Arnaud Silvère Yansounou
Master 2 en Droit Privé
Option Droit de la responsabilité
Année universitaire 2005-2006
La responsabilité civile du créancier professionnel
en matière de sûretés
Mémoire
Directrice de mémoire : Madame Catherine Marie,
Professeur à la faculté de
Droit de La Rochelle
Faculté de Droit de La Rochelle
La responsabilité civile du créancier
professionnel en matière de sûretés
Arnaud Silvère Yansounou
Arnaud Silvère Yansounou
Master 2 en Droit Privé
Option Droit de la responsabilité
Année universitaire 2005-2006
La responsabilité civile du créancier professionnel
en matière de sûretés
Mémoire
Directrice de mémoire : Madame Catherine Marie,
Professeur à la faculté de
Droit de La Rochelle
Faculté de Droit de La Rochelle
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à remercier tout le personnel
administratif et le corps professoral de la Faculté de Droit de La
Rochelle de m'avoir accueilli au sein de cette Université.
Ensuite, mes remerciements vont particulièrement à
l'endroit de Madame Catherine Marie pour l'aide et le temps qu'elle a
accordés à mes recherches et à la rédaction de ce
mémoire, ainsi que pour ses suggestions concernant la forme et le
fond.
Enfin, j'aimerai dédier ce travail de recherche à
ma fille, Camille Yansounou, qui va naître d'ici à la fin du mois
de mai.
Sommaire
Introduction
I° Partie : La responsabilité civile du
créancier professionnel en matière de
sûretés, un principe certain
Section 1 : La responsabilité civile du
créancier professionnel du fait de son comportement personnel
I · Les faits constitutifs de fautes susceptibles
d'engager la responsabilité civile du créancier professionnel en
matière de sûretés
A°) La variabilité des comportements du
créancier professionnel
1°) Les comportements fautifs de commission
2°) Les comportements fautifs d'omission
B°) La perte des garanties par le fait du
créancier
1°) L'absence de bénéfice de cession
d'actions ou de subrogation
2°) L'imputation exclusive de la faute au créancier
professionnel
II · Le manquement du créancier professionnel
à l'obligation de contracter de bonne foi
A°) L'exigence d'un consentement
éclairé de la caution
1°) Les vices du consentement de la
caution
2°) La nécessité d'une
protection renforcée du consentement de la caution
B°) Le cautionnement disproportionné
aux revenus et au patrimoine de la caution
1°) L'émergence du principe
de proportionnalité
2°) L'effectivité du principe de
proportionnalité
Section 2 : La responsabilité civile du
créancier professionnel du fait de son concours financier
I · La faute du créancier professionnel dans la
distribution de crédit au débiteur
principal
A°) La faute du créancier
professionnel, le soutien abusif de crédit
1°) La notion de soutien abusif de crédit
2°) La faute à l'égard de la caution
B°) La faute du créancier
professionnel, la rupture abusive de crédit au débiteur
1°) La mise en jeu de la responsabilité civile du
créancier professionnel
2°) En matière de procédure collective
II · Le préjudice subi par la caution et le lien
de causalité entre la faute et le préjudice
A°) Le préjudice subi par la caution
1°) La preuve du préjudice
2°) Un préjudice discutable
B°) Le lien de causalité entre la faute
et le préjudice
II°Partie : La responsabilité civile du
créancier professionnel en matière de
sûretés, un principe en recul
Section 1 : La mise en oeuvre difficile de la
responsabilité civile du créancier professionnel
I · La restriction des conditions d'engagement de la
responsabilité civile du créancier professionnel
A°) Les manifestations de la jurisprudence
relative à l'extension du principe de proportionnalité
1°) Le domaine d'application du principe de
proportionnalité
2°) La remise en cause du principe de
proportionnalité
3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion manifeste
B°) Le recul du domaine de la faute du
créancier professionnel
C°) La mise en jeu limité de la
responsabilité civile du créancier professionnel
1°) L'irresponsabilité de principe du
créancier professionnel
2°) Les cas d'engagement de la responsabilité civile
du créancier du fait des concours consentis
II · L'allègement de l'obligation d'information
A°) Le principe : Le créancier
professionnel, débiteur de l'obligation d'information
1°) A l'égard de la caution profane
2°) L'assouplissement des moyens de preuve
B°) Le tempérament : la dispense
de l'obligation d'information
1°) A l'égard de la caution dirigeante de fait
2°) Envers la caution dirigeante de droit
3°) La preuve de l'existence d'un préjudice
particulier
Section 2 : L'assouplissement des sanctions du comportement
fautif du créancier professionnel en droit du crédit
I · Les incertitudes relatives au fondement de la
responsabilité civile du créancier professionnel
A°) Les différents fondements de la
responsabilité civile du créancier professionnel
1°) Le choix d'un fondement contractuel
2°) Le recours à l'article 1382 du Code civil
B°) La dualité des actions en
responsabilité
1°) L'exercice des droits du débiteur personnel
2°) L'exercice d'une action personnelle en
responsabilité
II · Un assouplissement des sanctions encourues par le
créancier
A°) Le choix de la sanction
« responsabilité civile »
1°) La gravité de la sanction-nullité
2°) La sévérité de l'article 2037 du
Code civil
B°) La sanction du cautionnement
disproportionné
1°) La décharge de la caution ou les
dommages-intérêts
2°) La responsabilité civile du créancier
professionnel
3°) La nullité automatique des garanties souscrites
C°) La sanction de l'inexécution de
l'obligation annuelle d'information
1°) Le principe du cumul possible de la sanction
légale et de la responsabilité civile de droit commun
2°) La sanction prévue par le nouvel article 2307 du
projet de réforme
Conclusion
INTRODUCTION
Le droit du crédit est celui de la confiance1(*). Il a pour objet les
institutions qui permettent au créancier de faire confiance au
débiteur, parce qu'elles lui donnent l'assurance qu'il sera payé
à l'échéance. Mais le fournisseur de crédit ne peut
se contenter de faire confiance. Il a besoin de garanties car il s'expose
à des risques importants. Le premier est celui de l'insolvabilité
de son débiteur. Le second est celui lié à
l'immobilisation de la créance en cas de retard pris par le
débiteur pour exécuter son obligation. Avec la crise
économique, ces risques sont devenus considérables. Or, dans le
même temps, il est de plus en plus important pour les particuliers et les
entreprises d'avoir accès au crédit.
L'utilité des garanties pourrait être moindre si
la situation du créancier chirographaire était satisfaisante.
Mais tel n'est pas le cas : le sort du créancier chirographaire
n'est guère enviable. Il se déduit de l'application de deux
dispositions fondamentales : les articles 2092 et 2093 du Code civil.
L'article 2092 énonce que « quiconque
s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous
ses biens mobiliers et immobiliers présents et à
venir. » Le créancier chirographaire a donc un droit de gage
général sur les biens de son débiteur. Il est en droit de
saisir tout bien faisant partie du patrimoine pour se payer. Mais l'article
2093 énonce que « les biens du débiteur sont le gage
commun des créanciers et que le prix s'en distribue entre eux par
contribution. » Le créancier chirographaire doit donc subir la
loi du concours entre les différents créanciers. Lorsque
plusieurs créanciers saisissent un même bien, ils doivent en
conséquence s'en partager le prix entre eux.
Le créancier normalement diligent a donc
intérêt à se faire consentir une garantie s'il n'en
bénéficie pas de plein droit. Il peut donc exiger de celui qui
consent la garantie un cautionnement, c'est-à-dire une
sûreté personnelle (le cautionnement2(*) est un contrat unilatéral par lequel la
caution3(*) s'engage envers
un créancier à exécuter l'obligation au cas où le
débiteur principal ne le ferait pas. C'est une sûreté
accessoire, c'est-à-dire que l'objet du contrat de cautionnement est
déterminé par référence à l'obligation du
débiteur principal. C'est un contrat unilatéral car, il implique
un échange de consentements entre la caution et le créancier
seules parties au contrat d'une part et, seule la caution s'oblige envers le
créancier, d'autre part) ou encore un cautionnement réel (il
consiste à croiser une sûreté personnelle avec une
sûreté réelle, l'hypothèque, le gage ou une
antichrèse).
La portée de l'opposition entre sûreté
personnelle et sûreté réelle ne doit pas être
exagérée4(*).
Le créancier bénéficie en effet, dans tous les cas, d'une
affectation de biens à son profit. Mais lorsque la sûreté
est personnelle, les biens affectés appartiennent à un tiers et
lorsque la sûreté est réelle, l'affectation de la valeur
concerne le bien du débiteur. Et les deux techniques peuvent être
combinées.
La sûreté se caractérise par trois
traits. Elle a pour finalité d'améliorer la situation du
créancier sans l'enrichir. Son effet réside principalement
dans l'extinction de la créance par sa mise en oeuvre. Sa
technique est celle de l'accessoire, dont l'intensité
peut-être variable. Le caractère accessoire permet donc de
distinguer les sûretés (caractérisées par le
principe de l'inopposabilité des exceptions) avec d'autres types de
garanties personnelles5(*).
Pour se prémunir contre les risques
d'inexécution du débiteur principal, le fournisseur de
crédit exige des garanties bien souvent supérieures aux
ressources et au patrimoine de la caution. Cette attitude fautive du
créancier professionnel conduit les cautions à engager la
responsabilité civile de celui-ci.
Pour le Doyen Luc Grymbaum, la responsabilité,
« c'est l'institution juridique permettant de désigner la
personne physique ou morale qui doit répondre d'un dommage afin qu'elle
ou son garant en supporte la réparation. » Le mécanisme
de la responsabilité est un phénomène d'imputation.
Si la naissance en France des établissements de
crédit ne remonte qu'à la moitié du XIX°
siècle, il convient de relever que le professionnel du financement a vu
sa responsabilité engagée bien avant l'apparition de ces
derniers. En effet, dès le II° siècle après J.C, est
constatée la première forme de mise en jeu de la
responsabilité du banquier qui présentait à ses clients
des arrêts de compte volontairement inexacts.
C'est en pratique à la banque
créancière que la caution reproche une faute, soit à
l'égard du débiteur, soit à l'égard de la caution
elle-même. Cette responsabilité se distingue du
bénéfice de l'article 2037 du Code civil qui est un moyen de
défense au fond contre l'action en paiement du créancier alors
que la responsabilité civile sera engagée de façon
reconventionnelle, voire parallèle à l'action du créancier
professionnel. Elle ne se confond pas non plus avec les exceptions que peut
invoquer la caution dont au demeurant les conditions ont été
prévues par la loi alors que c'est la jurisprudence qui a fixé le
cadre de cette responsabilité.
La responsabilité civile du banquier procède de
l'idée suivante :
Si, à défaut d'aménagements
conventionnels, le cautionnement est un contrat unilatéral, le
créancier professionnel est tenu, comme tout contractant,
d'exécuter ses obligations de bonne foi (article 1134 al 3 du Code
civil). A l'égard de l'obligé l'accessoire, cela se traduira par
une obligation, sinon de coopération, tout au moins de vigilance quant
à la sauvegarde des intérêts de la caution : outre la
conservation des droits préférentiels consacrée par
l'article 2037 du Code civil, il pèse sur le banquier une obligation
légale d'information, mais aussi l'obligation de ne pas aggraver la
situation du débiteur, laquelle rejaillirait nécessairement sur
ses rapports avec la caution.
La caution pourrait également mettre en jeu la
responsabilité du créancier professionnel à l'égard
du débiteur, d'une part, par la voie oblique offerte par l'article 1166
du Code civil, dans l'hypothèse d'une carence de ce dernier, les
conditions de la responsabilité étant alors exclusivement
appréciées au regard des rapports entre le créancier et le
débiteur principal. D'autre part, sa responsabilité pourrait
aussi être aussi engagée pour son soutien abusif ou pour la
rupture abusive de crédit.
La faute du créancier professionnel est alors une
condition nécessaire de mise en oeuvre de sa responsabilité
civile. Mais elle est une condition insuffisante car la caution doit rapporter
non seulement la preuve de l'existence du préjudice mais aussi le lien
de causalité entre la faute et le préjudice. Le préjudice
sera généralement la perte d'une chance d'échapper au
paiement de la dette principale. En stricte logique, les
dommages-intérêts alloués devraient seulement être
à la mesure de la chance perdue. En pratique, ils sont souvent (depuis
1997) du montant de la dette garantie avec laquelle ils se compensent, de sorte
que la caution se trouve entièrement déchargée (ce qui est
parfois source de confusion avec l'hypothèse de l'article 2037 du Code
civil).
Le droit des sûretés connaît à
l'heure actuelle d'importants bouleversements : la dispersion des textes,
l'accumulation de réformes ponctuelles accomplies sans vision
d'ensemble, l'intensité d'une activité jurisprudentielle parfois
instable font que le droit français des sûretés ne
réussit plus ni à rendre sûrs ceux qui dispensent le
crédit, ni à protéger avec clarté ceux qui y
recourent. En outre, la sécurité et l'efficacité de cette
sûreté sont régulièrement remises en cause par une
jurisprudence fluctuante, inspirée, envers la caution, tantôt par
un esprit de rigueur, tantôt par un souci de protection.
D'où la nécessité, aujourd'hui, d'une
vaste réforme du droit des sûretés par l'instauration d'un
équilibre entre la protection raisonnée de la caution et une
nécessaire restauration de l'efficacité de cette
sûreté. Le projet de réforme du rapport Grimaldi relatif
à la réforme du droit des sûretés prévoit de
refondre les dispositions du Code civil dont le but est de permettre une
lisibilité et une accessibilité nécessaires à la
sécurité juridique et au développement du
crédit.
Faire du banquier le responsable idéal des
difficultés de l'entreprise parce qu'il est solvable, risque de
compromettre la situation du distributeur de crédits. Pour autant, il
paraît difficile de passer sous silence la situation des victimes. La
Cour de cassation6(*)
énonce « qu'il est constant qu'en raison de son rôle
économique et public de distributeur de crédit, et de la foi qui
s'attache à ses affirmations, la banque est tenue envers les tiers
à certains devoirs de renseignement et de prudence. »
Par une large conception de la faute, la jurisprudence a
permis à la caution de pouvoir « facilement » mettre
en oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel en
matière de sûretés. En effet, jusqu'en 2002, le
créancier professionnel ayant conclu un contrat de cautionnement
disposait peu de moyens pour pouvoir s'exonérer de sa
responsabilité lorsqu'une faute était retenue à son
encontre. La responsabilité civile du créancier professionnel en
matière de sûretés est un principe certain (I°
Partie). Cette certitude est confortée aussi bien par la loi (loi du 01
Août 2003, notamment) que par la jurisprudence. A ce jour, la
responsabilité du banquier dispensateur de crédit ne
peut-être remise en cause. La naissance d'un droit à
réparation non plus. Cependant dès 2002, les décisions
rendues marquent un recul considérable de la responsabilité
civile du fournisseur de crédit (II° Partie).
En effet, ce recul se manifeste d'abord par une
quasi-impossibilité pour la caution de se soustraire à son
engagement lorsque celui-ci a été valablement formé.
L'analyse de la jurisprudence montre également la
difficulté pour la caution de mettre en jeu la responsabilité du
créancier professionnel. A ces difficultés s'ajoute la
restriction de la notion de faute, c'est-à-dire que tout fait du
créancier professionnel n'est pas nécessairement fautif. La loi
du 26 Juillet 20057(*) dite
« loi de sauvegarde des entreprises » s'inscrit dans ce
mouvement de recul de la responsabilité du banquier en
rétablissant l'équilibre contractuel entre la protection de la
caution et l'efficacité de la garantie.
Au-delà de ces évolutions relatives à la
responsabilité civile du créancier professionnel en
matière de sûretés, il reste que la
sévérité de la sanction du comportement fautif du
créancier professionnel connaît un léger
assouplissement.
I° Partie
La responsabilité civile du créancier
professionnel en matière de sûretés, un principe
certain
En droit positif, ce principe est aujourd'hui une certitude.
Il est affirmé aussi bien par la loi que par la jurisprudence mais
à des conditions diverses et variées.
La caution, lorsqu'elle est poursuivie, tente d'éviter
le paiement par tout moyen. L'un de ceux qui est privilégié est
la recherche de la responsabilité des professionnels qui sont intervenus
dans l'opération. Cependant, c'est la recherche de la
responsabilité de l'établissement de crédit
créancier qui est devenu le moyen de défense
privilégié des cautions. Le cautionnement est un contrat
unilatéral qui donne naissance à une obligation principale :
celle pour la caution de payer le créancier en cas de défaillance
du débiteur principal. Pourtant, le créancier professionnel peut
commettre différentes fautes susceptibles de libérer les cautions
totalement ou partiellement8(*). Il s'agit là de la conséquence d'une
double évolution. D'une part, les juges n'hésitent plus à
imposer des obligations nouvelles aux établissements de crédit.
D'autre part, le droit de la responsabilité est de plus en plus
utilisé pour rétablir un équilibre entre contractants et
faire respecter un principe de loyauté. Le droit du cautionnement peut
ainsi apparaître comme étant parasité par le droit de la
responsabilité.
En réalité, le droit de la responsabilité
n'est utilisé que pour protéger les cautions qui le
méritent vraiment soit parce qu'elles sont particulièrement
ignorantes, soit parce que le créancier professionnel a obtenu une
sûreté excessive.
Deux moyens de défense principaux permettent à
la caution de mettre en jeu la responsabilité civile du créancier
professionnel en matière de sûretés. Tout d'abord, la
caution peut reprocher au créancier professionnel son comportement
personnel (section1) ; puis, la caution peut mettre en jeu la
responsabilité du banquier du fait de son concours financier (section 2)
car, le crédit a eu pour effet d'accroître le passif du
crédité, de créer une apparence de solvabilité qui
en fin de compte a aggravé le sort de la caution. Ce sera notamment le
cas quand le cautionnement a été consenti par un
établissement de crédit alors que la caution n'avait pas la
surface financière nécessaire pour garantir le cautionnement en
cas de défaillance du crédité, le banquier sera, bien
entendu fautif car il aura été négligent.
Section1
La responsabilité civile du créancier
professionnel du fait de son comportement personnel
La caution qui se prévaut d'une faute commise par le
créancier professionnel peut agir sur différents fondements. Les
cautions en invoquent souvent même plusieurs. Il est vrai que les
mêmes faits peuvent faire l'objet de qualifications juridiques
différentes.
Le comportement personnel du créancier professionnel,
pour être constitutif de faute, peut être appréhendé
de diverses manières. D'une part, on peut s'attacher à l'analyse,
à l'étude des faits qui, de manière
générale, permettent de dégager sa responsabilité
civile (I). D'autre part, et de manière plus spécifique à
la mauvaise foi du créancier professionnel, au moment de la conclusion
du contrat de cautionnement peut être source de responsabilité
civile pour le créancier professionnel (II).
D'une manière générale, les tribunaux
ont tendance à accroître les devoirs du créancier
professionnel. En effet, ce dernier ne doit pas, par son comportement à
l'égard du débiteur compromettre les intérêts de la
caution, en laissant la dette augmenter sans permettre à la caution
d'agir. Cette responsabilité civile du créancier professionnel se
développe en marge des actions classiques9(*).
I · Les faits constitutifs de fautes susceptibles
d'engager la responsabilité civile du créancier
professionnel en matière de sûretés
Le terme de fait semble plus général que celui
de faute.
En effet, Le fait peut être aussi bien une faute, un
acte qu'un événement. A la différence de la faute qui
nécessite de prendre en compte aussi bien l'imputabilité que le
discernement de l'auteur de l'acte, le fait n'a pas toujours une connotation
morale et ne renvoie pas nécessairement à l'idée de
sanction.
Alors que le fait englobe tout type de situations, la faute
correspond a des situations bien définies et obéit à un
régime juridique bien précis : dans le Code civil, la faute
est invoquée autant au plan délictuel (articles 1382 et 1383)
qu'au plan contractuel (articles 1137, 1147 et 1148).
En réalité, la jurisprudence n'a pas fait la
différence entre ces deux notions. Elle se contente de retenir une
conception très large de la faute. Toutes les catégories de
fautes peuvent ainsi être retenues (légère, lourde,
inexcusable, intentionnelle) pourvu qu'elles aient causé un
préjudice à la caution.
Un seul élément est insuffisant à
caractériser le fait fautif du créancier professionnel. Il
importe donc de prendre en considération la variabilité des
comportements du créancier professionnel (A). En outre, pour être
constitutif de faute, le créancier professionnel doit avoir perdu des
garanties particulières (B). Cependant, ces garanties se distinguent de
la variabilité des comportements fautifs dans la mesure où seul
l'article 2037 du Code civil confère à la caution le droit
d'invoquer cette faute en lui reconnaissant un bénéfice de
subrogation aussi désigné sous le nom de bénéfice
de cession d'actions.
A°) La variabilité des comportements du
créancier professionnel
Il n'y a pas à distinguer entre les différents
éléments matériels. Le plus souvent, la faute consiste en
un comportement fautif de commission (1). Mais il arrive qu'une faute consiste
en une négligence du créancier professionnel, c'est-à-dire
en un comportement d'omission (2). Les comportements fautifs de
l'établissement de crédit pris en considération ne sont
pas spécifiques au contrat de cautionnement et ne relèvent donc
pas des règles applicables au cautionnement.
