifestement l'équilibre
international. Les contre-mesures doivent être provisoires et
réversibles. C'est une autre obligation qui résulte de la
disposition précédente. La réversibilité des
représailles est en « conformité avec leur
finalité qui est en principe la coercition »((*)1).
Il résulte donc que des contre-mesures qui ne
permettent pas à l'Etat défaillant de s'acquitter de ses
obligations constituent une violation du droit international, car elles sortent
du cadre de la finalité des contre-mesures. On peut citer, par exemple,
le cas où l'Etat lésé gèle les avoirs de l'Etat
responsable à l'étranger et lui demande de s'acquitter de ses
obligations en réparant le dommage. C'est également le cas d'un
Etat qui, en prenant des contre-mesures, ne donne pas une marge de manoeuvre
à l'autre Etat de pouvoir s'acquitter de ses obligations. Cette limite
se rapproche plus précisément de l'obligation de
proportionnalité. On interdit également aux Etats de prendre
certaines contre-mesures qui ont une nature illicite ou de les diriger contre
un Etat tiers, différent de l'Etat défaillant.
Paragraphe 2
Limites apportées à la nature de certaines
contre-mesures
Deux sortes de contre-mesures sont généralement
interdites : les représailles armées (A) et les
contre-mesures dirigées contre un Etat tiers, neutre au conflit (B).
A- Les représailles armées
Les représailles armées ne sont pas admises en
tant que contre-mesures par le droit international. Elles sortent largement du
contexte pacifique des contre-mesures qui, malgré leur aspect illicite
et unilatéral, ne font pas usage de la force armée((*)2). Les contre-mesures
armées ou, plutôt les représailles armées, ne sont
prises qu'en réponse à des actes similaires. Elles ne constituent
que la réponse à des actes de même nature d'un Etat tiers
qui sont, eux-mêmes, illicites au regard du droit international.
Autrement dit, c'est un exemple de la « loi du Talion »
dans l'ordre international »((*)3).
L'usage des représailles armées est soumis
à des conditions très précises. Dans l'affaire
Naulilaa tranchée par la sentence arbitrale du 31 juillet 1928
entre le Portugal et l'Allemagne, le tribunal arbitral condamna les actions
allemandes en estimant qu'elles étaient illicites au regard du droit
international car ne remplissant pas les conditions des représailles.
Les représailles armées sont interdites en droit international
car elles sont incompatibles avec l'interdiction du « recours
à la menace ou à l'emploi de la force » posée
par l'article 2, § 4 de la Charte des Nations Unies.
L'Assemblée générale des Nations Unies a,
elle aussi, condamné de telles représailles comme réponse
adéquate et licite à une violation du droit international. Cette
interdiction s'explique du fait que, souvent, des Etats dits forts les
utilisent abusivement contre d'autres Etats faibles. C'est, par exemple, le cas
des Etats-Unis d'Amérique contre le Mexique en avril 1914, et
d'Israël contre le Liban en décembre 1968((*)1). Récemment, dans un
avis consultatif, la Cour internationale de justice reconnut
l'illégalité des représailles armées en temps de
paix((*)2).
L'étude des représailles armées
relève cependant d'une étude spéciale, qui est celle de
l'usage de la force dans les relations internationales. La seconde
catégorie des contre-mesures interdites, ce sont les contre-mesures qui
visent des Etats tiers. En effet, quelque soit la gravité du fait, on
interdit à l'Etat qui prend les contre-mesures de diriger sa sanction
contre un Etat qui ne lui a causé aucun préjudice.
B- L'interdiction de prendre des contre-mesures contre des
Etats tiers
C'est une interdiction qui vise à protéger
les Etats qui seraient liés par un traité d'amitié et dont
l'un serait la cible de contre-mesures pour ses faits et actes portant
préjudice à un autre. Pratiquement, un Etat qui se sent
lésé par un autre et qui décide de le sanctionner par des
contre-mesures ne doit sanctionner que celui-ci, et non d'autres Etats qui sont
liés à ce dernier par amitié, par contrat. L'interdiction
de prendre un Etat tiers comme cible des contre-mesures est affirmée de
longue date par la doctrine((*)1).
Elle a, par ailleurs, été posée par la
jurisprudence internationale à l'occasion de plusieurs affaires. Ce fut
d'abord par la sentence arbitrale rendue le 30 juin 1930 dans l'affaire
Cysne, dans laquelle le juge arbitral a répondu que les
« les représailles ne sont admissibles que contre l'Etat
provocateur »((*)2). Une autre affaire confirma cette ancienne
jurisprudence, c'est l'affaire Gromyko en 1983. Le sieur Gromyko, ministre des
Affaires étrangères de l'Union soviétique de
l'époque, devait se rendre aux Etats-Unis avec sa
délégation pour participer à la 38e session de
l'Assemblée générale des Nations Unies. Il se vit refuser
l'autorisation d'atterrir à New York et New Jersey par les gouverneurs
de ces Etats, en guise de réprobation de l'attaque militaire
soviétique contre un Boeing sud-coréen en 1983. L'ONU condamna
ces actes en estimant qu'en refusant au ministre soviétique le droit
d'entrer dans la circonscription administrative de New York, les Etats-Unis
n'ont pas sanctionné seulement l'Union soviétique mais un autre
sujet tiers, à savoir l'Organisation elle-même, en
méconnaissant l'accord de siège signé entre l'ONU et les
Etats-Unis en 1947((*)3).
Il y a cependant une problématique cruciale que nous
nous devons de souligner. C'est le pouvoir donné aux Etats tiers de
prendre des contre-mesures contre un Etat qui viole le droit international. Si
on interdit à un Etat de sanctionner un Etat tiers au conflit, celui-ci
a le droit de sanctionner cet Etat même si le préjudice qu'il a
fait subir ne l'a pas touché. Ce droit est de plus en plus reconnu aux
Etats. Il résulte soit du souci de protéger les dispositions
obligatoires du droit international, soit d'une solidarité entre Etats.
La violation des droits de l'Homme peut, par exemple, justifier la sanction
d'un Etat par d'autres Etats qui ne sont concernés par cette violation
mais qui décident tout de même de sanctionner une telle
violation((*)4).
L'atteinte aux droits d'un Etat membre d'une alliance peut également
expliquer les contre-mesures décidées par cette alliance contre
l'Etat défaillant même s'il n'a porté atteinte qu'aux
intérêts d'un seul Etat((*)1).
A part la limitation de l'objet et de la nature de certaines
contre-mesures, on interdit également aux Etats de prendre des
contre-mesures dans certains domaines du droit international. Ce sont, en
effet, les contre-mesures dites illicites.
Section 2
Les contre-mesures illicites
Les contre-mesures illicites sont ces contre-mesures
qu'à aucun moment un Etat ne peut se déroger du droit
international et les prendre pour sanctionner un autre. Les contre-mesures sont
des sanctions unilatérales, certes, mais elles sont strictement
réglementées dans cet aspect. L'interdiction de l'usage de ces
contre-mesures en droit international répond à un triple souci.
C'est la protection des obligations erga omnes du droit international,
la protection des droits de l'homme et la protection des relations
inter-étatiques résultant de certaines obligations
conventionnelles.
Sont interdites en droit international public, les
contre-mesures portant atteinte à certaines absolues du droit
international public (Paragraphe 1) et celles portant atteinte à
certaines obligations conventionnelles (Paragraphe 2).
Paragraphe 1
Les contre-mesures portant atteinte aux obligations
absolues du droit international
Certaines contre-mesures sont en effet interdites. Cette
interdiction découle du projet de la C.D.I. mais également elle
est posée depuis longtemps par le droit international public. On
interdit catégoriquement aux Etats qui prennent des contre-mesures de
porter atteinte aux dispositions du droit international général
(A), mais également du droit international humanitaire (B).
A- Le respect des obligations découlant du jus
cogens
Les normes absolues du droit international
général sont des normes qu'aucun Etat ne peut s'en déroger
dans l'exercice de son droit de recourir aux contre-mesures. C'est ce qu'on
appelle l'applicabilité du jus cogens.
Pratiquement, un Etat lésé par un autre a le
droit, certes, de décider des contre-mesures contre ce dernier. Mais
dans l'exercice de ce droit, lorsque, par exemple, il décide de
suspendre le traité ou la convention qui les lie, il doit prendre en
compte l'existence des règles du droit international public qui sont
inviolables par leur nature. C'est une interdiction posée par la
Convention de Vienne sur le droit des traités de 1963((*)1). Prenons l'exemple d'un
Etat A qui porterait atteinte aux intérêts d'un Etat B avec qui il
est lié par un traité bilatéral ou multilatéral.
