UNIVERSITE DE SFAX POUR LE SUD
FACULTE DE DROIT DE SFAX
MEMOIRE
POUR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES APPROFONDIES EN DROIT
DES AFFAIRES
LA PREUVE
EN DROIT FISCAL
Elaboré et soutenu par :
Fériel KAMOUN
Sous la direction de :
M. Le Doyen Néji BACCOUCHE Année
Universitaire 2001- 2002
SOMMAIRE
INTRODUCTION 5
PREMIERE PARTIE : LE DESEQUILIBRE AU NIVEAU DE LA
REPARTITION DE LA CHARGE
DE LA PREUVE. 13
CHAPITRE I : LE MUTISME LEGISLATIF SUR LA CHARGE DE LA
PREUVE INCOMBANT A L'ADMINISTRATION FISCALE 16 Section I : le fondement de
la charge de la preuve incombant a l'administration fiscale : la
présomption d'exactitude de la déclaration
17
Paragraphe I : Les fondements de la présomption
d'exactitude de la déclaration 18
A- Le fondement juridique de la présomption d'exactitude
de la déclaration 18
B-Le fondement jurisprudentiel de la présomption
d'exactitude de la déclaration 19
C-Le fondement théorique de la présomption
d'exactitude de la déclaration 20
D-Les fondements logiques de la présomption d'exactitude
de la déclaration 21 Paragraphe II : Le rôle de la
présomption d'exactitude de la déclaration dans
l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration 24
A- L'opposabilité de la déclaration à
l'administration fiscale 24
B - La nature de la présomption d'exactitude de la
déclaration : une présomption simple 24
Section II : la portée de la charge de la preuve
incombant a l'administration fiscale 25 Paragraphe I :
L'existence d'une « charge de la preuve par nature » incombant
au
contribuable 25
A- La notion de « charge de la preuve par nature » en
matière d'acte anormal de
gestion 26
B- Les justifications de la charge de la preuve par nature 29
Paragraphe II : L'existence d'une « charge de la
preuve préliminaire » incombant au
contribuable 30 CHAPITRE II : LA
GENERALISATION DU RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE
AU DETRIMENT DU CONTRIBUABLE 35
Section I : Le piège de la taxation d'office
35 Paragraphe I : La taxation d'office et la mise en
échec injustifiable de la présomption
d'exactitude de la déclaration 37
A- La généralité des cas d'ouverture de la
taxation d'office 37
B- L'ambiguïté du rejet de comptabilité
46 Paragraphe II : La taxation d'office et la méconnaissance
de la notion de demandeur effectif 51
A- L'effet obligatoire de l'acte administratif et l'attribution
systématique de la charge de la
preuve au contribuable taxé d'office 52
B- La détermination du demandeur effectif à la
preuve 53
Section II : le jeu des présomptions
légales 57
Paragraphe I : La notion de présomption
légale 57
A- La définition de la présomption légale
58
B- La nature des présomptions légales
58 Paragraphe II : La multiplication des présomptions
légales en faveur de l'administration fiscale 59
A- Les présomptions légales simples et le
renversement de la charge de la preuve 59
B- Les présomptions légales irréfragables
et la suppression la preuve 62
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65 DEUXIEME PARTIE :
LE DESEQUILIBRE AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE66
CHAPITRE I : LA PREPONDERANCE DU FISC DANS
L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE 68 Section I : Les pouvoirs exorbitants de
l'administration fiscale dans la recherche des
preuves 68
Paragraphe I : Un droit de communication
particulièrement étendu 69
A- L'exercice du droit de communication à l'égard
du contribuable 69
B- L'exercice du droit de communication à l'égard
des tiers 70
Paragraphe II : Un droit de vérification
interminable 74 Paragraphe III : Une demande de
renseignements, d'éclaircissements ou de
justifications à caractère
général 76
Paragraphe IV : un droit de visite redoutable
77 Section II : Les présomptions comme moyen de
preuve privilégié de l'administration
fiscale 78
Paragraphe I : La diversité des
présomptions 79
A- Les présomptions de droit 79
B- Les présomptions de fait 81
Paragraphe II : L'admission
généralisée des présomptions comme moyen de preuve
85
A- La mise en échec de la règle de
l'opposabilité de la comptabilité régulière
à
l'administration fiscale 86
B- La mise en échec de la règle de la
supériorité de la preuve comptable sur la preuve
extra-comptable 86 CHAPITRE II LA PRECARITE DE LA
SITUATION DU CONTRIBUABLE DANS
L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE 90
Section I : les difficultés dans l'administration
de la preuve 90
Paragraphe I : L'objet de la preuve 90
Paragraphe II : Le problème de la preuve par la
comptabilité 92
Paragraphe III : La longévité des
délais de la prescription 94 Section II :
l'insuffisance des correctifs aux difficultés dans l'administration de
la
preuve 95
Paragraphe I : Le principe de la liberté de la
preuve en droit fiscal 95
Paragraphe II : Le role actif du juge fiscal
96
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 99
CONCLUSION GENERALE 100
BIBLIOGRAPHIE 103
LISTE DES ABREVIATIONS 114
INTRODUCTION
En droit, et plus encore en droit fiscal, < la preuve est
la clé du succès, c'est en tout cas la clé du
procès >>1. En toute matière, il ne suffit pas d'être
titulaire d'un droit ou de se trouver dans une situation juridique pour pouvoir
se prévaloir de toutes les conséquences attachées à
ce droit ou à cette situation, il est nécessaire d'apporter la
preuve de son existence2. N'a-t-on pas écrit que < c'est la
même chose de n'avoir point de droit ou de n'avoir point de preuve
>>3 ? Selon le mot célèbre d'IHERING : < la preuve est
la rançon des droits >>4. Le système probatoire permet de
délivrer au droit son < certificat de vie juridique >>5.
L'importance de la preuve n'a-t-elle pas été soulignée par
Omar Ibn EL KHATTAB dans sa lettre à Abou Moussa EL ACHAARI6 ?
Quoique importante, la question de la preuve en droit fiscal
( paragraphe I ) n'a pas connu en Tunisie une évolution
importante ( paragraphe II ) à l'instar de celle qu'a
connu le droit fiscal comparé ( paragraphe III ).
Paragraphe I : L'importance particulière de la
preuve en droit fiscal
En droit fiscal, < les problèmes de preuve sont au
coeur des relations entre administration et contribuables >>7.
Mais, que faut-il entendre par le vocable preuve ? < La preuve est un
mécanisme destiné à établir une conviction sur un
point incertain >>8. Dans un sens large, la preuve en droit
est la démonstration tendant à convaincre de la
réalité d'une situation9. Dans un sens plus restreint,
c'est le procédé utilisé à cette
fin10.
Toute étude sur la preuve pose des questions
immédiates : qui doit prouver, que doit-on prouver et comment prouver ?
Ainsi, trois questions principales animent traditionnellement le droit de la
preuve : la charge, l'objet et les moyens de preuve.
D'une façon générale, l'expression <
charge de la preuve >> est comprise comme recouvrant le point de savoir
à qui incombe la tâche d'apporter les éléments
probatoires nécessaires à la solution du litige11.
Néanmoins, la doctrine ne tarde pas à signaler le risque d'une
< certaine confusion sur le sens
1 Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif II,
<< Preuve >>, p.2.
2 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975, p.
59.
3 M.PLANIOL et G.RIPERT, << Traité pratique de droit
civil >>, L.G.D.J., Paris, T II, N°42. << Idem est non esse et
non probari >>.
Selon Pierre PACTET, : << Un droit ne présente pour
son titulaire d'utilité véritable que pour autant qu'il peut
être établi, un droit qui ne peut être prouvé est un
droit pratiquement inexistant >>.
Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la preuve
devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952, p.
3.
4 Raymond LEGEAIS, << Les règles de preuve en droit
civil : permanences et transformations >>, thèse Poitiers 1954,
éd. L.G.D.J. 1955, p. 3.
5 Paul FORIERS, << Introduction au droit de la preuve
>>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par
Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981,
p.13.
6 Dans la religion musulmane, dans la lettre d'Omar EL KHATTAB
à Abou Moussa EL ACHAARI on peut lire : << la fonction de cadi
(juge) est un devoir religieux précis et une tradition qu'il faut
suivre. Ecoutes bien les dépositions qui sont faites devant toi, car il
est inutile d'examiner une requête qui n'est pas valide. Tu dois traiter
sur le même pied ceux qui comparaissent à ton tribunal et devant
ta conscience, de sorte que le puissant ne puisse compter sur ta
partialité ni le faible désespérer de ta justice. Le
plaignant doit fournir la preuve et le défendeur doit prêter
serment... >>.
7 Joël MOLINIER, << Le premier volet de la
réforme des procédures fiscales et douanières >>,
R.F.F.P., 1987, n°18, p.156.
8 Henri LEVY-BRUHL, << La preuve judiciaire >>,
Paris, Edition Marcel Rivière et Cie. 1965, p. 15.
de l'expression : charge de la preuve >>1. En
réalité, le vrai problème de la charge de la preuve est un
problème de << risque de la preuve >>. En effet, c'est celui
qui aura la charge de la preuve qui supportera le risque de la preuve. Ainsi,
si personne ne réussit à produire des preuves suffisantes, dans
un sens ou dans l'autre, il faudra bien que le juge tranche le
litige2. C'est alors que celui des plaideurs à qui incombait
la charge de la preuve et qui n'a pu y satisfaire, perdra son procès.
Tel est le véritable sens de la charge de la preuve3. Du
coup, la détermination de la partie qui supporte la charge de la preuve
n'est pas une simple question théorique. L'intérêt pratique
de la question est considérable.
Ainsi présentée et transposée en droit
fiscal, la question de la charge de la preuve est l'un des aspects les plus
déterminants des litiges opposant l'administration au contribuable.
L'attribution de la charge de la preuve joue un << rôle
décisif >> car << bien souvent, le succès ou
l'échec d'une contestation fiscale tient exclusivement au fait que c'est
à l'administration ou au contraire au contribuable d'apporter la preuve
de ce qu'ils avancent respectivement >>4.
La question de la charge de la preuve en droit fiscal est
tellement importante qu'en droit français le conseil constitutionnel
décide que les règles de dévolution de la charge de la
preuve relèvent du domaine législatif. Le conseil constitutionnel
français a posé le principe selon lequel : << la
détermination de la charge de la preuve affecte les droits et
obligations des contribuables et met ainsi en cause les règles relatives
à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des
impositions, que par suite elles sont du domaine de la loi
>>5. En droit tunisien, le tribunal administratif a
considéré que les dispositions régissant la charge de la
preuve constituent des règles de fond6, car elles touchent le
<< fond du droit >>7.
1 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve >>,
in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch.
PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981, p.
285.
2 Le juge devra trancher le litige sous peine de déni de
justice. Article 108 code pénal.
3 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve >>,
in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par Ch.
PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981, p.
278.
Sur la question de corrélation entre charge de la preuve
et risque de la preuve, voir :
- François BOULANGER, << Réflexions sur le
problème de la charge de la preuve >>, Rev. trim. dr. civ. 1966,
p. 736.
- Raymond LEGEAIS, << Les règles de preuve en droit
civil : permanences et transformations >>, thèse Poitiers 1954,
éd. L.G.D.J. 1955, p. 101 et s. et 169.
- J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, << Traité de droit
civil, Introduction générale>>, 4ème
édition avec le concours de Mureil FABRE-MAGNAN, L.G.D.G., Paris,
1995., n°581, p.454
- Mohamed CHARFI, << Introduction à l'étude
du droit >>, éd. Cérès, 1997, p.244. << Avoir
la charge de la preuve aboutit à supporter le risque de la preuve
>>.
4 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34,
D.F. 1984, n°14, comm. 694.
Sur l'importance de l'attribution de la charge de la preuve en
droit fiscal et son lien avec le risque de la preuve, on consultera avec profit
:
- Bérangère DALBIES, << La preuve en
matière fiscale >>, thèse, université d'Aix
Marseille III, 1992, p. 195.
- Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen 1996, p. 303 et s.
5 Cons. Const. 2 décembre 1980, n°80-1 19 L, R.D.P.
1981, p.623, chronique L.FAVOREU. Voir cette décision en annexe n°2
de ce mémoire.
Voir aussi Daniel RICHER, << Les droits du contribuable
dans le contentieux fiscal >>, LGDJ 1997, p. 293.
6 Et ce par opposition aux règles de procédure.
La distinction entre les deux types de règles présente un
intérêt surtout au niveau de l'application dans le temps en cas de
conflit de lois. Selon la nature de la règle de fond ou de
procédure, les solutions diffèrent.
7 Arrêt du T.A., 27 mars 2001, req. n°3 1615
(inédit). Voir annexe n°2 de ce mémoire.
Dans cet arrêt, le T.A., face à un
problème de conflits de lois dans le temps, a pris soin de
préciser que les dispositions de l'article 67 du C.I.R. ( qui dans son
§5 règle la question de la charge de la preuve) sont des
règles de fond.
La charge de la preuve se distingue de «
l'administration de la preuve>> qui est « la façon dont la
partie à qui incombe la charge de la preuve, apporte cette preuve
>>1. Il faut préciser que l'administration de la preuve
recouvre les deux questions de l'objet et des moyens de la preuve.
Il convient de signaler que la preuve n'est pas toujours
facile à administrer. Elle constitue une difficulté à
vaincre, un obstacle à surmonter2. La preuve est une
réalité fuyante qui échappe souvent au plaideur,
fût-il de bonne foi. La terminologie juridique est d'ailleurs
particulièrement symptomatique à cet égard. Ne parle-t-on
pas de « fardeau de la preuve >> ? 3.
D'ailleurs, « il est classique de traiter la preuve comme une charge
>>4. Les difficultés de la preuve reposant sur les
parties, il est particulièrement intéressant de savoir si la
charge qui en résulte se trouve également répartie entre
elles ou bien si, au contraire, l'une seulement en supporte la plus grande
part5, voire la supporte intégralement. Cette question se
pose avec plus d'acuité en droit fiscal. Mais, que faut-il entendre par
le terme droit fiscal ?
(i) Le droit fiscal, rarement défini par la
doctrine6, est défini par Louis TROTABAS comme étant
« la branche du droit qui règle les droits du fisc et leurs
prérogatives d'exercice >>7. C'est du point de vue de
cette définition, « traduisant la réalité de la
discipline aujourd'hui >>8 , que l'étude de la preuve
en droit fiscal va être tentée. Il s'agit d'étudier la
question de la preuve dans cette branche du droit qui règle les droits
du fisc et leurs prérogatives d'exercice.
Certes, il serait difficile dans le cadre d'un mémoire
d'envisager tous les aspects de la preuve en droit fiscal. L'objet de la
présente recherche se limitera à l'étude de la preuve dans
les litiges relatifs à l'assiette de l'impôt et plus
particulièrement ceux relatifs à la taxation
d'office9.
A- L'enjeu de la preuve en droit fiscal
L'attention qui se porte sur la preuve en droit fiscal est
pleinement justifiée par l'importance des intérêts en
jeu10 et par la spécificité du droit fiscal. Le droit
fiscal est un droit exorbitant du droit commun11 et « à
maints égards, les règles de preuve se présentent, en
droit fiscal, sous un jour
particulier >>12.
1 C. David, O. FOUQUET, M-A LATOURNERIE, B. PLANET, << Les
grands arrêts de la jurisprudence fiscale >>, préface de
M.Long et G. Vedel, thème 47 << La charge de la preuve >>,
p.487.
2 Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la
preuve devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952,
p. 4.
3 M.-C. BERGERES : << Quelques aspects du fardeau de la
preuve en droit fiscal >>, Gaz. Pal. 1983/1, p.14.
4 Gilles GOUBEAUX, << Le droit à la preuve
>>, in << La preuve en droit >>, Etudes publiées par
Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile BRUYLANT, Bruxelles 1981, p.
277.
5 Pierre PACTET, << Essai d'une théorie de la
preuve devant la juridiction administrative >>, thèse, Paris 1952,
p.52.
6 Le professeur Néji BACCOUCHE précise que
<< Le droit fiscal est très rarement défini par la
doctrine. Dans l'introduction des ouvrages et manuels, on se préoccupe
plus de la définition de l'impôt que de celle du droit fiscal.
Parmi les rares définitions doctrinales, celle du doyen TROTABAS, grand
défenseur de l'autonomie du droit fiscal >>. Néji
BACCOUCHE, << Constitution et droit fiscal >>, in <<
Constitution et droit interne >>, Recueil des cours
présentés à l'Académie Internationale de droit
Constitutionnel, volume 9, C.E.R.E.S., Tunis 2001, p.32.
7 LOUIS TROTABAS, << Essai sur le droit fiscal >>,
R.S.F. 1928, p.201.
8 Néji BACCOUCHE, article précité, p.
32.
9 Ne feront pas l'objet de notre étude le contentieux de
la restitution, le contentieux du recouvrement, le contentieux fiscal
pénal.
10 L'enjeu financier est considérable aussi bien pour le
fisc que pour le contribuable.
11 Le juge tunisien a eu l'occasion d'affirmer ce
caractère exorbitant du droit fiscal qui découle de son
rattachement au budget de l'Etat. Tribunal administratif, cassation n°145-
arrêt du 11 mars 1982. Voir, K.FENDRI, M.KESSENTINI, S.KRAIEM, <<
Autonomie et dépendance entre le droit fiscal et le nouveau droit
comptable >>, R.C.F., n°40, 2000,p.79.
12 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p.5.
En premier lieu, si la question de la preuve ne se
présente en principe que devant le juge, ce qui caractérise
toutefois le droit fiscal, par rapport aux autres branches du
droit1, c'est que le débat probatoire s'instaure entre le
contribuable et le fisc avant même la saisine du juge. « Le
problème de la preuve se pose dès la déclaration du
contribuable, qui fait foi jusqu'à preuve contraire >>2
. A cet égard, la doctrine française n'a pas manqué
à signaler que « la déclaration est la source d'une
théorie autonome de la preuve en droit fiscal >>3.
Ainsi, le régime juridique de la preuve est largement conditionné
par des éléments propres au droit fiscal4.
En second lieu, en droit fiscal, la question de la preuve
prend une allure particulière et une intensité
spécialement aiguë dans la mesure où sont en cause les
relations entre l'administration fiscale et les contribuables. Or, le propre
des litiges opposant l'administration aux particuliers est « la
situation
fondamentalement inégalitaire >>5 entre les deux
parties. L'inégalité des parties, découlant des
prérogatives de puissance publique dont dispose l'administration, n'est
pas sans incidence sur les
règles de preuve6. La doctrine a pu affirmer que «
les prérogatives exceptionnelles de la puissance publique paraissent
contraires à une conception saine de la preuve ou, tout au moins,
confèrent à la
preuve fiscale une autonomie très marquée
>>7. B- L'intérêt de la preuve en droit fiscal
L'étude de la preuve en droit fiscal présente
un double intérêt pratique et théorique. « De
manière générale, la problématique de la preuve
reflète la garantie d'un procès équitable au sens
où l'entend notamment la cour européenne des droits de l'homme
>>8.
On consultera avec profit Claude LASRY, << Une
particularité du droit fiscal : La charge de la preuve >> : Etudes
et Documents du Conseil d'Etat 1984-1985, n°36, p.71-77.
1 Selon Gilles GOUBEAUX << prouver est faire
reconnaître quelque chose comme vrai, réel, certain et en
matière juridique, c'est par le juge qu'il s'agit de faire
reconnaître la véracité de ses allégations, puisque
la preuve est toujours envisagée comme celle qui est administrée
en justice...
Amasser des éléments de preuve et les
présenter au juge en vue d'entraîner sa conviction est donc une
condition nécessaire au triomphe du droit >>. Gilles GOUBEAUX,
<< Le droit à la preuve >>, in << La preuve en droit
>>, Etudes publiées par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements
Emile BRUYLANT, Bruxelles 1981, p.
277.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
" : ?
|
? -
|
-
|
" - :
|
|
|
? " ? ? ? . "
|
?
|
.
|
13
|
|
2 C.L. LOUVEAUX, << La preuve en matière
d'impôts directs >>, Bruylant, Bruxelles 1970, p. 10.
" "
|
?
|
? " ?
|
? ? ? "
|
? ? -
|
|
.3.
|
2002 27
|
26
|
|
|
3 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse, 1975, p.51.
4 Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen, 1996, p.1 0.
5 J.-P. COLSON << L'office du juge et la preuve dans le
contentieux administratif >>, thèse, L.G.D.J., Paris 1970, p.
10.
Cette inégalité des parties, expression de la
prééminence de la puissance publique, a été souvent
relevée par la doctrine et par les défenseurs des contribuables,
Juris-classeur, procédures fiscales, fascicule 380 p.3
6 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p. 7.
7 F.-P. DERUEL, << Quelques aspects du problème de
la preuve en matière fiscale >>, D.F., 1962, n°37, p.47.
8 Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le
contentieux fiscal >>, LGDJ 1997, p.287
Serge GUINCHARD, << Le procès équitable :
droit fondamental ? >>, A.J.D.A. 20 juillet/20août 1998,
spécial, p.191.
Voir, sur la question de l'applicabilité au contentieux
de l'assiette de l'impôt de l'article 6 § 1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales :
- Jean COURTIAL, << L'article 6 § 1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales s'applique-t-il à un litige fiscal ? >>, B.D.C.F.
1/2000, n°13, p. 35-39.
Par ailleurs, on ne doit pas perdre de vue que la
règle de preuve, en droit fiscal, en même temps qu'elle doit
permettre au fisc de pénétrer toute la matière imposable,
elle doit ouvrir au contribuable la voie d'une défense utile, lorsque
l'Etat lui réclame un impôt indu ou supérieur à
celui que la loi a prévu. En effet, le contribuable doit payer tout ce
qu'il doit, mais il ne doit payer que ce qu'il doit1. A.Smith avait
déjà, dès la seconde moitié du XVIII siècle,
frappé la maxime célèbre (et aujourd'hui oubliée)
selon laquelle : « la taxe ou portion d'impôt que chaque individu
est tenu de payer doit être certaine et non arbitraire
>>2 . Mais comment concilier du même coup les exigences
du rendement fiscal3 et de la justice fiscale ?
Le régime juridique de la preuve en droit fiscal doit
tenir compte d'un élément essentiel de l'Etat de droit. Les Etats
se réclamant de l'Etat de droit, ont vu se développer dans le
domaine fiscal, la recherche d'une meilleure garantie des droits du
contribuable4. Ainsi, le droit fiscal n'exprime plus avec la
même vigueur les caractères de puissance publique qui
traditionnellement étaient les siens, et si la nécessité
du prélèvement continue à les fonder, elle se trouve
davantage circonscrite dans une protection élargie des droits des
contribuables5.« Le droit fiscal, longtemps perçu comme
un droit arbitraire, puis autoritaire, ne pouvait résister au mouvement
général de l'émergence à l'échelle
planétaire de la culture des droits de l'homme >>6.
N'a-t-on pas parlé des « droits de l'homme fiscalisé
>> 7 ? Le changement même des termes visant à qualifier le
contribuable ne témoigne-t-il pas de l'amélioration du rapport
administration-contribuable ? Ainsi, la notion d'« assujetti >>, qui
renvoie au caractère le plus hiérarchique et autoritaire des
relations entre l'administration fiscale et les contribuables a-t-elle
été supplantée au sein de la direction
générale des impôts en France par celle connotée
plus positivement d'« usager >>. Certaines autres administrations
fiscales vont plus loin et n'hésitent pas à parler de «
clients >>8.
- Victor HAIM, << L'article 6 § 1 de la convention
européenne relatif au droit à un procès équitable
pourrait-il s'appliquer à un litige fiscal ? >>, B.D.C.F. 11/99,
n°1 11, p. 64-67.
- Victor HAIM, << Le contribuable peut-il prétendre
à un procès équitable devant le juge administratif ?
>>, D.F. 25/99, p. 862.
- Micheline MARTEL, << Dans quelle mesure le droit
à un procès équitable ( art. 6 §1 de la convention
européenne des droits de l'homme) s'applique-t-il à un litige
fiscal ? >>, B.D.C.F. 5/99, n°57, p. 47-57.
1 Michel ROUGEVIN-BAVILLE et Cie, << Leçons de
droit administratif >>, Paris 1989, p.529.
2 Jean-Baptiste GEFFROY, << Grands problèmes
fiscaux contemporains >>, P.U.F., 1993, p. 509.
3 Le droit fiscal cherche à prélever le maximum
d'impôts notamment dans les pays non dotés de richesses naturelles
suffisantes, telle que la Tunisie.
4 Neila CHAABANE, << Autonomie constitutionnelle et droit
fiscal >>, p.1 07.
Faut-il rappeler que l'article 16 de la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose que : <<
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée n'a point de constitution >>.
5 M.-C. ESCLSSAN, << A propos de la juridicisation du
droit fiscal, quelques éléments d'analyse >>, R.F.F.P.1993,
n° 41, p.74.
6 Néji BACCOUCHE, << Constitution et droit fiscal
>>, in << Constitution et droit interne >>, Recueil des cours
présentés à l'Académie Internationale de droit
Constitutionnel, volume 9, C.E.R.E.S., Tunis 2001, p.32.
7 Jean-Claude MARTINEZ, << L'impôt sur le revenu
à la fin du XX siècle >>, in << L'impôt sur le
revenu en question >>, ouvrage collectif, Litec, Paris, p. 20.
8 Voir XXe Rapport du conseil des impôts (France) portant
sur les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, en date
du 10 octobre 2002.
http://www.ccomptes.fr/organismes/conseil-des-impots/rapports/relations-contrib-adminis-fiscale/Rapport-relatcontrib.pdf
- Bernard PLAGNET précise que les enquêtes
menées dans les différents pays ont montré que les
administrations fiscales considérées comme les plus performantes
n'hésitent pas à assimiler leurs relations avec les contribuables
comme des « services a des clients. Bernard PLAGNET, << Les
facteurs de la compétitivité fiscale d'un pays >>, in
journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El Kantaoui,
édition préliminaire, p.139.
Paragraphe II : L'évolution du droit de la
preuve en droit fiscal comparé :
Eu égard à l'importance de la technique
probatoire en droit fiscal, le droit comparé s'est attaché
à une réglementation minutieuse de la question de la preuve. En
droit fiscal belge, le régime de la preuve fait l'objet de huit articles
dans le code des impôts sur les revenus de 1992. Les articles 339, 348,
351 et 352, relatifs à la charge de la preuve, et les articles 340, 341,
342 et 344 relatifs aux modes de preuve1. De même, le droit
fiscal français comporte des règles relativement précises
qui régissent les mécanismes de la charge et de l'administration
de la preuve. « Le législateur s'est attaché à
déterminer un corps de règles gouvernant la charge de la preuve
>>2 . Nombreuses dispositions du livre des procédures
fiscales qui ont minutieusement réglé la répartition de la
charge de la preuve entre les parties3.
En droit comparé, l'évolution des relations
entre l'administration fiscale et les contribuables s'est traduite par un
sensible renforcement de leurs garanties en matière de preuve. Ainsi, en
droit fiscal français, les règles relatives à la preuve
ont connu des modifications résultants des dispositions
législatives intervenues en 1986 et 1987 à la suite des travaux
de la commission AICARDI4. En effet, en 1986 une commission dite
« commission AICARDI >> a été crée ayant pour
mission de proposer au gouvernement un ensemble de mesures destinées
à améliorer les rapports entre le contribuable et
l'administration. Le chapitre I du rapport AICARDI, tout en critiquant le
régime de la preuve alors en vigueur5, formula des
propositions de réforme qui ont été adoptées par le
législateur. La doctrine française a pu affirmer que «
l'ensemble des modifications de l'art. L. 192 du livre des procédures
fiscales6 apporte des solutions d'ensemble cohérentes,
équilibrées et équitables >>7. En effet,
l'évolution la plus marquante s'est traduite par une consécration
du principe d'attribution de la charge de la preuve à l'administration
fiscale. Le renversement de la charge de la preuve au contribuable reste
l'exception.
Paragraphe III : La marginalisation de la preuve en
droit fiscal tunisien
Malgré son intérêt indiscutable, la
question de la preuve en droit fiscal n'a pas eu, en Tunisie, l'attention
qu'elle mérite. Le législateur ne semble pas l'avoir
considéré parmi ses grandes priorités. La preuve n'a pas
suscité l'intérêt du législateur alors même
qu'elle est au coeur des relations entre l'administration fiscale et le
contribuable. Alors qu'en droit civil, la question de la preuve a fait l'objet
d'une réglementation minutieuse dans le titre VIII du C.O.C.,
intitulé « de la preuve des obligations et de celle de la
libération >>, articles 420 à 512 relatifs à la
charge et à l'administration de la preuve, les textes fiscaux n'abordent
la question de la preuve qu'à titre accidentel.
-En droit belge, le Commissaire du Gouvernement, Alain ZENNER
développe et réalise d'importantes réformes qui ont pour
but l'instauration d'une nouvelle éthique et culture dans les rapports
entre le citoyen (le client comme il désire qu'il soit
appelé) et l'administration fiscale.
Alain ZENNER, << Pour une nouvelle culture fiscale,
simplification des procédures fiscales et lutte contre la grande fraude
fiscale >>, Plan d'action du commissaire du gouvernement Alain ZENNER,
mars 2001, p.5.
http://www.juristax.be/jsp/index.html
1 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p.5. Voir des extraits de ces articles à
l'annexe n°1 de ce mémoire.
2 Jacques ARRIGHI DE CASANOVA, << Champ d'application de
l'impôt et charge de la preuve, à propos de la preuve du lieu
d'utilisation du service pour les règles de territorialité de la
TVA >>, conclusions sur l'arrêt du C.E. du 29 juillet 1994,
n°1 11884, section, SA Prodes International, R.J.F. 10/94, p. 590.
3 Concernant les textes régissant la charge et
l'administration de la preuve en droit fiscal français, voir en annexe
n° 1 de ce mémoire.
4 CHRISTIAN PROU-GAILLARD, << Preuve comptable et
preuve extra-comptable >>, in << Le contrôle fiscal :
principes et pratiques >>, Thierry Lambert, Economica, paris, 1988,
p.177.
5 La commission AICARDI avait constaté que
l'équilibre entre les droits de l'administration et ceux des
contribuables n'était pas respecté en matière de preuve.
Un système déclaratif, en effet, implique que l'administration
apporte la preuve des insuffisances.
6 L'article L. 192 est relatif à la charge de la
preuve en cas de procédure de redressement contradictoire.
7 Bâtonnier A. VIALA, << Le nouveau régime de
la preuve dans les rapports entre le contribuable et l'administration fiscale,
Lois des 30 décembre 1986 et 9 juillet 1987 >>, Gaz. Pal. 1987,
2ème sem., p.808.
Les règles régissant la preuve sont
éparpillées dans les différents textes fiscaux et
s'articulent autour d'une attribution de la charge de la preuve au
contribuable. Les racines qui font peser sur le contribuable la charge de la
preuve sont des racines anciennes. Le décret organique sur
l'enregistrement du 19 avril 1912 consacre un renversement de la charge de la
preuve au détriment du contribuable en matière des droits
d'enregistrement1. L'article 24 du décret du 29 mars 1945,
relatif à l'impôt sur les traitements publics et privés,
indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes
viagères, énonce une charge de la preuve reposant sur le
contribuable2. Un autre exemple illustratif est l'article 59 du code
de la patente du 30 mars 1954 qui attribue la charge de la preuve au
contribuable taxé d'office. Cet article a été repris par
le code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de
l'impôt sur les sociétés dans son article 67 et par le code
des droits et procédures fiscaux. Dans le code des droits et
procédures fiscaux entrée en vigueur le 1er janvier
2002, deux articles sont consacrés à la preuve, l'article 65
relatif à la charge de la preuve et l'article 64 relatif aux moyens de
preuve. L'objectif du C.D.P.F. est, aux dires des pouvoirs publics,
d'introduire plus d'équilibre entre les droits du contribuable et les
prérogatives de l'administration.
Face à l'évolution générale du
droit fiscal, qui « porte aujourd'hui la marque d'une recherche de
stabilisation, d'un équilibre accru entre l'existence du pouvoir fiscal
et les droits du contribuable »3 et face à
l'évolution du régime de la preuve en droit fiscal comparé
vers l'équilibre entre les parties en question, une interrogation
s'impose : le régime juridique de la preuve en droit fiscal tunisien
favorise-t-il la conciliation entre l'administration et le contribuable ?