1°) Les comportements fautifs de commission
Nous traiterons principalement de la prorogation du terme
accordée au débiteur principal, de l'augmentation importante de
la dette du débiteur principal et du choix du créancier
professionnel de poursuivre telle caution en paiement.
a · La prorogation du terme accordée
au débiteur principal
La prorogation du terme accordée par le
créancier professionnel a soulevé des difficultés. Le
créancier peut volontairement laisser naître et s'accroître
l'insolvabilité du débiteur, sûr d'être payé
par la caution, laquelle n'aura contre le débiteur qu'un recours
illusoire. En principe, la prorogation expresse ou tacite ne permet pas
à la caution d'invoquer les règles propres au cautionnement,
parce que les articles 2039 (il est question de forcer le débiteur au
paiement) et 2032 (le but du recours est l'indemnisation de la caution) du Code
civil lui permettent d'agir sans attendre pour sauvegarder ses droits.
En ce domaine, le créancier professionnel ne commet
pas de faute, sauf dans le cas où l'abus du droit de ne pas exiger le
paiement à terme est manifeste10(*).
b · L'augmentation importante de
l'endettement du débiteur principal
La différence est parfois importante entre
l'engagement du débiteur principal qui existait lorsque la caution s'est
engagée et celui qui existe lorsque le paiement lui est demandé.
Le principal reproche que la caution peut faire au créancier
professionnel est celui de transférer sur elle des risques qu'il
connaît (alors qu'il connaissait la situation lourdement
obérée du débiteur principal, le créancier -
banquier lui a quand-même consenti un prêt) et de rendre illusoire
le recours de la caution.
c · Le choix de poursuivre telle caution en
paiement
Le créancier professionnel ne peut pas commettre de
faute en ce domaine. Est en effet un principe fondamental le libre choix par le
créancier professionnel du moyen d'exécution de sa
créance, au sein de ceux qu'il a légitimement obtenus par
contrat. Il peut librement choisir une caution plutôt qu'un immeuble
hypothéqué, qu'une réserve de propriété ou
qu'un gage. Les seules limites à la liberté de choix des moyens,
selon la Cour de cassation, sont les cas de fraude ou d'abus11(*). Force est de constater que la
jurisprudence en la matière est rare et ancienne. Elle concerne surtout
la mise en oeuvre des hypothèques.
L'existence d'un abus est affaire de circonstances : cela
peut être l'intention de nuire du créancier ou de la
nécessité et de l'utilité de la sûreté pour
les intérêts légitimes du créancier
professionnel.
Il convient en effet de tempérer fortement la
portée du principe de liberté de libre choix du créancier
professionnel muni d'une pluralité de sûretés dans les
moyens d'obtenir le paiement de son dû. Ce principe de liberté ne
saurait être compris comme restreignant le jeu de l'article 2037 du Code
civil.
2°) Les comportements fautifs d'omission
La faute consiste en une négligence du
créancier, dans l'omission d'accomplir un acte - par lui-même ou
l'un de ses mandataires ou préposés - qui aurait conservé
la sûreté12(*). A titre d'illustration, nous traiterons le
défaut d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution, la
faute de négligence du créancier non déclarant en
matière de procédure collective et l'imprudence du banquier.
a · Le défaut d'agir en temps utile
afin de limiter la dette de la caution
L'établissement de crédit qui profite de la
position juridique confortable que lui procure l'existence d'une garantie
personnelle agit au mépris des intérêts les plus
élémentaires de son garant. La Cour de cassation13(*) pose l'obligation pour le
bailleur d'agir en temps utile afin de limiter la dette de la caution et que la
négligence du bailleur prive la caution de la possibilité
d'acquitter elle-même les sommes dues et d'exercer, en qualité de
caution subrogée dans les droits du créancier
désintéressé, l'action en résolution du bail.
b · La faute de négligence du
créancier non déclarant en matière de
procédure collective
La faute de négligence pure et simple, selon la Cour
de cassation, ne suffit pas à engager la responsabilité civile du
créancier non déclarant en matière de procédure
collective. Pour que la responsabilité civile du créancier non
déclarant soit engagée, la Chambre commerciale14(*) exige aussi bien une faute
qualifiée (au regard des faits de l'espèce, il y aurait une
telle faute lorsque le créancier non déclarant a pourtant
été averti de la procédure collective) que la preuve d'un
manquement à une obligation de bonne foi (la preuve d'une faute dolosive
du créancier).
En dehors du droit des procédures collectives, toutes
les négligences du créancier professionnel peuvent ainsi
être prises en considération. Citons par exemple le défaut
d'inscription ou de renouvellement d'hypothèque, l'omission de
procéder à une inscription modificative du nantissement, le
défaut d'exercice en temps utile de l'action en revendication.
La caution qui ne peut se prévaloir de la perte d'un
droit préférentiel peut seulement engager la
responsabilité civile du créancier professionnel. Pour invoquer
le bénéfice de cession d'actions ou de subrogation, il faut que
le créancier professionnel ait perdu un avantage particulier, une
garantie dont la caution ne peut plus s'en prévaloir.
B°) La perte des garanties par le fait du
créancier
L'article 2037 du Code civil suppose que des garanties
particulières aient été perdues : la simple
aggravation de l'insolvabilité du débiteur, qui touche seulement
au droit de gage général du créancier professionnel, est
sans incidence. Cependant, la jurisprudence entend ici largement la notion de
garanties, en y incluant non seulement les sûretés stricto sensu,
mais de manière générale tous les mécanismes ou
prérogatives particulières qui donnent au banquier une meilleure
situation que celle du créancier chirographaire (crédit-bail,
clause de réserve de propriété, clause de
résolutoire, droit de rétention..). Il faut aussi que ces
garanties aient existé au moment de l'engagement de la caution, ou du
moins qu'elles aient été prévues à ce
moment-là.
Aux termes de l'article 2029 du Code civil, « la
caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits
qu'avait le créancier contre le débiteur. » Le recours
subrogatoire consiste pour la caution à bénéficier des
droits et actions du créancier solvens avec tous les accessoires,
notamment les sûretés qui garantissent la dette.
En raison de la faute du créancier professionnel, le
recours subrogatoire reconnu à la caution contre le débiteur
principal devient illusoire. L'article 2037 du Code civil confère ainsi
à la caution le droit d'invoquer cette faute en lui reconnaissant
l'absence de bénéfice de cession d'actions ou de subrogation (1).
En outre, la Cour de cassation impose aux juridictions de bien vérifier
que le fait fautif soit effectivement imputable au créancier
professionnel (2).
1°) L'absence de bénéfice de
cession d'actions ou de subrogation
En matière de sûretés, l'expression
« bénéfice de cession d'actions ou de
subrogation » est trompeuse. La subrogation de la caution solvens
dans les droits et actions du créancier est imposée par l'article
2029 du Code civil. Or, il s'agit précisément des cas dans
lesquels cette subrogation est devenue impossible : ne pouvant se
prévaloir des sûretés dont était titulaire le
banquier, la caution se présente en qualité de créancier
chirographaire et elle risque donc d'être primée par d'autres
créanciers du débiteur principal.
a · La perte d'un droit
préférentiel
Le vocable de droit préférentiel couvre tout
doit qui confère une facilité de recouvrement supérieure
au droit de gage général de tout créancier chirographaire
(Code civil, article 2092). Il en est ainsi des véritables
sûretés (hypothèque, nantissement - gage et
antichrèse - et privilège). La caution devait pouvoir compter sur
ce droit au jour où elle s'est engagée. Le droit invoqué
devait donc exister à cette date.
b · L'omission fautive de la faculté
d'attribution judiciaire du gage
La question fort débattue en doctrine, par la Chambre
commerciale et la première chambre civile15(*) et qui a donné lieu
à des réponses différentes est celle de savoir si le
défaut d'exercice de la faculté d'attribution judiciaire par le
créancier gagiste peut-il être assimilé à la perte
d'un droit préférentiel ?
En d'autres termes, cette omission emporte t-elle
décharge sur le fondement de l'article 2037 Code civil ?
La première chambre civile a répondu
négativement au motif qu'une faculté n'est pas une obligation. La
Chambre commerciale, quant à elle, a jugé au contraire, que
l'omission de l'exercice de la faculté d'attribution judiciaire est
fautive si elle prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.
La Chambre mixte16(*) de la Cour de cassation a été saisie de
cette question en raison d'une contrariété de réponses. En
effet, la Chambre mixte ne répond pas, en définitive, à la
question, s'appuyant sur le fait que le créancier avait, en
l'espèce, renoncé à son gage, ce qui justifiait une
application des plus banales de l'article 2037 du Code civil.
Les avis de la doctrine sont également
partagés. Pour un plaidoyer en faveur de la solution de la Chambre
commerciale selon laquelle « si l'attribution judiciaire du gage ne
constitue qu'une faculté pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il
est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une faute au sens de
l'article 2037 du Code civil si, en s'abstenant de demander cette attribution,
il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter. »
En l'état actuel, le projet de réforme du droit
des sûretés17(*), fruit du rapport Grimaldi,
n'apporte pas de solutions : le projet propose un nouvel article 2322 du
Code civil qui ne répond pas à la question. Il énoncerait
en effet que « lorsque la subrogation aux droits du créancier
ne peut plus, par le fait de celui-ci s'opérer en sa faveur, la caution
est libérée à concurrence du préjudice subi de ce
fait. Toute clause contraire est réputée non
écrite. » Nous retiendrons, cependant, la solution rendue par
la Chambre commerciale dans la mesure où elle vient sanctionner la
négligence ou l'intention de nuire du créancier professionnel
dans le but de priver la caution d'un droit qui pourrait lui être
favorable.
Au nombre des conditions déclenchant l'absence de
bénéfice de cession d'actions ou de subrogation, se trouve la
nécessité d'une faute exclusive du créancier
2°) L'imputation exclusive de la faute au
créancier professionnel
Il y a impossibilité de subroger la caution aussi bien
en cas de disparition du droit qu'en cas de disparition de sa seule valeur.
Le fait invoqué par la caution doit être
imputable au créancier professionnel. Il doit en outre s'agir d'un fait
exclusif à ce dernier, ce qui tendrait à démontrer que le
bénéfice de subrogation ne constitue pas une application pure et
simple de la responsabilité contractuelle.
Le créancier professionnel peut donc faire échec
au bénéfice de subrogation en démontrant que la perte des
droits de la caution n'est en réalité qu'une conséquence
de la simple application de dispositions légales. Le créancier
professionnel peut aussi démontrer que la perte des droits est imputable
à d'autres personnes que lui. Il peut ainsi se prévaloir d'une
faute commise par la caution ou le débiteur principal. Ce dernier a par
exemple pu faire disparaître le véhicule assiette du gage. Il a
également pu retarder la constitution d'une sûreté18(*).
De même, la caution n'est pas déchargée
de son engagement lorsque le comportement du créancier professionnel,
quoique fautif, ne lui a pas fait perdre un droit, une sûreté ou
une action en justice (lorsque le créancier a consenti une prorogation
de terme au débiteur principal sans perte de sûreté).
Cependant, une main-levée volontaire d'hypothèque constitue une
perte imputable au fait exclusif du créancier professionnel, même
si elle a été sollicitée par le débiteur ou une
caution autre que celle qui invoque la décharge19(*).
Il appartient à la caution qui invoque l'extinction de
son engagement de rapporter la preuve que la subrogation a été
rendue impossible par le fait exclusif du créancier
professionnel20(*). Cette
exigence est de nature à limiter l'invocation de l'article 2037 du Code
civil.
La banque qui est créancière du débiteur
principal dispose souvent d'informations sur la situation de ce débiteur
principal. La question se pose de savoir s'il existe une obligation de
communication qui pèse sur l'établissement de
crédit ?
II · Le manquement du créancier
professionnel à l'obligation de contracter de bonne foi
L'article 1134 al 3 du Code civil, en prévoyant que
« les conventions » doivent être
exécutées de bonne foi, est suffisamment large pour s'appliquer
aux opérations de cautionnement et, dans le déroulement de
celles-ci, au comportement de la caution comme du créancier
professionnel. Pour ce dernier, en effet, le caractère unilatéral
du cautionnement ne saurait constituer une échappatoire.
Les contrats unilatéraux, bien que ne mettant des
obligations principales qu'à la charge de l'un des contractants n'en
demeurent pas moins des conventions unissant deux parties, dont l'une comme
l'autre, doivent se comporter de bonne foi.
Dès lors, il appartient au créancier
professionnel d'apporter un consentement éclairé à la
caution (A), dès la formation du contrat de cautionnement et sur la
nature et les risques de l'opération envisagée.
L'établissement de crédit ne contracte pas de bonne foi lorsqu'il
fait souscrire à la caution un cautionnement excessif par rapport aux
revenus et au patrimoine de celle-ci (B).
A°) L'exigence d'un consentement
éclairé de la caution
La caution est de tous les contractants l'un de ceux qui
souscrit l'une des obligations les plus rigoureuses. Des cautions peuvent en
effet s'engager pour des montants et une durée
indéterminés. Lorsqu'elle s'engage, la caution doit donc
être à même de mesurer la portée de son
engagement21(*). Pourtant,
le cautionnement a longtemps été considéré comme un
contrat ordinaire. Le caractère unilatéral de ce contrat
confère au cautionnement une certaine spécificité. La
jurisprudence est en effet très attachée à la protection
de la volonté de la caution (1).
La théorie des vices de consentement en
matière de cautionnement est en recul, elle est de moins en moins
invoquée par les cautions :
d'une part, ce recul doit être mis en parallèle
avec l'utilisation de plus en plus fréquente par les cautions du droit
de la responsabilité civile.
D'autre part, le législateur a pris en
considération certaines situations pour renforcer la protection du
consentement de la caution. Ainsi, les techniques protectrices et d'ordre
public du droit de la consommation ont-elles été étendues
aux cautionnements des opérations de crédit régies
l'article L. 311-2 du Code de la consommation. Il en résulte que l'offre
préalable doit être remise à la caution comme à
l'emprunteur (article L. 311-8 du Code de la consommation) et que la caution
bénéficie du même délai de réflexion que
l'emprunteur.
Enfin, ce recul de la théorie des vices du consentement
est aussi dû en partie à la création par la jurisprudence
d'obligations nouvelles qui pèsent désormais sur
l'établissement de crédit : devoir de conseil et de
discernement de la situation du débiteur principal.
L'insuffisance des règles de droit commun à
protéger efficacement la caution a donc conduit le législateur et
les juges à renforcer le consentement de celle-ci (2).
1°) Les vices du consentement de la caution
Le cautionnement, opération accessoire à
l'obligation principale mettant en relation le créancier et le
débiteur principal, suppose une rencontre des volontés du
créancier professionnel et de la caution. Pour être valablement
formé, le contrat de cautionnement doit respecter les conditions
énumérées par l'article 1108 du Code civil.
Nous traiterons principalement le dol et l'erreur sur la
substance même de l'engagement de la caution.
a · Le dol de la caution
Le dol est une cause de nullité de la convention,
énonce l'article 1116 du Code civil, « lorsque les manoeuvres
pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident
que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas
contracté. »
En matière de cautionnement, il ne pourra être
retenu que s'il émane du créancier professionnel car, dans la
logique de l'article 1116 du Code civil, le comportement du débiteur
principal ne peut jamais donner lieu à une annulation du cautionnement
mais seulement à une action en responsabilité contre le
débiteur principal.
Quant au fait du créancier professionnel, il peut se
rendre coupable de dol en raison d'une réticence dolosive. Le dol permet
de pallier l'absence d'obligation générale d'information reposant
sur le créancier professionnel : c'est la réticence plus que
les manoeuvres dolosives ou le mensonge qui sera en effet le plus
fréquemment retenue.
Plusieurs décisions de la Cour de cassation22(*) annulent alors le
cautionnement au double motif « que manque à son obligation de
contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence le
créancier professionnel qui, sachant que la situation de son
débiteur est irrémédiablement compromise ou à tout
le moins lourdement obérée, omet de porter cette information
à la connaissance de la caution afin d'inciter celle-ci à
s'engager. »
Ce qui revient à faire peser sur le créancier
professionnel une obligation d'informer la caution, préalablement
à son engagement, au fond, sur la nature de celui-ci.
Finalement, la manoeuvre dolosive consiste à faire
croire qu'un crédit sera accordé. Mais cette obligation est
triplement limitée : d'une part, le créancier ne peut
révéler que ce qu'il connaît23(*) ; d'autre part, aucune
obligation d'informer spontanément des cautions qui, en raison de leurs
liens avec le débiteur principal, peuvent s'informer
elles-mêmes24(*) ; et enfin, le créancier professionnel
n'a aucun devoir de conseil à l'égard de la caution, notamment en
ce qui concerne l'opportunité, pour celle-ci, de l'acte ; mais les
choses changent peut-être à cet égard25(*).
b · L'erreur sur la substance même de
l'engagement
En théorie tout au moins, plusieurs types d'erreurs
sont susceptibles de justifier une annulation du cautionnement. Il faut qu'il
s'agisse seulement d'une erreur sur la substance26(*), c'est l'erreur - obstacle.
Cependant, la caution a l'obligation de se renseigner. Pour cette raison, les
juridictions rejettent quasi-systématiquement les demandes en
nullité des cautions qui prétendent avoir été
trompées sur la solvabilité du débiteur principal.
L'erreur dans l'appréciation des risques encourus n'est donc pas
retenue, à moins qu'elle ne soit manifeste et que le créancier
professionnel soit en même temps de mauvaise foi27(*).
Un arrêt récent marque cependant une
évolution importante. La Cour de cassation28(*) annule en effet un
cautionnement en approuvant une Cour d'appel d'avoir retenu que la caution
avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition
tacite de sa garantie. Or, au jour de l'engagement, le débiteur
principal était une société dont la situation était
déjà irrémédiablement compromise. Cet arrêt
n'est peut être pas une décision de principe. Cependant, il
témoigne d'un infléchissement de la Cour de cassation, tout au
moins en présence de cautions profanes.
2°) La nécessité d'une
protection renforcée du consentement de la caution
La théorie des vices de consentement se
révèle insuffisante à protéger efficacement le
consentement de la caution en matière de cautionnement. Cette
insuffisance a été palliée par de nouvelles obligations
mises à la charge du créancier professionnel.
a · Le devoir de conseil du créancier
professionnel
Compte tenu de sa qualité et de ses
compétences, le créancier professionnel doit donner un avis,
doit donner des recommandations, doit éclairer la caution sur
l'importance de la nature de l'acte.
Dans la mise en oeuvre de ce devoir de conseil, il faut
distinguer deux types de situations :
la relation triangulaire ( caution, créancier et
débiteur principal) et la relation caution créancier
professionnel.
Dans la première situation, le débiteur
principal met en cause la responsabilité du banquier dans la convention
principale. En effet, la faute consiste pour le banquier à ne pas avoir
averti avec assez de clarté les cautions du risque pris en s'engageant.
Elle peut aussi consister à accepter un cautionnement alors qu'à
l'évidence le projet financé n'est pas viable. Un tel devoir
existe envers l'ensemble des cautions. Des cautions dirigeantes peuvent
même se prévaloir d'un tel manquement dès lors qu'il est
établi qu'elles sont inexpérimentées ou n'ont pas les
connaissances nécessaires pour apprécier les risques liés
au cautionnement d'une opération de crédit. La jurisprudence
admet depuis peu (1990) que le débiteur emprunteur peut, dans certaines
circonstances, mettre en cause la responsabilité de
l'établissement de crédit pour non-respect d'un devoir de conseil
(celui de ne pas s'engager parce que les remboursements susceptibles
d'être dus sont trop élevés par rapport au patrimoine et
aux ressources du débiteur).
La caution pourrait reprendre à son compte cette
demande de mise en cause de la responsabilité du fournisseur de
crédit en faisant valoir qu'elle était dès le
départ privée de tout recours efficace contre le débiteur.
En effet, le débiteur était incapable de
rembourser sa dette, donc la caution était privée de tout recours
réel contre le débiteur principal. Ce qui se passe dans
l'opération principale rejaillit dans le cautionnement.
La caution peut encore conduire un raisonnement de même
nature dans la relation qu'elle entretient avec le créancier.
Dans le second cas, la caution va être victime en
raison de son obligation de garantie. Le plus souvent, il est reproché
au créancier professionnel, qui connaît la situation du
débiteur, son client, de n'avoir pas communiqué à la
caution non professionnelle des renseignements sur la situation de celui-ci ou
encore la caution peut reprocher à l'établissement de
crédit d'avoir exigé le cautionnement alors que dès le
départ, ses ressources et son patrimoine étaient insuffisants. En
revanche, il n'incombe au créancier professionnel aucun devoir de
conseil sur l'intérêt ou l'opportunité du
cautionnement : les mécanismes ordinaires paraissent suffisants.