Lorsque l'Etat B, pour sanctionner l'Etat A, décide de suspendre leur
traité, il doit le faire dans le respect des normes du jus cogens,
même lorsque l'Etat A a été
lésé par une violation substantielle du droit international par
l'autre Etat. Il ne doit pas suspendre l'application dudit traité
lorsque celui-ci contient des règles absolues du droit international
général.
Il n'y a aucune précision quant aux dispositions qu'on
peut qualifier de jus cogens. C'est une notion qui a fait l'objet de
beaucoup de débats sur la scène internationale. Ces
présents développements n'ont pas pour objet d'éclaircir
cette notion qui, rappelons-le, a fait l'objet de nombreux arguments dont on
connaît les positions des uns comme des autres((*)2).
Dans son projet sur la responsabilité de l'Etat pour
fait internationalement illicite, la CDI précise dans l'article 50
"les obligations ne pouvant être affectées par des
contre-mesures". Cet article constitué de deux alinéas,
interdit carrément les contre-mesures portant atteinte à l'ordre
juridique international((*)1). A travers ce texte, on relève bien le
souci de la Commission qui a voulu paralyser l'usage abusif des contre-mesures
par les Etats.
Le Commission leur reconnaît, certes, le droit de
recourir aux contre-mesures mais aussi l'obligation de veiller au respect du
droit international, au maintien de l'équilibre de l'ordre public
international. Ce souci s'explique, en général, par celui de
vouloir protéger les droits de l'homme.
B- L'interdiction de porter atteinte aux droits de
l'homme
Les contre-mesures ne doivent pas porter atteinte au droit
international humanitaire, aux droits humains. L'Etat qui prend des
contre-mesures doit penser au respect des droits de l'homme. Les droits
humains, d'un côté, sont une justification de l'adoption des
contre-mesures par certains Etats.
Le texte sus-cité de la CDI dispose :
« les contre-mesures ne peuvent porter atteinte... aux obligations
concernant la protection des droits fondamentaux de l'homme, aux obligations de
caractère humanitaire excluant les représailles... ».
En dehors même de ce projet, « le principe selon lequel les
obligations conventionnelles ou coutumières concernant les droits de
l'homme ne sont pas susceptibles d'être transgressées par voie de
contre-mesures est bien ancré depuis longtemps en droit international
contemporain »((*)2).
Dans sa résolution sur le régime des
représailles en temps de paix, l'Institut de droit international a
affirmé dans l'article 6 que « dans l'exercice des
représailles, l'Etat devait limiter leurs effets à l'Etat contre
qui elles sont dirigées, en respectant... les droits des particuliers...
et s'abstenir de toute mesure de rigueur qui serait contraire aux lois de
l'humanité... »((*)1). La protection des droits de l'Homme a
expliqué plusieurs mesures prises par les Etats-Unis qui s'estiment
"investis d'une mission de protection de ces droits"((*)2).
Le dernier aspect de cette interdiction est qu'on interdit aux
Etats de prendre des contre-mesures entraînant la violation des droits
humains en réponse à des mesures similaires de la part d'un autre
Etat. On interdit la réciprocité des contre-mesures si elles ont
pour objet l'atteinte à ces droits. On dit que la protection des droits
fondamentaux de l'homme ne relève pas d'une obligation conventionnelle
et synallagmatique, elle est une obligation générale
découlant du jus cogens. C'est ce qui fait que leur violation
par une partie n'explique pas une autre transgression par une autre((*)3).
Paragraphe 2
Les contre-mesures portant atteinte à certaines
obligations conventionnelles
On interdit aux Etats de porter atteinte à certaines
obligations conventionnelles lorsqu'ils décident de recourir à
des contre-mesures. Les obligations découlant du droit diplomatique (A)
et celles découlant du droit communautaire (B) ne peuvent faire l'objet
d'aucune violation par des contre-mesures.
A- L'interdiction de porter atteinte au droit
diplomatique
Dans le projet de la CDI, l'article 50 qui porte sur les
« obligations ne pouvant être affectées par des
contre-mesures », dispose dans son alinéa 2 que
« l'Etat qui décide de prendre des contre-mesures n'est pas
dégagé des obligations qui lui incombent de respecter
l'inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques
et consulaires. »((*)4).
Cette disposition reprend la jurisprudence de la Cour
internationale de justice sur l'affaire du personnel diplomatique
américain à Téhéran((*)1). On interdit aux Etats de prendre des
contre-mesures qui auraient pour effet de déstabiliser ou de porter
gravement atteinte aux obligations diplomatiques à moins que l'acte
faisant l'objet de la contre-mesure ne soit, lui-même, une violation
desdites obligations. Pratiquement cela veut dire que si un Etat veut
sanctionner un autre par des contre-mesures, il doit tenir compte des
règles régissant le droit diplomatique posées par la
Convention de Vienne de 1961 sur le droit des traités. La CIJ a
décidé dans son arrêt que le droit diplomatique
« constitue un régime se suffisant à
lui-même » en ce sens qu'il prévoit les sanctions
à prendre en cas de violation par une partie. La Cour a
déclaré que le « droit diplomatique, lui-même,
fournit les moyens de défense nécessaires ainsi que les sanctions
contre les activités illicites des membres des missions diplomatiques et
consulaires((*)2).
Il est difficile de qualifier certaines pratiques de
violation du droit diplomatique. Par exemple, l'expulsion des agents
diplomatiques et la restriction à leur liberté de
déplacement ne constituent pas des atteintes au droit
diplomatique((*)3),
pendant que d'autres actes le sont. En effet, la détention d'un
diplomate ou un d'un agent de mission bénéficiant de
l'immunité diplomatique constitue une violation dudit droit tel que l'a
déclaré le Secrétaire général des Nations
Unies dans une lettre qu'il adressait à la Côte d'Ivoire suite
à la détention par le gouvernement ivoirien d'agents d'une
mission guinéenne en provenance d'une assemblée
générale à New York((*)4).
L'interdiction de porter atteinte au droit diplomatique ne
pèse pas que sur le personnel. Elle porte aussi sur les biens. C'est le
cas des locaux (inviolabilité des locaux diplomatiques), des archives ou
autres documents. L'article 22 de la Convention de Vienne de 1961 pose une
interdiction quasi absolue en stipulant : « les archives et
documents de la mission sont inviolables à tout moment et quelque lieu
qu'ils se trouvent ». C'est une règle impérative et
n'admettant aucune dérogation car, même en cas de rupture des
relations diplomatiques, de rappel temporaire ou définitif de la
mission, « l'Etat accréditaire est tenu, même en cas de
conflit armé, de respecter et de protéger les locaux de la
mission, ainsi que ses biens et ses archives. »((*)1).
L'interdiction de déstabiliser les relations
diplomatiques vise à maintenir en équilibre les relations
inter-étatiques dans la société internationale. C'est le
même souci qui explique l'interdiction de recourir aux contre-mesures
dans les relations communautaires.
B- L'interdiction de porter atteinte au droit
communautaire
L'interdiction de prendre des contre-mesures à
l'encontre du droit humanitaire, du droit diplomatique ou du jus
cogens, en général, s'explique sur l'existence d'une norme
supérieure internationale au regard de laquelle la contre-mesure va
être confrontée. Il n'en est pas le cas dans le droit
communautaire.
« La mise à l'écart des contre-mesures
portant atteinte aux obligations communautaires est, en revanche, d'origine
conventionnelle »((*)2). Si le droit international permet à ses
sujets de recourir facilement à des contre-mesures, le droit
communautaire prévoit lui-même l'interdiction aux Etats membres de
prendre des contre-mesures entre eux. On dit que les relations
intra-communautaires sont des relations initialement de
réciprocité, tel que l'a déclaré la Cour de justice
de la communauté européenne qui précisa que
« l'ordre juridique communautaire a été accepté
au départ sur une base de réciprocité. »((*)3). Ceci est
compréhensif, en ce sens que les obligations communautaires tendent
à promouvoir et protéger des intérêts collectifs,
d'où leur qualification d'obligations solidaires. Chaque membre partie
ou adhérent est soumis en conséquence à cette obligation
de sanction réciproque par des contre-mesures.