L'amélioration du rapport administration-contribuable
ne passera-t-elle pas par une refonte du droit de la preuve ? Mais encore la
lutte contre la fraude fiscale ne nécessite-t-elle pas d'octroyer
à l'administration des prérogatives en matière de preuve
?
Devenue un instrument de réduction des
inégalités entre l'administration et les citoyens en droit
comparé4, la preuve constitue en droit fiscal tunisien le
domaine où se manifeste le déséquilibre entre les deux
parties en question. Les règles régissant actuellement la charge
et l'administration de la preuve, loin de favoriser la conciliation, consacrent
un régime plus protecteur des prérogatives de l'administration
que des droits des contribuables. Le déséquilibre au niveau de la
répartition de la charge de la preuve (PREMIERE PARTIE)
s'aggrave par le déséquilibre au niveau de
l'administration de la preuve (DEUXIEME PARTIE).
1 L'article 4 du décret organique sur l'enregistrement
du 19 avril 1912 dispose que : << sont suffisamment établis pour
la demande et la poursuite des droits d'enregistrement et amendes, sauf
preuve contraire :
1-La mutation d'un immeuble en propriété,
usufruit ou nue propriété, et la constitution ou la cession
d'enzel, soit par l'inscription du nouveau possesseur ou
débi-enzéliste au rôle des impôts directs
perçus au profit de l'Etat ou des communes et par des paiements faits
par lui d'après ce rôle, soit par le dépôt d'une
réquisition d'immatriculation faite en son nom personnel en
qualité de propriétaire ou de débi-enzéliste, soit
enfin par tous actes ou écrits révélant l'existence de la
mutation ou constatant son droit sur l'immeuble ;
2-La mutation de propriété du fonds de commerce
ou de clientèle par tous les actes et écrits en
révélant l'existence ou constatant le droit du nouveau
possesseur, ou par des paiements de contributions imposées aux
commerçants.
2 L'article 24 du décret du 29 mars 1945 dispose que :
<< La preuve de l'irrégularité ou de l'exagération
de l'amende devant dans tous les cas être apportée par
l'intéressé >>.
3 M.-C. ESCLSSAN, << A propos de la juridicisation du
droit fiscal, quelques éléments d'analyse >>, revue
française de finances publiques1993 n°41 p.74.
4 En droit administratif français << le
régime de la preuve a souvent été l'instrument d'une
réduction des inégalités entre l'administration et les
citoyens >>, voir Encyclopédie Dalloz, contentieux administratif
II, << Preuve >>, p.2. Il en est de même en droit fiscal
français.
PREMIERE PARTIE : LE DESEQUILIBRE AU NIVEAU DE
LA REPARTITION DE LA CHARGE DE LA PREUVE.
Le système fiscal tunisien, à l'instar du droit
français, est pour l'essentiel un système déclaratif
basé sur le dépôt spontané par les contribuables de
leurs déclarations. Le principe déclaratif permet
théoriquement au contribuable, qui a rempli sa déclaration, de
bénéficier d'une présomption d'exactitude.
L'administration se trouve liée par le contenu des déclarations.
Le droit pour le contribuable à être imposé sur les
éléments déclarés a pu être
considéré par la doctrine comme étant un « droit
fondamental >>1.
En droit fiscal français, la présomption
d'exactitude de la déclaration joue un rôle important en
matière de preuve. Elle est la source d'une attribution de la charge de
la preuve à l'administration fiscale, aussi bien lors du contrôle
que devant le juge. En effet, « les principes d'imposition dont la base
est la déclaration contrôlée induisent un régime
plus favorable au contribuable, puisque la présomption d'exactitude qui
s'y attache doit aboutir en principe à faire supporter à
l'administration la charge de la preuve >>2 .
Le principe d'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale, clairement affirmé par le législateur
français dans l'article L.192 du livre des procédures fiscales, a
pu être considéré par la doctrine comme « une garantie
nouvelle devant le juge >>3 en faveur du contribuable. Il
s'agit « d'un principe qui s'impose strictement au juge, comme aux parties
>>4.
Le droit fiscal français présente le
mérite de distinguer entre deux procédures de redressement
distinctes en fonction du respect par le contribuable de ses obligations
déclaratives. Il s'agit de la procédure de redressement
contradictoire et de la procédure de redressement d'office, ayant
chacune des caractères propres et des conséquences
différentes au niveau de la charge de la preuve5.
La procédure de redressement contradictoire,
prévue aux articles L.55 et suivants du L.P.F., est la procédure
de droit commun. L'utilisation d'une procédure contradictoire suppose le
dépôt d'une déclaration. Si le contribuable a souscrit sa
déclaration, il bénéficie de la mise en oeuvre d'une
procédure de redressement contradictoire. En cas de contentieux
ultérieur, la charge de la preuve incombe à l'administration
fiscale6. En revanche, le contribuable qui ne remplit pas sa
déclaration perd le bénéfice de la présomption
d'exactitude et encourt une procédure de redressement d'office.
La procédure de redressement d'office, entraîne
un renversement de la charge de la preuve au détriment du
contribuable7. Devant le danger d'une telle procédure, le
législateur a insisté sur son caractère
exceptionnel8. La taxation d'office sanctionne l'absence ou le
retard dans l'établissement
1 Alain PUPIER, << Le contrôle fiscal : drame ou
relation juridique ? >>, revue de la recherche juridique, droit
prospectif, presses universitaires d'Aix-Marseille 1997-1, p. 315.
2 Bérangère DALBIES, << La preuve en
matière fiscale >>, thèse, Aix- Marseille 1992, p. 9.
3 M. Patrick SUET, << Genèse et objectif des
réformes 1986-1987 >> exposé introductif, in <<
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables >>, Actes du colloque de la société
française de droit fiscal, Orléans 1988, p. 6.
4 Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen 1996, p. 4.
5 Voir le tableau résumant les règles d'attribution
de la charge de la preuve en droit fiscal français, à l'annexe
n°4 de ce mémoire.
6 - Article L.55 du L.P.F. : << Lorsque
l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude,
une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de
base au calcul des impôts... les redressements correspondants sont
effectués suivant la procédure de redressement contradictoire
définie aux articles L57 à L61 A.
- Article L.192 du L.P.F. : <<... l'administration
supporte la charge de la preuve en cas de réclamation >>.
7 -Article L.193 du L.P.F.
8 L'article 65 du livre des procédures fiscales,
créé pour introduire la section V réservée aux
procédures d'office, présente l'intérêt de rappeler
que ces procédures, dérogatoires au droit commun, sont
limitativement énumérées par la loi.
d'une déclaration1. Depuis 1987, le
législateur a réduit le champ d'application des procédures
d'office par la suppression de la procédure de rectification
d'office2 et de la taxation d'office en fonction des dépenses
personnelles, ostensibles ou notoires. Ce qui a permis de limiter encore les
cas de renversement de la charge de la preuve au contribuable.
Il apparaît donc qu'en droit français, le
principe de base reste l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale. Le renversement de la charge de la preuve est
exceptionnel, et il est justifié par le manquement du contribuable
à ses obligations déclaratives ou comptables.
L'équilibre entre l'administration fiscale et le
contribuable suppose une répartition de la charge de la preuve entre les
deux parties en fonction de la logique du principe déclaratif. Or, le
droit fiscal tunisien se caractérise par le déséquilibre
entre le contribuable et le fisc.
Alors que le droit français se caractérise par
la généralisation de l'obligation de prouver mise à la
charge de l'administration fiscale et par «la quasi-disparition des
renversements de la charge de la preuve »3, le droit fiscal
tunisien se distingue par le mutisme législatif sur la charge de la
preuve incombant à l'administration fiscale (CHAPITRE I ),
et par la généralisation du renversement de la charge de
la preuve au détriment du contribuable (CHAPITRE II
).
1 L'article L.66 du L.P.F. << Sont taxés d'office
1-.. les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai
légal la déclaration.. >>.
2 -Article L. 75 L.P.F.
3 R. HERTZOG, << La réforme du contentieux
fiscal : l'assouplissement et la simplification des procédures
contentieuses >>, in << L'amélioration des rapports entre
l'administration fiscale et les contribuables >>, Actes du colloque de la
société française de droit fiscal, Orléans 1988,
P.U.F. 1989, p. 241.
CHAPITRE I : LE MUTISME LEGISLATIF SUR LA CHARGE DE LA
PREUVE INCOMBANT A L'ADMINISTRATION FISCALE
« Si l'on admet que, pour qu'il y ait
véritablement application d'une théorie de la preuve, il faut un
juge et une décision juridictionnelle, il n'y a aucune place pour la
preuve dans la procédure administrative >>1. Or, la
question de la preuve dépasse le cadre strictement contentieux
juridictionnel, pour englober la phase administrative du contentieux qui
débute avec le contrôle fiscal des déclarations des
contribuables. « Il y a déjà contentieux dès lors que
l'administration conteste la déclaration, le litige existe et toute la
procédure2 a pour objet de le résoudre. De plus, cette
phase administrative n'est autre que la réalisation de la charge de la
preuve que l'administration supporte du fait que la déclaration doit
être présumée exacte >>3.
Il est assez regrettable de relever que le législateur
tunisien n'a abordé la question de la charge de la preuve que sous
l'angle du contentieux juridictionnel de la taxation d'office4,
négligeant la question lors de la phase du contrôle. A travers les
textes juridiques qui se sont succédés dans le système
fiscal tunisien, on constate qu'il y a un article qui se répète
constamment, relatif à l'attribution de la charge de la preuve au
contribuable taxé d'office5. Le législateur aurait pu
prévoir un article analogue consacrant expressément l'attribution
de la charge de la preuve à l'administration fiscale qui remet en cause
les déclarations du contribuable. Un tel article aurait pu
prévoir que « l'administration ne peut redresser les
déclarations du contribuable qu'en apportant la preuve de leur
inexactitude >>.
D'ailleurs, la solution est consacrée en droit
comparé dans un but de protection des contribuables6. En
droit fiscal belge, le principe suivant lequel l'administration assume
normalement la charge de la preuve, résulte d'une manière
certaine des articles 339 et 340 du code belge de l'impôt sur les revenus
de 19927.
1 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse, Paris 1962, p.236.
2 Il s'agit de la procédure administrative qui se
situe entre la déclaration et la décision administrative (
l'arrêté de taxation d'office).
Selon F.-P. DERUEL : la procédure administrative -au
sens large- est donc une construction technique au service de la preuve ; elle
forme le domaine dans lequel se mêlent le plus étroitement les
impératifs de la matière fiscale et ceux de la preuve. >>,
Ibid. p.237.
3 F.-P. DERUEL, Ibid., p.237.
4 L'article 65 du C.D.P.F.
Il faut noter que dans le contentieux de l'imposition, le
législateur n'a pas traité la question de la charge de la preuve
en matière de restitution.
Dans le contentieux fiscal pénal, le
législateur a consacré l'article 108 du C.D.P..F. pour attribuer
la charge de la preuve à l'administration fiscale.
5 - Article 59 §2 code de la patente, << Le
contribuable, taxé d'office en application de l'article 58 §2 du
présent code, ne peut obtenir la décharge ou la réduction
de l'impôt qui lui a été assignée qu'en apportant la
preuve soit de ses ressources réelles, soit de l'exagération de
son imposition >>.
- Article 67 §V C. I. R. : << Le contribuable,
taxé d'office en application de l'article 66 du présent code, ne
peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt qui lui
a été assignée qu'en apportant la preuve soit de ses
ressources réelles, soit de l'exagération de son imposition
>>.
- Article 65 C. D. P. F. : << Le contribuable
taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction
de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de
la sincérité de ses déclarations, de ses ressources
réelles ou du caractère exagéré de son imposition
>>.
6 Voir sur ce point, M. Patrick SUET, << Genèse et
objectif des réformes 1986- 1987 >>, article
précité, p. 6. 7 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la
preuve en droit fiscal >>, op. cit., p.68.
D'après l'article 339, alinéa
1er, << la déclaration est
vérifiée et la cotisation est établie par l'administration
des contributions directes. Celle-ci prend pour base de l'impôt les
revenus et autres éléments déclarés à moins
qu'elle ne les reconnaisse inexacts >>.
Curieusement, la loi fiscale tunisienne est muette sur
l'attribution initiale de la charge de la preuve à l'administration
fiscale1. En effet, la loi n'indique pas expressément, en
l'érigeant comme principe, que c'est l'administration qui supporte la
charge de la preuve sous réserve d'exceptions. Comme l'a
précisé un auteur français : << le vocabulaire
fiscal est face à un dilemme : dans certains cas, il manque de mots, de
mots précis, de définitions ; il y a trop de silence, voulu ou
subi, sur des choses essentielles. C'est l'hermétisme par insuffisance
langagière qui tend à désorienter le contribuable
>>2.
Ce laconisme législatif est-il un simple oubli ou
est-il voulu ? On peut dire qu'il s'agit d'un oubli voulu. Le
législateur << a jeté aux oubliettes >>3
la charge de la preuve incombant à l'administration fiscale, pour
épargner à celle-ci de supporter le risque de la
preuve4. En effet, << en matière fiscale, si la charge
de la preuve incombe au fisc, il courra le risque de voir la matière
imposable lui échapper faute de pouvoir en démontrer l'existence,
et si la charge de la preuve incombe au redevable, c'est lui qui courra le
risque de devoir payer un impôt qu'il ne doit pas >>5.
Par son mutisme, le législateur fait prévaloir les
intérêts du trésor et privilégie l'administration au
détriment du contribuable. Autant le législateur se montre
rigoureux en ce qui concerne la charge de la preuve incombant au contribuable,
autant est-il libéral lorsque l'administration fiscale est en
question.
En dépit du laconisme législatif,
l'administration fiscale qui conteste la déclaration du contribuable
devrait normalement supporter la charge de la preuve de son inexactitude. A cet
égard, la présomption d'exactitude de la déclaration
constitue un fondement de la charge de la preuve incombant à
l'administration fiscale ( SECTION I ). Toutefois, cette
charge de la preuve reste d'une portée limitée ( SECTION
II ).
Section I : le fondement de la charge de la preuve
incombant a l'administration fiscale : la présomption d'exactitude de la
déclaration
Plusieurs fondements peuvent justifier l'attribution de la
charge de la preuve à l'administration fiscale, parmi lesquels figure la
présomption d'exactitude de la déclaration6.
En droit fiscal français, le lien entre la
présomption d'exactitude de la déclaration et la charge de la
preuve est reconnu de la manière la plus expresse par le conseil
d'Etat7. Il a été jugé que l'administration,
qui veut imposer un contribuable sur des bases différentes de celles
résultant d'une déclaration souscrite dans les formes et
délais légaux, doit prouver que la déclaration est
inexacte8.
En droit tunisien, le choix du système
déclaratif exige la reconnaissance d'une charge de la preuve reposant
sur l'administration fiscale, fondée sur la présomption
d'exactitude de la déclaration. Dans cette perspective, on va
procéder à la recherche du fondement de la présomption
d'exactitude de la déclaration (paragraphe I), puis son
rôle dans l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale ( paragraphe II ).
1 Il s'agit d'une charge de la preuve
pré-juridictionnelle.
2 Laure AGRON, << Histoire du vocabulaire fiscal >>,
thèse, éd. L.G.D.J., Paris 2000, p. 382.
L'auteur ajoute : << Dans d'autres cas, il y a trop de
mots, de mots inutiles qui encombrent, du charabia...C'est l'hermétisme
par inflation langagière>>.
3 Le terme << oubliette >>, selon le dictionnaire
encyclopédique illustré Larousse, signifie l'endroit où
l'on relègue quelque chose, quelqu'un que l'on veut oublier.
4 Voir supra, p. 2 et 3.
5 Marc BALTUS, << Morale fiscale et renversement du
fardeau de la preuve >>, in Réflexions offertes à Paul
Sibille, p.129.
6 Concernant les autres fondements, tel que le critère de
demandeur effectif, l'article 554 du C.O.C. etc., voir infra, Partie I,
Chapitre II.
7 C.E, 24 juillet 1929, 1er esp., Lebon, p.213 ; M.-C.
BERGERES, << Le principe des droits de la défense en droit fiscal
>>, thèse, 1975, p.51.
8 C.E, 13 novembre 1987, n°69967, R.J.F 1/88, n°102 ;
Bérangère DALBIES, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse, université d'Aix-Marseille III, 1992, p.15.
Paragraphe I : Les fondements de la présomption
d'exactitude de la déclaration
Plusieurs fondements peuvent justifier la présomption
d'exactitude de la déclaration. Ils sont à la fois : juridique
(A), jurisprudentiel (B), théorique (C)
et logiques (D).
A- Le fondement juridique de la présomption
d'exactitude de la déclaration
En droit fiscal tunisien, il n'y a pas un texte juridique qui
consacre expressément la présomption d'exactitude de la
déclaration. Le code des droits et procédures fiscaux, tout en
consacrant la déclaration spontanée de l'impôt en tant que
devoir fiscal,1 ne prévoit pas une présomption
d'exactitude attachée à la déclaration.
On ne peut que regretter ce laconisme législatif dans
un nouveau code qui se proclame code des droits des contribuables. Cela
constitue un pas en arrière par rapport à la charte du
contribuable. La charte, qui régissait les relations entre
l'administration fiscale et les contribuables avant l'adoption et
l'entrée en vigueur du C.D.P.F.2, consacrait explicitement
dans son introduction la présomption d'exactitude de la
déclaration : « le système fiscal tunisien se
caractérise par le dépôt spontané des
déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont
présumées exactes ».
En dépit de la valeur juridique controversée de
la charte du contribuable3, la consécration de la
présomption d'exactitude de la déclaration constituait -du moins
théoriquement- une garantie pour le contribuable, surtout que le contenu
de cette charte était opposable à l'administration4.
La non-codification de cette présomption dans le C.D.P.F. est
surprenante, surtout que l'objectif proclamé par ce code est, aux dires
des pouvoirs publics eux-mêmes, de favoriser la déclaration
spontanée de l'impôt5. Un tel objectif ne peut se
réaliser qu'en assurant aux contribuables les garanties
nécessaires.
On ne peut que regretter la disparition de la
charte6, surtout que le code des droits et procédures fiscaux
n'a pas repris toutes ses dispositions. Le législateur aurait pu,
à l'instar du droit comparé,
1 L'article 2 de la loi de promulgation du C.D.P.F. dispose que
: << l'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration
spontanée de l'impôt... >>.
Il importe de préciser que le droit tunisien consacre
le système de la déclaration. La loi 62-72 du 31 décembre
1962, portant institution d'une déclaration unique de revenus,
prévoit des pénalités à l'égard des
contrevenants aux prescriptions relatives à la déclaration.
L'article 59 du CIR consacre l'obligation de souscription et de
dépôt de déclaration annuelle.
2 L'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a
abrogé l'article 63 du C.I.R qui constituait le fondement juridique de
l'existence de la charte du contribuable.
3 Sur la question voir : - Habib AYADI, << Droit fiscal,
Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal
>>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.182-188.
-Néji BACCOUCHE, << Contrôle et contentieux
fiscal en Tunisie >>, Etudes Juridiques fac de droit de Sfax, n°4,
p.17 et s.
- Walid GADHOUM, << L'insuffisance de la protection du
contribuable lors du contrôle fiscal >>, mémoire pour
l'obtention du diplôme des études approfondies en droit des
affaires, faculté de droit de Sfax, 1997, p. 28-32.
- Hichem BEN ABDALLAH, << La charte du contribuable
>>, mémoire pour l'obtention du D.E.A en droit public,
université de Tunis III, faculté de droit et des sciences
politiques de Tunis 1991-1992, p.5 et s.
- Med. Habib LTIFI, << La protection du contribuable en
matière de contrôle fiscal >>, mémoire Tunis, 1998,
p. 79-86.
4 L'article 63 du C.I.R. disposait que : <<
l'administration met à la disposition des contribuables une charte dite
<< charte du contribuable >>, fixant leurs droits et obligations
conformément à la législation en vigueur. Le contenu de
cette charte est opposable à l'administration >>.
5 Les débats de la chambre des députés
concernant le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F.,
n°39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 2081, 2087.
6 Sur la question de la suppression de la charte du
contribuable, on consultera avec profit Jamel AJROUD, << Le principe du
contradictoire pendant la vérification fiscale dans le nouveau code
tunisien des droits et procédures fiscaux : Etude comparative avec le
droit français >>, mémoire D.E.A. finances publiques et
fiscalité, Université
consacrer d'une manière solennelle la
présomption d'exactitude de la déclaration. En droit fiscal
belge, la présomption d'exactitude de la déclaration a un
fondement légal consistant dans l'article 245 du CIR de 1992. Cet
article dispose que « le fisc prend pour base de l'impôt le chiffre
des revenus déclarés, à moins qu'il ne le reconnaisse
inexact » 1. Il s'agit d'une véritable
présomption légale. En droit fiscal français, la
présomption d'exactitude de la déclaration trouve son fondement
dans la charte du contribuable2 et dans la loi du 15 juillet
19143. En plus, par une lecture a contrario d'un article du C.G.I.,
d'aucuns ont considéré que la déclaration est
présumée exacte. Il s'agit de l'article 1649 quinquies A du
C.G.I., selon lequel les redressements ne se conçoivent que lorsque la
déclaration produite paraît être inexacte. Selon M-C
BERGERES « ne doit-on pas, par là-même, a contrario, accorder
une présomption d'exactitude à la déclaration
régulièrement souscrite »4.
La consécration législative de la
présomption d'exactitude de la déclaration serait une solution
heureuse, qui inciterait les contribuables à l'accomplissement de leur
devoir de déclaration. D'ailleurs, l'esprit de la législation
fiscale tunisienne va dans ce sens, puisque le législateur a
prévu plusieurs mesures pour encourager les contribuables au respect de
leur obligation déclarative5.
d'Aix-Marseille III, 2000-2001, p.44 à 47. Selon cet
auteur, << L'existence concomitante des deux textes est possible, voire
utile >>.
1 Voir sur ce point, C. L. LOUVEAUX, << La preuve en
matière d'impôts directs >>, Bruxelles 1970, p.5.
2 L'introduction de la charte française du
contribuable prévoit que << l'examen de vos déclarations
s'inscrit dans le cadre normal de notre système déclaratif.
L'administration a pour mission de s'assurer de la régularité de
vos déclarations qui sont présumées exactes et
sincères >>.
- Au Canada, la déclaration des droits du
contribuable canadien consacre la présomption d'honnêteté.
En ses termes : << vous avez le droit d'être présumé
honnête jusqu'à preuve du contraire >>.Voir annexe n°4
de ce mémoire.
- En Espagne, la charte des droits et garanties du
contribuable espagnol consacre la présomption d'exactitude de la
déclaration. voir annexe n°4 de ce mémoire.
3 Christophe DE LA MARDIERE, << La déclaration
fiscale >>, R.F.F.P. 2000, n°71, p.136, 137.
4 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse Bordeaux 1975, p.44. 5
Pour inciter les contribuables à l'accomplissement de leur devoir de
déclaration :
1-Le législateur a subordonné l'octroi des
avantages fiscaux au respect par le contribuable de ses obligations
déclaratives, l'article 111 du C.D.P.F. dispose que << Les
avantages fiscaux ne peuvent être octroyés qu'aux personnes qui
ont déposé toutes leurs déclarations fiscales...
>>.
2- Le législateur a facilité l'accomplissement
de l'obligation fiscale
La loi n°2000-98 du 25 décembre 2000 portant loi
de finances pour l'année 2001 prévoit dans ses articles 57 et 58
la possibilité d'utilisation des moyens électroniques pour
l'accomplissement des obligations fiscales. << Facilitation de
l'accomplissement de l'obligation fiscale >>, Le décret
n°2001-2802 du 6 décembre 2001, portant fixation de la
procédure de dépôt de déclaration, états ou
relevés fiscaux sur support électronique.
3- Le législateur a donné aux contribuables la
possibilité de déposer des déclarations rectificatives
avec des conditions avantageuses :
*La loi n°2000-98 du 25 décembre 2000 portant loi
de finances pour l'année 2001, articles 25, 26, 27, 28 et 29. *La loi
n°2001-123 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour
l'année 2002, article 39 : Prorogation des dispositions des articles 25,
26, 27, 28 et 29
4- le législateur a offert aux contribuables
l'opportunité de régulariser leur situation avec le fisc.
*La loi n°2002-1 du 8 janvier 2002, portant
assouplissement des procédures fiscales, a, dans son article 5,
donné aux contribuables défaillants la possibilité de
déposer leurs déclarations d'une façon spontanée
avant l'expiration du mois de juin 2002.
- Dans le même ordre d'idées, le conseil
économique et social a insisté sur la nécessité
<< d'encourager les contribuables transparents et qui déposent
leurs déclarations dans les délais >>.
L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. (1998 Inédit
), p.3
B-Le fondement jurisprudentiel de la présomption
d'exactitude de la déclaration
Pour la jurisprudence fiscale Belge, l'idée d'une
présomption d'exactitude de la déclaration fiscale a
été retenue par la cour de cassation qui a utilisé
l'expression de `présomption d'exactitude' dans plusieurs
arrêts1. Pour ne citer qu'un exemple, dans un arrêt du
18 mai 1954, la cour de cassation belge a considéré qu'< une
déclaration régulière fait foi jusqu'à preuve du
contraire, sa force probante est fondée sur une présomption de
sincérité >>2 . L'administration belge
elle-même reconnaît qu' < une déclaration
régulièrement établie et déposée fait (...)
foi jusqu'à preuve du contraire (...) Sa force probante est
fondée sur une présomption d'exactitude >>3.
Dans la jurisprudence fiscale française, le conseil
d'Etat considère que < les déclarations faites par les
contribuables bénéficient d'une présomption d'exactitude
et de sincérité, ce qui permet l'établissement de
l'impôt sur des bases en principe exactes >>4.
En Tunisie, le T.A. a décidé que l'administration
supporte la charge de la preuve des inexactitudes et
des omissions relevées dans les déclarations5. A
contrario, le T.A. accorde une présomption d'exactitude à la
déclaration.
C-Le fondement théorique de la présomption
d'exactitude de la déclaration
Certains auteurs ont tenté de fournir une justification
théorique à la présomption d'exactitude qui est
attachée à la déclaration du contribuable. A titre
d'exemple, nous exposerons les explications avancées par M. Boulanger et
G. Jèze6.
Selon M. Boulanger la présomption de
sincérité de la déclaration trouve son fondement dans le
serment produit par le contribuable à l'appui de cette
pièce7. La bonne foi du contribuable était
concrétisée par le serment. Il s'agissait d'une
référence à l'honneur du contribuable.
Cependant, ce fondement ne peut plus être invoqué
dans la mesure où la référence au serment a disparu des
textes relatifs à l'impôt8. < La relativisation ou
l'exclusion du serment demeure d'ailleurs une constante en droit fiscal
>>9.
1 Cass., 25 janvier 1949, cass., 18 mai 1954, cass. , 28
septembre 1965, cass. , 12 décembre 1974, cités par Th.
Afschrift, << Traité de la preuve en droit fiscal >>, op.
cit., p.70.
2 Cité par C.L. LOUVEAUX, << La preuve en
matière d'impôts directs >>, op. cit., p. 51.
3 Th. AFSCHRIFT, ibid., p.70.
4 C.E. 22 octobre 1976, D.F. 1977, n°16, 677, conclusions
Lobry.
Voir aussi, C.E. 21 novembre 1960 : << si
l'administration entend rectifier les bases déclarées, elle
supporte la charge de démontrer, au moins initialement, que la
déclaration est inexacte >>, Les grands arrêts de la
jurisprudence fiscale, p.442.
C.E. 13-11-1987, << L'administration qui veut imposer un
contribuable sur des bases différentes de celles résultant d'une
déclaration souscrite dans les formes et délais légaux,
doit prouver que la déclaration est inexacte >>, B. DALBIES,
<< La preuve en matière fiscale >>, thèse
précitée, p.15.
5 T.A. 10 mai 1993, req. n°1055 ; H. AYADI, << Droit
fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de consommation et
contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.173, n°353.
Cette jurisprudence fiscale sera développée dans la
section I du chapitre II de la partie I de ce mémoire.
6 Sophie LAMBERT-WIBER,, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen, 1996,p.291.
7 En droit français, << La déclaration
souscrite sous la foi du serment fut introduite par l'article 86 du
décret du 15 octobre 1926 portant codification des textes
législatifs relatifs à l'assiette des impôts sur le revenu
<< tous les contribuables passibles de l'impôt étaient tenus
de souscrire et de renouveler chaque année, sous la foi du serment, une
déclaration de leur revenu, avec l'indication, par nature du revenu des
éléments qui le composent >> ; CE 25 mars 1935, M-C
BERGERES, << Le principe des droits de la défense en droit fiscal
>>, thèse, université de Bordeaux I 1975, p.48.
8 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée,
p.292.
9 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée,
p.48. voir aussi infra partie II, chapitre II, section II.
Pour G. Jèze la présomption d'exactitude de la
déclaration est liée à son caractère obligatoire.
Pour cet auteur, la déclaration du contribuable, lorsqu'elle est
exigée par la loi, doit être présumée exacte par
l'administration1.
Cependant, quelle que soit la valeur des différents
arguments théoriques avancés, force est de constater que
l'existence d'une présomption de sincérité attachée
à la déclaration du contribuable se justifie surtout par des
fondements logiques.
D-Les fondements logiques de la présomption
d'exactitude de la déclaration
La logique s'allie au bon sens pour justifier la
présomption d'exactitude de la déclaration. Plusieurs fondements
peuvent être avancés à l'appui de cette présomption.
Il s'agit de : la logique du système déclaratif
(1), l'opposabilité de la déclaration au
contribuable (2), la présomption de bonne foi
(3) et la présomption d'innocence
(4).
1) La logique du système déclaratif
Le choix du système déclaratif impose que les
déclarations du contribuable bénéficient d'une
présomption d'exactitude2 pour trois séries de
raisons.
D'abord, le système déclaratif repose sur une
participation active du contribuable au processus de l'imposition3.
Il repose sur la bonne volonté et la sincérité du
contribuable4. Ainsi, il est nécessaire, à
défaut de preuve contraire, de considérer que le contribuable se
plie de bonne foi à ses obligations5. L'absence de
présomption d'exactitude attachée à la déclaration
« ne débouche en effet aucunement sur une relativisation de la
déclaration mais bien sur sa destruction >>6.
Ensuite, on ne doit pas perdre de vue que l'existence d'une
présomption d'exactitude attachée à la déclaration
du contribuable permet de préserver une certaine cohérence du
système déclaratif7. Si la déclaration n'est
pas présumée sincère, l'administration devrait donc
naturellement contrôler toutes les déclarations, or cela est
difficilement envisageable.
Enfin et non de moindres, l'efficacité du
système déclaratif est subordonnée à l'acceptation
de l'obligation fiscale. « L'absence d'adhésion du contribuable au
système fiscal en place et son hostilité à l'égard
de l'Etat, constituent de sérieux obstacles à une mise en oeuvre
sincère et loyale de ce système >>8. Or, le
mutisme législatif sur la présomption d'exactitude de la
déclaration et sur son corollaire, l'attribution de la charge de la
preuve à l'administration fiscale, n'est pas de nature à
favoriser l'adhésion du contribuable au système fiscal et son
acceptation de l'obligation fiscale.
1 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée,
p.292.
Pour une critique de ce fondement on consultera M.-C. BERGERES,
<< La valeur juridique de la déclaration contrôlée
>>, Gaz. Pal. 1984, 2ème sem. , p.246, 247. ou sa
thèse précitée p.47.
2 B. DALBIES, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée.
3 << M. ZEVAES, disait à la tribune de la chambre
le 20 janvier 1909 : la déclaration n'est pas et ne saurait être,
en matière d'impôts, un acte de contrition et d'abaissement : elle
est un acte de citoyen libre et c'est dans tous les pays libres, dans
tous les pays démocratiques, que le système de la
déclaration est le plus usité et le plus pratiqué.
>> P. SELIGMAN, << De la déclaration et de la
présomption comme base de l'impôt direct >>, thèse,
Paris 1913 (dactyl.), p.129.
F-P. DERUEL parle de << la collaboration du contribuable au
service public de l'impôt >>, on consultera avec profit sa
thèse précitée, p. 202 et s.
4 N. BACCOUCHE, << Droit fiscal >>, E.N.A. 1993,
p.145.
5 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse Bordeaux 1975, p.49. on
consultera aussi avec profit son article précité << La
valeur juridique de la déclaration contrôlée >>,
p.246.
6 M-C BERGERES, << La valeur juridique de la
déclaration contrôlée >>, article
précité, p.246.