Cependant, le devoir de conseil qui pèse sur
l'établissement de crédit ne doit pas peser sur la gestion de
l'entreprise du débiteur principal. Bien qu'exceptionnelle, l'immixtion
du banquier dans les affaires du crédité reste néanmoins
envisageable. Le banquier s'immisce dans les affaires du débiteur
(l'entreprise) dès lors que ses « conseils »
pèsent sur la gestion même de l'entreprise :
d'une part, le banquier peut voir sa
responsabilité engagée en qualité de dirigeant de droit,
cette situation se rencontre par exemple lorsque le banquier est
président du Conseil d'administration, gérant de
société.
D'autre part, le banquier peut voir sa responsabilité
engagée en qualité de dirigeant de fait.
b · Les obligations d'information et de
discernement du créancier professionnel
La faute du banquier met en cause un double manquement :
Le devoir de discernement (c'est-à-dire la
faculté de juger et d'apprécier avec justesse la situation de
l'entreprise du débiteur) et l'obligation d'information. La connaissance
qu'a ou devrait avoir l'établissement de crédit sur la situation
de l'entreprise peut d'ailleurs être qualifiée
« d'élément subjectif de la faute. »29(*)
Le devoir de conseil concerne l'obligation d'analyse de la
situation du débiteur principal à partir de données brutes
et recoupées par des vérifications.
Pour la doctrine30(*), « le devoir de vigilance du banquier doit
être proportionnel à la compétence financière de
l'emprunteur. » La notion de discernement constitue la base de
l'appréciation du banquier.
S'agissant de l'obligation d'information, il est impossible
de détailler de manière exhaustive et limitative les informations
que le banquier doit retenir. En revanche, il est possible d'affirmer que
l'obligation ne peut porter que sur les informations que le banquier est
à même de recueillir.
La responsabilité du banquier en tant que
débiteur d'une obligation d'information en cours d'exécution du
contrat est souvent sollicitée, eu égard à la masse de
renseignements dont il dispose sur la vie des affaires. Très largement
admise à l'égard des clients du banquier, cette obligation est
plus discutée dans les rapports de ce dernier avec la caution : si
son existence est incontestable au moment de la formation du contrat, les juges
ne la sanctionnent en cours d'exécution que dans certaines circonstances
où le banquier est considéré comme investi d'une
responsabilité particulière31(*). Cette jurisprudence32(*) généralement approuvée par la
doctrine, n'a en effet pas consacré l'existence d'un devoir
général d'information sur l'évolution du risque, qu'il
s'agisse de la progression de la dette garantie ou de l'évolution de la
solvabilité du débiteur, notions distinctes (l'état de la
dette n'est pas celui du patrimoine du débiteur), mais souvent
confondues.
Pourtant, il est évident que plus l'information sera
développée, mieux la protection des intérêts de la
caution sera assurée :
avertie en temps utile, elle pourra faire pression sur le
débiteur, agir pour la défense personnelle de ses
intérêts, notamment dans le cadre des mesures préventives,
et mettre fin, en cas d'engagement à durée
indéterminée, à son obligation de couverture.
Aussi par touches successives, le législateur a-t-il
comblé en grande partie le vide jurisprudentiel.
La loi du 01 Mars 198433(*) fixe dans son article 48 le principe, le contenu et
la périodicité des informations dues par les banques aux cautions
d'entreprise. Désormais, lorsqu'un établissement de crédit
subordonne un concours financier à la fourniture d'un engagement de
caution, il devra informer annuellement cette dernière de l'état
de la dette, c'est-à-dire du montant total de ce qui est dû au 31
décembre de n'année précédente En outre, si
l'engagement est à durée déterminée, la caution
devra être informée de son terme ; si au contraire
l'engagement est à durée indéterminée, la
faculté de résiliation et ses conditions éventuelles
d'exercice doit être rappelée. La loi Madelin du 11 Février
199434(*) étend
l'article 48 à tous les créanciers en cas de cautionnement
à durée indéterminée consenti par une personne
physique pour garantir une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel
(article 47 II).
Le groupe de travail relatif à la réforme du
Droit des Sûretés suggère qu'aux nombreuses obligations
d'information qui se superposent aujourd'hui soit substituée une unique
obligation de portée générale, par laquelle tout
créancier serait tenu, avant le 31 Mars de chaque année, de faire
connaître à toute caution personne physique le montant du
principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 décembre
de l'année précédente.
Il conviendra de retenir trois décisions qui pourront
éclairer sur le contrôle réalisé par le juge dans
les manquements du banquier à son obligation d'information :
une première décision est rendue par la Cour
d'appel de Versailles35(*). Elle engage la responsabilité du banquier qui
accorde une augmentation importante de concours sans se faire communiquer une
situation récente à défaut du dernier bilan non encore
établi.
Une seconde décision36(*) dans laquelle le banquier, alerté par
l'augmentation importante du débit du compte de son client, a
consolidé le découvert sans vérifier si des mesures de
redressement étaient mises en oeuvre et sans se faire remettre des
comptes certifiés issus d'un rapport d'audit antérieur.
Enfin, une autre décision permet d'illustrer les
contours de la responsabilité du banquier dans l'arrêt de la Cour
de cassation du 24 Septembre 200237(*).
L'équilibre dans les relations contractuelles est de
plus en plus recherché. S'agissant du cautionnement, il apparaît
que la protection du banquier ne doit pas conduire à des excès.
Un principe de proportionnalité tend ainsi à s'imposer dans notre
droit.
B°) Le cautionnement disproportionné aux
revenus et au patrimoine de la caution
Le principe de proportionnalité38(*) est un principe
général dégagé par la Cour de Justice des
communautés européennes qui limite l'intervention des
autorités communautaires et celle des Etats membres en leur imposant de
mettre en oeuvre des moyens appropriés à l'objectif à
atteindre. Par extension, le principe de proportionnalité est un
principe de modération, d'adéquation. C'est une juste mesure.
Il est dans la logique et l'esprit du cautionnement que la
caution ne souscrive à un engagement que ses ressources lui permettent
de tenir si l'exécution lui est demandée. C'est cette exigence
qu'on exprime dans l'expression « principe de
proportionnalité », expression quelque peu approximative car
il s'agit moins de proportion que de suffisance.
C'est une tentative récurrente que d'introduire cette
exigence dans l'architecture de l'institution. Toutefois, ni le
législateur, ni la jurisprudence n'y ont cédé et il a
fallu attendre ces dernières années au cours desquelles s'est
avivé le désir de protéger l'individu et surtout le
consommateur pour que le principe de proportionnalité
pénètre le droit positif.
En droit interne, le droit de la consommation avait
créé une cause d'inefficacité du cautionnement au profit
de la personne physique qui garantit un crédit à la consommation.
Elle peut se dérober en faisant valoir que son engagement était
disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion
du contrat à moins « que son patrimoine, au moment
où elle est ne lui permette de faire face à son
obligation. » (Code de la consommation, article L. 313-10). Le texte
a été interprété non comme créant une
nullité mais plutôt en une cause d'inopposabilité. La
« loi Dutreil39(*) » du 01 Août 2003 a étendu
cette règle, dans les termes où elle était
déjà libellée, aux cautionnements fournis par des
personnes physiques à l'égard des créanciers
professionnels.
Pour les cautions qui ne bénéficient pas de la
protection législative, la question de savoir si la jurisprudence doit
reconnaître l'exigence d'un principe de proportionnalité entre le
montant de l'engagement de la caution et ses ressources a été
âprement discutée en doctrine40(*), ce qui explique les méandres d'une
jurisprudence qui, dans son dernier état, lui donne une réponse
affirmative41(*) : le
banquier ne doit pas commettre d'abus lorsqu'il sollicite un cautionnement. Il
ne doit donc pas faire souscrire de cautionnement ayant un caractère
excessif. L'étendue de l'engagement demandé à la caution
doit être en rapport avec ses revenus et son patrimoine.
La mise en oeuvre du principe de proportionnalité peut
cependant s'opérer selon diverses techniques. La reconnaissance s'est
faite en plusieurs étapes :
d'une part, l'émergence du principe (1) s'est fait
notamment par une disposition spécifique du Code de la consommation
avant de recevoir une consécration par la jurisprudence. D'autre part,
il conviendra de montrer l'effectivité du principe (2) par son
appréciation ou par sa mise en oeuvre.
D'une manière générale, la faute du
créancier professionnel en matière de sûretés n'a
pas cessé de s'étendre, elle connaît une nette
évolution.
1°) L'émergence du principe de
proportionnalité
Trois étapes principales permettent de monter
l'émergence du principe et ses suites jurisprudentielles.
a · La consécration
législative limitée
La première application du principe de
proportionnalité est constituée par une mesure de protection
particulière des cautions personnes physiques qui a été
introduite par la loi sur le surendettement des particuliers en date du 31
Décembre 198942(*)
dite « Loi V. Neiertz ». Cette loi institue des
procédures destinées à régler la situation des
particuliers surendettés ; elle sera remplacée par une loi
du 08 Février 1995 (article L. 331-1 et s. du Code de la consommation).
En introduisant cette disposition, le législateur français
s'inspirait du droit allemand qui consacre le principe de
proportionnalité.
L'article L. 313-10 du Code de la consommation énonce
en effet « qu'un établissement de crédit ne peut se
prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de
crédit conclu par une personne physique dont l'engagement était,
lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens
et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment
où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à
son obligation. » Le texte a un domaine d'application
limité :
ainsi, il ne s'applique pas au cautionnement d'un prêt
destiné à financer une activité professionnelle.
En réalité, L'article L. 313-10 n'apporte une
grande nouveauté dans la mesure où elle reprend en substance les
dispositions déjà existantes.
L'article L. 313-10 du Code de la consommation devait
être l'annonciateur de solutions jurisprudentielles consacrant cette
exigence de proportionnalité.
b · L'extension par la jurisprudence du
principe de proportionnalité
Que faire lorsque la caution accuse l'établissement de
crédit de lui avoir fait souscrire un engagement démesuré
par rapport aux facultés de remboursement dont elle dispose ?
Un arrêt de la Chambre commerciale du 17 juin 1997 a
ouvert en la matière une nouvelle cause de responsabilité
« délictuelle », la faute du créancier
résidant dans l'acceptation d'un engagement excessif.
Par un arrêt de principe, la Cour de cassation43(*) devait énoncer que le
fait pour un créancier professionnel de solliciter un cautionnement qui
est manifestement disproportionné par rapport au patrimoine et aux
revenus de la caution peut être constitutif d'une faute, cause de
responsabilité pour le créancier professionnel.
Le principe de proportionnalité ainsi consacré
par la jurisprudence n'obéit pas au même régime juridique
que celui faisant l'objet d'une consécration légale : il est
seulement tenu compte de la disproportion manifeste existant au jour de
l'engagement de la caution, il importe peu que la caution soit revenue
à meilleure fortune au jour de la poursuite.
La Chambre commerciale avait ainsi étendu une
règle à l'origine réservée aux cautions
garantissant un crédit à la consommation. L'arrêt
était important car, il faisait bénéficier du principe de
proportionnalité les cautions dirigeantes alors que la Chambre
commerciale les prive le plus souvent de la protection conférée
aux cautions profanes.
Elle a jugé dans cet arrêt que le banquier qui se
faisait consentir un tel cautionnement commettait une faute. Le principe de
proportionnalité peut donc être appliqué avec une certaine
souplesse. Ce peut être une application du devoir de conseil du
créancier professionnel. C'est aussi une application de la
responsabilité contractuelle du créancier professionnel envers la
caution. L'appréciation de la proportionnalité est donc
subjective et non plus objective.
Dans un premier temps, la jurisprudence a
conféré une très large portée à ce principe
de proportionnalité à tel point qu'il était invoqué
de manière quasi-systématique par les cautions poursuivies par
les établissements de crédit. Rares étaient, cependant,
les juridictions qui faisaient droit au recours des cautions.
Cette décision est de nature à perturber la
stabilité du cautionnement. En effet, le contrat a été
valablement formé. Le créancier professionnel ne commet pas de
faute dans l'exécution du contrat. Il est possible d'admettre que les
parties (créancier professionnel et caution) ont volontairement
introduites le déséquilibre dans le contrat du fait de leurs
qualités respectives et le contrat serait donc un contrat
lésionnaire.
En matière de cautionnement, la lésion est-elle
ou non admise comme cause de nullité ?
Si la réponse est négative, on peut admettre que
cette décision introduit alors une certaine équité dans la
formation du contrat de cautionnement en complétant ce que les vices de
consentement avaient de défaillants. Dans cette décision, ce que
fait la Cour de cassation au moyen de l'action en responsabilité, c'est
de rescinder l'acte de cautionnement pour cause de lésion. Or, le
régime classique de cette action ne conduit jamais à une
annulation totale de l'acte lésionnaire mais à une annulation
partielle.
Au vu de ces règles, il est étonnant d'accorder
un recours à la caution pour la totalité du cautionnement. Cette
solution vient notamment remettre en cause le principe de la liberté des
conventions et par voie de conséquence accorde au juge un pouvoir de
révision.
La décision du 17 Juin 1997 révélait une
limitation de la protection des cautions, pouvant même laisser croire que
le principe de proportionnalité était abandonné. Cette
approche prétorienne de la proportionnalité à travers
l'immixtion du droit de la responsabilité civile en matière de
cautionnement devrait perdre beaucoup de sa vigueur avec les nouvelles
dispositions de la loi pour l'initiative économique du 01 Août
200344(*). On peut le
regretter car, c'est au moment où la jurisprudence, après
beaucoup d'hésitation, arrivait à une certaine maturation que
l'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi Dutreil
déplace l'exigence prétorienne de proportionnalité sur le
terrain du Code de la consommation.
c · La faute au regard de la loi du 01
Août 2003
Pour protéger les cautions personnes physiques, le
législateur a eu recours à des techniques classiques comme le
formalisme, l'information et la proportionnalité. Après
l'extension par la jurisprudence du principe de proportionnalité par la
Chambre commerciale, la loi du 01 Août 2003 marque, à son tour,
une consécration législative de ce même principe. En effet,
le législateur considère que le créancier professionnel a
commis une faute consistant à un manquement à son obligation de
conclure de bonne foi un contrat de garantie. En conséquence, le
créancier professionnel doit s'informer de la situation
financière de la caution, pour connaître ses capacités
financières de remboursement, pour la mettre en garde et même pour
la dissuader de conclure ce contrat.
En instaurant un « bénéfice de
disproportion », l'article L. 341-4 du Code de la consommation charge
implicitement le créancier professionnel d'un devoir de veiller à
la proportionnalité de l'engagement de la caution.
La mise en oeuvre du principe de proportionnalité
obéit surtout à des considérations subjectives et accorde
un grand pouvoir aux juges.
2°) L'effectivité du principe de
proportionnalité
Pour mesurer l'effectivité du principe, il convient de
prendre en compte deux éléments :
a · L'appréciation de la
disproportion
L'appréciation du caractère
disproportionné ou non, donc la constatation du manquement du
créancier professionnel risque, sans doute, d'être délicate
à mettre en oeuvre et source d'arbitraire. Elle offre aux cautions
désireuses de ne pas respecter leurs engagements une échappatoire
assez facile.
L'article L. 341-4 du Code de la consommation précise
que l'engagement doit être « manifestement excessif.
» A priori, tout excès dans la hauteur de la garantie devrait
être sanctionné. Il est difficile de fixer un seuil
théorique et ce, d'autant plus que les juges du fond seront peut
être tentés de faire varier suivant que la caution est ou non
intégrée.
Une telle incertitude est porteuse d'espoir pour la caution
désirant échapper à son engagement.
La disproportion s'apprécie dès lors que la
caution s'engage au-delà de son patrimoine et de ses ressources. Le
créancier professionnel a donc tout intérêt à se
faire communiquer par la caution une fiche patrimoniale lui
révélant l'état de ses ressources, de son endettement et
de son patrimoine. C'est au jour de la poursuite qu'il convient
d'apprécier si la caution peut faire face à son obligation. Une
reprise postérieure des poursuites semble contraire à l'esprit
de la loi45(*).
Néanmoins, il ne serait pas inconcevable que ce soit
le législateur lui-même qui fixe arbitrairement la fraction de la
disproportion. Il énoncerait par exemple que cette fraction n'est pas
la même selon le type de cautionnement considéré : on
pourrait imaginer que le législateur crée en droit positif,
à propos des cautionnements, un système équivalent
à celui qui existe déjà pour la vente d'immeubles (article
1674 du Code civil) et en matière de partage (article 887 al 2 du
Code civil).
b · Le moment de la
disproportion
A la différence de l'appréciation
prétorienne de la proportionnalité, l'approche du Code de la
consommation se veut résolument objective. Indifférente au
comportement des parties, la disproportion entre l'engagement et les
capacités financières doit être, même sur le terrain
de la responsabilité civile « manifeste »,
c'est-à-dire qu'elle doit sauter aux yeux d'un banquier normalement
diligent. Mais le législateur se réfère à deux
moments distincts pour apprécier la situation :
lors de la formation du contrat et au moment où la
caution est appelée, c'est-à-dire poursuivie, dans
l'hypothèse d'un retour à meilleure fortune. Telle est l'analyse
qui ressort de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.
Cependant, la Chambre commerciale46(*) prend seulement en compte le
jour de la souscription pour apprécier le caractère manifestement
disproportionné de l'engagement de la caution. Selon la Chambre
commerciale, il importe peu que la situation de la caution poursuivie se
soit améliorée par la suite : « le fait que ce
conjoint soit postérieurement devenu dirigeant de la
société est sans incidence, la qualité de la caution
devant être appréciée au jour de son
engagement. »
La faute du créancier professionnel du fait de son
concours financier constitue le second moyen de défense de la caution
à l'égard du créancier professionnel.
Section2
La responsabilité civile du créancier
professionnel du fait de son concours financier
La caution engagera souvent la responsabilité du
banquier à son égard pour sa légèreté dans
la façon d'accorder ou de refuser l'octroi d'un crédit au
débiteur, légèreté dont elle paye les
conséquences. Elle reprochera fréquemment au banquier d'avoir
rompu brutalement un crédit (rupture abusive) conduisant ainsi
l'entreprise au dépôt de bilan47(*).
Inversement, elle se plaindra des facilités
inconsidérées (soutien abusif) accordées à un
débiteur dont la situation était compromise48(*). Dans ces situations, c'est
l'abus de garantie qui est dénoncée car, le banquier aurait eu
probablement une autre attitude en l'absence de caution. Pour la jurisprudence
récente, la qualité de dirigeant de la caution n'exclut pas
systématiquement pour autant la responsabilité du
banquier49(*).
L'appréciation de ces fautes est délicate car
elle est influencée par des considérations
macro-économiques sur la nécessité du crédit
bancaire. La caution peut, tout de même, reprocher au créancier
professionnel d'avoir commis une faute dans la distribution du crédit au
débiteur (I). En octroyant un crédit injustifié ou en
rompant brutalement son crédit, le créancier est directement
à l'origine de la défaillance du débiteur principal. La
faute du créancier professionnel doit alors causer un préjudice
à la caution et il appartient à celle-ci de rapporter la preuve
du préjudice subi et du lien de causalité entre la faute et le
préjudice (II). Le préjudice consistant en une perte de chance de
ne pas être inquiété50(*).
I · La faute du créancier professionnel dans
la distribution de crédit au débiteur
principal
Le domaine de la responsabilité du créancier
professionnel dans la distribution du crédit ne cesse de
s'étendre. La mise en cause du créancier dispensateur de
crédit tend ainsi à devenir l'un des principaux moyens de
défense invoqués par les cautions poursuivies même si
l'évolution jurisprudentielle récente est de nature à
tempérer ce mouvement.
La caution peut invoquer toute faute du créancier
professionnel dans la distribution du crédit. Elle peut ainsi se
prévaloir d'un soutien abusif de crédit (A) ou d'une rupture
abusive de crédit (B).
A°) La faute du créancier professionnel, le
soutien abusif de crédit
Le domaine de la responsabilité bancaire ne cesse
aujourd'hui de se développer. Les banques apportent de plus en plus leur
soutien à leurs clients et inversement, les clients n'hésitent
plus à mettre en cause la responsabilité de leur banque.
La liberté de faire crédit du banquier a conduit
doctrine et jurisprudence à délimiter les situations fautives
d'octroi de crédit. Ainsi, nous présenterons, d'abord, la notion
de soutien abusif de crédit (1) ; puis, nous préciserons en
quoi le soutien abusif de crédit peut- il être constitutif d'une
faute (2).
1°) La notion de soutien abusif de
crédit
L'analyse de la notion de soutien abusif de crédit
montre qu'elle présente encore quelques incertitudes. Mais la
réforme du 26 Juillet 2005 relative à « la sauvegarde
des entreprises » n'a apporté qu'une réponse
partielle à cette incertitude.
a · Les définition et incertitude de
la notion
De manière unanime, la qualification de
« soutien abusif » est reconnue pour le financement
d'entreprise en situation irrémédiablement
compromise.
En effet, il y a soutien abusif dans deux
hypothèses :
d'une part, le soutien abusif consiste en l'octroi d'un
crédit, en connaissance de cause, à un débiteur dont la
situation est irrémédiablement compromise au jour de
l'octroi de crédits51(*).
