V. L'auto emploi et
l'entrepreneuriat
Le travail indépendant fait partie de ce qu'on appelle
en anglais « independent entrepreneurship » (ou
l'entrepreneuriat indépendant) distinct de « corporate
entrepreneurship » qui est un processus par lequel un groupe
d'individus, en association avec une organisation existante, créent une
nouvelle organisation ou provoquent un renouvellement stratégique ou une
innovation dans cette organisation. L'entrepreneuriat est vu comme un
phénomène complexe et comme un type particulier d'organisation
impulsé par un entrepreneur qui agit pour tenter de concrétiser,
au sein de la structure dans laquelle il baigne, la vision qu'il se fait de
cette organisation. Il s'efforce de la rendre conforme à la
représentation qu'il s'en fait. Cette définition peut être
reformulée sous la forme de l'équation ci-après :
PhE= f [(C x S x P) inclus dans (E x O)]
(Source: Verstraete, T,, Saporta, B,, P,96)
Si l'on souhaite appréhender le phénomène
entrepreneuriat (Ph E) dans sa globalité, on est invité à
le concevoir comme la somme, mais aussi les interactions réciproques, de
trois dimensions ou niveaux (C, S, P): cognitive (qui renvoie à
l'entrepreneur et à ses processus mentaux: vision,
réflexivité, apprentissage); structural (qui
évoque les différents milieux où l'entrepreneur et
l'organisation qu'il impulse prendront place); praxeologique, qui fait
le lien entre les deux précédents, puisqu'il décrit les
actions de l'entrepreneur pour se positionner par rapport aux parties prenantes
et configurer son organisation de manière cohérente avec les
choix précédents. Mais ces dimensions ne sont constitutives du
phénomène que si elles sont mises en relation avec le couple
symbolique que forment l'entrepreneur (E) et l'organisation
impulsée (O), au sein duquel l'idée de mouvement, d'impulsion,
associée à une personne ou une équipe (dans le cas d'une
création d'entreprise à plusieurs), fournit la clé
d'entrée permettant la délimitation par rapport à des
situations proches mais différentes sur le plan conceptuel. La
théorisation de l'entrepreneuriat indépendant ou de
l'entrepreneuriat en général, est au croisement de divers
paradigmes constituant les points de vue sur l'entrepreneuriat :
-il y a d'abord le paradigme de l'opportunité
d'affaire conceptualisé par l'école autrichienne qui s'est
véritablement inscrit dans le domaine de l'entrepreneuriat avec Scott
Shane et S. Venkataraman. Chez ces deux auteurs, le contexte permet d'associer
l'origine d'opportunité d'affaire, le processus de découverte,
d'évaluation et d'exploitation de ces opportunités et les
personnes qui ont permis d'y avoir accès. En anglais, « The
scholarly examination of how, by whom and with what effects opportunities to
create future goods and services are discovered, evaluated and exploited.
Consequently, the field involves the study of sources of opportunities; the
process of discovery, evaluation and exploitation of opportunities; and the set
of individuals who discover, evaluate, and exploit them. » (Shane,
Venkataraman, 2000, p. 218).
-Le paradigme de la création d'une
organisation synonyme, pour certains, d'une entité (ex: une firme),
pour d'autres, il inclut également la dynamique conduisant à
l'apparition de l'entité; enfin, parfois, la dynamique (l'action
d'organiser) suffit à reconnaître qu'une organisation naît
du phénomène entrepreneurial. William Garthen parle
d'émergence organisationnelle et Thierry Verstraete de
l'impulsion d'une organisation.
-Le paradigme de la création de valeur
(dialogique individu /création de la valeur) est clairement
illustré par une citation, en anglais, de Ronstad :
« Entrepreneurship is the dynamic process of creating incremental
wealth. This wealth is created by individuals who assume the major risks in
term of equity, time, and/or career commitment of providing value for some
product or service. The product itself may or may not be new or unique but
value must somehow be infused by the entrepreneur by securing and allocation
the necessary skills and resources» (Ronstand, 1984, p. 28). Quelle que
soit la nature de bien ou de service produit par l'entreprise (nouveau ou
homogène), la création de la valeur est la préoccupation
de l'entrepreneur, qui grâce aux divers risques pris, affecte des
ressources et des compétences nécessaires à la
production.
-Le paradigme de l'innovation trouve ses origines
dans l'oeuvre de Joseph Schumpeter et, plus récemment, dans les
écrits de Peter Druker. Selon Pierre-André Julien et Michel
Marchesnay, « l'innovation constitue le fondement de
l'entrepreneuriat, puisque celui-ci suppose des idées nouvelles pour
offrir ou produire de nouveaux biens ou services, ou, encore, pour
réorganiser l'entreprise. L'innovation, c'est créer une
entreprise différente de ce qu'on connaissait auparavant, c'est
découvrir ou transformer un produit, c'est proposer une nouvelle
façon de faire, de distribuer ou de vendre.» (Julien, Marchesnay,
1996, P. 35).
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