Contribution du Patrimoine Culturel au Développement du Système Educatif de la République du Congo : Enseignement des Arts et de l'Artisanat au Musée( Télécharger le fichier original )par Samuel Kidiba Université internationale de Langue Française au Service du Développement Africain à Alexandrie d'Egypte - Etudes Professionnelles Approfondies 1997 |
2. Le rôle de l'identité culturelle dans une société en mutation socio-économiqueLe monde aujourd'hui est dominé par une actualité dont le centre reste les conflits armés. Dans leur majorité, ces différents conflits ont un fonds ethnique ou mieux culturel. Ainsi cette situation exige que l'on redéfinisse les notions de cultures traditionnelles, d'appartenance ethnique, d'identité nationale, de citoyenneté voire d'intégration culturelle. Il s'agit d'une affaire d'éducation. Un dialogue entre les minorités et les majorités s'impose, et Henri Giodan pense à propos que : «...nous nous trouvons devant la nécessité impérieuse de poser les problèmes de la communication entre les cultures. Nous commençons à entrevoir que le système de valeurs sur lequel nous nous appuyons ne peut plus se limiter aux certitudes rassurantes d'une hiérarchie arbitraire établie par une instance régulatrice - une autorité supérieure ou un ordre naturel dont la crédibilité est précisément mise en question par ces mouvements. »57(*) Le Congo qui a longtemps été une République populaire, n'est pas en reste dans ces changements et même des troubles socio-politiques. En effet, le pays est sorti d'un régime socialiste à économie centralisée, dirigée et planifiée. Pendant longtemps, l'État a régné en maître absolu sur tous les plans, décide tout de la production en quantité, en qualité et en rationnement. La stagnation est vite arrivée comme dans tous les pays à économie dirigée. Le manque de concurrence a entraîné la résurgence des marchés noirs, l'absence des initiatives privées. Mais, nous pensons que pour réussir cette sortie, il va falloir tenir en compte la dimension culturelle. On parlerait ainsi d'une intégration culturelle à tous les niveaux politique, économique, administratif,...Il s'agirait d'une intégration culturelle vidée de toute velléité de domination culturelle, de n'importe quelle forme soit-elle. C'est pourquoi, le petit congolais devrait savoir dès le bas âge que la société congolaise, diverse dans son essence, construira son développement grâce à l'apport de tous les groupes sociolinguistiques. Et que la multitude de dialectes que compte le Congo devrait constituer une source sûre d'enrichissement. Elle serait conçue désormais non comme un mal, mais plutôt comme une nécessité pour le développement de la société congolaise. Boutros Boutros Ghali parlant des langues a dit que : « l'histoire nous enseigne qu'une langue est universelle non parce qu'elle est parlée partout et par tous, mais parce qu'elle véhicule des valeurs dans lesquelles peuvent se reconnaître tous les peuples de la planète. »58(*) En d'autres termes, il s'agit de prendre en compte toutes les particularités religieuses, sociolinguistiques qui sont la condition, le mode de tous les congolais d'être ensemble. Alors, peu importe la différence des diverses communautés congolaises : qu'un suundi (communauté du sud-ouest) soit différent d'un mbochi (communauté du nord), ou d'un téké (communauté du centre) , d'un ndjem (communauté du nord) , d'un vili (communauté du littoral), etc. Ils ont une histoire commune et unique, une histoire de sang; « Terres sanguines, terres consanguines » dirait Aimé Césaire.De même, on ne parlerait plus au jeune congolais du Discours sur le colonialisme encore moins d'une traite négrière. L'identité culturelle, pour un développement socio-économique, dans ce nouveau contexte mondial, cesse d'être opposée à l'Autre pour s'affirmer. Il est plutôt question de l'assumer en ayant confiance en soi, en se dégageant d'un quelconque Vendredisme59(*) dont parle Axelle Kabou. De plus il est question de se débarrasser de toute forme d'orgueil narcissique, tant il est vrai que, comme le dit si bien Henri Lopes : « Sur le plan de la vie, le culte prononcé de l'identité culturelle, nationale ou religieuse, conduit à des attitudes d'exclusion qui font le lit de l'obscurantisme ou du fondamentalisme. Nos civilisations étaient riches de sagesse, mais elles possédaient, comme toutes les cultures des zones de barbarie. Le féticheur soignait et guérissait, tandis que le sorcier jetait des mauvais sorts et tuait. Nous avions des héros, des sages, mais aussi des esprits retors, vils et peu reluisants. Sans la complicité de nos ancêtres, la traite négrière n'aurait jamais fait d'aussi gros profits »60(*). En somme, pour aspirer à un développement sûr et durable, il serait important d'enseigner à tous les petits congolais que l'économie, la politique, l'acquisition ou l'adaptation des nouvelles technologies devraient se faire avec la culture, le patrimoine culturel. Léopold Sédar Senghor parlant de la francophonie écrit : « Dans la francophonie, sans négliger l'aspect économique du problème, dont la zone franc est la préfiguration, il s'agit de mettre l'accent sur la culture, sans répudier, pour autant, l'économie ni la politique. Pourquoi l'accent sur la Culture? C'est que la pensée française, la culture, c'est-à-dire la création ou l'esprit d'une civilisation, est la condition, sine qua non, mieux, le facteur le plus efficace du développement scientifique et technique, partant, économique et social »61(*). Nous pensons que le musée est, entre autres moyens, celui qui a un rôle primordial à jouer dans cette nouvelle situation de la République du Congo. * 57 Giodan H. Les identités Culturelles in : Diagonales n°34, mai 1995, p. 14. * 58 Cité par Roy J.-L. in Mondialisation Développement et Culture, Edition Hurtubise H. M. p. 19. * 59 Vendredisme vient de Vendredi , le Noir, personnage du roman de Daniel Defoe , La vie et les Etranges Aventures de Robinson Crusoe (1719), inspiré par l'histoire réelle d'un marin écossais, Alexander Selkirk, abandonné pendant cinq ans sur une des îles Juan Fernandez. Robinson, naufragé sur une île déserte, vivra vingt-huit ans dans un bonheur relatif avant de rencontrer le Noir Vendredi qui le suivra lorsqu'il regagnera sa patrie. cité par KABOU A. in : Et si l'Afrique refusait le développement? 1988, Editions l'Hamattan, Paris. p.32. * 60 Lopes H. Discours prononcé à la séance inaugurale des États généraux de la Francophonie scientifique, à Paris en Sorbonne le 17 février 1995. * 61 Senghor L. S. op. cit. p. 173. |
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