D'autre part, lorsque le créancier professionnel a
contribué au dépôt de bilan par une politique de
crédits ruineux. La responsabilité de l'établissement de
crédit est retenue s'il n'est pas suffisamment informé de la
situation financière de son débiteur.
La notion de soutien abusif n'est pas directement
visée par le législateur. C'est dans l'analyse et
l'interprétation de l'article L. 313-12 du Code monétaire et
financier qu'il faut examiner le concept de « situation
irrémédiablement compromise. »
Une construction jurisprudentielle a permis d'éclairer
la notion de soutien abusif :
pour qu'il y ait soutien abusif, suffit-il que le
crédit octroyé apparaisse imprudent quand il y a trop de risques
d'aggravation du passif ou suffit-il d'une apparente
solvabilité ?
La jurisprudence a semblé plus restrictive. Elle pose
comme condition de la responsabilité du banquier que l'entreprise ait
été en « situation
désespérée » ou
« irrémédiablement compromise. » Un
arrêt de la Cour de cassation52(*) réaffirme clairement que « la notion
reste appréciée souverainement par les juges du
fond. »
Pour la doctrine, la situation irrémédiablement
compromise n'est pas une condition sine qua non de la responsabilité du
banquier dispensateur de crédit. Elle ne l'est que si la faute
reprochée au banquier réside dans le soutien abusif, un
crédit à une entreprise dont la situation est «
désespérée53(*). »
La mise en oeuvre de la responsabilité civile du
banquier (et plus particulièrement la qualification de la faute de
celui-ci) relève de l'appréciation des juges du fond qui
analysent rétrospectivement, après l'échec de
l'entreprise, si, à l'époque de l'octroi du crédit,
l'entreprise pouvait se redresser. La faute du banquier relève de
l'appréciation in concreto des juges, ce qui ne permet pas une position
unique et définitive des tribunaux.
Ces incertitudes relatives à la notion de soutien
abusif provoquent donc une frilosité des banques à laquelle il
était nécessaire de remédier par l'adoption d'un texte
cadre, la loi du 26 Juillet 2005.
b · La réforme
« partielle » du soutien abusif de
crédit
Une des principales dispositions de la loi du 26 Juillet 2005
concerne la responsabilité des banques en matière de soutien
abusif. En dépit des débats qu'elle a suscités, la
réforme du soutien abusif marque une évolution certaine du droit
du crédit dans la mesure où il limite le risque juridique encouru
par les banques pour encourager la prise de risque économique qui
consiste à apporter un soutien financier à une entreprise en
difficultés.
Désormais, il y a soutien abusif (au sens de la loi du
26 Juillet 2005) lorsque les garanties prises en contrepartie des concours
consentis sont disproportionnées54(*) à ceux-ci. Il s'agit de sanctionner les
garanties inhabituelles au regard de la pratique. Il reviendra au juge de fixer
l'interprétation de ce texte (du fait de la
généralité des termes qu'il contient) qui suppose une
rupture avec le principe actuel de la responsabilité du banquier en
matière d'octroi de crédit.
Au final , s'il est vrai que ce texte restaure une certaine
confiance pour les banques, qui peuvent donc jouer pleinement leur rôle
économique, encore faut-il que l'appréciation des tribunaux
évolue elle-même vers une plus grande compréhension du
risque financier.
Le soutien abusif de crédit au débiteur
principal est une faute. Celle-ci permet donc à la caution de mettre en
oeuvre la responsabilité civile du créancier professionnel.
2°) La faute à l'égard de la
caution
Parmi les reproches que la caution fait au banquier, il y a
notamment :
a · Le financement inconsidéré
accordé au débiteur
En effet, la caution reproche au créancier
professionnel son comportement à l'égard du débiteur, dont
elle subit les conséquences.
En effet, lorsqu'elle engage la responsabilité civile
du créancier professionnel sur ce fondement, la caution lui reproche de
la contraindre à payer plus qu'il n'aurait été
nécessaire si les concours avaient été interrompus en
temps utile et d'avoir compromis ses chances d'exercer contre un
débiteur devenu insolvable par suite d'un financement
inconsidéré accordé55(*).
b · la qualité de la
caution
Dans leur appréciation du comportement de la banque
à l'égard de la caution, les juridictions retiennent
particulièrement deux éléments. La responsabilité
de la banque est plus facilement retenue à l'égard des cautions
profanes qui ignorent la situation réelle du débiteur principal.
Tel est le cas des cautions étrangères à l'entreprise
financée. Inversement, la responsabilité de
l'établissement de crédit ne peut être engagée
dès lors que, sauf circonstances exceptionnelles, le dirigeant ne
pouvait ignorer la situation.
c · Les influences diverses en
matière de procédure collective
La cessation de paiement, c'est-à-dire
l'impossibilité pour le débiteur principal de faire face au
passif exigible avec l'actif disponible est la principale cause d'ouverture de
la procédure collective de l'entreprise.
En effet, en accordant une prorogation du terme au
débiteur principal alors que la créance est exigible, en laissant
s'accroître la dette du débiteur principal ou en soutenant
abusivement celui-ci alors que, dès le départ, le projet
financé n'était pas viable, le créancier professionnel
conduit inévitablement à la faillite du débiteur
principal. Il retarde l'ouverture de la procédure collective (le soutien
abusif retarde l'arrêt d'une activité déficitaire et
l'ouverture de la procédure collective. Il permet donc au
débiteur d'augmenter le passif que garantit la caution) et rend
quasiment impossible le redressement judiciaire.
Le soutien abusif du banquier
précipite et contribue à la faillite du débiteur.
Par conséquent, les créanciers du
débiteur sous le coup d'une procédure collective doivent faire
connaître leur créance au mandataire chargé
d'établir l'ampleur des dégâts. De cette mesure saine
d'administration d'une procédure collective, la loi a fait un moyen de
spoliation des créanciers en éteignant les créances non
déclarées dans un délai fort court (Code de commerce,
articles L. 621-43 et 621-46).
Par deux arrêts très nets des 17 Juillet et 23
Octobre 199056(*), la Cour
de cassation a confirmé que la forclusion du créancier
libérait les cautions.
De même, l'article 2036 du Code civil permet à la
caution de se prévaloir du défaut de déclaration de la
créance par le créancier professionnel.
En revanche, dans l'hypothèse de la clôture pour
insuffisance d'actifs, la perte de l'action du créancier du fait de la
décision de clôture ne fait pas perdre l'action que le banquier a
contre la caution.
La faute du créancier professionnel dans la dispense
de crédit au profit du débiteur est une mauvaise
appréciation de la situation du débiteur :
soit, le banquier a octroyé déraisonnablement un
crédit (accroissement considérable de son passif) ; soit,
il a procédé à une rupture brutale (abusive) des concours
financiers qu'il accordait jusque-là au débiteur.
B°) La faute du créancier professionnel, la
rupture abusive de crédit au débiteur
L'effet immédiat de cette rupture, c'est la faillite
du débiteur.
Il convient donc de définir quelles sont alors les
conditions de mise en jeu de la responsabilité civile du
créancier professionnel (1) et ses effets en matière de
procédure collective (2).
1°) La mise en jeu de la responsabilité
civile du créancier professionnel
Un établissement de crédit peut engager sa
responsabilité si, en rompant brutalement un crédit, il a conduit
une entreprise au dépôt de bilan.
Lorsque le crédit consenti est à durée
indéterminée, l'établissement de crédit ne peut le
rompre sans respecter un préavis minimum. Cette exigence disparaît
en cas de situation irrémédiablement compromise ou en cas de
comportement grave répréhensible du débiteur. La
même exigence s'applique lorsque le crédit est à
durée déterminée et dans ce cas, le banquier doit
maintenir le crédit jusqu'au terme prévu.
La caution est en droit de se prévaloir de cette
faute. Le comportement du créancier professionnel a empêché
le débiteur de prolonger son existence et de trouver d'autres concours
financiers. En revanche, lorsque la caution est un dirigeant de la
société débitrice principale, le principal reproche qui
lui est fait, c'est d'avoir lui-même sollicité les crédits
abusifs, ou tout le moins de n'avoir pas contrôlé l'endettement du
débiteur principal, ce qui ôte à la faute du banquier son
caractère de cause déterminante du préjudice de la
caution.
Cependant, la Cour de cassation est hostile à
l'admission d'une action en responsabilité engagée par une
caution en même temps gérant de la société. Une
action ne peut être admise que dans des circonstances exceptionnelles.
Lorsque la responsabilité civile du banquier est mise
en jeu, c'est souvent dans le cadre d'une procédure collective. Alors,
l'initiative de l'action en responsabilité contre le banquier
relèvera du représentant des créanciers.
2°) En matière de procédure
collective
La rupture abusive provoque immédiatement la cessation
d'une activité rentable et l'ouverture d'une procédure collective
qui empêchent un redressement en cours ou en devenir. En privant le
débiteur principal de la possibilité de rembourser les
crédits cautionnés, le banquier ôte à la caution une
chance d'éviter le paiement de tout ou partie du passif garanti.
La caution qui se prévaut ainsi d'une faute commise
par le créancier à son égard doit rapporter la preuve du
préjudice subi et du lien de causalité.
II · Le préjudice subi par la caution et le
lien de causalité entre la faute et le préjudice
Une fois la faute et le préjudice établis, le
lien de causalité revient donc en ce que cette faute qui consiste
à prolonger artificiellement l'activité de l'entreprise est,
certainement, à l'origine du préjudice subi par l'ensemble des
créanciers.
Nous traiterons successivement le préjudice subi par
la caution (A) et le lien de causalité entre la faute et le
préjudice (B).
A°) Le préjudice subi par la caution
Conformément au droit commun de la
responsabilité civile, la charge de la preuve du préjudice
appartient à la caution (1). Mais en réalité, le
préjudice dont se prévaut la caution est un préjudice
discutable (2).
1°) La preuve du préjudice
Elle va surtout consister à démontrer la perte
d'une chance et, son évaluation relèvera de la compétence
des juges du fond.
a · La perte d'une chance
Le préjudice qu'invoque la caution
n'est pas le fait de devoir payer, qui est la conséquence de son
engagement ; mais la perte d'une chance « de ne pas
être inquiétée57(*) », de devoir payer moins ou d'exercer avec
succès un recours contre le débiteur ; ou, s'agissant du
devoir d'information, celle de limiter l'obligation de règlement par une
révocation, ou de prendre des mesures conservatoires. Par
conséquent, le préjudice et la réparation devraient
être plus ou moins étendus, suivant la probabilité de
réalisation de la chance perdue, mais jamais égaux à la
dette garantie.
S'agissant de la perte du droit préférentiel,
la jurisprudence exige que cette perte soit susceptible de causer à la
caution un préjudice, c'est-à-dire que le droit perdu ou non
constitué ait pu représenter pour elle un avantage effectif. La
preuve du préjudice devrait être à la charge de la caution.
En réalité, la disparition d'un droit constitue
un préjudice : c'est donc au créancier professionnel de
renverser cette présomption de fait en prouvant l'absence de
préjudice, c'est-à-dire l'inanité du droit perdu58(*).
b · L'évaluation du
préjudice
La jurisprudence de la Cour de cassation relative à
l'évaluation du préjudice a évolué. En effet, la
première chambre civile59(*) considère que le préjudice correspond
à l'excès et non plus la totalité de
l'engagement : « Le montant du préjudice subi par la
caution ne pouvait être équivalent à la totalité de
la dette mais seulement à la mesure excédant les biens que la
caution pouvait proposer en garantie. »
Pour évaluer le préjudice, la première
chambre civile se réfère à la disproportion. Donc, par le
mécanisme de la compensation, la caution va payer la différence
entre la disproportion et le préjudice. Cela est discutable car il ne
s'agit que de la perte d'une chance. Il ne s'agit pas d'une extinction directe
(différent de l'article 2037 du Code civil) qui peut être totale
ou partielle.
Aujourd'hui, n'importe quel comportement - ou presque - du
créancier professionnel constitue une faute. Mais où est le
préjudice ?
2°) Un préjudice discutable
Le préjudice consiste pour la caution, a-t-on
suggéré, « non pas à être
éventuellement actionné par le créancier, puisque tel est
le but de son engagement, mais à l'être dans une mesure
incompatible avec ses possibilités financières ; il ne
résulte pas de devoir payer, mais de devoir trop payer. » Si la
situation est préjudiciable à quelqu'un, c'est plutôt au
créancier qui découvrira, s'il ne le savait déjà,
qu'il a mal choisi la caution. Et que signifie
l'expression « devoir trop payer ? »
« Trop payer », c'est payer plus qu'il
n'est dû et non payer plus tard - à condition d'avoir
reconstitué son actif - ce que l'on n'a pu payer lors des
premières poursuites. Il suffit de relire l'article 2092 Code civil
lequel inscrit l'obligation dans la continuité : les biens à
venir répondront des dettes passées.
B°) Le lien de causalité entre la faute et le
préjudice
Il ne suffit pas à la caution de rapporter la preuve
de la faute commise par le créancier professionnel. Conformément
au droit commun de la responsabilité civile, il lui faut
également rapporter la preuve d'un préjudice et du lien de
causalité entre celui-ci et la faute. Dans leur appréciation,
les juridictions sont exigeantes. Très souvent en effet, il y a un
concours de fautes. Les dirigeants peuvent très bien avoir
été négligents60(*). La caution de son côté peut avoir
manqué à son obligation de se renseigner. Seul le
préjudice résultant directement de la faute commise par le
créancier doit être mis à la charge de ce dernier.
Un arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 18 Juillet
200061(*) donne un exemple
limpide de ce que peuvent être le préjudice et lien de
causalité.
Celle-ci affirme qu'en « soutenant que le
préjudice devait être limité à l'aggravation de
l'insuffisance d'actif née en raison de leur soutien fautif, les banques
méconnaissent le principe selon lequel le préjudice collectif des
créanciers est l'impossibilité de voir rembourser leurs
créances, ce qui est la conséquence directe de l'insuffisance
d'actif. »
La jurisprudence assimilait jusqu'à présent la
faute consistant à faire souscrire un engagement
disproportionné à un fait générateur de
responsabilité civile62(*). Non seulement ce fondement était discutable,
la faute étant antérieure à la conclusion du contrat, mais
il permettait parfois à la caution de « s'enrichir. »
Cette expansion est décidément regrettable. Afin de restaurer
l'efficacité de la sûreté et rétablir
l'équilibre contractuel, le législateur et les juges de la Cour
de cassation ont réduit considérablement le domaine de la faute
du créancier professionnel en matière de sûretés
à des cas résiduels et ont restreint par la même occasion
la possibilité offerte à la caution de mettre en oeuvre la
responsabilité civile du créancier professionnel.
Aussi par un revirement important, la Cour de cassation devait
limiter le jeu du principe de proportionnalité. Désormais, la
responsabilité du créancier ne peut plus être
recherchée que si la caution démontre « qu'il a eu sur
ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement
raisonnablement prévisibles en l'état du succès de
l'exploitation de la société, des informations qu'elles
même aurait ignorées. »
Octroyer un crédit est donc bien un acte
délicat et sensible. La loi et la jurisprudence ont, par des
mécanismes divers, posé des garde-fous à l'extension de la
responsabilité civile du banquier.
II°Partie
La responsabilité civile du créancier
professionnel en matière de sûretés, un principe en
recul
Par de nombreux subterfuges, le droit positif permettait aux
cautions de ne pas honorer leurs engagements vis-à-vis du fournisseur de
crédit. Cette protection excessive des cautions instaurait un
déséquilibre contractuel auquel il fallait y remédier.
Pour se délier de leurs obligations (faire droit
à la demande du créancier solvens), les cautions poursuivies
recouraient aussi bien aux règles de la responsabilité civile
qu'à des textes spéciaux (les lois du 31 Décembre 1989 et
du 01 Août 2003, article 2037 du Code civil).
Depuis 2002, la Cour de cassation, principalement la Chambre
commerciale a opéré un mouvement de reflux. Elle se montre
beaucoup plus exigeante que par le passé quant aux conditions qui
doivent être réunies pour que les emprunteurs et les cautions
puissent engager la responsabilité civile du créancier
professionnel. Souvent invoquée, la responsabilité du banquier
est aujourd'hui rarement admise. La caution doit démontrer que le
banquier aurait eu ou pu avoir sur son patrimoine, ses revenus et ses
facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en
l'état du succès escompté de l'opération
financée et entreprise par la société emprunteuse des
informations que par suite de circonstances exceptionnelles, la caution
ignoraient.
La responsabilité du banquier n'a pas disparu pour
autant. Elle ne l'est pratiquement qu'à l'égard des cautions
profanes ou lorsque les circonstances exceptionnelles sont réunies.
La décision de la Chambre commerciale du 08 Octobre
2002 constitue la première manifestation du recul de la
responsabilité civile du banquier.
La deuxième manifestation de ce recul est d'origine
législative. Alors que la loi du 01 Août 2003 renforce les droits
de la caution en lui permettant de se prévaloir de la disproportion de
la garantie, la loi du 26 Juillet 2005 vient limiter les possibilités
offertes à la caution en ce qui concerne la mise en jeu de la
responsabilité civile du banquier (section1).
La dernière manifestation de ce recul est relative
à l'assouplissement de la sanction (section 2). En effet, le choix de la
sanction responsabilité civile ou l'allocation de
dommages-intérêts paraît plus favorable et moins lourd de
conséquences pour le banquier.
Ces évolutions montrent la volonté et la
nécessité de laisser le contrat, régulièrement
formé, s'exécuter. Il y a aussi une tendance à
rétablir le déséquilibre contractuel persistant au
détriment de l'établissement de crédit créancier.
Section 1
La mise en oeuvre difficile de la responsabilité
civile du créancier professionnel
Lorsqu'elle est poursuivie par le banquier, la caution
pouvait ne pas s'exécuter en invoquant la faute de celui-ci. Depuis
2002, il devient de plus en plus difficile pour celle-ci d'échapper
à l'engagement qu'elle a souscrite. La décision Nahoum constitue
un obstacle (insurmontable) pour les cautions désireuses
d'échapper à leurs engagements.
Par ailleurs, l'un des apports majeurs de cette
décision est qu'elle rend difficile et restreint les conditions
d'engagement de la responsabilité civile du banquier (I).
La difficulté de la mise en jeu de la
responsabilité civile du banquier passe aussi par l'allègement de
l'obligation d'information qui pèse sur le banquier (II).
Déjà, dans la décision du 08 Octobre
2002, la Chambre commerciale précise que la preuve du manquement du
banquier à son obligation d'information pèse sur la caution et
non pas sur le banquier. Et, de manière générale, le
principe selon lequel l'obligation d'information pèse sur le banquier
connaît un certain nombre de tempéraments.
I · La restriction des conditions d'engagement de
la responsabilité civile du créancier
professionnel
La première restriction relative à l'extension
de la responsabilité civile du créancier professionnel
résulte de la décision du 08 Octobre 2002 (A) dans laquelle la
Chambre commerciale subordonne le droit d'agir en responsabilité contre
le fournisseur de crédit à des conditions très
strictes.
La deuxième restriction concerne la limitation du
domaine de la faute (B). En effet, l'analyse de la jurisprudence de la Cour de
cassation montre une volonté de restreindre le domaine de la faute par
une évaluation concrète de la situation patrimoniale de la
caution.
La troisième restriction est formulée par la
loi du 26 Juillet 2005 qui fixe de manière limitative les conditions de
mise en jeu de la responsabilité civile du créancier
professionnel(C).
A°) Les manifestations de la jurisprudence relative
à l'extension du principe de proportionnalité
Le principe jurisprudentiel de proportionnalité bien
établi en matière de cautionnement a, semble t-il,
vécu63(*). Tel est
le principal enseignement de cet important arrêt rendu par la Chambre
commerciale le 08 Octobre 2002.
Il convient de dégager la portée de cet abandon
de l'exigence de proportionnalité (1) en tenant notamment compte de la
qualité de la caution. Nous verrons que toute l'évolution
jurisprudentielle antérieure a été successivement remise
en cause (2) par les lois du 01 Août 2003 et du 26 Juillet 2005 qui
n'accordent de protections qu'aux seules cautions personnes physiques. A la
lecture de la décision du 08 Octobre 2002, on constate que la preuve de
l'existence d'une disproportion manifeste pèse sur la caution (3).
1°) Le domaine d'application du principe de
proportionnalité
Par la décision en date du 08 Octobre 2002, la Chambre
commerciale64(*) vient de
mettre fin à sa jurisprudence reconnaissant aux cautions
professionnelles le droit d'engager la responsabilité de la banque en
cas du non-respect du principe de proportionnalité.
