INTRODUCTION GENERALE
Longtemps considéré comme dépourvu de
force pour la protection de la partie faible, en l'espèce le
salarié, le contrat de travail retrouve aujourd'hui une place de choix
dans les relations salariales. Ce plébiscite du contrat dans les
relations de travail est qualifié de « renouveau du contrat de
travail ». L'audience suscitée par ce nouvel essor est si
considérable qu'elle justifie la présente étude. Mais pour
mieux cerner ce phénomène de revitalisation, il serait opportun
de faire un bref aperçu sur l'évolution du contrat de travail.
Le contrat de louage de service1(*) devenu contrat de travail avait été
l'objet de critiques. Les auteurs dénonçaient le rapport
inégalitaire existant entre les parties en présence. Cet
acharnement est l'aboutissement d'un ensemble d'événements qui
ont concouru à faire de ce contrat, un simple acte qui formalise
l'entrée du salarié dans l'entreprise.
En effet, ce sont les guerres qui, dans l'Antiquité
fournissaient aux puissances conquérantes, la main d'oeuvre
nécessaire. Les populations des territoires dominés
étaient traitées comme des esclaves. La réglementation du
travail était sans objet.
Cependant, la société civilisée va les
affranchir en leur conférant le statut de personnes. Dès lors, il
devient nécessaire de procéder à une organisation du
travail. Sous l'Ancien Régime, la seule forme d'organisation est celle
des corporations. Elles avaient pour mission d'organiser l'exécution du
travail et prendre la défense des ouvriers. Ce modèle
d'organisation sera remis en cause par la révolution française de
1789.
Les lois Le Chapellier et d'Allarde de 1791 adoptées
au nom du principe de la liberté d'entreprise auront pour effet
immédiat la suppression des corporations. Ces lois avaient pour
ambition de rétablir la liberté contractuelle et permettre aux
individus de négocier sur un pied d'égalité. Dans cette
optique, l'action collective ; celle des corporations évidemment
constituait une entrave à la négociation individuelle. Il faut
rappeler que la période post révolutionnaire était
caractérisée par l'exaltation de la liberté individuelle.
Cette idéologie veut que la liberté soit la règle et la
loi, l'exception. Le droit du travail en restera marqué.
Devenue peu enviable avec la suppression des corporations, la
situation du salarié deviendra des plus vulnérables avec le
triomphe de la liberté contractuelle. Celle-ci bute sur le rapport de
force inégal et généralement favorable à
l'employeur.
Le salarié se soumettra dorénavant aux
desiderata de son employeur. Le contrat de travail dans cette optique ne sera
en vérité qu'une simple adhésion du salarié aux
exigences posées par son employeur. L'employeur et comme c'est souvent
le cas lorsqu'on est en position dominante est amené à commettre
des abus. C'est pourquoi beaucoup d'auteurs n'ont pas hésité
à porter des critiques à l'endroit de ce contrat..
Georges Scelle le considère comme un acte - condition
déclenchant l'application d'un statut légal et
conventionnel2(*).
Le développement sans cesse croissant d'une
législation protectrice du salarié ne participe t-il pas à
cette entreprise de remise en cause du contrat dans les relations du
travail?
En effet, l'abondante législation en droit du travail
relève du souci de l'autorité étatique de protéger
le salarié. Les lois interviennent pour limiter les excès de la
liberté contractuelle. L'adage « qui dit contractuel dit
juste » n'a plus de sens dans cette branche du droit. Il revient
à la loi et aux règlements de protéger le salarié.
Ainsi avait- on conclu au déclin de ce contrat.
S'interrogeant sur les causes de cet effacement du contrat dans les relations
de travail, WAQUET Philippe3(*) en mentionne trois. La première tient au droit
du travail conçu comme un moyen de réglementer les relations de
travail en protégeant le salarié contre les excès du lien
de subordination. Dans cette optique, le contrat ne serait que « le
ticket d'entrée dans la vie de l'entreprise »
La seconde cause tient au contrat de travail lui-même.
En effet, ce contrat met en présence des parties aux chances
inégales.
Enfin le contrat conforte l'autorité de l'employeur qui
pourra donner des ordres et instructions quant à l'exécution du
travail.
Cette analyse anticontractualiste n'avait cependant pas
emporté l'adhésion de tous les juristes. Ainsi a-t-on noté
une conception plutôt contraire à la précédente.
Celle-ci se propose de voir dans le contrat le point de départ de toute
relation de travail.
Ainsi à partir des années 50, une nouvelle
génération d'auteurs va plutôt prendre le contre-pied de
l'analyse précédente en concédant de voir dans le contrat
de travail, la source normale du rapport employeur à salarié.
Dès 1968, Gérard LYON -CAEN, pourtant peu enclin à exalter
la liberté contractuelle dans les rapports du salariat va proposer la
réévaluation des vertus du contrat de travail.4(*) On assiste au retour du contrat
de travail. C'est ce retour que des auteurs ont appelé renouveau du
contrat de travail. Mais quel sens donner à l'expression renouveau du
contrat de travail ?
L'expression « renouveau « loin de porter
à polémique signifie tout simplement dans le cas d'espèce
retour. Il s'entend aussi de la restauration du contrat.
Quant à la notion de contrat de travail, il a
été consacré par le législateur togolais. L'article
34 du nouveau code togolais du travail le définit
comme « un accord de volonté par lequel une personne
physique, dénommée travailleur, s'engage à mettre son
activité professionnelle sous la direction et l'autorité d'une
autre personne physique ou morale dénommée employeur, moyennant
une rémunération appelée salaire »
Le thème de notre réflexion peut s'entendre du
regain ou de la restauration du contrat dans les relations de travail.
Ce retour du contrat a été largement
commenté par la doctrine.
Sous la plume de WAQUET Philippe,5(*) on découvre que ce
contrat « n'a jamais occupé une place aussi importante dans
le droit du travail qu'en cette fin du 20e
siècle ».
De même Jean - Emmanuel RAY6(*)
écrivait : « Jadis décrié, car le
postulat d'égalité froissait le droit de la subordination,
l'article 1134 du code civil connaît aujourd'hui une seconde jeunesse
avec le renouveau du contrat de travail ».
Désormais le contrat sera à la base de tout
rapport juridique entre l'employeur et le salarié. Pour soutenir cet
édifice, l'article 1134 du code civil est invoqué. Il faut
rappeler que le chantier de la restauration du contrat a été
amorcé vers la fin des années 80 par l'arrêt Raquin7(*).
Au regard de ce qui précède,
l'intérêt du sujet n'est plus à démontrer Il reste
et demeure très actuel. Ainsi de nombreux laboratoires de droit social
l'ont inscrit comme thème de recherche. L'objectif de toutes ces
recherches étant de savoir si l'usage du contrat dans les relations de
travail pouvait relever le défi de la protection des
intérêts du salarié.
Sur un tout autre plan, il est malheureusement constaté
que la revalorisation du contrat a fait l'objet de récupération
par les employeurs. Ceux-ci n'ont pas hésité à
sophistiquer le contenu du contrat en y introduisant des clauses qui, loin de
protéger le salarié, vont plutôt l'assujettir.
Face à cette ambivalence du contrat dans les relations
du travail, notre réflexion tentera d'apporter sa contribution pour une
meilleure protection du salarié.
Le sujet suscite plusieurs interrogations. Quelles sont les
manifestations du regain du contrat dans les relations de travail ? Ses
manifestations contribuent-elles à la protection du
salarié ? Le renouveau prend-il en compte les intérêts
de l'entreprise ? Si oui, ne peut-on pas craindre que l'individualisation
des situations soit préjudiciable au salarié ? Quelles sont
par ailleurs les éventuelles craintes que l'individualisation trop
poussée peut entraîner ? Quelles mesures prendre alors pour
garantir la protection du salarié ? Autant de questions qu'il faut
résoudre. Mais fondamentalement il s'agit de déterminer si le
contrat suffit à lui seul pour protéger de façon efficace
le salarié.
Nul ne conteste aujourd'hui le rôle que joue le contrat
dans la protection du salarié. C'est le meilleur gage de
sécurité dans toute relation humaine. Il revalorise la position
du salarié en lui permettant de s'opposer aux modifications des
éléments du contrat. Ainsi peut-il négocier des avantages
que ne concéderait pas un statut collectif. Mais malheureusement, on
s'est vite rendu compte que la marge de manoeuvre que le contrat offre au chef
d'entreprise limite sa capacité quant à la protection du
salarié. L'employeur n'aura aucune gêne à utiliser le
contrat à ses propres fins. Il est alors évident que le renouveau
du contrat de travail protège non seulement le salarié mais sert
aussi les intérêts de l'entreprise.
A cet effet nous proposons dans notre analyse de relever les
moyens de protection que le contrat met à la disposition du
salarié. Nos développements tenteront par ailleurs
d'évoquer la récupération du contrat par les employeurs
à leur profit. On ne passera pas sous silence les efforts faits pour
rétablir l'équilibre entre les deux parties.
Cette approche du sujet nous a conduit à articuler nos
développements autour des manifestations du renouveau du contrat de
travail (Première Partie). Cependant, le recours au contrat a
montré ses faiblesses quant à sa tendance naturelle à
protéger à lui seul, le salarié (Deuxième Partie).
PREMIERE PARTIE :
LES MANIFESTATIONS DU RENOUVEAU
DU CONTRAT DE TRAVAIL
Longtemps considéré comme le mal
aimé8(*) du droit du
travail, le contrat du travail est dorénavant le point de départ
de toute relation de salariat. Celle-ci a longtemps été
marquée par l'adhésion du salarié aux différentes
propositions du chef d'entreprise considéré comme le pourvoyeur
d'emplois. Que peut faire un jeune candidat à l'emploi face à un
employeur averti et aguerri ? La négociation qui s'engagera entre
ces deux parties ne peut revêtir les vertus du contrat. Le demandeur
finira par accéder aux propositions de l'employeur. Ce dernier utilisera
le contrat comme un faire valoir. En réalité l'accord obtenu n'a
rien de contractuel. Mais le contrat n'a pas livré tous ses secrets
quant à la protection du salarié.
On s'est en effet, rendu compte que le contrat de travail
pouvait offrir des moyens de protection au salarié. La
réhabilitation du contrat devient un des outils pour la défense
des salariés. Ce contrat spécial permet à l'article 1134
c. civ. de se refaire une nouvelle jeunesse. L'objet de cette première
partie est de relever les nouvelles opportunités qu'offre le contrat de
travail aux salariés en vue de se défendre contre les abus du
chef d'entreprise.
Ces moyens s'extériorisent par le nouveau droit de la
modification du contrat de travail (chapitre I). En outre, la
détermination des éléments essentiels de ce contrat
constitue une protection pour le salarié (chapitre II).
CHAPITRE I : LE NOUVEAU DROIT DE LA MODIFICATION DU
CONTRAT DE TRAVAIL
Le droit de la modification du contrat de travail n'est plus
ce qu'il était. L'arrêt Raquin a été le point de
départ d'une nouvelle construction jurisprudentielle.
Jadis, la modification du contrat de travail s'articulait
autour du duo modification substantielle et modification non substantielle. Que
revêtaient ces notions ?
La première se définissait comme celle touchant
un élément fondamental ayant déterminé les parties
à la conclusion du contrat. Pour être valable, une telle mesure
devra recueillir l'adhésion du salarié. La difficulté est
de savoir quels sont les éléments déterminants dans le
contrat de travail ?
Aucun critère n'étant défini, le juge va
procéder à la recherche d'intention et par là à
l'interprétation.
La modification non substantielle est celle qui ne porte pas
sur un élément fondamental du contrat de travail. Elle
relève du pouvoir de direction reconnu à l'employeur. Le
salarié ne peut la refuser sous peine de sanctions.
Profitant du raisonnement précédent, l'employeur
qualifiera toutes ses modifications de non substantielles pour contourner
l'accord préalable du salarié. L'instrumentalisation de ce droit
a conduit à des abus. Son caractère injuste a été
dénoncé.
Philippe WAQUET écrivait en ce sens que la
différence entre modification substantielle et modification non
substantielle était « artificielle et
trompeuse »9(*). La modification telle que conçue ne
protégeait pas le salarié.
Dans un souci de protection, une nouvelle distinction sera
proposée. L'initiative est venue de la jurisprudence française
qui dans les arrêts du 10 juillet 199610(*) va inaugurer une nouvelle summa divisio en
matière de modification du contrat de travail : c'est le
binôme modification du contrat de travail et changement des conditions de
travail.
Le droit togolais pour sa part ne consacre pas une telle
distinction. Ni la convention collective interprofessionnelle ni le nouveau
code du travail ne font cette distinction.
Le nouveau code du travail fait expressément
référence à la modification substantielle. L'article 76
al.2 dudit code dispose que : « lorsque la modification est
substantielle et qu'elle est refusée, la rupture du contrat est
imputable à la partie qui en a pris l'initiative ».
Bien que n'ayant pas suivi la distinction de la jurisprudence
française, le droit togolais protège à suffisance le
salarié.
Notre analyse tentera de relever le caractère
ambivalent du nouveau droit de la modification. La protection du salarié
et l'essor de l'entreprise sont tous deux pris en compte. Ainsi l'opposition
entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de
travail (Section I) répond aux préoccupations du droit du travail
(Section II).
SECTION I : L'OPPOSITION ENTRE MODIFICATION DU CONTRAT
DE
TRAVAIL ET CHANGEMENT DES CONDITIONS DE
TRAVAIL.
Le nouveau droit de la modification se construit autour de la
modification du contrat de travail (Paragraphe I) et du changement des
conditions de travail (Paragraphe II). Ce droit tout en accordant une
importance particulière à la volonté des parties, renforce
les pouvoirs reconnus aux employeurs.
PARAGRAPHE I : LA SOUMISSION DE LA MODIFICATION DU
CONTRAT
DE TRAVAIL À
L'ACCORD DES PARTIES
L'article L. 121-1 du code français du travail soumet
le contrat de travail au droit commun. Ce texte dispose que « le
contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut
être constaté dans les formes qu'il convient aux parties
contractantes d'adopter ». Le droit commun est quant à lui
régi par l'art. 1134 c. civ. qui dispose que : « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de
leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent
être exécutées de bonne foi ». Ce texte renvoie
donc à la force obligatoire attachée au contrat (A) qui ne peut
être modifié que d'un commun accord (B).
A/- LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL.
Le contrat, conformément à l'article 1101 du
code civil est « une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à
faire ou ne pas faire quelque chose ».
Ce texte, tout en consacrant une définition du contrat
met en relief une de ses caractéristiques fondamentales. C'est la
question de l'autonomie de la volonté. Celle-ci se traduit par une
entière liberté d'expression des parties.
Les parties discutent par ailleurs d'égale à
égale. Le contrat est comme on le voit le meilleur moyen de
réglementer les rapports. Une fois conclu, le contrat devient la loi des
parties. Celles-ci se trouvent liées par les clauses contractuelles qui
devront être exécutées de bonne foi. Le contrat est sans
doute un élément de sécurité et de justice car
« qui dit contractuel, dit juste »11(*).
En soumettant le contrat de travail au droit commun, le droit
du travail amorce une véritable révolution. Celle-ci va pour
l'essentiel réhabiliter la position du salarié dans les rapports
de salariat.
En effet, le contrat de travail était
considéré comme un simple acte formalisant l'entrée du
salarié dans l'entreprise. C'était comme suivant l'expression de
Philippe WAQUET, « le mal aimé du droit du
travail ». On ne lui concédait aucune importance. Et pour
cause, il ne présente aucune des vertus12(*) propres au contrat.
Son retour va conférer un peu plus de pouvoirs au
salarié.
Ainsi peut-il revendiquer sur le plan purement juridique une
égalité avec l'employeur. Il peut négocier seul ou
collectivement. Lorsqu'il le fait seul, on se situe dans la sphère
contractuelle et la négociation est dite individuelle. Le
salarié devient un acteur actif. Il est en droit de porter des jugements
sur les propositions faites par le chef d'entreprise. Il peut alors refuser les
offres qui lui sont adressées et faire des contre-propositions. Ceci
n'est pas le cas dans la logique où le contrat de travail serait
considéré comme un rapport de force où le plus fort domine
le faible. Il devient plutôt le moyen permettant de réglementer
les intérêts en jeu car désormais, la réussite de
l'employeur est liée au bien-être du salarié. C'est
finalement l'alliance d'intérêts qui scelle le contrat de travail.
Le salarié dans cette logique, participe au devenir de son contrat.
Le nouveau code togolais du travail concède les
mêmes avantages au salarié. Le droit de refus d'une modification
substantielle s'analyse comme une revalorisation de la position du
salarié.
Le contrat confère une meilleure protection au
salarié. Lorsque le contrat est formé, il lie les parties. Le
chef d'entreprise et son employé ne peuvent que se référer
à cet instrument pour la résolution des conflits qui peuvent
surgir. C'est l'essence de l'article 1134 C. Civ. qui donne une
légitimité à la force obligatoire attachée au
contrat et l'immutabilité de l'accord de volonté sous l'adage
pacta sunt servanda. Il est ainsi interdit de réviser les conventions
pour imprévision13(*). Cependant, le contrat de travail
est négocié en tenant compte des circonstances. En prenant en
compte cette particularité du droit du travail, il importe de faire une
adaptation nécessaire de la relation contractuelle.
Ainsi le contrat de travail peut subir des modifications
ultérieures. Celles-ci ne peuvent qu'intervenir de façon
consensuelle.
B/- LA RÉVISION CONSENSUELLE DU CONTRAT DE
TRAVAIL
Le contrat de travail ne s'inscrit pas dans l'immobilisme. Il
doit pouvoir s'adapter aux circonstances. Des modifications peuvent intervenir
si les circonstances initiales venaient à être changées.
Mais pour ce faire et conformément à l'al.2 de l'article 1134
c.civ., la modification ne peut se faire que d'un commun accord. Cette exigence
implique à suffisance que les parties ont une option face à la
proposition de modification. Le salarié, au même titre que
l'employeur, peut vouloir la modification et la proposer ; toutefois, sa
dépendance économique restreint son pouvoir de conviction et son
esprit d'initiative. Contrairement au salarié, les propositions du chef
d'entreprise sont fréquentes. Le salarié peut les accepter ou
les refuser. Lorsqu'il accepte, le contrat est modifié et
exécuté suivant de nouvelles conditions. L'acceptation de la
modification n'est pas source de contentieux. C'est le refus de la proposition
qui suscite un intérêt. Quelles sont les différentes formes
de modification et sous quelle forme le refus doit-il intervenir ?
La modification du contrat de travail consiste
désormais à porter atteinte à un de ses
éléments. Il n'est plus question de s'interroger si
l'élément est fondamental ou non. Une atteinte même minime
au contrat s'analyse en une modification. Elle prend deux
formes. Elle peut être économique ou personnelle.
Elle est économique lorsqu'elle est envisagée en
cas de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de
réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de
l'entreprise.
Ces difficultés pourront conduire à des
réductions de salaire, à l'imposition du temps partiel et des
mutations.
La modification est personnelle lorsqu'elle est motivée
par la personne du salarié. La personne du salarié sera ici
déterminante dans la décision de l'employeur. Ce motif peut
être lié au comportement, la compétence, la
santé.
La décision de modifier le contrat de travail est un
acte grave. Pour permettre au salarié de prendre une bonne
décision, il faut l'informer et lui donner un temps de réflexion.
Une procédure est destinée à cette fin.
Le droit français prévoit une procédure
particulière pour les modifications ayant un motif économique.
Le nouveau code togolais du travail prescrit en son art. 76
al. 1er sans distinguer entre modification pour motif
économique ou personnelle la notification à la partie adverse.
