1.4 ETUDES
Depuis la parution de ces revues systématiques,
plusieurs études ont paru, qui méritent d'être
mentionnées ici. Comme les revues et les RPC, elles s'intéressent
à un mode de prise en charge globale de l'ECA, raison pour laquelle nous
les incluons dans ce chapitre introductif.
1.4.1 Médecine
L'étude de Inouye de 1999 (60) est prise en compte dans
la revue systématique Cochrane. Rappelons qu'il s'agit d'un essai
clinique non randomisé avec appariement des 426 patients du groupe
intervention aux 426 patients du groupe contrôle. Les patients cible ont
plus de 70 ans et ont un risque modéré à
sévère d'ECA selon une échelle de prédiction
développée également par Inouye (105;149;150). Dans le
groupe intervention, des protocoles de prise en charge de six facteurs de
risque sont appliqués aux patients < porteurs >> de ces
facteurs. Ces derniers se répartissent en quatre facteurs
prédisposants (le déficit cognitif, les troubles visuels, les
troubles de l'ouie et la déshydratation) et deux facteurs
précipitants (les troubles du sommeil et l'immobilité),
même si cette classification est discutable. L'étude montre une
réduction dans l'incidence (9.9 % vs 15% dans le groupe contrôle)
et la durée des ECA (nombre totaux de jours d'ECA 105 vs 161 dans le
groupe contrôle.) Dans la mesure où le protocole d'intervention
continue à être appliqué après le
développement de l'ECA, cette étude teste aussi son
efficacité thérapeutique. Du point de vue de la
sévérité (mesurée par un score cotant de 0 à
2 les symptômes cardinaux de l'ECA selon le DSM) cependant, le travail ne
montre pas de différence significative entre le groupe intervention et
le groupe contrôle, ce qui amène les auteurs à conclure que
la stratégie de prise en charge la plus efficace est probablement la
prévention primaire.
Le même groupe s'est intéressé au
pronostic à six mois des patients intégrés dans cette
étude (253), sans pouvoir montrer de différence en termes de
status cognitif (MMSE), activités de tous les jours (ADL Activities of
Daily Living), dépression (GDS Geriatric Depression Scale), ECA, visites
à domicile, réhospitalisation, institutionnalisation. La seule
différence est observée pour la proportion de patients atteints
d'incontinence. Les auteurs concluent que l'intervention n'a pas permis
d'améliorer le pronostic à six mois.
En 2002, le groupe canadien de Cole a reconduit une
étude déjà menée en 1994 (76;251). Il s'agit d'un
essai clinique randomisé portant sur 114 et 113 patients
(contrôles/intervention) dans un service de médecine interne.
L'intervention se caractérise par un suivi des patients par un
gériatre ou un psychiatre de l'âgé et par la
présence d'une infirmière de liaison chargée de mettre en
oeuvre un protocole de prise en charge de l'ECA regroupant des interventions
environnementales et communicationnelles (basées sur les RPC de l'APA.)
A noter que les patients des deux groupes sont soignés dans le
même service ce qui implique un risque de contamination. Les
différents outcomes sont évalués de manière
indépendante par un chercheur ignorant l'appartenance du patient
à tel ou tel groupe : sévérité de l'ECA (Delirium
Index), status fonctionnel (Barthel Index), longueur du séjour, taux de
retour à domicile, survie. Cet essai clinique ne montre aucune
différence significative dans ses résultats. Tine tendance non
significative est observée pour une diminution du temps de séjour
dans le groupe intervention. Parmi les explications avancées par les
auteurs pour expliquer ce manque d'effet, on peut mentionner l'effet de la
contamination évoquée plus haut (dont témoignent les hauts
taux d'ECA dans le groupe contrôle par rapport aux données de la
littérature), le fait que le protocole de traitement géré
par l'infirmière de liaison a été peu suivi et celui de
standards de soins déjà très hauts dans l'hôpital
où a été mené l'essai. Dans leur conclusion, les
auteurs rejoignent Inouye en insistant sur l'importance de la prévention
dans la prise en charge de l'ECA.
Tin travail paru avant la dernière revue
systématique mais n'ayant pas été considéré
nous paraît important également (250). Il s'agit d'une
étude d'intervention prospective. Après le développement
de RPC (< practice guidelines >>) sur l'ECA par un panel
multidisciplinaire, deux essais cliniques non randomisés sont conduits
avec un service de médecine interne constituant le groupe contrôle
et deux autres services comparables mais séparés
géographiquement constituant deux groupes intervention
différents. Dans le premier groupe, les RPC et des articles sur l'ECA
sont distribués aux équipes soignantes et une séance
d'information est organisée dans le groupe d'intervention tandis que la
prise en charge habituelle a cours dans le groupe contrôle. Dans le
second, le groupe intervention bénéficie de l'implantation d'une
équipe
médico-infirmière spécialisée dans
l'ECA, conseillant les médecins et le corps infirmiers sur l'utilisation
des RPC et la prise en charge des patients atteints d'ECA et d'une <<
Delirium hot-line >> disponible 24h/24 pour répondre aux questions
des équipes. Dans le groupe contrôle, c'est la prise en charge
habituelle qui a cours. Les outcomes suivants sont examinés de
manière rétrospective : documentation de l'ECA dans les dossiers,
utilisation de neuroleptiques, utilisation de la contention physique, mise
à contribution des consultants en neurologie ou psychiatrie, situation
de vie au moment de la sortie (domicile vs institution), survie, longueur du
séjour pondérée par le diagnostic principal.
Dans le premeir groupe, aucune différence significative
n'est observée. Dans le second groupe, l'implantation active des RPC et
l'implication d'une équipe spécialisée permet une
amélioration significative de la documentation de l'ECA, un moins grand
nombre de consultations spécialisées et une durée de
séjour plus courte (de 9.1 à 7.4 jours par patient en moyenne).
Tine analyse des coûts est également effectuée pour le
second groupe, qui montre une économie de 57 $ par patient (en
considérant uniquement la différence entre le coût salarial
de l'intervention et le coût du nombre de jours d'hospitalisation
<< économisés >>).
Tine étude similaire (47) a été
menée plus récemment pour tester l'implantation des RPC de la
British geriatrics society (20). Il s'agit d'une étude pré versus
post intervention qui compare les soins usuels avec trois niveaux
d'implantation différents des RPC :
1. Information sur les RPC (Feedback of baseline data), portant
sur 110 patients avant et 37 patients après intervention.
2. Information sur les RPC et diffusion aux corps
médicaux et infirmiers, portant sur 110 patients avant et 37 patients
après intervention.
3. Information sur les RPC, diffusion aux corps
médicaux et infirmiers et séances de formations pour les
médecins et les infirmier(e)s, portant sur 101 patients avant et 88
patients après intervention.
Les outcomes examinés sont comparables à ceux de
l'étude précédente, la documentation dans le dossier
médical étant étudiée plus en détail
(documentation des troubles sensoriels en particulier). Les analyses se font
sur dossier de manière rétrospective. Aucune différence
n'est observée entre avant et après l'intervention pour les deux
premiers groupes. Dans le troisième groupe, la documentation des
troubles auditifs est améliorée de manière significative
et une tendance vers une meilleure documentation du status cognitif et une
diminution du temps de séjour est observée (P value de 0.07 dans
les deux cas.)
|