Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001:contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire( Télécharger le fichier original )par Alexis NZEUGANG Université de Yaoundé II (Soa) - Master II 2005 |
B - L'EXPLOITATION DES RESSOURCES ET LA STRATEGIE DE L'EQUILIBRE IMPERIALAu sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis se sentent investir d'une nouvelle mission, celle de tenir les reines du monde. La puissance comme objectif de la politique africaine des Etats-Unis n'est donc pas nouveau. L'intérêt de l'Afrique aux yeux des Etats-Unis est bien souvent passé par cet impératif (Whitaker, 1981). Aujourd'hui, face aux nouvelles priorités, les Etats-Unis veulent contrôler les réserves stratégiques du monde (Harbulot, 2003 : 63), érigées en «intérêt vital» pour la sécurité nationale (REDEEU, 2004). Leur souci étant de diminuer l'influence des puissances historiques, et bénéficier du soutien des Etats de la sous-région. C'est dans cette logique que s'inscrit le renforcement de la coopération pétrolière avec le Cameroun. 1 - UNE ZONE HISTORIQUEMENT ACQUISE AUX EX-PUISSANCES COLONIALES Les régions Golfe de Guinée et Afrique centrale sont historiquement dominées par les ex-puissances coloniales. Il s'agit notamment de l'Espagne, de la Belgique, de la Grande Bretagne et de la France ; puissance qui ont bénéficié de la colonisation pour asseoir leur domination dans la région. L'influence de ces deux dernières a en partie été soutenue par leurs grandes Compagnies pétrolières. C'est le cas de la Compagnie Britannique Shell qui a investi dans plusieurs pays de la sous-région. L'ex compagnie française Elf était considérée comme l'un des relais de l'influence de la France dans la sous-région. Dès leurs indépendances, la France, par la personne du Général De Gaulle fait signer aux jeunes Etats africains encore immatures des accords de coopération multiformes qui lui permettent de pérenniser sa présence en Afrique en toute quiétude28(*). Les accords de coopération militaire et ceux portant sur les matières premières et les ressources stratégiques sont considérés comme les leviers de cette stratégie. Ces zones d'influences françaises, généralement appelées «pré carré», lui permettent de défendre ses intérêts stratégiques dans la sous-région comme ailleurs, et généralement en bonne intelligence avec l'élite politique en place. Au Cameroun par exemple où ce pré carré est menacé par l'implantation grandissante d'autres puissances dont les Etats-Unis, la France a toujours gardé une certaine influence (GAFC, 2003). En effet, jusqu'en 2003, la France était le premier investisseur étranger au Cameroun, ainsi que son 2e client dans la zone franc après l'Italie. On compte à cette date près de 160 filiales françaises et environ 200 entreprises privées sur le sol camerounais. Ces structures emploient près de 30 000 personnes au Cameroun (GAFC, 2003). 2 - LE SOUTIEN DU CAMEROUN AU NIVEAU DES INSTANCES INTERNATIONALES Le renforcement de la coopération Américano-camerounaise permet à ces deux acteurs de se soutenir mutuellement au niveau du concert des nations. Nous ne soulignerons ici que le soutien apporté par le Cameroun aux Etats-Unis. Les deux Etats « travaillent ensembles », précisait Colin Powell en 2003 (Essomba, 24 mars 2003). Mention doit être faite de ce que chaque Etat a droit à une voix lors des votes au sein des organisations intergouvernementales telles l'UA, l'OMC , l'OMS, l'Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité de l'ONU... D'où, le recours aux alliances et aux soutiens ; lesquels sont nécessaires lorsque l'on veut parvenir au vote d'une résolution favorable. C'est cela qui a en partie justifié le renforcement du rapprochement américano-camerounais à partir de l'année 2002. Sur le plan global, il ne nous semble pas encombrant de rappeler que les deux Etats ont renoué