Dans cette procédure, l'on note deux étapes essentielles. Il
s'agit de l'information et de la réponse. Ces deux étapes sont
essentielles dans les relations contractuelles.
L'employeur a la charge d'informer le salarié de sa
proposition de modifier le contrat. Sous quelle forme doit-elle être
adressée?
Contrairement au droit togolais, le droit français fait
une distinction entre les deux formes de modification du contrat de travail.
Lorsqu'il s'agit d'une modification pour motif personnel, aucune forme
particulière n'est prescrite pour la notification. Une information
même verbale est admise.
Quant à la modification pour motif économique,
L'article L 321-1-2 du code du travail issu de la loi du 20 décembre
1993 instaure une procédure particulière destinée à
formaliser l'acceptation du salarié. L'employeur, doit dans ce cas,
informer chaque salarié par lettre recommandée avec accusé
de réception.
Pour permettre au salarié de donner une réponse
claire, il faut lui donner un délai de réflexion. A l'issue de ce
délai, le salarié prendra sa décision conformément
à l'offre qui lui est faite. Il peut soit la refuser ou l'accepter.
Au total, il existe une procédure permettant d'informer
et de réfléchir dans les différentes formes de
modification. La distinction faite en droit français par rapport
à la procédure est aujourd'hui dénoncée. Le rapport
de Virville14(*)
prévoit dans sa proposition n°16 que la procédure
applicable en matière de modification du contrat pour motif
économique soit applicable dans toutes les formes de modification.
Le nouveau droit de la modification revitalise le contrat et
rend les rapports de travail plus humains car il ne s'agit plus de prendre des
décisions unilatérales. L'unilatéralisme cède le
pas à la concertation.
Que dire alors des changements des conditions de
travail ?
PARAGRAPHE II : LES CHANGEMENTS DES CONDITIONS DE
TRAVAIL :
UNE PRÉROGATIVE DU
CHEF D'ENTREPRISE.
Le contrat de travail lorsqu'il est conclu, doit
s'exécuter. Dans cette phase d'exécution, le chef d'entreprise
devient le chef d'orchestre. Il doit donner des ordres pour la
réalisation des objectifs fixés. Il lui incombe de fixer les
conditions dans lesquelles le travail devra s'exécuter. S'il a le
pouvoir de fixer les conditions d'exercice du travail, il n'a pas moins le
pouvoir de les changer. Cette prérogative du chef d'entreprise est
essentielle dans toute relation de travail. Elle se manifeste par ce qu'il est
convenu d'appeler pouvoir de direction (B) dont le soubassement est le lien de
subordination (A).
A/- LE LIEN DE SUBORDINATION : SOUBASSEMENT DU POUVOIR
DU CHEF D'ENTREPRISE
Le contrat de travail est soumis au principe de l'autonomie de
la volonté. Cela suppose une certaine égalité entre les
parties. Il est pourtant structurellement inégalitaire puisque
caractérisé par le lien de subordination. Ce lien est un
élément essentiel du contrat de travail et lui sert de trait
distinctif.
En effet, la définition donnée du contrat de
travail en droit togolais15(*) fait ressortir cet élément essentiel.
Le code ne définit pas ce qu'il faut entendre par « lien
de subordination » mais fait ressortir ses implications. Il se
manifeste essentiellement par une entière soumission du salarié
à son employeur. En contrepartie de cette soumission, le salarié
recevra une rémunération et bénéficiera d'une
protection particulière16(*).
Ce lien est contractualisé. En effet, le contrat de
travail place le salarié sous une double dépendance. La
première est juridique. Elle place le salarié sous les ordres du
chef d'entreprise. La seconde est économique. Le salarié exerce
son activité moyennant une rémunération.
Le lien de subordination juridique permet de mieux
appréhender le contrat de travail. Pour ce faire, il convient de le
rapprocher des autres contrats. Il s'agit de faire un rapprochement avec le
contrat d'entreprise qui lui est voisin.
L'indépendance est la caractéristique
essentielle du contrat d'entreprise. L'entrepreneur est un travailleur
autonome, qui s'engage à mener à bien un travail en toute
liberté. Libre de toute pression, l'entrepreneur est tenu à une
obligation de résultat.
Le contrat de travail par contre est exécuté
sous l'autorité de l'employeur. Celui-ci détermine la prestation
de travail et en organise l'exécution. Le travailleur inscrit dans une
relation de subordination est lié par une obligation de moyens. Il doit
en effet, mettre tout en oeuvre afin que le travail soit exécuté
au mieux selon les instructions reçues de l'employeur. Ceci justifie les
changements des conditions de travail. Ceux-ci ne sont d'ailleurs que
l'expression d'une prérogative propre aux employeurs.
Le droit du travail est fermement attaché au lien de
subordination. Néanmoins, il semble aujourd'hui s'ébranler face
aux nouvelles formes de travail.
En effet les nouvelles technologies de l'information et de la
communication ont bouleversé le schéma classique du contrat de
travail. L'exécution du travail dans une certaine indépendance
caractérise les entreprises. On cherche à valoriser les
compétences individuelles. On assiste à un effacement de la
frontière entre le statut de salarié et celui
d'indépendant. Les cadres des entreprises jouissent d'une plus grande
liberté dans l'exécution du travail. Aujourd'hui avec
l'introduction des clauses de résultat dans le contrat de travail,
l'employeur hésite à donner des ordres mais vérifie la
conformité des réalisations avec les objectifs fixés.
Cette analyse ne conclut pas à un effacement définitif du lien
de subordination. Il faut relativiser.
Dans les pays occidentaux, le lien de subordination tend au
relâchement.
Par contre dans les pays africains où le droit du
travail est embryonnaire, la soumission du travailleur à son
employeur reste totale. L'acceptation d'une telle subordination peut se
justifier par deux facteurs. Le premier est la place du «
chef » dans les diverses traditions africaines.
La politesse africaine semble autoriser la soumission et le
respect aux ordres du pourvoyeur d'emploi. Le second facteur est la faible
pénétration des NTIC dans le monde du travail africain.
Le lien de subordination qui se caractérise par la
soumission du salarié aux ordres de l'employeur va de pair avec le
pouvoir de direction.
B/- LE POUVOIR DE DIRECTION : LA MANIFESTATION DES
PRÉROGATIVES DU CHEF D'ENTREPRISE.
La relation de salariat soumet l'employé aux ordres de
l'employeur. Cette relation est dominée par le lien de subordination.
Ce lien entraîne une dépendance totale du salarié.
L'employeur dispose du pouvoir de direction. Le fondement de ce pouvoir est le
contrat. Cet instrument lui confère des pouvoirs. Ainsi jouit-il des
prérogatives essentielles lui permettant d'organiser le fonctionnement
de son entreprise. Il donnera à cet effet, des instructions fermes en
vue de la réalisation des objectifs. A ce titre, il pourrait
opérer des mutations de personnel, organiser les horaires de travail.
L'employeur peut ainsi décider des conditions dans lesquelles devra
s'exécuter le travail. Les conditions auxquelles il est fait cas ne
constituent pas des éléments essentiels du contrat de travail. Il
peut s'agir par exemple de fixer l'heure d'arrivée et de sortie, de
réglementer les heures de pause. Cette fixation unilatérale des
conditions de travail s'analyse en un pouvoir discrétionnaire. Libre
d'organiser l'exercice du travail, rien n'empêche l'employeur de modifier
la structure. Cette modification est désignée conformément
à la nouvelle distinction sous le vocable de changement des conditions
de travail. Ces changements peuvent intervenir sans au préalable obtenir
l'adhésion du salarié.
En droit togolais, l'interprétation a contrario de
l'article 76 al. 2 du code du travail laisse entrevoir que la modification non
substantielle est la révision des éléments non essentiels
du contrat de travail. Elle n'est pas soumise à l'accord du
salarié avant sa mise en application. Ce qui suppose que le
salarié ne peut pas la refuser. Il est tenu de l'accepter.
Ce pouvoir ne s'exerce pas seulement sur les conditions de
travail. Il concerne également la gestion du personnel. Le chef
d'entreprise pourrait ainsi opérer des mutations que le salarié
ne peut refuser. Un refus quelconque sera constitutif de faute grave avec pour
conséquence le licenciement. Le changement des conditions de travail par
son caractère unilatéral, peut être source d'abus.
L'inquiétude est réelle d'autant plus que c'est
un pouvoir discrétionnaire. Cependant, il faut relever que la
jurisprudence contrôle les modifications intervenues et encadre les
conditions d'exercice. Elle peut de ce fait procéder à la
requalification. Il existe en ce sens une jurisprudence abondante. Parmi elle,
on peut considérer l'arrêt rendu le 17 novembre 2004 par la
chambre sociale de la cour de cassation17(*).
Dans cet arrêt, la chambre sociale estimait que les
juges du fond ont pu décider sans encourir la cassation qu'une nouvelle
répartition de l'horaire de travail imposant à une
salariée qui travaillait jusque-là un dimanche sur trois de
travailler à l'avenir deux dimanches sur trois, constituait une
modification de son contrat de travail et que, par suite, elle était en
droit de refuser.
Pour mieux comprendre cette décision, il faut rappeler
que l'employeur avait considéré cette modification comme
étant une modification des conditions de travail.
L'employeur bien que jouissant des prérogatives
propres, ne doit pas être guidé par le souci de nuire au
salarié. Le juge veille au grain et sanctionne toutes les formes d'abus.
Il doit vérifier si la modification proposée ne dissimule pas une
intention de nuire au salarié ou qu'il n'a pas été fait
dans des conditions de légèreté blâmable.
L'opposition entre modification du contrat de travail et
changement des conditions de travail fait ressortir les caractéristiques
majeures de ce nouveau droit. Celles-ci tendent à la prise en compte des
intérêts des parties au contrat.
SECTION II : UNE APPROCHE CONFORME AUX PREOCCUPATIONS
DU
DROIT DU TRAVAIL
Le droit du travail est généralement
appréhendé comme un droit au service de la protection du
salarié. C'est en réalité se méprendre sur la
fonction assignée à cette discipline. Elle a non seulement une
fonction sociale mais aussi une fonction économique. Ce droit tente de
concilier des intérêts antagonistes. Ceux des salariés
d'une part et ceux de l'entreprise de l'autre.
Soucieux de cette préoccupation, le nouveau droit de la
modification a répondu à ces attentes en accordant une protection
plus accrue au salarié (Paragraphe I) et une prise en compte de
l'intérêt de l'entreprise (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : UNE PROTECTION PLUS ACCRUE DU
SALARIÉ
Le nouveau droit de la modification du contrat de travail a
pour mérite d'offrir une meilleure protection au salarié.
Désormais la rupture du contrat consécutive au refus de la
modification ne lui est plus imputable (B). En outre, l'employeur peut
maintenir la relation de travail en renonçant à la proposition de
modifier le contrat (A).
A/- LE MAINTIEN DE L'EMPLOI
La proposition de modification du contrat de travail n'est pas
une mesure irrévocable. C'est une mesure prise en opportunité.
Ayant donc le management de son entreprise, l'employeur prend
régulièrement des décisions relatives aux fins
poursuivies, aux moyens à mettre en oeuvre et aux ressources à
solliciter pour y parvenir. Parmi ces décisions, figurent les
propositions de modification. Bien que prise dans l'intérêt de
l'entreprise, l'employeur peut y renoncer. C'est une des dispositions
essentielles de l'arrêt Raquin. Lorsqu'elle intervient, la relation
salariale est maintenue et le travail sera exécuté
conformément aux conditions antérieures.
Cette solution est favorisée par la revalorisation de
la position du salarié. Ce qui ne serait pas le cas où le chef
d'entreprise serait le seul maître à bord. Le droit togolais a
pris une option sérieuse en faveur du salarié. En effet,
l'article 76 en décidant que la rupture du contrat soit imputable
à la partie qui en a pris l'initiative laisse une porte ouverte à
la renonciation. Celui qui décide de modifier le contrat peut faire
marche arrière. Cette renonciation est faite sur des calculs et se
justifie à plusieurs égards.
En premier lieu, l'employeur peut renoncer à la
modification en décidant de conserver un salarié utile dans
l'entreprise.
Le salarié est dit utile toutes les fois qu'il est
indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise. Son absence ou son
départ de l'entreprise entraîne non seulement une baisse de
résultat mais aussi une contre publicité. Ces genres de
salariés sont généralement les cadres et les
informaticiens plus outillés aux nouvelles technologies de l'information
et de la communication.
L'utilité d'un salarié s'apprécie
également de part son expérience passée dans l'entreprise.
On est plus efficace lorsqu'on prend de l'âge dans l'exercice d'une
profession.
L'objectif de toute entreprise étant la
rentabilité, l'employeur hésiterait à laisser partir les
ressources humaines capables de réaliser son ambition.
Ainsi se verra-t-il dans l'obligation de surseoir à sa
proposition de modifier le contrat de travail lorsque le salarié la
refuse.
En deuxième lieu, la renonciation peut intervenir pour
ne pas favoriser une entreprise concurrente.
Le salarié pourrait de ce fait travailler pour le
compte d'une entreprise concurrente. Pour écarter une telle
possibilité, il serait plus avantageux de le conserver dans
l'entreprise.
En troisième lieu, la renonciation peut intervenir eu
égard aux éventuelles indemnités que l'employeur verserait
lorsque la modification aboutira au licenciement. L'employeur prend ses
décisions sur la base du coût et des avantages. Ainsi renoncerait
- il à la modification si les frais à verser au titre
d'indemnité de licenciement du salarié étaient plus
élevés que ceux liés à sa conservation dans
l'entreprise.
La relation salariale peut être maintenue par le jeu de
l'acceptation et de la renonciation. Il est aussi fréquent que la
modification du contrat sonne le glas de la fin des relations de travail.
Celle-ci est imputable à l'employeur.
B/- LA NON IMPUTABILITÉ DE LA RUPTURE DU CONTRAT AU
SALARIÉ
Le nouveau droit innove sur l'imputabilité de la
rupture consécutive au refus de la modification. Avant la jurisprudence
Raquin, le salarié n'avait pour seule alternative que de
démissionner.
La démission est un mode de rupture des relations de
travail. Elle est moins abordée par les législations togolaise et
française. Cette démarche du législateur n'est pas
fortuite. Elle participe à la mission de protection que s'est
assigné le droit du travail.
La démission est en effet l'acte par lequel le
salarié met fin aux relations contractuelles. Elle doit émaner
d'une volonté libre et non équivoque du salarié18(*).
La jurisprudence française considérait
qu'à la suite du refus d'une proposition de modification de son contrat,
le salarié était tenu de démissionner. Si le
salarié continuait à travailler, malgré son refus
manifeste de la modification, il était réputé avoir
tacitement accepté la révision du contrat. De plus, il ne lui
était pas possible de demander en justice la poursuite de
l'exécution du contrat aux anciennes conditions19(*).
Cette situation ne protégeait nullement pas le
salarié. Elle confortait la position de l'employeur qui ne fera que
prendre acte de la démission.
Neuf mois après l'arrêt du 21 janvier
précité, la chambre sociale de cour de cassation rendra un
arrêt de principe20(*). Cet arrêt vient remettre en cause cette
pratique de la démission.
L'arrêt dispose qu'en : « statuant par
ces motifs, alors que l'acceptation par MM Raquin et Trappiez de modification
substantielle qu'ils avaient refusée, du contrat de travail ne pouvait
résulter de la poursuite par eux du travail et alors que c'était
à l'employeur de prendre la responsabilité d'une
rupture ». Il n'appartient plus au salarié ayant refusé
une modification de la confirmer par sa démission.
Cette solution est la même prévue par le droit
togolais. L'article 76 du code du travail impute la responsabilité de la
rupture non pas à la personne qui refuse la modification mais à
celui qui en a pris l'initiative. Cette solution n'est pas valable en cas de
modification non substantielle. Dans ce cas le refus de la modification par le
salarié est constitutif de faute et par conséquent il va de soi
que la rupture lui soit imputable.
L'employeur doit prendre ses responsabilités en
procédant au licenciement.
Le licenciement est la rupture du contrat de travail à
durée indéterminée à l'initiative de l'employeur.
Il existe deux sortes de licenciement. Il peut être économique ou
individuel.
Le licenciement individuel sera consécutif au refus
d'une modification du contrat pour motif personnel tandis que celui pour motif
économique ne sera que la conséquence d'une modification du
contrat de travail pour motif économique.
Que le licenciement soit personnel ou économique, il
doit avoir suivant les termes de l'article 60 du code togolais du travail un
motif légitime. Le droit français, parle de cause réelle
et sérieuse.
La cause réelle et sérieuse du licenciement
n'est pas le refus. Elle se résume au motif de la modification. Elle
peut être par exemple des difficultés économiques,
sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Lorsqu'elle n'est
pas une modification économique, elle doit être justifiée
par l'intérêt de l'entreprise. La jurisprudence et la doctrine
sont constantes sur ce point.
Philippe WAQUET retient à juste titre que,
« le refus est un droit pour le salarié, il ne peut
pas constituer une cause de licenciement au sens de l'art. L 122 - 14 - 3 du
code du travail »21(*).
Pour sa part, la jurisprudence a tenu à plusieurs
reprises à énoncer avec force ce principe.
La chambre sociale de la cour de cassation l'a rappelé
dans un arrêt du 27 mai 199822(*). L'arrêt du 23 janvier 2001 va dans le
même sens23(*).
Si la cause du licenciement n'est pas le refus, on s'interroge
sur la teneur du caractère réel et sérieux. Comment doit
-on l'apprécier et qui peut le faire ?
Il revient au juge d'apprécier le caractère
réel et sérieux de la cause du licenciement24(*). A défaut d'une cause
réelle et sérieuse, le salarié sera
dédommagé suivant les règles de droit commun.
Même fondé sur une cause réelle et
sérieuse, le licenciement consécutif à une modification du
contrat de travail doit respecter les règles de procédure.
Le code togolais du travail prescrit une
procédure qui est d'ordre public. L'employeur doit tout d'abord informer
les représentants du personnel et communiquer la liste des travailleurs
concernés à l'inspecteur du travail.
La nécessité pour l'employeur d'informer les
représentants du personnel et l'inspecteur du travail vise à
protéger le salarié d'une part et d'apprécier la
légitimité de la mesure d'autre part. Si la protection du
salarié est prise en compte, la promotion de l'entreprise ne l'est pas
moins.
PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DE L'ENTREPRISE
La nouvelle approche du droit de la modification tient
à la promotion de l'entreprise. Ainsi la prise en compte de
l'intérêt de l'entreprise devient un enjeu majeur (A). En outre,
le chef d'entreprise dispose d'une plus grande flexibilité dans la
gestion de la ressource humaine (B).
A/- LA PRISE EN COMPTE DE L'INTÉRÊT DE
L'ENTREPRISE
Le contrat de travail est un contrat à exécution
successive qui est, en conséquence, très sensible aux
transformations. On emploie parfois l'expression « d'attrait du
transformisme » pour mettre en exergue cette nécessaire
évolution des rapports sociaux25(*).
Le problème tangent au contrat de travail est le risque
d'immobilisme alors que l'entreprise doit, dans un contexte où les
technologies ne cessent de se développer et où la concurrence
fait rage, s'adapter aux contraintes exogènes. Ainsi,
l'exécution du travail doit prendre en compte les nouvelles contraintes
pour garantir l'intérêt de l'entreprise. Que faut-il entendre par
intérêt de l'entreprise et quels sont les facteurs pouvant
justifier les changements opérés par l'employeur ?
L'intérêt de l'entreprise est
une notion aux contours non définis. Toutefois, il s'agira de tout ce
qui peut favoriser l'émergence et le développement de
l'entreprise. Pour bien l'apprécier, il faut se mettre du
côté de l'employeur qui a la maîtrise de la politique de
développement de son entreprise.
