La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique( Télécharger le fichier original )par Maÿlis Outters Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006 |
3. Le modèle du Cantique des cantiquesAvec le temps l'image du paradis terrestre va s'étoffer, la bible flamande du XVe siècle (ill. 27) nous offre un sol garni de fleurs et des arbres remplis de fruits. L'étrange ciel du bestiaire de Meermanno (ill. 28) mélange la nuit étoilée et le jour nuageux. L'influence sur la littérature courtoise qui décrit si bien les jardins est évidente . Les fleurs du Roman de la Rose sont innombrables, comme dans le Cantique qui abonde de parterre fleuris, de lys et de fleurs des champs116(*) : «Violete y avoit trop bele Et pervenche freche et novele ; Si ot flors blanches et vermeilles ; De jaunes en y ot merveilles...»117(*) L'hortus conclusus connaît au XIIIe siècle une forte promotion, parallèlement à celle de la Vierge. Le jardin clos dont parle le Cantique des cantiques a été identifié comme étant la Vierge préservant en son sein son trésor, le Christ : hortus conclusus soror mea sponsa hortus conclusus fons signatus118(*) . S'il intègre des plantes symbolisant la Vierge, comme le lys, la violette, la rose ou l'iris, ce jardin comprend des éléments du Paradis décrit dans la Genèse, comme l'arbre de la Connaissance et l'arbre de Vie. La représentation du jardin clos se transforme par la suite en celle du jardin courtois du Roman de la Rose, lieu de délices où l'idée de la fécondité est associée à l'amour et où les personnages se réunissent autour de la fontaine de l'amour119(*). Le lieu d'où surgit la vie, s'est vu transformé en lieu d'amour avec la littérature laïque. La femme courtisée est un jardin clos, un coeur à pénétrer, un jardin de délice. Ce lieu de vie et de fécondité qu'est le paradis, l'hortus conclusus, est représenté par les lapins très nombreux dans le corpus iconographique (ill. 2, 4, 5, 7, 8, 10, 13, 14, 18, 21, 23, 28), les lapins par leur prolifération et leur côté sensuel sont le symbole par excellence de la fécondité. Enfin la vie est «gravée» sur les genoux d'Adam sous la forme de petites croix gammées dans la tapisserie de Gérone (ill. 1). Le panneau représentant «la création et la chute» qui orne le folio 14 des Heures du duc de Bedfort120(*) (ill. 26) nous montre le goût de l'aristocratie princière pour les jardins de plaisir où coulent les quatre fleuves à partir de la fontaine de vie, sur un sol parsemé de petites fleurs et d'arbres fruitiers. La nomination des animaux se trouve elle-même aux extrémités du jardin, accolée à une barrière de vannerie. Une barrière très symbolique qui ferme le jardin du Paradis. * 116 voir l'annexe 6 * 117 cité dans R. King, Les Paradis terrestres. op. cit., p. 83. * 118 «Tu es un jardin clos, ma soeur, ô fiancée ; un jardin clos, une source verrouillée !» (Ct. IV, 12). Voir annexe 8. * 119 «L'hortus conclusus» dans L. Impelloso, La Nature et ses symboles, Paris, Hazan, 2004, p. 12. * 120 Heures du duc et de la duchesse de Bedfort, commandés par Philippe le Bon, v.1429, London, British Library, Add. Ms.18850, fol. 14. |
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