Section 2: résolution et prévention des
conflits : gouvernement d'entreprise
1) les différentes approches de Gouvernance
d'Entreprise : définitions
Selon l'optique disciplinaire, le gouvernement d'entreprise a
pour objet de mettre le dirigeant au pas afin que ce dernier gère
l'entreprise au profit des actionnaires, et plus généralement au
profit de toutes les parties prenantes. On oppose de ce fait la vision
traditionnelle ou moniste du GE qui fait la part belle aux seuls apporteurs de
capitaux (actionnaires), à la vision pluraliste ou partenariale qui
élargit la firme à tous les partenaires. Dans l'un ou l'autre
aspect, le Gouvernement d'Entreprise désigne l'ensemble des
mécanismes devant assurer la prise en compte des intérêts
de toutes les parties contractantes. Le gouvernement d'entreprise a trait ainsi
à la façon de concilier les intérêts des deux
parties et de faire en sorte que les entreprises soient exploitées au
profit des investisseurs (Mayer 1996).
Demb et Neubaeur (1992), par exemple, indiquent que « le
Gouvernement d'Entreprise concerne la responsabilité en matière
de performance ». Selon Kester, « le problème central du
Gouvernement d'Entreprise est de concevoir des systèmes
spécialisés d'incitation, de sauvegarde et de
réglementation des différends de nature à favoriser la
continuité au sein de l'entreprise de relations qui soient efficientes
en présence d'un opportunisme régi par l'intérêt
personnel.».
D'après Charreaux et Desbrières le Gouvernement
d'Entreprise se définit comme : l'ensemble des mécanismes
organisationnels ayant pour objet de délimiter les pouvoirs et
d'influencer les décisions (notamment de financement et
d'investissement) des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite
et définissent leur espace discrétionnaire.
2) les mécanismes du Gouvernement
d'Entreprise :
Les mécanismes de gouvernance d'entreprise sont
nombreux et bien documentés dans la littérature, nous distinguons
les mécanismes internes des mécanismes externes.
v Les mécanismes internes de la gouvernance
Les mécanismes internes de Gouvernance d'Entreprise
comptent sur des intervenants internes à l'entreprise pour surveiller
les agissements des dirigeants. Ces mécanismes sont au nombre de
cinq :
· La participation des dirigeants au capital
action :
Il est démontré qu'en ayant une participation
élevée au capital action de l'entreprise, les dirigeants ont
tendance à aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires
(Leland et Pyle, 1997). Une mauvaise gestion des ressources de l'entreprise met
en effet en danger la portion de leur richesse qui est reliée à
la valeur marchande de l'entreprise. Les problèmes reliés
à l'effort et à l'horizon temporel s'en trouvent ainsi
atténués.
· Les contrats de rémunération
incitatifs :
Les régimes d'option et les primes sont
généralement considérés comme des modalités
de contrats incitatifs. Shleifer et Vishny (1997) estiment que les
régime d'options utilisés comme contrat de
rémunération incitatif constituent une alternatives efficace
puisqu'en maximisant la valeur des actions de l'entreprise, les gestionnaires
maximisent également la valeur de leurs options. Toutefois,
l'utilisation de tels régimes n'est pas dépourvue de
problèmes. En effet, il est trop facile pour la haute direction de
l'entreprise de convaincre le conseil d'administration de modifier le prix deb
levée des options, afin d'obtenir la disparition complète de
l'incitatif.
· Les investisseurs
institutionnels :
Les banques, les compagnies d'assurance et les caisses de
retraite publique et privées ne sont pas des actionnaires comme les
autres. Aux Etats-Unis, ils ont engendré une véritable
révolution dans le domaine de la gouvernance d'entreprise,
spécialement depuis que l'essor des moyens de défense contre les
prises de contrôle a grandement affaibli le marché des prises de
contrôle en tant que mécanisme de gouvernance d'entreprise.
· Les actionnaires dominants :
Les détenteurs de blocs de contrôle constituent
un autre mécanisme de gouvernance d'entreprise. En effet, la
présence d'actionnaire majoritaire améliore nettement la
surveillance des dirigeants de l'entreprise, réduit les coûts
d'agence et augment la valeur de l'entreprise. Les actionnaires majoritaires
peuvent obtenir une plus grande part des bénéfices
résultant de la surveillance des dirigeants de l'entreprise. Vu la forte
probabilité que ces coûts surpassent les coûts de
surveillance, ils sont économiquement plus motivés à jouer
un rôle de surveillant.