Cet intérêt peut conduire à la mise sur
pied d'une structure permettant la rentabilité. Cette organisation
généralement imposée par des avancées
technologiques oblige les employeurs à modifier les conditions
d'exercice du travail.
La révolution informatique ne concède plus de
place au traitement manuel des informations dans les entreprises. Les
employés sont donc tenus de s'adapter aux réalités
quotidiennes. C'est pour pallier les insuffisances professionnelles que la
formation continue est encouragée dans les entreprises. Pour
réagir face à ces avancées technologiques, des mutations
et des changements d'horaires peuvent intervenir.
En outre, avec la mondialisation et la libre concurrence, de
nouvelles entreprises envahissent les marchés. Ces entreprises offrent
des produits de qualité à des coûts réduits. Les
entreprises nationales qui étaient jusque là en position de quasi
monopole doivent lutter pour leur survie. Des adaptations nécessaires
interviendront. Celles-ci peuvent bouleverser le schéma organisationnel
existant.
Au nom de l'intérêt de l'entreprise, le
salarié ne peut que s'y adapter. Cette concurrence oblige par ailleurs,
les employeurs à adopter des politiques de gestion plus souples. C'est
la notion anglo-saxonne du management des entreprises. Définie
généralement comme la conduite et la réalisation, par les
meilleurs moyens, d'une politique, elle implique selon le professeur P. Y.
VERKINDT, « des décisions relatives aux fins poursuivies, aux
moyens à mettre en oeuvre et aux ressources à solliciter pour y
parvenir »26(*).
L'employeur devrait être en mesure d'arbitrer entre plusieurs
possibilités. Il serait préjudiciable à l'entreprise qu'un
salarié puisse refuser un changement de ses conditions de travail. Ce
changement n'est qu'une adaptation de l'entreprise face à la
réalité économique.
Considérée comme pourvoyeuse d'emploi
après la chute de l'Etat providence, la prise en compte de
l'intérêt de l'entreprise justifie les prérogatives aussi
importantes de l'employeur.
Le souci de promotion de l'entreprise est également
pris en compte dans la gestion des ressources humaines.
B/- LA FLEXIBILITÉ DANS LA GESTION DU PERSONNEL
Le contrat de travail apparaît aujourd'hui comme le
moyen d'agencement des rapports des parties. Il constitue pour le chef
d'entreprise l'instrument de gestion de la main d'oeuvre. Il offre une
meilleure flexibilité dans la gestion du personnel.
En effet, le retour du contrat dans les relations du salariat
a conduit à l'individualisation des situations. Celle-ci offre plusieurs
avantages au chef d'entreprise que ce soit au niveau de la négociation
du contrat que dans la phase de son exécution.
En premier lieu, les directions des ressources humaines
n'auront à négocier qu'avec le seul salarié. Seul,
inexpérimenté et face à son employeur plus outillé
que lui, le salarié ne fera qu'accepter ses propositions. Il ne peut
agir autrement ; conscient de la réalité économique.
En raison des difficultés économiques, l'emploi
est devenu une denrée rare et le trouver relève du parcours de
combattant. La demande d'emploi est très forte tandis que l'offre est
faible. Cette difficulté est propre à tous les pays. Même
les pays dits développés ne sont pas épargnés. La
récente crise sociale française témoigne de ce constat. Le
CPE27(*) et le
CNE28(*) que le
gouvernement français avait voulu initier pour répondre au
chômage sont l'expression de la rareté et de la
précarité de l'emploi.
Il n'est pas rare de lire sur les portails des entreprises,
l'inscription : « Pas d'embauche ».
Cette situation ne devrait pas favoriser le chef d'entreprise
en présence d'un contrat collectif. Le chef d'entreprise se retrouvera
dans ce cas face aux représentants des salariés.
En second lieu, le contrat est utilisé par les
employeurs pour se soustraire à certaines contraintes légales. Il
est surtout utilisé pour sophistiquer ou élargir les
sujétions des salariés29(*). Ainsi, le chef d'entreprise peut insérer dans
le contrat, une clause de mobilité. Le salarié accepte par
là accepte d'avance toute modification de son lieu de travail. Il
s'engage à rejoindre tout lieu qui lui sera assigné par
l'employeur au cours de l'exécution du travail. Les mutations du
personnel se feront sans résistance de la part du salarié.
En outre, le contrat permet à l'employeur de
fidéliser le salarié à ses services. En effet, la clause
d'exclusivité a pour objectif d'interdire au salarié l'exercice
d'une autre activité. Le chef d'entreprise contrôle ainsi son
effectif qui ne pourra en aucun cas se mettre au service d'un concurrent.
Le contrat peut contenir des clauses de résultats.
Ceux-ci sont préalablement fixés par l'employeur. Le
salarié se doit de tout mettre en oeuvre pour atteindre ces
résultats.
Ces avantages ne pouvaient pas se réaliser si le
rapport entre employeur et salarié était une pure relation de
travail. Ces clauses attestent la nature contractuelle du rapport d'emploi et
la consistance que peut prendre le contrat de travail.
Le nouveau droit de la modification du contrat de travail est
une manifestation essentielle du renouveau du contrat de travail.
Ce processus enclenché par la jurisprudence Raquin
s'est poursuivi pour définitivement se fixer par les arrêts de
1996.
Il reste alors à résoudre un problème
délicat. Celui de la démarcation entre modification du contrat de
travail et changement des conditions de travail. La jurisprudence et la
doctrine se sont attelées à cette tâche qui consiste pour
l'essentiel à déterminer les éléments du contrat de
travail.
CHAPITRE II : LES ELEMENTS DU CONTRAT DE
TRAVAIL
Le contenu du contrat de travail est le second pan du
renouveau.
Ce contrat est « caractérisé
par l'exécution d'un travail par l'un des contractants sous la
subordination et pour le compte de l'autre contractant. Beaucoup d'hommes et de
femmes travaillent pour autrui : les commerçants, les artisans, les
entrepreneurs, etc. Seuls les travailleurs salariés travaillent sous un
lien de subordination »30(*). Cette description est conforme à la
définition du contrat de travail par le législateur togolais.
L'article 34 du code du travail fait ressortir trois
éléments principaux. Il s'agit de la rémunération,
de la fonction et le lien de subordination. Le lien de subordination se
manifeste au regard des éléments du contrat de travail par une
fixation unilatérale du lieu de travail et le temps de travail.
En droit communautaire européen, la directive
91/533/CEE livre en son article 2, une liste extrêmement précise
des éléments essentiels du contrat. Ceux-ci doivent être
communiqués au salarié. Ces éléments sont
constitués de la rémunération, de la qualification, du
lieu de travail et de la durée de travail.
Il existe donc quatre éléments susceptibles
d'être contractualisés. Ceux-ci mettent en relief les grandes
préoccupations du droit du travail à savoir la protection du
salarié et la promotion de l'entreprise. La protection du salarié
est assurée par des éléments comme la
rémunération et la qualification. Le lieu du travail et le temps
de travail participent quant à eux à la réalisation des
intérêts de l'entreprise. Ces différents
éléments peuvent être répartis en deux
catégories. Comme le souligne le professeur Jean Emmanuel RAY,
« il est possible de considérer qu'il existe en
réalité deux groupes de deux éléments : deux
éléments de certitude, deux de non certitude »31(*).
Les deux éléments de certitude sont le salaire
et la qualification tandis que les deux de non certitude sont relatifs à
la durée et au lieu de travail. Notre analyse suivra donc le
schéma du professeur RAY en relevant les éléments de
certitude (Section 1) et ceux de non certitude (Section 2).
SECTION I : LES ELEMENTS DE CERTITUDE
Les éléments dits de certitude sont relatifs
à la rémunération et à la qualification. Ils sont
qualifiés de certains en ce sens qu'ils sont indispensables et sont
consubstantiels au contrat. Aussi jouissent-ils d'une certaine ascendance sur
les deux autres. C'est dans ce sens que Paul-Henri ANTONMATTEI retient que
« la définition classiquement retenue du contrat de travail
conforte la prééminence de ces deux éléments dans
la composition de ce socle contractuel par nature »32(*). Le contrat de travail n'est
pas un acte à titre gratuit. Une rémunération est due
(Paragraphe I) en contrepartie d'un travail effectif (Paragraphe II). La
contractualistion de ces éléments offre des garanties importantes
au salarié.
PARAGRAPHE I : LA RÉMUNÉRATION
CONTRACTUELLE, UN ÉLÉMENT DE
PROTECTION DU
SALARIÉ
Le contrat de travail est exécuté moyennant une
rémunération. Les bénévoles n'ont pas de contrat de
travail. Le salaire est un élément déterminant du rapport
de subordination. L'article 34 du code togolais fait d'ailleurs du salaire un
élément important de la définition donnée du
contrat de travail. Lorsqu'il est contractualisé, il offre des
avantages. En effet, le salarié est fixé sur le montant de sa
rémunération (A) et peut par conséquent s'opposer aux
différentes modifications de celle-ci (B).
A/ - UNE CERTITUDE SUR LE MONTANT DE LA
RÉMUNÉRATION
La rémunération est l'ensemble des sommes
versées par l'entreprise en contrepartie du travail. Cette notion
regroupe en dehors du salaire, les accessoires ou compléments aux noms
variables. Cette définition de la rémunération est
conforme à celle retenue par l'OIT dans la convention 10033(*). L'article 1er a
de cette convention dispose que « le terme
rémunération comprend le salaire ou traitement ordinaire, de base
ou minimum, et tous autres avantages, payés directement ou
indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur
en raison de l'emploi de ce dernier ».
Le salaire, élément de la
rémunération, est la contrepartie directe du travail. Il existe
plusieurs mécanismes pour le déterminer. Il peut être
fixé par la loi ou par le juge en cas de conflit
d'interprétation. Il est aussi déterminé par voie
conventionnelle.
Cette dernière modalité offre des garanties que
l'on ne retrouve nécessairement pas dans les autres
mécanismes.
En effet, le contrat, c'est l'élément de justice
par excellence. Il permet au salarié de connaître d'avance la
rémunération dont il bénéficiera. En outre, la
fixation unilatérale du salaire dans un contrat est interdite.
En droit français, par exemple, l'employeur ne peut pas
de son propre chef le fixer34(*). Il ne peut l'établir que par accord avec le
salarié.
Cette garantie sur la stabilité du montant du salaire
est aussi renforcée par l'interdiction des discriminations sous toutes
ses formes.
En effet, tout employeur est tenu d'assurer pour un même
travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de
rémunération entre les hommes et les femmes. Ce principe interdit
toute discrimination de salaire fondée sur le sexe. Ce principe est
d'ordre général. Il concerne même les salariés du
secteur public. Inscrit à l'article 23.2 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme35(*), le principe a été repris par l'OIT
dans sa convention 100 sur l'égalité de
rémunération. Plusieurs textes fondamentaux l'ont repris.
Au Togo ce principe est d'ordre constitutionnel. En effet
l'article 37 de la Constitution de la Ive République togolaise dispose
que « L'Etat reconnaît à chaque citoyen le droit au travail
et s'efforce de créer les conditions de jouissance effective de ce
droit.
Il assure à chaque citoyen l'égalité de
chance face à l'emploi et garantit à chaque travailleur une
rémunération juste et équitable.
Nul ne peut être lésé dans son travail en
raison de son sexe, de ses origines, de ses croyances ou de ses
opinions »36(*).
Emboîtant le pas à la constitution, le code togolais a
consacré le principe de l'égalité de
rémunération en son article 118. Ainsi l'employeur est tenu de
négocier avec objectivité.
La garantie sur l'exactitude du montant du salaire n'est pas
le seul avantage que l'employé peut bénéficier d'une
rémunération contractuelle. Elle permet en outre d'obtenir une
solution plus juste lorsqu'une proposition de modification serait
envisagée.
B/- UN CONTENTIEUX PLUS JUSTE QUANT À LA
MODIFICATION DE LA RÉMUNÉRATION
La contractualisation de la rémunération est un
élément de sécurité pour les deux parties. Elle
l'est davantage pour le salarié. Elle place la
rémunération sous le verrou de l'article 1134 du code civil.
En effet, la liberté contractuelle impose aux parties
de négocier le montant et le mode de calcul de la
rémunération. Par ricochet et conformément au
parallélisme des formes, la modification du salaire tant en son mode de
détermination qu'en son montant ne peut être que consensuelle.
Ainsi le salarié doit nécessairement donner son accord pour la
validité d'une proposition de modification de sa
rémunération même si cette dernière est jugée
plus favorable. On retrouve là une application stricte de l'article 1134
du code civil qui décide en son al. 2 qu' « elles ne
peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou
pour les causes que la loi autorise ».
Le renouveau du contrat dans les relations de travail valorise
la position du salarié qui doit entériner les propositions du
chef d'entreprise quant à la modification de son salaire. Que ce soit
une proposition relative au montant ou au mode de calcul, le salarié
doit nécessairement donner son accord.
Par rapport au mode de calcul il faut noter qu'il peut
comporter une partie fixe et une autre variable. Ce mode ne peut être
modifié sans accord préalable du salarié. Ainsi dans
l'affaire Systia Informatique, la chambre sociale de la cour de cassation
française a décidé que « le mode de
rémunération d'un salarié constitue un
élément du contrat de travail qui ne peut être
modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende
que le nouveau mode serait plus avantageux »37(*). A l'analyse de cette
décision, on peut affirmer que le salarié est suffisamment
outillé pour apprécier et savoir où se trouvent ses
intérêts. Si la partie fixe de cette rémunération ne
peut être modifiée de façon unilatérale, on s'est
demandé si la réduction à la baisse de la partie variable
peut constituer une modification du contrat de travail ?
La jurisprudence Di Giovanni38(*) apporte un élément de réponse.
Au terme de cette jurisprudence, la modification de la partie variable peut
constituer une modification du contrat de travail si celle-ci avait
été contractualisée. Ainsi la réduction à la
baisse de façon unilatérale du taux d'une prime liée au
chiffre d'affaire constitue une modification du contrat de travail. Cette
réduction ne serait valable qu'avec l'accord du salarié.
Quant au montant de la rémunération, il est plus
évident que sa diminution constitue une modification du contrat et par
conséquent, le salarié peut s'y opposer. On s'est posé la
question de savoir si une diminution du montant de la
rémunération consécutive à une mutation peut
constituer une modification du contrat de travail.
La question mérite une réflexion étant
entendu que la société mère est souvent plus rentable ou
dispose plus de ressources que les succursales. Dans cette situation, l'on
retiendra que le salaire fixe ne peut être réduit à la
baisse. Si le chef d'entreprise se décidait à le faire, il devra
se faire avaliser par le salarié. Quant à la partie variable de
la rémunération, son montant étant
généralement lié au chiffre d'affaire du lieu de travail,
il est évident que le montant de la partie variable de la
rémunération diffère d'un lieu à un autre. La
réduction à la baisse de cette partie variable suite à une
mutation de personnel ne serait pas constitutive d'une modification du contrat
de travail. Elle n'est qu'une application du contrat.
La rémunération contractuelle constitue un
élément de protection pour le salarié. La logique
contractuelle interdit toute modification aussi minime soit-elle. Il faut alors
s'interroger sur l'apport de la qualification dans la protection du
salarié.
PARAGRAPHE II : LA QUALIFICATION
La qualification est un élément indispensable au
contrat de travail. Malgré qu'elle soit difficile à
définir, elle est devenue grâce à la
pénétration de la logique contractuelle dans les relations de
travail, un élément protecteur du salarié.
En effet, le contrat de travail donne au salarié, une
plus grande visibilité sur la tâche à accomplir (A) et lui
offre par ailleurs, le droit de refuser l'exécution de celle ne relevant
pas du contrat (B).
A/ - LA QUALIFICATION CONTRACTUELLE : LA GARANTIE
D'UNE PLUS GRANDE VISIBILITÉ SUR LA TÂCHE À EXÉCUTER
La notion de qualification est difficile à cerner. En
effet, il n'existe aucune définition légale. Et comme le dira
Dominique BARJOT, la qualification n'a jamais bénéficié
d'une définition scientifique39(*). La qualification repose sur les systèmes
d'organisation du travail comme le taylorisme40(*). La notion est au centre d'une double interrogation.
S'agit-il de qualifier le travail ou l'individu ?
En se référant au travail, il s'agira de
l'emploi occupé. Cependant, l'allusion à l'individu renvoie au
niveau d'étude. La qualification peut s'entendre du niveau
d'étude ou de l'emploi occupé.
Dans le premier cas, elle renvoie au cursus scolaire du
salarié et est dite qualification individuelle. Dans la seconde
hypothèse, c'est la référence au poste occupé par
le salarié. Elle est dite qualification contractuelle.
La deuxième qualification est celle qui retient notre
attention. En effet, la qualification contractuelle s'opère dans
l'entreprise au moment de l'embauche41(*). Elle s'entend des attributions que le salarié
aura à accomplir sans correspondance nécessaire avec les
diplômes ou les titres découlant des emplois antérieurement
tenus42(*). Il s'agit
comme le disent les textes togolais43(*) de l'emploi ou du poste occupé par le
salarié. Cette qualification est en principe librement
déterminée par les parties.
Mais dans les faits, c'est l'employeur qui tentera de classer
le salarié suivant la grille applicable dans l'entreprise. Le
salarié peut ainsi être classé parmi les ouvriers, les
employés, les ingénieurs et les cadres44(*).
C'est à cette logique de poste que le juriste se
réfère lorsqu'il aborde la notion de qualification.
Celle-ci permet à l'employé d'être
fixé sur la tâche qu'il a à exécuter. Ainsi, il peut
se former dans le but d'acquérir des compétences ou aptitudes
dans l'exercice de sa tâche. L'acquisition de nouvelles connaissances est
source de promotion personnelle pour le salarié et de rentabilité
pour l'entreprise.
La qualification contractuelle a en outre l'avantage de
responsabiliser le salarié quant à l'accomplissement d'une
tâche donnée. Lorsque le niveau de responsabilisation est plus
poussé, le lien de subordination devient plus souple. Le chef
d'entreprise ne s'attend qu'à apprécier les résultats
obtenus.
La responsabilisation du salarié implique sa
spécialisation. Celle-ci rend le salarié plus indispensable
pour l'entreprise. Le salarié devient par la contractualisation de ses
attributions plus utile. Cette situation place le salarié dans les bons
rôles.
Ce qui n'est pas le cas dans les situations où la
tâche à accomplir n'est pas contractualisée et que
l'employé serait amené à se plier aux injonctions du chef
d'entreprise.
La garantie sur la précision de la tâche à
accomplir n'est pas le seul mérite de la qualification contractuelle.
Elle offre une plus grande protection au salarié s'agissant du
contentieux de la modification du contrat de travail.
B/- LE REFUS DE L'EXÉCUTION DES TÂCHES NON
CONTRACTUELLES : UN DROIT RECONNU AU SALARIÉ
La contractualisation de la qualification place celle-ci sous
le sceau de l'art 1134 du code civil. Ce texte, il faut le rappeler, soumet la
modification d'un contrat à l'accord des parties contractantes.
Ainsi le refus pour un salarié d'exécuter des
tâches ne relevant pas de son contrat de travail ne constitue pas une
faute. Il est par contre, l'expression d'un droit de cocontractant. Exiger des
tâches supplémentaires au salarié constitue une
modification du contrat de travail. La tâche à accomplir
étant un élément du contrat de travail, sa modification ne
peut que procéder de la commune volonté des parties. L'imposition
unilatérale de nouvelles tâches supplémentaires est par
conséquent interdite et que le refus ne constitue pas une faute. Ainsi
en a décidé la chambre sociale dans l'affaire Grasso. Il
s'agissait de l'imposition de nouvelles tâches qui n'avaient pas
été initialement prévues au contrat. La chambre a
décidé qu' « en voulant imposer à M. Grasso
en 1992 d'exercer les tâches de chauffeur, son employeur entendait lui
imposer une modification de son contrat de travail qu'il était en droit
de refuser »45(*).