L'interdiction de recourir à des contre-mesures entre
Etats parties à une convention communautaire est absolue. Elle interdit
même le recours d'un Etat membre à des contre-mesures face
à l'inobservation de ses obligations par un autre. La convention
communautaire prévoit, elle-même, les mécanismes de
règlement des différends entre Etats membres et les sanctions
possibles en cas de non-respect de ses obligations par un Etat. La Cour de
Justice des Communautés européennes a eu à le rappeler
dans son arrêt du 13 novembre 1964 rendu à propos d'un recours de
la Commission contre le Royaume de Belgique et le Grand Duché de
Luxembourg.
Dans cette affaire, les deux gouvernements ont invoqué
l'inexécution par le Conseil de l'Europe des obligations lui incombant
en vertu du droit communautaire. En rejetant cet argument, la Cour a
déclaré que « "le traité [CEE] ne se borne
pas à créer des obligations réciproques entre les
différents sujets auxquels il s'applique, mais établit un ordre
juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits
sujets ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater
et sanctionner toute violation éventuelle " et "que, partant, en dehors
des cas expressément prévus, l'économie du
traité comporte interdiction pour les Etats membres de se faire justice
eux-mêmes" »((*)1).
Ce n'est pas la seule affaire où la Cour
européenne a eu à sanctionner un Etat contrevenant aux
obligations diplomatiques en prenant des contre-mesures contre un autre. Elle a
eu à le rappeler dans plusieurs affaires((*)2).
Dans son projet relatif à la responsabilité des
Etats pour fait internationalement reconnu illicite, la CDI n'a prévu
aucune disposition interdisant le recours aux contre-mesures entre sujets
membres d'une même communauté. Les traités communautaires
prévoient expressément eux-mêmes, l'interdiction formelle
de prendre des contre-mesures entre Etats membres car ils prévoient des
mécanismes parallèles. Le souci est de bannir totalement et
catégoriquement les réactions unilatérales.
« Les réactions unilatérales dans les
relations intra-communautaires provoqueraient un cloisonnement des
marchés, aboutiraient à des détournements de trafic et
à des distorsions de concurrence, incompatibles avec l'idée d'un
même Marché commun. »((*)1).
Conclusion du chapitre 2
En interdisant l'usage de certains types de
contre-mesures et dans certaines circonstances, la CDI a porté un coup
à l'arbitraire des Etats. Elle a créé par cette occasion
un vrai dispositif qui met en protection l'ordre juridique international. Les
Etats sont limités dans l'usage des contre-mesures. Les
différentes conditions posées par le projet de la CDI et les
différents textes internationaux l'attestent clairement. La limitation
de leur objet et de leur nature, l'interdiction formelle de porter atteinte au
jus cogens, aux droits de l'homme et aux obligations diplomatiques et
communautaires, ont fait le contour des relations internationales.
La canalisation des contre-mesures dans un usage précis
et restreint affirme une fois de plus que ces dernières sont un outil
efficace dans la recherche de la stabilité de l'ordre juridique
international.
CONCLUSION 2ème PARTIE
La tendance des Etats à abuser de leurs
prérogatives pour protéger leurs intérêts est une
évidence. Il est donc dans la nature des Etats à vouloir utiliser
les contre-mesures dans ce but, encourant ainsi le risque de glisser dans
l'illégalité. Le risque de perversion des contre-mesures en un
instrument dangereux à la disposition des Etats économiquement et
militairement puissants est réel. C'est pourquoi leur
réglementation a paru nécessaire pour éviter des abus.
Cette réglementation a pour but essentiel de maintenir l'ordre public
international et d'équilibrer les relations internationales.
La précision des conditions de recours aux
contre-mesures et la précision de leurs limites légales vont dans
ce sens. En traçant soigneusement les lignes de conduite
c'est-à-dire les conditions de recours aux contre-mesures par les Etats,
tant dans le fond que dans la forme, en imposant aux Etats de nombreuses
interdictions et en leur précisant clairement les procédures
à suivre sous peine de tomber dans l'illégalité, la
réglementation des contre-mesures a servi de base à
l'équilibre de l'ordre juridique international. Aucun Etat ne peut et ne
doit recourir à des contre-mesures sans se conformer aux conditions
clairement énoncées de leur usage ; aucun Etat ne peut et ne
doit ignorer ces conditions.
Les contre-mesures permettent de justifier le comportement
illégal d'un Etat mais dans une bonne finalité et avec bonne
foi : celle de combattre une autre illégalité et de
rétablir l'ordre rompu par un Etat sans avoir à recourir à
la force. On peut dire, enfin, que la réglementation des contre-mesures
est bénéfique au maintien de l'équilibre de l'ordre
juridique international.
CONCLUSION GENERALE
Quel rôle jouent les contre-mesures dans le droit
international public ? Telle est la question à laquelle nous sommes
attaché à répondre tout au long de la présente
étude.
La question n'est pas dénuée de controverses.
Les nombreuses contributions des experts qui ont eu à intervenir sur
cette question depuis l'inclusion dans un projet de la Commission du Droit
International, d'un régime juridique relatif aux contre-mesures, le
confirment indéniablement. Un certain nombre de membres de la
communauté internationale ont estimé que celles-ci ne sauraient
trouver place dans le droit international car elles sont le reflet d'une
justice privée, arbitraire et inégalitaire, donc dangereuse. Mais
si l'on se tient à la nature et la fonction des contre-mesures, nous
estimons que ce serait faire preuve d'un pessimisme faussement béat
d'affirmer tel propos aujourd'hui.
Les contre-mesures sont ce qu'elles sont mais nous devons
concéder qu'elles sont d'abord pacifiques et ensuite respectueuses des
principes fondamentaux du droit international public : la paix et
l'égalité entre les Etats. Les rétorsions prises par des
Etats faibles contre des superpuissances l'ont affirmé.
Quant au souci de leur finalité dite belliqueuse, on a
vu que les contre-mesures ont pour but de faire cesser une
illégalité internationale, de faire réparer le mal qui a
pu découler de cette violation du droit international. Les
contre-mesures sont donc une réponse à un acte internationalement
illicite. Parce que, plutôt que d'infliger des sanctions punitives, il
s'agit d'exercer des pressions afin de faire cesser la violation des droits de
l'homme, par exemple, et de rétablir la légalité et le
respect des obligations internationales. Certes, le risque de
débordement n'est pas à ignorer. Il est réel mais amoindri
par la réglementation des contre-mesures.
Après quarante années de travaux, la Commission
du droit international des Nations Unies a achevé en 2001 son examen de
la question de la responsabilité internationale des Etats, et par
là, celle des contre-mesures. S'il est possible pour chaque État
de réagir à la violation d'obligation internationale par un autre
État en adoptant des contre-mesures, cette possibilité est
soumise sous réserve de respecter plusieurs conditions posées par
ce projet, mais également par le droit international public d'une
manière générale. Le but est d'empêcher qu'en
répondant à un fait internationalement illicite, les
contre-mesures ne produisent des effets en dehors de la sphère du droit.
C'est pourquoi ces conditions sont suffisamment strictes pour décourager
le recours abusif des contre-mesures, en les limitant dans le temps, dans
l'espace, dans l'objet et dans leur substance.
A notre humble avis, les contre-mesures sont un meilleur
outil pour la régulation des relations internationales. Bien
encadrées par le droit international public, elles contribuent
également à son développement et son but,
l'équilibre de l'ordre juridique international, pour un monde meilleur
avec des relations internationales stables et pacifiques.
Mais, si l'on sait que les résolutions de la
Commission du Droit International n'ont qu'une valeur incitative, et comme
jusqu'à lors on n'a pas abouti à la conclusion d'un traité
international portant sur la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite, peut-on dire que ce régime juridique est
assez effectif ? L'introduction des contre-mesures dans ce projet
suffit-il à réduire les risques qu'elles présentent
à l'égard du droit international, ou faut-il créer une
« commission des contre-mesures » comme l'a
préconisé Calero Rodrigues ? Nous ne spéculons pas,
seul l'avenir nous le dira.
TABLE DES MATIERES
____________________
Page
Sommaire
...........................................................................................................................
03
Introduction
...............................................................................................................................
08
1ère Partie :
Intérêt de l'introduction des contre-mesures en
droit international public ................. 17
Chapitre 1èr :
Des mesures de sanctions unilatérales conformes au droit
international .................... 20
Sect. 1 : Une conformité reposant sur le respect
des principes
fondamentaux du droit international public
........................................................ 21
Par. 1 : Le respect du principe de non usage de la force
................................................. 21
A : Les mesures de rétorsion et de
représailles
.................................................................. 22
B : Les autres types de sanctions économiques et
financières ........................................ 24
Par. 2 : Le respect du principe de l'égalité
et de la souveraineté des Etats ................. 25
A : Une égalité de droit et de fait reconnue
aux Etats ....................................................... 26
B : Le pouvoir de qualification unilatérale du fait
illicite et sa sanction ........................ 28
Sect. 2 : Une conformité reposant sur l'intention
de l'Etat
auteur d'une contre-mesure
.....................................................................................