Selon l'heureuse expression de F-P. DERUEL, << La
présomption d'exactitude est la propriété essentielle qui
confère à la déclaration toute son utilité et toute
son importance >>, Thèse précitée, p.226.
7 Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen, 1996, p.293.
8 Habib AYADI, << Droit fiscal >>, éd.
C.E.R.P, Tunis 1989, Série Droit Public n°6, p.178.
L'opposabilité de la déclaration au
contribuable
<s La déclaration engage le contribuable
>>1. Les termes de la déclaration sont tenus pour vrais
contre celui-ci2. A cet égard, la déclaration
constitue pour le fisc une véritable preuve qui peut être
opposée au contribuable. Ainsi, la sous-évaluation d'un immeuble
acquis peut se retourner contre l'acquéreur en cas d'expropriation pour
cause d'utilité publique3.
L'attribution à la déclaration d'une force
probante contre son auteur peut, à notre sens, être une
justification supplémentaire de la présomption d'exactitude de la
déclaration. Etant donné que le fisc peut opposer la
déclaration au contribuable lui-même, cela présuppose
qu'elle est présumée exacte. Donc, la déclaration fait foi
contre le contribuable, mais aussi elle fait foi pour le contribuable. <s Le
rejet de la présomption d'exactitude attachée à la
déclaration transforme celle-ci en un simple
renseignement...l'économie du régime de la déclaration
contrôlée s'écarte sensiblement de ce cadre explicatif
>>4.
2) La présomption de bonne foi
La bonne foi est un principe général qui
s'applique en droit fiscal5. Selon l'article 558 du C.O.C. <s la
bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n'est pas
prouvé >>6. <s Les contribuables, dont la bonne foi
est présumée, souscrivent des déclarations
réputées sincères et complètes
>>7.
1 F-P DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p.219.
2 Il convient de préciser que la déclaration
faite par un contribuable, qui peut la rectifier jusqu'à l'expiration du
délai de déclaration, lui devient opposable à compter de
cette date. S'il entend être imposé sur des bases
différentes de celles qu'il a déclarées, il peut le
demander par voie de réclamation contre les impôts établis
sur le fondement de sa déclaration, mais il supporte alors la charge de
démontrer que les bases déclarées sont erronées.
C.E. 27 novembre 1931, req. 6619. ; C.E. 26 mars 1953, req. 96650.
A l'inverse, si l'administration entend rectifier les bases
déclarées, elle supporte la charge de démontrer, au moins
initialement, que la déclaration est inexacte, C.E. 21 novembre 1960.
Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, p.442.
Dans le même sens, Jean-Pierre KASZEWICZ précise
que << la déclaration étant présumée
sincère, le fisc pourra l'opposer au contribuable lui-même. Si
l'imposition a été établie sur une base conforme par
exemple aux revenus déclarés par le contribuable, c'est à
lui de faire la preuve de l'exagération desdites bases. (CE.,
10-04-1970). C'est-à-dire la preuve que les revenus dont il disposait
effectivement étaient inférieurs à ceux qu'il avait
déclarés cette année. >>, Jean-Pierre KASZEWICZ,
<< Nouveaux aperçus sur l'autonomie du droit fiscal >>,
Thèse 1974, université de Picardie, p.253.
3 N. BACCOUCHE, << Droit fiscal >>, E.N.A. 1993,
p.145.
4 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée,
p.51.
5 On consultera avec profit, Emmanuel KORNPROBST, << La
notion de bonne foi , application au droit fiscal français >>,
thèse, L.G.D.J., 1980, 3éme partie, p.267, intitulée
<< La bonne foi-loyauté du contribuable dans ses relations avec
l'administration >>.
6 Voir aussi Article 2268 code civil français :
« La bonne foi est toujours présumée ».
Selon Mustapha SAKHRI, le fondement de la présomption
d'exactitude de la déclaration réside dans l'article 559 du
C.O.C. selon lequel : << Tout rapport de droit est présumé
valable et conforme à la loi, jusqu'à preuve du contraire
>>. Voir son ouvrage en arabe p. 1068.
.2001
" "
Article 560 C.O.C : << En principe, chacun est
présumé libre de toute obligation jusqu'à preuve du
contraire >>.
7 H. AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur
Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal >>,
C.E.R.P., Tunis, 1996, p.173. Dans le même sens, B. DALBIES, << La
preuve en matière fiscale >>, Aix- Marseille, thèse 1992,
p. 14. << Lorsque le contribuable remplit ses déclarations, il est
présumé être de bonne foi et sa déclaration est donc
présumée exacte >>.
4) La présomption d'innocence
L'article 12 de la constitution tunisienne dispose : <<
Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à
l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une
procédure lui offrant les garanties indispensables à sa
défense >>. Cet article qui concerne plus particulièrement
la matière pénale, trouve pleinement sa place dans le domaine
fiscal car le contribuable qui fait l'objet d'une procédure de
contrôle est considéré comme fraudeur, donc coupable par
l'administration avant même que n'aboutisse la
procédure1.
La transposition de la présomption d'innocence en doit
fiscal se justifie par le caractère contraignant de ce droit. <<
En matière répressive c'est à l'accusation de supporter la
charge de la preuve de la culpabilité et non à la personne
poursuivie de faire la preuve de sa bonne foi, donc de son innocence, et ceci
à notre sens dans toute procédure contraignante, qu'elle soit
pénale ou administrative >>2ou fiscale.
<< Il ne serait pas abusif que la présomption
d'innocence qui est un principe constitutionnel fondamental de la
procédure pénale et qui est même inscrit dans la
déclaration des droits de l'homme de 1789, soit transposée en
matière fiscale. Lorsque la loi fiscale établit une
présomption de fraude, elle renverse complètement la
présomption d'innocence ; c'est une entorse considérable au
principe fondamental de la matière... Abolir la présomption
d'innocence ou la présomption de non-revenu, pour instituer exactement
la présomption inverse... c'est vraiment aller trop loin
>>3.
Partant de ces prémisses, l'on est en droit de
s'interroger sur la situation du contribuable contrôlé, en droit
tunisien. Est-il présumé innocent et de bonne foi ?
Il est regrettable de relever que le pouvoir de contrôle
reconnu à l'administration fiscale ne tient pas compte de la
présomption d'innocence et celle de bonne foi. En effet, << devant
les difficultés de pouvoir reconstituer la réalité du
revenu imposable plusieurs années après, les agents
vérificateurs inclinent souvent à poser en principe que leurs
interlocuteurs sont des fraudeurs >> 4. Le
contribuable, étant a priori regardé comme un fraudeur, peut
être amené par là-même à se comporter en tant
que tel, l'innocence risquant de lui être
préjudiciable5.
Il convient d'avoir présent à l'esprit que le
contribuable devrait être considéré et réputé
comme un contribuable honnête. Ce n'est que lorsque sa situation fiscale
est << mûrement examinée >> et que son intention
d'éluder l'impôt est établie, qu'il doit être
traité comme un fraudeur6. Or, par son mutisme sur la
présomption d'exactitude de la déclaration et son corollaire
l'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale, le
législateur a ouvert le champ à l'arbitraire du fisc. On se
demande alors s'il n'y a pas eu passage d'une présomption d'exactitude
de la déclaration à une présomption d'inexactitude ?
Selon le professeur Néji BACCOUCHE, <<
aujourd'hui, l'environnement fiscal favorable suppose... une administration
soumise au droit et particulièrement soucieuse des droits du
contribuable qui doit être considéré, notamment lors du
contrôle fiscal, comme un partenaire et non comme un " fraudeur
présumé " >>7. Ainsi, il est indispensable que
la loi intervienne pour consacrer expressément, à l'instar
1 Neila CHAABANE, << Les garanties du contribuable devant
le juge fiscal >>, in actes de colloque sur le contentieux fiscal,
faculté des sciences juridiques de Tunis, le 21 et 22 avril 1995,
p.3.
2 Thierry S. RENOUX, << La réforme de la justice en
France : le juge et la démocratie >>, Gaz. Pal.- recueil janvier-
février 2000, doctrine p.1 89.
3 Jean FOYER, Rapport final de synthèse in << La
taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>, ( actes des
journées d'études organisées par la société
française de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales
de la faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de
recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI,
L.G.D.J. 1980, p.160.
4 H. AYADI, << Droit fiscal >>, C.E.R.P., Tunis,
1989, p. 265.
5 P. BELTRAME, << La résistance à
l'impôt et le droit fiscal >>, R.F.F.P. n°5, 1984, p.29.
6 Jamel AJROUD, mémoire précité, p.2.
7 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre
2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire p.90.
du droit comparé, la présomption d'exactitude de
la déclaration et son corollaire le principe d'attribution de la charge
de la preuve à l'administration fiscale. En effet, « aujourd'hui,
la grande question en matière de fiscalité n'est plus de savoir
si un gouvernement fait mieux ou moins bien que ses prédécesseurs
: la question est de savoir s'il fait mieux que ses voisins et concurrents
>>1.
Le moment est venu de rétablir un équilibre qui,
de toute évidence, a été rompu. Comme l'énonce
André BARILARI dans un ouvrage consacré au consentement à
l'impôt, ce consentement doit, de nos jours, être accru d'une
nouvelle dimension, celle du consentement au contrôle2. Le
consentement au contrôle passe, inévitablement, par une
consécration et un renforcement de la présomption d'exactitude de
la déclaration, qui joue un rôle important dans l'attribution de
la charge de la preuve à l'administration fiscale.
Paragraphe II : Le rôle de la présomption
d'exactitude de la déclaration dans l'attribution de la charge de la
preuve à l'administration
La présomption d'exactitude de la déclaration
joue un rôle important en matière de preuve qui consiste dans
l'attribution de charge de la preuve à l'administration. Ce rôle
peut être justifié par l'opposabilité de la
déclaration à l'administration fiscale (A) et
par la nature de la présomption d'exactitude de la déclaration
(B).
A- L'opposabilité de la déclaration à
l'administration fiscale
Le fait de produire une déclaration entraîne son
opposabilité à l'administration3. En effet, à
chaque fois qu'un écrit bénéficie d'une présomption
d'exactitude, le contenu de ces documents est opposable à
l'administration jusqu'à preuve contraire4. A cet
égard, « la déclaration couvre le contribuable et constitue
une présomption en sa faveur >>5, puisqu'elle fait
supporter la charge de la preuve à l'administration6.
B - La nature de la présomption d'exactitude de la
déclaration : une présomption simple
La présomption d'exactitude de la déclaration
est une présomption simple. Le caractère simple d'une
présomption implique la possibilité d'apporter la preuve
contraire. Ainsi, l'administration fiscale supporte la charge de la preuve de
l'inexactitude de la déclaration. Comme on l'a déjà
précisé, ce
-Dans le même ordre d'idées, un commissaire du
gouvernement belge a proposé << un nouveau climat fiscal qui porte
sur le remodelage des rapports entre administration et administrés,
entre le ministère des finances et le citoyen contribuable. Ce dernier
se satisfait de moins en moins du `fait du prince' et entend à juste
titre être traité, dans ses contacts avec l'administration, avec
toute l 'attention et la loyauté qui s'imposent. Il
est donc impératif de poursuivre et d'intensifier les efforts en faveur
d'une administration fiscale non seulement plus efficace, mais aussi plus
attentive et plus transparente >>. Alain ZENNER <<Pour une nouvelle
culture fiscale, simplification des procédures fiscales et lutte contre
la grande fraude fiscale >>, Plan d'action du commissaire du gouvernement
Alain ZENNER, mars 2001, p.5.
http://www.juristax.be/jsp/index.html
1 << Vers une société de confiance
>>, Synthèse des propositions des forums, mardi 26 juin 2001.,
Internet,
http://www.rprparis.org/forums/forum_synthese.pdf
2 Alain ZENNER << Pour une nouvelle culture fiscale,
simplification des procédures fiscales et lutte contre la grande fraude
fiscale >>, Plan d'action du commissaire du gouvernement Alain ZENNER,
mars 2001, p.5.
http://www.juristax.be/jsp/index.html
3 Jean- Pierre KASZEWICZ, << Nouveaux aperçus sur
l'autonomie du droit fiscal >> , Thèse 1974, p.250.
4 Dalbies BERANGERE, << La preuve en matière
fiscale >>, Aix- Marseille, thèse 1992, p. 14.
5 Jean WILMART, << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, in mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p.165.
6 Vu les avantages que procure la déclaration, et
surtout son rôle dans l'attribution de la charge de la preuve au fisc,
certains auteurs ont proposé l'instauration d'un système de
déclaration facultative. << Ne pourrait-on pas imaginer un
système de déclaration facultative (avec justificatifs) des
opérations autre que celles productives de revenus (cessions diverses,
opérations en capital, emprunts...), dont l'effet serait de mettre la
preuve à la charge de l'administration >> ? Yves LHERMET, <<
Le face à face des contribuables et du fisc >>, R.F.F.P. 1984,
n°6, p.160.
Cette proposition est en faveur du contribuable et mérite
d'être consacrée, pour faire bénéficier davantage le
contribuable de la présomption d'exactitude de la déclaration.
principe de dévolution de la charge de la preuve au
fisc est un principe bien établi en droit comparé1.
D'ailleurs, en droit fiscal français, plusieurs décisions du juge
de cassation « censurent le non-respect par le juge du fond des
règles d'attribution initiale de la charge de la preuve, en
réalité d'attribution du risque de la preuve
>>2.
Il convient de préciser que l'effet normal d'une
présomption simple est de permettre à celle des parties contre
laquelle elle joue d'apporter personnellement et intégralement la preuve
contraire, et en principe par la voie juridictionnelle. Or, sur ce point, la
présomption d'exactitude de la déclaration déroge à
la règle générale. La voie juridictionnelle n'est pas, en
matière fiscale, l'instrument normal de la preuve
contraire3.
Il est significatif de relever que la preuve contraire
revêt une spécificité en droit fiscal. En effet, «
c'est au cours d'une phase pré-juridictionnelle que se noue la preuve
contraire des déclarations dont l'appréciation est ainsi
confiée à l'administration elle-même >>4.
L'administration fiscale, lors de la phase du contrôle, est à la
fois juge et partie. Il va sans dire que la charge de la preuve qui lui incombe
est une charge de la preuve pré-juridictionnelle, donc sans risque de la
preuve5. Et c'est là l'une des manifestations du
déséquilibre entre le fisc et le contribuable.
Certes, la charge incombant à l'administration lors du
contrôle est utile, puisqu'elle permet de traiter le contribuable en tant
que citoyen « honnête >>.Mais, elle mérite d'être
étendue au stade juridictionnel6. La preuve de l'inexactitude
de la déclaration incombe à l'administration mais elle ne doit
pas être fournie seulement à ce stade de la
procédure7, elle devra l'être surtout au moment
où le contribuable conteste le redressement par l'introduction d'une
réclamation8.
« Est-ce à dire que l'administration doit
supporter toujours et intégralement la charge de la preuve
>>9?
Section II : la portée de la charge de la preuve
incombant a l'administration fiscale
La portée de la charge de la preuve incombant à
l'administration fiscale, peut être déduite de la portée de
la présomption d'exactitude de la déclaration. D'une part, cette
présomption ne couvre pas toutes les énonciations d'une
déclaration. De ce fait, la charge de la preuve incombant à
l'administration
1 Voir supra, p. 15 et s.
En droit belge, << on trouve dans les travaux
préparatoires de la loi du 29 octobre 1919, qui pour la première
fois, a instauré un système de déclaration
généralisé des revenus, la volonté claire de rendre
le fisc redevable de la charge de la preuve >>Th. Afschrift, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, Larcier 1998, p.69
2 Sophie LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil
à une approche renouvelée de la charge de la preuve en droit
fiscal >>, thèse, université de Rouen, 1996, p.309 (
arrêt rendu par la chambre commerciale le 4 mars 1986).
Aussi, la jurisprudence belge a insisté sur
l'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale
lorsque le contribuable a rempli sa déclaration. A cet égard, un
arrêt du 25 janvier 1993 de la cour de cassation belge a
précisé que << lorsque le redevable a déposé
sa déclaration dans le délai légal, la charge de la preuve
de tout revenu autre que celui qui a été déclaré
incombe ... à l'administration >>,Th. AFSCHRIFTt, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, Larcier 1998, p.69.
3 F-P DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse 1962, Paris, p.228.
4 F-P DERUEL, ibid. p.228, 229.
5 C'est-à-dire sans risque de perdre le procès, si
la lumière n'est pas faite. Puisque le débat, à ce stade
là, se situe au stade pré-juridictionnel. Le juge n'est pas
encore saisi.
6 Voir infra, partie1, chapitre II, section I.
D'ailleurs, comme on l'a déjà
évoqué, en droit fiscal français, le principe
d'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale
concerne aussi bien la phase du contrôle que la phase juridictionnelle.
Ce principe est clairement affirmé dans l'article L. 192 du livre des
procédures fiscales. L'administration fiscale elle-même rappelle
ce principe dans la charte du contribuable, p.21 et p.16 : << en cas de
contentieux ultérieur, la charge de la preuve incombe à
l'administration, sauf dans des cas exceptionnels.
7 Il s'agit de la procédure de rectification des
déclarations (phase du contrôle).
8 C.L. LOUVEAUX, << La preuve en matière
d'impôts directs >>, BRUYLANT, Bruxelles 1970, p.53.
9 F-P DERUEL, << Quelques aspects du problème de la
preuve en matière fiscale >>, D.F., 1962, n°37, p.44.
reste limitée par une charge de la preuve par nature
incombant au contribuable ( Paragraphe I ). D'autre part, le
bénéfice de cette présomption est conditionné par
le respect des obligations déclaratives et comptables. Ainsi, la charge
de la preuve incombant à l'administration reste conditionnée par
une charge de la preuve préliminaire incombant au contribuable (
Paragraphe II ).
Paragraphe I : L'existence d'une « charge de la preuve
par nature »1 incombant au contribuable
La charge de la preuve qui incombe à l'administration
fiscale, en vertu de la présomption d'exactitude de la
déclaration, est d'une portée limitée. En effet, « il
est formellement inexact de soutenir que l'ensemble de la déclaration se
serait vu conférer une présomption d'exactitude
>>2 . A vrai dire, pour les éléments que le
contribuable entendra déduire, c'est lui qui alléguera avoir
droit à cette déduction et la preuve lui reviendra sans qu'il
puisse exciper d'une prétendue présomption d'exactitude de la
déclaration3.
Cette charge de la preuve qui incombe au contribuable est
qualifiée par la jurisprudence et la doctrine de charge de la preuve
« par nature >>4. Il s'agit d'« une attribution de
la charge de la preuve fondée sur la nature de l'opération
incriminée >>5. La nature de certaines
opérations aboutit à obliger le contribuable à justifier
de leur réalité. Il s'agit des déductions
effectuées sur la base imposable.
En droit fiscal français, la question de la charge de
la preuve par nature trouve son illustration en matière d'acte anormal
de gestion. Dans cette perspective, il convient d'étudier la notion de
la charge de la preuve par nature en matière d'acte anormal de gestion
(A) et ses justifications (B).
A- La notion de « charge de la preuve par nature
» en matière d'acte anormal de gestion
« L'acte anormal de gestion est celui qui met une
dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui prive
cette dernière d'une recette, sans être justifié par
l'intérêt de l'exploitation >>6.
La théorie de l'acte anormal de gestion7,
construction jurisprudentielle en France8, constitue une limite au
principe de non-immixtion de l'administration fiscale dans la gestion des
entreprises. Cette théorie,
1 Cette expression, d'origine prétorienne, est
utilisée par la doctrine française. Voir dans ce sens, Sophie
LAMBERT-WIBER, << Contribution du droit civil à une approche
renouvelée de la charge de la preuve en droit fiscal >>,
thèse, université de Rouen, 1996, p.222 : << cette
attribution du fardeau de la preuve, en fonction de la nature de
l'écriture comptable ( écriture de charge) a été
qualifiée de charge de la preuve par nature ou en amont de la
procédure >> ; Marc COTTINI, << Contribution à
l'étude de l'anormalité en matière de preuve fiscale
>>, thèse, université d'Aix Marseille III, 1998, p.468.
Jacques ARRIGHI DE CASANOVA, << Champ d'application de
l'impôt et charge de la preuve, à propos de la preuve du lieu
d'utilisation du service pour les règles de territorialité de la
TVA >>, article précité, p. 590, << Un courant de
jurisprudence qui a dégagé, au détriment cette fois-ci du
contribuable, certaines règles de preuve ` par nature' >>, p.592
<< un courant jurisprudentiel fondé en quelque sorte sur la nature
des choses >>.
2 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p.72.
3 Th. AFSCHRIF, ibid. p.72, 73.
4 L'idée que la jurisprudence avait prévu des
hypothèses de charge de la preuve << par nature >> a
été développée par le commissaire du gouvernement
Jacques ARRIGHI DE CASANOVA, dans ses conclusions prononcées à
l'occasion d'un arrêt de section rendu le 29 juillet 1994 ; Jacques
ARRIGHI DE CASANOVA << Champ d'application de l'impôt et charge de
la preuve, à propos de la preuve du lieu d'utilisation du service pour
les règles de territorialité de la TVA >>, article
précité, p. 590.
5 Gilles AMEDEE-MANESME, << La charge de la preuve
>>, in << Contentieux fiscal, principes et pratiques >> de
Thierry LAMBERT, Paris, p.133.
6 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée,
p. 336.
7 Sur l'acte anormal de gestion, voir J. SABAROTS, << Le
principe de non-immixtion de l'administration fiscale dans la gestion des
entreprises privées >>, Thèse dactylographiée,
Bordeaux, 1980, M. COZIAN, << Les grands principes de la fiscalité
des entreprises >>, Litec, thème consacré à la
théorie de l'acte anormal de gestion.
8 La théorie de l'acte anormal de gestion est une
construction jurisprudentielle que le juge de l'impôt en France rattache
à l'article 39-1 du code général des impôts. Cet
article dispose que << le bénéfice net est établi
sous déduction de toute charge >>. La jurisprudence
considère que ce texte vise << toutes dépenses
exposées ou tout
illustration des pouvoirs exorbitants dont dispose
l'administration, permet à celle-ci de rejeter la déduction de la
charge ou imposer un manque à gagner, par la
réintégration.
Les principes de base gouvernant l'attribution de la charge de
la preuve, en matière d'acte anormal de gestion1, ont
été dégagés par l'assemblée
plénière du C.E. dans le fameux arrêt du 27 juillet 1984,
S.A. « Renfort Service »2 . La question qui s'est
posée au C.E. et qu'il a tranchée de façon explicite dans
sa formation plénière fiscale, était de savoir « si
l'administration doit supporter dans tous les cas la charge de la preuve
lorsqu'elle invoque, pour justifier un redressement, la gestion anormale du
contribuable »3.
Le C.E. a fait dépendre la charge de la preuve, en
matière d'acte anormal de gestion, de « la nature des
opérations comptables » auxquelles ont donné lieu les actes
de gestion dont l'administration conteste la normalité. En effet, selon
la formule retenue par la Haute Assemblée, dans cet arrêt : «
Considérant que, si la détermination du fardeau de la preuve est,
pour l'ensemble des contribuables soumis à l'impôt, tributaire de
la procédure d'imposition suivie à leur égard, elle n'en
découle pas moins, à titre principal, dans le cas des personnes
assujetties à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des
bénéfices industriels et commerciaux ou des entreprises
assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature
des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de
gestion dont l'administration conteste le caractère ;
Considérant, en particulier que, si l'acte
contesté par l'administration s'est traduit, en comptabilité, par
une écriture portant, soit sur des créances de tiers, des
amortissements ou des provisions, lesquels doivent, en vertu de l'article 38 du
CGI, être retranchés des valeurs d'actif pour obtenir le
bénéfice net, soit sur les charges de la nature de celles qui
sont visées à l'article 39 du même code, et qui viennent en
déduction du bénéfice net défini à l'article
38 du code, l'administration doit être réputée apporter la
preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas, lui-même, en
mesure de justifier dans son principe comme dans son montant, de
l'exactitude de l'écriture dont il s'agit, quand bien même, en
raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas
été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
qu'en revanche, si l'acte auquel l'administration attribue un caractère
anormal s'est traduit en comptabilité par des écritures autres
que celles mentionnées ci-dessus, ce qui est le cas, notamment, des
écritures qui retracent l'évolution de l'actif immobilisé,
avant la constitution des amortissements ou des provisions, il appartient
à l'administration d'établir les faits qui donnent selon elle, un
caractère anormal à l'acte, alors même que, à raison
de la procédure suivie, le contribuable devrait démontrer
l'exagération de l'imposition contestée... ».
manque à gagner supporté dans
l'intérêt de l'exploitation ( conclusions Fabre, sous CE 14 avril
1976, DF 1976, n°42).
Cette théorie est transposable en Tunisie. En effet, et
à l'instar de l'article 39-1 précité, le code de l'IR et
de l'IS, dans son article 12 dispose : << le résultat net est
établi après déduction de toutes charges
nécessitées par l'exploitation >>. De son
côté, l'article 14 du même code interdit la déduction
de certaines charges qu'il considère en fait comme anormales. Il en
résulte que tout acte anormal de gestion peut être exclu comme
charge. Habib AYADI, << Droit fiscal, Impôt sur le revenu des
personnes physiques et impôt sur les sociétés >>,
Tunis, 1996, p. 214.
1 Pour une étude bien approfondie de la charge de la
preuve en matière d'acte anormal de gestion, on consultera avec profit :
Marc COTTINI, << Contribution à l'étude de
l'anormalité en matière de preuve fiscale >>, thèse,
université d'Aix Marseille III, 1998 ; Sophie LAMBERT-WIBER,
thèse précitée, p. 343 à 368; C. DAVID, O. FOUQUET,
M-A LATOURNERIE, B. PLAGNET, << Les grands arrêts de la
jurisprudence fiscale >>, préface de M.Long et G. Vedel,
thème 47 << La charge de la preuve >>, p.487 ; B. DALBIES,
thèse précitée, p.229 à 240.
2 Arrêt du C.E. 27 juillet 1984, req. n°34588,
Sté Renfort Service, D.F. 1985, n°11, comm. 596, R.J.F. 10/84,
p.562, conclusions de M. le commissaire du gouvernement Pierre-François
RACINE ; C. David, O. FOUQUET, M-A LATOURNERIE, B. PLAGNET, << Les grands
arrêts de la jurisprudence fiscale >>, préface de M.Long et
G. VEDEL, thème 47 << La charge de la preuve >>, p.487.
3 C. DAVID, O. FOUQUET, M-A LATOURNERIE, B. PLAGNET, << Les
grands arrêts de la jurisprudence fiscale >>, préface de
M.Long et G. Vedel, thème 47 << La charge de la preuve >>,
p.489.
Il ressort de cette jurisprudence que la charge de la preuve
de l'anormalité de l'acte incombe à l'administration
fiscale1. Mais le contribuable doit, au préalable,
démontrer la réalité des écritures de
charges2 dans leur principe et leur montant, sinon elles seront
rejetées. La doctrine française précise que l'apport
principal de cette jurisprudence « Renfort Service »3
serait de laisser en toutes circonstances au contribuable, même
lorsque l'administration supporte la charge de la preuve, le soin de
justifier du principe et du montant des écritures de
charges4. Ce sont toutes les écritures qui viennent en
déduction de l'actif pour le calcul du bénéfice net :
créances sur les tiers, amortissements pratiqués, provisions
constituées et frais généraux déduits,
etc.5.
Il convient de préciser que cette charge de la preuve
par nature incombant au contribuable dépasse le cadre de l'acte anormal
de gestion6 pour englober tous les cas où le contribuable
fait état d'éléments entraînant un allègement
de l'impôt7. ( Ex. : Charges déductibles,
déficit fiscal, exonération, situation de famille...).
Aux termes d'un arrêt du C.E. du 20 mai 1998 8
: « Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du L.P.F.,
tel qu'il résulte de l'article 10-1 de la loi n°87-502 du 8 juillet
1987, ...l'administration supporte la charge de la preuve en cas de
réclamation..., qu'il appartient cependant, dans tous les cas, au
contribuable...de justifier, tant du montant de ses charges que de la
correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à- dire du
principe même de leur déductibilité ; qu'ainsi, la cour
administrative d'appel n'a pas davantage méconnu les règles
concernant la dévolution de la charge de la preuve, en jugeant qu'alors
même que la société avait refusé les redressements
qui lui avaient été notifiés selon la procédure
contradictoire définie par les articles L.55 et suivants du
L.P.F.9, il lui appartient de
1 << En vertu du principe de la non-immixtion de
l'administration dans la gestion des entreprises, les dirigeants sont
présumés agir au mieux des intérêts de leur
entreprise. Dès lors, si l'administration invoque le caractère
anormal d'un acte de gestion, la charge de la preuve pèsera sur elle
pour essentiellement deux raisons. D'abord, le contribuable
bénéficiant de la présomption selon laquelle il est
supposé avoir agi conformément à l'intérêt de
l'entreprise, c'est donc à l'administration qu'il revient de
démontrer le contraire. Ensuite, l'administration supporte, par
principe, la charge de la preuve, au moins dans les procédures
contradictoires, il lui appartient donc de réunir les
éléments prouvant le caractère anormal de l'acte
contesté >>. Sophie LAMBERT-WIBER, thèse
précitée, p.343.
2 Symétriquement, pour les écritures comptables qui
retracent l'évolution de l'actif, c'est l'administration qui supporte la
charge de la preuve.
3 Cet arrêt << Renfort service >> de 1984, a
été précédé par quelques arrêts plus
discrets, et notamment par la jurisprudence du 16 avril 1982 aux termes de
laquelle on pouvait relever : `quelle qu'ait été la
procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, selon
les années d'imposition en litige, il lui incombe dans tous les cas, en
application des dispositions du II de l'article 38 et d.1, 2 et 5 de l'article
39.1 du C.G.I., de justifier de la perte de créance
alléguée, des amortissements pratiqués, des provisions
constituées, de la réalité des dépenses
portées en frais généraux'. Gilles AMEDEE-MANESME,
<< La charge de la preuve >>, article précité, p.1
34.
4 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée, p.
356.
5 Dalbies BERANGERE, thèse précitée,
p.234.
6 Pierre-François RACINE, << Réflexions sur
la preuve en droit fiscal >>, B.F. ( Bulletin Francis Lefebvre) 1985,
n°6, p313.
7 Une jurisprudence bien établie fait peser dans tous les
cas sur le contribuable la charge de prouver :
- les amortissements pratiqués; C.E. 03/02/86,
n°46805, RJF 4/86, n°449.
- les provisions réintégrées par
l'administration ; C.E. 11/01/1985, n°36783, RJF 3/85, n°361 ; C.E.
14/03/84, n°33 188, DF 84, n°30, comm.1416, concl. RACINE.
- les frais généraux ; C.E. 09/01/1985,
n°40589, RJF 3/85, n°369.
- les déficits d'années antérieures
reportés sur les bénéfices d'années
ultérieures ; C.E. 22/07/1977, n°602, RJF 10/77, n°560 ; C.E.
11-01-1993, n°8985 et 8986, S.A Georges Best, R.J.F. 3/93, n°429.
8 C.E. 20 mai 1998, req. n°159877, Sté Veticlam,
D.F. 1998, n°44, comm. 979, p.1389, concl. de M. le commissaire du
gouvernement J. ARRIGHI de Casanova.
9 Cad alors même que l'administration supporte la charge
de la preuve. ( Puisqu'il y a mise en oeuvre d'une procédure de
redressement contradictoire.)
justifier des charges que l'administration a
réintégrées dans ses résultats de l'exercice clos
le 31 janvier 1986 >>1.
Il convient de préciser que cette charge de la preuve par
nature, qui incombe au contribuable « dans tous les cas >>2, a ses
justifications.
B- Les justifications de la charge de la preuve par
nature
Plusieurs justifications peuvent être avancées
à l'appui de la charge de la preuve par nature reposant sur le
contribuable.
La première raison, généralement
avancée, est l'aptitude à la preuve. En effet, le contribuable
est « le mieux placé >> pour justifier les
éléments venant en déduction de la base imposable. «
Le fisc n'a jamais en mains toutes les données de la situation exacte du
contribuable >>3.
Comme l'a affirmé, très justement, un
commissaire du gouvernement, il est dans la nature des choses que le
contribuable fournisse a priori les justifications que lui seul peut apporter.
En effet, il est logique que le contribuable s'explique, comme lui seul peut le
faire, sur l'inscription dans sa comptabilité d'une somme qui a une
incidence négative sur la base de l'impôt4.