Par ailleurs l'employeur peut voiler une modification en
prétextant une promotion du salarié. Par celle-ci le chef
d'entreprise peut imposer de nouvelles attributions au salarié. Ces
genres de promotions que le professeur RAY qualifie de
« dangereuses »46(*) doivent être soumises à l'accord du
salarié. Ce dernier n'est pas tenu d'accepter toutes les hautes
responsabilités qui lui sont confiées. Si l'employeur ne peut pas
imposer une promotion au salarié, il va de soi qu'il ne peut non plus le
rétrograder. Le fait pour un chef d'entreprise de confier à un
cadre un poste jusque là tenu par un ouvrier constitue une modification
du contrat de travail.
Le salarié n'a pas seulement le droit de refuser une
tâche non contractualisée mais ne peut pas être
licencié ou condamné pour mauvaise exécution d'une
tâche considérée comme étrangère à son
cahier de charge. La jurisprudence est assez formelle sur ce point. Elle estime
que : « l'employeur qui faisait effectuer à la
salariée des tâches ne relevant pas de sa qualification et
étrangère à l'activité pour laquelle elle avait
été embauchée, ne pouvait lui reprocher les erreurs
commises dans son travail »47(*). Cette protection majeure du salarié est
à inscrire à l'actif du renouveau contractuel.
Enfin une dernière situation pose problème.
C'est la situation dans laquelle, le salarié occupe une fonction
similaire à celle prévue par le contrat. Peut-on assimiler ce cas
à une modification du contrat de travail entraînant de facto un
droit au refus ? La réponse est non toutes les fois qu'on peut
établir une correspondance entre la fonction actuelle et celle
définie par le contrat. Un arrêt du 10 mai 1999 est allé
dans ce sens. Il décide dans un attendu principal que
« l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer
les conditions de travail d'un salarié ; que la circonstance que la
tâche donnée à un salarié soit différente de
celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où
elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une
modification du contrat de travail »48(*) Dans cette espèce, il s'agissait d'une
salariée engagée comme ouvrière agricole, et
affectée initialement à la cueillette des citrons qui soutenait
que sa nouvelle tâche , l'engainage des bananes constituait une
modification de son contrat de travail.
Les éléments dits certains offrent une meilleure
protection aux salariés. A l'opposé, le lieu et la durée
du travail servent généralement l'intérêt de
l'entreprise.
SECTION II : LES ELEMENTS DE NON CERTITUDE DU CONTRAT
DE
TRAVAIL
Les deux éléments de non certitude sont suivant
la terminologie d'Emmanuel RAY, relatifs au lieu de travail (Paragraphe I) et
à sa durée (Paragraphe II). Ces éléments ne sont
pas consubstantiels au contrat de travail et se définissent avec moins
de précision que les deux premiers. Le lien de subordination fait d'eux
son domaine de prédilection. Ainsi le pouvoir de direction y tient une
place importante49(*). Ils
sont fixés de façon unilatérale par l'employeur. Leur
fixation prend en compte l'intérêt de l'entreprise. Ils deviennent
des éléments du contrat de travail par l'effet de leur
contractualisation. De ce fait, le salarié disposera d'une marge de
manoeuvre surtout lorsqu'il s'agira de les modifier.
PARAGRAPHE I : LE LIEU DE TRAVAIL
Le lieu de travail s'entend de l'endroit où
s'exécute le travail. C'est généralement un même
endroit où sont regroupés les travailleurs pour la production
d'un bien ou d'un service. Ce lieu résulte de la volonté du chef
d'entreprise. Ainsi le travail peut s'exercer dans le monde entier, dans une
localité, voire dans un lieu précis50(*).
La fixation du lieu de travail est à la
discrétion de l'employeur (A). Mais lorsqu'il est contractualisé,
le lieu du travail ne peut être modifié sans l'accord du
salarié (B).
A/ - LA FIXATION DU LIEU DE TRAVAIL : UNE
PRÉROGATIVE DU CHEF D'ENTREPRISE
Le lieu de travail est en réalité une condition
d'exercice du travail. A ce titre, il ne saurait faire l'objet de discussion
préalable entre le chef d'entreprise et son salarié. Il
appartient au premier de le fixer en fonction des nécessités du
service.
Ce lieu, qui doit être connu du salarié,
constitue une mention obligatoire devant figurer au contrat. On s'est
interrogé sur la valeur d'une telle mention ? Signifie-t-elle que
le contrat de travail sera exécuté exclusivement en ce
lieu ?
La mention du lieu de travail dans le contrat a valeur
informative. Ainsi en a décidé la chambre sociale de la cour de
cassation dans un arrêt du 3 juin 200351(*) en disposant que : « la mention du
lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à
moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que
le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce
lieu ».
A l'analyse de cette décision, il convient de conclure
que le lieu de travail est plutôt un acte unilatéral. Il peut
être exclusif ou variable. Dans ce dernier cas, des changements de
localisation peuvent intervenir. Ceux-ci mettent en exergue la manifestation du
pouvoir de l'employeur quant à la fixation du lieu. Ce pouvoir se
manifeste dans les contrats internationaux et dans les contrats de travail
contenant des clauses de mobilité. Il faut aussi mentionner les
contrats sans indication du lieu.
Le contrat de travail international est un contrat de travail
qui comprend une clause liée à l'exercice de l'emploi dans un
pays étranger ou une clause de mobilité, dès lors que sa
durée excède un simple voyage d'affaires. On distingue plusieurs
modalités d'exécution du travail à l'étranger. Le
détachement, lorsque l'entreprise nationale envoie un salarié
à l'étranger pour y exécuter une mission avec une
durée donnée. Lorsqu'il n'y a pas de durée définie
dans le contrat ou que le salarié est recruté spécialement
pour ce travail, il s'agit d'une expatriation. Enfin, une entreprise peut
également prêter de la main d'oeuvre à une de ses filiales
à l'étranger. Il s'agit là d'une mise à disposition
internationale.
La notion de contrat de travail international est liée
à l'existence des multinationales.
En effet, ces groupes disposent des filiales dans divers pays.
Ainsi les salariés peuvent être mutés d'une filiale
à une autre. Ils sont de facto condamnés à la
mobilité internationale.
Même à l'intérieur d'un pays, le
salarié peut être soumis à une certaine mobilité.
Cela se réalise par l'insertion d'une clause de mobilité dans le
contrat de travail.
La clause de mobilité est celle par laquelle le
salarié s'engage à accepter toutes mutations. Le seul
bémol est que la mutation s'opère conformément à la
clause.
Elle permet à l'employeur de muter le salarié
conformément aux exigences de l'entreprise. On trouve l'application du
dicton propre aux agents de la fonction publique « partout où
besoin sera ».
Le chef d'entreprise peut à dessein n'indiquer aucun
lieu. Ce qui laisse à l'employeur le choix de modifier
unilatéralement le lieu de travail. Cette liberté est aussi
contrôlée. Les mutations doivent toujours s'opérer dans ce
qu'il convient d'appeler le secteur géographique.
Néanmoins il n'existe pas de définition du
secteur géographique. Les juges tranchent au cas par cas en fonction non
seulement de la distance entre les deux lieux de travail, mais ils prennent
également en compte des éléments tels que les moyens de
transports collectifs existant, la situation du salarié.
La notion de secteur géographique relève du
pouvoir d'appréciation des juges, qui doivent désormais
apprécier de manière objective si le nouveau lieu de travail se
situe dans le même secteur géographique que celui où se
trouvait initialement le poste de travail52(*).
La fixation du lieu de travail est du ressort du chef
d'entreprise. Le salarié doit en être informé. Cependant la
contractualisation du lieu confère un pouvoir au salarié face aux
propositions de modification du contrat.
B/- LES AVANTAGES LIÉS À LA
CONTRACTUALISATION DU LIEU DE TRAVAIL
La contractualisation du lieu de travail a pour effet majeur
de conférer une prérogative au salarié. Celle-ci se
manifeste lorsque le chef d'entreprise envisage sa modification. La question
qui se pose est celle de savoir si une mutation du salarié peut
constituer une modification du contrat de travail.
La réponse à cette préoccupation viendra
du contenu du contrat. Il faut alors envisager deux hypothèses. La
première est celle dans laquelle le contrat de travail est explicite sur
le lieu de travail et la deuxième est relative au contrat resté
muet quant à son lieu d'exécution.
Le lieu de travail est explicite lorsque le contrat
prévoit d'une part l'exécution du contrat en un endroit
précis ou s'il contient d'autre part une clause de mobilité.
Lorsque le contrat est précis sur le lieu, le travail
devra alors s'exécuter uniquement en cet endroit. Une mutation
ultérieure sans accord du salarié constitue une modification du
contrat de travail. Le salarié dispose à cet effet du droit de
refus. C'est ce qu'a décidé la chambre sociale de la cour de
cassation dans un arrêt du 27 mai 199853(*) . Dans cette affaire, il s'agissait de la mutation
d'un salarié de Lyon à Paris. La haute juridiction a
confirmé la décision des juges de fond en estimant que cette
mutation constituait une modification du contrat de travail et par
conséquent le salarié était en droit de la refuser.
Contrairement au contrat de travail avec précision de
lieu, des mutations peuvent intervenir en application d'une clause de
mobilité. Une mutation opérée en application de la clause
de mobilité ne constitue pas une modification du contrat de travail mais
son exécution. Toutefois, elle doit être exécutée de
bonne foi. On retrouve une exigence de l'article 1134 du code civil qui
décide en son al.3 que les conventions « doivent être
exécutées de bonne foi ». Le chef d'entreprise ne doit
pas commettre d'abus dans l'application de cette clause. Elle doit «
définir de façon précise sa zone géographique
d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en
étendre la portée »54(*).
S'agissant enfin du contrat de travail resté muet sur
le lieu du travail, il faudrait considérer deux cas.
Le premier est celui du contrat international. Ce type de
contrat a vocation à s'exécuter en plusieurs endroits. Le
salarié commettrait une faute en s'opposant à une mutation
décidée par son employeur.
Le deuxième cas est celui du contrat de droit interne
resté muet sur le lieu où il devrait s'exécuter. Le chef
d'entreprise est libre d'opérer des mutations en fonction des
nécessités du service. Le seul bémol est que le nouveau
lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que
l'ancien.
Le lieu de travail, bien qu'étant une manifestation du
pouvoir de direction du chef d'entreprise, devient dès son insertion
dans le contrat, un élément essentiel. Le salarié va s'y
référer en cas de mutations qui ne lui paraissent pas
avantageuses.
Enfin, le deuxième élément
caractéristique du pouvoir du chef d'entreprise est la durée de
travail.
PARAGRAPHE II : LA DURÉE DE
TRAVAIL
La durée du travail tout comme le lieu
d'exécution du travail n'est qu'une condition d'exercice du travail. Le
droit togolais est assez formel. En effet, le code du travail togolais range
la durée de travail dans les conditions de travail. Elle est
placée sous le titre VI intitulé « Des conditions de
travail ». Le temps de travail au regard de la protection du
salarié doit être analysé à deux niveaux. Il s'agit
du contrat de travail à temps partiel qui assure une plus grande
protection au salarié (A) et du contrat de travail à plein temps
(B). Dans ce dernier type de contrat, la marge de manoeuvre du salarié
n'est pas si importante.
A/- LE CONTRAT DE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL
Le contrat à temps partiel est une situation
particulière et par conséquent doit obéir à un
régime spécial dans un souci de protection. C'est pourquoi, la
durée du travail et la répartition des horaires de travail
prennent une importance considérable. Avant de mesurer l'impact du
renouveau sur la situation du salarié, il convient de définir la
notion de travail à temps partiel.
En droit togolais, l'article 143 définit le travail
partiel comme celui dont le temps d'exécution est inférieur
à la durée normale. Cette durée dite normale est
fixée à quarante heures55(*).
En droit français, le travailleur à temps
partiel était celui dont les horaires de travail étaient
inférieurs d'au moins 1/5ème à la durée
légale ou conventionnelle du travail56(*). Mais depuis la Loi Aubry, le salarié à
temps partiel est celui dont la durée du travail, obligatoirement
mentionnée dans son contrat de travail, est inférieure à
la durée légale57(*) ou aux durées conventionnelles ou celles
pratiquées dans l'entreprise.
Conformément à cette définition, un
salarié qui travaillerait 34 heures 59 minutes serait
considéré comme un travailleur à temps partiel.
Le travail à temps partiel n'exclut pas de travailler
plus que la durée prévue par le contrat. Les heures
complémentaires ainsi effectuées donnent alors lieu
à une majoration de salaire. Pour mettre le salarié à
l'abri des abus, le code togolais confère au pouvoir
réglementaire, le soin de fixer les conditions et les limites dans
lesquelles, les heures complémentaires doivent intervenir.
Le travail à temps partiel étant
précaire, il doit non seulement comporter des mentions obligatoires
mais aussi une précision sur sa durée.
Le contrat de travail à temps partiel est
nécessairement un contrat écrit. En l'absence d'écrit, le
salarié est présumé être sous contrat à temps
complet. Toutefois, cette présomption est simple. Dès lors,
l'employeur a la possibilité de prouver, par tous moyens58(*) que le contrat est conclu
à temps partiel.
Le second élément essentiel du travail à
temps partiel est la précision de sa durée.
La durée du travail dans un contrat à temps
partiel est un élément fondamental. Sa précision est par
ailleurs une des conditions de sa validité59(*).
Ce contrat doit définir la durée du travail
à effectuer chaque semaine, chaque mois ou chaque année selon les
cas. Cette durée ne peut pas être modifiée de façon
unilatérale par l'employeur.
En dehors de la durée du travail, le contrat doit
préciser la répartition des horaires de travail. La
répartition de l'horaire consiste pour l'employeur à
préciser par exemple l'heure de début du travail et sa fin,
moduler les horaires en travail de jour et de nuit. Cette répartition
lorsqu'elle figure dans le contrat, ne doit pas en principe être
modifiée unilatéralement. Cependant la loi60(*) donne un certain pouvoir
à l'employeur quant à la modification des horaires. Cette
faculté reconnue à l'employeur constitue un apport du droit
à l'efficacité des entreprises.
Consciente du danger que cette faculté peut engendrer,
la jurisprudence l'a limitée. La chambre sociale de la cour de cassation
a décidé qu' « une clause du contrat ne peut
valablement permettre de modifier l'horaire convenu en prévenant le
salarié au moins sept jours à l'avance qu'à la double
condition, d'une part, de la détermination par le contrat de la
variation possible, d'autre part, de l'énonciation des cas dans lesquels
cette modification pourra intervenir »61(*). Il s'agissait dans cette
affaire d'une nouvelle répartition du travail en trois jours au lieu de
quatre. La haute juridiction a retenu que cette nouvelle répartition
constituait une modification du contrat de travail.
A la lumière de cette décision, il convient de
relever que la possibilité de changer les horaires doit être dans
un premier temps prévue au contrat. Dans un second temps, il est
nécessaire que les cas possibles de modification soient
mentionnés. Ceci permet au salarié d'être plus fixé
sur son sort.
La précision de ces mentions tant en droit togolais que
français constitue un atout pour le salarié. Celles-ci deviennent
des éléments du contrat et par conséquent ne peuvent
être modifiées sans l'accord du salarié. Il jouit d'une
plus grande protection au regard de la durée de travail et de la
répartition des horaires. Ces deux éléments constituent en
réalité une manifestation du pouvoir de direction. Cependant leur
contractualisation interdit leur modification de façon
unilatérale.
La marge de manoeuvre du salarié en matière de
modification de la durée ou de l'horaire en temps partiel n'est pas
identique à celle d'un contrat à plein temps. Cette
différence s'explique par la précarité du travail à
temps partiel. Dans cette condition, il faut beaucoup plus protéger le
salarié.
B/- Le contrat de travail à plein
temps
Le contrat de travail à temps complet est le contrat
dont la durée du travail est dite normale. Celle-ci, que ce soit en
droit togolais ou français est fixée par la loi.
En droit togolais, cette durée est de quarante heures
par semaine. En droit français par contre, elle est de trente cinq
heures. Les trente cinq heures hebdomadaires de travail ne sont entrées
en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2001.
Le temps de travail dans ce type de contrat, n'est pas aussi
réglementé comme c'est le cas pour un contrat à temps
partiel. Seule la durée de travail peut être
contractualisée. Les horaires quant à eux, relèvent du
pouvoir de direction de l'employeur.
La durée de travail doit être mentionnée
dans le contrat de travail. Sa contractualisation protège le
salarié. Ainsi, les modifications ultérieures de la durée
doivent être soumises à l'accord préalable du
salarié.
La durée hebdomadaire d'un contrat de travail à
temps complet est de quarante heures. Cependant des dépassements peuvent
exister. C'est la pratique des heures supplémentaires. Les
salariés ne sont pas foncièrement contre les heures
supplémentaires. Ils l'accomplissent volontiers, pour subvenir aux
besoins de leurs familles.
La répartition des horaires relève par contre de
la compétence de l'employeur. Bien que disposant du pouvoir de changer
l'horaire, l'employeur ne peut toutefois pas imposer un horaire individuel qui
soit contraire ou différent de l'horaire collectif de l'entreprise.
Le temps de travail dans un contrat à temps complet
n'est pas un élément protecteur du salarié. Le
salarié baigne dans une incertitude surtout lorsqu'il s'agit des
horaires de travail. L'employeur étant libre de modifier la
répartition des horaires, le salarié aura du mal à
concilier son travail avec sa vie privée. Ce qui n'est pas le cas dans
un contrat à temps partiel où le salarié est fixé
sur ses horaires. Aussi la répartition des horaires peut conduire
à des abus. Il revient au juge d'arbitrer et de venir au secours du
salarié.
Les éléments du contrat de travail ne
bénéficient pas de la même intensité dans le socle
contractuel. Néanmoins ils constituent des mentions devant figurer dans
tout contrat de travail. Celles-ci doivent être connues des parties. La
détermination des éléments du contrat de travail est le
second aspect du renouveau contractuel. Mais ce renouveau a également
des aspects moins protecteurs pour les premiers usagers de ce droit. C'est dans
ce sens qu'il faut comprendre Philippe WAQUET lorsqu'il écrit
qu' « on assiste à un retour en force du contrat de
travail, qui suscite d'ailleurs chez certains des réactions
d'inquiétude »62(*). Ce sont des limites du retour au contrat dans la
relation de travail.
DEUXIEME PARTIE :
LES LIMITES DU RENOUVEAU CONTRACTUEL
Le retour du contrat dans les relations de travail est
ambivalent. Il constitue non seulement un mécanisme de protection du
salarié mais aussi un outil de gestion de l'entreprise.
Chacun des premiers usagers du droit du travail tentera d'en
tirer le maximum de profit.
Ainsi, l'employeur l'utilisera pour apporter des
sujétions supplémentaires aux obligations du salarié en
privilégiant l'intérêt de l'entreprise.
De son côté, le salarié en se fondant sur
l'art. 1134 c. civ. s'opposera aux propositions de modification du contrat. On
retrouve la traditionnelle confrontation entre les intérêts du
salarié et ceux de l'employeur. Très souvent, c'est le chef
d'entreprise qui sort vainqueur de celle-ci en insérant dans le contrat
des clauses plus contraignantes au salarié. Il a fallu l'apport de la
loi et des juges pour rétablir le fragile équilibre contractuel.
Le renouveau du contrat devient donc un moyen d'accroissement
des clauses contractuelles au détriment du salarié (chapitre 1).
Cependant, l'employeur n'est pas pour autant à l'abri de contraintes
(chapitre 2).