28
Par. 1 : La philosophie principale du recours aux
contre-mesures .................................. 29
A : Le recours aux contre-mesures à fin de
négociation ....................................................
29
B : Le recours aux contre-mesures à fin de dissuasion
....................................................... 30
Par. 2 : Le fondement de la légitimité et la
légalité des contre-mesures ......... ............. 32
A : La légitimité de chaque Etat à
protéger lui-même ses intérêts
................................. 32
B : Le fondement de la licéité des
contre-mesures .............................................................
33
Chapitre 2 :
Un outil de régulation des relations internationales
............................................................. 35
Sect. 1 : Les Etats, gendarmes du droit international
......................................................... 36
Par. 1 : Les fonctions des contre-mesures
..............................................................................
36
A : Obliger un Etat à cesser un fait illicite ou
licite mais dommageable............................ 37
B : Obliger un Etat à réparer le dommage
résultant de ses actes ..................................... 38
Par. 2 : Les finalités des contre-mesures
.................................................................................
39
A : La finalité coercitive
...............................................................................................................
39
B : La finalité corrective
................................................................................................................
41
Sect. 2 : Les contre-mesures, sanction de l'illicite en
droit international ........................ 42
Par. 1 : La justice internationale aux mains des Etats,
un palliatif aux carences de la société
internationale ........................................... 42
A : Les contre-mesures individuelles
........................................................................................
43
B : Les contre-mesures collectives
.............................................................................................
44
Par. 2 : L'affirmation des contre-mesures par les instances
internationales ................... 44
A : Les contre-mesures et des organisations internationales
.............................................. 44
B : Les contre-mesures et les Cours et tribunaux
internationaux ...................................... 46
Conclusion 1ère Partie
.....................................................................................................................
48
2ème Partie : Le maintien de l'ordre
juridique international par la réglementation
des contre-mesures
........................................................................................
49
Chapitre 1èr:
La précision des conditions de recours à des
contre-mesures .................................... 52
Sect. 1 : La précision des conditions formelles
............................................................... 53
Par. 1 : Conditions préalables à tout recours
aux contre-mesures ............................. 53
A : L'exigence d'une mise en demeure infructueuse
....................................................... 54
B : L'exigence d'une notification et d'une offre de
négociation .................................... 55
Par. 2 : L'inexistence d'un mécanisme de
règlement de différends ........................... 57
A : L'absence d'une procédure de règlement
prévue entre les Etats .......................... 57
B : L'absence de saisine d'un organe juridictionnel
international ................................. 58
Sect. 2 : La précision des conditions
matérielles
............................................................... 60
Par. 1 : la précision du fait
générateur
................................................................................
60
A : La condition sine qua non d'un fait illicite
préalable ................................................. 61
B : L'exigence d'une lésion
......................................................................................................
62
Par. 2 : La substance de la réaction
.....................................................................................
64
A : L'obligation de proportionnalité
.......................................................................................
64
B : L'obligation de cessation après la disparition du
fait litigieux .................................. 65
Chapitre 2 :
Les limites légales apportées aux contre-mesures
............................................................ 67
Sect. 1 : Les limites apportées à la substance
des contre-mesures ............................. 68
Par. 1 : La limitation de l'objet des contre-mesures
......................................................... 68
A : L'interdiction de détourner les contre-mesures
à d'autres fins ................................ 68
B : La limitation de la durée et la cohérence
des contre-mesures ................................. 70
Par. 2 : Les limites apportées à la nature de
certaines contre-mesures ...................... 71
A : Les représailles armées
......................................................................................................
71
B : L'interdiction de prendre des contre-mesures contre des
Etats tiers ...................... 72
Sect. 2 : Les contre-mesures illicites
.....................................................................................
74
Par. 1 : Les contre-mesures portant atteinte aux obligations
absolues
du droit international
..................................................................................................
74
A : Le respect des obligations découlant du jus
cogens .................................................... 75
B : L'interdiction de porter atteinte aux droits de l'Homme
.............................................. 76
Par. 2 : Les contre-mesures portant atteinte à
certaines
obligations conventionnelles
.....................................................................................
77
A : L'interdiction de porter atteinte au droit diplomatique
................................................ 77
B : L'interdiction de porter atteinte au droit communautaire
........................................... 79
Conclusion 2ème Partie
.................................................................................................................
81
Conclusion générale
....................................................................................................................
83
Bibliographie
.................................................................................................................................
85
* (1) Denis ALLAND,
Les contre-mesures dans l'ordre juridique international. Etude
théorique de la justice privée en droit international
public, Pédone, Paris, 1992
* (2) Tribunal arbitral,
sentence du 9 décembre 1978, R.S.A, vol. II,
2ème partie, p. 131.
* (1) Gérard
Cornu, Dictionnaire de vocabulaire juridique, Association Henry
Capitant, 13e édition.
* (2) Louis DUBOUIS
« l'embargo dans la pratique
contemporaine », AFDI, 1967, p. 99-152
* (3) Comme embargo total, on
peut citer par exemple la décision de la CEE du 16 avril 1982
interdisant les importations en provenance d'Argentine à la suite de
l'intervention armée de ce pays contre les îles Falkland
(Malouines), et pour l'embargo partiel, l'embargo de la même
communauté sur les armes dirigé contre le Soudan en 1994.
* (4) En effet, les
Etats-Unis ont refusé de participer aux jeux olympiques de Moscou en
1979 et de leur part les pays de l'Est ont boycotté ceux de Los Angeles
de 1984.
* (1) Charles
LEBEN « Les contre-mesures inter-étatiques et les
réactions à l'illicite dans la société
internationale », In : Annuaire Français de Droit
International, 1982, p. 14.
* (2) Raymond JULIEN et Jean
VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13ème édition, 2001.
* (3) Gérard Cohn,
« La théorie de la responsabilité
internationale », R.C.A.D.I, 1939, II, vol.68, p.318.
* (4) Ann. I.D.I,
1934, Paris, Pédone, p. 162-166
* (5) Linos Alexandre
SICILIANOS, Les réactions décentralisées à
l'illicite. Des contre-mesures à la légitime défense,
Paris, LGDJ, 1990.
* (1) Paul DEMARET, «
Aides et mesures de sauvegarde en droit international économique, XXXII
ème séminaire de la Commission droit et vie des Affaires »,
Feduci, 1980, p. 112.
* (2) L'article XIX du GATT
et l'article 22 de l'Accord de l'OMC relatif aux sauvegardes ont
autorisé leur mise en oeuvre mais tout en les encadrant très
strictement.
* (1) Charles LEBEN, op.
cit., p. 12
* (2) Face à la prise
en otage du personnel diplomatique de l'ambassade américaine à
Téhéran (1979-1980) les Etats-Unis d'Amérique ont
adopté une politique de contre-mesures qui a reçu le soutien de
leurs alliés européens, comme l'embargo céréalier
et technologique qu'ils ont décidé à l'encontre de l'URSS
et le boycott des jeux olympiques de Moscou lors la crise afghane de
décembre 1979. Dans cette même période ils ont
également décidé un embargo technologique contre la
Pologne (crise polonaise de décembre 1981) et un boycott de leurs
relations commerciales avec l'Ouganda en 1978.
* (3) En effet, ces pays ont
décidé d'utiliser massivement l'arme du pétrole à
l'encontre des Etats-Unis d'Amérique et certains Etats européens
considérés comme alliés à Israël en
réduisant leurs exportations pétrolières, augmentant
considérablement les prix et instituant un embargo de plusieurs mois
à l'encontre de ces pays.
* (4) En effet, en 1982,
l'Argentine a attaqué militairement les îles Malouines ou
Falkland, sur lesquelles elle réclamait sa souveraineté face
à la Grande Bretagne. Face à cette attaque, les Etats
européens, membres de la communauté ont fermement
décidé des contre-mesures contre l'Argentine par des embargos
commerciaux.
* (1) Tribunal arbitral,
sentence du 9 décembre 1978, R.S.A, vol. II,
2ème partie, p. 131.