Par ailleurs, on ne doit pas perdre de vue que les faits qui
doivent être prouvés sont seulement ceux qui sont
allégués5. Le fisc n'a aucune raison d'alléguer
qu'il y a des éléments déductibles. Il a d'ailleurs
intérêt à en nier l'existence. Or, selon le principe «
Ei incumbit probatio qui dicit non qui negat : la preuve incombe à celui
qui allègue, non à celui qui nie >>6. Donc, le
contribuable, qui allègue des éléments entraînant un
allègement de l'impôt, assume la charge de la preuve.
Enfin, l'argument de texte s'allie à ces
justifications, pour expliquer la charge de la preuve par nature incombant au
contribuable. En effet, il y a une obligation légale qui incombe aux
contribuables de pouvoir produire à l'appui des chiffres qu'ils
déclarent, et en particulier les charges déductibles, des
pièces justificatives7. Comme l'a affirmé, Cilles
AMEDEE MANESME, « il y a glissement de la charge de la preuve sur le
terrain de la justification >>1.
1 Cet arrêt, selon le commissaire du gouvernement J.
Arrighi de Casanova, n'a fait qu'appliquer la jurisprudence issue de
l'arrêt de plénière Renfort Service du 27 juillet 1984,
précisé et confirmé par plusieurs décisions du 13
mai 1992 ( req. n° 71496, D.F. 1994, n°23, comm. 1089, concl. Ph.
Martin; req. n° 71497, Sté << Nouvelles Editions Musicales
Caravelle >>, D.F. 1994, n°23, comm. 1087, concl. Ph. Martin.)
2 Expression constamment utilisée par le C.E. Elle
signifie que même lorsque l'administration supporte la charge de la
preuve.
3 Jean WILMART, << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p.1 62.
4 M. le commissaire du gouvernement J. ARRIGHI DE CASANOVA,
Conclusions sur C.E. 20 mai 1998, req. n°159877, Sté Veticlam, D.F.
1998, n°44, comm. 979, p.1390.
5 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p.68.
6 Boyer Laurent, Roland, << Adages du droit
français >>, p.197.
D'ailleurs, en vertu de ce même principe, la charge de
la preuve de << revenus >> incombe à l'administration
fiscale. << Le contribuable n'a aucune raison d'alléguer qu'il a
perçu des revenus : dès le moment où c'est
l'administration qui entend procéder à une imposition, il lui
revient d'alléguer que des revenus ont été perçus.
Si la preuve incombait au contribuable, il devrait alléguer qu'il n'a
pas perçu de revenu ou du moins qu'il n'en a pas perçu
au-delà d'un certain montant, et quelle que soit la connaissance des
faits que le contribuable peut en avoir, il faut bien reconnaître qu'une
telle preuve serait impossible >>.Th. AFSCHRIFT, << Traité
de la preuve en droit fiscal >>, Larcier 1998, p.68.
7 - L'article 59 C.I.R. §2 cite une liste de pièces
justificatives que les contribuables doivent fournir à l'appui de leur
déclaration annuelle (relevé détaillé des
amortissements, des provisions, des dons et subventions...).
- L'article 8 §3 C.I.R. dispose que << Le revenu
ainsi constitué tient compte du déficit... justifié
par la tenue d'une comptabilité >> ;
- L'article 12 C.I.R. relatif aux charges déductibles,
conditionne le bénéfice de ces déductions à la
production de pièces justificatives. Ex. §5 << dans la mesure
où ils sont justifiés... >>.
- L'article 38 C.I.R. relatif aux exonérations : <<
... dans la mesure où elles sont justifiées >>.
Si l'on peut comprendre et trouver logique la charge de la
preuve par nature incombant au contribuable, il n'en demeure pas moins vrai
qu'elle affirme le déséquilibre entre le fisc et le contribuable.
En effet, le législateur tunisien ne s'intéresse à la
charge de la preuve que lorsqu'il s'agit du contribuable. Ce dernier se trouve
toujours dans l'obligation de se justifier.
Certes, le fait que le contribuable supporte une charge de la
preuve par nature ne constitue pas un renversement de la preuve à son
détriment. Cette charge lui incombe «d'emblée
>,2 . Néanmoins, il convient d'avoir présent
à l'esprit que cette charge de la preuve par nature constitue une
atténuation qui vient « nuancer la rigueur et le caractère
automatique des principes d'attribution du risque de la preuve et donc
alléger le fardeau de la preuve qui pèse sur l'Etat
>,3.
Le contribuable se sent dominé, écrasé
par l'administration et dans l'obligation de se justifier4. Il doit
prouver les éléments déductibles. Mais aussi il doit
apporter la preuve qu'il s'est acquitté de son devoir fiscal. Il s'agit
là d'une charge de la preuve préliminaire incombant au
contribuable, pour pouvoir bénéficier de la présomption
d'exactitude de la déclaration.
Paragraphe II : L'existence d'une « charge de la
preuve préliminaire » incombant au contribuable
Le bénéfice de la présomption
d'exactitude de la déclaration - et de son corollaire l'attribution de
la charge de la preuve à l'administration fiscale - reste
conditionné par la tenue d'une déclaration et d'une
comptabilité régulière5. Ainsi, le contribuable
doit respecter ses obligations déclaratives et comptables, « ce
d'autant plus qu'il lui importe, en toute hypothèse, de faire la preuve
de ce respect >,6.
A vrai dire, c'est la loi elle-même qui a mis à
la charge du contribuable une semblable obligation de preuve. L'article 8 du
C.D.P.F. dispose que « Le contribuable doit communiquer, à toute
réquisition des agents de l'administration fiscale à ce
habilités, ses quittances, documents et factures relatifs au paiement
des impôts dont il est redevable ou justifiant l'accomplissement de ses
obligations fiscales7. Cette formule exprime la volonté du
législateur d'insister sur la charge de la preuve incombant au
contribuable concernant l'accomplissement de ses obligations fiscales. Une fois
encore, le législateur ne se préoccupe de la charge de la preuve
que lorsqu'il s'agit du contribuable ! Ce dernier se trouve toujours, de par la
loi, dans l'obligation de se justifier.
- L'article 39 C.I.R. relatif aux déductions communes,
cite une liste de pièces justificatives (attestation,
comptabilité...) << ...justifiant...
>>.
<< Dans une conception très libre de la preuve,
il serait possible d'admettre que l'Etat fût tenu d'établir la
matière imposable nette ; mais une telle solution conduirait
pratiquement à charger l'administration d'une preuve qu'elle ne pourrait
pas fournir, le contribuable détenant seul les pièces
justificatives. >> F-P DERUEL, << Quelques aspects du
problème de la preuve en matière fiscale >>, D.F. ; 1962,
n°37, p.45.
1 Gilles AMEDEE-MANESME, << La preuve en matière de
droit fiscal >>, in << Principes et pratiques du droit fiscal des
affaires >>, économica, Paris 1990, p.74.
2 L'expression a été utilisée par M. le
commissaire du gouvernement J. ARRIGHI DE CASANOVA, Conclusions sur C.E. 20 mai
1998, req. n°159877, Sté Veticlam, D.F. 1998, n°44, comm. 979,
p.1390.
3 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée,
p.366.
4 Neila CHAABANE, << Les garanties du contribuable devant
le juge fiscal >>, article précité, p.2.
Il convient de préciser que l'obligation de se justifier
apparaît aussi à travers la technique de demande
d'éclaircissements et de justifications prévue par l'article
6 du C.D.P.F., voir infra, partie II, chapitre I, section I.
5 En droit fiscal français, la tenue d'une
déclaration et d'une comptabilité régulière
entraîne 3 conséquences favorables au contribuable : 1- le
bénéfice de la présomption d'exactitude de la
déclaration, 2-la mise en oeuvre d'une procédure de redressement
contradictoire, l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale. Qu'en est-il du droit tunisien ? sur la question voir
infra partie I, chap.II, sect.I, § 1.
6 Christophe DE LA MARDIERE, << Droit fiscal et force
majeure : à l'impossible, le contribuable est-il tenu ? >>,
petites affiches 1999, n°46, p. 3.
7 Selon l'article 2 du C.D.P.F. << L'accomplissement du
devoir fiscal suppose la déclaration spontanée de l'impôt
dans les délais impartis et le respect des autres obligations prescrites
par la législation fiscale >>.
De toute façon, cette obligation de preuve incombant
au contribuable peut être expliquée par le principe
général régnant en matière de preuve des
formalités1. En effet, en cette matière « chacune
des parties supporte la preuve des formalités qui étaient
à sa charge »2 . Ainsi, le contribuable est tenu de
prouver qu'il a accompli la formalité de
déclaration3.
D'ailleurs, la jurisprudence tunisienne considère que
le contribuable doit prouver le dépôt de sa
déclaration4. De même, en droit fiscal français
il est de jurisprudence constante que la preuve du dépôt de la
déclaration incombe au contribuable5. Le C.E. pose un
principe bien établi selon lequel « c'est au contribuable qu'il
appartient de prouver qu'il a rentré dans le délai
légal6 une déclaration »7.
Mieux encore, le C.E. considère que « dans tous
les cas où la législation fiscale exige une déclaration du
contribuable, il incombe à celui-ci, dans le silence des textes, de
prouver qu'il a envoyé sa déclaration en temps utile à
l'administration compétente lorsque cette dernière prétend
qu'elle ne l'a pas reçue »8.
La question qui se pose est de savoir comment le contribuable
peut apporter la preuve qu'il a effectivement rempli ses obligations
déclaratives ? La question est importante, car la loi réserve la
sanction de taxation d'office9 pour défaut de
déclaration10.
En droit français, les réponses de la
jurisprudence sont très claires en ce domaine ; le contribuable dispose
pratiquement de deux procédés, soit le
récépissé du dépôt des
déclarations11, soit la lettre
1 On se trouve là en face d'un principe
général en matière de preuve, qui n'est pas propre au
droit fiscal.
2 F-P DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse université de Paris, 1962, p.55.
3 En parallèle avec cette situation, << c'est
à l'administration d'apporter la preuve qu'elle a de son
côté, acquitté les obligations qui pèsent
légalement sur elle >>, (C.E. Plén. 23/06/1986 n°53052
D.F. 86 n°46 comm.2037 et 2041 conclusions Latournerie). A titre d'exemple
lorsque l'administration a l'obligation d'envoyer au contribuable un certain
nombre de documents tels que notifications, avis de vérification, mises
en demeure et que ce dernier nie les avoir reçus.
4 - T.A. 7 juin 1993, req. n°1097 et req. n°1098
(inédits), voir en annexe n°2 de ce mémoire.
|
|
|
: 1098 1097 1993 7 j
|
|
|
|
1984 "
|
|
|
|
? ? ?
|
|
" .
5 Cette position est logique car mettre à la charge de
l'administration la preuve de la non-réception de la déclaration
du contribuable, ce serait lui imposer une preuve négative.
6 En droit tunisien, l'article 60 du CIR fixe les
délais de dépôt des déclarations. << Aux
termes de l'article 60 du code, les délais diffèrent selon la
qualité du contribuable (personnes physiques ou personnes morales), le
mode d'imposition (régime réel ou forfaitaire), la
catégorie de revenu (salaires, pensions et autres) et le montant du
revenu imposable (inférieur ou supérieur à 1500 dinars).
>> H.Ayadi, << Droit fiscal IRPPIS, C.E.R.P., Tunis 1996,
p.336,337.
7 C.E. 20/05/1981 n°18361 D.F. 81 n°46 comm. 2056 ;
C.E. 17/05/1982 n°19338 et 19339 D.F. 82 n°44 comm.2074 ; C.E.
16/06/1982 n°27018 bis D.F 82 n°44 comm.2071 ; C.E. 22/12/1982
n°27846 D.F. 83 n°16-17 comm.854 ; C.E. 13-05-1987 n°46618 D.F.
87 n°30 comm.1463.
8 C.E, 21 novembre 1953, Droit fiscal, 1954, n°6, p.12, les
conclusions du Commissaire du Gouvernement M. LASRY. Voir aussi Maxime
Chrétien, << Chronique de jurisprudence fiscale >>, R.S.L.F.
1954, p.982.
9 Or, la taxation d'office, comme on le verra, entraîne un
renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable.
Voir infra, partie I, chap.II, section I.
10 Selon l'article 47 du C.D.P.F. §2 << La taxation
est également établie d'office, en cas de défaut de
dépôt par le contribuable, des déclarations fiscales et des
actes prescrits par la loi pour l'établissement de l'impôt...
>>.
11 La simple allégation selon laquelle l'administration
aurait refusé de délivrer ce récépissé ne
suffit pas pour renverser la charge de la preuve : C.E. 3/12/1986 n°41389,
B. DALBIES, thèse précitée, p.19.
recommandée avec accusé de
réception1. < Tout autre moyen de preuve est
impitoyablement rejeté par la jurisprudence >>2.
Il va sans dire que le contribuable se trouvera
désarmé s'il ne s'est ménagé aucune preuve. < De
toutes façons, si l'intéressé omet de prendre les
précautions élémentaires, il devra s'en prendre d'abord
à lui-même de sa négligence ou de l'excès de
confiance en les vertus des services administratifs >>3.
Néanmoins, dans un louable souci de préserver
les droits des contribuables, < une information appropriée
>>4 de ces derniers est nécessaire. Dans
l'imprimé de déclaration, on pourrait ajouter, au minimum :
n'oubliez pas, soit d'envoyer votre déclaration par la poste avec
accusé de réception, soit de déposer votre
déclaration auprès du service mais en exigeant un
récépissé5. < Le conseil est utile car, si
la chose est rare, il arrive que les déclarations soient
égarées sinon par l'administration postale du moins par
l'administration fiscale >>6.
Par ailleurs, en droit français, concernant les
déclarations fiscales électroniques via Internet, il convient de
souligner que la déclaration en ligne < une fois envoyée,
l'internaute recevra immédiatement un accusé de réception
horodaté, qui constitue une preuve légale de sa
déclaration aux yeux du fisc >>7.
Le droit tunisien, qui ne consacre pas encore la
possibilité de transmission d'une déclaration via Internet,
consacre toutefois la possibilité de dépôt d'une
déclaration sur support électronique8. En
1 En droit fiscal français, le décret
n°83-1025 du 28/11/1983 précise qu'en matière de
procédure administrative non contentieuse, l'administration doit
toujours accuser réception des demandes qu'elle reçoit, D.F. 84
n°4 comm.67.
2 C.E. 11/07/1984 n°34537 R.J.F. 10/84 n°1229 :
attestation d'un conseil fiscal indiquant qu'il s'est acquitté dans les
délais des obligations de déclaration.
3 F-P DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p.58.
4 L'expression est empruntée du professeur AMSELEK, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
(actes des journées d'études organisées par la
société française de droit fiscal à Strasbourg 3 et
4 mai 1979), Annales de la faculté de Droit et des Sciences Politiques
et de l'institut de recherches juridiques, politiques et sociales de
Strasbourg, Tome XXXI, L.G.D.J. 1980, p.74.
5 AMSELEK, discussion in << La taxation d'office
à l'impôt sur le revenu >>, ibid, p.74.
Selon l'article 45, ann.III, CGI, lorsque le contribuable
porte sa déclaration, il peut demander récépissé de
son dépôt au service. Sophie LAMBERT-WIBER, thèse
précitée, p. 177, 178.
6 Maxime Chrétien, << Chronique de jurisprudence
fiscale >>, R.S.L.F. 1954, p.982.
7 Voir document en annexe N°5 de ce mémoire,
intitulé << Bercy simplifie la déclaration d'impôts
sur le revenu >>. En France, deux nouveaux services sont proposés
aux contribuables par l'administration fiscale à partir du 11 mars 2002
:
http://www.Impots.gouv.fr
et
http://www.minefi.gouv.fr
, qui permettent de faire une déclaration de revenu en ligne mais
aussi de l'envoyer en ligne aux services fiscaux, tout en recevant un
accusé de réception qui fera foi contre l'administration.
Pour assurer la confidentialité des données fournies par
les contribuables, le ministère a mis en place un système de
certificat électronique qui doit permettre à l'internaute de
signer et sécuriser ses transmissions, qui est transmis dès la
première connexion. De plus, tout particulier va pouvoir consulter en
ligne son dossier fiscal. Ce système doit s'ouvrir progressivement
à tout type d'impôt.
8 Il ne faut pas confondre entre d'une part les
déclarations en ligne et d'autre part le dépôt des
déclarations fiscales sur support électronique.
-Le droit tunisien consacre, à l'heure actuelle,
seulement la déclaration fiscale sur support électronique. Ainsi,
L'article 58 de la loi de finances n°2000-98 du 25 décembre 2000
dispose que : << Les personnes morales et les personnes physiques
soumises à l'impôt selon le régime réel peuvent
produire les déclarations, listes et relevés comportant des
renseignements destinés à l'administration fiscale ou aux
services du recouvrement de l'impôt sur supports magnétiques
intelligibles pouvant être consultés en cas de besoin,
accompagnés de bordereaux de transmission selon un modèle
établi par l'administration.
L'application de ce dispositif libère
l'intéressé de l'obligation de produire les déclarations,
listes et relevés susvisés sur papier. Le champ et les
modalités d'application du présent article sont fixés par
décret. >> Il s'agit du décret n°2001 -2802 du 6
décembre 2001, portant fixation de la procédure de
dépôt de déclaration, états ou relevés
fiscaux sur support électronique.
effet, les personnes morales et les personnes physiques
soumises à l'impôt selon le régime réel peuvent
être autorisées à déposer leurs déclarations
fiscales sur support électronique1. Se pose alors la question
de savoir comment se fait la preuve de ce dépôt ?
Le décret n°2001 -2802 du 6 décembre 2001 a
fixé la procédure de dépôt de la déclaration
fiscale
électronique. Il prévoit que le support
électronique est déposé auprès du bureau de
contrôle
compétent. Il est accompagné d'un bordereau de
transmission (imprimé administratif). Il donne lieu
à un « récépissé
d'acceptation provisoire >>2 . Ce
récépissé d'acceptation provisoire peut-il constituer
un moyen de preuve du respect par le contribuable de ses obligations
déclaratives 3 ?
Par ailleurs, il convient de préciser qu'en droit
tunisien la technique d'accusé de réception - consacrée
expressément concernant les comptabilités
informatisées4- n'est consacrée qu'implicitement
s'agissant du dépôt des déclarations. L'article 59 du
C.I.R., qui consacre l'obligation de souscription et de dépôt de
déclaration annuelle, ne prévoit pas expressément la
technique d'accusé de réception5. Toutefois, cette
technique peut être dégagée implicitement de l'article 109
du C.D.P.F. selon lequel : « L'abonnement au réseau
téléphonique ainsi que la délivrance des permis de
construire ... sont subordonnés à la production d'une copie de la
quittance de dépôt de la dernière déclaration...
>>6. De même, l'article 8 du C.D.P.F. cite le terme
« quittance >>.
Par ailleurs, on ne voit pas pourquoi le législateur
consacre expressément la technique d'accusé de réception
concernant les notifications adressées par l'administration au
contribuable7, et
Sur la déclaration fiscale électronique, voir :
-Mireille ANTOINE, Marc ELOY, Jean-François BRAKELAND, << Le droit
de la preuve face aux nouvelles technologies de l'information, aspects
techniques et juridiques du transfert et de la conservation des documents
>>, Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit,
Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur, 1991, p.112 et
s. ;
- Patrick MICHAUD, << Le droit de la preuve informatique
en comptabilité et fiscalité >>, in colloque <<
Informatique, télématique et preuve >>, du 10 novembre
1995, Les Petit, dues Affiches 29 mai 1996, n°65.
- Paul MARCHAUD, << L'informatique comme mode de preuve en
France >>, Revue juridique et politique 1985, n° 1-2.
1 L'article 58 de la loi de finances n°2000-98 du 25
décembre 2000 pour l'année 2001. Il convient de préciser
que cet article a été modifié par la loi de finances pour
l'année 2003, n°2002-101 du 17 décembre 2002. L'article 66
de cette nouvelle loi de finances a ajouté à l'article 58
précité le paragraphe suivant : << Le
dépôt sur supports magnétiques des déclarations,
listes et relevés est obligatoire pour les contribuables
qui tiennent leur comptabilité par des moyens informatiques et dont le
chiffre d'affaires brut annuel dépasse un montant qui sera fixé
par arrêté du ministre des finances. Les modalités
d'application de la présente mesure sont fixées par décret
>>.
2 Article 3 du décret du 6 décembre 2001.
3 La réponse est par la négative. Voir les
articles 3 et 4 du décret du 6 décembre 2001
précité.
4 Selon l'article 62 §2 du C.I.R. << Les personnes qui
tiennent leur comptabilité sur ordinateur doivent :
- déposer, contre accusé de réception,
au bureau de contrôle des impôts dont elles relèvent un
exemplaire du programme initial ou modifié sur support
magnétique,... >>.
Sur la question des comptabilités informatisées
voir : Neila CHAABANE, << Le contrôle des comptabilités
informatisées en droit fiscal tunisien >>, in Mélanges en
l'honneur de Habib AYADI, C.P.U. 2000, p.33 1.
5 L'article 59§I du C.I.R. dispose que : << En vue
de l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt
sur les sociétés, toute personne soumise à l'un de ces
impôts ou dont elle est exonérée est tenue de souscrire
selon le modèle établi par l'administration une
déclaration annuelle de ses revenus ou bénéfices ou une
déclaration de plus-value lorsqu'il s'agit de cas de cessions
visées à l'article 27-2 et 3 du présent code et de la
déposer à la recette des finances du lieu d'imposition >>.
Le législateur aurait dû ajouter << ... .contre
accusé de réception >>.
6 Il convient de préciser qu'avec l'avènement d'un
deuxième réseau téléphonique ( opérateur
privé), il est nécessaire d'abandonner la condition de production
d'une quittance de dépôt de la dernière déclaration.
7 L'article 10 du C.D.P.F. dispose que <<Les demandes et significations
de l'administration fiscale... peuvent être notifiées... par
lettre recommandée avec accusé de réception
>>. C'est ainsi par exemple s'agissant de la notification de l'avis
de vérification approfondie (Art.39 C.D.P.F.), de la notification des
redressements (Art.43 C.D.P.F.), de la notification de l'arrêté de
taxation d'office (Art. 51 C.D.P.F. ). Faut-il rappeler que c'est
l'administration qui supporte la charge de la preuve de l'accomplissement de
ces formalités. Le législateur vient
garde le silence s'agissant de la déclaration transmise
par ce dernier à l'administration. L'inégalité de
traitement entre les deux parties n'est-elle pas liée à la
perception que l'on a du contribuable ?
De toute façon, une réforme de la
procédure fiscale, prévoyant expressément une
procédure d'accusé de réception en matière de
dépôt des déclarations, devrait sans doute protéger
le contribuable au niveau de la preuve, et rééquilibrer la
situation.
Quoi qu'il en soit, lorsque le contribuable est en situation
régulière vis à vis de ses obligations déclaratives
et comptables, il bénéficie de la présomption d'exactitude
de la déclaration et la charge de la preuve incombe à
l'administration fiscale. « C'est dire à quel point le contribuable
moyen peut se sentir protégé lorsqu'il a rempli ponctuellement et
aussi exactement que possible ses obligations déclaratives et
comptables, et qu'il détient les documents justificatifs
nécessaires >>1. Cette affirmation, vérifiable
en droit fiscal français, n'est qu'un mythe en droit fiscal tunisien. Le
contribuable « honnête >> ne peut pas, malheureusement, se
sentir protégé puisqu'il y a une généralisation du
renversement de la charge de la preuve au détriment du
contribuable2.
au secours de l'administration fiscale en lui facilitant
l'administration de cette preuve. Sur la question du secours législatif
en faveur du fisc en matière d'administration de la preuve, voir
infra.Partie II, chap.I.
1 Yves LHERMET, article précité, p.141.
2 Peu importe qu'il ait ou non respecté ses obligations
déclaratives et comptables. Voir infra, PartieI, chap.II, sectionI.
CHAPITRE II : LA GENERALISATION DU RENVERSEMENT DE LA
CHARGE DE LA PREUVE AU DETRIMENT DU CONTRIBUABLE
Le législateur tunisien, gardant le silence concernant
la charge de la preuve incombant à l'administration fiscale, a en plus
doté celle-ci de mécanismes lui permettant de renverser la charge
de la preuve au détriment du contribuable1. « C'est
là qu'apparaît le machiavélisme de la procédure
fiscale >>2 . Il s'agit du piège de la taxation
d'office (SECTION I) et du jeu des présomptions
légales (SECTION II).
Section I : Le piège de la taxation
d'office
« Introduire la taxation d'office, c'est prendre le
risque de présenter une institution particulièrement antipathique
du droit fiscal, dont la seule appellation suscite immédiatement des
évocations fort désagréables à la conscience des
contribuables que nous sommes >>3. « Cette expression
même `taxation d'office', cette locution d'office traduit bien la
passivité de l'intéressé >>4.
1 La volonté législative de renverser la charge de
la preuve au détriment du contribuable apparaît aussi dans le
contentieux fiscal pénal :
*Article 108 : << La charge de la preuve incombe
à l'administration pour les infractions prévues par les Articles
94, 98, 99 et 101 du présent code. >>
*Article 71 : << Les procès-verbaux
relatifs aux infractions fiscales pénales sont établis par deux
agents assermentés ayant constaté personnellement et directement
les faits qui constituent l'infraction, ces procèsverbaux font foi
jusqu'à preuve du contraire. >>
Il faut noter que la force probante particulière qui
s'attache à ces procès-verbaux << porte atteinte à
la présomption d'innocence en opérant un renversement de la
charge de la preuve au détriment du prévenu >> G. Klein,
<< La répression de la fraude fiscale : Etude sur le
particularisme du droit pénal des impôts >>, thèse,
Nancy II, 1975, p.415.
*Article 72 : << Le procès-verbal
constatant l'infraction doit mentionner les indications suivantes :
1- la date, l'heure et le lieu du procès-verbal ;
2- la nature de l'infraction commise ;
3- les nom, prénoms et profession du contrevenant lorsque
celui-ci est une personne physique ou la raison sociale et l'adresse lorsque le
contrevenant est une personne morale ;
4- les procédures afférentes aux saisies
opérées avec description des documents, marchandises et objets
saisis ;
5- la signature du contrevenant ou de son représentant
ayant assisté à l'établissement du procès-verbal ou
la mention, selon le cas, de son absence ou de son refus de signer ;
6- le cachet du service dont relèvent les agents
verbalisateurs et les nom, prénoms et signature de ces agents. >>
Cet article 72, qui fixe les indications que le procès-verbal doit
mentionner, ne contient aucune mention qui concerne les preuves d'infractions
dans le procès-verbal.
Ces deux articles entraînent un renversement de la
charge de la preuve qui incombe en fait au contribuable, alors
même que l'article 108 du C.D.P.F attribue la charge de la preuve
à l'administration fiscale. Il s'agit d'une subtile dialectique du
législateur qui accorde d'un côté et qui retire de
l'autre.
- Voir sur la question de la force probante attachée aux
procès-verbaux des agents des impôts :
G. KLEIN, << La répression de la fraude fiscale :
Etude sur le particularisme du droit pénal des impôts >>,
thèse, Nancy II, 1975, p.407 à 418 ; Th. AFSCHRIFT, op. cit,
p.267-285 et p.407- 418 ; Y. MESTAOUI, << Le contentieux fiscal >>,
juin 1998, p1 14, 118, 120, 162.
. 1990 19/18/17 - " "
2 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34,
D.F. 1984, n°14, comm. 694.
3 Paul AMSELEK, rapport général introductif, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
op. cit, p.19.
4 Ibid., p. 22.
La législation fiscale, tout en utilisant l'expression
taxation d'office1, n'en donne aucune définition. En
l'absence de définition législative, la doctrine définit
la taxation d'office comme étant << une procédure qui
permet à l'administration de fixer unilatéralement les
bases de l'imposition. Elle se caractérise essentiellement par deux
traits :
- l'imposition est établie par l'administration en
marge de toute procédure contradictoire2 ;
- le contribuable perd le bénéfice de la
présomption d'exactitude attachée à sa
déclaration. Il lui appartient, s'il veut contester les bases
d'imposition, de faire la preuve de son exagération devant le juge de
l'impôt >>3.
Ainsi, en matière de taxation d'office, il y a
renversement de la charge de la preuve. << La preuve qui lors du
contrôle, incombait à l'administration4 pèse
désormais sur le contribuable >>5. Il s'agit bien, ici,
d'une charge de la preuve devant le juge6.
La doctrine est unanime à présenter la taxation
d'office comme une institution du droit fiscal jouant le rôle de <<
sanction >> du non-respect par le contribuable de l'obligation de
coopérer avec l'administration à laquelle il est tenu dans le
cadre du système de la déclaration
contrôlée7.
Une procédure aussi << antipathique >>, vu
son caractère unilatéral, ses conséquences rigoureuses et
son rôle de << sanction >>, devrait normalement être
exceptionnelle. Or, en droit tunisien, la taxation d'office, par la
généralité de ses cas d'ouverture, entraîne la
généralisation du renversement de la charge de la preuve et la
mise en échec injustifiable de la présomption d'exactitude de la
déclaration (paragraphe I). Par ailleurs, la taxation
d'office, par son caractère d'acte
administratif8exclusivement unilatéral, place automatiquement
le contribuable qui la conteste en position de demandeur ce qui entraîne
la méconnaissance de la notion de demandeur effectif (
paragraphe II ).
1 La taxation d'office est régie par les articles 47
à 52 du C.D.P.F..
2 Cela signifie que la taxation d'office << exclut
toute obligation pour l'administration de dialoguer avec le contribuable, de
prendre son avis >>. P. AMSELEK, ibid., p.21.
Le commissaire du gouvernement MANDELKERN, à partir
d'une analyse de la notion d'<< action d'office >>, a montré
que le terme taxation d'office vise la situation dans laquelle un droit
d'action unilatérale, exclusif de la procédure contradictoire,
est ouvert à l 'administration.
C.E. 23 janvier 1974, req. 84802, concl. MANDELKERN, D.F.
1974, n°16, comm. 478.
3 Habib AYADI, << Droit fiscal >>, C.E.R.P.,
Tunis, 1989, p.488.
4 << L'on sait que, puisque la déclaration du
contribuable bénéficie d'une présomption d'exactitude, il
appartient à l'administration de prouver son inexactitude >>. H.
AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de
consommation et contentieux fiscal >>, op. cit, p.243. Voir sur ce point,
supra, Partie I, Chap.I., Sect.I et II.
5 H.AYADI, ibid., p.243
6 Aux termes de l'article 65 du C.D.P.F. : << le
contribuable taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la
réduction de l'impôt porté à sa charge qu'en
apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations,
de ses ressources réelles ou du caractère exagéré
de son imposition >>. Cet article 65 règle la question de la
charge de la preuve au niveau juridictionnel. En effet, il figure dans le titre
II du C.D.P.F. intitulé << droits de recours juridictionnels en
matière fiscale >>, au sein du chapitre 1er
consacré au << contentieux de l'assiette de l'impôt
>>.
7 Voir dans ce sens Paul AMSELEK, rapport
général introductif, in << La taxation d'office à
l'impôt sur le revenu >>, op. cit, p.32. Voir dans le Même
sens, M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la défense en
droit fiscal >>, thèse précitée, p. 51.
8 La taxation d'office est prise sous la forme d'un
arrêté ministériel. La taxation d'office est établie
au moyen d'un arrêté motivé par le ministre des finances ou
par la personne déléguée par ledit ministre à cet
effet.
Paragraphe I : La taxation d'office et la mise en
échec injustifiable de la présomption d'exactitude de la
déclaration1
Que la taxation d'office, en droit tunisien, entraîne
un renversement de la charge de la preuve et une perte du
bénéfice de la présomption d'exactitude de la
déclaration, cela n'a en soi rien d'étonnant et rien d'original.
D'ailleurs, la solution est retenue dans plusieurs pays2. Mais, le
danger en droit tunisien réside dans la notion même de «
contribuable taxé d'office ». La délimitation de cette
notion est très importante puisqu'elle conditionne le renversement de la
charge de la preuve. Toute extension de cette notion entraîne une
extension du renversement et vice versa.
La dévolution de la charge de la preuve résulte
de la seule circonstance que le contribuable se trouve taxé d'office.