CHAPITRE I : L'INSTRUMENTALISATION DU
CONTRAT AU
DETRIMENT DU SALARIE
Le contrat de travail place le salarié sous la
subordination de l'employeur. Cette soumission à l'autorité de
l'employeur limite sa liberté. Ainsi, la technique contractuelle devient
une aubaine pour le chef d'entreprise qui insérera une multitude de
clauses dans le contrat. Les unes sont restrictives des libertés du
salarié (Section 1) et les autres sont relatives au travail
lui-même (Section 2).
SECTION I : LES CLAUSES LIMITATIVES DE LA
LIBERTE DU SALARIE
Comme l'indique leur nom, elles ne suppriment pas les
libertés mais les limitent. Elles tomberaient sous le coup de la loi si
leur prétention était de supprimer les libertés63(*). Ces clauses apportent des
sujétions supplémentaires aux obligations du salarié.
Elles sont nombreuses. Cependant, on peut faire la distinction entre les
clauses qui s'appliquent pendant la durée du contrat (Paragraphe I) et
celles qui ont vocation à s'appliquer à sa rupture (Paragraphe
II)64(*).
PARAGRAPHE I : LES CLAUSES
RESTRICTIVES DE LIBERTÉ PENDANT LA
DURÉE DU CONTRAT
Le contrat de travail devient pendant son exécution, un
outil d'asservissement du salarié. L'employeur profitera non seulement
de sa position de force mais aussi de la conjoncture économique ayant
pour corollaire la rareté de l'emploi sur le marché, pour
insérer des clauses dans le contrat.
Celles-ci se multiplient au gré des objectifs
fixés par les employeurs (A). Malgré leur diversité, elles
ont un régime juridique commun (B).
A/ - Une gamme de clauses au profit de
l'employeur
Le choix du contenu du contrat est fortement marqué
par le fait que c'est le chef d'entreprise qui, non seulement a la
maîtrise du choix d'embaucher ou non, mais encore a le pouvoir de
déterminer les conditions dans lesquelles le contrat sera
exécuté. La libre négociation du contrat n'est de ce point
de vue qu'une fiction dans la majorité des cas65(*). Les employeurs disposent
d'une marge de manoeuvre au moment de l'embauche. Dans le souci de rendre plus
efficaces leurs entreprises, ceux-ci, n'hésitent pas à
instrumentaliser le contrat.
Ces clauses sont nombreuses mais on peut en relever
principalement les suivantes : les clauses d'exclusivité, de
dédit formation, de célibat, les clauses de mobilité. Les
clauses instituées dans les entreprises de tendance66(*) et celles imposant le port de
tenue uniforme retiendront également notre attention.
Les clauses d'exclusivité sont celles
insérées dans le contrat de travail et dont le but est
d'interdire au salarié de travailler pour un autre patron et l'obliger
à se consacrer exclusivement à son employeur. Les employés
devront s'engager à n'accepter aucune collaboration extérieure
qui pourrait être en relation avec la nature des fonctions
exercées.
La clause de dédit formation quant à elle est
celle qui prévoit le maintien dans l'entreprise pendant une certaine
durée, le salarié qui a profité d'une formation
payée par son employeur. Si le salarié veut quitter l'entreprise,
il est tenu au remboursement des frais de formation. C'est donc un engagement
de fidélité en échange d'un avantage reçu. Bien que
permettant la formation du salarié, la clause de dédit formation
ne vise essentiellement que les intérêts de l'entreprise.
Les clauses de célibat pour leur part, visaient
à interdire à une certaine catégorie d'employés la
liberté de mariage. Etaient principalement visées les
hôtesses de l'air. Ces clauses sont rares et ont presque disparu67(*) Elles avaient pendant un
certain temps défrayé la chronique68(*).
Les clauses de mobilité sont par contre plus
d'actualité. En effet, elles constituent un moyen pour l'employeur
d'opérer des mutations conformément aux objectifs définis.
Viennent ensuite les clauses imposant le port de tenue
uniforme. Cette tenue uniforme permet d'identifier très rapidement celui
qui la porte comme appartenant à telle ou telle société.
Dans certaines sociétés comme les banques, la tenue correcte est
exigée. On peut par exemple inclure dans le contrat de travail une
clause relative au port de veste. Ces clauses visent à donner une bonne
image de l'entreprise.
Le contrat peut contenir des dispositions plus contraignantes
lorsqu'il s'agit d'une entreprise de tendance. Dans celle-ci, des dispositions
portant restriction aux libertés sont plus particulières. C'est
le cas par exemple des employés travaillant pour le compte d'une
église qui peuvent être licenciés toutes les fois qu'ils ne
respecteraient pas l'éthique religieuse. Aussi le contrat peut-il
contenir des clauses contraignant le salarié à participer
obligatoirement à telle ou telle réunion. Ces clauses apportent
des restrictions importantes à la vie personnelle du salarié. Son
intimité n'est pas épargnée.
Des pratiques similaires existent dans les partis politiques.
Malgré la diversité de ces clauses, elles ont en
commun, la restriction aux libertés des salariés et pour leur
validité, elles obéissent à des conditions
précises.
B/- LE RÉGIME JURIDIQUE DES CLAUSES RESTRICTIVES DE
LIBERTÉ PENDANT L'EXÉCUTION DU CONTRAT.
Il s'agit de dégager les règles relatives
à la validité desdites clauses. Pour ce faire, on s'attachera
à deux règles plus précisément la théorie de
la cause de l'obligation souscrite par le salarié et le principe de
proportionnalité.
La première règle est d'origine purement
jurisprudentielle et décide que toute obligation que le salarié
souscrit ait une cause.
La théorie de la cause s'inscrit dans le cadre du droit
commun où toute obligation doit avoir une cause licite69(*).
En droit du travail, l'obligation souscrite par le
salarié n'a de cause que si la restriction des libertés qu'elle
entraîne est indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l'entreprise. Cette notion de cause a
été abordée pour la première fois par l'arrêt
dit du Laveur de vitre70(*). La question avait été
évoquée à propos des clauses de non-concurrence. Cette
notion a donc été généralisée pour toutes
les clauses limitatives de liberté. Ainsi à propos de la clause
d'exclusivité, la jurisprudence retiendra qu'elle « n'est
valable que si elle est indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l'entreprise »71(*).
La validité des clauses restrictives de liberté
passe nécessairement par l'intérêt de l'entreprise.
Cependant la définition de l'intérêt de l'entreprise pose
problème dans la formule de la chambre sociale de la cour de cassation.
Cette notion est soumise à son contrôle. Le juge du fond
l'apprécie donc souverainement.
Commet donc un abus de pouvoir l'employeur qui impose
à un salarié une mobilité contractuellement prévue,
dont il apparaît qu'elle n'est en rien justifiée par
l'intérêt de l'entreprise et qu'elle vise, en
réalité, à conduire vers la rupture du contrat si le
salarié, notamment pour des raisons personnelles, ne peut accepter cette
mutation.
La seconde règle conditionnant la
légalité des clauses limitatives de liberté est
tirée du principe général de proportionnalité.
Celui-ci est issu de la jurisprudence du Conseil d'État.
Une liberté ne peut être supprimée; elle
peut seulement être réduite, encadrée dans les limites.
C'est le sens à donner à la formule de l'article L. 120-2 du
Code français du travail selon laquelle, la restriction aux
libertés doit être appréciée par
référence à la nature de la tâche à accomplir
et proportionnée au but recherché.
Ce principe de proportionnalité est illustré par
la jurisprudence MARCHAL72(*) relative aux clauses d'exclusivité. Cet
arrêt a déclaré nulle, « la clause d'un contrat
de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un
employeur à titre exclusif et à temps partiel ». Cette
clause ne respecte pas le principe de la proportionnalité en ce sens que
l'exclusivité n'est pas compensée par une
rémunération équivalente à celui d'une durée
normale de travail. Pour la validité d'une telle clause, il aurait fallu
que le contrat de travail soit à temps complet. Les clauses restrictives
de liberté pendant l'exécution du contrat de travail doivent
s'insérer dans des limites. L'instrumentalisation du contrat par
l'employeur se poursuit même après la rupture du contrat de
travail. Les clauses de non concurrence constituent la meilleure
illustration.
PARAGRAPHE II : LES CLAUSES
LIMITATIVES DE LIBERTÉ LIÉES À LA
RUPTURE DU
CONTRAT.
A la fin du contrat de travail, fleurissent les clauses de
non- concurrence. La notion de clause de non concurrence est ambiguë. Il
faut l'éclairer (A) sans toutefois manquer de préciser ses
conditions de validité (B).
LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE, UNE RESTRICTION À LA
LIBERTÉ DE TRAVAIL ET D'ENTREPRISE
La pratique de la clause de non concurrence est ancienne.
Prévue la plupart du temps dans le contrat de travail ou la convention
collective, elle interdit au salarié, à l'issue de son contrat de
travail73(*) de se mettre
au service d'une entreprise concurrente ou de s'établir à son
propre compte. La clause de non concurrence à distinguer de l'obligation
de non concurrence constitue une restriction au principe de la liberté
de travail.
En effet, la clause de non concurrence se distingue de
l'obligation de non concurrence. Cette dernière est l'interdiction pour
le salarié d'exercer une activité concurrente à celle de
son employeur, pour son propre compte ou pour un autre employeur.
Cette obligation s'applique pendant toute la durée
d'exécution du contrat de travail.
L'obligation de non concurrence est prévue par la
convention collective interprofessionnelle du Togo. Ce texte dispose en son
article 55 alinéas 2 qu' « il lui est interdit d'exercer
même en dehors des heures de travail une activité à
caractère professionnel susceptible de concurrencer l'entreprise ou de
nuire à l'exécution des services convenus ».
L'obligation de non concurrence s'applique pendant la
durée du contrat. Ce qui n'est pas le cas de la clause de non
concurrence dont les effets s'appliquent après la rupture du contrat.
L'article 55 de la convention collective interprofessionnelle
du Togo ne met pas une distinction nette entre l'obligation et la clause. On ne
peut cependant pas conclure que ce texte n'aborde pas la question. Le titre XII
de cette convention est intitulé « obligation du travailleur
et clause de non concurrence ».
La distinction étant faite, il convient de revenir
principalement sur la clause de non concurrence comme un facteur important de
restriction de la liberté de travail.
L'article 91 du code togolais du travail fait une interdiction
de principe de la clause de non concurrence. Le motif de cette interdiction est
le fait que la clause porte atteinte à la liberté de travail.
Contrairement au droit togolais et à la plupart des
législations européennes74(*) , aucun texte de portée générale
ne réglemente, en droit français, les clauses de non-concurrence.
C'est principalement la jurisprudence qui a abordé la question. Celle-ci
a cherché à concilier les intérêts protagonistes en
présence. Il s'agit du principe de la liberté de travail pour le
salarié et la protection des intérêts légitimes de
l'entreprise pour l'employeur.
Le principe de la liberté de travail veut que chaque
citoyen, exerce librement le travail qu'il entend entreprendre sans aucune
contrainte. Or il se trouve que la clause de non concurrence vient justement
restreindre cette liberté en interdisant à un salarié
licencié de travailler pour une entreprise concurrente. En dépit
de la restriction, la clause de non concurrence a été reconnue.
Cette reconnaissance valait la peine car il s'agissait de protéger
à tout prix l'entreprise considérée comme une
entité autonome, pourvoyeuse d'emploi. La réalité
économique enjambe la réalité juridique et la
jurisprudence a admis la licéité de ces clauses. Toutefois pour
ne pas asséner un coup fatal à la liberté de travail,
elles doivent intervenir dans les limites fixées par la loi et la
jurisprudence. Cette reconnaissance met en doute l'efficacité de la
technique contractuelle à protéger seule le salarié.
B/ - L'ADMISSION DES CLAUSES DE NON CONCURRENCE AU PROFIT
DES ENTREPRISES
Les clauses de non concurrence ont été admises
sous conditions. Celles-ci sont différentes d'un système
juridique à un autre.
En droit togolais, la clause de non concurrence est non
seulement admise en cas de faute lourde commise par le salarié mais
aussi en cas de sa démission.
Même en cas de faute lourde, « l'interdiction
ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer
celle de l'employeur ; sa durée ne peut dépasser un an et
elle ne peut s'appliquer que dans un rayon de trente cinq kilomètres
autour du lieu de travail ». Cette solution est le juste milieu car
il faut non seulement protéger le salarié mais aussi sauvegarder
les intérêts de l'entreprise. Contrairement au droit togolais, le
droit français a connu une évolution en plusieurs étapes.
L'on est parti en droit français de la
consécration de la licéité des clauses de non concurrence
pour aujourd'hui tendre à l'émergence du principe de la
liberté de travail.
En effet, les années 1980 ont vu consacrer le
règne de l'entreprise. Cette dernière était pourvoyeuse
d'emploi. Et comme le droit a aussi une fonction économique, il fallait
la protéger. Devant cette situation, la jurisprudence ne devait que
pleinement reconnaître la validité de la clause de non
concurrence. La seule limite qui lui était imposée était
qu'elles n'interdisent pas totalement au salarié de retrouver un
emploi.
A partir des années 1990, la jurisprudence apportera
d'importantes précisions quant à la validité de ces
clauses. La jurisprudence exigera de l'employeur de rapporter la preuve de
l'opportunité de celles-ci au regard des intérêts en jeu.
C'est le sens du célèbre arrêt du 14 mai 199275(*) dit « du laveur de
vitre »
Dans cet arrêt la chambre sociale subordonne la
validité de la clause de non concurrence à la preuve de son
caractère indispensable pour la protection des intérêts
légitimes de l'entreprise.
Désormais, la jurisprudence ne se limite plus au
contrôle de son étendue mais juge également de son
opportunité et de sa légitimité. C'est un tournant
décisif car elle va au-delà de la seule étendue. Au fil
des années, la jurisprudence va de plus en enfermer la validité
de cette clause dans des limites étroites. Elle va consacrer le principe
de la liberté de travail. Cette liberté vient donc prendre le pas
sur la restriction imposée par la clause.
L'arrêt du 19 novembre 199676(*) est assez explicite. Il
dispose qu' «ayant pour effet d'apporter une restriction au principe
de la liberté du commerce et de l'industrie et à la
liberté du travail garantie par la Constitution, la clause de
non-concurrence insérée dans un contrat de travail n'est licite
que dans la mesure où la restriction de liberté qu'elle
entraîne est indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l'entreprise ».
La cour de cassation n'avait plus alors qu'à parachever
son oeuvre, soit en affirmant la nullité de principe des clauses de non
concurrence, soit en élargissant encore le contrôle de
proportionnalité desdites clauses au regard de la liberté du
travail et du principe de la libre entreprise.
Elle a opté pour cette direction en ajoutant aux
conditions de validité une contrepartie financière. Cette
contrepartie est justifiée par le souci de réparer le
préjudice subi par le salarié.
Ainsi par trois arrêts de principe en date du 10 juillet
200277(*), la haute
juridiction française opère un revirement en affirmant
qu'«une clause de non concurrence n'est licite que si elle est
indispensable à la protection des intérêts légitime
de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient
compte des spécificités de l'emploi salarié et comporte
l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie
financière, ces conditions étant cumulatives ».
Lorsque les cinq conditions cumulatives sont remplies, la
clause est valable et le salarié qui la viole sera condamné au
versement de dommages et intérêts à l'employeur. Le nouvel
employeur s'il est informé de l'existence de la clause sera civilement
responsable.
La clause de non concurrence s'inscrit dans le schéma
de toutes les clauses limitatives de liberté. Elles ne sont valables que
si elles ont une cause et sont conformes au principe de
proportionnalité. L'instrumentalisation du contrat de travail au profit
de l'employeur a aussi permis l'introduction dans le contrat de travail d'une
autre catégorie de clauses.
SECTION II : LES CLAUSES RELATIVES AUX CONDITIONS DE
TRAVAIL
Cette catégorie regroupe les clauses dites de
variabilité (Paragraphe I) et celles portant réorganisation de la
sphère contractuelle (Paragraphe II).
Les clauses dites de variabilité sont celles par
lesquelles l'employeur se réserve la faculté, à
l'avance, de modifier le contrat. Quant aux clauses de réorganisation de
la sphère contractuelle, elles ont pour but de contractualiser d'une
part les conditions de travail et d'aménager d'autre part les
éléments essentiels.
PARAGRAPHE I : LES CLAUSES DE VARIABILITÉ DU
CONTRAT DE TRAVAIL
Les clauses de variabilité sont distinctes de certaines
clauses contractuelles qui peuvent organiser les relations de travail face aux
changements des situations. C'est le cas de la clause qui fait varier une part
de la rémunération selon le chiffre d'affaires de l'entreprise.
Ces clauses ne sont qu'une application du contrat de travail. Par contre
l'objectif de la clause de variabilité est de modifier les
éléments essentiels du contrat. Ces clauses sont diverses et
confèrent un pouvoir de révision à l'employeur (A).
L'insécurité juridique étant l'effet majeur desdites
clauses, leur validité répond à des conditions strictes
(B).
A/- LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE RÉVISION DE
L'EMPLOYEUR
Le contrat est utilisé aujourd'hui comme un meilleur
instrument de gestion des ressources humaines. Les juristes des entreprises
l'utilisent à dessein. Conscients de l'impuissance de l'employeur
à modifier les éléments essentiels du contrat de travail,
ceux-ci n'hésitent pas à insérer très habilement
dans le contrat de travail, des clauses qui autorisent l'employeur à
fixer unilatéralement les nouvelles conditions d'exécution du
contrat. Elles constituent un moyen pour le chef d'entreprise, de renforcer ses
pouvoirs de révision. Cependant, il est admis que la modification du
contrat de travail ne peut se faire que sur une base consensuelle. Ces clauses
constituent un facteur d'insécurité pour le salarié. Sa
subordination vis-à-vis du chef d'entreprise sera plus renforcée.
Ces clauses sont variées mais on peut les loger dans trois
catégories78(*).
La première, qui est aussi la plus simple, se borne
à disposer que, si tel événement se produit, si telle
limite est franchie, le contrat sera révisé. Cette clause
confère à l'employeur un pouvoir de révision si la
situation économique dans laquelle le contrat a été
signé vient à se modifier au-delà d'une limite
donnée. Celui-ci ne peut qu'agir à la survenance d'un
événement. L'effet de cette clause, est d'amener, les parties
à négocier la modification du contrat.
La deuxième catégorie, qui est plus
fréquente, accorde à l'employeur le droit de réviser telle
ou telle condition du contrat, spécialement les taux de commissions,
soit chaque année, soit en fonction de la situation du marché.
Les modalités de ces clauses sont très diverses, mais elles
consistent essentiellement à donner à l'employeur un pouvoir de
révision.
Enfin, une troisième catégorie pourrait
regrouper des clauses plus élaborées prévoyant, avec une
certaine précision, d'une part les circonstances ouvrant droit à
la révision, et d'autre part les limites dans lesquelles celle-ci
pourrait être opérée par l'employeur. Les clauses de
variabilité d'horaire relèvent de cette catégorie.
Ces clauses ne visent que l'intérêt de
l'entreprise. Le salarié est considéré comme les avoir
accepté en apposant sa signature sur le contrat. L'apposition de la
signature implique l'adhésion du salarié et rend le contrat
parfait. En outre, la décision du salarié est motivée par
la réalité économique et sociale qui est celle de se
retrouver au chômage.
L'effet principal des clauses de variabilité est
l'insécurité juridique.