* (2) Arrêt du 24 mai
1980, Recueil CIJ 1980, p. 42 et 43
* (3) Mr Ali Hafrad, membre
de la délégation algérienne, a en effet montré sa
réticence sur l'acceptation des contre-mesures par le droit
international, craignant ainsi l'introduction d'un régime de sanction
entre les Etats dont les seuls vrais détenteurs de ce pouvoir seraient
les Etats puissants
(www.algeria-un.org/default.asp?doc=1345%20&lang=2 -
31k).
Quant à la délégation belge, Mr Evert
Marechal a préconisé que la reconnaissance du droit de prendre
des contre-mesures doit être accompagnée des limites
appropriées à l'utilisation de celles-ci afin de ne les utiliser
que dans des circonstances exceptionnelles sans pour autant remplacer la
tentative sérieuse de règlement pacifique des différends
(www.diplomatie.be/newyorkun/default.asp?id=57&mnu=57 -
22k).
* (1) Charles LEBEN, op.
cit., p. 40
* (2) Adopté en 2001,
lors de sa 53em session de la Commission du Droit International.
* (3) La première
partie du projet, portant sur le fait internationalement illicite, consacre
dans son chapitre 5, les circonstances excluant l'illicéité du
fait d'un Etat et par conséquent sa responsabilité
internationale. Parmi eux, il y a à part les contre-mesures (art. 22),
le consentement (art. 20), la légitime défense (art. 21), la
force majeure (art. 23), la détresse (art. 24) et l'état de
nécessité (art. 25).
* (4) Soumis à l'A.G
de l'ONU en 2001, celle-ci a décidé de l'insérer dans la
question de l'ordre du jour lors de sa 59e session, en 2004. Elle a
convié les gouvernements à faire tout leur nécessaire pour
que ce projet aboutisse à un traité. A l'heure qu'il est on n'a
toujours pas adopté ce traité sur la responsabilité des
Etats pour fait internationalement illicite.
* (1) Denis ALLAND,
Les contre-mesures dans l'ordre juridique international. Etude
théorique de la justice privée en droit international
public, Pédone, Paris, 1992.
* (1) Charles LEBEN, op.
Cit., p. 40
* (1) Article 33,
alinéa 1er : "Les parties à tout différend
dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la
sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant
tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de
conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux
organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de
leur choix."
* (2) Alphonse RIVIER,
Principes du droit des gens, Rousseau, Paris, 1899, t. II, p. 189.
* (3) C'est le cas, par
exemple, de l'expulsion d'étudiants iraniens et de certains membres du
personnel diplomatique iranien à Washington lors du conflit entre les
Etats-Unis et l'Iran lors de l'affaire de prise d'otages américains
à Téhéran en 1980. Dans le cadre de cette même
affaire, on a abouti à une rupture complète des relations
diplomatiques entre les deux Etats.
* (4) Les Etats-Unis ont
suspendu ou réduit leur aide publique à certains Etats qui
avaient nationalisé des investissements américains sans aucune
indemnité, à d'autres qui ne respectent pas les droits de l'homme
("politique Carter" de 1977 à 1980) ou, enfin, à ceux dont ils
désapprouvaient les orientations (comme le Nicaragua entre 1981 et
1989).
* (1) Dans la
décision de la CIJ intervenue en 1986 entre les Etats-Unis et le
Nicaragua, le juge international a qualifié de représailles
l'appui des Etats-Unis aux activités militaires et paramilitaires des
contras au Nicaragua (soutien financier, entraînement,
fourniture d'armes, de renseignements et de soutien logistique) parce que cet
appui constituait une violation du principe de non-intervention, alors qu'il a
considéré que l'interruption de l'aide économique à
ce même Etat ou la réduction du quota d'importation du sucre
étaient des mesures de rétorsion.
* (2) Annuaire
I.D.I, 1934, p.708
* (3) Marcel SINKONDO,
Droit International Public, Ellipses, 1999, p. 128.
* (4) L'usage des
représailles armées est strictement interdit par le droit
international. Elles ne peuvent découler que d'un cas de légitime
défense ou être décidées que par le Conseil de
Sécurité de l'ONU en application du chapitre VII de la Charte
(art. 42). Par ailleurs, la CDI a exclu la légitimité des
représailles armées dans sa définition des contre-mesures.
Toutefois, dans un aspect terminologique, le terme "représailles" tend
aujourd'hui à n'être utilisé que pour désigner, en
général, les politiques de contrainte comportant un recours
à la force (rapport 2001 de la CDI, p. 181).
* (5) Infra,
2ème partie, chapitre II
* (6) V. résol. 2131
(XX) et 2625 (XXV) de l'Assemblée Générale de l'ONU ;
la résol. 36/103 et l'art. 32 de la Charte des droits et devoirs
économiques des Etats.
* (1) Les Etats-Unis ont
décidé de ne pas participer aux Jeux Olympiques de Moscou de 1979
et, en réponse, les Etats du bloc de l'Est ont boycotté ceux de
Los Angeles de 1984. Dans cette même période, le Sénat
américain a refusé de poursuivre les négociations et la
signature des accords SALT II avec le régime soviétique.
* (2) Charles LEBEN, op.
Cit., page 48
* (3) Embargo de la
communauté européenne sur les armes contre le Soudan en 1994, ou
l'interdiction par le gouvernement français de tout investissement en
Afrique du sud en répression de leur système d'apartheid.
* (4) Un Etat peut
décider de rompre totalement ses relations commerciales avec un autre
comme l'ont fait les Etats-Unis vis-à-vis de l'Iran en 1980 dans
l'affaire de la prise d'otages, et contre le Nicaragua en 1985.
* (1) L'embargo
technologique a été initié par les Etats-Unis contre les
pays se réclamant du communisme. Il consistait à interdire toute
importation vers ces pays des matériels pouvant avoir une utilisation
technologique à haute importance militaire.
* (2) Depuis les attentats
du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont saisi les avoirs des hommes d'affaires
saoudiens soupçonnés d'avoir financé les activités
de Ben Laden. Récemment, ils ont aussi obtenu le blocage des comptes
nord-coréens en Chine.
* (3) C'est le cas du F.M.I
et du G.A.F.I. Le F.M.I. impose aux Etats bénéficiaires de son
aide financière des normes à suivre pour assainir les finances
publiques. Face à un Etat qui ne respecte pas ces normes, le F.M.I. le
sanctionne par des contre-mesures consistant par exemple, à
réduire ses aides ou à lui refuser des prêts. Pour le
G.A.F.I., il adopte souvent des contre-mesures à l'égard des
Etats qui ne font aucun effort pour lutter contre le blanchiment d'argent,
qu'il qualifie de pays ou territoires non coopératifs (PTNC). Il a
décidé ainsi des contre-mesures contre le Myanmar ou contre
l'Ukraine et des menaces de contre-mesures contre le Nigeria
* (1) Art. 22-2 du
Mémorandum d'accord de l'OMC instituant la technique de «suspension
des concessions ou d'autres obligations au titre des accords
visés».
* (2) Art. 41 de la
Charte : "Le Conseil de Sécurité peut décider quelles
mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être
prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les
membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Elles peuvent
comprendre l'interruption complète ou partielle des relations
économiques et des communications ferroviaires, maritimes,
aériennes, postales, télégraphiques,
radioélectriques et d'autres moyens de communication ainsi que la
rupture des relations diplomatiques".
* (3) En effet, le projet de
la CDI ne pose aucune condition pouvant contraindre un Etat faible ou
favorisant un Etat puissant dans le recours à des contre-mesures. Les
conditions sont allégées pour permettre à chaque Etat de
pouvoir y recourir selon quoique ses moyens.
* (1) Supra,
Section 1.
* (2) En 1982, l'Argentine
envahit militairement les îles Malouines (Falkland Island) sur lesquelles
elle réclamait sa souveraineté face à la Grande Bretagne.
Une courte guerre éclata entre les deux pays en faisant plus de 900
morts. Sous l'égide de la Grande-Bretagne, la communauté
européenne décida de sanctionner l'Argentine par une série
de contre-mesures visant à la faire revenir sur sa décision.
Celle-ci décida, à son tour, des contre-mesures à
l'égard de l'Angleterre. Dans le même sens, la Corée du
Nord menaça de prendre des contre-mesures à l'égard des
Etats-Unis lorsque ceux-ci ont décidé de la sanctionner sur la
base de ses activités nucléaires. L'Iran adopta le même
comportement lors du conflit américano-iranien relatif à la prise
d'otages de l'ambassade américaine à Téhéran.