leur collaboration au milieu des années 90, à l'occasion de l'élection du nouveau Secrétaire Général de l'ONU. Ce renouveau tient donc en fait au soutien apporté par le Cameroun à l'élection de Kofi Annan, candidat appuyé aussi par les Etats-Unis29(*). Mais davantage, l'importance du Cameroun aux yeux des Etats-Unis acquiert une nouvelle dimension à partir du mois de Janvier 2002, lorsque le Cameroun accède au rang des pays membres non permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU pour 2 ans renouvelables. Au plus fort des discussions au sujet de l'engagement des forces onusiennes en Irak, les Etats-Unis ont dû solliciter le soutien du Cameroun. C'était notamment au moment où le Cameroun devait présider le Conseil de Sécurité de l'ONU en Octobre 2002. C'est dans cet ordre d'idée que s'inscrit la déclaration de Colin Powell qui suit: «Relation between our two countries, I think are excellent (...) we'll be working with Cameroon in the Security Council as we move forward (...) »30(*). Le soutien apporté par le Cameroun aux Etats-Unis justifie la reconnaissance qui suit: «the United States and Cameroon work together in the United Nations and a number of a multilateral organisation. While in the UN Security Council in 2002, Cameroon worked closely with the United States on a number of initiatives»31(*). C'est encore l'apport du Cameroun qui justifie le message de remerciement que le Président George Bush adresse le 19 mai 2003 à son homologue Paul Biya en ces termes « Au nom du peuple américain, je vous prie d'accepter nos voeux les meilleurs en ce jour spécial, ainsi que l'expression de notre gratitude pour le soutien que vous-même et le république du Cameroun avez apporté aux Etats-Unis tout au long de cette année décisive »32(*). Les deux Etats coopèrent aussi au sein de nombreuses autres organisations multilatérales. Sur le plan régional et sous-régional, les deux Etats travaillent sur des sujets d'intérêts communs. Les Etats-Unis considèrent le Cameroun comme «un partenaire de choix dans la lutte contre l'insécurité dans la sous-région» (Zinga, 24 août 2005). Ils apprécient le leadership du Cameroun dans la sous-région et encouragent ses engagements en faveur des missions de sécurité et de maintien de la paix (Amayena, 17 février 2006). Les deux Etats travaillent ensembles au niveau des institutions telles que la CEMAC et le COPAX (conseil de paix et de sécurité de la CEEAC). Par ailleurs, comme nous l'avons mentionné plus haut, le Cameroun, en sa qualité de membre de la commission du Golfe de Guinée et potentiel leader peut être d'un précieux soutien aux intérêts Américains dans la sous-région. Au regard de ce qui précède, il ressort que les Etats-Unis, bien qu'étant hyperpuissants, ont bien besoin du Cameroun pour accomplir certains de leurs objectifs géostratégiques. Ces arguments qui militent en faveur de l'interdépendance entre le Cameroun et les Etats-Unis, ne signifient nullement aliénation de l'un vis-à-vis de l'autre. Il ne s'agit en réalité que d'une fibre, mettant en relief l'enchevêtrement des liens observés depuis quelques années entre acteurs du jeu international. La dépendance des Etats-Unis vis-à-vis du Cameroun n'exclut donc pas d'autres relations de même nature à travers le monde, tout comme l'interdépendance n'épuise pas la souveraineté des Etats. L'intérêt des uns vis-à-vis des autres accroît leur dépendance ainsi qu'en témoigne le renforcement de la coopération miliaire entre le Cameroun et les Etats-Unis. * 28 Voir Fogue (Alain), Histoire diplomatique, extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire, Thèse de Doctorat, 2002. 381pp. * 29 Information obtenue au cours d'un entretien que nous avons eu avec un politologue, enseignant à l'Université de Soa. * 30 Voir www.state.gov * 31 www.state.gov * 32 Ce message a été lu à la CRTV télé le 19 mai 2003. |
|