Or, en droit fiscal tunisien, les cas de recours à la taxation d'office
sont très généraux (A), de sorte que le
renversement de la charge de la preuve devient général, et
constitue le principe. A cela s'ajoute le fait que le rejet de
comptabilité -dont l'utilisation est étroitement liée
à la procédure de taxation d'office3- demeure une
notion ambiguë (B).
A- La généralité des cas
d'ouverture de la taxation d'office
Si en droit fiscal français la taxation d'office se
caractérise par son caractère exceptionnel4, il n'en
est pas ainsi en droit tunisien. Conformément aux dispositions de
l'article 47 du C.D.P.F., l'administration peut recourir à la taxation
d'office non seulement en cas de défaut de dépôt de
déclaration (a), mais aussi en cas de désaccord entre
l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la
vérification fiscale préliminaire ou approfondie5
(b).
a- La taxation d'office en cas de défaut de
dépôt de déclaration6
Selon l'article 47 §2 du C.D.P.F. : « La taxation est
également établie d'office, en cas de défaut de
dépôt par le contribuable, des déclarations fiscales et des
actes prescrits par la loi pour
1 La perte du bénéfice de la présomption
d'exactitude de la déclaration et le renversement de la charge de la
preuve -conséquences inhérentes à la taxation d'office-
sont liées normalement au non-respect par le contribuable de ses
obligations déclaratives et comptables. Toutefois, en droit tunisien la
taxation d'office peut atteindre des contribuables en situation
régulière. D'où une mise en échec injustifiable de
la présomption d'exactitude de la déclaration.
2 La France : selon l'article L.193 du livre des
procédures fiscales << Dans tous les cas où une imposition
a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au
contribuable qui demande la décharge ou la réduction de
l'imposition >>.
La Belgique : l'article 352 du code des impôts
sur les revenus de 1992 dispose que << Lorsque le contribuable est
taxé d'office, la preuve du chiffre exact de ses revenus imposables et
des autres éléments à envisager dans son chef lui incombe
>>.
3 Habib AYADI, << Droit fiscal >>, C.E.R.P.,
Tunis, 1989, p.489.
4 << L'article 65 du L.P.F., crée pour
introduire la section V réservée aux procédures
d'imposition d'office, présente l'intérêt de rappeler que
ces procédures, dérogatoires au droit commun, sont
limitativement énumérées par la loi >> LPF
annoté p.160.
La charte du contribuable française, p.15
prévoit que << dans le cas général, il s'agit de la
procédure de redressement contradictoire....
Dans des cas très limités, des
procédures d'office ou exceptionnelles peuvent être
utilisées >>.
5 L'article 47 cite aussi le cas de défaut de
réponse aux résultats de la vérification fiscale.
6 Ce type de manquement a en Tunisie une ampleur relativement
importante, ce qui dénote à la fois d'une incompréhension
du contribuable de ses obligations fiscales, et d'une certaine
résistance des contribuables à l'impôt. Voir les chiffres
avancés par le ministre des finances dans le cadre des débats
parlementaires relatifs au projet du code des droits et des obligations
fiscales, J.O.R.T. débats de la chambre des députés, 26
juillet 2000, n°39, p.1 889. Voir Slim KAMOUN, << La taxation
d'office >>, in Colloque, << Le code des droits et des
procédures fiscaux >>, colloque organisé par l'A.T.D.F., la
faculté de droit de Sfax et le conseil régional de l'ordre des
avocats de Sfax, le 18 et 19 avril 2001 à Syphax, Sfax, p.12. R.J.L.
2002, n°2, spécial fiscal, p. 9-50.
Le ministre des finances, dans les discussions de la loi de
finances 2002 a estimé que plus de 40% des contribuables ne payent pas
leur impôt ou ne le font pas dans les délais requis.
l'établissement de l'impôt, et ce, dans un
délai maximum de trente jours à compter de la date de sa mise en
demeure, conformément aux procédures prévues par l'Article
10 du présent code >>. La taxation d'office sanctionne dans ce cas
un contribuable défaillant qui n'a pas respecté ses obligations
de dépôt de déclaration ou de tenue de
comptabilité1. Ce cas de taxation d'office appelle deux
observations.
D'une part, la taxation d'office est justifiable dans ce cas.
Elle joue ici son rôle naturel, celui de sanctionner le non-respect par
le contribuable de ses obligations déclaratives2. En effet,
dans un système fiscal essentiellement fondé sur la participation
active du contribuable à la détermination de la base imposable,
il est fondamental de sanctionner le défaut ou le retard dans le
dépôt de la déclaration3. « L'absence de
toute sanction enlèverait une partie de son efficacité au
système de la déclaration contrôlée et pourrait
conduire à une situation dans laquelle il serait particulièrement
délicat pour l'administration de prouver l'exactitude des bases retenues
pour l'imposition faute de déclaration >>4. Le
défaut de dépôt de déclaration constitue une «
défaillance manifeste >>.
D'autre part, ce cas de taxation d'office correspond bien
à la notion de taxation d'office. La taxation d'office est
établie, unilatéralement, en marge de toute procédure
contradictoire5. Selon l'article 49 du C.D.P.F.: « Dans le cas
prévu par le deuxième paragraphe de l'Article 47 du
présent code, la taxation est établie nonobstant les
procédures prévues par les Articles 43 et 44 du présent
code >>6.
1 Selon le texte : la taxation est également
établie d'office, en cas de défaut de dépôt par le
contribuable, des déclarations fiscales et des actes prescrits par la
loi pour l'établissement de l'impôt.
2 Cette taxation d'office « sanctionne une faute du
contribuable, et plus précisément une défaillance dans
l'accomplissement de son devoir de collaborer avec l'administration
».
P. AMSELEK, rapport général introductif, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
op. cit., p.32.
3 Le retard dans le dépôt d'une déclaration
est assimilé à un défaut de déclaration.
4 Sophie LAMBERT-WIBER, thèse précitée,
p.247.
5 Selon la note commune 10/2002, la taxation d'office
prévue par le §2 de l'article 47 est établie selon des
<< procédures simplifiées >>,
c'est-à-dire << sans respecter les procédures relatives
à la notification des résultats de la vérification et
à la discussion de ces résultats avec le contribuable >> ;
Note commune n° 10/2002 relative au commentaire des dispositions des
articles 47 à 52 du code des droits et procédures fiscaux
relatives à la taxation d'office. Voir annexe n°3 de ce
mémoire.
Il convient de préciser que la privation de la
procédure contradictoire est logique dans ce cas. En effet, la doctrine
est unanime sur le fait que l'utilisation d'une procédure de
redressement contradictoire suppose le dépôt préalable
d'une déclaration. Voir dans ce sens Dalbies BERANGERE, thèse
précitée, p.1 89.
La jurisprudence française a eu souvent l'occasion de
rappeler que les garanties de la procédure contradictoire ne
s'appliquent pas aux contribuables qui font l'objet d'une procédure
d'office. A titre d'exemple : C.E. 24/07/1981, n°16888, 16889 et 16890,
D.F. 1981, n°51, comm.2309, conclusions RIVIERE ; C.E. 26/06/1987,
n°49407, R.J.F. 8-9/87, n°877.
6 Ces deux articles concernent la procédure
contradictoire :
- Article 43 : L'administration fiscale notifie au contribuable,
par écrit, les redressements relatifs à sa situation fiscale. La
notification s'effectue conformément aux procédures
prévues par l'Article 10 du présent code. La notification
comporte notamment :
- la nature de la vérification fiscale dont a fait
l'objet le contribuable ;
- les chefs de redressements et la méthode retenue pour
l'établissement des nouvelles bases d'imposition ;
- le montant de l'impôt exigible ou les rectifications du
crédit d'impôt, du report déficitaire et des amortissements
régulièrement différés ;
- les pénalités exigibles ;
- l'invitation du contribuable à formuler ses
observations, oppositions et réserves relatives aux résultats de
la vérification, dans un délai de trente jours à compter
de la date de la notification.
- Article 44 : Le contribuable doit répondre par
écrit aux résultats de la vérification fiscale, dans un
délai de trente jours à compter de la date de la notification.
b- La taxation d'office en cas de désaccord sur
les résultats de la vérification fiscale
Selon l'article 47 §1 du C.D.P.F. < La taxation est
établie d'office en cas de désaccord entre l'administration
fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification
fiscale préliminaire ou approfondie prévues par l'Article 36 du
présent code, ou lorsque ces résultats n'ont pas fait l'objet
d'une réponse écrite dans le délai prévu par
l'Article 44 du présent code >>. Dans ce cas, la taxation d'office
est infligée à l'encontre d'un contribuable qui a
déposé sa déclaration et qui a fait l'objet d'une
vérification fiscale au terme de laquelle il y a eu un <
désaccord >> entre l'administration et le contribuable. Il s'agit
d'une taxation d'office précédée d'une procédure de
redressement contradictoire. Ce cas de taxation d'office appelle trois
observations :
La première observation est d'ordre terminologique. La
qualification de taxation d'office dans ce cas est inadéquate et jette
la confusion sur le concept même de taxation d'office. En effet, comme on
l'a déjà précisé, ce qui caractérise la
taxation d'office c'est qu'elle est établie en marge de toute
procédure contradictoire. Un commissaire du gouvernement, à
partir d'une analyse de la notion d'< action d'office >>, a
montré que le terme taxation d'office vise la situation dans laquelle un
droit d'action unilatérale, exclusif de la procédure
contradictoire, est ouvert à l'administration1.
A cet égard, on ne peut que condamner l'usage
terminologique équivoque de la notion de taxation d'office. Le
législateur tunisien emploie le terme taxation d'office pour
désigner deux sortes de redressements. Le redressement
contradictoire2 et le redressement unilatéral3.
Cette confusion terminologique entre la procédure contradictoire et
celle d'office est dangereuse pour les droits des contribuables. Il ne s'agit
pas d'une simple querelle de mots. En réalité, l'emploi du terme
taxation d'office dans ce cas fonctionne comme un < piège >>
qui sert à étendre les conséquences sévères
de cette procédure unilatérale4 à des
contribuables qui bénéficiaient normalement de la
procédure de redressement contradictoire.
En droit fiscal français, le contribuable qui a
déposé sa déclaration bénéficie de la
présomption d'exactitude de la déclaration et de la mise en
oeuvre d'une procédure de redressement contradictoire5. Cette
procédure offre une garantie précieuse au profit du contribuable
: il s'agit de l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale, en cas de contentieux
ultérieur6.
1 CE 23 janvier 1974, req. 84802, concl. MANDELKERN, D.F. 1974,
n°16, comm. 478.
D'ailleurs, en droit fiscal français, l'article L.56 du
L.P.F. dispose clairement que << la procédure de redressement
contradictoire n'est pas applicable :
4 - Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des
bases d'imposition >>.
2 Le cas prévu par l'aricle 47 § 1 du C.D.P.F.
3 Le cas prévu par l'article 47§2 du C.D.P.F.
4 Faut-il rappeler que ces conséquences
sévères sont : la perte du bénéfice de la
présomption d'exactitude de la déclaration et le renversement de
la charge de la preuve.
5 Selon l'article L.55 du L.P.F. << sous réserve
des dispositions de l'article L56, lorsque l'administration des impôts
constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation
dans les éléments servant de base au calcul des impôts,
droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code
général des impôts, les redressements correspondants
sont effectués suivant la procédure de redressement
contradictoire définie aux articles L57 à L 61A >>.
6 Selon l'article L.192 du L.P.F. << lorsque l'une des
commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou
d'un redressement, l 'administration supporte la charge de la preuve en
cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la
commission >>.
Il convient de souligner que l'article L. 192 du L.P.F.
<< ne concerne a priori que le cas où la commission
départementale a été saisie. Mais il est vrai que cet
article peut se lire comme exprimant la règle, plus
générale, suivant laquelle la preuve du bien-fondé d'un
redressement incombe en principe à l'administration dès lors que
ce redressement est contesté. >> M. le commissaire du gouvernement
J. Arrighi de Casanova, Conclusions sur C.E. 20 mai 1998, req. n°159877,
Sté Veticlam, D.F. 1998, n°44, comm. 979, p.1390.
Malheureusement, la législation tunisienne,
contrairement au droit français, ne consacre pas une distinction claire
entre la procédure de redressement contradictoire et celle de la
taxation d'office en réservant à chacune des caractères
propres et des conséquences différentes au niveau de la charge de
la preuve1. En droit tunisien, on peut parler d'une <<
consécration amputée >> 2 de la procédure
contradictoire.
La deuxième observation concerne le motif du recours
à la taxation d'office. Selon l'article 47 §1 du C.D.P.F., la
taxation d'office est établie << en cas de désaccord
>> entre le contribuable et l'administration sur les résultats de
la vérification fiscale. Le terme << en cas de désaccord
>> est très général, << c'est en fait un
fourre-tout, on peut tout y mettre >>3. Est-il
nécessaire de rappeler que les dispositions trop générales
et imprécises doivent être évitées du moment
où elles ne font que conférer à l'administration un
pouvoir discrétionnaire trop large4. En effet, il serait
facile à l'administration fiscale de provoquer la taxation d'office et
le renversement de la charge de la preuve au nom d'un désaccord sur les
résultats de la vérification. Or, comme l'a précisé
un auteur français, depuis 1962, << la taxation d'office,
fondée sur une évaluation indirecte de la matière
imposable, ne saurait être appliquée de façon
générale : son rôle est tout naturellement celui d'une
sanction contre les contribuables défaillants >>5.
<< La taxation d'office est une procédure d'exception6
à l'intérieur du droit fiscal qui lui-même un droit
d'exception, un `droit odieux' >>7.
La troisième observation concerne le rôle de la
taxation d'office en droit fiscal tunisien. Celle-ci ne joue pas son rôle
naturel, celui d'une sanction contre un contribuable défaillant. Mais
elle pèse comme une << menace >> contre un contribuable qui
n'aurait pas abouti à un accord avec l'administration au terme de la
procédure contradictoire. A cet égard, elle peut conduire
à sanctionner un contribuable << honnête >>, en
situation régulière vis à vis de ses obligations
déclaratives et comptables, mais qui a eu << le tort >> de
ne pas accepter les résultats de la vérification fiscale
préliminaire8 ou approfondie.
Il est regrettable que le législateur tunisien ait
conféré à l'administration fiscale << l'arme
>> de la taxation d'office, << sans se préoccuper de savoir
si, à l'image d'une arme chimique ou d'une bombe atomique, l'arme ne
détruit pas des innocents en même temps que les coupables. La fin
justifie-t-elle les moyens ? La lutte contre la fraude fiscale doit-elle
détruire, en même temps, le bon grain et l'ivraie >>
9?
Il regrettable aussi que le législateur -à
travers l'article 65 du C.D.P.F.- consacre une solution générale
selon laquelle le contribuable taxé d'office supporte la charge de la
preuve en cas de contestation. Le législateur tunisien, et aussi
étonnant que cela puisse paraître, n'a pas réservé
un traitement différentiel selon que le contribuable a ou non
respecté ses obligations déclaratives. Il
1 Voir le tableau précité résumant les
règles d'attribution de la charge de la preuve en droit fiscal
français, annexe n°4 de ce mémoire.
2 Rym BEJAOUI, << Les apports du code des droits et des
procédures fiscaux en matière des procédures de
contrôle et d'imposition >>, mémoire D.E.A. en droit des
affaires, Faculté des Sciences Juridiques, politiques et sociales Tunis
II, 2000-2001, p.112 et s.
3 Mahmoud MTIR, << La taxation d'office en droit fiscal
tunisien : comparaison des dispositions du code de l'IRPP et du CDPF >>,
R.C.F., n°57, 2002, p. 71.
4 Fayçal DERBEL, << Comptabilité et
vérification fiscale >>, R.C.F., n°49, 2000, p.40.
5 F-P DERUEL, << Quelques aspects du problème de la
preuve en matière fiscale >>, D.F., 1962, n°37, p.48.
6 En droit français, l'article 65 du L.P.F.,
crée pour introduire la section V réservée aux
procédures d'imposition d'office, présente l'intérêt
de rappeler que ces procédures, dérogatoires au droit commun,
sont limitativement énumérées par la loi.
La charte du contribuable française, p.15 prévoit
que << dans le cas général, il s'agit de la
procédure de redressement contradictoire....
Dans des cas très limités, des
procédures d'office ou exceptionnelles peuvent être
utilisées.>>.
7 Paul AMSELEK, rapport général introductif, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
op. cit., p.19.
8 Il convient de préciser que la taxation d'office suite
à une vérification préliminaire, qui est une
nouveauté apportée par le C.D.P.F., constitue un
élargissement dangereux des cas d'ouverture de la taxation d'office. 9
Patrick SERLOOTEN, << Etude critique du statut fiscal du conjoint
salarié du commerçant >>, in mélanges offerts
à André COLOMER, p.443, 444.
n'est pas exagéré d'affirmer que si le
renversement de la charge de la preuve au contribuable se justifie en cas de
défaut de dépôt de déclaration, il demeure, à
notre sens, critiquable en cas d'existence d'une déclaration.
La généralisation du renversement
présente le désavantage de traiter à parité les
contribuables remplissant correctement leurs obligations fiscales et ceux qui
sont défaillants. L'alignement des régimes est critiquable.
Le remède à cette situation critiquable
reposerait sur deux axes essentiels : d'une part, la nécessité
d'une distinction, au niveau de la charge de la preuve, entre le défaut
de déclaration et l'existence de la déclaration (1)
; et d'autre part, la nécessité de la reconnaissance
d'une charge de la preuve incombant à l'administration fiscale devant le
juge (2).
1- La nécessité d'une distinction, au niveau
de la charge de la preuve, entre le cas de défaut de déclaration
et celui de l'existence de la déclaration
Normalement, le recours à la procédure de
taxation d'office devrait entraîner des conséquences
spécifiques selon que le contribuable a fait ou non sa
déclaration1. Le contribuable ayant déposé sa
déclaration, celle-ci étant présumée
sincère, la charge de la preuve contraire doit incomber à
l'administration. En revanche, s'il a omis de déposer sa
déclaration, il supportera la charge de la preuve à titre de
sanction. Plusieurs raisons militent en faveur d'une telle différence de
traitement.
D'abord, il est choquant qu'un contribuable qui n'a pas fait
de déclaration soit traité de la même manière que
celui qui a produit sa déclaration. D'ailleurs, comme l'a affirmé
Aristote « l'égalité est plus parfaite si l'on traite
inégalement les choses inégales >>.
Ensuite, le respect volontaire et spontané de la loi
fiscale implique une nette distinction entre les contribuables qui respectent
la loi fiscale et ceux qui ne la respectent pas2.
En plus, l'adéquation entre le manquement et la
sanction exige une telle distinction. Selon l'heureuse expression de Maurice
COZIAN : « la meilleure fraude, c'est encore la fraude par
abstention3. L'individu qui envoie une déclaration biscornue,
cela saute aux yeux. Il en va tout différemment avec l'individu qui, au
contraire, reste dans l'ombre, qui ne bouge pas une année, deux
années, trois années ; de temps en temps, évidemment, il y
a un réveil, mais je crois que la fraude la plus difficile à
déceler reste l'abstention >>4. Ainsi, « le
défaut de déclaration constitue une faute plus grave que le fait
de tromper le fisc dans sa déclaration ! Dans ce dernier cas, en effet,
la bonne foi reste présumée >>5 et c'est
à l'administration fiscale de prouver l'inexactitude de la
déclaration.
1 Habib AYADI, << Droit fiscal >>, 1989, p. 488.
2 << Analyse comparative des administrations fiscales,
rapport de l'inspection générale des finances, in les notes
bleues de Bercy, n°167, 1999, p.2. >> ; Néji Baccouche,
<< L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de
l'internationalisation de l'économie : Le cas tunisien >>, in
journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El Kantaoui,
édition préliminaire p.96 et s.
3 D'ailleurs, le droit fiscal belge limite le recours à
la taxation d'office aux cas d'abstention. Selon l'article 351
du code belge des impôts sur les revenus de 1992 : <<
l'administration peut procéder à la taxation
d'office...dans les cas oh le contribuable s 'est abstenu
:
- Soit de remettre une déclaration dans les délais
prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises
en exécution de l'article 312 ;
- Soit d'éliminer, dans le délai consenti à
cette fin, le ou les vices de forme dont serait entachée sa
déclaration ;
- Soit de communiquer les livres, documents ou registres
visés à l'article 315
- Soit de fournir dans le délai les renseignements qui
lui ont été demandés en vertu de l'article 316 ;
- Soit de répondre dans le délai fixé
à l'article 346 à l'avis dont il y est question.>>.
Voir en annexe n°1 de ce mémoire, extraits du code
belge des impôts sur les revenus ( C.I.R. 92 ).
4 M. COZIAN, discussion in << La taxation d'office
à l'impôt sur le revenu >>, op. cit, p.75.
5 Vincent NOUZILLE, << Comment éviter les nouveaux
pièges du fisc ? >>, L'express du 17/02/2000,
www.lexpress.fr/info/economie/dossier/fisc/dossier.asp.
Par ailleurs, l'esprit de la législation fiscale
tunisienne conforte la distinction préconisée. A plusieurs
reprises, le législateur consacre un traitement différentiel
selon que le contribuable a ou non déposé sa déclaration.
Un régime plus rigoureux est réservé au contribuable qui
n'a pas fait de déclaration. Ainsi en est-il concernant les
délais de la prescription1, les sanctions
fiscales2, etc. Faut-il aussi rappeler l'avis du conseil
économique et social qui a insisté sur la nécessité
« d'encourager les contribuables transparents et qui déposent leurs
déclarations dans les délais >>3.
Enfin, la raison principale -d'une distinction, au niveau de
la charge de la preuve, entre le contribuable qui a respecté ses
obligations déclaratives et le contribuable défaillant- demeure
le respect de la présomption d'exactitude de la déclaration. Une
telle présomption devrait commander l'attribution de la charge de la
preuve. La logique du système déclaratif, qui repose sur la
confiance, impose une telle solution. A cet égard, « il n'est pas
sain d'entretenir une suspicion constante envers le citoyen, ni surtout de lui
faire entendre qu'il serait digne de confiance alors que les règles de
l'impôt démontrent le contraire >>4.
2- La nécessité de la reconnaissance d'une
charge de la preuve incombant à l'administration fiscale devant le
juge
L'article 65 du C.D.P.F. dispose que : « le contribuable
taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction
de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de
la sincérité de ses déclarations, de ses ressources
réelles ou du caractère exagéré de son imposition
>>. Cet article laisse croire que devant le juge fiscal la charge de la
preuve incombe toujours au contribuable taxé d'office. En effet, il n'y
a aucune allusion législative à une quelconque obligation de
preuve reposant sur l'administration5. Néanmoins, plusieurs
raisons militent en faveur d'une reconnaissance d'une charge de la preuve
incombant à l'administration fiscale devant le juge (2-1),
ce d'autant que la jurisprudence tunisienne consacre une telle
solution (2-2).
2-1- Les justifications d'une charge de la preuve
incombant à l'administration devant le juge
La première raison est que l'attribution de la charge
de la preuve à l'administration fiscale, lors du contrôle, doit se
poursuivre lors de l'exercice d'un recours contentieux. En effet, « il
existe incontestablement une continuité dans la charge de la preuve,
continuité qui anime le contentieux fiscal >>6.
Celle-ci repose sur l'extension de la présomption d'exactitude de la
déclaration au niveau juridictionnel7.
L'arrêté de taxation d'office, établi en
cas de désaccord sur les résultats de la vérification
fiscale, ne doit pas créer une présomption d'inexactitude de la
déclaration au profit de l'administration. La déclaration du
contribuable est présumée exacte, c'est à l'administration
qui la conteste d'en prouver son inexactitude aussi bien lors du contrôle
que devant le juge. L'administration se trouve du point de
1 Voir les articles 19 et 20 du C.D.P.F.
Selon l'article 19, le délai de la prescription est de 4
ans pour les impôts déclarés.
Selon l'article 20 << le délai prévu par
l'article 19 est porté à dix ans pour les impôts non
déclarés... >>.
2 Voir à titre d'exemple les articles 89 et 91 du
C.D.P.F.
3 L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. (1998 Inédit
), p.3. Avis précité, voir supra, p.24.
4 Christophe DE LA MARDIERE, << La déclaration
fiscale >>, R.F.F.P., 2000, n°71, p.144.
5 Ceci bien entendu mis à part l'article 108 du C.D.P.F.
attribuant la charge de la preuve à l'administration fiscale dans le
contentieux fiscal pénal et dont a précisé la
portée, voir supra, chapitre II.
6 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975, p.61.
7 Le législateur aurait dû étendre la
présomption d'exactitude de la déclaration au stade
juridictionnel, en faisant supporter à l'administration fiscale la
charge de la preuve, devant le juge, de l'inexactitude des déclarations.
Et ce par analogie à son attitude en matière de conciliation. En
effet, le législateur a introduit dans le C.D.P.F. (article 60) la
conciliation obligatoire dans le stade juridictionnel. Il a supprimé la
phase de conciliation qui était consacrée au niveau
pré-juridictionnel. (la commission de conciliation).
vue du régime de la preuve, dans la même
situation que s'il n'y avait pas eu d'arrêté de taxation
d'office1.
Ainsi, la preuve juridictionnelle devrait être
commandée par la présomption d'exactitude de la
déclaration. Devant le juge, la charge de la preuve devrait être
répartie en fonction de la présomption d'exactitude de la
déclaration. Ne perdrait le bénéfice de cette
présomption que le contribuable taxé d'office pour défaut
de déclaration. En revanche, le contribuable taxé d'office pour
simple désaccord avec l'administration fiscale sur les résultats
de la vérification, devrait continuer à bénéficier
de cette présomption.
Ensuite, le statut constitutionnel de l'impôt, qui a
comme corollaire pas d'imposition légale sans matière imposable,
sans fait générateur, rend indispensable la reconnaissance d'une
charge de la preuve incombant à l'administration fiscale. En effet, <
admettre que l'administration puisse taxer un contribuable sans être en
mesure d'établir avec certitude et objectivité l'existence et le
montant de la matière imposable serait admettre le risque d'une
imposition sans fait générateur, c'est-à-dire contraire
à la constitution et à la loi : entre le risque d'une imposition
illégale et celui d'un impôt non perçu, il faut courir le
second parce que personne n'a le droit de courir l'autre
>>2.
Par ailleurs, l'attribution de la charge de la preuve
à l'administration fiscale devant le juge aurait l'avantage de faire
respecter la règle fondamentale selon laquelle < le doute
bénéficie au contribuable et joue contre le fisc
>>3. Or, en attribuant la charge de la preuve au contribuable
< on aboutit pratiquement au renversement de la formule de Modestin -in
dubio contra fiscum -, puisqu'en cas de doute, le juge fiscal doit
débouter le contribuable à qui ce doute est imputable4
parce qu'il ne rapporte point la preuve requise par la législation
>>5.
D'un autre côté, l'article 554 du C.O.C. dispose
que : < Celui qui a les avantages a les charges et les risques >>. Par
application de ce principe, l'administration doit supporter la charge de la
preuve, puisqu'elle dispose des prérogatives de la puissance publique.
(Celles-ci sont des avantages).
Plus loin encore, les articles qui confèrent à
l'administration des moyens de preuve6 supposent d'une
manière implicite que celle-ci ait la charge de la preuve. En effet,
< on ne voit pas pourquoi un texte légal préciserait les modes
de preuve que doit utiliser une partie, si cette partie n'avait pas la charge
de celle-ci >>7.
A tout cela s'ajoute le fait que l'administration fiscale soit
le véritable demandeur8. Or, il y a un principe selon lequel
< la charge de la preuve incombe au demandeur >>1.
1 Cette solution est consacrée en droit fiscal
comparé :
- En droit français, Robert HERTZOG a
précisé qu' << en cas de désaccord sur les chiffres
retenus par l'administration, c'est à celle-ci de faire la preuve de
leur exactitude devant les organismes où sera porté ce
différent, commission administrative ou juridiction >>. R.
HERTZOG, << La réforme du contentieux fiscal : l'assouplissement
et la simplification des procédures contentieuses >>, article
précité, p. 241, 242.
- En droit belge, la cour de cassation a décidé
que : << l'envoi de l'avis rectificatif ne crée aucune
présomption d'inexactitude de la déclaration au profit du fisc.
Si l'administration établit l'imposition sur la base du chiffre
supérieur notifié au contribuable, malgré le
désaccord de celui ci, elle devra prouver le bien-fondé de la
cotisation en cas de réclamation >>. Cass. 20 mai 1958 ; C.L.
LOUVEAUX, << La preuve en matière d'impôts directs >>,
Bruylant, Bruxelles 1970, p. 55.
2 F.P. DERUEL, << Quelques aspects du problème de
la preuve en matière fiscale >>, D.F. 1962, n°37, p. 44.
3 D'ailleurs, le T.A. a consacré cette règle en
matière d'interprétation des textes fiscaux : T.A. 11
mars 1982, req. n°145 : << Tout texte fiscal ambigu ou
imprécis doit être interprété en faveur du
contribuable ».
4 C'est le risque de la preuve inhérent à la
charge de la preuve.
5 Jean WILMART, << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p.1 85.
6 A titre d'exemple, l'article 6, 38 du C.D.P.F. Voir infra,
partie II, chapitre I, section II.
7 Thierry AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en
droit fiscal >>, Bruxelles, Larcier 1998, p.69.
8 Voir infra, partie I, chapitre II, section I, paragraphe 2.
D'un autre côté, le respect de la
présomption d'innocence exige que l'administration supporte la charge de
la preuve de la < culpabilité >> du contribuable. < En
quelque sorte, quand c'est le contribuable qui supporte la charge de la preuve,
il ressemble à l'inculpé innocent, présumé
coupable, pour péché originel collectif de fraude sans la
grâce de l'intime conviction, et encore moins de la grâce
elle-même >>2.
Par ailleurs, < les faits qui doivent être
prouvés sont seulement ceux qui sont allégués >>.
< Le contribuable n'a aucune raison d'alléguer qu'il a perçu
des revenus >> 3, il a d'ailleurs
intérêt à en nier l'existence. Or, selon le principe <
Ei incumbit probatio qui dicit non qui negat : la preuve incombe à celui
qui allègue, non à celui qui nie >>4. Dès
le moment où c'est l'administration qui entend procéder à
une imposition, il lui revient d'alléguer que des revenus ont
été perçus. Si la preuve incombait au contribuable, il
devrait alléguer qu'il n'a pas perçu de revenu ou du moins qu'il
n'en a pas perçu audelà d'un certain montant5. Or, il
s'agit là de la preuve d'un fait négatif, difficile voire
impossible.
2-2- La position de la jurisprudence tunisienne
La nécessité d'une attribution de la charge de la
preuve à l'administration fiscale trouve un écho favorable chez
la jurisprudence tunisienne.
D'une part, le T.A. a décidé, à juste
titre, que le contribuable ne peut être tenu de la preuve
négative, par exemple qu'il n'a pas exercé une activité
imposable. En effet, pour les personnes qui soutiennent qu'elles n'ont
exercé aucune activité, la charge de la preuve relative à
l'exercice de l'activité soumise à imposition pèse sur
l'administration6.
1 Article 420 du C.O.C.
2 Gilles AMEDEE-MANESME, << La charge de la preuve
>>, article précité, p.119.
3 Thierry AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en
droit fiscal >>, Larcier 1998, p.68.
4 Boyer Laurent, Roland, << Adages du droit
français >>, op. cit., p.197.
F. BOULANGER, << Réflexions sur le problème
de la charge de la preuve >>, Rev. trim. dr. civ. 1966, p. 737.
5 Thierry AFSCHRIFT, op. cit, p.68.
6 -T.A., 19 février 1990, req. n°823, recueil des
arrêts du T.A., 1988-1989-1990, E.N.A., p. 299 :
59
|
J
|
? ?
|
? ? "
|
|
? ?
|
? ?
|
? ? ?
|
|
J
|
|
. "
|
|
|
|
|
Voir sur cet arrêt Salah REZGUI,
<<Procédures et contentieux fiscal de l'assiette : de
l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés,
de la T.V.A., Publications de l'Imprimerie Officielle de la République
Tunisienne, 2000, p.23.
-T.A., 10 mai 1993, req. n°1055 (inédit), voir
annexe n°2 de ce mémoire.
Ainsi, dans son arrêt du 25 avril 1994, le T.A.
déclare que : « Considérant que l'argument invoqué
par l'administration selon lequel la charge de la preuve, en matière
fiscale, incombe au contribuable, concerne les contribuables pour lesquels
l'administration a prouvé qu'ils exercent une activité
déterminée sans déclaration..., Pour les personnes qui
soutiennent qu'elles n'ont exercé aucune activité, par
interprétation des articles 58 et 59 du code de la patente, la charge de
la preuve relative à l'exercice de l'activité soumise à
imposition pèse sur l'administration »1. Selon le T.A.,
l'administration supporte la charge de la preuve préalable de l'exercice
d'une activité non déclarée2.