· Le conseil d'administration :
Il joue un rôle important dans les entreprises. Fama
(1980) lui attribue la mission de contrôler les principaux dirigeants.
Théoriquement, il doit s'assurer que les décisions prises par ces
derniers servent les intérêts des actionnaires. Notons toutefois
que le rôle disciplinaire du conseil d'administration peut être
limité, surtout si le nombre d'administrateurs sous l'autorité de
la haute direction est élevé. C'est souvent le cas lorsque les
administrateurs internes (c'est-à-dire les administrateurs qui sont au
service de l'entreprise ou qui sont d'anciens employés retraités)
sont dominants. Weisbach (1988) soutient en effet que plus la proportion des
administrateurs externes siégeant au conseil d'administration est
élevée, plus la convergence entre les intérêts des
administrateurs et ceux des actionnaires augmente. La probabilité de
renvoi d'un directeur général suite à une mauvaise
performance est significativement plus élevée dans ce cas que
dans le cas où les administrateurs externes sont minoritaires.
D'après Charreaux et Pitol-Belin (1990), « la plupart des
propositions émanent du président du conseil d'administration.
Les propositions des autres administrateurs n'interviennent en moyenne que dans
30% des cas, ce qui confirme le rôle prépondérant du
président dans la composition et dans le fonctionnement du
conseil ». Alors, si le directeur général cumule se
poste avec celui de président du conseil d'administration, on peut
craindre que même les administrateurs externes ne soient pas à
l`abri de son influence. Le Directeur général peut en effet
s'entourer de personnes dociles et passives qui serviront mieux ses propres
intérêts que ceux des actionnaires (Mace, 1986). Notons toutefois
que les administrateurs externes ont plusieurs raisons de faire preuve d'une
certaine indépendance vis-à-vis de la direction.
Premièrement, ils peuvent être tenus responsable des dommages
causés par le défaut d'accomplissement de leur tache,
étant donné les obligations légales qu'ils ont envers les
actionnaires. Deuxièmement, préoccupés par leur valeur sur
le marché des administrateurs, ils n'ont pas intérêt
à être soupçonnés de collusion avec la direction.
Ils tentent donc de préserver une réputation d'administrateurs
compétents et non complaisants. Rosenstein et Wyatt (1990) trouve que
l'ajout d'un administrateur externe au conseil d'administration accroît
la valeur de la firme.
v Les mécanismes de gouvernance externes
La gouvernance externe est le fait que le contrôle de la
direction soit assuré par des parties extérieures à
l'entreprise tels que le marché du travail, le marché des
capitaux, la réglementation, etc.
· Le marché du travail :
Fama (1980) décrit comment le marché du travail
peut aider les entreprises à contrôler leurs coûts d'agence.
En effet, en instaurant un système de rémunération
lié à la performance des dirigeants, les entreprises arrivent non
seulement à réduire leurs coûts d'agence, mais aussi
à garder les meilleurs dirigeants. Faute d'un bon système de
rémunération reflétant leur performance, les bons
dirigeants seront les premiers à quitter l'entreprise.
Parallèlement, un dirigeant qui a enregistré de mauvais
résultats par le passé sera moins sollicité par les
entreprises performantes.
· Les politiques financières de
l'entreprise :
Jensen (1986) souligne que les entreprises opérant dans
les secteurs matures peuvent générer des liquidités
excédentaires. Ces sommes doivent être retournées aux
actionnaires sous forme de dividendes ou de rachat d'actions, pour un
réinvestissement optimal. Toutefois les dirigeants peuvent ne pas agir
de la sorte. Ils peuvent allouer ces fonds à des projets non rentables
ou les utiliser pour leur propre compte. En l'absence d'un bon système
de gouvernance d'entreprise la politique de dividende et le financement par la
dette jouent un rôle essentiel pour réduire les liquidités
excédentaires et le risque de gaspillage de ces fonds par les
dirigeants.
· La réglementation des marchés de
capitaux :
Elle a pour but la protection des actionnaires, à
travers son caractère formel de divulgation de l'information, ses
restrictions sur les transactions d'initié et ses mécanismes de
sanction. Les actionnaires sont généralement petits et nombreux.
Ce qui entraîne une absence d'incitation des actionnaires individuels
à assumer la responsabilité du contrôle et de la
surveillance des décisions prises par les dirigeants de l'entreprise. De
plus, les actionnaires atomistiques sont disperses géographiquement et
mal organisés pour créer, gérer et maintenir une coalition
d'actionnaires. De ce fait, la réglementation des marchés de
capitaux vient jouer un rôle de surveillance directe pour les
actionnaires.
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