* (3) La Russie
(propriétaire de la société Gazprom) a
décidé d'augmenter de quatre fois le prix de livraison du gaz
à la Biélorussie depuis le 1er janvier 2007 si
celle-ci ne lui cède pas les 50% des actions de Beltransgaz
(société publique biélorusse qui gère le gaz). Face
à de telles mesures, la Biélorussie a menacé d'interrompre
le transit du gaz russe vers l'Europe. Ce qui priverait l'approvisionnement en
gaz de nombreux pays européens (Belgique, Allemane et Pologne) qui ont
appelé la Russie à revenir sur sa décision. Cet incident
montre bien que les contre-mesures ne sont pas l'apanage des seules
superpuissances mais aussi des Etats moins influents.
* (1) C'est le premier
rôle des contre-mesures. A l'exemple du boycott ou des
représailles, le but de l'Etat qui y recourt est de dissuader l'Etat
défaillant à cesser les hostilités ou à
négocier une issue de la crise. On peut citer un exemple, celui des
Etats-Unis contre la France dans l'affaire des services aériens. Les
Etats-Unis ont pris des contre-mesures à l'encontre de la France dans le
seul but de le dissuader à recourir à un arbitrage.
* (1) AFP, 29
mai 2007 (www.afp.com). Face à
l'influence des Etats-Unis qui ont demandé à l'ONU et à la
communauté internationale de prendre des sanctions internationales, les
autorités soudanaises ont fini par céder en acceptant
l'intervention des forces armées mixtes ONU-UA.
* (2) C'est le cas, par
exemple, de l'article 41 de la Charte de l'ONU qui prévoit le recours
aux contre-mesures pour chercher à régler pacifiquement un
conflit avant d'en venir à l'application de l'article 42. Le texte n'a
pas nommément cité les contre-mesures mais le caractère
des mesures qu'il préconise laisse entendre que ce sont des
contre-mesures.
* (3) ) Alexandre
SICILIANOS, op. Cit., p. 61 ;
* (4) Les autorités
nord-coréennes ont déclaré que "la RDPC ne manquera pas de
prendre des contre-mesures pour réagir aux sanctions japonaises
supplémentaires". Dans sa politique nucléaire, la Corée du
Nord entend faire pression à l'égard des Etats-Unis et du Japon
afin que ceux-ci lèvent les sanctions décidées contre elle
depuis quelques années. Ces sanctions comprennent le blocage des avoirs
coréens à Macao par les Etats-Unis et l'arrêt des
importations de tout produit fabriqué en Corée du Nord, le refus
de visa d'entrée au Japon à tous les citoyens de la RDPC,
l'interdiction des ports japonais à tous les navires
nord-coréens, l'expulsion de tous les bateaux nord-coréens des
eaux japonaises. Le président de l'Assemblée populaire
suprême (parlement) de la Corée du Nord, Kim En Nam, a
déclaré que son pays était prêt à revenir
à la table des négociations après la levée des
sanctions financières décrétées par les Etats-Unis
et le Japon et que la poursuite des essais nucléaires de la Corée
dépendra de la position des Etats-Unis.
* (1) Exemple pris sur les
Etats-Unis en particulier qui n'hésitent pas à adopter des
contre-mesures pour faire pression sur les Etats qu'ils estiment liés au
terrorisme (voir à ce sujet la déclaration de Francis Taylor,
coordonnateur des mesures antiterroristes au Département d'Etat
américain,
(http://usinfo.state.gov/journals/itps/1101/ijpf/frtaylor.htm).
Dans d'autres cas, c'est pour faire pression contre des Etats proches du
communisme (contre-mesures prises à l'égard des pays communistes
lors de la guerre froide (Corée du Nord, Iran, Cuba, ...) ou ne
respectant pas les droits de l'homme (Exemple de l'embargo contre l'Ouganda
dans les années 1979) ; ces contre-mesures consistant en des
mesures d'embargo ou des sanctions financières ont un but dissuasif.
* (1) Le droit international
condamne le fait pour un Etat d'utiliser des sanctions économiques ou
financières dans le seul but de contraindre un autre Etat à
subordonner l'exercice de sa souveraineté au moyen d'une pression quelle
que soit sa forme. Voir dans ce sens, les résol. 2131 (XX) et 2625 (XXV)
de l'Assemblée Générale de l'ONU, la résol. 36/103
et l'art. 32 de la Charte des Droits et devoirs économiques des
Etats.
* (2) Il faut qu'il y ait au
préalable un fait illicite qui va justifier la réaction de
l'Etat.
* (3) Cf. infra,
* (4) « Chaque
Etat a le droit, sous réserve de respect des règles
générales du droit international relatives aux contraintes
armées, de faire respecter son droit par des contre-mesures »
(Tribunal arbitral, sentence du 9 décembre 1978, R.S.A, vol. II,
2ème partie, p. 131).
* (1) Il y a beaucoup
d'exemples où des Etats ont sanctionné d'autres alors qu'ils
n'étaient pas directement touchés par leurs actes illicites. On
cite, en général, l'embargo et le boycott des Etats-Unis contre
le régime soviétique face à l'invasion de l'Afghanistan en
1979.
* (2) Catherine KOSMA,
op. cit.,
* (1) Marcel SINKONDO,
Op. Cit., p. 127.
* (2) Pour une étude
approfondie, voir l'article de Charles LEBEN, les contre-mesures
inter-étatiques et les réactions à l'illicite dans la
société internationale, in A.F.D.I, 1982, p. 9-77). Le
problème s'est également posé au sein de la CDI où
les Etats du Tiers-Monde ont manifesté leur souci face à la
reconnaissance des contre-mesures.
* (3) Charles LEBEN, Op.
Cit.
* (1) Tel a
été le cas des Etats-Unis contre l'Union Soviétique en
1979 lorsque cette dernière a envahi l'Afghanistan. Le Secrétaire
d'Etat américain a déclaré que les mesures adoptées
par son pays contre l'URSS tendaient à inciter le gouvernement
soviétique à « retirer » ses forces
armées de ce pays. (V. le discours prononcé par le
secrétaire d'Etat, C. Vance, (3 mars 1980) devant le Conseil des
relations étrangères, reproduit in Dpt. Of State Bull.,
avril 1980, p. 12.
* (2) Cas, par exemple,
d'une illicéité découlant d'une omission lorsque les
autorités iraniennes n'ont rien fait pour arrêter les
étudiants qui avaient pris en otage le personnel de l'ambassade
américaine de Téhéran. Washington a décidé
de punir Téhéran par des contre-mesures.
* (3) Exemple : le
blocage des fonds appartenants à l'Etat défaillant ou à
ressortissants, l'expulsion réciproque des ressortissants ou diplomates,
la rupture d'une aide économique ou l'embargo d'un produit commercial
particulier.
* (4) Cas américain
pré-cité contre l'Union Soviétique.
* (1) CIJ, Rec.
1980, p. 44.
* (1) Dans cette affaire, la
CPJI décida que "le principe essentiel qui découle de la notion
même d'acte illicite et qui semble se dégager de la pratique
internationale, est que la réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir
l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait
pas été commis" (CPJI série. A, N° 17, p.
47).
* (1) Supra.
* (2) Cette obligation peut
consister en une restitution in integrrum, réparation par
équivalent ou par satisfaction.
* (3) Cas des Etats-Unis qui
ont décidé de sanctionner le régime d'Idi Amin Dada
(Ouganda). Le Congrès américain entendait se dissocier de tout
gouvernement étranger s'engageant dans des pratiques comme le
génocide. C'est la même chose pour la politique Carter contre
l'URSS lorsqu'elle a envahi l'Afghanistan en 1979.
* (4) Alexandre SICILIANOS,
op. Cit., p. 64.
* (5) C'est le cas des USA
qui ont décidé de prendre des contre-mesures à l'encontre
de la France lorsque, dans leur différend concernant
l'interprétation de l'accord des services aériens de 1946, la
France a refusé de recourir à un arbitre, clause pourtant incluse
dans l'accord.
* (6) Alexandre SICILIANOS,
Ibid, p. 57.
* (1) Ibid, p.
65.
* (2) Dans la sentence
rendue sur l'affaire concernant l'accord relatif aux services
aériens, le tribunal arbitral a reconnu une finalité
corrective dans les contre-mesures américaines en considérant
qu'elles avaient "pour objet de reconstituer l'égalité entre les
parties".
* (1) Infra,
2ème partie.
* (1) Catherine KOSMA, La
sanction en droit international, in la sanction en droit, colloque de
l'Université de Lyon 3, (27/11/2003
(http://www.net-iris.fr/veille-juridique/espace-auteurs/14-catherine-kosma.php).
* (2) Jean COMBACAU et Serge
SUR, Op. Cit., p. 212.