D'autre part, dans d'autres arrêts le T.A.
considère que l'administration ne peut se prévaloir du texte
mettant la charge de la preuve sur le contribuable, pour échapper de
l'obligation de preuve qui lui incombe. Ainsi, le T.A. exige de
l'administration fiscale, avant de renverser la charge de la preuve au
contribuable, d'apporter la preuve de ses assertions3.
1 -T.A. 25 avril 1994, req. 1173 ( inédit), arrêt
précité, voir annexe n°2 de ce mémoire.
Dans le même sens, la chambre fiscale au sein du
tribunal de première instance de Sfax s'est récemment
prononcée en faveur de la reconnaissance d'une charge de la preuve
incombant à l'administration fiscale1.
Au total, cette jurisprudence favorable au contribuable
s'inscrit dans la logique qui exige de l'administration qu'elle apporte la
preuve de ses assertions. Elle constitue un exemple de l'interventionnisme
bienveillant du juge fiscal en faveur du contribuable. Si le juge fiscal est
tenu par les règles gouvernant la charge de la preuve, il les applique
avec une certaine souplesse. Il vient quelquefois au secours du contribuable.
En effet, le T.A. a fait preuve d'une certaine souplesse dans l'application
d'un texte rigide régissant la charge de la preuve en matière de
taxation d'office.
Outre la généralité de ses cas
d'ouverture, la procédure de taxation d'office laisse à
l'administration des marges de manoeuvre trop importantes : ainsi le rejet de
comptabilité. Ce dernier demeure une notion ambiguë.
B- L'ambiguïté du rejet de
comptabilité
Le rejet de comptabilité - pouvoir reconnu à
l'administration pour écarter une comptabilité jugée
irrégulière et sans valeur probante2- est « une
décision grave de conséquences puisqu'elle permet de
procéder au redressement des bases d'imposition sur des bases
extra-comptables »3 et elle entraîne un renversement de
la charge de la preuve au détriment du contribuable4.
Ainsi, il est important pour le contribuable de savoir les
cas dans lesquels l'administration peut rejeter sa comptabilité. Fixer
les conditions de rejet de comptabilité est en définitive fixer
les conditions du recours aux présomptions et les conditions du
renversement de la charge de la preuve. Les ambiguïtés qui
entourent la notion de rejet de comptabilité peuvent se
répercuter sur les garanties des contribuables.
Malgré sa gravité vis-à-vis des droits
des contribuables, le rejet de comptabilité - dont l'utilisation est
étroitement liée à la procédure de taxation
d'office5- demeure, en droit tunisien, une notion aux contours
flous, même après la récente réforme
fiscale6.
1 Jugement fiscal, n°36 en date du 9 octobre 2002, rendu
par le T.P.I. de Sfax, chambre fiscale ( inédit), voir en annexe
n°2 de ce mémoire :
...
Dans la législation fiscale tunisienne, la notion de
rejet de comptabilité apparaît en filigrane. <s Les cas
susceptibles d'entraîner le rejet de la comptabilité n'ont pas
été définis et précisés au niveau de la
réglementation fiscale en vigueur >>1.
Le défaut d'un encadrement juridique du rejet de
comptabilité a favorisé les abus de l'administration en la
matière. Le rejet de comptabilité est devenu la source d'une
<s présomption de culpabilité >>. En effet, les agents
vérificateurs ont tendance à recourir d'une manière
abusive et fréquente au rejet de comptabilité2.
D'ailleurs, c'est de l'aveu de l'administration elle-même, il y a recours
non fondé au rejet de comptabilité. Selon la note commune n°
16, du 2 mai 1967 : <s En dépit des recommandations
réitérées contenues dans les notes communes, les notices
de vérification continuent à parvenir à la direction, trop
squelettiques et ne contenant guère que des précisions vagues ou
sommaires...
Les rejets de comptabilité infondés, les
affirmations gratuites et les coefficients appliqués bien loin
d'être étayés par la réalité, demeurent
toujours les leitmotive routiniers des notices >>3.
De son côté, le T.A. se contente souvent
d'utiliser des expressions assez vagues pour confirmer les rejets de
comptabilité : <s Considérant que le rejet de
comptabilité était justifié par l'existence de plusieurs
vices entachant sa régularité >>4. De
même, le rejet de comptabilité a été confirmé
à plusieurs reprises par des décisions jurisprudentielles de la
commission spéciale de taxation d'office5.
Il va sans dire que le rejet non-fondé d'une
comptabilité entraîne un renversement abusif de la charge de la
preuve au contribuable et une mise en échec injustifiable de la
présomption d'exactitude de la déclaration.
Par ailleurs, et aussi étonnant que cela puisse
paraître, l'administration fiscale fait recours à la taxation
d'office, et provoque ainsi le renversement de la charge de la preuve au
contribuable, même en cas de comptabilité déclarée
régulière6. Il en résulte inévitablement
une mise en échec injustifiable de la présomption d'exactitude de
la déclaration et un renversement abusif de la charge de la preuve au
détriment du contribuable7.
En droit fiscal tunisien, et contrairement au droit
français8, le renversement de la charge de la preuve peut
sanctionner des contribuables en situation régulière
vis-à-vis de leurs obligations comptables9. <s Cela fait
penser aux exécutions d'otages innocents : on tire à vue sur
n'importe qui, peu importe qu'il soit fraudeur ou non, tant pis si ce n'est pas
un fraudeur ; il faut que cela serve d'exemple pour les
fraudeurs ! >>10.
1 << Les cas de rejet de comptabilité ne sont
pas explicitement énumérés de manière claire et
précise dans un texte légal. La seule disposition en la
matière est prévue par l'article 66 du code de l'IRPP et de l'IS
qui dispose que les contribuables qui ne se soumettent pas aux obligations
prévues par l'article 62 dudit code peuvent être taxés
d'office >>, Fayçal DERBEL, article précité,
p.38.
2 H.AYADI, << Droit fiscal >>, éd. C.E.R.P,
Tunis 1989, Série Droit Public n°6, p.265.
3 Voir cette note commune en annexe n°3 de ce
mémoire.
4 T.A., 4 novembre 1991, req. n°933 ;
T.A., 4 novembre 1991, req. n°934 ;
T.A., 20 avril 1992, req. n°1027 ;
T.A., 20 avril 1992, req. n°1028 ;
5 Le B.O.D.I. n°5 du 1er trimestre 1970 a repris
quelques extraits de décisions justifiant le rejet de la
comptabilité par l'administration.
6 C'est-à-dire sans rejet de comptabilité.
7 Cela entraîne aussi une atteinte au principe de la
supériorité de la preuve comptable sur la preuve extracomptable ;
sur cette question voir infra partie II, chapitre I, section II.
8 En droit français, le renversement de la charge de
la preuve est conçu en tant que sanction contre un contribuable en
situation irrégulière et en plus il doit être
justifié par une défaillance grave : défaut de
déclaration, défaut de comptabilité, comptabilité
comportant de graves irrégularités.
9 Cas d'une taxation d'office suite à un rejet non
fondé d'une comptabilité et cas d'une taxation d'office en cas de
comptabilité déclarée régulière.
10 P. AMSELEK, in << La taxation d'office à
l'impôt sur le revenu >>, op. cit, p. 148.
Au terme de ces réflexions relatives au rejet de
comptabilité, un constat se dessine et un souhait se fait sentir. Le
constat est que la législation fiscale tunisienne ne fixe pas les
critères de rejet de comptabilité et elle ne distingue pas, au
niveau du renversement de la charge de la preuve, entre le contribuable tenant
une comptabilité et celui qui n'en tient pas. Le souhait consiste en une
double proposition :
1- La nécessité d'une distinction, au
niveau du renversement de la charge de la preuve, entre les contribuables
tenant une comptabilité et ceux qui n'en tiennent pas bien qu'ils y
soient tenus
Comme l'a précisé le conseil économique
et social, « il est nécessaire de distinguer entre celui qui tient
une comptabilité et offre ainsi à l'administration un moyen de
contrôle et celui qui ne la tient pas »1.
Ainsi, pour le contribuable qui ne tient pas une
comptabilité bien qu'il y soit tenu, le défaut
de comptabilité entraîne le renversement de la charge de la
preuve à son encontre, à titre de sanction d'une
défaillance grave.
En revanche, pour le contribuable tenant une
comptabilité, c'est l'administration qui doit supporter la charge de la
preuve. En effet, « les comptabilités régulièrement
tenues bénéficient d'une présomption d'exactitude (du
moins en ce qui concerne les éléments portant sur les
éléments d'actif) et les mentions qui y figurent peuvent
être combattues par l'administration, à condition qu'elle apporte
la preuve de ses assertions »2.
Dans cette perspective, la C.S.T.O., en 1970, a pris soin de
préciser que, « les énonciations d'une comptabilité
complète s'imposent à l'administration qui a la charge de prouver
leur inexactitude »3.
Ainsi, si l'administration n'arrive pas à prouver
l'irrégularité de la comptabilité ou si elle
déclare que la comptabilité est régulière, il ne
peut y avoir renversement de la charge de la preuve au contribuable. C'est dans
ce sens que s'est exprimé, fort heureusement, le T.A. dans un important
arrêt du 23 octobre 1995 4:
En droit français, les irrégularités
comptables étaient sanctionnées par la procédure de
rectification d'office1. Mais, dans un mouvement de renforcement des
droits du contribuable et de l'amélioration des relations entre ce
dernier et l'administration, la loi de finances pour 19872 supprime
la procédure de rectification d'office ainsi que son aspect le plus
critiquable, c'est-à-dire l'attribution de la charge de la preuve au
contribuable. La procédure contradictoire est donc étendue
à l'ensemble des reconstitutions du chiffre d'affaires et des
bénéfices3, avec attribution de la charge de la preuve
à l'administration fiscale. Selon l'article L. 192 du L.P.F., relatif
à la procédure contradictoire, : « Lorsque l'une des
commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou
d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de
réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission.
Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable
lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités
et que l'imposition a été établie conformément
à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves
irrégularités invoquées par l'administration incombe, en
tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou
le redressement est soumis au juge.
Elle incombe également au contribuable à
défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme
en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de
l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions
des articles L.16 et L.69 >>.
Il en découle qu'en France, l'administration supporte
la charge de la preuve en cas de comptabilité régulière et
même en cas de comptabilité irrégulière4.
Le contribuable ne supporte la charge de la preuve qu'en cas de défaut
de comptabilité ou en cas de comptabilité comportant de graves
irrégularités. Mais même dans ce dernier cas,
l'administration est tenue, devant le juge, de prouver l'existence de graves
irrégularités. Aux termes de l'article L. 192 du L.P.F. : «
La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées
par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette
dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge
>>5. Cette donnée ne fait en réalité que
rappeler un principe général selon lequel l'administration doit
toujours prouver que le contribuable était en situation de subir une
procédure exceptionnelle6. En outre, elle confirme
l'idée qu'en France le renversement de la charge de la preuve au
contribuable reste une exception et il est conçu en tant que sanction
d'une défaillance grave7.
1 Art. L. 75 du L.P.F.
2 << La loi de finances pour 1987 a été
complétée par des textes ultérieurs comme la loi du 8
juillet 1987 relative à la charge de la preuve et plus encore par
l'instruction de la DGI du 6 mai 1988 qui apporte des compléments
substantiels sur les éléments de mise en oeuvre de la
procédure, en instaurant des critères de rejet des
comptabilités >>. Jean-Baptiste GEFFROY, << Grands
problèmes fiscaux contemporains >>, P.U.F., 1993, p. 308.
- Loi n°861317 du 30/12/1986, D.F.87, n°2-3, comm.48 ;
instruction DGI du 6/05/1988, B.O.D.G.I. 13 L-7-88, D.F. 88, n°20-21 ID et
CA 9453.
- Loi n°87-5002, du 8/07/1987, article 10 modifiant
l'article L.192 du L.P.F. ; D.F. 87 n°31-32, comm.1489.
3 Jean-Baptiste GEFFROY, << Grands problèmes
fiscaux contemporains >>, P.U.F., 1993, p. 308, 309.
4 Voir le tableau résumant les règles
d'attribution de la charge de la preuve en droit fiscal français, en
annexe n°4 de ce mémoire.
5 L'amendement sénatorial, mettant à la charge
de l'administration la preuve des graves irrégularités de la
comptabilité a été jugé comme étant une
solution nécessaire. L'administration, à partir de ce nouveau
principe, ne pourra plus adopter de position trop facilement rigide,
générale ou absolue relative à la valeur des
comptabilités. Bâtonnier A. VIALA, << Le nouveau
régime de la preuve dans les rapports entre le contribuable et
l'administration fiscale, Lois des 30 décembre 1986 et 9 juillet 1987
>>, Gaz. Pal. 1987, 2ème sem., p.808.
6 J.-P. CASIMIR, << Le code annoté des
procédures fiscales >>, éd. La ville-Guerin, 1996, p.
302.
7 Dans les propositions de réforme formulées
par le rapport Aicardi, l'accent a été mis sur la
nécessité d'<< éliminer les exceptions
injustifiées à la règle de base selon laquelle si le
contribuable s'est acquitté de ses obligations déclaratives et le
cas échéant comptables, c'est à l'administration qu'il
appartient d'établir l'inexactitude des chiffres déclarés
>>.
Bâtonnier A. VIALA, article précité,
p.805.
2- La nécessité d'un encadrement
juridique du rejet de comptabilité
L'encadrement juridique du rejet de comptabilité passe
par une fixation législative des critères de rejet 1
et une consécration de l'obligation de motiver le rejet. En effet,
« une limitation claire et précise des cas de rejet de la
comptabilité, dans le cadre d'un texte légal, est une mesure
à la fois importante et urgente, afin d'éviter les
éventuels abus et les interprétations parfois arbitraires
»2.
On doit signaler que le conseil économique et social a
préconisé de consacrer l'obligation de motiver le rejet de
comptabilité. Il a attiré l'attention sur le fait que le recours
de l'administration à la taxation d'office sur la base de
présomptions ne doit se faire qu'après un rejet motivé de
la comptabilité, et sur cette base le conseil a proposé une autre
formulation à l'article 6 du C.D.P.F., comme suit : «
L'administration fiscale peut, dans le cadre du contrôle ou de la
vérification prévus par l'Article 5 du présent code,
demander tous renseignements, éclaircissements ou justifications
concernant la situation fiscale du contribuable.
L'administration peut établir l'impôt et
rectifier les déclarations sur la base de présomptions de droit
ou de présomptions de fait concernant les contribuables qui ne tiennent
pas une comptabilité. En revanche, concernant les contribuables qui
tiennent une comptabilité, l'administration peut recourir à la
taxation d'office sur la base de présomptions après rejet
motivé de la comptabilité » 3. C'est
l'article tel que proposé par le conseil, mais malheureusement cette
proposition n'a pas été retenue4.
D'ailleurs, le T.A. dans un récent
arrêt5 du 13 novembre 2000, a insisté, fort
heureusement, sur la nécessité de motiver le rejet de
comptabilité. Mieux, le T.A. a exigé que le rejet de
comptabilité soit motivé d'une manière claire,
sinon le recours à la taxation d'office sur la base de
présomptions devient injustifiable. D'ailleurs, en l'espèce le
T.A. a cassé la décision de la C.S.T.O. au motif que le rejet de
comptabilité n'a pas été motivé clairement. Aux
termes de cet arrêt :
édicté une remarquable note commune dans
laquelle elle exige la motivation des rejets de comptabilité. Aux termes
de cette note commune n°16 du 2 mai 1967, relative aux notices de
vérification : « Il importe de signaler tout d'abord que la
direction ne se contentera plus dorénavant de rejets de
comptabilités non motivés, appuyés simplement par des
affirmations la plupart du temps gratuites et laconiques telles que : caisse
créditrice-coefficient de bénéfice net faible-recettes
globales, etc.
D'une façon générale, une
comptabilité n'est rejetable que dans la mesure où les
irrégularités comptables et les écritures sont telles
qu'il est impossible au vérificateur de procéder à des
redressements et des réintégrations de nature à aboutir
aux bénéfices réels susceptibles d'avoir été
réalisés par les intéressés.
En tout état de cause tout rejet de
comptabilité doit être justifié >>1.
Les deux propositions formulées ci-dessus2
permettraient de rationaliser et de limiter les cas de renversement de la
charge de la preuve au contribuable.
Paragraphe II : La taxation d'office et la
méconnaissance de la notion de demandeur effectif
Selon un principe général bien établi :
la charge de la preuve incombe au demandeur: « actori incombit probatio
>> 3 . Or, la taxation d'office, par son caractère d'acte
administratif exclusivement unilatéral 4, place
automatiquement le contribuable qui la conteste en position de demandeur devant
le juge5. Le syllogisme est le suivant : le contribuable, de par
l'effet obligatoire de l'acte administratif, est toujours demandeur à
l'instance ; le demandeur supporte la charge de la preuve, donc la charge de la
preuve pèse toujours sur le contribuable. Cela entraîne une
attribution systématique de la charge de la preuve au contribuable
(A) et une méconnaissance de la notion de demandeur
effectif (B).
1 Note commune n° 1 6, 2 mai 1967, annexe I, modèle
de notice de vérification d'une entreprise tenant une
comptabilité, p.4. Voir annexe n°3 de ce mémoire.
2 Il s'agit des deux propositions précitées :
1-La distinction, au niveau du renversement de la charge de la
preuve, entre les contribuables tenant une comptabilité et ceux qui n'en
tiennent pas bien qu'ils y soient tenus.
2-L'encadrement juridique du rejet de comptabilité
3 -L'article 420 du C.O.C. dispose que : << La preuve de
l'obligation doit être faite par celui qui s'en prévaut >>.
-Le T.A. a consacré, expressément, ce principe dans un
récent arrêt du 11 février 2002, req. n°32794 (
inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.
32794 2002 11 j
."
"
4 Certes, la nature juridique de l'arrêté de
taxation d'office a fait l'objet de controverse entre ceux qui affirment son
caractère administratif et ceux qui considèrent cet
arrêté un acte juridictionnel. Mais ce doute est né de son
régime juridique. Quoiqu'il en soit, l'arrêté de taxation
d'office << réunit les caractéristiques de l'acte
administratif unilatéral >>. Néji BACCOUCHE, << Pour
une réforme du contentieux fiscal tunisien >>, publication de
l'U.T.I.C.A., Sfax, 1992, p.24.
D'ailleurs, les défenseurs de la thèse d'acte
administratif trouveront des arguments de plus dans le C.D.P.F. (à titre
d'exemple le caractère exécutoire de l'arrêté de
taxation d'office , l'article 52 consacre le caractère non suspensif de
l'opposition contre l'arrêté de taxation d'office, cette
règle est applicable concernant l'acte administratif. La
consécration du caractère exécutoire de
l'arrêté de taxation d'office constitue l'un des apports du
C.D.P.F qui a réconcilié cet acte avec sa nature
administrative.
Sur le problème de la nature juridique de
l'arrêté de taxation d'office, voir Habib AYADI, << Droit
fiscal, C.E.R.P. 1989, p.501. Néji BACCOUCHE, << Pour une
réforme du contentieux fiscal tunisien >>, publication de
l'U.T.I.C.A., Sfax, 1992, p.24, 25.
Le T.A. a eu à se prononcer sur la nature juridique de
l'arrêté de taxation d'office. Elle le considère un acte
administratif. T.A. Ass. Plé. 10 décembre 1987, requête
n°640 ; T.A. Ass. plé. 31 décembre 1987, requêtes
n°532 et 533.
5 Art. 54 et Art. 55 du C.D.P.F.
A- L'effet obligatoire de l'acte administratif et
l'attribution systématique de la charge de la preuve au contribuable
taxé d'office
L'acte juridique de taxation d'office,
concrétisé par un arrêté, réunit les
caractéristiques de l'acte administratif unilatéral
1, dont la plus essentielle le privilège du
préalable2. En vertu de ce privilège l'administration,
à la différence des particuliers, n'est pas tenue de s'adresser
au juge pour faire valoir les droits qu'elle prétend avoir sur les
contribuables. Elle a le pouvoir de prendre des décisions qui sont
obligatoires pour ces derniers et c'est à eux qu'il appartient de saisir
le juge, s'ils contestent les prétentions de
l'administration3.
Le privilège du préalable a
nécessairement comme corollaire que l'administré doit intenter
une action pour contester l'acte administratif. C'est ce qui explique que
l'administration n'apparaisse que très exceptionnellement comme
demanderesse sur le plan de la procédure et que ce soit
l'administré qui supporte presque toujours l'initiative de celle-ci.
Le fondement de l'effet obligatoire de l'acte administratif
réside dans la présomption de légalité qui y est
attachée4. Cette présomption de légalité
justifie l'obéissance des particuliers à tout acte administratif.
La conséquence la plus remarquable de l'effet obligatoire est de «
fixer d'une manière quasi-intangible les positions de demandeur et de
défendeur à l'instance >>5. Le contribuable,
pour combattre la présomption d'exactitude de l'arrêté de
taxation d'office, est dans l'obligation de prendre l'initiative du
procès. En revanche, l'administration pourra se contenter de combattre
les prétentions du requérant. Ainsi, « l'arrêté
de taxation d'office transforme le contribuable en demandeur, l'administration
occupe la place confortable de défendeur >>6. La
taxation d'office constitue alors un bel artifice qui permet à
l'administration de se débarrasser de « sa position fondamentale de
demandeur >>7.
L'inégalité des parties au niveau de
l'attribution de la charge de la preuve est flagrante puisque le demandeur
à l'action8, donc le demandeur à la preuve,
apparaît être systématiquement le contribuable. « La
preuve par le demandeur apparaît sans doute comme la continuation du
privilège de la décision exécutoire9, elle en
est aussi le renfort et aboutit à reconnaître à
l'administration un privilège supplémentaire
>>10.
1 Néji BACCOUCHE, << Pour une réforme du
contentieux fiscal tunisien >>, op. cit., p.24.
Sur la question voir Georges DUPUIS, << Définition
de l'acte unilatéral >>, in recueil d'études en hommage
à Charles EISENMANN, 19, p.205 ; << Notion d'acte administratif
>>, Juris-classeur administratif, Fasc. 106-10.
2 C'est ce que les auteurs appellent le privilège du
préalable ou le privilège d'action d'office ou encore le
privilège de la décision exécutoire >>. M.-C.
BERGERES, << Le principe des droits de la défense en droit fiscal
>>, thèse, Bordeaux, 1975, p. 61, 62.
3 Si l'administration ne disposait pas du privilège du
préalable, elle devait comme tout créancier saisir le juge du
différend qui l'oppose au contribuable, et agirait alors en position de
demanderesse.
4 Voir sur la question : -François BELLANGER, << La
présomption de sincérité des actes administratifs
>>, R.D.P.1968, p. 583.
-Encyclopédie Dalloz, contentieux administratif II,
<< Preuve >>, p.3.
Le privilège de la décision exécutoire
emporte naturellement le principe de `la présomption de
conformité au droit' des actes administratifs.
5 M.-C. BERGERES, ibid., p. 62.
6 H. AYADI, op. Cit., p. 215.
7 F.-P DERUEL, << Quelques aspects du problème de
la preuve en matière fiscale >>, D.F., 1962, n°37, p. 44.
8 << L'action est le pouvoir reconnu aux particuliers de
s'adresser à la justice pour obtenir le respect de leurs droits
>>, J. Vincent et Serge Guinchard, << Procédure civile
>>, 20ème édition, précis DALLOZ n°
18.
9 Sur la question de la décision exécutoire, on
consultera avec profit Gilles DARCY, << La décision
exécutoire : Esquisse méthodologique >>, A.J.D.A. 20
octobre 1994, p.663-678.
10 Encyclopédie Dalloz, contentieux administratif II,
<< Preuve >>, p.3.
<< Le système de la décision
exécutoire rend en fait parfois très difficile l'administration
de la preuve >> Encyclopédie Dalloz, contentieux administratif II,
<< Preuve >>, p.3.
A priori, la qualité de demandeur, que le contribuable
est le plus souvent contraint d'adopter en justice est déterminante dans
l'attribution de la charge de la preuve. Toutefois, cette analyse est largement
formelle car elle ignore la notion de demandeur effectif à la preuve. En
effet, l'effet obligatoire de l'acte administratif permet seulement d'expliquer
pourquoi le demandeur à l'instance est le contribuable, mais il
n'apporte que des réponses très partielles aux règles
régissant le régime de la charge effective de la
preuve1.
B- La détermination du demandeur effectif à
la preuve
Selon F. P. DERUEL « la première manifestation de
l'autonomie du droit fiscal en matière de preuve tient dans la recherche
du véritable demandeur ,,2.
Sachant que la charge de la preuve incombe au demandeur, une
question s'impose qui est demandeur dans le litige fiscal : le contribuable qui
conteste la décision de l'administration de l'imposer ou celle-ci qui,
en général, réclame le paiement de l'impôt ? En
d'autres termes, le demandeur est celui qui au sens procédural du terme
saisit le juge ou celui qui sur le plan du fond réclame de l'autre
partie l'accomplissement d'une obligation ?3 L'opposition contre
l'arrêté de taxation d'office transforme-t-elle le contribuable,
débiteur de l'impôt, en un demandeur ?
On doit préciser que le contribuable, qui conteste
l'arrêté de taxation d'office et qui se présente toujours
en position de demandeur devant le juge de première instance, n'est pas
le demandeur effectif. « Il proteste, au contraire, contre une taxation
qui n'est pas conforme à celle qu'il sollicitait dans sa
déclaration ,,4. Le contribuable - procéduralement
demandeur- est fondamentalement défendeur. Le contribuable est un
demandeur qui se défend5. Du coup, l'opposition contre
l'arrêté de taxation d'office « ne peut intervertir le
rôle respectif des parties et convertir en demandeur un redevable qui se
défend simplement contre les poursuites du trésor,,6.
Il convient de signaler que pour le contribuable « le droit au
procès et le droit de la défense se confondent ,,. Il y a une
différence entre les termes de défense en procédure civile
et dans le droit public, ce dernier lui donnant une acception plus large qui
est celle retenue par le droit fiscal. N'a-t-on pas affirmé que «
la défense comprend tous ceux contre lesquels une action en justice ou
une décision administrative est dirigée et l'on qualifie de
défendeur quiconque est susceptible d'être directement
lésé par la décision juridictionnelle ou administrative
à intervenir ,,7.
S'il est vrai que le contribuable est demandeur à
l'action, il n'en reste pas moins vrai qu'il n'est pas à l'origine du
contentieux. La véritable contestation émane de l'administration.
C'est elle qui rejette la déclaration8. Ainsi, il convient
d'avoir présent à l'esprit qu'en droit fiscal le véritable
demandeur est l'administration fiscale9. « L'Etat est le
véritable demandeur, que la question se pose devant un juge ou en dehors
de toute contestation juridictionnelle ,,1.
1 M.-C. BERGERES, << La valeur juridique de la
déclaration contrôlée >>, article
précité, p.248.
2 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 17.
3 Th. AFSCHRIFT,<< traité de la preuve en droit
fiscal >>, Larcier 1998, p.1 8 et 52.
4 M.-C. BERGERES, << Quelques aspects du fardeau de la
preuve en droit fiscal >>, article précité, p. 149.
5 << La situation n'est paradoxale qu'en apparence,
dans la mesure où, si l'intéressé fait valoir des droits
pour se défendre, c'est bien en raison du privilège du
préalable qui fait que << d'agressé >> par l
'administration fiscale dans le cadre d'une procédure
administrative il ne peut contre-attaquer que par une réclamation ou une
demande adressée au tribunal >>, Daniel RICHER, << Les
droits du contribuable dans le contentieux fiscal >>, L.G.D.J. 1997, p
14.
6 F.-P. DERUEL, thèse précitée, p. 139.
7 R. ODENT, << Les droits de la défense >>,
E.D.C.E.1953, p.55.
Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le
contentieux fiscal >>, LGDJ 1997, p 14.
8 Neila CHAABANE, << Les garanties du contribuable devant
le juge fiscal >>, article précité.
9 La doctrine est unanime sur ce point :
- << L'administration est habituellement le
véritable demandeur, réclamant l'exécution d'une
obligation au sens où l'entend l'article 1315 du code civil << ,
Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le contentieux fiscal
>>, thèse précitée, p.288.
Comme l'a précisé Jacques ARRIGHI DE CASANOVA,
en droit fiscal, c'est en réalité l'administration qui prend
l'initiative de la contestation, même si en raison du privilège du
préalable, c'est nécessairement le contribuable qui saisit le
juge. Les litiges ont pour origine, dans la plupart des cas, la remise en cause
des déclarations faites par les contribuables. Or, tout système
déclaratif repose sur une certaine présomption de
sincérité de la déclaration souscrite.
On peut en outre faire valoir, dans le même sens, que
puisque c'est l'administration qui a une créance à faire
valoir2, il lui incombe en principe de fournir les
éléments propres à justifier l'existence et le montant de
cette créance3. La jurisprudence française l'a
déjà affirmé depuis 1895 dans une décision de
principe rendue par le tribunal de la Seine. Aux termes de cet arrêt :
« Attendu que le véritable demandeur auquel, à ce titre,
incombe le fardeau de la preuve, est celui qui demande une chose, qui
réclame l'exécution d'une obligation ou qui poursuit le paiement
d'une dette ; que, sans doute, dans la procédure de droit commun, le
demandeur, étant en général, obligé, pour faire
valoir ses droits d'assigner son adversaire, se confond par cela même le
plus souvent avec celui à la requête duquel l'assignation est
délivrée ; mais que ce serait confondre l'effet avec la cause que
de faire dépendre du jeu de la procédure la répartition
fondamentale des rôles entre les deux parties en présence...
»4. C'est dans le même sens que s'est prononcé le
C.E5.
La jurisprudence tunisienne ne s'est pas prononcée
expressément sur la question en déclarant qu'en droit fiscal
l'administration est le demandeur effectif. Mais, les arrêts
précités où le juge met une obligation de preuve à
la charge de l'administration, ne témoignent-ils pas du souci de tenir
compte de la notion de demandeur effectif6. Faut-il rappeler le
jugement pris récemment par la chambre fiscale du T.P.I. de Sfax aux
termes duquel :
Selon ce jugement, l'administration qui allègue un
fait doit le prouver. Ne s'agit-il pas là d'une application de la
règle < actori incumbit probatio >> ? Cette solution ne
fait-elle pas prévaloir le critère de demandeur effectif sur le
critère de demandeur à l'instance ? Ne permet-elle pas
d'assouplir la rigidité de la position législative en
matière d'attribution de la charge de la preuve devant le juge ?
En attribuant la charge de la preuve au contribuable
taxé d'office1, le législateur tunisien semble faire
une liaison entre le demandeur à la preuve et le demandeur à
l'instance et méconnaître ainsi la notion de demandeur effectif
(demandeur au fond).
On ne peut qu'émettre le voeu qu'une distinction soit
faite entre demandeur à l'instance et demandeur au fond2,
d'abandonner la liaison entre le demandeur à l'instance et le demandeur
à la preuve et de faire plutôt la liaison entre le demandeur au
fond et le demandeur à la preuve. L'intérêt le plus
remarquable de cette analyse est qu'elle permettrait de < dénoncer la
conception formaliste de la charge de la preuve ; conception qu'entretenait le
principe selon lequel le demandeur à l'instance est le demandeur
à la preuve. En fait, seule la notion de demandeur effectif à la
preuve permet d'en appréhender concrètement le fardeau
>>3.
Une meilleure présentation devrait placer le
débat en termes de fond et non de procédure. Ainsi, le
critère d'attribution de la charge de la preuve serait le critère
de : < demandeur au fond >>. Cela permettrait, au moins, de
réduire le déséquilibre entre le contribuable et
l'administration fiscale résultant de sa possession des
prérogatives de puissance publique. N'a-t-on pas affirmé que la
règle tendant à faire de l'administration fiscale le demandeur
à l'impôt, donc le demandeur à la preuve < doit avoir la
valeur d'un principe >>4. N'a-t-on pas considéré
qu'il n'est pas anormal que l'administration, qui est `demandeur à
l'impôt', supporte la charge de la preuve >>5 ?