B/- L'INSÉCURITÉ JURIDIQUE QUANT AU CONTENU
DU CONTRAT
Les clauses ayant vocation à modifier le contrat de
travail ont pour effet essentiel d'entraîner l'insécurité
juridique. Le salarié aura du mal à s'en tenir aux clauses
initialement arrêtées. Ces clauses dénient au contrat sa
fonction d'élément de sécurité juridique. Le
contrat, c'est également la confiance et il serait donc inadmissible de
porter atteinte au droit fondamental du salarié à s'en tenir aux
clauses de son contrat. Toutefois il faut aussi promouvoir l'entreprise. Ceci
passe par l'aménagement nécessaire d'un pouvoir à
l'employeur. Il faut établir un équilibre entre les deux parties.
Cette prétention du droit à promouvoir l'entreprise permet la
reconnaissance strictement encadrée desdites clauses. Les conditions de
validité seront appréciées par rapport aux
différentes catégories précitées.
Dans la première catégorie de clauses,
l'employeur ne peut pas unilatéralement fixer les nouvelles conditions
d'exécution du contrat. Son effet est d'inciter les parties à la
négociation.
La jurisprudence, en présence d'une clause
contractuelle prévoyant en faveur du salarié un avantage
indéterminé79(*), oblige les parties à négocier sur la
quotité exacte de ce droit. Et elle ajoute que, si les parties ne
se mettent pas d'accord, c'est au juge d'arbitrer leur différend et de
trancher80(*). Il en est
de même d'une clause prévoyant une révision sans
préciser les modalités. La jurisprudence est moins
sévère relativement à ces clauses. Cependant elle s'est
prononcée de façon plus tranchée quant à la seconde
catégorie.
En effet les clauses qui autorisent l'employeur à fixer
unilatéralement de nouvelles conditions d'exécution du contrat
sont nulles.
Il a été jugé que la clause par laquelle
l'employeur se réservait à son seul gré, d'étendre
la portée d'une clause de non-concurrence était nulle81(*). A été
considérée comme nulle, la clause qui permettait à
l'employeur de ne pas payer une prime qu'il s'était pourtant
engagé à payer en prenant pour prétexte que les
résultats économiques n'étaient pas suffisants82(*). La raison de cette
sévérité est évidente. La clause
potestative83(*) a
toujours été nulle. Le droit du travail prohibe, plus
sévèrement que le droit civil, ces clauses qui confèrent
à l'employeur un pouvoir exorbitant et anormal. Le souci est la
protection de la partie faible.
Enfin la validité de la dernière
catégorie de clause est peut être légalement
autorisée. L'article L. 212-4-3 du code du travail français
à propos de la répartition ultérieure de l'horaire de
travail dispose que le contrat « définit en outre les cas
dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition
peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ».
En dehors d'une consécration légale, aucune
clause, même précise ne peut prévoir la révision du
contrat.
La sévérité du régime juridique
des clauses de variabilité démontre à suffisance le souci
de les voir disparaître. Reste alors à évoquer les clauses
qui organisent la sphère contractuelle.
PARAGRAPHE II : LES CLAUSES D'ORGANISATION DE LA
SPHÈRE
CONTRACTUELLE
Ces clauses ont pour effet de contractualiser les conditions
de travail (A) et d'aménager les éléments essentiels
(B).
A/- LES CLAUSES DE CONTRACTUALISATION DES CONDITIONS DE
TRAVAIL
Un des aspects du renouveau du contrat de travail est la
détermination des éléments du socle contractuel. En dehors
de ce socle, les parties peuvent contractualiser certains
éléments qui ne sont en réalité que des conditions
d'exercice du contrat de travail. Ces éléments ne relèvent
pas par nature du contrat. On relèvera la clause de
sédentarité et la clause de fixation des horaires de travail.
La clause de sédentarité est celle par laquelle
le salarié est tenu d'exécuter son travail en un lieu
précis. Cependant il est de jurisprudence constante que la mention du
lieu dans un contrat de travail n'a qu'une valeur informative. Toutefois, le
contrat peut stipuler un lieu précis. La jurisprudence ne s'oppose pas
à l'insertion de cette clause mais pour sa validité, elle exige
la précision et la clarté.
Si la précision et la clarté ne font pas
défaut, l'employeur ne pourra pas muter son employé fut-il dans
le même secteur géographique. Cette clause peut aussi être
insérée dans le contrat par l'employeur. Les juges devront dans
un souci de protection rechercher si l'insertion d'une telle mention ne
procède pas d'un abus de pouvoir. Pour ce faire, le domicile du
salarié devra être pris en compte.
Quant aux clauses de fixation des horaires, elles stipulent
que le salarié exécutera son travail exclusivement selon les
horaires définis dans le contrat de travail.
Les horaires de travail constituent une condition de travail.
Sa fixation relève exclusivement des prérogatives de
l'employeur. Celui-ci déterminera les horaires en fonction des objectifs
fixés. Ainsi peut-il prévoir des horaires de jour et des horaires
de nuit. L'employé ne dispose d'aucun droit pour refuser les horaires
proposés sauf s'il y a bouleversement dans l'économie du
contrat84(*).
Cependant il peut y arriver que les parties insèrent
dans le contrat une clause qui contractualise les horaires. La validité
d'une telle clause tient en son caractère exprès.
Lorsqu'elle est contractualisée, l'employeur ne peut la
modifier sans l'avis du salarié.
Ces clauses à l'analyse favoriseraient aussi le
salarié.
En effet l'entreprise est en pleine mutation et permettre
qu'une condition de travail notamment la répartition de l'horaire
constitue un point sur lequel les parties doivent nécessairement
s'entendre sera préjudiciable à l'intérêt de
l'entreprise. Cette inquiétude serait mieux comprise en ces moments
où les entreprises togolaises sont confrontées à une
sévère crise énergétique. Face à cette
situation, il serait dommage que le salarié s'accroche à
l'horaire établi au contrat.
Le salarié quant à lui peut être
fixé et organiser sa vie privée par rapport à l'horaire
contractuel. Il peut, compte tenu de la force obligatoire du contrat de travail
s'opposer même aux heures supplémentaires.
Si le contrat de travail peut ainsi contractualiser ses
conditions d'exercice, il peut aussi atténuer la rigidité des
éléments essentiels.
B/- LES CLAUSES D'AMÉNAGEMENT DES
ÉLÉMENTS ESSENTIELS
Ces clauses ne font pas sortir les éléments
essentiels du socle contractuel. Mais elles ont pour effet d'aménager
leur caractère éminemment contractuel. La clause de variation de
la rémunération illustre parfaitement cet aménagement du
caractère contractuel. Il convient de l'appréhender par rapport
à ses conditions de validité. Ce choix s'explique par
l'importance de cet élément dans le champ contractuel.
La clause de variation de la rémunération est la
clause du contrat qui définit par avance les modalités par
lesquelles l'employeur pourra faire varier la rémunération de son
salarié.
L'introduction de ces clauses dans le contrat de travail
répond généralement à deux objectifs.
Il s'agit en premier lieu d'une meilleure maîtrise de
l'incertitude qui, à la signature du contrat pèse à la
fois sur la qualité effective de la prestation et sur les conditions
générales de l'activité à long terme.
En second lieu, elle doit permettre une motivation accrue des
salariés, à travers la possibilité qui leur est
donnée de bénéficier, en plus de leur salaire de base,
d'un revenu complémentaire, attribué en fonction soit des
résultats de l'entreprise, soit de leurs propres performances,
mesurées par rapport à des objectifs préalablement
fixés.
Ces clauses de variation de la rémunération ont
rencontré un véritable succès. Le salarié est
responsabilisé dans l'accomplissement de ses tâches. Il supportera
le risque économique pesant sur l'entreprise. Ceci est incompatible avec
la nature de son contrat. La chambre sociale de la cour de cassation a
très tôt perçu le danger qui pouvait peser sur le
salarié. C'est pourquoi elle a précisé les conditions de
sa validité.
Elle l'a fait dans sa décision du 2 juillet
200285(*). Il s'agissait
dans cet arrêt d'un avocat salarié qui reprochait à son
employeur de lui avoir fait baisser sa rémunération en
application d'une clause indexée sur le chiffre d'affaires. Il soutenait
en outre que le départ de deux avocats de renommée de ce grand
cabinet s'était soldé par une perte substantielle de clients et
donc de chiffre d'affaires. Selon lui, cette perte relevait d'une cause
structurelle propre à l'entreprise qui, toujours devait l'indemniser des
conséquences de cette baisse. Sans prendre la peine d'énoncer que
cette clause ne faisait pas peser sur les épaules du salarié le
risque de l'entreprise, la cour de cassation a rejeté le pourvoi du
salarié en évoquant la seule objectivité de la clause et
partant sa licéité. La cour a estimé qu'« une
clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la
rémunération du salarié dès lors qu'elle est
fondée sur des éléments objectifs indépendants de
la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur
le salarié et n'a pas pour effet de réduire la
rémunération en dessous des minima légaux et
conventionnels ».
La variabilité instaurée par cette clause doit
être indépendante de la volonté de l'employeur. Elle doit
être bien déconnectée du pouvoir de direction.
La multiplication des clauses au détriment du
salarié fait déchanter les partisans du tout contractuel qui
avaient perçu dans le renouveau du contrat de travail un outil de
protection de l'employé. Le contrat en fin de compte a plutôt
servi les intérêts de l'employeur. Cependant, il n'a pas aussi les
mains libres dans l'insertion des clauses contractuelles.
CHAPITRE II : LES CONTRAINTES PESANT SUR
L'EMPLOYEUR
Le retour du contrat dans les relations de travail n'est pas
une occasion ultime pour le chef d'entreprise d'assouvir ses ambitions au
détriment du salarié. Cette situation ressemblerait à une
jungle si des restrictions n'avaient pas été apportées
à la liberté contractuelle du chef d'entreprise. Ainsi il est
tenu de modeler le contrat conformément au cadre tracé par le
législateur. En outre, la valorisation des libertés et droits
fondamentaux des salariés va diminuer l'ardeur de l'employeur à
considérer le renouveau comme une reconquête. Le recours au
contrat n'est pas synonyme du retour à la situation primitive86(*). Ainsi certaines contraintes
spécifiques au droit du travail seront imposées au chef
d'entreprise (Section 1) qui doit tenir compte de la promotion des
libertés et droits fondamentaux dans l'usage du pouvoir de direction que
lui confère le contrat (Section 2).
SECTION I : LES RESTRICTIONS IMPOSEES AU CHEF
D'ENTREPRISE
PAR LE DROIT DU TRAVAIL
La liberté contractuelle retrouvée dans les
rapports de travail n'est pas sans frein. Des garde-fous nécessaires ont
été apportés par le législateur. Ainsi la
liberté contractuelle du chef d'entreprise, doit s'exercer dans le
respect de l'ordre public social dominé par le principe de faveur
(Paragraphe I). Cette même liberté est réduite par
l'exigence d'un formalisme propre au contrat de travail (Paragraphe II)
PARAGRAPHE I : LE RESPECT DE L'ORDRE PUBLIC SOCIAL
L'ordre public est considéré comme le
caractère des règles juridiques qui s'imposent pour des raisons
de moralité ou de sécurité impératives dans les
rapports sociaux. Il apparaît comme un moyen de défense « des
institutions essentielles de la société contre les atteintes que
pourraient leur porter les initiatives, non contrôlées, des
contractants »87(*).
Cette notion d'ordre public irrigue tous les pans du droit
privé. L'impératif de paix sociale va ainsi
pénétrer la sphère du contrat.
L'ordre public social est l'ensemble des règles
juridiques qui s'imposent pour moraliser les rapports entre l'employeur et le
salarié. Cet ordre public est un ordre public de protection. Il vient
ainsi porter une restriction à la liberté du chef d'entreprise.
Ce dernier est libre de réglementer la relation de travail en
dérogeant aux normes édictées par le législateur ou
par les conventions collectives. Cette dérogation n'est valable que si
le contrat contient des dispositions plus favorables au salarié. Cet
ordre public est dominé par le principe de faveur. Celui-ci sera
envisagé comme une restriction à la liberté de l'employeur
(A) et par conséquent, son non respect est sanctionné (B).
LE PRINCIPE DE FAVEUR, UNE RESTRICTION À LA
LIBERTÉ DU CHEF D'ENTREPRISE
Le droit du travail regroupe une pluralité de
règles88(*).
Celles-ci sont appelées à régir la même situation.
Dans cette ambiance, le chef d'entreprise serait amené à
appliquer la règle de droit qui protégerait au mieux ses
intérêts. Ainsi peut -on aboutir à une précarisation
de la situation du salarié. Conscient de ce danger, le
législateur togolais a prévu que « les
dispositions du présent code priment sur les clauses des contrats et
conventions »89(*). Cette disposition restreint la liberté du
chef d'entreprise qui est tenu de se conformer aux prescriptions
légales. Cependant, ce même texte viendra conforter la
liberté de choix et de décision de l'employeur en lui permettant
de déroger aux dispositions législatives à condition qu'il
soit plus favorable au salarié. L'application de la disposition la plus
favorable au salarié constitue l'âme du droit de travail et donne
lieu au principe dit de faveur. Quel est le contenu de ce principe et en quoi
constitue-t-il une restriction à la liberté contractuelle du chef
d'entreprise ?
Le principe de faveur ou la règle de l'application de
la disposition favorable est une règle fondamentale en droit du travail.
Il est consacré par bon nombre de législateurs.
En droit togolais, il est consacré par l'article 5 du
code du travail qui dispose que « les dispositions du présent
code priment sur les clauses des contrats et conventions, sauf si celles-ci
sont plus favorables au travailleur ».
Le droit camerounais le consacre également. L'article
52 al. 2 du code du travail90(*) précise que les conventions collectives
peuvent mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles
des lois et des règlements.
En droit français, c'est l'article L. 132-4 du code de
travail qui le consacre en disposant que « la convention et l'accord
collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux
salariés que celles des lois et règlements en
vigueur ».
Ces différents textes commandent aux employeurs de ne
déroger aux lois que dans l'intérêt du salarié.
Contrairement à la hiérarchie des normes qui veut que la norme
inférieure soit en conformité avec la norme supérieure, ce
principe autorise la source inférieure à être plus
favorable que la supérieure. Ainsi, le contrat de travail peut contenir
des dispositions plus favorables que celles des conventions collectives.
Ce principe bien que protecteur des intérêts du
salarié, constitue à l'analyse une gêne pour le chef
d'entreprise.
En effet, le principe restreint sa liberté
contractuelle. Il ne peut plus se prévaloir de cette liberté
pour insérer dans le contrat n'importe quelle clause. L'obligation qui
lui est faite d'être plus favorable au salarié réduit sa
marge de manoeuvre. On se demande si le chef d'entreprise qui est
généralement mû par ses propres intérêts peut
être plus favorable au salarié que le législateur. Il faut
rappeler que ce dernier a pour mission, au-delà des textes de lois
qu'il est amené à voter, de garantir la paix et la
cohésion sociale. C'est donc à une mission difficile que
l'employeur est appelé. Très souvent il manquera à cette
obligation. Il va alors encourir des sanctions.
B/- La sanction du non-respect du principe de faveur
par l'employeur
Le principe de faveur constitue un rempart contre la toute
puissance de l'employeur qui instrumentalise le contrat à son profit.
Le non-respect de ce principe conduit à des sanctions. La sanction de
principe est la nullité de la clause trop sévère à
l'endroit du salarié. Le législateur togolais ne donne pas
expressément cette solution. Mais en conférant la
primauté aux dispositions du code du travail, il entend prohiber toutes
les autres clauses surtout si elles sont sévères.
En droit français, les juges sont intransigeants.
Ainsi, la chambre sociale de la cour de cassation estime que la clause d'un
contrat de travail moins favorable que la convention collective est
nulle91(*). Cette
sévérité de la jurisprudence n'a pour but que de
protéger le salarié considéré comme partie
faible.
La nullité des clauses sévères, contraint
le chef d'entreprise à s'approprier des dispositions du code de travail.
Ainsi, sa prédisposition à faire usage de la liberté
contractuelle se trouve réduite.
La nullité comme sanction liée au non-respect
du principe de faveur invite à réfléchir sur la force du
principe.
Le droit togolais offre peu d'éléments
d'appréciation. Pour ce faire, il convient de se référer
au droit français.
Le principe est récent puisqu'il a été
évoqué pour la première fois par le Conseil d'Etat dans un
avis du 22 mars 197392(*).
Pour le juge constitutionnel, le principe de faveur n'a pas valeur
constitutionnelle.
Pour le juge administratif, ce principe s'impose au pouvoir
réglementaire. En particulier, ce pouvoir ne peut pas autoriser des
accords collectifs à comporter des stipulations moins favorables aux
travailleurs que les dispositions législatives.
Enfin, le juge judiciaire trouve en cette règle un
principe fondamental du droit du travail. Il s'impose donc aux partenaires
sociaux.
P-D. OLLIER considère ce principe comme « un
principe fondamental du droit de travail »93(*).
Au total, le principe de faveur est « un de ces
principes généraux du droit qui occupent dans la
hiérarchie une place intermédiaire entre la loi et le
règlement »94(*).
Le principe de faveur constitue une protection contre la
toute puissance du chef d'entreprise. Ce dernier est tenu de le prendre en
compte dans l'élaboration du contrat de travail.
En outre, l'expression de la volonté du chef
d'entreprise est réduite par un formalisme rigoureux propre au droit du
travail.
PARAGRAPHE II : LE RESPECT DU FORMALISME
Le contrat de travail est un contrat spécial. Il est
par essence inégalitaire du fait de la subordination d'une partie
à l'égard de l'autre. Pour garantir l'équilibre, le droit
du travail contraint le chef d'entreprise au respect d'un formalisme non
seulement dans le choix du contenu et du type du contrat (A) mais aussi dans le
règlement des litiges pouvant naître du contrat des
salariés protégés (B) .
A/- LE RESPECT DU FORMALISME QUANT AU CHOIX DU TYPE ET DU
CONTENU DU CONTRAT
L'employeur désireux de recruter du personnel n'est pas
libre de manipuler le contrat suivant ses propres convenances. Le choix du type
de contrat et celui de son contenu sont parfois dictés par des
considérations indépendantes de la volonté du chef
d'entreprise. Il existe donc des contrats organisés par le
législateur. Ces contrats limitent la liberté de l'employeur.
Celui-ci est tenu de respecter le formalisme imposé par le
législateur lorsqu'il s'agira de choisir le type de contrat et les
clauses devant y figurer.
Par rapport au choix du type de contrat, il convient de
relever que le législateur a organisé certains contrats. Ces
contrats ainsi organisés par le législateur sont dits
précaires en ce sens qu'ils n'occupent pas le salarié de
façon durable. Les emplois saisonniers sont donc strictement
régis par des contrats spécifiques. Il s'agit du contrat à
durée déterminée et du contrat à temps partiel.
L'employeur ne peut donc pas utiliser ces types de contrat pour pourvoir
à un emploi durable.
Le contrat à durée déterminée est
un contrat qui « ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de
pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité
normale de l'entreprise »95(*). Le législateur restreint la liberté du
chef d'entreprise en prédéfinissant les types de contrat qu'il
serait amené à conclure en fonction de la durée de
l'activité. Un employeur qui tenterait d'engager un salarié sous
le régime d'un contrat à durée déterminée
alors que l'activité est durable va encourir les sanctions du juge.
En effet, le juge peut procéder à la
requalification du contrat. Le salarié bénéficiera d'une
présomption et sera considéré comme engagé sous un
contrat à durée indéterminée.
La limitation du pouvoir du chef d'entreprise est aussi
perceptible quant au choix des clauses devant figurer dans des contrats
précaires.
S'agissant du contrat de travail à temps partiel,
l'article 143 du code togolais du travail dispose qu'il « doit
être constaté par écrit ou une lettre d'embauche
mentionnant la durée de travail ». Les mentions
évoquées par le législateur étant obligatoires, la
marge de manoeuvre du chef d'entreprise se trouve réduite. Il ne peut
que suivre le formalisme établi.