Deux hypothèses ne suscitent pas de
difficultés :
a · La situation du dirigeant
caution
La caractéristique commune des cautions
intégrées est de connaître ou de pouvoir connaître
l'évolution de la situation du débiteur principal et de pouvoir
l'infléchir de telle sorte que leur propre intérêt soit
sauvegardé. C'est ce que démontrent les circonstances de fait de
la présente décision. La caution est réputée, par
principe, avoir un degré de connaissance et de compétences
identiques à celui du banquier prêteur. Cette décision est
à mettre en parallèle avec une autre décision de la
chambre commerciale du 26 Mars 2002, qui a considéré qu'un
banquier dispensateur de crédit n'engageait pas sa responsabilité
pour fourniture de crédit excessif, dès lors qu'il ne disposait
pas d'informations ignorées par l'emprunteur65(*). La Chambre commerciale
confirme par ces décisions sa jurisprudence visant à
écarter la responsabilité de la banque créancière
lorsque les emprunteurs contractent à titre professionnel, quelle que
puisse être leur expérience ou inexpérience dans les
affaires.
A l'inverse, les cautions personnes physiques garantissant un
crédit à la consommation au sens du Code de la consommation
pourront invoquer le caractère excessif de leur engagement, si les
conditions de l'article L. 313-10 du Code de la consommation sont
réunies.
b · La spécificité des
cautionnements authentiques
En cas de cautionnement authentique, le devoir de conseil du
notaire lui imposera toujours d'attirer l'attention de la caution sur le
caractère excessif de son engagement, même si elle a un
degré suffisant de compétence66(*).
La décision du 08 Octobre 2002 apparaît donc
comme un frein à l'extension de l'exigence de proportionnalité
existant dans le droit des contrats. Cette décision mérite une
totale approbation car elle effectue, après une période de
protection excessive des garants, un rééquilibrage
nécessaire dans le droit du cautionnement entre la protection de la
caution et l'efficacité de la sûreté tout en limitant les
hypothèses où la caution peut agir en responsabilité
contre le créancier. Cette décision marque la volonté de
la Cour de cassation de responsabiliser les emprunteurs à titre
professionnel et les cautions dirigeantes qui doivent être conscientes
des conséquences de certains de leurs engagements.
Même si ceux-ci risquent de les conduire à la
ruine, ils ne pourront plus faire supporter une partie de leurs dettes au
créancier professionnel qui a octroyé le crédit non
remboursé. Quelles qu'en soient les conséquences, l'engagement
souscrit par le débiteur principal ou par le débiteur accessoire
qu'est la caution, devra être exécuté. Il n'est plus
question de réduire des engagements excessifs à un montant
jugé raisonnable par une utilisation des règles de la
responsabilité civile qui ne se justifiaient ni juridiquement, ni
pratiquement. Le principe de proportionnalité n'est donc sans doute pas
totalement abandonné. Seul son champ d'application se trouve notamment
réduit par l'arrêt Nahoum.
Par les lois du 01 Août 2003 et du 26 Juillet 2005, le
législateur est venu remettre en cause toute l'évolution
jurisprudentielle antérieure.
2°) La remise en cause du principe de
proportionnalité
Avant l'entrée en vigueur des lois du 01 Août
2003 et du 26 Juillet 2005, la Chambre commerciale se référait
plutôt à la qualité de la caution pour apprécier la
disproportion des engagements souscrits.
a · Le principe de proportionnalité
au regard de la qualité de la caution
En matière de proportionnalité, la Chambre
commerciale fait une distinction entre la caution non dirigeante et la caution
dirigeante.
Pour la Chambre commerciale, le principe de
proportionnalité s'applique pleinement à la première mais
pour la caution dirigeante, ce principe est réduit à un simple
devoir d'information lorsque l'opération va être
désastreuse. Or, il est rare qu'un dirigeant, qui participe au processus
décisionnel, ne puisse pas apprécier les chances de
réussite de l'opération garantie. En revanche, les cautions non
dirigeantes sont extérieures au processus de décision, et n'ont
donc pas les moyens d'en apprécier les chances de réussite. Elles
doivent alors être protégées contre les engagements
disproportionnés.
Par ailleurs, la question de l'appréciation de
l'excès dans les engagements n'a pas été, à ce
jour, résolue. Pour cela, il semble qu'il faut tenir compte de
l'ensemble des éléments constituant le patrimoine de la caution,
même des sûretés ayant pour l'objet de garantir le paiement
de la dette pour laquelle le cautionnement a été consenti.
Dans son célèbre arrêt Macron du 17 Juin
1997, la Chambre commerciale permettait aux cautions, mêmes dirigeants
sociaux, d'invoquer l'exigence de proportionnalité entre leurs
engagements et leurs capacités financières. Dans cette
décision, la Chambre commerciale avait pris en considération non
pas la qualité de la caution (Macron était à la fois
gérant et avaliste), mais le montant excessif par rapport aux ressources
de l'intéressé, un dirigeant qui avait garanti sa
société. Elle n'était cependant pas allée
jusqu'à en faire une cause directe de nullité ou
d'inefficacité, elle a jugé que le banquier qui se faisait
consentir un tel cautionnement commettait une faute.
En revanche, dans la décision du 08 Octobre 2002, la
Chambre commerciale semble avoir admis que le seul caractère excessif de
l'engagement ne suffit pas à engager la responsabilité du
créancier et qu'il fallait se placer sur le terrain de l'obligation
d'information. Il y aurait donc lieu à établir l'existence d'un
dol par réticence portant notamment sur la solvabilité du
débiteur principal.
Devant la Chambre commerciale, il devient ainsi clair que les
cautions qu'elles soient ou non dirigeantes n'ont plus guère de
possibilités de mettre en jeu la responsabilité du
créancier. Seules des circonstances exceptionnelles autorisent une telle
action. Mais il sera rare que l'établissement de crédit dispose
d'informations ignorées de l'emprunteur.
Cette distinction (caution profane caution
intégrée) est à nuancer au regard de la position de la
première chambre civile qui applique la solution dégagée
par la décision Macron à toutes les cautions.
b · Un principe mis à mal par la loi
du 01 Août 2003
Dans les 5 nouveaux articles67(*) du Code de la consommation issus de la loi du 01
Août 2003, il est fait référence à « la
personne physique » qui se porte caution. Ces articles ne distinguent
pas en fonction de la qualité de la caution. Finalement, il
importe peu que celle-ci soit ou non caution profane ou caution
intégrée. Or, en protégeant indifféremment les
cautions personnes physiques sans se préoccuper de leurs
compétences, la loi du 01 Août 2003 bénéficiera
immanquablement à des cautions averties à la bonne foi douteuse.
L'article L. 341-4 du Code de la consommation issu de la loi du 01Août
2003 apparaît comme la consécration législative de
l'arrêt Macron et la condamnation de l'arrêt Nahoum puisqu'il
permet à la caution personne physique d'obtenir la décharge de
son engagement. Aucune distinction n'est donc faite entre les dirigeants
sociaux et les autres cautions, l'ensemble de ces cautions pouvant se
prévaloir de ce texte. Ce nouveau texte comporte toutefois une limite
puisqu'il n'est opposable qu'aux créanciers professionnels.
S'il est évident que les établissements de
crédit sont des créanciers professionnels, ce texte peut-il
être opposé à d'autres créanciers que des
établissements de crédit ?
Dans un arrêt du 10 Mai 2005, la Cour de cassation
apporte une réponse en considérant qu'une SCI
(Société Civile Immobilière), qualifiée de vendeur
professionnel, est un créancier professionnel. Cet arrêt signifie
donc que la notion de créancier professionnel ne se limite pas aux seuls
établissements de crédit et pourrait être étendue
à bien d'autres créanciers conduits à se faire consentir
des cautionnements dans le cadre de leur activité professionnelle :
vendeurs professionnels faisant crédit à leur acheteur,
entreprises exigeant du dirigeant de leur cocontractant de cautionner la bonne
exécution des conventions conclues.
Malgré son insertion dans le Code de la consommation,
il faut souligner que la loi du 01 Août 2003 veut favoriser la
création d'entreprises et surtout protéger les créateurs
d'entreprises des abus supposés des établissements de
crédit, ce qui incite à se prononcer en faveur de l'application
des dispositions nouvelles aux dirigeants sociaux.
c · Un principe réservé aux
seules cautions personnes physiques
Les lois du 29 Juillet 1998 et du 01 Août 2003 ne
dispensent leur protection qu'aux seules cautions personnes physiques, à
l'exclusion des cautions personnes morales.
Dans le même esprit, la loi du 26 Juillet 2005 limite ,
dans certains cas, cette protection aux seules cautions personnes physiques
n'intervenant pas à titre professionnel, en excluant notamment les
dirigeants ayant accordé un cautionnement dans l'exercice de leurs
fonctions. En outre, il préconise la consécration
législative de l'exigence de proportionnalité du cautionnement,
mais dans le cas seulement où la caution est une personne physique
agissant à titre non professionnel.
3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion
manifeste
La Cour de cassation, du moins l'interprétation de
l'arrêt du 08 Octobre 2002 a contrario, ne dénie pas aux cautions
dirigeants de sociétés le droit d'agir en responsabilité
contre le créancier professionnel. Elle subordonne cette action à
des conditions très strictes, ce qui aura pour conséquence de
rendre son exercice exceptionnel, alors que le principe de
proportionnalité était de plus en plus invoqué par les
cautions actionnées par les établissements de crédit.
Cette décision du 08 Octobre 2002 impose aux cautions qui souhaiteraient
engager la responsabilité du créancier professionnel des preuves
particulièrement difficiles à rapporter, ne serait-ce qu'en
raison de leur caractère parfois négatif :
elles doivent démontrer la connaissance, par les
établissements de crédit prêteurs, de leur situation
patrimoniale et les facultés de remboursement raisonnablement
prévisibles en l'état du succès escompté de
l'opération entreprise par l'emprunteur. L'un des éléments
de la démonstration est relatif à la caution et l'autre au
crédit octroyé.
Les cautions sont tenues de démontrer que
l'établissement de crédit créancier
bénéficiait, sur leur situation patrimoniale, d'informations
qu'elles même ignoraient. La charge de la preuve pèse
désormais sur elles. Cette preuve se dédouble :
négativement, elles devront démontrer leur
ignorance d'un fait et, positivement, la connaissance de ce fait par autrui.
Pratiquement, une telle preuve sera quasiment impossible à rapporter. Il
faut également que les banques détiennent des informations non
connues des cautions sur leurs facultés de remboursement raisonnablement
prévisibles , en l'état du succès escompté de
l'opération entreprise par le débiteur principal.
La notion de succès prévisible d'une
opération de crédit est difficile à cerner, ne serait-ce
que parce que les circonstances économiques et la situation
financière de l'entreprise sont susceptibles de beaucoup évoluer
entre la période précontractuelle, la signature de la convention
de crédit et la fin de son exécution. Là encore, une
double démonstration de la part de la caution sera nécessaire,
son ignorance, par elle-même, et sa connaissance par le banquier.
Désormais, les cautions dirigeantes auront maintenant
beaucoup plus de mal à se dégager de leurs engagements, à
partir du moment où le contrat de cautionnement aura été
régulièrement formé. La Cour de cassation calque une
nouvelle fois la situation des garants sur celle des débiteurs
principaux, lorsque ces derniers bénéficient d'un crédit,
dans le sens de leur responsabilisation. Ils sont tenus de respecter leurs
engagements. Le cautionnement y regagne en cohérence, car il permet
à nouveau de préserver les intérêts du
bénéficiaire de la caution.
Dans l'ensemble des arrêts68(*) qui leur ont
succédé et qui ont refusé de faire application du principe
de proportionnalité, la Cour de cassation a toujours relevé la
qualité de dirigeant de la caution comme dans l'arrêt Nahoum
lui-même. Ainsi, il a été jugé que la
responsabilité de la banque pour octroi abusif de crédit ne
pouvait être engagée que si elle disposait d'informations que les
cautions, en dépit de leur qualité, ignoraient.
Tandis que la Chambre commerciale mettait la dernière
main à l'élaboration d'une jurisprudence nuancée, la loi
du 01 Août 2003 est venue remettre en cause toute l'évolution
jurisprudentielle antérieure.
En effet, la loi du 01 Août 2003 (article L. 341-4 du
Code de la consommation) précise que les droits du créancier
professionnel ne seront restaurés que s'il démontre que le
patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation
malgré la disproportion initiale de l'engagement. Cette
« exception de proportionnalité » confine ou
paradoxe : non seulement le créancier professionnel n'est pas le
mieux placé pour apporter pareille preuve, mais cette
démonstration suppose virtuellement la réussite de
l'opération garantie et l'inutilité du recours !
Cependant, les juges sont très réticents
à appliquer la loi du 01 Août 2003 aux instances en cours avant le
07 Août 2003, date d'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, dans un
arrêt du 22 Octobre 2004, la Cour d'appel de Paris a affirmé son
refus de reconnaître à cette loi un effet rétroactif et de
ce fait, a fait application de la jurisprudence Nahoum.
B°) Le recul du domaine de la faute du
créancier professionnel
Les juridictions admettent aujourd'hui, moins qu'auparavant,
les recours intempestifs formés par la caution contre les
établissements de crédit. Cette limitation s'inscrit dans un
mouvement de responsabilisation des emprunteurs d'une part et, d'incitation des
banques à consentir les crédits et à encourager
l'investissement, d'autre part. Dès lors, il apparaissait donc
nécessaire de créer des conditions propices, de prendre des
mesures moins rigides permettant aux établissements de crédit
d'apporter leur soutien aux emprunteurs. L'acte ou le comportement qui
était constitutif de faute l'est moins aujourd'hui.
a · La survie des créances non
déclarées
La première manifestation de ce recul est d'origine
législative et concerne principalement le nouvel article L. 622-26 du
Code de commerce issu de la loi du 26 Juillet 2005 qui reprend en substance les
dispositions de l'article L. 621-46 relatives au défaut de
déclaration de créances. Le droit des procédures
collectives reste le test par excellence de l'efficacité des
sûretés. La disparition de la malencontreuse extinction des
créances non déclarées va fortement contribuer à
restaurer l'efficacité du cautionnement.
En effet, aux termes de l'article L. 621-46 du Code de
commerce, « les créances qui n'ont pas été
déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé
de forclusion sont éteintes. » L'article L. 621-46 instaurait
une cause d'extinction des créances et déchargeait
automatiquement les cautions. La faute du créancier professionnel
consistait alors en une négligence, à un manque de
vigilance : le défaut de déclaration des créances
emporte extinction et libère, par conséquent, les cautions.
Désormais, le nouvel article L. 622-26 du Code de commerce, issu de la
loi du 26 Juillet 2005 ne comporte plus la disposition selon laquelle
« les créances qui n'ont pas été
déclarées et non pas donné lieu à relevé de
forclusion sont éteintes. »
Se posera nécessairement la question de savoir si le
créancier professionnel, bénéficiaire du cautionnement,
peut dorénavant s'abstenir impunément de déclarer sa
créance. Une réponse négative s'impose, dès lors
qu'il cause ainsi un préjudice à la caution, privée de la
possibilité d'être subrogée dans les droits du
créancier professionnel contre le débiteur défaillant. Si
la créance était privilégiée, la règle de
l'article 2037 du Code civil s'appliquera avec certitude et permettra à
la caution d'être déchargée dans la mesure du
préjudice subi, c'est-à-dire du dividende que le fournisseur de
crédit aurait perçu s'il avait déclaré sa
créance. La solution est à première vue plus incertaine
dans le cas d'une créance chirographaire dans la mesure où le
droit perdu peut difficilement, dans cette hypothèse, être
qualifié de droit préférentiel. Il est
généralement admis que la perte ou la diminution du droit de gage
général ne permet pas à la caution de se prévaloir
du dispositif de l'article 2037 du Code civil.
La deuxième manifestation de ce recul est relative
à une appréciation circonstanciée de la situation
patrimoniale des associés cautions.
b · L'évaluation concrète de
la situation patrimoniale de la caution
En effet, pour faire droit à la demande des cautions
se plaignant de la disproportion de leurs engagements, la Cour d'appel69(*) fait une appréciation
concrète de la situation patrimoniale des débiteurs en prenant
compte notamment leurs revenus, leurs obligations personnelles importantes en
égard à leurs charges de familles. A contrario, la Chambre
commerciale70(*) rejette
le recours d'une caution dans la mesure ou « son engagement
n'était pas manifestement disproportionné à sa situation
de célibataire et disposant d'un revenu mensuel suffisant pour honorer
son engagement de caution. »
Enfin, selon la Chambre commerciale, « La
circonstance que le crédit de trésorerie ait été
accordé à une entreprise n'est pas de nature à lui seul
à caractériser un comportement fautif de la banque71(*). » En d'autres termes,
pour caractériser la faute du créancier professionnel, il faut un
ensemble de faits fautifs, sauf si le droit perdu par le créancier est
un droit préférentiel ou une créance
privilégiée.
Cependant, la faute du créancier professionnel en
matière de sûretés n'a pas disparu pour autant. La loi du
26 Juillet 2005 définit de manière limitative les cas où
la faute de celui-ci peut-être encore retenue.
C°) La mise en jeu limitée de la
responsabilité civile du créancier professionnel
Cette limitation est le fruit de la loi du 26 Juillet 2005.
Après la loi du 01 Août 2003, c'est le nouvel article L.
650-172(*) du Code de
commerce (issu de la loi du 26 Juillet 2005) qui fixe les nouveaux principes.
Désormais, le fournisseur de crédit n'est plus à la merci
de la caution. IL fait l'objet de protections particulières auxquelles
la caution ne peut pas déroger.
De cette nouvelle disposition, se déduit un principe
d'irresponsabilité (1) du créancier professionnel. Pour autant,
la responsabilité de l'établissement de crédit n'est pas
totale. Les cas de responsabilité sont expressément prévus
par le texte (2).
1°) L'irresponsabilité de principe du
créancier professionnel
Désormais, tout créancier professionnel qui
octroie des concours à une entreprise par une procédure de
prévention ou de règlement de ces difficultés n'encourt
aucune responsabilité pour les concours consentis. Le principe se veut
général puisqu'il s'applique à tout créancier,
à tout crédit, et qu'il exonère de toute
responsabilité qu'elle soit civile ou pénale.
Cependant, l'irresponsabilité retenue connaît
des limites. En effet, l'article L. 650-1 du Code de commerce prévoit
trois exceptions pour engager la responsabilité civile du banquier pour
soutien abusif.
2°) Les cas d'engagement de la
responsabilité civile du créancier du fait des concours
consentis
Ces cas sont principalement au nombre de
trois :
a · La fraude
La fraude évoque des comportements
relevant du droit pénal ; il s'agit de consentir des crédits
ou des avances au débiteur dans un but autre que celui de maintenir
l'activité.
Il peut s'agir également de l'octroi de
« crédits noirs », c'est-à-dire par exemple
l'escompte d'effets de commerces de complaisance ou la double mobilisation de
crédits qui permet à l'entreprise de se procurer un crédit
artificiel.
En réalité, cette réserve n'apporte rien
dans la mesure ou d'office le juge peut toujours relever la fraude.
b · L'immixtion caractérisée
du créancier professionnel
C'est principalement la gestion de fait. Cette gestion
suppose, notamment, que la banque contrôle le remboursement du
crédit qu'elle a consenti en s'immisçant dans la gestion de la
société emprunteuse. Si l'exception se résumait à
ce cas de figure, elle demeurerait exceptionnelle dans la mesure où la
jurisprudence retient une conception stricte de la gestion de fait. Mais
l'immixtion, même caractérisée ne saurait se résumer
à la direction de fait. Le texte peut se prêter à diverses
interprétations. Le pouvoir du juge peut s'avérer important dans
l'appréciation de l'immixtion. Pour pouvoir retenir la
responsabilité de la banque, il n'est pas en effet exclu que certains
juges du fond adoptent une conception large de cette notion.
Les deux premiers cas visés par le législateur
ne sont pas une nouveauté en droit français ; la fraude et
la gestion de fait des banques donnent droit à réparation
dès lors qu'elles sont constitutives d'un préjudice, lequel
résulte de l'accroissement du passif par la prolongation artificielle de
l'activité du débiteur, et en conséquence, de l'ouverture
tardive de la procédure collective.
C'est cependant le troisième tempérament qui
constitue la menace la plus sérieuse pour les établissements de
crédit.
c · La disproportion des garanties
La prise de garanties excessives comme cause de
responsabilité est une consécration nouvelle qui laisse
présager des débats doctrinaux et une jurisprudence abondante
dans la mesure où l'appréciation du caractère excessif des
garanties varie selon la date prise en considération (date de la prise
des sûretés ou date de leur réalisation).
La lecture des travaux parlementaires montre que dans l'esprit
du législateur, le texte ne vise qu'à sanctionner les
créanciers professionnels qui ont des pratiques inhabituelles en la
matière. Une arme redoutable est ainsi entre les mains du juge. Il
s'agit aussi d'une menace à la portée imprévisible car
l'appréciation de la disproportion - qui n'a pas à être
manifeste - s'avérera souvent un exercice délicat. Le pouvoir
conféré au juge du fond laisse augurer de fortes
disparités d'appréciation.
Parce que la caution n'est pas débitrice d'une dette
qui lui est personnelle, elle n'est pas en relation économique avec le
créancier professionnel. Elle ne peut ni connaître le risque
garanti ni suivre l'évolution de l'opération garantie aussi
utilement qu'elle pourrait le faire si elle participait activement à
l'opération. C'est donc à ce titre que les tribunaux, puis la
loi, ont imposé au banquier une obligation d'information dont
l'évolution varie en fonction des parties en cause.