Il convient de signaler que, dans une récente note
commune n°9 / 2002, l'administration fiscale a considéré que
: < La charge de la preuve qui incombe à l'administration consiste en
la motivation des arrêtés de l'administration relatifs à la
taxation d'office>>6. Cette position a été
retenue par une partie de la doctrine7.
1 Article 65 du C.D.P.F., précité.
Lors des débats parlementaires concernant le code des
droits et des procédures fiscaux, un parlementaire a, non sans raison,
critiqué l'article 65 du C.D.P.F. qui prévoit un renversement de
la charge de la preuve au détriment du contribuable taxé
d'office, alors que c'est l'administration qui devrait supporter la charge de
la preuve de l'inexactitude des déclarations.
Selon le député : << Cet article 65 attribue
la charge de la preuve au contribuable dans l'affaire civile intentée
devant le T.P.I pour attaquer l'arrêté de taxation d'office.
Ainsi, le contribuable présente des déclarations et
l'administration fiscale a le droit de les vérifier et d'effectuer le
contrôle juridique pour préserver les deniers publics, cela est
évident.
Mais lorsqu'il y a opposition contre l'arrêté de
taxation d'office, c'est l'administration qui devra normalement prouver que les
déclarations du contribuable sont inexactes et incompatibles avec ses
ressources. Mais, si on renverse la charge de la preuve pour que le
contribuable devienne obligé de prouver ses ressources réelles et
l'exagération de son imposition, cela constitue un renversement de la
charge de la preuve contraire au droit commun et aux principes
généraux de droit >>.
2 Voir sur la question les développements précieux
de Pierre PACTET dans sa thèse intitulée : << Essai d'une
théorie de la preuve devant la juridiction administrative >>,
Paris 1952.
3 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée
1975, p. 67.
4 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée,
p. 70.
5 -Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le
contentieux fiscal >>, L.G.D.J. 1997, p. 301.
- Selon Marc BALTUS, << en vertu de la règle
"actori incumbit probatio", c'est normalement au fisc qu'il appartient de
démontrer que l'impôt qu'il réclame est dû : la
subsistance du moindre doute doit faire échouer ses prétentions
>>. Marc BALTUS, << Morale fiscale et renversement du fardeau de la
preuve >>, article précité, p. 129.
6 Note commune n°9, Texte n° D.G.I. 2002 / 22, p.
96, 97, relative au contentieux de l'assiette de l'impôt devant les
tribunaux de l'ordre judiciaire objet des articles 53 à 68 du code des
droits et procédures fiscaux. Voir en annexe n°3.
7 Voir, A. YAICH, << Théorie fiscale >>,
éditions Raouf YAICH 2002, p. 225.
On peut dire que s'il est vrai que l'obligation de motivation
constitue une garantie pour le contribuable1, il n'en reste pas
moins vrai qu'elle ne saurait remplacer la consécration
législative expresse d'une charge de la preuve incombant à
l'administration devant le juge. Il ne faut pas confondre entre la charge de la
preuve devant incomber à l'administration et entre l'obligation de
motiver l'arrêté de taxation d'office. Il s'agit de deux notions
distinctes2. Alors que la motivation est liée aux droits de
la défense3, la charge de la preuve est liée au risque
de la preuve. D'ailleurs, le droit français qui consacre l'obligation de
motivation de l'arrêté de taxation d'office, consacre aussi un
article attribuant expressément la charge de la preuve à
l'administration fiscale4.
Par ailleurs, et aussi étonnant que cela puisse
paraître, le contribuable supporte la charge de la preuve même s'il
est défendeur au sens procédural du terme. En effet, l'article 68
du C.D.P.F.5, applicable en appel, fait renvoi à l'article
65, applicable en premier degré, selon lequel la charge de la preuve
incombe au contribuable taxé d'office. Ainsi, en appel, le contribuable
supporte systématiquement la charge de la preuve, quelle que soit sa
position, même dans le cas où c'est l'administration qui
interjette appel. Devant le juge, le contribuable est défavorisé
non seulement en premier degré mais aussi en appel.
En droit fiscal tunisien, il y a un choix législatif
clair, mais décevant, d'attribuer systématiquement la charge de
la preuve au contribuable. Ce dernier supporte la charge de la preuve en
premier degré, alors même qu'il n'est pas le demandeur effectif,
mais simplement un demandeur à l'instance qui se défend. Il
supporte la charge de la preuve en appel même s'il est intimé et
étant, en tant que tel, véritablement défendeur au sens
procédural du terme.
Il est regrettable de relever que l'administration fiscale
n'est pas un justiciable comme les autres. Or, dans le procès fiscal,
l'administration devrait être une simple partie6. «
L'environnement fiscal
favorable suppose l'existence d'une justice réellement
indépendante et réellement compétente pour trancher, en
toute impartialité, les litiges fiscaux et empêcher ainsi
l'administration, forte de ses prérogatives de puissance publique (et
surtout de son privilège d'exécution préalable), de faire
ellemême justice ou d'imposer des solutions >>1.
L'équilibre entre l'administration et les
contribuables ne sera assuré qu'à la condition de protéger
ces derniers contre un renversement général de la charge de la
preuve et contre une méconnaissance de la présomption
d'exactitude de la déclaration.
Le déséquilibre organisé par le
législateur devrait être compensé par l'action du juge. Les
juges ont là un grand rôle à jouer.
Section II : le jeu des présomptions
légales2
« Toute théorie de la preuve comporte l'examen de
deux sortes de présomptions : les présomptions légales
(simples ou irréfragables) et les présomptions de l'homme
>>3. Seules les présomptions légales seront
examinées ici car ce sont elles qui agissent sur la charge de la preuve.
Les présomptions de l'homme concernent plutôt les moyens de
preuve4.
La législation fiscale accorde une place
particulièrement importante aux présomptions légales. Bien
plus, « le droit fiscal est le terrain de prédilection de celles-ci
>>5.
L'étude de la notion de présomption
légale permet de constater que celle-ci constitue un privilège
pour la partie en faveur de laquelle elle joue, surtout à travers le
renversement de la charge de la preuve qu'elle opère (paragraphe
I). Or, à travers l'examen de la législation fiscale, on
constate que l'administration fiscale se fait de plus en plus souvent
reconnaître le profit de présomptions légales. « La
présomption légale est au service de l'Etat >>6
(paragraphe II). Il en résulte que « la
présomption légale est la source d'un déséquilibre
du droit de la preuve en faveur de l'Etat >>7 puisque le
législateur l'emploie, systématiquement, au profit de
l'administration fiscale.
Paragraphe I : La notion de présomption
légale
L'étude de la notion de présomption légale
exige, d'abord, de la définir (A) puis de
préciser sa nature (B).
1 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, article précité.
2 L'expression est empruntée à Joël MOLINIER,
<< La preuve en droit fiscal français >>, revue juridique et
politique, 1985, n°1-2, p. 740.
3 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 131.
D'ailleurs, dans le C.O.C. le législateur distingue
entre ces deux types de présomptions. Selon l'article 479 du C.O.C. :
<< Les présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou
le juge établit l'existence de certains faits inconnus >>.
Les articles 480 à 485 du C.O.C concernent << des
présomptions établies par la loi >> ; Les articles 486 et
s. concernent << des présomptions qui ne sont pas établies
par la loi >>.
4 Ce second type de présomptions sera examiné dans
la deuxième partie de ce mémoire consacrée à
l'administration de la preuve, voir infra, partie II, chapitre I, section
II.
L'article 427 du C.O.C. dispose que : << Les moyens de
preuve reconnus par la loi sont :
1-L'aveu de la partie ;
2-La preuve littérale ou écrite ;
3-La preuve testimoniale ;
4-La présomption ;
5-Le serment et le refus de le prêter.
5 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p.150.
6 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 358.
7 F.-P. DERUEL, << Quelques aspects du problème de
la preuve en matière fiscale >>, D.F. 1962, n°37, p. 46.
A- La définition de la présomption
légale
Selon l'article 480 du C.O.C. : << La
présomption légale est celle qui est attachée par la loi
à certains actes ou à certains faits >>. Il s'agit des
conséquences que la loi tire d'un fait connu à un fait inconnu.
Le passage du fait connu au fait inconnu se fait par une fiction.
Ainsi définie, la présomption légale
présente un avantage considérable pour la partie en faveur de
laquelle elle joue. En effet, << le fardeau qui pèse sur le
bénéficiaire de la présomption est par-là
même sensiblement allégé : il se doit d'apporter seulement
la preuve de l'existence du fait qui a servi de point de départ à
l'induction légale. En outre, la réalité des
éléments de fait qui conditionnent la présomption est
parfois si évidente1 que pratiquement cette obligation
minimale est anéantie >>2.
Ainsi, en cas de réclamation dirigée contre des
impôts déterminés sur la base de l'une des
présomptions légales, l'administration a seulement l'obligation
d'établir que les conditions fixées par la loi pour la mise en
jeu de la présomption se trouvent réunies. Au lieu de prouver le
fait contesté, l'administration se contentera d'établir un
indice, de sorte qu'il appartiendra désormais au contribuable de prouver
le contraire de ce qui est présumé par la loi et de supporter
ainsi le risque de la preuve.
Ainsi, les présomptions légales constituent
<< un facteur de perturbation du jeu normal des principes gouvernant la
charge de la preuve, en ce sens que ces présomptions légales
aboutissent généralement à déplacer la charge de la
preuve et à alléger la position probatoire de l'une des parties
au conflit en faisant directement supporter à son adversaire le risque
de la preuve >>3.
La présomption légale paraît souvent
intervertir la position des parties dans la preuve, en offrant à celle
qui devait normalement justifier des éléments de son droit, un
objectif si aisé à établir, que cette partie semblera
avoir ainsi une preuve toute faite, que son adversaire devra s'efforcer de
renverser4.
A vrai dire, selon qu'elle est simple ou irréfragable,
la présomption légale entraîne soit un renversement de la
charge de la preuve soit plus radicalement une suppression du droit de la
preuve contraire.
B- La nature des présomptions
légales
Selon l'article 485 du C.O.C. : << La
présomption légale dispense de toute preuve celui au profit
duquel elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la présomption de
loi >>. Cet article laisse croire que toutes les présomptions
légales sont irréfragables. Or, la doctrine considère
qu'il existe deux sortes de présomptions légales. Ces
dernières sont soit irréfragables, soit simple ("juris
tantum")5. La présomption légale irréfragable
dispense celui au profit duquel elle joue de la charge de la
preuve6. Bien plus, elle ne permet pas à la partie adverse de
la combattre par la preuve contraire. Elle entraîne ainsi une suppression
de la preuve. Du coup, elle est particulièrement dangereuse. La
présomption légale simple peut être combattue par la preuve
contraire et entraîne ainsi un renversement de la charge de la
preuve7.
1 La réalité des éléments de fait
auxquels la loi attache une présomption, relève le plus souvent
d'une simple constatation et ne soulève aucun problème de
preuve.
2 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p.1 50.
3 Hatem KOTRANE, << Introduction à l'étude du
droit, cadre juridique des relations économiques >>, C.E.R.P.
1994, Tunis, p. 245.
4 F.GENY, << Science et technique en droit privé
positif >>, Paris, Sirey 1921, t. III, p. 281, n°232.
5 Ahmed OMRANE, cours de droit civil non publié, 1994.
6 Exemple : la présomption de l'autorité de la
chose jugée qui exige l'identité de personnes, l'identité
de l'objet et l'identité de cause) / article 156 du C.S.P. / article 566
du C.O.C.
7 Exemple : la présomption d'innocence prévue par
l'article 12 de la constitution, la présomption de bonne foi
prévue par l'article 558 du C.O.C..
Transposées en droit fiscal, les présomptions
légales constituent une << adaptation à la matière
fiscale de la théorie classique de la preuve >>1.
Paragraphe II : La multiplication des
présomptions légales en faveur de l'administration
fiscale Le problème des présomptions
caractérise toute l'ambiguïté du droit fiscal, qui doit
à la fois garantir les droits des contribuables et donner à
l'administration les moyens de lutter efficacement contre la fraude et
l'évasion fiscale. C'est dans ce but que le législateur a
instauré les nombreuses présomptions au bénéfice de
l'administration 2.
<< L'établissement de présomptions
devient une arme essentielle de lutte contre la fraude fiscale, arme par trop
voyante, cède ainsi de plus en plus la place à des
mécanismes diffus mais tout aussi efficace>>3.
Nonobstant leur but, les présomptions légales,
par leur diversité 4 et leurs conséquences rigoureuses au niveau
de la preuve, accroîent le déséquilibre entre une
administration toute puissante et un contribuable démuni.
L'administration fiscale bénéficie de plusieurs
présomptions parfois déraisonnables5. Sans entrer dans une
analyse détaillée de ces présomptions on note seulement
que la présomption légale est la source d'un
déséquilibre entre le contribuable et l'administration fiscale en
matière de preuve. Les présomptions légales peuvent
entraîner non seulement un renversement de la charge de la preuve au
détriment du contribuable ( A ), mais aussi et plus dangereusement elles
peuvent aboutir à une suppression de la preuve ( B ).
A- Les présomptions légales simples et
le renversement de la charge de la preuve
<< Pour échapper à l'obligation de
prouver, le fisc se fait de plus en plus souvent reconnaître le profit de
présomptions légales qui renversent la charge de la preuve
>>6.
En matière de droits d'enregistrement, les
présomptions légales se rencontrent fréquemment. <<
L'enregistrement est, pour la preuve, le domaine rêvé des
solutions autoritaires et préfabriquées, c'est-à-dire des
présomptions légales instituées au profit exclusif du
trésor >>7. Ainsi en est-il par
1 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 357.
2 B. DALBIES, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 313, .3 14, 315.
3 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p. 151.
4 Ces présomptions légales sont plus ou moins
nombreuses, à titre d'exemple :
- La présomption de résidence habituelle ( Article
2 du C.I.R. ).
- La présomption de chef de famille ( Article 5 du C.I.R.
).
- Les présomptions de distribution de
bénéfices ( Article 29 II, a, b du C.I.R.; Article 30 du
C.I.R.).
- Les présomptions de transfert à
l'étranger ( Article 29 II, c du C.I.R.).
- Les présomptions d'existence d'un revenu taxable (
Articles 42, 43 du C.I.R.).
- Les présomptions de possession en matière de
droits de succession ( Articles 40; 44 ; 46 ; 50 du C.D.E.T ).
- La présomption de transfert de propriété
( Article 81 du C.D.E.T.)
- La présomption d'exercice d'une activité soumise
à l'impôt et non déclarée ( Article 8 du C.D.P.F.
).
- La présomption de fraude fiscale ( Article 8 du
C.D.P.F. ).
- pour une étude de l'ensemble des présomptions
légales reconnues en faveur de l'administration en droit fiscal belge,
on consultera avec profit Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en
droit fiscal >>, Bruxelles, Larcier 1998, p. 378-404.
5 Marc BALTUS: << Morale fiscale et renversement du
fardeau de la preuve >>, in Réflexions offertes à Paul
Sibille ( études de fiscalité), établissement Emile
Bruylant, 1981, p. 130.
6 Marc BALTUS, Ibid, p.129.
7 F.-P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 297.
exemple des présomptions de transfert de
propriété1 et des présomptions de possession en
matière de droits de succession2. Le domaine des successions
est particulièrement riche en présomptions légales tant
pour l'évaluation de l'actif3 que pour l'appréciation
du passif déductible4.
En matière d'impôts directs, les
présomptions légales sont nombreuses. A titre d'illustration, on
peut citer les présomptions d'existence d'un revenu taxable
prévues par les articles 42 et 43 du C.I.R.5, la
présomption de transfert de bénéfices à
l'étranger6 et celle de distribution de
bénéfices.
La présomption de distribution de
bénéfices7est prévue par l'article 29 du C.I.R.
qui dispose que :
1 L'article 81 du C.D.E.T. dispose que : << Sauf
preuve contraire, et pour l'exigibilité des droits d'enregistrement
et des pénalités, sont suffisamment établies :
1- La mutation d'un immeuble en propriété,
nue-propriété ou usufruit par :
- le dépôt d'une demande d'immatriculation au nom
du nouveau possesseur.
- tous actes et écrits révélant l'existence
de la mutation ou constatant le droit du nouveau possesseur sur l'immeuble.
2- La mutation de propriété d'un fonds de
commerce ou de clientèle, par tous les actes et écrits en
révélant l'existence ou constatant le droit du nouveau possesseur
ou par les paiements d'impôts auxquels sont assujettis les
commerçants.
2 Pour une analyse détaillée de ces
présomptions on consultera avec profit Louis MARTIN, << La
présomption de propriété de l'article 751 du code
général des impôts >>, J.C.P., La Semaine Juridique
Notariale et Immobilière, n°46, 13 novembre 1998, p. 1629-1633.
André CHAPPERT, << A propos de la présomption
de propriété de l'article 751 du C.G.I., Répertoire du
Notariat Défrénois, n°4, 28 février 1995, p.
224-226.
Jacques GROSCLAUDE et Philippe MARCHESSOU, << Droit fiscal
général >>, Dalloz 1997, p.359 et s.
3 L'article 40 du C.D.E.T., relatif à
l'évaluation de la succession, dispose que : << ...Toutefois, pour
les meubles et meublants et sans que l 'administration ait à prouver
leur existence, la valeur imposable ne peut être
inférieure à 5 pour cent de la valeur brute de l'ensemble
des autres biens héréditaires, sauf preuve contraire >>.
4 Il y a des dettes dont la déduction de l'actif est
interdite par le jeu des présomptions légales. Ainsi, l'article
50 du C.D.E.T., relatif au passif non déductible, dispose que : <<
I. ne sont pas déductibles :
1-Les dettes échues depuis plus de six mois à la
date d'ouverture de la succession, à moins qu'il ne soit produit une
attestation du créancier en certifiant l'existence à cette
époque... ; ( présomption que ces dettes ont été
réglées par le decujus )
2-Les dettes contractées par le défunt
auprès de ses héritiers ou des personnes interposées.
Néanmoins, lorsque la dette résulte d'un acte authentique ou d'un
acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la
succession autrement que par le décès d'une des parties
contractantes, les héritiers, donataires et légataires et les
personnes réputées interposées ont le droit de prouver la
sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture
de la succession ; ...
II. sont réputées personnes interposées au
sens des dispositions du paragraphe I deuxièmement du présent
article :
1 -Les père et mère, les enfants, les descendants
et le conjoint de l'héritier, donataire ou légataire ;
2-En matière de succession entre époux, les enfants
du conjoint survivant issus d'un autre mariage et les parents dont ce conjoint
est héritier présomptif >>.
5 Parce qu'elles agissent essentiellement sur l'administration de
la preuve, ces deux présomptions légales des articles 42 et 43
seront étudiées dans la 2ème partie de ce
mémoire, Chapitre I, section II.
6 Cette présomption, vu son caractère
irréfragable sera étudié dans le cadre des
présomptions légales irréfragables. Voir infra, p 101.
7 Pour une étude approfondie de cette
présomption en droit français, on se reportera à : Alain
COLOMBEAU, << La preuve dans le contentieux de l'imposition des
distributions et rémunérations occultes ( art. 117 c. gén.
impôts ) >>, Gaz. Pal. 1982, 1er sem., p. 210-214.
Jean-Pierre LOOTEN, << Les revenus réputés
distribués : un système d'imposition perfectible >>, les
Nouvelles Fiscales, n°793, 1998, p. 22-25.
Bernard PLAGNET, << Une évolution dans la
définition des revenus distribués ? >>, D.F. 1990,
n°9.
Maurice COZIAN, << Les grands principes de la
fiscalité des entreprises, éditions Litec ; 3ème
édition ; document intitulé : << L'imposition des
distributions irrégulières >>, p. 459.
« II. Sont à ce titre considérés comme
revenus distribués :
1 -Tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni
mis en réserve ni incorporés au capital ;
2-Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des
associés, actionnaires ou porteurs de parts et non
prélevées sur les bénéfices ;
»1.
Ce texte est complété par l'Article 30 du C.I.R.
aux termes duquel : « Sont assimilés à des revenus
distribués :
1- Sauf preuve contraire, les sommes mises à la
disposition des associés, directement ou par personnes
interposées, au titre d'avances, de prêts ou d'acomptes à
l'exception de celles servies entre la société mère et ses
filiales2.
Lorsque ces sommes sont remboursées à la
personne morale, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait
donné lieu est imputé sur l'impôt au titre de
l'année du remboursement ou des années suivantes.
2- Les rémunérations, avantages et
bénéfices occultes.
3-Les jetons de présence3 et les
tantièmes attribués aux membres du conseil d'administration ou du
conseil de surveillance en leur dite qualité ».
Ainsi, les sommes que les sociétés
énumérées à l'article 29-I- mettent à la
disposition des associés, sont classés par le législateur
en trois catégories : les revenus présumés
distribués ( article 29-II et 31 C.I.R. ) qui sont essentiellement
constitués de répartitions de bénéfices. Les
revenus distribués par assimilation qui couvrent des distributions
déguisées de bénéfices ( article 30 C.I.R
)4.
En France, le bénéfice distribué est
soumis à l'impôt sur les capitaux mobiliers. Le but de la
présomption de distribution de bénéfices est de
sanctionner les dissimulations de distributions opérées pour
échapper à l'impôt.
Le législateur tunisien consacre la présomption
de distribution de bénéfices. Mais, il est légitime de se
demander sur l'intérêt de cette présomption du moment
où la loi prévoit l'exonération en faveur des
bénéfices distribués5. L'exonération du
bénéfice distribué « rend absurde ou du moins
insolite une
1 La suite de l'article 29 II concerne la présomption
de transfert de bénéfice à l'étranger, article
29-II-c.
2 Selon la note commune n°16 / 1995, relative au
commentaire des dispositions des articles 50, 51, 52 et 53 de la loi
n°94-127 du 26 décembre 1994, relatifs au régime fiscal des
jetons de présence, : << La preuve contraire doit être
établie par l'associé ou l'actionnaire qui doit démontrer
que l'opération ne revêt pas le caractère de
distribution.
A ce titre la preuve contraire peut être
démontrée :
* si le prêt, objet de la présomption de
distribution, a été conclu par un contrat dûment
établi, préalablement à l'opération de remise des
sommes présumées distribuées moyennant un taux
d'intérêt normal et que les conditions de remboursement sont
fixées.
* si les avances consenties par la société
à un associé sont réalisées dans le cadre
d'opérations commerciales normales...
* si l'avance ou le prêt a fait l'objet de remboursement
avant l'intervention des services de contrôle... >>.
3 << Les jetons de présence sont des
rémunérations fixes et annuelles, dont le montant est fixé
par l'assemblée générale et qui servent de contrepartie
à la présence et l'assiduité dont fait preuve les
administrateurs >>. Majdi DAROUICHE, << Fiscalité des
sociétés d'investissement >>, mémoire pour
l'obtention du diplôme d'études approfondies en droit des
affaires, faculté de droit de Sfax, 1996-1997 p. 58.
Voir l'article 76 alinéa 1er code de
commerce qui définit les jetons de présence.
4 Salma ABID, << L'imposition des revenus de valeurs et
capitaux mobiliers >>, mémoire pour l'obtention du diplôme
d'études approfondies en droit des affaires, faculté de droit de
Sfax, 1998-1999, p.15. 5 L'exonération des bénéfices
distribués est prévue par les articles 38-10 et 48-III du
C.I.R.
- L'article 38 dispose que : << Ne sont pas
soumis à l'impôt : 10- Les revenus distribués au sens des
dispositions de l'alinéa `a' du paragraphe II de l'article 29, du
paragraphe 3 de l'article 30 et l'article 31 du présent code à
l'exclusion des jetons de présence visés au paragraphe VI de
l'article 48 du présent code >>.
tentative de dissimulation, pour des raisons fiscales, des
distributions de bénéfice >>1. On peut estimer
critiquable la position du législateur tunisien qui renferme une
contradiction entre l'exonération du bénéfice
distribué et sa détermination par présomption. Du coup, la
présomption de distribution de bénéfices semble être
dépourvue d'intérêt fiscal à raison de
l'exonération prévue.
Néanmoins, on peut penser que la présomption de
distribution a un effet utile par l'interprétation de l'administration
concernant la portée de l'exonération des bénéfices
distribués. Dans la note commune n°16 de l'année 1995 2
, l'administration a soutenu le raisonnement suivant : aussi bien
l'article 38-10 que l'article 48-III du C.I.R. prévoient une
exonération des bénéfices distribués au sens de
l'article 29- II-a. Elle a conclu sur la base de ces mêmes dispositions
que l'exonération en droit tunisien ne concerne que les distributions
régulières de bénéfices. Il s'agit notamment «
des intérêts des parts sociales dans les sociétés
à responsabilité limitée et des dividendes >>.
Toutes les autres formes de distribution irrégulière se trouvent
soumises à l'imposition.
L'interprétation avancée par l'administration
vaut par sa clarté et présente l'avantage d'obvier aux situations
insolites et aberrantes auxquelles aboutissent les dispositions
combinées des articles 38-10 (ou 48-III) et 29-II-a3. La dite
interprétation permet de donner un sens à la présomption
de distribution de bénéfices. Cette dernière aura un
intérêt concernant les distributions irrégulières de
bénéfices, puisque selon l'administration ces distributions sont
imposables4.
Par ailleurs, la présomption de distribution de
bénéfices trouve tout son intérêt concernant les
revenus distribués au sens de l'article 29-II- et de l'article 30
paragraphe 1 et 2. Lesdits revenus sont soumis à imposition, puisque
l'exonération prévue par l'article 38-10 se limite aux revenus
distribués au sens de l'article 29-I I-a, de l'article 30 §3 et de
l'article 31.
L'essentiel est que la consécration législative
des présomptions légales simples au profit de l'administration
confirme le choix législatif de généraliser le
renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable.
B- Les présomptions légales
irréfragables et la suppression la preuve
Les présomptions légales irréfragables
sont dangereuses car elles ne laissent pas une chance à la preuve
contraire. « Particulièrement la source des fictions se trouve dans
les présomptions irréfragables, praesumptiones iuris et de iure,
car elles ne peuvent être écartées, elles formulent donc
des assertions dont la fausseté n'est pas démontrable par une
référence à la réalité
>>5.
- L'article 48 III dispose que : << En outre,
sont admis en déduction pour la détermination du
bénéfice imposable les revenus distribués au sens des
dispositions de l'alinéa `a' du paragraphe II de l'article 29, du
paragraphe 3 de l'article 30 à l'exclusion des jetons de présence
et de l'article 31 du présent code >>.
1 Salma ABID, << L'imposition des revenus de valeurs et
capitaux mobiliers >>, mémoire précité, p. 33. Elle
ajoute << A cause d'un curieux mimétisme, le législateur
tunisien a crée un paradoxe au sein du régime fiscal des revenus
de valeurs mobilières >>, p.32.
2 Voir annexe n°3 de ce mémoire.
3 Salma ABID, << L'imposition des revenus de valeurs et
capitaux mobiliers >>, mémoire précité, p. 37.
4 Il faut noter que la position de l'administration n'est pas
en parfaite harmonie avec le texte, d'autant plus qu'on peut constater que le
législateur tunisien a banni le terme << dividende >> dans
les articles et suivants. En effet, l'administration opère la
distinction entre distributions régulières de dividendes et
distributions déguisées de bénéfices sociaux quant
à la détermination du champ d'application de
l'exonération. En revanche, la loi fiscale ne contient pas une telle
distinction. L'article 38-10 et l'article 48-III du C.I.R. visent les
distributions de l'article 29-II-a sans aucune distinction entre distributions
régulières et distributions irrégulières.
Pour pallier l'absence d'harmonie qui existe entre le texte
législatif et son interprétation administrative, une refonte des
dispositions définissant le régime fiscal des revenus de valeurs
mobilières s'impose. Le législateur tunisien peut
éventuellement limiter l'exonération aux seules distributions
régulières de dividendes. Les autres formes
déguisées de distribution de bénéfices telles que
définies par les articles 29-II-a et 29-III du C.I.R., devraient en
principe, être écartées du bénéfice de
l'exonération.
Salma ABID, mémoire précité, p. 38.
5 Jerzy WROBLEWSKI, << Structure et fonctions des
présomptions juridiques >>, in Etudes publiées par Ch.
PERELMAN et P. FORIERS : << Les présomptions et les fictions en
droit >>, Bruxelles 1974, p. 67.
L'exemple de présomptions irréfragables, qui
mérite d'être avancé, est la présomption de
transfert de bénéfices à l'étranger prévue
par l'article 29-II-c du C.I.R. Cet article dispose que : « II. sont
à ce titre considérés comme revenus distribués :
c- les bénéfices réalisés en
Tunisie par les entreprises visées à l'alinéa 3 du
paragraphe I du présent article1 qui sont
présumés être distribués au profit des
associés non domiciliés en Tunisie ».
Ainsi, les bénéfices réalisés en
Tunisie, par les établissements tunisiens de sociétés
étrangères sont soumis à une double présomption. La
première présomption conduit à supposer que les
bénéfices réalisés par ces établissements
sont distribués en totalité. La deuxième
présomption conduit à supposer que les distributions de
bénéfices sont faites au profit de personnes ayant leur domicile
réel ou leur siège social hors de Tunisie. Ainsi les
bénéfices réalisés en Tunisie sont
présumés transférés à l'étranger. Ces
bénéfices ne sont pas exonérés que le
bénéficiaire soit personne physique (article 38-10 C.I.R. tel que
modifié par la loi de finances de l'année 1995 ) ou personne
morale (article 48 III). Du coup, la présomption de transfert de
bénéfices à l'étranger présente un
intérêt du moment où le législateur prévoit
l'imposition desdits bénéfices2.
Certes, la présomption de transfert de
bénéfices à l'étranger présente l'avantage
d'être un moyen particulièrement drastique pour lutter contre
l'évasion et la fraude fiscale. Néanmoins, le caractère
irréfragable de la dite présomption place le contribuable dans
une situation périlleuse3, puisqu'il est privé de la
possibilité de rapporter la preuve contraire. Il s'agit d'une solution
sévère, pénalisante, rigoureuse.
Le caractère dissuasif de cette présomption
aurait pu être amoindri, si elle admettait la preuve
contraire4. D'ailleurs, en droit fiscal français, cette
présomption est simple, ce qui est plus équitable. En effet,
l'article 115 quinquies 2 C.G.I. prévoit la possibilité d'une
révision de l'imposition dans les deux cas suivants :
· La société justifie que les
bénéfices ne sont pas totalement distribués.
· La société justifie que tout ou partie des
distributions a bénéficié à des personnes
domiciliées ou établies en France.
Les présomptions légales irréfragables
avantagent l'administration fiscale en matière de preuve et constituent
un danger qui menace les droits des contribuables par leur privation d'un droit
fondamental : le droit à la preuve. Refuser au contribuable la preuve
contraire d'une présomption équivaut à laisser entrer dans
les caisses du trésor une imposition indue, ce qui est contraire au
statut constitutionnel de l'impôt5.
Par ailleurs, il convient de préciser qu'en droit
fiscal l'opposition présomption simple-présomption
irréfragable est largement théorique. En principe, seules les
présomptions irréfragables ne souffriraient pas de la preuve
contraire. En revanche, les présomptions simples pourraient être
combattues. Or, en droit fiscal, le caractère irréfragable de la
présomption est certes une notion juridique mais il est surtout un
élément de fait6. « Une présomption simple
peut se transformer de fait
1 C'est-à-dire par les établissements tunisiens de
sociétés étrangères.
2 Il s'agit d'une solution contraire à celle
consacrée concernant les bénéfices présumés
distribués. Voir supra, p. 97.
3 L'article 29-II-c n'a pas prévue la possibilité
de combattre la présomption par la preuve contraire.
4 Salma ABID, mémoire précité, p. 45, 46.
5 F.P. DERUEL, thèse précitée.
6 Maurice-Christian BERGERES, « quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gaz.Pal. 1983, n° 1, p.1 50,
151. Cet auteur cite l'exemple de la présomption d'intention
spéculative qui est établie à l'article 35 A 1 du code
général des impôts. Cette présomption est
parfaitement révélatrice de ces distorsions. Le contribuable peut
parfaitement combattre la présomption qui est établie mais il
doit se battre sur un terrain subjectif et rétablir une intention
passée qui a été démentie par les
évènements postérieurs. Comme l'a souligné Daniel
RICHER, cet article a été abrogé par la loi n°82-1
126 du 29 décembre 1982.
en présomption irréfragable devant
l'impossibilité concrète de la combattre >>1. Il
va sans dire que cette donnée accroît le
déséquilibre entre l'administration fiscale et le contribuable en
matière de preuve. « La multiplication des présomptions qui
ne souffrent pratiquement pas la preuve contraire hypothèque le
succès d'une instance devant le juge de l'impôt. N'est-ce pas
très largement encourager un contentieux stérile et frustratoire
? >>2.