De même dans le cadre d'un contrat à durée
déterminée, l'employeur est convié à suivre les
prescriptions de la loi. En effet, le contrat à durée
déterminée est nécessairement un contrat écrit. Les
autres clauses sont fixées par l'article 143 et suivants du code
togolais du travail. Dans ces conditions, l'employeur ne peut pas
évoquer la liberté contractuelle pour insérer des clauses
contraires à la loi. L'article 143 indique par ailleurs que la
durée d'un contrat à durée déterminée ne
peut excéder quatre ans. Cette durée inclut également les
périodes de renouvellement.
Les contrats précaires n'offrent pas les coudées
franches à l'employeur. Le formalisme imposé constitue une
gêne importante pour les entreprises. Cependant il protège les
salariés. Cette protection est plus renforcée pour une
catégorie particulière de salariés. Il s'agit des
représentants des salariés. La marge de manoeuvre du chef
d'entreprise se trouve limitée.
B- LE FORMALISME IMPOSÉ POUR LA PROTECTION DES
REPRÉSENTANTS DES SALARIÉS
La toute puissance de l'employeur quant à l'utilisation
du contrat à son profit se trouve atténuée en
présence des représentants des salariés. Ils sont
généralement considérés comme les salariés
protégés. Il s'agit en droit togolais des
délégués du personnel et les délégués
syndicaux. En raison de la nature de la mission qu'ils doivent accomplir, le
chef d'entreprise ne peut pas à sa seule initiative les sanctionner. Il
ne peut non plus modifier leur contrat de travail suivant le droit commun. La
mise en oeuvre de cette protection passe par le formalisme institué
à cet effet. Quel est le formalisme imposé et en quoi constitue
t-il une restriction à la liberté contractuelle de
l'employeur ?
Les salariés élus ont une mission
délicate. Chargés de mission de négociation parfois
délicate, ils bénéficient d'une protection
particulière contre les sanctions. La protection accordée aux
représentants du personnel a pour but de les aider à accomplir
efficacement leur mission sans craindre la réaction punitive de
l'employeur. Il faut en clair leur garantir une indépendance comme le
défend TEYSSIE Bernard96(*) en déclarant qu'il « faut que
soit assurée l'indépendance des négociateurs
salariés face aux négociateurs patronaux. Le statut protecteur
conféré aux délégués syndicaux et aux
élus du personnel répond à cette exigence. Il acquiert, au
passage, une dimension singulière. La protection dont ils
bénéficient n'est pas seulement mise en place dans leur
intérêt mais aussi dans l'intérêt même des
institutions représentatives ».
Cette protection couvre plusieurs domaines et a pour effet de
contraindre le chef d'entreprise à user moins de sa liberté
contractuelle au profit du respect des règles de procédure
établies par le législateur.
Ainsi la mutation d'un délégué du
personnel doit être soumise à l'avis de l'inspecteur du travail.
Celui-ci vérifiera si la mutation envisagée n'est pas une mesure
destinée à éloigner le salarié qui gêne
surtout.
Pour le licenciement, une procédure spéciale
doit être respectée. Le projet de licenciement doit être
soumis pour avis à l'inspecteur du travail97(*).
Le licenciement d'un délégué du
personnel sans autorisation de l'inspecteur du travail et des lois sociales
est nul. Il doit être réintégré.
La protection joue également en cas de changement des
conditions de travail. Dans un récent arrêt du 21 novembre
200698(*), la chambre
sociale a très fortement réduit les pouvoirs de l'employeur en
présence d'un salarié protégé.
Par cet arrêt, la cour de cassation interdit à
l'employeur d'imposer, dans le cadre de son pouvoir de direction, un quelconque
changement des conditions de travail aux salariés
protégés.
En conséquence, si l'employeur procède à
une réorganisation générale de son établissement,
impliquant de simples changements dans l'exécution du travail de ses
salariés, il doit tenir à l'écart les salariés
protégés.
L'employeur n'a pas lui seul, une emprise sur le contrat de
travail d'un salarié protégé. Cette protection n'est
qu'une confirmation du fait que la liberté contractuelle ne signifie pas
une reconquête où le faible sera complètement
écrasé.
Cette ambition du législateur à atténuer
la liberté contractuelle du chef d'entreprise sera renforcée par
la promotion des droits et libertés des salariés.
SECTION II : LES CONTRAINTES IMPOSEES AU CHEF
D'ENTREPRISE PAR L'OBLIGATION DE RESPECT DES DROITS ET LIBERTES DES
SALARIES
Le pouvoir de direction inhérent à la
qualité de chef d'entreprise réside non seulement dans le pouvoir
d'élaborer des normes mais aussi dans la possibilité d'infliger
des sanctions disciplinaires. Pour limiter les abus de ce pouvoir, un corpus de
droits fondamentaux s'est progressivement établi. Le droit du travail a
d'abord reconnu les droits collectifs. Les droits de grève et
d'appartenance à un syndicat figurent en bonne place. Après
ceux-ci, les libertés individuelles vont pénétrer la
relation du travail et constituer des contrepoids à la liberté
contractuelle du chef d'entreprise. Ainsi, ce dernier est tenu de respecter
les droits des candidats à l'emploi (Paragraphe I) et ceux des personnes
au travail (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX
DU
CANDIDAT À
L'EMPLOI
Tout employeur est libre d'embaucher le candidat, dont les
aptitudes professionnelles et les qualités personnelles lui semblent
répondre au mieux aux exigences du poste à pourvoir. Cependant,
et pour éviter les pratiques abusives à l'occasion des
procédures de recrutement, il existe certaines garanties visant à
protéger les candidats à un emploi. Ainsi le pouvoir
d'investigation de l'employeur est limité (A). En outre, il ne peut pas
opérer des discriminations à l'embauche (B).
A/- LA LIMITATION AUX POUVOIRS D'INVESTIGATION DU CHEF
D'ENTREPRISE
Le chef d'entreprise doit pouvoir recruter le candidat le plus
apte. Il dispose à cet effet d'un pouvoir d'investigation. Ce pouvoir
lui permettra de recueillir des informations relatives au salarié. Ces
investigations sont rendues nécessaires pour les intérêts
de l'entreprise. Il s'agit de recruter des salariés pouvant
réaliser les objectifs fixés par le chef d'entreprise. Mais,
parce que la vie personnelle du salarié n'a pas à être
connue de l'employeur, son pouvoir d'investigation est forcément
limité. C'est pourquoi dans la phase de recrutement, le chef
d'entreprise est tenu de mettre en oeuvre des méthodes pertinentes et
transparentes.
La pertinence de la méthode s'apprécie par
rapport à la finalité recherchée. Celle-ci étant la
recherche du salarié le plus apte à occuper le poste en jeu. Ces
informations doivent en tout état de cause présenter un lien
direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec
l'évaluation des aptitudes professionnelles.
Ainsi, il n'y a pas lieu de soumettre les candidats à
l'emploi à des questionnaires relatifs aux emplois occupés par
leur parent ou conjoint. Les tests de psychologie clinique sont par ailleurs
interdits étant entendu qu'ils n'ont pas de lien direct avec l'emploi.
Aujourd'hui avec la pandémie du VIH SIDA, la question des investigations
reste d'actualité. Le chef d'entreprise peut-il exiger des tests de
sérologie à l'embauche ? L'employeur ne peut pas
juridiquement imposer un tel test puisque n'ayant pas pour finalité
d'évaluer ses aptitudes professionnelles. L'employeur ne peut non plus
recourir à des méthodes aux résultats aléatoires
comme l'astrologie.
La transparence des méthodes a pour but de contraindre
le chef d'entreprise à communiquer par avance les modalités du
recrutement. Généralement les entreprises togolaises font recours
aux journaux de la place pour l'annonce de leur offre d'emploi. Deux
modalités sont généralement prévues pour le
recrutement. Il s'agit de la phase écrite et celle de l'interview. Le
chef d'entreprise ne peut qu'utiliser les modalités prévues dans
l'offre.
En droit français, l'art. L. 121-7 al. 1er
indique que « le candidat à un emploi est
expressément informé, préalablement à leur mise en
oeuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement
utilisées à son égard ». La loi ne
prévoit pas la communication d'un écrit. En conséquence,
l'obligation d'information préalable des candidats doit être
considérée comme remplie dès lors
que l'intéressé a eu connaissance, avant que ne
commence l'entretien de recrutement, des méthodes et techniques qui
seront utilisées.
En définitive, le pouvoir d'investigation du chef
d'entreprise est limité. Sa finalité doit être le
recrutement du meilleur salarié. La liberté de l'employeur est
en outre limitée par l'interdiction des discriminations à
l'embauche.
B/- L'INTERDICTION DES DISCRIMINATIONS À
L'EMBAUCHE
Le contrat de travail est un contrat conclu en fonction de la
personne. A cet effet, il appartient au chef d'entreprise de choisir celui qui
est plus apte à servir les intérêts de l'entreprise.
L'exercice de cette mission n'est pas aisé. L'employeur peut facilement
verser dans la discrimination en fondant son choix sur des motifs
étrangers aux attentes de l'entreprise. Il peut par exemple fonder sa
décision sur l'appartenance ethnique, raciale, religieuse ou sur le
sexe. En le faisant, le choix du chef d'entreprise serait constitutif de
discrimination et tomberait sous le coup de la loi. La liberté
contractuelle se trouve limitée et doit s'exercer sous le contrôle
de la loi.
Ainsi, la loi fondamentale togolaise en son art. 37 dispose
que « L'Etat reconnaît à chaque citoyen le droit au travail
et s'efforce de créer les conditions de jouissance effective de ce
droit. Il assure à chaque citoyen l'égalité de chance face
à l'emploi ».
Ce texte consacre un droit essentiel et il n'appartient pas
à un employeur, un citoyen de surcroît, de porter atteinte
à ce droit en prenant appui sur la liberté contractuelle. La
liberté contractuelle ne rime pas avec illicéité.
L'article 6 du code civil oblige les parties contractantes au respect de la loi
et des règlements. En effet, « on ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre
public et les bonnes moeurs ».
Fort de cette disposition constitutionnelle, le code togolais
du travail a interdit toute discrimination à l'emploi. La formule de ce
texte est claire. Il dispose que « toute discrimination directe ou
indirecte en matière d'emploi et de profession est
interdite »99(*).
Que faut-il entendre par discrimination et quelle est la
sanction applicable ?
Le deuxième alinéa de l'article 3 du code
togolais de travail définit la discrimination comme « toute
distinction, exclusion ou préférence fondée sur le sexe,
la race, la couleur, la religion, l'appartenance ethnique, l'opinion politique
ou philosophique, l'origine sociale, le statut juridique, l'ascendance
nationale, l'état de santé ou le handicap et qui a pour effet de
réduire ou d'altérer l'égalité de chance ou de
traitement en matière d'emploi ou de profession ».
Le législateur togolais a donné une liste
extrêmement longue des actes constitutifs de discrimination. Le chef
d'entreprise a toujours un moyen pour opérer des discriminations dans le
choix de son personnel. C'est le cas par exemple d'un migrant à qui on
ne veut pas donner de l'emploi en insérant dans le formulaire d'embauche
une clause relative au domicile. La clause de domicile est certes neutre mais
en réalité, constitue une mesure discriminatoire.
Le chef d'entreprise qui se prévaut de la
liberté contractuelle pour discriminer s'expose aux sanctions de la loi.
Cette situation est rare. Les employeurs n'exhibent jamais la discrimination.
Il appartient au candidat de faire la preuve de la discrimination. Lorsqu'elle
est prouvée, il faut alors sanctionner.
Le code togolais du travail prohibe ces pratiques. Ce code ne
fixe pas le juge sur la sanction à prendre. Le juge peut - il exiger de
l'employeur qu'il engage le candidat discriminé ? Pour Bernard
BOSSU, cette « solution est dépourvue de toute
crédibilité sur le plan pratique et ce d'autant que l'employeur a
probablement retenu un autre candidat sur le poste à
pourvoir »100(*). L'auteur préconise une réparation
pécuniaire. L'évaluation du préjudice se fera alors selon
les règles du droit commun. On appliquera l'article 1382 du code civil
et la perte d'une chance réelle et sérieuse d'accéder au
poste convoité. Cette solution pourrait être retenue par le juge
togolais.
La liberté contractuelle du chef d'entreprise n'est pas
seulement limitée à l'embauche. Même après
l'embauche, le respect de la vie personnelle du salarié constitue une
limitation des pouvoirs de l'employeur.
PARAGRAPHE II : LE RESPECT DE LA VIE PERSONNELLE DU
SALARIÉ
L'employeur est tenu au respect des droits attachés
à la personnalité du salarié. Ainsi le contrat de travail
ne peut être un moyen pour le chef d'entreprise d'imposer des
restrictions intempestives dans la vie personnelle du salarié. Cette
notion de vie personnelle a été substituée à celle
de vie privée devenue trop étroite pour contenir tous les droits
attachés à la personne du salarié. En effet, la vie
privée proprement dite ne protège que l'intimité de
l'individu sans prendre en compte la partie extraprofessionnelle de son
activité.
La vie personnelle par contre englobe outre la vie
privée, des droits qui font du salarié un homme libre. Ces droits
sont constitués des libertés civiles et politiques. De
manière générale, tous les faits et gestes du
salarié en dehors de son activité professionnelle relèvent
de sa vie personnelle et ne sauraient être sanctionnés par
l'employeur. Ainsi, le chef d'entreprise est tenu de respecter les droits
attachés à la personnalité du salarié non seulement
dans l'entreprise (A) mais aussi en dehors de celle-ci (B).
A/- LE RESPECT DE LA VIE PERSONNELLE DU SALARIÉ
DANS L'ENTREPRISE
Le respect de la personnalité du salarié est
essentiel dans toute relation de travail. Ce droit a été
particulièrement mis en oeuvre ces dernières années avec
l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la
communication dans l'entreprise. En quoi le respect à la vie personnelle
du salarié sur les lieux de travail peut-il constituer une contrainte
à la liberté d'action du chef d'entreprise ?
Sur les lieux de travail, la frontière entre vie
personnelle et vie professionnelle est très mince et il faut faire
extrêmement attention pour faire la démarcation. Cette
difficulté est liée à la nature du contrat de travail. Ce
contrat se caractérise par la soumission du salarié aux ordres de
son employeur. Mais sur les lieux du travail, il a droit à une certaine
autonomie car l'entreprise ne peut être un espace où l'arbitraire
et le pouvoir discrétionnaire s'exercent sans frein, un terrain
d'espionnage où seraient bafoués les droits fondamentaux.
L'employeur est tenu de respecter cette intimité. Il ne peut par
exemple pas s'immiscer dans l'intimité du salarié en fouillant
ses effets personnels. Ces derniers peuvent être constitués de
correspondances et de certains fichiers personnels du salarié. La
chambre sociale de la cour de cassation française a affirmé dans
l'affaire Nikon101(*)
que l'employeur ne peut« prendre connaissance des messages personnels
émis par le salarié et reçus par lui grâce à
un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci
même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non
professionnelle de l'ordinateur ».
L'employeur doit par ailleurs respecter les droits
inhérents à l'espèce humaine. Ceux-ci sont adaptés
à la relation de travail. Il s'agit du droit à l'expression et du
droit de retrait.
Dans l'entreprise, le pouvoir de direction ne doit pas faire
obstacle à la liberté d'expression. Le salarié peut
valablement se prononcer sur les conditions d'exercice et de l'organisation du
travail. Ce droit permettra au salarié de se prononcer sur le devenir de
sa situation dans l'entreprise. Il n'encourt aucune sanction dans l'exercice de
ce droit. Ce qui suppose que l'employeur ne peut pas prévoir dans le
contrat des clauses prohibant l'usage de ces droits. La même situation
est observée dans l'exercice du droit de retrait.
Le salarié peut se retirer d'une activité qui
présente pour sa vie ou sa santé un danger grave ou imminent. Ce
droit de retrait fait prévaloir la protection de la personne sur
l'ordre reçu.
En droit togolais, l'employeur est tenu de garantir la
sécurité sur les lieux de travail. A cet effet, il est
institué un comité consultatif de sécurité et
santé au travail. Ce comité « donne son avis, outre les
cas prévus par le présent code, sur les demandes d'homologation
des dispositifs de protection des appareils, machines ou éléments
de machines dangereux à installer dans les établissements et sur
les lieux de travail, ainsi que sur celles des produits potentiellement
toxiques »102(*). En instituant ce comité, le
législateur togolais entend protéger le salarié contre les
dangers imminents. Malheureusement, le droit de retrait n'est pas
consacré.
En droit français, ce droit de retrait est
expressément prévu par le législateur. L'article L. 231-8
du code de travail autorise le salarié à se retirer d'une
activité qui présente pour sa vie ou sa santé un danger
grave ou imminent.
Ainsi sur les lieux de travail, l'indisponibilité des
droits attachés à la personne du salarié constitue des
restrictions à l'expression de la liberté contractuelle du chef
d'entreprise. Ce dernier doit aussi respecter la personnalité du
salarié même en dehors de l'entreprise.
B/- LE RESPECT DES DROITS DU SALARIÉ EN DEHORS DE
L'ENTREPRISE
Le lien de subordination s'exerce dans le cadre de
l'entreprise. Hors des portes de l'entreprise, le salarié redevient un
homme libre et n'est plus sous ordres. Cependant, les interférences
entre vie professionnelle et vie personnelle ont la vie dure même en
dehors des lieux de travail. C'est pourquoi des restrictions sont
apportées au pouvoir de l'employeur hors du temps et du lieu de
travail.
Dès que le salarié quitte son bureau, il doit
pouvoir jouir d'une liberté qui ne connaît d'autres contraintes
que les règles de la vie en société et le respect des lois
et règlements. L'employeur ne peut donc lui reprocher des agissements ou
un comportement aussi scandaleux ou condamnable soit il. Ce raisonnement est
également étendu non seulement aux périodes de week-end ou
de congés mais aussi aux périodes de suspension du contrat de
travail103(*). Ainsi le
chef d'entreprise ne peut pas procéder au licenciement d'un
salarié pour des actes et agissements posés en dehors de
l'entreprise. L'impossibilité pour l'employeur de sanctionner de tels
faits se fonde sur le fait que les agissements du salarié
relèvent de sa vie personnelle.
Il a été jugé qu'un concierge qui
était en arrêt de travail pour maladie et qui s'était
querellé avec un locataire pour des problèmes de voisinage ne
pouvait pas être licencié pour cela. En effet, selon la cour, le
fait reproché au salarié « relevait de sa vie
personnelle et n'était pas constitutif d'une cause de
licenciement »104(*). De même, il a été jugé
que le licenciement pour faute grave d'un clerc de notaire dont l'employeur
avait appris par la presse qu'il avait été condamné
pénalement pour aide au séjour irrégulier d'un
étranger, n'avait pas de cause réelle et sérieuse car le
fait imputé au salarié relevait de sa vie personnelle105(*).
L'employeur ne peut pas non plus imposer des conduites
à tenir à ses employés hors du cadre de travail. Ainsi il
n'est pas possible pour le chef d'entreprise dans l'exercice de sa
liberté contractuelle d'imposer des conduites religieuses à ses
salariés. Aujourd'hui, les nouvelles technologies de l'information et de
la communication facilitent les atteintes à la vie privée des
salariés.
En effet, avec le développement et
l'accessibilité de la téléphonie mobile à toutes
les bourses, le salarié n'a plus de repos. Même à la
maison, il recevra des appels téléphoniques de son patron. Ces
coups de fils constituent un empiètement sur le droit au repos du
salarié. Les atteintes doivent cependant être justifiées
par l'intérêt de l'entreprise.