* (3) Idem.
* (4) Dans la sentence
arbitrale du 9 décembre 1978 intervenue entre la France et les
Etats-Unis dans l'affaire relative à l'interprétation de l'accord
des services aériens, le juge arbitral a indiqué que les
contre-mesures "...ont pour objet de reconstituer l'égalité
entre les parties et de les inciter à poursuivre la négociation
avec le désir mutuel d'aboutir à un résultat
acceptable..."
* (1) Jean COMBACAU et Serge
SUR, Ibid
* (1) L'article 41 de la
Charte dispose : « le Conseil de Sécurité peut
décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force
armée doivent être prises pour donner effet à ses
décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à
appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption
complète ou partielle des relations économiques et des
communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales,
télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de
communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques ». Ce
sont, en réalité, les contre-mesures dont on fait mention dans
cet article.
* (2) Charles LEBEN, op.
Cit., p. 28
* (3) La Rhodésie fut
la cible de plusieurs contre-mesures depuis 1965. Cet Etat n'était pas
membre de l'ONU alors que le Conseil de Sécurité lui imposa
plusieurs sanctions par des résolutions qui étendaient de plus en
plus les peines. Obligation fut faite aux Etats de rompre les relations
économiques et diplomatiques, les échanges commerciaux et les
communications avec ce pays (de 1968 à 1970). L'embargo s'est
étendu aux assurances, aux noms et franchises commerciaux (en
1976) et a atteint des restrictions financières (en 1977). Pour une
étude approfondie de ces sanctions, voir P.M. EISEMANN, Les
sanctions contre la Rhodésie, Paris, Pédone, 1972 et Ch.
CADOUX, « L'Organisation des Nations Unies et le problème
de l'Afrique australe », A.F.D.I., 1977, p. 127-174.
* (1) Alexandre SICILIANOS,
op. Cit., p. 216.
* (1) Tribunal arbitral,
sentence du 9 décembre 1978, R.S.A, vol. II,
2ème partie, p. 131.
* (2) CIJ, Rec.
1980, p. 44.
* (3) CPJI,
série. A, N° 17, p. 47.
* (1) Infra,
1ère partie.
* (2) Soit on assisterait
à une série de règlements de comptes sans commune mesure
entre Etats, et la conséquence immédiate serait le risque d'une
recrudescence des hostilités dans la communauté internationale,
remettant ainsi en cause tout le système juridique international, soit
on observerait un usage inégal des contre-mesures. Comme l'a
souligné Alain Pellet, "derrière les contre-mesures se profilent,
en effet, les rapports de puissance entre les États" (Alain Pellet,
"Remarques sur une révolution inachevée : le projet d'articles de
la CDI sur la responsabilité des États", AFDI, 1996,
p.27). En effet, un Etat fort utilisera facilement les contre-mesures pour
amener un autre Etat faible à composition alors que celui-ci en aurait
du mal car se trouvant dans une situation de demandeur qu'apporteur.
* (3) Après 40 ans de
réflexion, la Commission aboutit à l'élaboration d'un
projet final en 2001, projet adopté par l'Assemblée
générale de l'ONU dans sa résolution 56/83 du 12
décembre 2001. Le projet a été adopté finalement
lors de la session de 2004 mais jusqu'à l'heure actuelle on n'a pas
abouti à la conclusion d'un traité.
* (1) Art. 52, al. 1, par.
1.
* (2) RSANU, vol
II, p.1027.
* (1) Ibid, p.
1028.
* (2) Alexandre SICILIAONS,
op. cit., p. 186.
* (3) RSANUI, vol.
XVIII, pp. 484-485 par. 91.
* (1) Alexandre SICILIANOS,
op. cit. p. 189.
* (2) Dans son
communiqué, le gouvernement français énonça que "la
libération des cinq autres détenus n'intervenant pas, et les
démarches de notre légation à Bucarest demeurant sans
effet, le ministre des Affaires étrangères fait part à la
légation de Roumanie à Paris... sur le fait que le gouvernement
français se verrait obligé ... d'envisager la suspension de
l'application de l'accord commercial" (A. -Ch. KISS, Répertoire de
la pratique française en matière de droit international public,
Paris, CNRS, t. I 1962, t. VI 1969.
* (3) "Dans
l'impossibilité où nous sommes de régler nos
différends avec les Pays Bas par voie de négociation, il nous
faut prendre d'autres mesures sans pourtant aller jusqu'à la guerre."
AGDO, 13e session, 762e séance
plénière, 29 septembre 1958, p. 219 par. 83.
* (1) C'est le cas des
délégations de l'Allemagne, du Mexique, de la
Nouvelle-Zélande, de l'Inde, du Brésil, de l'Australie, du
Venezuela, d'Israël, de la Bulgarie et de la Fédération de
Russie. (AG/J/297 Communiqué de presse du 2 novembre 1999).
* (2) Infra,
Chapitre 2, Section 2.
* (3) Art. 52, par. 3, al.
2.
* (4) Alexandre SICILIANOS,
op. cit., p. 231.
* (1) G. de LACHARRIERE,
La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 1983, p.
137.
* (2) V. les
déclarations du Secrétaires des Affaires étrangères
de l'époque, Mr Morrison, dans Parlementary debates, vol. 488,
col. 43 (29 mai 1951).
* (3) Ch. ROUSSEAU,
"Chronique", 77 RGDIP (1973), pp. 282-287, 876-878,
Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c.
Islande).
* (4) V. Plateau
continental de la mer d'Egée (Grèce c. Turquie), ordonnance
du 11 septembre 1976, CIJ Rec. 1976.
* (5) La Cour
déclara que "quels qu'en soient les motifs, une opération
entreprise dans ces circonstances est de nature à nuire au respect du
règlement judiciaire dans les relations internationales", en
rappelant que, par une ordonnance du 15 décembre 1979, elle avait
indiqué qu'"aucune mesure de nature à aggraver la tension entre
les deux pays ne devait être prise" (V. 74 AJIL (1980), et le
résumé des faits par la CIJ dans son arrêt du 24 mai 1980,
CIJ Rec. 1980, pp. 16-18.
* (1) Art. 52, par 3, al.
4.
* (1) L'article 22 du
projet de la CDI prévoit que "l'illicéité du fait d'un
Etat non conforme à l'une de ses obligations internationales à
l'égard d'un autre Etat est exclue si, et dans la mesure où, ce
fait constitue une contre-mesure prise à l'encontre de cet autre Etat
conformément au chapitre II de la troisième partie". Voir
également nos développements sur Infra,
1ère partie, chap. 1, sec. 1, par. 1.
* (1) Il y eut une grande
controverse sur la qualification de l'infraction (délit et crime) en
droit international. Nous recommandons les commentaires de Mr R. Ago sur la
question.
* (2) G. Cohn, "La
théorie de la responsabilité internationale", R.C.A.DI.
1939, II, vol.68, p.318.
* (3) Alphonse RIVIER,
Principes du droit des gens, Rousseau, Paris, 1899, t. II, p. 189.
* (1) Affaire
américano-iranienne de la prise d'otages à
Téhéran.
* (2) Cas par exemple de
l'affaire qui opposait les Pays Bas à la Chine dans l'assassinat des
techniciens chinois en mission aux Pays Bas.
* (1) Claude RUCZ, Les
mesures unilatérales de protection des droits de l'homme devant
l'Institut de droit international, 1992, p.581.
* (2) Art. 51 du projet de
la CDI sur la responsabilité des Etats pour fait internationalement
illicite.
* (3) V. art. 6 par. 2, 38
AIDI (1934), p. 710.
* (4) Affaire Naulilaa,
RSANU, vol. II, p. 1028.
* (1) Affaire de
l'accord des services aériens entre la France et les Etats-Unis, RSANU,
vol. XVIII, p. 483.
* (2) Cas de l'Allemagne
dans l'affaire Naulilaa alors qu'elle était elle-même la
défenderesse. Les Etats-Unis et la France ont reconnu ensemble cette
obligation dans l'affaire pré-citée.
* (3) Algérie,
Ethiopie, Maroc,...
* (4) L'exercice du droit
de représailles "ne doit pas être, dans ses effets, manifestement
disproportionné par rapport à la gravité du fait
internationalement illicite". M. Riphagen.
* (1) Alexandre SICILIANOS,
op. cit., p. 264.
* (2) ACDI 1979,
vol. II, 2ème partie, p. 130 par. 7.
* (3) Alexandre SICILIANOS,
Idem.
* (1) Art. 6 par. 5, 38
AIDI (1934), p. 710.