II · L'allègement de l'obligation
d'information
Pendant fort longtemps, l'information de la caution n'a tenu
qu'une place bien modeste au sein du droit du cautionnement qui se
résumait, pour l'essentiel, à la prise en compte d'un
éventuel dol commis par le fournisseur de crédit. L'obligation
d'information du créancier a connu un développement
considérable qui se traduit, aujourd'hui par un foisonnement des textes
qui est caractéristique d'un engouement législatif récent.
Mais, en l'occurrence, l'engouement n'est pas seulement législatif mais
aussi jurisprudentiel. S'agissant de la mise en oeuvre de l'obligation
d'information de la caution, la jurisprudence a fait preuve de tout le
réalisme nécessaire à une application du droit des
sûretés qui soit respectueuse à la fois des
nécessités économiques et de la sécurité de
crédit et qu'en ce domaine, elle a souvent adopté des solutions
de nature à renforcer la sécurité offerte au
créancier professionnel par l'existence du cautionnement.
la jurisprudence s'est montrée, également,
particulièrement soucieuse de la protection de la caution et que,
sensible à la disparité existant entre une caution ne disposant
parfois que d'une information très limitée et un fournisseur de
crédit qui, au contraire, est le plus souvent en situation d'exiger la
fourniture de tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin, elle a eu
le souci de rééquilibrer leur relation en développant
l'obligation d'information mise à la charge de ce dernier. Ce
développement n'est pas seulement double dans ses sources, à la
fois législatives et jurisprudentielles. Il est, également,
double dans ses manifestations puisqu'il s'est traduit, d'une part, par une
augmentation du domaine d'application des obligations d'information du
fournisseur de crédit et, d'autre part, dans certains cas, par un
changement de nature juridique de l'obligation d'information impliquant, de la
part du créancier, une vigilance renforcée.
En matière de sûretés, une double
obligation pesait sur le créancier professionnel: d'une part, il est
tenu de veiller à la proportionnalité de l'engagement de la
caution. D'autre part, il est tenu de donner à la caution des
informations claires sur la nature et les risques de l'opération. Cette
double obligation n'a pas totalement disparu, elle a été
allégée dès la jurisprudence Nahoum.
En effet, depuis 2002, l'analyse du droit positif en
matière de sûretés montre que c'est sur le terrain de
l'obligation d'information que la question doit être
réglée : la faute consiste pour la caution à prouver
que le fournisseur de crédit aurait retenu des informations vitales pour
la réussite de l'opération et qui ne lui auraient pas
été communiquées. Il y a indéniablement un
assouplissement de la preuve de cette obligation d'information, elle ne
pèse pas seulement sur le créancier professionnel. Cependant, il
reste de principe que le créancier professionnel reste débiteur
de cette obligation envers la caution profane (A). Ce principe s'accompagne,
cependant, d'un tempérament (B).
A°) Le principe : Le créancier
professionnel, débiteur de l'obligation d'information
C'est la loi bancaire du 01 Mars 1984 et plus
particulièrement son article 48 qui a pour la première fois mis
à la charge de certains créanciers une obligation d'information
des cautions. L'innovation était importante car jusqu'alors il
était admis que la caution avait l'obligation de se renseigner sur la
portée de son engagement. Ce principe demeure bien aujourd'hui, mais il
faut reconnaître que des tempéraments de plus en plus nombreux y
sont apportés. Tous les créanciers sont actuellement pratiquement
soumis à une obligation d'information, de renseignement ou de
conseil.
La mise à la charge des créanciers d'une
obligation d'information s'opère cependant dans le plus grand
désordre. Il existe au moins huit dispositions figurant dans trois codes
différents qui consacrent des obligations d'information. Des
dispositions font parfaitement doublon. Loin d'unifier et de simplifier la
matière, la loi du 01 Août 2003 n'a fait qu'ajouter à la
confusion. Elle énonce un principe qui se veut général
mais l'article L. 341-673(*) du Code de la consommation ne remplace aucune
disposition antérieure. Il apparaît que l'information peut
être double. D'une part, il existe des informations annuelles qui sont
dues automatiquement. D'autre part, il existe des informations seulement dues
en cas d'incidents de paiements affectant le débiteur principal.
L'article 48 devenu l'article L. 313-22 du Code
monétaire et financier confère une portée limitée
à l'obligation d'information imposée aux créanciers.
Cependant, la jurisprudence et le législateur ont par la suite
contribué à faire de cette obligation d'information l'un des
mécanismes fondamentaux de protection des cautions74(*).
La loi du 29 Juillet 1998 est de ce point de vue
particulièrement significative75(*). Les cautions d'entreprise ou de consommateurs
doivent aujourd'hui être informées. Il faut cependant regretter
qu'aucun principe général n'ait été formulé.
Toutes les obligations mises à la charge des créanciers se
distinguent par leur domaine, leur contenu et leur sanction. Le droit du
cautionnement perd donc de plus en plus de sa cohérence.
Au-delà de la confusion et de la juxtaposition des
textes, il reste que le fournisseur de crédit est débiteur de
cette obligation. Ce principe est particulièrement vrai à
l'égard des cautions profanes (1) et il appartient au créancier
professionnel de prouver qu'il a rempli cette obligation. La jurisprudence
offre, cependant, au banquier un assouplissement des moyens de preuves (2)
dans la mise en oeuvre de cette obligation d'information.
1°) A l'égard de la caution profane
Ces cautions sont profanes au sens de non professionnelles.
Elles ignorent les subtilités de l'activité et font l'objet
d'une protection accrue par les juridictions.
En revanche, le banquier est un professionnel. Par
conséquent, il doit apporter à la caution profane toutes les
informations relatives au contrat de cautionnement.
Dans cette optique, la responsabilité de la banque sera
engagée pour non information d'une situation grave de l'entreprise, la
disproportion du crédit ou la disproportion de l'engagement de caution
eu égard à ses propres facultés de remboursements.
La première chambre civile76(*) dans un arrêt en date
du 12 Juillet 2005 a validé la solution des juges du fond ayant retenu
que « la banque avait méconnu ses obligations à
l'égard d'emprunteurs profanes en ne vérifiant pas leur
capacité financière et en leur accordant un prêt excessif
au regard de leurs facultés contributives, manquant ainsi à son
devoir de mise en garde. » La Cour de cassation a souligné le
caractère profane des emprunteurs, de sorte que la solution eut
été différente si ces derniers étaient au contraire
avisés. C'est donc la qualité de l'emprunteur (profane ou averti)
qui dicte l'intensité de l'obligation de conseil mise à la charge
du créancier professionnel.
En cas de contestation, la caution doit démontrer
qu'elle remplit les conditions pour avoir droit à l'information. Mais,
c'est le créancier professionnel qui a la charge de prouver qu'il a bien
exécuté son obligation.
L'information est, cependant, un fait juridique dont la
preuve peut se faire par tout moyen.
2°) L'assouplissement des moyens de preuve
C'est une faveur qui est faite au créancier
professionnel.
En effet, La cour d'appel laisse libre choix au
créancier professionnel des moyens de prouver que celui-ci a accompli
son obligation d'informer la caution. Ainsi, le créancier professionnel
peut recourir à tout (indices, témoignages, lettres simples) pour
justifier sa bonne foi.
Par faveur pour les établissements de crédit,
la Cour de cassation devait cependant énoncer dans un arrêt de
principe, « qu'il n'appartient pas à
l'établissement de crédit de prouver que la caution a
effectivement reçu les informations envoyées77(*). »
La portée de cette décision est cependant
controversée. Il incombe au créancier professionnel de
démontrer, par exemple grâce à la production d'un listing,
que l'envoi de la lettre à la caution est vraisemblable. Par ailleurs,
il appartient à la caution prétendant ne pas avoir
été informée de rapporter la preuve contraire. Les
juridictions du fond sont ainsi invitées à indiquer les
présomptions permettant de douter de l'envoi de la lettre
d'information78(*).
Lorsque les parties respectives au contrat sont toutes des
professionnelles, alors le créancier professionnel
bénéficie d'une exemption de l'obligation d'information.
B°) Le tempérament : la dispense de
l'obligation d'information
Les tribunaux ne font pas de distinction entre caution
avertie, caution intégrée et caution initiée. Elles ont
toute le même degré de connaissance et de compétences.
Elles sont des professionnelles.
Il conviendra cependant de distinguer la caution dirigeante
de fait (1) de la caution dirigeante de droit (2). La caution qui se
prévaut d'un préjudice particulier doit apporter la preuve de la
réalité de celui-ci (3).
1°) A l'égard de la caution dirigeante
de fait
La caution dirigeante de fait est celle qui n'a pas la
qualité et la compétence concernant la gestion de l'entreprise.
C'est aussi celle qui s'immisce dans la gestion de l'entreprise. A
l'égard de cette caution, il ne pèse sur le créancier
professionnel aucune obligation d'information. Elle est présumée
avoir une connaissance parfaite de la situation économique et
financière de l'entreprise.
2°) Envers la caution dirigeante de droit
La caution dirigeante de droit va être celle qui a la
qualité de dirigeant conformément aux statuts de
l'entreprise : c'est le dirigeant.
La Cour de cassation considère qu'elle dispose autant
d'informations que le banquier sur la nature de l'opération. Les
demandes respectives de ces dirigeants ne sont pas pour autant irrecevables,
mais elles revêtent un caractère de présomption de
co-responsabilité exonérant totalement ou partiellement la
banque79(*).
Pour l'immense majorité des entreprises moyennes ou
petites, le cautionnement du dirigeant ou du principal associé est le
seul moyen de se procurer le crédit indispensable à leur
fonctionnement. La Cour de Cassation considère qu'il est mal
fondé à se retourner contre la banque alors qu'il est
présumé avoir une parfaite connaissance de la situation de
l'entreprise et qu'il a profité du financement à titre
patrimonial.
Ici, les fautes de la banque en matière de conseil, de
manque de prudence ne suffisent pas.
Seuls des cas très exceptionnels peuvent
entraîner une condamnation de la banque tels que les informations
ignorées du dirigeant sur la situation irrémédiablement
compromise de ses clients, l'impossibilité de rembourser selon un
prévisionnel erroné particulièrement pour un dirigeant non
expérimenté, il en est de même en cas d'immixtion de la
banque dans la gestion, où la mauvaise foi de la banque dans les
modalités de mise en place du crédit.
Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il peut aussi être
fait état de circonstances particulières : soit concernant
la faiblesse de la caution (âge et maladie), soit la réticence
dolosive, et qu'une démonstration sur le montant excessif du
crédit démontrerait que l'absence de connaissances
financières du dirigeant apparaît d'autant plus excusable qu'il
est évident qu'il ne peut pas être d'un niveau égal au
banquier dans son domaine d'expertise.
S'agissant de son caractère profane pour une nouvelle
activité (ni spécialiste de la finance, ni issu de la branche
d'activité), le dirigeant peut voir sa demande prospérer.
Pour un ancien dirigeant, il conviendra de prouver que c'est
l'attitude de la banque qui a aggravé sa situation80(*). De plus, il est
évident que les demandes même reconventionnelles associant les
mandataires de justice ont plus de chance de prospérer que celles des
garants isolés ! Surtout, après liquidation de biens, le
mandataire peut seul introduire une action pour soutien abusif, gestion de
fait. Pour la caution dirigeante qui a déclaré sa créance,
elle fait partie de l'augmentation de passif et la banque qui serait
condamnée devrait l'indemniser par compensation.
Il paraît difficile d'exiger de tout dirigeant qu'il
dispose des capacités d'analyse financières égales
à celles d'un banquier. Il y a un déséquilibre entre le
banquier et l'emprunteur quant à l'accès à l'information.
Le fournisseur de crédit doit contrôler les ratios d'endettement
tels que l'endettement total bancaire et les fonds propres, le financement
à court terme des comptes clients. D'autant qu'il apparaît que de
par sa formation et son expérience professionnelle, le dirigeant d'une
petite et moyenne entreprise (PME) apparaît souvent profane sur un plan
financier.
3°) La preuve de l'existence d'un
préjudice particulier
Il conviendra d'abord de définir la notion de
préjudice particulier avant de préciser son régime
probatoire.
a · La définition du préjudice
particulier
C'est principalement la perte par la caution d'une chance de
répondre d'une dette moindre en révoquant suffisamment tôt
son engagement. Chance qu'elle a perdue par la faute de la banque qui ne
lui a pas rappelé son droit de révocation.
b · La preuve du préjudice
particulier
Elle pèse sur la caution. En effet, dans l'arrêt
en date du 04 février 2003, la première chambre civile81(*) relève que la
caution « ne justifiait pas d'une telle faute ayant
causé un préjudice autre ou plus important. »
Le recul de la responsabilité civile du banquier se
manifeste dans tous les domaines du droit du crédit, même dans le
domaine des sanctions.
Section 2
L'assouplissement des sanctions du comportement fautif
du créancier professionnel en droit du crédit
Comment peut-on envisager une action du
crédité lui-même contre le banquier sachant que c'est lui
qui a demandé le crédit, qui a en quelque sorte causé sa
propre ruine ?
En cette matière, un arrêt est à citer, il
s'agit de l'arrêt Macron aux termes duquel commet une faute le banquier
qui reçoit un engagement hors de proportion avec les revenus et
patrimoines de la caution. La Chambre commerciale, jugeant la disproportion
manifeste, constatait que le créancier avait violé son devoir de
loyauté pour avoir accepté un tel cautionnement et accordait en
conséquence des dommages-intérêts d'un montant
équivalent à la somme réclamée par le
créancier.
Par décision du 09 Juillet 2003, la première
chambre civile, sur le visa de l'article 1382 du Code civil, estime que le
montant du préjudice subi par la caution ne pouvait être
équivalent à la totalité de la dette mais seulement
« à la mesure excédant les biens que la caution pouvait
proposer en garantie. »
Contrairement à plusieurs arrêts de la Chambre
commerciale visant les articles 1134 et 1147 du Code civil, la première
chambre civile rend sa décision sur le visa de l'article 1382 du
même code. Il y a donc encore des incertitudes concernant le fondement de
la responsabilité civile du banquier (I).
Par ailleurs, l'analyse du droit positif montre une tendance
à un léger assouplissement des sanctions encourues par le
créancier professionnel (II) : les juridictions se montrent moins
sévères qu'autrefois à l'égard du créancier
professionnel quant à la sanction du cautionnement excessif.
I · Les incertitudes relatives au fondement de la
responsabilité civile du créancier
professionnel
En dépit du caractère unilatéral de
l'engagement que prend la caution lorsqu'elle garantit un paiement, le principe
d'une responsabilité bancaire envers la caution n'est pas discutable.
A l'égard de son client, le débiteur principal,
le banquier engage sa responsabilité contractuelle. Ainsi, depuis la
décision Nahoum du 08 Octobre 2002 et les deux décisions du 17
Décembre 2003, la Chambre commerciale recours à l'article 1147
du Code civil.
Le fondement de la responsabilité encourue à
l'égard de la caution est plus discuté. Il varie suivant la
juridiction qui se prononce sur la demande formée par la caution (A).
En revanche, la caution peut se prévaloir d'une
responsabilité contractuelle et délictuelle du banquier (B).
Il semble que la responsabilité pénale du
banquier soit bien moins mise en jeu que sa responsabilité civile.
Néanmoins, il est possible d'envisager une responsabilité
pénale du banquier dans le cas où celui-ci serait auteur ou
complice d'infractions telles que l'escompte d'effets de complaisance ou encore
une complicité de fraude fiscale reste envisageable.
A°) Les différents fondements de la
responsabilité civile du créancier
professionnel
Ces fondements sont doubles :
la Chambre commerciale recours plutôt à un
fondement contractuel (1), alors que la première chambre civile
préfère appliquer l'article 1382 Code civil (2).
1°) Le choix d'un fondement contractuel
La faute du créancier ne consiste t-elle pas dans la
violation d'une obligation spéciale82(*) que le cautionnement aurait mise à sa
charge : le cautionnement est unilatéral. Mais le préjudice
subi par la caution ne s'explique que par l'existence de ce contrat. La
responsabilité est donc contractuelle. Elle a souvent pour cause la
violation par le créancier professionnel d'un devoir de bonne foi dans
l'exécution du contrat, qu'aggrave le déséquilibre
créé par le cautionnement.
Cependant, l'un des intérêts majeurs de la
responsabilité contractuelle fait ici défaut : la
possibilité pour les parties d'aménager les conditions et
l'étendue de la responsabilité. L'obligation violée par le
créancier professionnel est généralement la
conséquence d'un « forçage » du
contrat : tel le devoir d'information ou l'obligation de ne pas aggraver
le sort de la caution, application spéciale de la bonne foi qui doit
présider à l'exécution des contrats (article 1134 al 3 du
Code civil).
2°) Le recours à l'article 1382 du Code
civil
En faveur de la responsabilité délictuelle, la
caution est un tiers à la convention de crédit au même
titre que les autres créanciers du débiteur principal83(*).
En réalité, la caution dispose d'une double
action envers l'établissement de crédit.
B°) La dualité des actions en
responsabilité
Le régime de la responsabilité civile du
créancier est très complexe. La caution dispose de deux
séries d'actions en responsabilité.
1°) L'exercice des droits du débiteur
personnel
En effet, la caution va fonder son action sur le contrat de
cautionnement. Elle peut agir en responsabilité contre le
créancier professionnel, de même qu'elle peut exercer une action
en nullité du contrat donnant naissance à l'obligation garantie.
La faute du créancier professionnel s'apprécie alors en tenant
compte de l'attitude et des compétences de l'emprunteur.
2°) L'exercice d'une action personnelle en
responsabilité
Elle agit alors comme tout tiers victime de la faute du
banquier.
La caution demande alors réparation du préjudice
propre84(*). Par sa faute,
le créancier professionnel a augmenté ses chances d'être
tenue au titre du cautionnement. Pour apprécier la faute du banquier, il
est alors tenu compte des compétences de la caution.
La responsabilité peut dès lors être
retenue dans ce second cas alors qu'elle ne pourrait pas l'être dans le
premier. Il suffit pour cela que le débiteur principal soit un dirigeant
et la caution profane. La banque ne peut plus alors s'exonérer en
soutenant que le demandeur avait une parfaite connaissance de la situation
financière de l'entreprise débitrice principale.
En dépit de cette dualité des actions, il reste
que la thèse dominante concernant le fondement de la
responsabilité civile du banquier est contractuelle85(*).
Les créanciers du crédité sont, bien
entendu, fondés à exercer une action en responsabilité
contre le banquier qui aura dispensé un crédit excessif à
l'entreprise débitrice. Crédit sans lequel cette entreprise
n'aurait pas eu l'apparence de solvabilité qu'elle avait alors, ce qui
aurait certainement évité au créancier professionnel de
contracter avec elle. De cette façon, lorsque la responsabilité
du banquier est mise en jeu, c'est souvent dans le cadre d'une procédure
collective, alors, l'initiative de l'action en responsabilité contre le
banquier relèvera du représentant des créanciers.
L'article L. 621-39 du Code de commerce précise que le
représentant des créanciers a seul qualité pour agir au
nom et dans l'intérêt des créanciers. Encore faut-il que ce
dernier agisse avant le plan de cession ou de continuation. Il convient de
préciser que le représentant des créanciers défend
ici l'intérêt collectif qui n'est pas une addition des
intérêts individuels, l'intérêt collectif est une
notion qui les transcende. C'est cette notion qui permet au représentant
des créanciers de poursuivre le banquier qui est lui-même parmi
les créanciers représentés, pour qu'il soit
condamné à réparer le préjudice qu'il a
causé à l'ensemble.
Néanmoins, rien n'interdit à un créancier
professionnel qui subit un préjudice personnel d'exercer à
l'encontre du banquier, une action ut singuli. Il faudrait rapporter alors la
preuve d'un préjudice personnel.
Le créancier qui accorde un cautionnement excessif
alors qu'il connaît la situation irrémédiablement
compromise ou obérée de l'entreprise du débiteur principal
fait l'objet de sanctions. Ces sanctions ont été, au
départ, particulièrement sévères :
jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005, la sanction encourue
par le banquier était la compensation ; par la suite, la
décharge de la caution ou l'allocation des
dommages-intérêts.
Désormais, la loi du 26 Juillet 2005 permet à la
caution de demander la nullité des engagements que celle-ci a
souscrites.
II · Un assouplissement des sanctions encourues par
le créancier
Cet assouplissement devenait une nécessité car
la sanction de la disproportion du cautionnement aboutissait à des
situations d'inéquité : l'octroi de
dommages-intérêts sanctionnant la responsabilité de la
banque aboutissait quelques fois à une réduction des trois quarts
de la dette. Cette souplesse conférée par le droit de la
responsabilité civile contrastait avec la brutalité des sanctions
instaurées par le Code de la consommation.