Comme on le voit, le concept de vie personnelle devient un
élément de protection du salarié. Il constitue une
restriction au pouvoir du chef d'entreprise qui envisage le contrat de travail
comme un instrument de gestion de la ressource humaine.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre analyse portant sur le renouveau du contrat
de travail, il apparaît que la restauration de la pratique contractuelle
dans les relations de travail est ambivalente. Ce renouveau est devenu non
seulement un facteur de protection du salarié mais aussi un outil de
promotion de l'entreprise et de gestion de la main d'oeuvre.
Le renouveau du contrat de travail est principalement mû
par le souci de protéger le salarié. Dans cette perspective,
l'introduction des techniques civilistes dans les relations du salariat va
permettre à l'employé de mieux s'affirmer en acceptant ou en
refusant toute proposition de modification de son contrat. Ce droit du
salarié sera mis en oeuvre lorsque la modification envisagée
porterait atteinte aux éléments du contrat. Il s'agira des
éléments comme la rémunération, la fonction
exercée et sous certaines conditions le lieu et la durée du
travail. Cette protection offerte par la contractualisation de la relation de
travail s'est avérée peu efficace face à la toute
puissance de l'employeur.
En effet, le chef d'entreprise utilisera le contrat à
des fins stratégiques. Mieux outillé que le salarié, il
insérera dans le contrat des clauses destinées à
promouvoir l'entreprise. Le salarié vouera par exemple une
fidélité à l'entreprise. L'employeur utilisera la logique
contractuelle pour rendre plus flexible la gestion du personnel. Des clauses
particulières viendront renforcer ses pouvoirs. Ainsi peut-il même
contractualiser les motifs de la rupture. Même au-delà de la
rupture, le contrat servira à restreindre la liberté du
salarié. L'insertion des clauses de non concurrence répond
à cette préoccupation.
On se rend compte que les différentes parties en
présence, veulent tirer le maximum de profit du contrat. Dans cette
confrontation d'intérêts, le contrat à lui seul est
insuffisant pour protéger le salarié.
Conscient de ce danger, le législateur togolais est
intervenu par des dispositions impératives pour contraindre le chef
d'entreprise à plus d'humanisme dans l'usage de sa liberté
contractuelle.
A cet effet, l'art. 5 du nouveau code togolais du travail
invite les employeurs au respect de l'ordre public social. Ce même code
veut limiter les pouvoirs du chef d'entreprise quant à
l'instrumentalisation du contrat. La fixation du SMIG et celle de la
durée du travail participe à cette entreprise. Enfin la
reconnaissance des droits fondamentaux et la promotion des libertés sur
les lieux de travail sont un autre pan de l'action du législateur pour
protéger le salarié.
Ces efforts sont louables ; cependant ils pèchent
en efficacité pour déficit de mesures d'accompagnement.
En effet, plusieurs mesures règlementaires devant
permettre une prompte application des textes tardent à être
prises. Il serait impérieux pour les autorités du
ministère en charge de l'emploi d'inciter les différentes
branches d'activité à fixer très rapidement, le montant du
SMIG. Cette mesure tant attendue constituerait un minimum de garantie pour le
salarié qui ne peut voir sa rémunération en dessous du
minimum légal. En outre, la réglementation des heures
supplémentaires constituerait un gage de sécurité pour le
salarié.
Cette protection sera plus renforcée avec la promotion
des droits individuels des salariés. En droit togolais, le
législateur s'est limité à l'énumération des
droits collectifs. Or, la relation de travail est avant tout une relation
individuelle. Il urge alors de donner des moyens de défense au
salarié contre les dérives du chef d'entreprise dans l'exercice
de ses prérogatives. Pour ce faire, le juge togolais est invité
à jouer un rôle essentiel. Ce faisant, le droit d'expression tout
comme celui du retrait d'une activité jugée dangereuse pour la
sécurité seront consacrés pour le grand bien du
salarié.
Enfin, l'Etat togolais se doit de recruter et de former de
nouveaux inspecteurs de travail. Ces agents dont la mission consiste en la
défense des intérêts des salariés se font rares sur
le terrain donnant du coup une totale liberté aux employeurs. Leurs
actions les persuaderont du respect des textes dans l'usage de la
liberté contractuelle.
Gageons que, dans un avenir proche, les mesures
préconisées seront prises en compte pour permettre au contrat de
combler ses lacunes quant à la protection du salarié.
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TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT
.............................................................................
....... ..I
DEDICACE
................................................................................................II
REMERCIEMENTS
....................................................................................III
SIGLES ET ABREVIATIONS
.........................................................................IV
SOMMAIRE............................................................................................
..V
INTRODUCTION GENERALE
....................................................................1
1ere Partie : LES MANIFESTATIONS DU
RENOUVEAU DU CONTRAT
DE TRAVAIL
..................................................................5
Chapitre I- Le nouveau droit de la modification du
contrat de travail ..................6
Section 1 - L'opposition entre modification
du contrat de travail et
changement des conditions de
travail................................................7
Paragraphe I - La soumission de la
modification du contrat de travail
à l'accord des parties
...............................................................7
A- La force obligatoire du contrat de
travail.....................................7
B- La révision consensuelle du contrat de travail
................................8
Paragraphe II - Les changements des
conditions de travail : une
prérogative du chef
d'entreprise.............................................10
A- Le lien de subordination : soubassement du
pouvoir du chef
d'entreprise.................................................10
B- Le pouvoir de direction : la manifestation des
prérogatives du chef d'entreprise
....................................... ....12
Section 2 - Une approche conforme aux
préoccupations
du droit de
travail................................................................13
Paragraphe I - Une protection plus accrue du
salarié ........................................13
A- Le maintien de l'emploi
.......................................................13
B- La non imputabilité de la rupture du contrat au
salarié ...............14
Paragraphe II - La promotion de
l'entreprise...................................................16
A- La prise en compte de l'intérêt de
l'entreprise .............................16
B- La flexibilité dans la gestion du personnel
................................18
Chapitre II - Les éléments du contrat de
travail .............................................20
Section 1 - Les éléments de
certitude ............................................................21
Paragraphe I - La
rémunération contractuelle, un
élément
de protection du salarié
.........................................................21
A- Une certitude sur le montant de la
rémunération .....................21
B- Un contentieux plus juste quant à la modification
de la rémunération
.........................................................22
Paragraphe II - La qualification
...................................................................24
A- La qualification contractuelle : la garantie d'une
plus
grande visibilité sur la tâche à accomplir
...............................24
B- Le refus de l'exécution des tâches non
contractuelles :
un droit reconnu au salarié
................................................25
Section 2 - Les éléments de non
certitude ......................................................26
Paragraphe I - Le lieu de travail
...................................................................27
A- La fixation du lieu de travail : une
prérogative
du chef
d'entreprise...........................................................27
B- Les avantages liés à la contractualisation du
lieu
de
travail.....................................................................
....28
Paragraphe II - La durée de travail
...............................................................30
A- Le contrat de travail à temps partiel
....................................30
B- Le contrat de travail à plein temps
.......................................31
2 ème Partie : LES LIMITES DU
RENOUVEAU CONTRACTUEL ......................33
Chapitre I - L'instrumentalisation du contrat au
détriment du salarié ................34
Section 1 - Les clauses limitatives de
liberté ...................................................34
Paragraphe I - Les clauses limitatives de
liberté pendant la durée
du contrat
.........................................................................34
A- Une gamme de clauses au profit de
l'employeur ......................34
B- Le régime des clauses restrictives de
liberté pendant
l'exécution du contrat
.........................................................36
Paragraphe II - Les clauses limitatives de
liberté liées à la rupture
du contrat
.....................................................................37
A- La clause de non concurrence, une restriction à la
liberté
de travail et d'entreprise
...................................................37
B- L'admission des clauses de non concurrence
au profit des
entreprises.......................................38
Section 2 - Les clauses relatives au
conditions de travail ...................................40
Paragraphe I - Les clauses de
variabilité du contrat de travail.............................40
A- Le renforcement des pouvoirs de révision de
l'employeur .......40
B- L'insécurité juridique quant au contenu du
contrat .................41
Paragraphe II - Les clauses d'organisation de
la sphère contractuelle ..................42
A- Les clauses de contractualisation des conditions
de travail
.......................................................................43
B- Les clauses d'aménagement des éléments
essentiels..................44
Chapitre II - Les contraintes pesant sur
l'employeur.......................................46
Section 1 - Les restrictions imposées
au chef d'entreprise par le droit
du
travail................................................................................46
Paragraphe I - Le respect de l'ordre public
social..............................................46
A- Le principe de faveur, une restriction à
liberté
du chef
d'entreprise............................................................47
B- La sanction du non respect du principe
par
l'employeur..............................................................48
Paragraphe II - Le respect du formalisme
......................................................49
A- Le respect du formalisme quant au choix du
du type et du contenu du contrat
.......................................49
B- Le formalisme imposé pour la protection
des représentants
des salariés ............................................50
Section 2 - Les contraintes imposées
au chef d'entreprise par l'obligation
de respect des droits et libertés des
salariés .................................51
Paragraphe I - Le respect des droits
fondamentaux du candidat
à l'emploi
.........................................................................52
A- La limitation au pouvoir d'investigation
du chef
d'entreprise................................................52
B- L'interdiction des discriminations à l'embauche
................53
Paragraphe II - Le respect de la vie
personnelle du salarié .................................54
A- Le respect de la vie personnelle du salarié
dans
l'entreprise..........................................................54
B- Le respect de la vie personnelle du salarié en
dehors de
L'entreprise
.................................................................56
CONCLUSION GENERALE
.......................................................................57
BIBLIOGRAPHIE
......................................................................................60
TABLE DES MATIERES
...........................................................................
..64
* 1 Terminologie du code civil
de 1804 pour désigner le contrat de travail.
* 2 Scelle Georges, Le Droit
ouvrier, 2a, éd., Paris, A. Colin, 1929.
* 3 WAQUET Philippe, Le
renouveau du contrat de travail, RJS 5/99 P.383.
* 4 Lyon - Caen Gérard,
Défense et illustration du contrat de travail, Archives de
philosophie du droit, Sirey, 1968, t. XIII, p.59.
* 5 WAQUET Philippe, op. cit.,
p. 383.
* 6 RAY Jean - Emmanuel, De
l'importance du contrat, La Lettre prud'homale - 1er trimestre
2003 n°4 p.3
* 7 Cass. Soc.8 octobre
1987 : Bull. civ. V n°541.
* 8 WAQUET Philippe, le
contrat de travail et ses garanties, les leçons de la
jurisprudence, Cadres-CFDT, n° 412, Octobre 2004, p.31.
* 9 WAQUET Philippe, op.cit
p.384
* 10 Cass. Soc., 10 juillet
1996, Bull. civ. V, n°278
* 11 G. Couturier,
Techniques civilistes et droit du travail, chronique d'humeur à
partir de quelques idées reçues - D. 1975, Chron. XXIV et XXXVI,
p.152.
* 12 Les vertus essentielles du
contrat sont la confiance, la sécurité, la stabilité.
* 13 H. Roland et L.
Boyer , Adages en droit français - Litec,
3ème éd., 1992, n° 293, p. 618.
* 14 Rapport de la Commission
de Virville, Pour un code du travail plus efficace, rapport au
ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité,
http:// www.jccp.ouvaton.org/IMG/deVirville-rapport.pdf.
* 15 Art 34 du code togolais du
travail.
* 16 Le régime de la
protection sociale est mis en place en faveur du salarié comme une
contrepartie à sa soumission aux ordres de l'employeur.
* 17 Cass. Soc., 17 nov. 2004,
pourvoi n° 02 - 46.100.
* 18 Cass. Soc. 14 janvier 2004
pourvoi n° 01 - 45853.
* 19 Cass. Soc. 21 janv. 1987,
Bull. civ. n° 33.
* 20Soc. 8 octobre 1987,
op.cit.
* 21 WAQUET Philippe, op.cit p.
393.
* 22 Cass. Soc. 27 mai 1998,
n° 2603 D : RJS 7 /98 n° 826.
* 23 Cass. Soc. 23 janvier
2001, BC V n° 19.
* 24 Cass. Soc. 10 déc.
1996, BC V n°430
* 25 B.
Teyssié : Modification du contrat de travail, instrument de
gestion de l'entreprise - Dr. Social 1986, p. 852.
* 26 VERKINDT Paul,
L'élaboration des clauses du contrat,
http://www.juripole.fr/Colloques/embauche/Verkindt.html
* 27 Contrat première
embauche
* 28 Contrat nouvelle
embauche
*
29 JEAMMAUD Antoine, La
centralité retrouvée du contrat de travail,
http://www. bibliojuridica.org/libros/3/1090/24.pdf
* 30 WAQUET Philippe, op.cit
p.31.
* 31RAY Emmanuel, introduction
au droit au droit de la modification, communication au cours des rencontres
professionnelles des 29 et 30 septembre 1999, http://
www.institut-formation.travail.gouv.fr/doc/cassati1.pdf.
* 32 ANTONMATTEI Paul-Henri,
op.cit.. 332.
* 33 Convention100 de l'OIT sur
l'égalité de rémunération adoptée le 29 juin
1951 et entrée en vigueur le 23 mai 1953.
* 34 Cass. Soc. 20 octobre
1998, BC V n° 435
* 35Déclaration
universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948
à Paris.
* 36 Art.37 de la Constitution
de la IV éme République.
* 37 Soc. 28 janvier 1998,
Sté Systia Informatique, B. n° 40 in Droit Social N°6 juin
1999 p. 566
* 38 Soc. 19 mai 1998, Di
Giovanni, B n° 265 in Droit Social N° 6 juin 1999 p. 567.
* 39 BARJOT
Dominique (sous la dir. de), Le Travail à
l'époque contemporaine, http:// www.
Trains-fr.org/achicf/cr/cr.htm
* 40 Le taylorisme est un
système d'organisation de travail. Il préconise une
spécialisation stricte par fonction.
* 41 Gérard Lyon-Caen,
J. Pélissier, A. Supiot, Droit du travail, 17e éd.
1994, Dalloz p.83.
* 42 Ibid.
* 43 Article 12 de la
convention interprofessionnelle du Togo
* 44 G-H. CAMERLYNCK, le
contrat de travail, t1 2e éd., Dalloz, Paris 1982 p.198.
* 45 Soc. 26 mai 1998,
Sté Languedoc, arrêt n° 2609 D.
* 46 RAY Emmanuel,
introduction au droit au droit de la modification, communication au cours des
rencontres professionnelles des 29 et 30 septembre 1999, http://
www.institut-formation.travail.gouv.fr/doc/cassati1.pdf.
* 47 Soc. 2 février
1999, Sté Castorama, arrêt n° 620 P in DS n° 6 Juin
1999, p. 571.
* 48 Soc. 10 mai 1999,
Sté Hortifruit, arrêt n° 2148 P.
* 49 Gérard
Gélineau-Larrivet, observations sur une modification substantielle de la
doctrine de la cour de cassation au cours des rencontres professionnelles des
29 et 30 septembre 1999, http://
www.institut-formation.travail.gouv.fr/doc/cassati1.pdf.
* 50WAQUET Philippe, op.cit.
p.36.
* 51
Cass.
soc. du 3.06.2003, Suret / Sté Coop Atlantique et Sté Resoserv /
Queniat , RJS _8-9 /03.
* 52 Cass. soc. 4 mai 1999,
Bull. civ., V, n°186.
* 53 Soc. 27 mai 1998, Mizon B.
n° 282.
* 54 Soc., 07 juin 2006,
pourvoi n°04-45.846.
* 55 Art. 142 al.1er
du code de travail du Togo.
* 56Il s'agissait de la
durée légale de 40 heures par semaine.
* 57 Durée légale
de travail est depuis la loi AUBRY de 35 heures par semaine.
* 58 Indication des horaires
sur le bulletin de paie, etc.
* 59 WAQUET Philippe, op. cit.
p.389.
* 60 Art. L.212-4-3 du code de
travail français.
* 61 Cass. Soc. 7 juillet 1998,
Bull. civ. V n° 373
* 62 WAQUET Philippe, op.cit.
p.384.
* 63 L'article L. 120-2 du code
du travail français annule de telles clauses.
* 64 WAQUET Philippe, Le
pouvoir de direction et les libertés des salariés,
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/actes_sessions/chambres_sociales/pouvoir_direction.html.
* 65 VERKINDT Paul,
L'élaboration des clauses du contrat,
http://www.juripole.fr/Colloques/embauche/Verkindt.html
* 66Il s'agit des associations,
des partis politiques, des églises, des syndicats.
* 67 WAQUET Philippe, Le
pouvoir de direction et les libertés des salariés,
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/actes_sessions/chambres_sociales/pouvoir_direction.html
* 68Soc. 7 février 1968,
D.1968, P. 429.
* 69Art. 1133 du code civil
français.
* 70 Soc. 14 mai 1992, JCP 1992
n° 21889.
* 71 Soc. 11 juillet 2000,
arrêt n° 3318.
* 72Soc. 11 juillet 2000,
op.cit.
* 73Soit par le licenciement ou
la démission.
* 74Le droit allemand par
exemple connaît une réglementation d'origine légale
* 75 Soc. 14 mai 1992,
op.cit.
* 76 Soc. 19 novembre 1996
B.civ. 1996 V N° 392 p.280
* 77Soc. 10 juillet 2002, B
* 78 WAQUET Philippe, Le
pouvoir de direction et les libertés des salariés,
http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/actes_sessions/chambres_sociales/pouvoir_direction.html.
* 79 Il s'agit par exemple
d'une prime de fin d'année.
* 80 Soc. 22 mai 1995, B.
n°161.
* 81 Soc. 28 avril 1994, B.
n°150
* 82 Soc. 27 juin 2000,
arrêt no3033 P
* 83 Une clause est dite
potestative lorsque sa réalisation dépend de la volonté
d'une seule partie contractante.
* 84 Soc. 18 décembre
2000, RJS. 2/01 n°168.
* 85 Soc.2 juillet 2002,
pourvoi n° 00-13111
* 86 Une situation dans
laquelle le plus fort abusera des faiblesses de la partie adverse pour s'offrir
des avantages.
* 87 J. Flour, et autres, Droit
Civil, Les Obligations, Paris, A. Colin, p. 197, n° 197
* 88 Il s'agit de la loi, des
règlements, des accords collectifs de travail, du contrat de travail
individuel
* 89 Article 5 du code togolais
du travail.
* 90 Loi n° 92/007 du 14
août 1992 portant code du travail
* 91Soc, 30 mars 1995, Bull.
civ. V, n°117
* 92 CE, avis du 22 mars 1973,
Droit social, 1973, p. 514.
* 93 P-D Ollier, Le droit du
travail, Paris, A.Collin, Coll. U, p.46.
* 94 JEAMMAUD Antoine,
Le principe de faveur. Enquête sur une règle
émergente, Droit social 1999, n° 2, p. 123, n° 17.
* 95 Article 43 du code
togolais du travail.
* 96 TEYSSIE Bernard,
Loi et contrat collectif de travail : variations à la
lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Cahiers du
Conseil constitutionnel n° 17. http :
//www.conseil-consti.fr/cahiers/ccc17Somm.htm
* 97 Article 215 du nouveau
code de travail.
* 98 Soc. 21 novembre 2006,
pourvoi n°04-47068
* 99 Article 3 al.
1er du code togolais du travail.
* 100 BOSSU Bernard, La
protection des droits fondamentaux du candidat à l'emploi,
http : //www.juripole-fr/colloques/embauche/Bossu.html
* 101Soc.2 octobre 2001, Bull.
V, n° 544
* 102 Art. 168 al. 2 du code
togolais du travail
* 103 Période de
suspension pour maladie
* 104 Soc., 14 mai 1997,
Bull. n° 175
* 105 Soc., 16 décembre
1997, Bull. n° 441
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