* (2) Par exemple, on
condamne certaines mesures ayant pour but de contraindre un Etat à
subordonner l'exercice de ses droits souverains. Tel est le cas de l'A.G. de
l'ONU dans ses résolutions 2131 (XX) du 21 décembre 1965, sur
l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures
des Etats et la protection de leur indépendance et de leur
souveraineté ; 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 ; et la
résolution 36/103 du 9 décembre 1981.
* (3) Dans l'affaire
opposant le Nicaragua eux Etats-Unis, La CIJ a qualifié
d'ingérence et d'atteinte au droit international, le fait pour les
Etats-Unis de fournir une assistance matérielle et financière aux
contras de Nicaragua.
* (1) Dans l'affaire
Naulilaa, le tribunal arbitral a décidé que les
représailles ont "pour effet de suspendre momentanément....
l'observation de telle ou telle règle du droit des gens",
RSANU, vol. II, p. 1026.
* (1) Alexandre SICILIANOS,
op. cit., p. 264.
* (2) Supra,
* (3) Dominique CARREAU,
Droit international, 5ème édition, Paris,
Pédone, 1997, p. 559.
* (1) Dans la
première affaire, les Etats-Unis occupèrent le port de Vera-Cruz
au Mexique à la suite du refus par les autorités mexicaines de
saluer le drapeau américain (Hackworth International Law, vol. I, 151,
1940). Dans la seconde, l'armée israélienne bombarda les avions
libanais en guise de représailles de l'attaque terroriste de deux
Libanais contre un avion israélien faisant deux morts (voir R.A. Falk,
"The Beirut raid and the international law of retaliation", A.J.I.L. 1969, p.
415 et s.).
* (2) Avis consultatif
relatif à la "licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires" (§ 46 de l'avis).
* (1) Voir les
développements de E. ZOLLER in Peacetime unilateral remedies: An
analysis of countermeasures, Dobbs Ferry, New York, Transnational
Publishers, 1984, mais aussi l'art. 6 par. 3 de la résolution de
l'I.D.I. sur les "Régimes en temps de paix", in 38 AIDI.
* (2) Dans cette affaire,
pendant la 1ère guerre mondiale, un sous-marin allemand
décida de couler un bateau portugais (le Portugal alors neutre) estimant
que celui-ci transportait une contrebande. Devant le tribunal arbitral, la
partie portugaise soutint que cet acte était illicite au regard du droit
international et le gouvernement allemand répondit que cette mesure
était prise en guise de « représailles
licites » contre des violations analogues commises par l'Angleterre
et ses alliés. A la question de savoir si l'Allemagne pouvait prendre
des mesures de représailles contre des navires neutres au même
titre que contre ses ennemis, le juge arbitral répondit par la
négative.
* (3) L'art. VI, section 11
de cet accord dispose que "les autorités fédérales, d'Etat
ou locales des Etats-Unis ne mettront aucun obstacle au transit à
destination ou en provenance du district administratif... des
représentants des membres... de l'Organisation des Nations Unies"
RTNU, vol. 11, p. 11.
* (4) Cas, par exemple, des
Etats-Unis qui s'érigent toujours en gendarmes des droits de l'Homme et
se permettent de sanctionner les Etats qui les méconnaissent.
* (1) Cas, par exemple, des
Etats membres de la CEE, lesquels en solidarité avec la Grande-Bretagne,
ont décidé de sanctionner l'Argentine dans l'affaire dite des
Iles Falkland (Malouines). Ce même principe est présent
également dans le cadre de l'OTAN.
* (1) L'art. 43 portant sur
les obligations imposées par le droit international
indépendamment d'un traité, dispose que « la
nullité, l'extinction ou la dénonciation d'un traité, le
retrait d'une des parties ou la suspension de l'application du traité,
lorsqu'ils résultent de l'application de la présente Convention
ou des dispositions du traité, n'affectent en aucune manière le
devoir d'un Etat de remplir toute obligation énoncée dans le
traité à laquelle il est soumis en vertu du droit international
indépendamment dudit traité."
* (2) Pour une étude
approfondie de la notion de jus cogens, voir parmi tant d'autres, le
résumé doctrinal sur la question fait par A. GOMEZ ROBLEDO,
Le jus cogens international : sa genèse, sa nature, ses
fonctions, 172 RCADI (1981 III), pp. 69 s.
* (1) L'article
dispose : « les contre-mesures ne peuvent porter
atteinte à l'obligation de ne pas recourir à la menace ou
à l'emploi de la force telle qu'elle est énoncée dans
la... Charte des Nations Unies, aux obligations concernant la protection des
droits fondamentaux de l'homme, aux obligations de caractère humanitaire
excluant les représailles, aux autres obligations découlant de
normes impératives du droit international général. »
(al. 1er) et « L'Etat qui prend des
contre-mesures n'est pas dégagé des obligations qui lui
incombent, en vertu de toute procédure de règlement des
différents applicable entre lui et l'Etat responsable, de respecter
l'inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques
ou consulaires. » (al. 2).
* (2) Alexandre SICILIANOS,
op. cit. p. 351.
* (1) Art. 6, par. 3 et 4,
38 Ann. IDI (1934), p. 710.
* (2) Le Congrès
américain a arrêté une série de mesures à
partir de 1973 pour refuser son assistance aux gouvernements qui ont
porté atteinte aux droits de l'homme. En 1977, dans une série de
déclarations, le président Carter a fait connaître la
résolution de son administration de faire des progrès des droits
de l'homme un élément central de sa politique. Il a
souligné que les États Unis "ont une responsabilité et
un droit légitime à exprimer leur désapprobation face aux
violations des droits de l'homme" (conférence de presse, 23
février 1977, 71 American journal of international law 517 (1977).
* (3) Avis consultatif de
la Cour Internationale de Justice de 1951, CIJ Rec. 1951, p. 23.
* (4) Article 50 al. 2 par.
2 du projet de la Commission du droit international.
* (1) Dans cette
décision, la Cour a jugé que les arguments avancés par le
gouvernement iranien n'expliquent pas la violation de ses obligations
diplomatiques avec les Etats-Unis. En effet, l'Iran soutenait que la prise en
otage du personnel diplomatique américain répond aux
différentes ingérences que les Etats-Unis ont entrepris sur son
territoire (CIJ Rec. 1980, p. 40 par. 86).
* (2) CIJ Rec.
1980 p. 38 par. 83. Ces sanctions sont au nombre de deux : - la
possibilité pour l'Etat accréditaire de déclarer
persona non grata un membre d'une mission étrangère qui
se livrait à des actes d'espionnage ou d'ingérence dans les
affaires intérieures à tout moment et sans avoir à se
justifier ; - le pouvoir de l'Etat accréditaire de rompre ses relations
diplomatiques avec l'Etat accréditant au cas où les abus du
statut diplomatique prendraient une ampleur sérieuse (Art. 9 par. 1 de
la Convention de Vienne de 1961 ; art. 23 par. 1 de la Convention de
Vienne de 1963).
* (3) V. par ex. les
restrictions imposées par le Sénat américain le 7 octobre
1987 au déplacement des agents diplomatiques de plusieurs pays
socialistes en poste aux Etats-Unis (Ch. ROUSSEAU, "Chronique", 92
RGDIP (1988), p. 386).
* (4) En effet, des
ressortissants ivoiriens étaient détenus arbitrairement en
Guinée en 1967. Face au refus des autorités guinéennes de
relâcher ces hommes, la Cote d'Ivoire retient des diplomates
guinéens en provenance de New York où ils revenaient de
l'assemblée extraordinaire des l'Assemblée générale
des Nations Unies, pendant leur escale à Abidjan. Le Secrétaire
général des Nations Unies adressa une lettre au gouvernement
ivoirien dans laquelle il sanctionne ces actes et demande la libération
des diplomates.
* (1) Art. 45, Convention
de Vienne de 1961.
* (2) Alexandre SICILIANOS,
op. cit. p. 361.
* (3) Affaire Costa c.
ENEL, aff. 6/64, arrêt du 15 juillet 1964, Rec. CJCE, 1964,
p. 1141 à 1159.
* (1) Affaires jointes
90-91/63, Rec. 1964, p. 1217.
* (2) V. Commission c.
France, aff. 232/78, arrêt du 25 septembre 1979, Rec. 1979,
p. 2729 ; Commission c. Italie, aff. 39/72, arrêt du 7
janvier 1973, Rec. 1973, p. 101.
* (1) Alexandre SICILIANOS,
Ibid, p. 362.
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