Un arrêt de la Cour de cassation86(*) avance très clairement
que, même en cas de responsabilité retenue à l'encontre du
banquier, la sanction de la faute qu'a commis ce dernier ne peut se
résoudre qu'en dommages-intérêts ou par la décharge
des intérêts dus par la caution, mais en aucun cas, la faute ne
peut faire tomber le cautionnement.
Concernant l'assouplissement de la sanction encourue par le
banquier en matière de sûretés, celui-ci se manifeste,
d'abord, dans le choix de la sanction « responsabilité
civile » (A). Puis, pour les cas où la responsabilité
d'un banquier est reconnue, la sanction du cautionnement excessif (B) est la
décharge de la caution ou l'allocation de
dommages-intérêts. Enfin, s'agissant de la sanction de
l'inexécution de l'obligation annuelle d'information, la jurisprudence
permet à la caution de se prévaloir du principe du cumul (C).
A°) Le choix de la sanction
« responsabilité civile »
Les effets de la sanction responsabilité civile en
matière de cautionnement excessif sont moins lourds de
conséquences pour le banquier que le recours à la sanction
nullité (1) ou le recours à l'application de l'article 2037 du
Code civil (2).
1°) La gravité de la
sanction-nullité
L'arrêt en date du 29 Juin 2004 constitue une
confirmation par la première chambre civile du choix de la
sanction-responsabilité plutôt que le recours à la
sanction-nullité. Il faut noter toutefois que la Cour de
cassation87(*) se contente
de préciser que le banquier engage sa « responsabilité
civile » sans préciser s'il s'agit d'une responsabilité
de nature contractuelle ou délictuelle. Or, la faute du banquier
réside dans le fait d'avoir fait souscrire à un particulier un
contrat qui n'était pas susceptible d'exécution en raison du
caractère excessif de l'engagement qu'il prévoyait. Cette faute
peut donc être raisonnablement qualifiée de faute
délictuelle puisqu'elle s'est produite avant la signature du contrat, le
banquier ayant omis de s'assurer que les capacités financières de
la future caution étaient insuffisantes eu égard à
l'importance de la somme pouvant éventuellement être due par
elle.
Déjà, dans la décision en date du 06
Avril 2004, la première chambre civile n'a pas admis que la Cour d'appel
applique la sanction-nullité en cas d'engagement excessif de la
caution.
2°) La sévérité de
l'article 2037 du Code civil
L'article 1147 du Code civil constitue la sanction de la
mauvaise exécution ou de l'inexécution de l'une des parties de
ses obligations contractuelles.
Et, en matière de cautionnement, la faute du
créancier professionnel est souvent sanctionnée par la Chambre
commerciale sur un fondement contractuel. Tandis que l'article 2037 du Code
civil permet à la caution de se prévaloir de la faute du
créancier professionnel du fait de la perte d'un droit
préférentiel qui aurait pu lui être favorable.
La faute est donc au coeur de ces deux textes.
En revanche, la différence apparaît au niveau de
la sévérité de la sanction : en application de
l'article 1147 du Code civil, le contractant fautif s'expose à une
condamnation à des dommages-intérêts sans encourir la
déchéance de l'article 2037 du Code civil. Ainsi, à moins
que la réparation pécuniaire ne vienne compenser exactement la
dette de la caution, le créancier ne perd pas l'entier
bénéfice de la garantie. De ce point de vue, l'utilisation de
l'article 1147 du Code civil s'avère pour lui un moindre mal.
Lorsque la responsabilité du banquier ne fait aucun
doute, la sanction encourue est la décharge de la caution ou les
dommages-intérêts. Et, ce fût notamment le cas
jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005.
B°) La sanction du cautionnement
disproportionné
Jusqu'à la loi du 26 Juillet 2005, les seules
sanctions applicables en matière de cautionnement excessif sont donc
soit celles de la décharge de la caution (1), soit celles de la
responsabilité du banquier (2). Chacune de ces sanctions permet, soit
l'allocation de dommages-intérêts à la caution, soit par
une réduction de sa dette, de gommer le caractère
disproportionné de la somme exigible par le banquier eu égard aux
facultés réelles de la caution.
La loi du 26 Juillet 2005 permet de nouveau à la
caution de demander la nullité automatique des garanties qu'elle a
souscrites (3).
1°) La décharge de la caution ou les
dommages-intérêts
Aux termes de l'article 2037 du Code civil, « la
caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits,
hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par
le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute
clause contraire est réputée non écrite. »
La loi punirait le créancier professionnel en
l'empêchant de nuire à la caution ; elle le priverait de ses
droits, plus sévèrement qu'à l'ordinaire en raison du
devoir de bonne foi (article 1134 al3 du Code civil), renforcé par le
caractère accessoire. Il ne supportera jamais plus que la perte de ce
qu'il aurait dû demander à la caution.
Toute caution peut se prévaloir de cette
décharge mais seulement à concurrence des droits dont elle peut
se prévaloir, c'est-à-dire en fonction des actions qui peuvent
lui être transmises par le créancier professionnel pour se faire
rembourser auprès du débiteur principal. De plus, la caution
peut ne pas être déchargée totalement, la décharge
étant proportionnelle à la gravité de son
préjudice. Mais si le banquier prouve que le fait ne lui est pas
entièrement imputable ou s'il établit que le droit perdu n'aurait
eu aucun intérêt pour la caution, cette dernière ne pourra
lui demander que des dommages-intérêts et ne sera pas
déchargée de son engagement. Le plus souvent, la décharge
de la caution est partielle88(*).
Ce détour est d'ailleurs devenu aujourd'hui inutile,
puisque la caution peut invoquer la responsabilité du banquier, par voie
d'exception, en réponse à la poursuite de celui-ci : c'est
une cause de libération directe.
2°) La responsabilité civile du
créancier professionnel
Le recours au droit commun de la responsabilité civile
traduit le besoin de protection de la caution et l'insuffisance des
règles spéciales. Les conditions du bénéfice de
subrogation (article 2037 du Code civil) conduisent les cautions à
invoquer, de plus en plus souvent, la responsabilité des banquiers. Les
deux moyens sont distincts par leur fondement. En principe, la
responsabilité civile a pour objet la réparation du
préjudice, ce n'est que par compensation avec sa propre dette que la
caution se trouvera libérée. Elle doit donc former une demande
reconventionnelle. Mais bien souvent, la caution ne cherche pas à
obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention de son
adversaire, ce qui constitue une exception, c'est-à-dire une
défense au fond, au sens de la procédure civile (article 71 du
nouveau Code de procédure civile).
La Cour de cassation décide aujourd'hui que la caution
dispose de l'une et l'autre voie, entre lesquelles elle peut choisir89(*).
3°) La nullité automatique des garanties
souscrites
L'éventail des sanctions et les moyens de
défense mis à la disposition de la caution en matière de
sûretés montre d'une part, la volonté de protéger la
caution profane face aux établissements de crédit. D'autre part,
il y a aussi une volonté des juridictions de laisser le contrat produire
ses effets au regard des sanctions prononcées (la décharge
partielle de la caution ou l'allocation de dommages-intérêts).
La loi du 26 Juillet 2005 vient mettre à néant
toute cette construction jurisprudentielle en offrant à la caution la
possibilité de demander la nullité des garanties
souscrites : le but visé par le législateur est de
sanctionner les établissements de crédit qui pratiqueraient des
garanties inhabituelles au regard des règles de l'art.
Par ailleurs, cette nouvelle disposition manque de
précision car, le législateur n'a pas fixé le seuil de la
disproportion. En outre, elle suscitera des divergences car, pour se
prémunir contre la perte de valeurs des actifs dans le temps, les
banquiers ont tendance à prendre plus de garanties que ce dont elles
auraient strictement besoin : une banque qui prête son concours
financier à une entreprise court un risque économique qu'elle
facture par le biais de la pratique de taux d'intérêt. Cette prise
de risque économique va être limitée par des
paramètres juridiques : le caractère radical de la sanction,
la nullité.
En réalité, cette loi constitue un léger
assouplissement dans la mise en jeu de la responsabilité du banquier
dans la mesure où seuls des cas limitativement
énumérés peuvent donner lieu à une
responsabilité civile de l'établissement de crédit.
En revanche, dans le domaine de la sanction (la
nullité automatique), elle constitue une rupture avec le principe actuel
de la responsabilité du banquier en matière d'octroi de
crédit : l'allocation de dommages-intérêts ou la
décharge de la caution à la mesure du préjudice subi
semble avoir la préférence des juridictions et des parties
plutôt que l'application de la sanction nullité et dont le
principal effet est de remettre les parties à l'état initial
(anéantissement du contrat).
Le contrat de cautionnement précisera le plus souvent
les modalités de sa résiliation. Mais la loi a mis à la
charge de certains créanciers professionnels un devoir d'information sur
cette faculté de résiliation : lorsque le cautionnement est
à durée indéterminée, il pèse sur le
banquier une obligation annuelle d'information dont l'inexécution fait
encourir des sanctions d'une double nature. Cette sanction a été
récemment allégée par la loi du 26 Juillet 2005.
C°) La sanction de l'inexécution de
l'obligation annuelle d'information
La délicate question des sanctions pouvant frapper le
manquement du créancier professionnel à son obligation annuelle
d'information de la caution a été une nouvelle fois
soulevée par un arrêt de la première chambre civile de la
Cour de cassation rendu le 04 Février 2003. Bien qu'il s'agisse d'un
arrêt de rejet, celui-ci mérite une analyse particulière
car la première chambre civile y adopte une position nouvelle sur la
question du cumul des sanctions à l'omission d'information (1).
La loi du 26 Juillet 2005 apporte un allègement au
cumul des sanctions dès lors qu'elle permet seulement à la
caution de se prévaloir de la seule sanction prévue par l'article
L. 313-22 du Code monétaire et financier (2) en cas de l'omission de
l'information.
1°) Le principe du cumul possible de la
sanction légale et de la responsabilité
civile de droit commun
Lorsqu'un créancier professionnel a manqué
à son obligation annuelle d'information da la caution posée par
l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, la sanction
prévue expressément par la loi est la déchéance des
intérêts pour la période de non-information.
La sanction légale exclue-t-elle la sanction
fondée sur le droit commun de la responsabilité civile dès
lors que la caution rapporte la preuve d'un préjudice particulier ?
Il faut retenir l'interprétation de l'article L.
313-22 qui a servi de modèle. En principe, la sanction est exclusive.
Seules des circonstances exceptionnelles tenant à un dol (le dol, dans
le droit de la responsabilité, est une faute intentionnelle. Il suppose
d'établir la volonté de nuire) ou une faute lourde (la faute
lourde est quant à elle une faute grave non intentionnelle. Elle
pourrait se déduire du caractère répété de
l'omission du créancier professionnel) peuvent justifier l'octroi de
dommages-intérêts complémentaires à la caution.
2°) La sanction prévue par le nouvel
article 2307 du projet de réforme
Le manquement va être sanctionné par la
déchéance des intérêts et accessoires échus
durant la période de silence fautif : c'est ce qui résulte
du nouvel article 2307 du projet de réforme. L'interprétation
stricte de ce nouvel article du projet ne permet donc pas à la caution
de se prévaloir d'un préjudice autre que celui qui résulte
du seul manquement à l'obligation légale annuelle
d'information.
Il n'est cependant pas exclu que les juridictions accordent en
sus des dommages-intérêts à la caution dès lors que
celle-ci peut rapporter la preuve d'un préjudice particulier
découlant du manquement, d'autant que le nouvel article 2307 du projet
est une reprise de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier.
Conclusion
Après avoir envisagé dans leur ensemble les
critères d'appréciation et les cas de mise en jeu de la
responsabilité du fournisseur de crédit, il semble opportun de
relever que, sous couvert de la prévention des difficultés des
entreprises et de protection du consommateur, un poids colossal pèse sur
les épaules du banquier.
L'analyse du droit positif témoigne d'un recul de la
responsabilité civile du fournisseur de crédit. Après une
longue période de protection excessive de la caution profane, et de la
caution de manière générale, il y a une tendance à
un rééquilibrage contractuel entre les parties ayant souscrit le
contrat.
Il faut présumer que le fournisseur de crédit
devra se montrer vigilent et prudent. Du fait de sa qualité et de sa
compétence, il doit apporter tout son soutien au débiteur
principal. Il ne doit pas non plus compromettre ou mettre en péril par
la rupture ou le soutien abusif l'opération entreprise par l'emprunteur
au risque de voir sa responsabilité engagée.
Il en est de même pour tout organisme susceptible de
prêter des fonds ou accorder des délais de paiement.
D'un point de vue économique, cet état de fait
peut justifier la frilosité des banques et des difficultés des
jeunes entreprises ayant recours au financement bancaire.
Enfin, cette opération jurisprudentielle tendant
à «sur-responsabiliser » le banquier peut trouver sa
justification dans une volonté de prévenir les difficultés
des entreprises.
BIBLIOGRAPHIE
I. Traités, manuels, ouvrages
1- P. Ancel : Droit des Sûretés, Litec,
4ème éd.
2- M. Cabrillac et C. Mouly : Droit des
Sûretés, Litec, 7ème éd.
3- P. Malaurie et L. Aynès : Les
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1er volume, Sûretés et publicité
foncière, par Y. Picod, 7ème éd, 1999,
Montchrestien.
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Litec, 3ème éd, 2000.
6- S. Piedelièvre : Les Sûretés,
Armand Colin 2003.
II. Etudes, rapports
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crédit, petites affiches n° 76.
2- Rapport dit M. Grimaldi : Groupe de travail relatif
à la réforme du droit des sûretés, rapport à
D. Perben, Ministre de la justice, Garde des Sceaux.
3- Y. Chaput, « Une nouvelle architecture du droit
français des procédures dites collectives », J. C. P.
G., 16 Novembre 2005 ; D., I., 184.
4- Vers une réforme du droit des
sûretés : premières réactions de la Chambre de
Commerce et d'industrie de Paris (C. C. I. P.) sur le rapport dit Grimaldi, V.
Arnoux - Evrat, J. C. P. E. et Affaires, n° 29, 21 Juillet 2005.
III. Revue Banque et Droit
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Revue banque et droit n° 96, Juillet / Août
2004, p. 58.
2- Responsabilité du banquier dispensateur de
crédit.
Soutien abusif. Crédit ruineux.
Revue banque et droit n° 93, Janvier /
Février 2004, p. 56.
3- Responsabilité du banquier dispensateur de
crédit.
Principe de non-immixtion. Concours à une
entreprise concurrente.
Revue banque et droit n° 88, Mars / Avril 2003, p.
61.
4- Responsabilité du banquier dispensateur de
crédit.
Soutien abusif. Obligation de s'informer.
Revue banque et droit n° 87, Janvier / Février
2003, p. 60.
IV. Articles et chroniques
1- L'obligation de conseil de l'établissement de
crédit à l'égard de l'emprunteur et de sa caution, par D.
Legeais, in Mélanges AEDBF- France II, J. P. Mattout et H. de Vauplane,
Banque éditeur.
2- L'engagement de caution disproportionné par M. Saint
Cene et J. Grillot / Revue de droit bancaire et financier n° 3, Mai / Juin
2000, p. 190.
V. Notes, conclusions et commentaire de
jurisprudence
1- D. Legeais, commentaire des dispositions relatives au
cautionnement introduites par les lois du 01 Août 2003 relatives
à l'initiative économique et sur la ville, J. C. P. E. et
Affaires n° 41, 1433.
2- B. Soinne, brèves réflexions sur la nouvelle
loi et son application au 01 Janvier 2006 (Loi n° 2005 - 845, 26 Juillet
2005 de sauvegarde des entreprises), Revue des procédures collectives,
civiles et commerciales, n° 3 - Septembre 2005.
3- A. Lhospice et M. Meissonnier, La responsabilité du
banquier fondée sur l'octroi de crédit excessif, Institut de
Droit des Affaires, Université de Droit, d'Economie et de Sciences d'Aix
- Marseille, Cahier de recherche n° 3.
4- L. DE Gentili - Picard, Sanctions de l'inexécution
de l'obligation d'information annuelle de la caution, J. C. P. G., n° 39,
II, 10152.
5- Responsabilité de la banque à l'égard
de la caution.
Revue de droit bancaire et financier n° 1, Janvier /
Février 2000.
6- Préjudice et lien de causalité en
matière de responsabilité bancaire pour octroi de crédit
abusif à un groupe de sociétés.
Revue de droit bancaire et financier n° 5, Septembre
/ Octobre 2000, p. 292.
7- Qu'est-ce qu'un crédit excessif ? par A.
Gourio, Revue de droit bancaire et financier n° 1, Janvier /
Février 2001, p. 55.
VI. Ouvrages spéciaux
1- C. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire,
5ème éd, Litec, 2002.
2- J. Vezian, La responsabilité du banquier,
3ème éd, 1983.
3- J. L. Rives - Lange et M. Contamine - Raynaud,
Précis de droit bancaire, 6ème éd, Dalloz,
1995.
VII. Sites internet
1-
http://www.lexiisnexis.com/
collection juris - classeur.
2- Juris - Data.
Table des matières
Sommaire
6
Introduction
10
I° Partie : La responsabilité civile
du créancier professionnel en matière de sûretés,
un principe certain
15
Section 1 : La responsabilité civile du
créancier professionnel du fait de son comportement
personnel 17
I · Les faits constitutifs de fautes susceptibles
d'engager la responsabilité civile du créancier professionnel
en matière de sûretés 17
A°) La variabilité des comportements du
créancier professionnel 18
1°) Les comportements fautifs de commission
18
a · La prorogation du terme accordée au
débiteur principal 19
b · L'augmentation importante de l'endettement du
débiteur principal 19
c · Le choix de poursuivre telle caution en
paiement 19
2°) Les comportements fautifs d'omission
20
a · Le défaut d'agir en temps utile afin
de limiter la dette de la caution 20
b · La faute de négligence du
créancier non déclarant en matière de procédure
collective
20
B°) La perte des garanties par le fait du
créancier 21
1°) L'absence de bénéfice de cession
d'actions ou de subrogation 22
a · La perte d'un droit
préférentiel
22
b · L'omission fautive de la faculté
d'attribution judiciaire du gage 22
2°) L'imputation exclusive de la faute au créancier
professionnel 22
II · Le manquement du créancier professionnel
à l'obligation de contracter de bonne foi 24
A°) L'exigence d'un consentement
éclairé de la caution
25
1°) Les vices du consentement de la caution
26
a · Le dol de la caution
26
b · L'erreur sur la substance même de
l'engagement 27
2°) La nécessité d'une protection
renforcée du consentement de la caution 28
a · Le devoir de conseil du créancier
professionnel 28
b · Les obligations d'information et de
discernement du créancier professionnel
29
B°) Le cautionnement disproportionné aux
revenus et au patrimoine de la caution 32
1°) L'émergence du principe de
proportionnalité
33
a · La consécration législative
limitée
33
b · L'extension par la jurisprudence du principe
de proportionnalité 34
c · La faute au regard de la loi du 01 Août
2003 36
2°) L'effectivité du principe de
proportionnalité
36
a · L'appréciation de la disproportion
36
b · Le moment de la disproportion
37
Section 2 : La responsabilité civile du
créancier professionnel du fait de son concours financier
39
I · La faute du créancier professionnel dans la
distribution de crédit au débiteur principal 40
A°) La faute du créancier professionnel, le
soutien abusif de crédit 40
1°) La notion de soutien abusif de crédit
40
a · Les définition et incertitude de la
notion 40
b · La réforme
« partielle » du soutien abusif de crédit
42
2°) La faute à l'égard de la caution
42
a · Le financement inconsidéré
accordé au débiteur
42
b · la qualité de la caution
43
c · Les influences diverses en matière de
procédure collective 43
B°) La faute du créancier professionnel, la
rupture abusive de crédit au débiteur 44
1°) La mise en jeu de la responsabilité civile du
créancier professionnel 44
2°) En matière de procédure collective
45
II · Le préjudice subi par la caution et le lien
de causalité entre la faute et le préjudice 45
A°) Le préjudice subi par la caution
46
1°) La preuve du préjudice
46
a · La perte d'une chance
46
b · L'évaluation du préjudice
46
2°) Un préjudice discutable
47
B°) Le lien de causalité entre la faute et le
préjudice 47
II°Partie : La responsabilité civile du
créancier professionnel en matière de sûretés,
un principe en recul
49
Section 1 : La mise en oeuvre difficile de la
responsabilité civile du créancier professionnel
51
I · La restriction des conditions d'engagement de la
responsabilité civile du créancier professionnel
51
A°) Les manifestations de la jurisprudence relative
à l'extension du principe de proportionnalité
52
1°) Le domaine d'application du principe de
proportionnalité 52
a · La situation du dirigeant caution
52
b · La spécificité des
cautionnements authentiques 53
2°) La remise en cause du principe de
proportionnalité 54
a · Le principe de proportionnalité au
regard de la qualité de la caution 54
b · Un principe mis à mal par la loi du 01
Août 2003 55
c · Un principe réservé aux seules
cautions personnes physiques 56
3°) La preuve de l'exigence d'une disproportion manifeste
56
B°) Le recul du domaine de la faute du
créancier professionnel 58
a · La survie des créances non
déclarées
58
b · L'évaluation concrète de la
situation patrimoniale de la caution 59
C°) La mise en jeu limité de la
responsabilité civile du créancier professionnel 60
1°) L'irresponsabilité de principe du
créancier professionnel 60
2°) Les cas d'engagement de la responsabilité
civile du créancier du fait des concours consentis
61
a · La fraude
61
b · L'immixtion caractérisée du
créancier professionnel 61
c · La disproportion des garanties
62
II · L'allègement de l'obligation d'information
62
A°) Le principe : Le créancier
professionnel, débiteur de l'obligation d'information 64
1°) A l'égard de la caution profane
65
2°) L'assouplissement des moyens de preuve
66
B°) Le tempérament : la dispense de
l'obligation d'information 66
1°) A l'égard de la caution dirigeante de fait
67
2°) Envers la caution dirigeante de droit
67
3°) La preuve de l'existence d'un préjudice
particulier 68
a · La définition du préjudice
particulier 68
b · La preuve du préjudice particulier
69
Section 2 : L'assouplissement des sanctions du
comportement fautif du créancier professionnel en droit du
crédit
70
I · Les incertitudes relatives au fondement de la
responsabilité civile du créancier professionnel
70
A°) Les différents fondements de la
responsabilité civile du créancier professionnel 71
1°) Le choix d'un fondement contractuel
71
2°) Le recours à l'article 1382 du Code civil
72
B°) La dualité des actions en
responsabilité
72
1°) L'exercice des droits du débiteur personnel
72
2°) L'exercice d'une action personnelle en
responsabilité 72
II · Un assouplissement des sanctions encourues par le
créancier 74
A°) Le choix de la sanction
« responsabilité civile »
74
1°) La gravité de la sanction-nullité
74
2°) La sévérité de l'article 2037 du
Code civil 75
B°) La sanction du cautionnement
disproportionné
76
1°) La décharge de la caution ou les
dommages-intérêts 76
2°) La responsabilité civile du créancier
professionnel 77
3°) La nullité automatique des garanties souscrites
77
C°) La sanction de l'inexécution de
l'obligation annuelle d'information 78
1°) Le principe du cumul possible de la sanction
légale et de la responsabilité civile de droit commun
79
2°) La sanction prévue par le nouvel article 2307
du projet de réforme 79
Conclusion
80
Bibliographie
81
Table des matières
84
* 1
« Créancier », « Confiance », « Crédit » :
tous ces mots ont une racine commune. Le verbe latin, credere signifie avoir
confiance, se fier.
