Le Roman français et l' Avenir de la littérature francophone, face au Manifeste pour une littérature Monde( Télécharger le fichier original )par Mame Diarra DIOP Université Paris IV La Sorbonne - Master 1 de Lettres Modernes Appliquées 2007 |
b) les écrivains ensuite...Ils sont bien sûr les principaux concernés. Comment bouder un prix quand on le reçoit et quand on sait qu'il va apporter un coup de projecteur à son oeuvre. En général, les écrivains sont entretenus par leurs éditeurs de ces cuisines internes. Dans sa chronique du magazine Lire18(*), Frédéric Beigbeder se confie : « Il y a cependant une chose dont personne ne parle, l'effet atroce des prix sur ceux qui n'en ont pas. Plusieurs fois, il m'est arrivé d'être le loser d'une de ces guerres picrocholino-germanopratines. En 2000, PPDA me souffla un Interallié qu' Yves Berger m'avait fait miroiter pour 99 francs... » Plus loin, il ajoute : « La valse des prix infantilise les auteurs. Je me souviens en 2003 quand Pierre Mérot n'a pas eu le prix Décembre pour Mammifères : il souffrait vraiment comme un bon élève qui avait une mauvaise note. » Autre cas : Michel Houellebecq, débauché des éditions Flammarion par l'éditeur Raphaël Sorin, avait d' abord été repéré chez un petit éditeur du nom de Maurice Nadeau, grâce au succès de « Extension du domaine de la lutte ». Malheureusement, Houellebecq a raté le Goncourt qui lui avait été quasiment assuré avec La possibilité d'une île, publié chez Fayard en 2005. C'est François Weyergans qui l'a emporté avec Trois jours chez ma mère, entretenant la fameuse combinaison historique Galligrasseuil... c) et les éditeurs - La combinaison Galligrasseuil,On verra donc que très souvent Gallimard, Grasset ou Seuil sont les maisons d'édition favorites, pour remporter des prix prestigieux comme le Goncourt. Avec 121 récompenses attribuées, Gallimard est en tête du trio, suivi par Grasset avec 91 distinctions. Viennent ensuite Le Seuil, Mercure de France, Flammarion, Julliard, Fayard ou Calmann-Lévy... Alors, la rentrée devient la période d'acharnement, une bataille terrible pour l'obtention des prix. André Rollin, journaliste et écrivain raconte dans un article paru dans le Canard Enchaîné19(*): « Ils font tous partie de ce « petit milieu » de l'édition ; Ils s'observent, se jalousent, avec des sourires par devant et des coups de griffe dans le dos. On se serre les mains pour mieux se faire des crocs en jambe. On se félicite à haute voix pour mieux se dénigre dans les chuchotements. C'est ce petit monde de combines. » Ce sont ces mêmes combines que Jacques Brenner, à l'instar de Madeleine Chapsal, mais dans un tout autre genre, dénonce dans « La cuisine des prix » 1980-199320(*). Mort en 2001, l'ancien collaborateur de Grasset et ex-membre du jury Renaudot, a tout noté : ses rencontres, ses coups de fil, les déjeuners, les petits arrangements entre amis... C'est au cours de ces combines, que tout se décide, que sont choisis les jurys, eux même affiliés aux éditeurs et aux futurs lauréats des prix. Ironique, Brenner écrira encore : « Pour remercier Robbe Grillet d'avoir fait obtenir le Médicis à Bernard-Henri Lévy, on (Grasset) publiera un mauvais érotique de sa femme (14 avril 1985). » Le 8 novembre, il cite Angelo Rinaldi, critique féroce mais écrivain médiocre et candidat au prix dire : « Antoine Gallimard m'a téléphoné. Un accord a été conclu entre Gallimard et Grasset. Les jurés Gallimard voteront Grasset pour le Goncourt et les jurés Grasset voteront Gallimard pour le Renaudot. » Et ces confidences s'étalent à près de sept cent pages, un pavé dans la mare que beaucoup d'éditeurs ne démentiront pas. « Les ennemis des jurys ont bien raison quand ils parlent de magouilles et je donnerais ma démission du Renaudot si je n'en retirais moi-même quelques bénéfices », confesse Brenner le 16 octobre 1993 dans son Journal, suite du tome I, publié chez Fayard. D'ailleurs, Claude Durand, PDG rebelle de Fayard, ne se privera pas de répondre aux questions des journalistes, quant à ces magouilles éditoriales et auxquelles sa propre maison n'échappe pas. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche21(*), il reste pessimiste face à la prépondérance de cette combinaison Galligrasseuil et admet ne pas avoir apprécié la manière dont Michel Houellebecq a raté le Goncourt 2005. Toutefois, Claude Durand qui est par ailleurs l'éditeur de Soljenitsyne, d'Ismaël Kadaré ou encore celui qui a traduit en français Cent ans de Solitude22(*), reste optimiste quant à l'avenir de l'édition française et cela, à court et moyen terme. Quand on spécule sur son départ possible des éditions Fayard, il prépare son prochain coup d'éclat. Ce qu'explique bien un autre observateur dans son ouvrage La grande magouille, Guy Konopnicki écrivait qu'un Goncourt rapporterait plus de dix millions d'euros de chiffre d'affaires », un chiffre qui ne laisse aucun éditeur indifférent et à regarder la composition des jurys immuables, on ne peut ignorer le jeu des influences. Mais la France pourra t-elle un jour adopter le système anglo-saxon du Booker Prize ou celui du Pulitzer américain, à savoir dissoudre un jury dès proclamation des résultats ? L'exception française risquerait d'en être profondément atteinte ? Nous avons observé le milieu de l'édition en France, à travers la description des prix littéraires et les nouvelles formes du roman moderne, nous avons aussi retracé les courants qui dominent le marché, un marché de l'édition lui-même soumis à la loi du profit car appartenant à des industriels. Hachette, dirigé par Arnaud Lagardère, et Editis, gouverné par le baron Ernest Antoine Seillière, se partagent le gâteau de l'édition. Fort heureusement, il existe des maisons indépendantes comme Gallimard ou Flammarion et aussi de toutes petites maisons d' édition qui font un travail éditorial soutenu et se dédient à découvrir des auteurs plus qu'en à fabriquer. A l'heure où l'auteur pourtant n'existe qu'à partir d'un nom et d'une visibilité médiatique, certains prix permettent de révéler des auteurs étrangers qui écrivent en langue française. Même s'ils sont encore catalogués comme écrivains francophones et si leurs livres se trouvent classés dans des rayons spéciaux en librairies ou en grande surface commerciale, Saint Germain des Prés comme l'on a coutume de nommer l'ensemble des éditeurs français, est entrain de subir des changements qui la forcent à s'éloigner de son centre névralgique pour regarder vers le monde. L'an dernier, l'écrivain français d'origine congolaise, Alain Mabanckou a reçu le prix Renaudot pour son livre Mémoires de Porc-épic et Léonora Miano, celui du Goncourt des lycéens pour Contours du jour qui vient, alors va-t-on continuer à les qualifier d'auteurs francophones ? C'est tout le débat lancé par la publication du Manifeste des 44 dans les pages du Monde des Livres23(*), un texte qui appelle à Une littérature Monde en Français... * 18 Chronque de Décembre 2006 * 19 Edition du 1er novembre 2006 * 20 La cuisine des prix, tome 5, Fayard, Jacques Brenner, 2006 * 21 Edition du 19 novembre 2006 * 22 Roman de Gabriel Garcia Marquez, Le Seuil, 1968 * 23 Edition du 15 mars 2007 |
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