* 2 P. Simler, Cautionnement et
garanties autonomes, Litec, 3ème éd., 2000.
* 3 Ethymologie : du latin
Cavere : être sur ses gardes ; d'où caution :
précaution ; par suite, garantie. L'utilisation du terme dans un
sens technique ne date que de la fin du moyen âge. Les Romains mettaient
l'accent sur le caractère personnel de l'engagement plutôt que sur
la garantie qu'ils donnaient au créancier, utilisaient les termes :
fide promissor puis fidejussor.
Dans le langage courant, et même dans la langue juridique
(ex : C. pr. pén., art 130-11°), Caution et Cautionnement
désignent parfois tout autre chose : la somme d'argent
versée d'avance à titre de garantie au créancier. Il
s'agit d'un dépôt de garantie, qui constitue un gage ou une
fiducie, sûreté réelle, n'ayant aucun rapport avec le
contrat de cautionnement.
* 4 P. Crocq, obs. R. T. D.
Civ., 2001, p. 402.
* 5 Sont des garanties
personnelles : les lettres d'intention (garantie donnée par une
personne morale exprimée sous forme de lettre dans laquelle la personne
morale déclare soutenir le débiteur dans l'exécution de
son obligation), les garanties autonomes (un garant s'engage alors à
payer à un créancier, à première demande de sa
part, sans pouvoir lui opposer d'exceptions) et la promesse de porte-fort (Code
civil, article 1120).
* 6 Cass. Com., 09 Juin 1980, J.
C. P., 1980, IV, p. 319.
* 7 Loi n° 2005-842 du 26
Juillet 2005 de « sauvegarde des entreprises »,
publiée au J. O du 27 Juillet 2005, p. 12160.
* 8 D. Legeais, « La
faute du créancier, moyen de défense de la caution
poursuivie », Petites Affiches,
05 Mars 1997, p. 4.
* 9 L'art. 2037 C. civ. est
propre au cautionnement. La personne qui invoque le bénéfice de
subrogation doit être liée au créancier par un
cautionnement, tels la caution personnelle ou la caution réelle, le
certificateur de caution (un tiers, qualifié de certificateur de
caution, s'engage envers le créancier à payer à la place
de la caution, si celle-ci est défaillante. L'obligation que garantit le
certificateur n'est pas l'obligation principale, mais celle de la caution) ou
la sous-caution (afin de garantir son recours, la caution peut exiger
elle-même du débiteur principal qu'il lui fournisse une autre
caution. La sous-caution garantit la dette du débiteur principal, mais
seulement à l'égard de la caution
« principale » ; celle-ci est donc le créancier
pour la sous-caution) et la caution solidaire (offre au créancier
professionnel une garantie supplémentaire de paiement).
* 10 Cass.
civ.1ère, 06 Octobre 1971, Bull. civ. I, n° 253.
* 11 Cass. com., 02 Juin 2004,
note D. Pardoel, Revue Lamy Droit Civil, 01 Janvier 2005.
* 12 Absence d'inscription
d'une sûreté réelle ou de renouvellement de l'inscription.
Cass.civ.1ère, 09 Mai 1994,
D., 94, IR, p.137 ; le prêteur n'a pas accompli les
démarches nécessaires pour inscrire le nantissement sur le fonds
de commerce, et en particulier n'a rien fait pour obtenir le consentement du
débiteur auquel il n'a délivré aucune sommation.
* 13 Cass. civ.
1ère, 16 Juillet 1998 ; J. C. P. G., II, 10000.
* 14 Cass. com., 23 Octobre
2001, J. C. P. G., II, 10103, note L. De Gentili-Picard.
* 15 Cass.
civ.1ère, 08 Juillet 2003: Juris-Data n° 2003 -
019945 ; Cass. com., 13 Mai 2003: J. C. P. G., 2003, I, 174, note M.
Cabrillac.
* 16 Cass. Ch. mixte, 10 Juin
2005, J. C. P. G., 2005, II, 10130, note P. Simler.
* 17 Le rapport du groupe de
travail, constitué en juillet 2003, relatif à la
« réforme du Droit des
Sûretés », dit rapport Grimaldi,
prévoit de refondre les dispositions du Code civil en matière de
droit des sûretés personnelles et des sûretés
réelles, dans le cadre de la création d'un livre quatrième
du Code civil.
Rapport remis à Monsieur D. Perben, Ministre de la
Justice, Garde des Sceaux.
* 18 Pour un exemple
d'hypothèque constituée tardivement sur une péniche :
Cass. civ.1ère, 09 Mai 2001 :
J. C. P. E., 2001, 1113.
* 19 Cass. civ.
1ère, 06 Juin 2001: J. C. P. G., 2002, I, 120, note P.
Simler.
* 20 Cass. civ.
1ère, 13 Novembre 1996 : D., 1997, somm. 166, note L.
Aynès.
* 21 Il convient de se placer
au jour du contrat pour apprécier le caractère explicite et non
équivoque de la connaissance par la caution de la portée de son
engagement : cass. civ. 1ère, 09 Mai 2001 ; Revue
de droit bancaire et financier, Juillet - Août 2001.
* 22 Cass. civ.
1ère, 21 Janvier 1981 : Bull. civ. I, n° 187 ;
J. C. P., 1989, II, 21363, note D. Legeais.
* 23 Cass.
civ.1ère, 11 Février 1986, Bull. civ. I, n°
22 : des faux bilans avaient été produits à la
banque. Plus contestable : Cass. com., 08 Décembre 1987, Bull.
civ. IV, n° 263 : au moment de l'octroi du prêt et du
cautionnement, la banque n'avait pu avoir connaissance du bilan de
l'année précédente ni du refus de délivrance du
certificat de régularité des comptes ; mais il y avait
déjà eu onze protêts !
* 24 Seul un refus de
renseignement aurait été fautif de la part de la banque.
Cass.civ.1ère, 10 Juin 1987, D., 87.445, note L.
Aynès.
* 25 Comp.
Cass.civ.1ère, 13 Février 1996, Bull. civ. I, n°
78; D., 96, som., 265, note L. Aynès, et Cass. com., 23 Juin 1998,
Bull. civ. IV, n° 208.
* 26 L'erreur sur la substance
même de l'engagement a pu ainsi être commise par une caution
illettrée et ignare qui aurait confondu l'engagement juridique avec une
simple garantie morale. L'espèce concernait des agriculteurs
bretons : Cass. civ.1ère, 25 Mai 1964 : Bull. civ.
I, n° 269, p. 210.
* 27 Dès lors que
l'erreur n'est pas de son fait, la caution peut se prévaloir d'une
présentation erronée des pertes en bénéfice dans
l'acte de vente de fonds de commerce financé, cass. com., 10
Décembre 2002 : Bull. Joly 2003, p. 413, note P. Scholer.
* 28 Cass. com., 01 Octobre
2002 : D., 2002, AJ, 3076 et 2003, jurisp., 1617, note Y. Picod.
* 29 V. l'octroi abusif de
crédit par I. Urbain - Parleani, revue de Droit Bancaire et Financier
n° 6, novembre/décembre 2002, p. 365.
* 30 J. L. Coudert et P.H.
Magot : « Appréciation par l'expert du comportement
du banquier dans la distribution de crédits. » Conférence du
12 Février 1983 présidé par le Doyen Rouger sur
« la responsabilité du banquier. »
* 31 Cf. P. Simler, n°
394.
* 32 Com., 07 Avril 1992 ;
J. C. P., 1993, II, 22009, note Y. Picod.
* 33 Loi du 01 Mars 1984,
n° 84 - 148 sur « La prévention des défaillances
d'entreprises » parue au J.O du 02 Mars 1984
Elle met en place des règles de prévention des
difficultés par l'information et crée une procédure
d'alerte destinéée à porter à la connaissance du
chef d'entreprise les risques de défaillance afin que des mesures
puissent être prises en temps utile.
* 34 Loi relative à
« l'initiative et à l'entreprise individuelle », loi
n° 94 - 126 du 11 Février 1994, J.O du 13 Février 1994
* 35 C.A. Versailles, 02
Octobre 1991, R. J. D. A., Mars 1992 n° 263 p. 200.
* 36 Cass. com., 26 Mars 1996,
Bull. civ. IV, n° 95.
* 37 Cass. com., 24 Septembre
2002, Bull. Civ. IV, n° 128 p. 136.
* 38 Du latin proportionalitas,
de proportio : proportion.
* 39 Loi du 01 Août 2003
sur « l'initiative économique, dite Loi
Dutreil », loi n° 2003 - 721 publiée au J.O le 05
Août 2003.
* 40 Pour un état de la
question, v. Y. Picod, « Proportionnalité et
cautionnement. Le mythe de Sisyphe », Mélanges J. Calais, D.,
2003, 843 et s.
* 41 Defrénois 1997,
art. 36703, p. 1424, note L. Aynès.
* 42 Loi n° 89 - 1010 du
31 Décembre 1989, Loi V. Neiertz, publiée au J.O du 02 Janvier
1990 ;
P. Delebecque, « Loi sur le surendettement »,
J. C. P. G., 1990, I, 3457.
* 43 Cass. com., 17 juin
1997 : J. C. P. E., 1997, II, note D. Legeais.
* 44 Cf. V. notre
chronique : l'obligation de vigilance des créanciers professionnels
à l'égard des cautions personnes physiques imposée par la
loi Dutreil, Droit et Procédures, janvier 2004, p. 4.
* 45 Le point de départ
du délai de prescription doit être le jour ou la caution est
appelée : Cass. civ.1ère, 23.05.2000, Bull. civ.
I, n° 155.
* 46 Cass. com., 18.05.2005,
Juris-Data n° 2005 - 028473: celle-ci considère que la caution ne
peut être actionnée parce qu'à l'époque (au moment
où elle s'est portée caution), elle était mère au
foyer, n'était ni salariée, ni gérante, n'exerçait
aucune activité et ne disposait pas de revenus. Alors qu'au moment
où elle est poursuivie, en l'espèce, la caution avait
succédé à son mari comme gérante de la
société.
* 47 Cf. com., 22 Avril 1980,
Bull. civ. IV, n° 163, D., 1981, IR. 22, note Vasseur.
* 48 Cf. com., 01
Février 1994, Bull. civ. IV, n° 39.
* 49 Dans le cadre de son
obligation générale « de discernement et de
loyauté », la banque doit s'assurer que celui qui engage la
société, tout en concédant une garantie personnelle
« a conscience de la portée et des risques financiers qui
pourraient résulter de l'octroi de concours. » Faute d'avoir
mis en garde le dirigeant caution, elle engagera alors sa responsabilité
contractuelle, même si celle-ci doit être atténuée
par le « comportement nécessairement fautif et
causal » de ce dernier : D. Affaires 1998, 2013, note X. D.
* 50 Cf. P. Ancel, le
cautionnement des dettes de l'entreprise, Dalloz, 1990, n° 264 et s.
* 51 Cass. com., 07 Janvier
2003; Petites affiches, 18 Avril 2005, n° 76.
* 52 Cass. com., 01 Janvier
1994, Bull. civ. IV, n° 39.
* 53 Note sous l'arrêt
Cass. com., 24 Septembre 2003, arrêt n° 1341, Banque et Droit
n° 93, p. 56, janvier/ Février 2004.
* 54 Ni la loi, ni la
jurisprudence n'ont donné une définition précise de la
disproportion. Les juges apprécieront, bien souvent, la disproportion en
fonction des cas d'espèce, au regard de la qualité des parties en
présence.
* 55 Cass. com., 24 Janvier
1989: R. T. D. Com., 1990, 270, note J. F. Hael.
* 56 Cass. com., 17 Juillet
1990: Bull. civ. IV, n° 214 (2 arrêts).
* 57 Cass. com., 22 Avril 1980,
Bull. civ. IV, n° 163.
* 58 Cass. com., 13 Mai 2003;
Cass. civ. 3ème, 04 Décembre 2002, Bull. civ. III,
n° 245.
* 59 Cass. civ.
1ère, 09 Juillet 2003, D., 2004, 204, note Y. Picod.
* 60 Cass. com., 13
Février 1996: Rev. Proc. Coll. 1997-1, p. 99, note A. Martin-Serf. Pour
rejeter l'action intentée par les cautions en même temps
dirigeants, les juridictions retiennent souvent le risque anormal
inhérent à la création de toute entreprise et la mauvaise
foi des dirigeants qui ont souvent sollicité avec insistance l'obtention
de nouveaux crédits.
* 61 Revue de Droit Bancaire et
Financier, n° 5 Septembre/Octobre 2000 p. 92.
* 62 La jurisprudence
récente se fonde sur les articles 1134 et 1147 C.civ. (Par ex. cass.
com., 25 Mars 2003), voire sur ce dernier seulement lorsque la disproportion
est écartée (par ex. cass. com., 11 Mars 2003).
* 63 Principe posé par
cass. com., 17 Juin 1997, art. 36703, n° 158, p. 1424, obs. L.
Aynès.
* 64 Cass. com., 18
Février 2004, Juris - Data n° 2004 - 022540; D. Legeais; in R. T.
D. Com. 2004, p. 583.
* 65 Cass. com., 26 Mars 2002,
J. C. P. E., 2002, 852, note A. Gourio. Auparavant, la Cour de cassation avait
décidé que le prêteur professionnel doit vérifier
que le prêt accordé n'est pas excessif compte tenu des
capacités de remboursement de l'emprunteur : v. par ex, cass.
civ.1ère, 08 Juin 1994, J. C. P. E., 1995, II, 652, note D.
Legeais.
* 66 La Cour de cassation est
très stricte sur l'application de ce devoir de conseil du notaire en cas
de cautionnement authentique. Dans un arrêt du 07 Novembre 2000, la
première chambre civile a retenu la responsabilité d'un notaire
qui avait accepté de recevoir un cautionnement, pourtant
proportionné aux capacités financières de la caution, car
il n'avait pas « appelé l'attention (des cautions) sur
l'importance et sur les risques des engagements, même
proportionnés à leurs facultés, auxquels ils se
proposaient de souscrire », Cass.civ.1ère, 07
Novembre 2000, Bull. civ. I, n° 282.
* 67 Ce sont notamment les
articles L. 341 - 2 à L. 341- 6 C. conso.
* 68 Cass. com., Sté
générale c/ Boutes : en l'espèce, les cautions
avaient à la fois les qualités d'actionnaires et de dirigeants de
la société. Elles avaient donc nécessairement connaissance
de la situation de cette dernière.
* 69 C.A. Papeete, 14 Avril
2005 ; Juris-Data n° 2005-273652.
* 70 Cass. com., 04 Octobre
2005 ; Juris-Data n° 2005-030122.
* 71 Cass. com., 22 Mars 2005,
Audience publique du 22.03.2005, n° de pourvoi : 02-20678.
Publié au Bulletin.
* 72 Art. L. 650-1 du Code de
commerce : « Les créanciers ne peuvent être tenus
pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis,
sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion
du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours
sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la
responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises
en contrepartie de ses concours sont nulles. »
* 73 « Le
créancier professionnel est tenu de faire connaître à la
caution personne physique, au plus tard avant le 31 Mars de chaque
année, le montant du principal et des intérêts,
commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 Décembre
de l'année précédente au titre de l'obligation garantie,
ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée
indéterminée, il rappelle la faculté de révocation
à tout moment et les conditions dans lesquelles celle- ci est
exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenu au
paiement des pénalités ou intérêts de retard
échus depuis la précédente information jusqu'à la
date de communication de la nouvelle information. »
* 74 L'inobservation par la
banque de son obligation d'information constitue une exception purement
personnelle à la caution. Celle-ci peut donc s'en prévaloir alors
même que la décision d'admission du créancier ayant
déclaré sa créance est passée en force de chose
jugée. Cass. com., 22 Avril 1997, R. T. D. Civ., 1998, note M. Brandac.
* 75 D. Legeais, « La
réforme du cautionnement par la loi du 29 Juillet 1998 », J.
C. P. E., 1998, p. 1724.
* 76 Cass.
civ.1ère, 12 Juillet 2005, D. 2005, AJ p. 2276, note
Delpech.
* 77 Cass. civ.
1ère, 25 Novembre 1997: J. C. P. E., 1998, p. 1594, note P.
Simler.
* 78 Cass. civ.
1ère, 26 Avril 2000: J. C. P. E., 2000, 1657, note P.
Simler.
* 79 Cass.com., 03 Mars 1992 et
15 Février 1994.
* 80 Cass.com., 04 Octobre
1994.
* 81 Cass. civ.
1ère, 04 Février 2003, J. C. P. G., II, 10152,
note L. De Gentili- Picard.
* 82 Le créancier
professionnel peut cependant prendre des engagements spéciaux envers la
caution, sources d'une responsabilité certainement contractuelle :
ex : obligation d'informer régulièrement la caution sur la
situation du débiteur, de ne pas accorder au débiteur une
prorogation sans l'accord de la caution.
* 83 Cass. com.,
09.07.2002 : Bull. Joly, novembre 2002, p. 1168, note A. Constantin.
* 84 Lorsque la caution demande
ainsi réparation de son préjudice personnel, son action est de
nature délictuelle et elle n'a pas à mettre en cause le
débiteur principal ou ses représentants : Cass. com.,
25.06.1996, J. C. P. E., 1997, II, 900, note D. Legeais.
* 85 Cass.
civ.1ère, 06 Avril 2004, Répertoire du Notariat
Defrénois 2005, art. 38111, p. 339 - 342.
* 86 Cass.
civ.1ère, 06 Avril 2004, Banque et Droit n° 96
Juillet/ Août 2004.
* 87
Civ.1ère, 29 Juin 2004, à paraître au bulletin,
numéro encore inconnu.
* 88 Cass. com., 27 Novembre
2001: Juris-Data n° 012025.
* 89Cass. Ch. mixte, 21. 02.
2003, Bull. Ch. mixte, n° 3 ; D., 2003, 829, note V. Avena-Robardet:
la caution fait opposition au commandement de payer ; la Cour d'appel
rejette cette opposition au motif que la caution ne peut agir en
responsabilité pour faute contre le banquier que par voie de demande
reconventionnelle ; cassation : « en statuant ainsi,
alors que les demandes reconventionnelles et les moyens de défense sont
formés de la même manière à l'encontre des parties
à l'instance, la Cour d'appel, qui devait répondre à la
demande de Mme X.. quelle qu'en fût la qualification procédurale,
a violé » les articles 4, 64, 68 et 71 du NCPC ; Cass.
com., 26. 10. 1999, Bull. civ. IV, n° 182.
D. Aff., 98.668 : « en dehors des cas
visés par l'art. 2037 C. civ., la faute du créancier ne peut
donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts à
la mesure du préjudice subi. »
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