On ne saurait, enfin, passer sous silence un des exemples les
plus flagrants des présomptions légales, il s'agit de la
présomption de fraude instituée par l'article 8 du C.D.P.F. qui
dispose que les agents de l'administration « sont habilités, en cas
d'existence de présomption d'exercice d'une activité soumise
à l'impôt et non déclarée ou de manoeuvres de fraude
fiscale, à procéder, conformément aux dispositions du code
de procédure pénale, à des visites et perquisitions dans
les locaux soupçonnés en vue de constater les infractions
commises et de recueillir les éléments de preuve y
afférents.
Les agents de l'administration fiscale peuvent procéder
à la saisie de tous documents ou objets prouvant l'exercice d'une
activité soumise à l'impôt et non déclarée ou
présumant une infraction fiscale >>. Cette présomption
légale de fraude est contraire à la constitution qui consacre
dans son article 12 la présomption d'innocence3. Comme on l'a
déjà évoqué, abolir la présomption
d'innocence ou la présomption de non-revenu, pour instituer exactement
la présomption inverse... c'est vraiment aller trop loin4.
Au total, si les présomptions légales
constituent un moyen efficace de lutte contre la fraude, «
l'efficacité est même parfois excessive car la présomption
est nécessairement aveugle. Elle enferme dans ses rets tous les
contribuables qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi >>5.
Elle paralyse le plus souvent les contribuables et plus particulièrement
les contribuables de bonne foi6.
Les présomptions légales permettent à
l'administration fiscale de réclamer l'impôt en étant
dispensée de prouver qu'il est réellement dû. Du coup, le
contribuable court le risque de devoir payer l'impôt non parce que cet
impôt est dû, mais parce qu'il n'arrive pas à prouver qu'il
ne l'est pas7.
Vu leur gravité, « les présomptions
légales, exceptions à la règle générale qui
confère à l'Etat la charge de la preuve, doivent être
interprétées aussi respectivement que possible
>>8.
1 Dalbies BERANGERE, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. .317. Voir dans le même
sens Joël MOLINIER, << La preuve en droit fiscal français
>>, revue juridique et politique 1985, 1-2, p.140, 141.
2 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p. 154.
3 Cet article dispose que : << Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa
culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les
garanties indispensables à sa défense >>.
4 Jean Foyer, Rapport final de synthèse in << La
taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>, op. Cit.,
p.160.
5 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p.150, 151.
6 Maurice-Christian BERGERES, ibid, p. 153.
7 Marc BALTUS: << Morale fiscale et renversement du fardeau
de la preuve >>, article précité, p. 130.
8 F.P. DERUEL, << La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 368.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En droit fiscal tunisien, la détermination de la charge
de la preuve est gouvernée par la procédure de taxation d'office
dont l'administration fiscale a la maîtrise. La maîtrise de la
procédure présente un avantage considérable pour
l'administration puisqu'elle lui permet de renverser la charge de la preuve au
détriment du contribuable, même si ce dernier a respecté
ses obligations déclaratives et comptables.
Par la généralisation de la taxation d'office et
du renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable,
le système déclaratif ne cède-t-il pas la place à
l'évaluation administrative ? La présomption d'exactitude de la
déclaration, corollaire de tout système déclaratif, ne
cède-t-elle pas la place à la présomption d'inexactitude ?
N'y a-t-il pas eu passage à une présomption de fraude et de
culpabilité ?
Si en droit fiscal comparé, parmi les garanties dont
profite le contribuable respectueux de ses obligations déclaratives et
comptables, figure le principe d'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale1 et le caractère exceptionnel du
renversement de la charge de la preuve, le droit fiscal tunisien pourrait-il
ignorer encore cette répartition de la charge de la preuve favorable au
contribuable ?
Le déséquilibre entre l'administration fiscale et
le contribuable au niveau de la répartition de la charge de la preuve
s'est aggravé par le déséquilibre au niveau de
l'administration de la preuve.
1 Christophe DE LA MARDIERE, « La déclaration fiscale
», R.F.F.P. 2000, n°71, p.138.
DEUXIEME PARTIE : LE DESEQUILIBRE AU NIVEAU
DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
Le législateur tunisien, malgré son silence sur
la charge de la preuve incombant à
l'administration fiscale1, a pris soin de doter cette
dernière de moyens énergiques qui lui facilitent l'administration
de la preuve.
Il y a là un véritable paradoxe :
l'administration fiscale qui, de par la loi, n'est pas tenue de prouver ; peut
prouver. En revanche, le contribuable qui, de par la loi, doit prouver ; n'est
pas toujours en mesure de le faire, dès lors que celui-ci ne dispose pas
de moyens efficaces, comparables à ceux que possède
l'administration, pour prouver que cette dernière a fait une
évaluation exagérée de ses bases d'impositions. Ainsi, le
contribuable « se sent en nette infériorité, face aux
rouages d'une administration bien rodée à la bataille qu'elle est
entrain de lui livrer »2.
En matière d'administration de la preuve, le
déséquilibre entre les deux parties est criant. A une
prépondérance de l'administration fiscale (CHAPITRE I)
correspond une précarité de la situation du contribuable
(CHAPITRE II).
1 Ceci bien entendu mis à part l'article 108 du C.D.P.F.
qui concerne le contentieux fiscal pénal.
2 Neila CHAABANE, « Les garanties du contribuable devant le
juge fiscal », in actes de colloque sur le contentieux fiscal,
faculté des sciences juridiques de Tunis, le 21 et 22 avril 1995,
p.3.
CHAPITRE I : LA PREPONDERANCE DU FISC DANS
L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
Le droit fiscal, plus que tout autre droit, illustre dans
certains de ses aspects la permanence et la rigueur des prérogatives de
puissance publique. Tel est le cas en matière de preuve. Ce droit a pu
apparaître comme le serviteur quasi-exclusif des intérêts du
fisc1.
Dans le dialogue avec le contribuable, les agents du fisc
apparaissent comme trop fortement armés2. Grâce au
soutien législatif, l'administration fiscale jouit de pouvoirs
exorbitants pour rechercher les éléments de preuve
(SECTION I). Bien plus, les présomptions constituent un
moyen de preuve privilégié de l'administration fiscale
(SECTION II). Ces deux armes favorisent la
prépondérance du fisc dans l'administration de la
preuve3.
Section I : Les pouvoirs exorbitants de l'administration
fiscale dans la recherche des preuves
On doit admettre qu'il est naturel d'attribuer au fisc des
pouvoirs importants et c'est une erreur de vouloir dissimuler la
véritable essence derrière une collaboration des contribuables
qui sera toujours imparfaite et toujours irritante4. Ces pouvoirs
exorbitants sont justifiés par la nécessité de lutter
contre la fraude fiscale et de saisir une matière imposable qui risque
d'être dissimulée.
Mais, en contrepartie, il faut que de réelles garanties
soient octroyées aux contribuables, surtout que les pouvoirs
d'investigation du fisc sont souvent ressentis comme des atteintes à la
liberté individuelle, voire comme des intrusions dans la vie
privée.
En droit fiscal, l'administration peut à la fois
diligenter elle-même des procédures tendant à rechercher
les preuves, exiger du contribuable les preuves qu'elle n'a pu réunir
contre lui5. Plusieurs procédures de contrôle exigent
du contribuable qu'il fournisse la preuve de la sincérité de ses
déclarations alors même que celles-ci ont été
régulièrement déposées6.
Les techniques de contrôle7 mises à la
disposition de l'administration lui permettent de rechercher les preuves de
l'inexactitude de la déclaration du contribuable. Il s'agit de
prérogatives exorbitantes 8: un droit de
communication particulièrement étendu (paragrapheI),
un droit de vérification interminable
1 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée,
p. I.
2 Marc BALTUS, << Morale fiscale et renversement du fardeau
de la preuve >>, article précité, p. 135.
3 La prépondérance du fisc dans l'administration
de la preuve apparaît aussi dans le contentieux fiscal pénal,
à travers l'attribution d'une force probante particulière aux
procès-verbaux des agents de l'administration fiscale. L'article 71 du
C.D.P.F. dispose que : << Les procès-verbaux relatifs aux
infractions fiscales pénales sont établis par deux agents
assermentés ayant constaté personnellement et directement les
faits qui constituent l'infraction, ces procès-verbaux font foi
jusqu'à preuve du contraire >>. Il faut noter que
l'attribution d'une force probante particulière aux
procès-verbaux de l'administration fiscale, constitue une
dérogation au principe général qui interdit de se
créer un titre à soi-même.
4 Jean BOULOUIS, << Procès du juge fiscal >>,
R.S.F. 1957, n°4, p.656 et s.
5 Didier DE MONTBRIAL, <<La fiscalité, les
libertés et l'Etat de droit>>,Gaz. Pal. 1985, 2ème
sem. p. 655.
6 DE LA MARDIERE Christophe, << La déclaration
fiscale >>, R.F.F.P., 2000, n°71, p.140.
7 Le C.I.R a réglementé le contrôle fiscal
dans les articles 63, 64, 65. Mais, les dispositions législatives du
C.I.R étaient lacunaires. Le législateur ne s'est tellement pas
soucié de prévoir avec précision les règles devant
régir le contrôle fiscal. Le C.D.P.F., tout en légalisant
les règles régissant le contrôle fiscal qui étaient
prévues par la charte et le C.I.R., a apporté certaines
modifications par rapport à l'ancienne législation
régissant le contrôle fiscal. Il n'a fait que consolider les
pouvoirs de l'administration fiscale.
8 Voir sur la question :
? ? ? ?
|
" i
|
? ? ? " ?
|
? ?
|
?
|
"
|
?"
|
? ?-
|
|
.2000
|
25 24
|
|
|
|
|
|
.94-41 . 2002 " -
(paragraphe II), une demande de renseignements,
d'éclaircissements ou de justifications générale
(paragrapheIII) et un droit de visite redoutable
(paragrapheIV).
Paragraphe I : Un droit de communication
particulièrement étendu
Le droit de communication est régi par les articles 7,
8, 9, 16, 17 et 18 du code des droits et des procédures
fiscaux1. C'est le droit qui permet à l'administration
fiscale d'obtenir, à la fois du contribuable lui-même et des
tiers, de façon unilatérale des renseignements utiles en vue de
l'établissement de l'impôt2. Il permet à
l'administration fiscale d'obtenir des renseignements sur le patrimoine, la
situation financière ainsi que l'activité du contribuable
auprès d'organismes ou personnes publiques ou privées, sans que
ces derniers puissent opposer à l'administration fiscale le secret
professionnel3.
Il s'agit d'une prérogative exceptionnelle
techniquement nécessaire, permettant à l'administration de
réunir les éléments de la preuve qui lui incombe.
Le C.D.P.F., entré en vigueur le 1er janvier
2002, a élargi davantage le droit de communication4. Celuici
apparaît comme un droit particulièrement étendu quant aux
personnes qui y sont soumises. Le droit de communication s'étend aussi
bien au contribuable (A) qu'aux tiers (B).
Deux principes fondamentaux risquent d'être mis en cause,
l'obligation de respecter la vie privée des citoyens et la règle
du secret professionnel5.
A- L'exercice du droit de communication à
l'égard du contribuable
Le droit de communication à l'égard du
contribuable est prévu par les articles 7, 8 et 9 du
C.D.P.F.6 :
L'article 7 dispose que : « L'administration fiscale peut
demander aux personnes physiques, dans le cadre de la vérification de
leur situation fiscale, des états détaillés de leur
patrimoine et des éléments de leur train de vie visés aux
articles 42 et 43 du code de l'impôt sur le revenu des personnes
physiques et de l'impôt sur les sociétés ».
1 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., le droit de
communication était régi par les articles 63 al.
1er, 64 al.2 et 65 du C.I.R.
2 C.E. 13 mars 1967, D.F. 1967, n°43, conclusions
LAVONDES.
3 Walid GADHOUM, mémoire précité, p. 49.
.2000 25
" " " ? ?" ? ? 24
4 Sofiène GUERMAZI, << Le droit de communication
dans le cadre du code des droits et procédures fiscaux >>, R.C.F.
2001, N° 54.
5 On consultera avec profit :
- Badreddine CHIHI, << Le secret professionnel et le
droit de communication du fisc au sens du code des droits et procédures
fiscaux >>, mémoire pour l'obtention du diplôme
d'études approfondies en droit public, faculté de droit et des
sciences politiques de Tunis, 2000-2001.
- Philippe LUPPI, << Contrôle fiscal et secret
professionnel chez les professionnels de santé libéraux :
L'exemple des chirurgiens dentistes, R.F.F.P. 1992, n°37, p.47-74.
- Corinne Lepage JESSUA, << L'opposabilité du
secret professionnel au fisc : A propos de l'arrêt d'assemblée du
12 mars 1982 >>, Gaz.Pal. 1983, 1er sem, p.80-85.
- Jean-Pierre BOURS, << La notion de secret dans ses
rapports avec le droit fiscal >>,in Etudes de fiscalité,
réflexions offertes à Paul SIBILLE, Bruxelles, Bruylant 1981, p.
233-252.
- Yves PIMONT, << Le fisc, le contribuable et les tiers
>>, in Mélanges P.-M. GAUDEMET, Economica 1984, p. 637-656.
- Jacques MALHERBE, rapport général sur le
Thème << La protection de la confidentialité en
matière fiscale >>, Cahiers de droit fiscal international, volume
LXXVIb, p. 21-44.
6 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., le droit de
communication à l'égard du contribuable était régi
par les articles 63 al.1er, 64 al.2 du C.I.R.
L'article 8 ajoute que : < Le contribuable doit
communiquer, à toute réquisition des agents de l'administration
fiscale à ce habilités, ses quittances, documents et factures
relatifs au paiement des impôts dont il est redevable ou justifiant
l'accomplissement de ses obligations fiscales >>.
L'article 9 précise que : < Les personnes soumises
à l'obligation de tenir une comptabilité conformément aux
dispositions de l'Article 62 du code de l'impôt sur le revenu des
personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés, doivent
communiquer aux agents de l'administration fiscale, tous registres, titres et
documents, ainsi que les programmes, logiciels et applications informatiques
utilisés pour l'arrêté de leurs comptes ou pour
l'établissement de leurs déclarations fiscales. Les personnes qui
tiennent leur comptabilité ou établissent leurs
déclarations fiscales par les moyens informatiques, doivent communiquer,
aux agents de l'administration fiscale, les informations et
éclaircissements nécessaires que ces agents leur
requièrent dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions >>.
Il y a lieu de préciser que le droit de communication
s'exerce sans que l'administration soit obligée de prévenir le
contribuable. En effet, la loi n'exige aucune formalité d'information
préalable. Ce droit est < unilatéral >> et il est
limité à un relevé passif des écritures comptables
ou la copie des documents sans examen critique de la
comptabilité1.
Cette prérogative altère le régime de la
preuve en obligeant le contribuable à fournir lui-même les
éléments de la démonstration, alors que c'est
l'administration, qui supporte la charge de la preuve2.
Le droit de communication à l'égard du
contribuable ne peut s'exercer sans risquer de pratiquer, dans certains cas,
< une indiscrétion inquisitoriale insupportable >>3.
Ainsi en est-il de l'obligation mise à la charge des contribuables de
communiquer, sur demande de l'administration, < des états
détaillés de leur patrimoine et des éléments de
leur train de vie >>4. N'a-t-on pas affirmé que <
vivre, c'est dépenser ; et à son terme, le contrôle des
revenus par le train de vie se transforme en une intrusion fiscale de tous les
instants de la vie privée des citoyens >>5.
B- L'exercice du droit de communication à
l'égard des tiers
Le C.D.P.F. prévoit, dans ses articles 16 à 18,
une liste des tiers soumis au droit de communication6. Non seulement
l'administration peut demander aux tiers de lui fournir des
éléments de preuve (2), mais bien plus ces
éléments lui sont même fournis sans initiative de sa part
(1). C'est ainsi que Alain PU PIER distingue respectivement
entre le droit de communication < actif >> et le droit de
communication < passif >>7.
1) La communication automatique
Certaines personnes ou services sont tenus de faire
connaître d'office à l'administration fiscale, sans demande de
celle-ci, des renseignements relatifs aux contribuables. Il s'agit là
d'un droit de communication < passif >>.
1 En revanche, le droit de vérification est
subordonné au respect des garanties offertes par la loi au contribuable
vérifié ; tel que l'information préalable, le débat
oral et contradictoire.
2 F.-P. DERUEL<< La preuve en matière fiscale
>>, thèse précitée, p. 428.
3 Jean WILMART : << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p.173.
4 Article 7 du C.D.P.F.
5 Jean WILMART : << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, article précité, p.173.
6 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., le droit de
communication à l'égard des tiers était consacré
par l'article 65 du C.I.R.
7 Alain PUPIER, << Le contrôle fiscal : drame ou
relation juridique ? >>, revue de la recherche juridique, droit
prospectif, presses universitaires d'Aix-Marseille 1997-1, p. 316.
Ainsi, l'article 16 alinéa 2 et 3 du C.D.P.F. dispose
que : « Les services de l'Etat et des collectivités locales, les
établissements et entreprises publics ainsi que les
sociétés dans le capital desquelles l'Etat détient
directement ou indirectement une participation, doivent faire parvenir aux
services compétents de l'administration fiscale, tous les renseignements
relatifs aux marchés pour construction, réparation, entretien,
fourniture, services et autres objets mobiliers qu'ils passent avec les tiers
selon un modèle établi par l'administration, et ce, dans un
délai ne dépassant pas trente jours à compter de la date
de leur passation.
Les officiers publics et les dépositaires d'archives
et de titres publics sont tenus de communiquer pour consultation sur place, aux
agents de l'administration fiscale à ce habilités, les actes,
écrits, registres et pièces des dossiers détenus ou
conservés par eux dans le cadre de leurs fonctions. Ils sont tenus
également de permettre à ces agents de prendre, sans frais, les
renseignements, extraits et copies nécessaires pour le contrôle
des actes et des déclarations >>.
De son côté l'article 18 du C.D.P.F. dispose que
: « Le ministère public communique aux services de l'administration
fiscale, tous les renseignements et documents présumant une fraude
fiscale ou tout autre agissement ayant pour but de frauder l'impôt ou de
compromettre son paiement qu'il s'agisse d'une instance civile, commerciale ou
d'une instruction pénale même terminée par un non-lieu
>>. Il s'agit là d'un droit de communication de l'administration
auprès de l'autorité judiciaire 1.
Il apparaît que la loi définit d'une
manière large les personnes ou services soumis au droit de
communication. La communication est dans ce cas automatique, spontanée.
Elle n'est pas subordonnée à une demande écrite de
l'administration.
2) La communication sur demande de
l'administration
L'article 16 alinéa 1erdu C.D.P.F. dispose
que : « Les services de l'Etat et des collectivités locales, les
établissements et entreprises publics, les sociétés et
organismes contrôlés par l'Etat ou par les collectivités
locales ainsi que les établissements, entreprises et autres personnes
morales du secteur privé et les personnes physiques, doivent communiquer
aux agents de l'administration fiscale sur demande écrite et pour
consultation sur place les registres, la comptabilité, les factures et
les documents qu'ils détiennent dans le cadre de leurs attributions ou
dont la tenue leur est prescrite par la législation fiscale. Ils
doivent, en outre, faire parvenir aux agents de l'administration fiscale, sur
demande écrite, des listes nominatives de leurs clients et fournisseurs
comportant les montants des achats et des ventes de marchandises, de services
et de biens effectués avec chacun d'eux, et ce, dans un délai ne
dépassant pas trente jours à compter de la date de la
notification de la demande >>. Selon l'article 16 du C.D.P.F., on
constate que le droit de communication a connu une extension de son champ
d'application, il n'épargne aucune personne qu'elle soit publique ou
privée.
L'article 16 alinéa 4 du C.D.P.F. dispose que : «
Les services et les personnes physiques ou morales, visés au
présent article ne peuvent, en l'absence de dispositions légales
contraires, opposer l'obligation du respect du secret professionnel aux agents
de l'administration fiscale habilités à exercer le droit de
communication >>. Cet article consacre l'inopposabilité du secret
professionnel au fisc. Il s'agit d'un facteur de la prédominance du fisc
dans l'administration de la preuve.
Enfin, l'innovation la plus importante concerne l'article 17
du C.D.P.F. L'article 17 tel que modifié par la loi n°2002-1 du 8
janvier 2002 dispose que : « Le droit de communication prévu par
l'article 16 du présent code consiste, en ce qui concerne
l'activité financière des établissements bancaires et
postaux relative à l'ouverture des comptes, en la communication aux
services compétents de l'administration fiscale sur demande
écrite, dans un délai ne dépassant pas trente jours
à compter de la date de la notification de la demande, des
numéros des comptes qui se trouvent ouverts auprès d'eux durant
la période non prescrite2, de l'identité de leurs
titulaires ainsi que la date d'ouverture de ces comptes lorsque l'ouverture a
eu lieu durant la période susvisée et la date de leur
clôture lorsque celle-ci a eu lieu au cours de la même
période.
1 Voir M. GOTHIER, « Le droit de communication de
l'administration auprès de l'autorité judiciaire », B.F. F.
LEFEBVRE, avril 1989, p.222.
2 C'est-à-dire 5 ans ou 10 ans.
Le droit de communication prévu par le paragraphe
premier du présent article ne s'applique qu'aux contribuables se
trouvant en vérification approfondie de leur situation fiscale
à la date de la présentation de la demande.
Le droit de communication prévu par le présent
article s'exerce par les agents de l'administration fiscale habilités
à cet effet ».Cet article appelle deux observations :
D'une part, l'article 17 du C.D.P.F. institue un droit de
communication au profit du fisc dont l'objet consiste en la communication des
numéros de comptes bancaires et postaux ouverts par les
établissements financiers ainsi que l'identité de leurs
titulaires. Ainsi, le voile du secret bancaire est levé1.
Toutefois, il faut souligner qu'en dehors des renseignements susvisés,
le secret bancaire n'est pas levé et les établissements en
question ne sont pas tenus de répondre à des demandes de
communication relatives aux mouvements des comptes ouverts auprès
d'eux2. Légalement, ces organismes ne sont tenus de
communiquer que les numéros de comptes et l'identité de leurs
titulaires. L'administration ne peut en aucune manière exiger des
institutions financières la communication des mouvements de comptes.
D'autre part, l'article 17 nouveau du C.D.P.F. remplace
l'article 17 ancien3 qui avait déclenché une vive
inquiétude en particulier auprès des agents
économiques4. Pour calmer le jeu, cet article 17 ancien a
été abrogé par l'article premier de la loi n° 2002-1
du 8 janvier 2002, portant assouplissement des procédures
fiscales5, et remplacé par l'article 17 nouveau. La
règle de la communication automatique des relevés bancaires a
été supprimée. Cette communication est désormais
subordonnée à une demande écrite de l'administration
fiscale. On passe donc d'une information à l'initiative d'une tierce
personne à une information à l'initiative de
l'administration6. Par ailleurs, ce droit de communication est
désormais conditionné par le fait que contribuable doit
être dans une situation
1 Sur le secret bancaire on peut se reporter à :
- A. BEL HADJ HAMMOUDA, << Le secret professionnel du
banquier en droit tunisien ou pour un secret bancaire plus renforcé
>>, R.T.D. 1979, p.1 1.
- Thierry AFSCHRIFT, << Le secret bancaire en droit fiscal
>>, disponible sur le site Internet
www.waw.be/idefisc/themes/secret-bank.htm
- Naïm MOGHABGHAB, << Le secret bancaire : Etude de
droit comparé (Belgique, France, Suisse, Luxembourg et Liban) >>,
1996.
- Raymond FARHAT, << Le secret bancaire : Etude de droit
comparé ( France, Suisse, Liban) >>, thèse pour le
doctorat, paris, L.G.D.J. 1967.
- Claude MORAIS, << Etude comparée sur le secret
bancaire ( Etats-Unis, Canada) >>, revue générale de droit
mars 1997, p. 71-87.
2 Abdelhamid BEN JABALLAH, << Le contribuable face au
fisc: droits, obligations et procédures fiscales >>, Tunis 2002,
p.63.
3 - L'article 17 avant sa modification par la loi n°
2002-1 du 8 janvier 2002, portant assouplissement des procédures
fiscales, disposait que : << Le droit de communication prévu par
l'article 16 du présent code consiste, pour l'activité
financière des établissements bancaires et postaux relative
à l'ouverture des comptes, en la communication aux services
compétents de l'administration fiscale d'une liste comportant les
numéros des comptes qu'ils ont ouverts durant le mois ainsi que
l'identité de leurs titulaires, et ce, durant les vingt huit premiers
jours du mois qui suit >>.
- Par ailleurs, l'art. 15 de la loi de promulgation du
C.D.P.F, qui comportait un droit de communication provisoire auprès des
banques concernant l'année 2001, a été abrogé par
l'article 2 de la loi n° 2002-1 du 8 janvier 2002, portant assouplissement
des procédures fiscales.
4 Les critiques adressées à cet article sont
essentiellement : affaiblissement du secret bancaire et l'inquisition fiscale
insupportable.
D'ailleurs le ministre des finances a du intervenir par un
communiqué de presse (février 2001) et par un courrier
adressé aux banques.
5 L'intitulé malheureux de cette loi constitue à
lui seul un aveu implicite du caractère rigoureux des procédures
fiscales en vigueur.
6 Abdelhamid BEN JABALLAH, << Le contribuable face au fisc:
droits, obligations et procédures fiscales >>, Tunis 2002,
p.62.
de vérification fiscale approfondie. Il en
résulte que l'administration doit adresser à la banque une copie
de l'avis de vérification reçu par le contribuable
concerné.
En dépit des améliorations apportées par
la loi portant assouplissement des procédures fiscales, au droit de
communication auprès des banques, ce droit de communication demeure
critiquable. En effet, il donne un blanc seing à l'administration
fiscale pour demander communication des numéros de compte ouverts sans
qu'aucune autorité autonome ne puisse vérifier que les
contribuables concernés par ce droit de communication sont
réellement sous vérification approfondie1.
Au total, il apparaît que la loi définit d'une
manière large les personnes ou services soumis au droit de
communication. Comparées aux dispositions des textes fiscaux
antérieurs, en l'occurrence le C.I.R., les nouvelles dispositions
relatives au droit de communication ont un caractère plus large. Le
droit de communication a connu une extension de son champ d'application, il
n'épargne aucune personne qu'elle soit personne physique ou morale,
publique ou privée. Il s'étend même au ministère
public. Toutes ces personnes viennent au secours de l'administration fiscale en
lui donnant les éléments de la preuve dont elle a la charge.
Par ailleurs, l'administration fiscale peut adresser des
demandes de renseignements à des personnes non soumises au droit de
communication. D'ailleurs, les services de l'administration fiscale sont
habitués à écrire à quiconque pour demander des
renseignements et des éclaircissements sur un tiers. On assiste alors
à une extension non reconnue et non autorisée par la loi au
profit de l'administration fiscale2.
Toutefois, la jurisprudence française considère
que l'administration ne peut pas s'appuyer, pour établir un
redressement, sur des pièces qu'elle a obtenues ou qu'elle
détient de manière manifestement illicite : tel est le cas
lorsque le service a utilisé des documents volés par un
salarié du contribuable3.
Il importe de souligner que le défaut de communication
à l'administration des informations exigées est sanctionné
par une amende fiscale4. Toutefois, cette sanction ne s'applique
qu'aux personnes qui sont assujettis légalement5au droit de
communication. Les personnes non visées par le C.D.P.F. ne sont pas
tenues légalement de répondre et n'encourent aucune
sanction6.
Le droit de communication confère à
l'administration fiscale des pouvoirs exorbitants qui menacent la
sécurité, la tranquillité et la vie privée du
contribuable7. A vrai dire, si ce dernier trouve légitime que
l'administration contrôle ses déclarations, il n'accepte pas
qu'elle procède à une inquisition permanente et
générale. « L'inquisition fiscale reste, en dépit de
sa nécessité, difficilement
1 Abdelhamid BEN JABALLAH, ibid., p.62.
2 Walid GADHOUM, mémoire précité, p. 54.
3 CAA Lyon, 5 juillet 1994, R.J.F. 10/94, n°1022, in H.
AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de
consommation et contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.1 80.
4 L'article 100 du C.D.P.F. dispose que : << Quiconque
manque aux dispositions des articles 16 et 17 du présent code, est puni
d'une amende de 100 dinars à 1.000 dinars majorée d'une amende de
10 dinars par renseignement non communiqué ou communiqué d'une
manière inexacte ou incomplète.
L'infraction peut être constatée par intervalle
de quatre vingt dix jours à compter de la précédente
constatation et donne lieu à l'application de la même amende
>>.
5 Articles 16 et 17 du C.D.P.F.
6 Dans cet esprit, la jurisprudence française a
jugé irréguliers les renseignements acquis par l'administration
fiscale car celle-ci avait pu induire en erreur ceux des clients du
contribuable qui n'étaient pas soumis au droit de communication, en leur
faisant croire qu'ils étaient obligés de fournir les
renseignements demandés, sous peine d'encourir les sanctions
prévues par la loi : C.E., 1 avril 1987, R.J.F. 5/1987, p. 305 ; C.E. 1
juillet 1987, R.J.F. 1987, p. .542 et 505, concl. Fouquet ; in H. AYADI,
<< Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de
consommation et contentieux fiscal >>, op. Cit., p.1 80.
7 Sur la question du respect de la vie privée en droit
fiscal, on se reportera à l'ouvrage de Marie-Christine VALSCHAERTS,
<< Les pouvoirs d'investigation des administrations fiscales,
spécialement dans leur rapport avec le respect de la vie privée
de l'individu >>, Bruxelles, Bruylant 1989.
|
"
|
? ? ? ? ? i ? ?
|
"
|
?j ? ? ? ? "
|
? ? -
|
.2001
|
9
|
"
|
|
supportable. Le contribuable ne peut la tolérer que si
elle est compensée par l'octroi de garanties qu ne sont pas, au
demeurant, des panacées >>1.
Paragraphe II : Un droit de vérification
interminable
Le droit de vérification2 est régi
actuellement par les articles 36 à 46 du C.D.P.F.3. Il
s'insère dans le cadre d'une procédure contradictoire impliquant
un dialogue entre le contribuable et l'administration. Contrairement au droit
de communication, il ne se limite pas à un examen passif des documents
mais il consiste en un examen critique4. Il vise à s'assurer
de la sincérité des déclarations fiscales, en les
confrontant avec des éléments extérieurs au dossier fiscal
du contribuable5.
Le droit de vérification, qui peut être
préliminaire ou approfondie6, donne de larges pouvoirs
à l'administration7.Grâce à ce droit,
l'administration fiscale peut facilement réunir les
éléments de preuve de l'inexactitude la déclaration
surtout que le cadre temporel réservé aux investigations de
l'administration est assez large.
L'article 40 alinéa 2 et 3 du C.D.P.F. dispose que :
« La durée effective maximale de la vérification approfondie
de la situation fiscale est fixée à six mois lorsque la
vérification s'effectue sur la base d'une comptabilité tenue
conformément à la législation en vigueur et à une
année dans les autres cas >>.
La durée de la vérification approfondie est
calculée à compter de la date de son commencement
mentionnée dans l'avis de la vérification jusqu'à la
notification des résultats de la vérification prévue par
l'Article 43 du présent code.
Toutefois, lorsque la vérification est
différée, son commencement effectif est constaté par un
procèsverbal établi conformément aux modalités
prévues par les Articles 71 et 72 du présent code.
Ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette
durée, les interruptions de la vérification intervenues pour des
motifs attribués au contribuable ou à l'administration et ayant
fait l'objet de correspondances sans que la durée totale de ces
interruptions puisse excéder soixante jours >>.
A vrai dire, la durée de vérification, qui est
de 6 mois et peut atteindre une année, est assez longue. Ainsi, le
facteur temps joue en faveur de l'administration fiscale en lui permettant de
réunir les éléments de preuve en toute
tranquillité. Alors que le délai conféré à
l'administration pour réunir les éléments de preuve peut
atteindre une année, le délai octroyé au contribuable pour
se défendre est
1 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p. 154.
2 Selon l'article 36 du C.D.P.F. : << La
vérification fiscale prend la forme d'une vérification
préliminaire des déclarations, actes et écrits
détenus par l'administration fiscale ou d'une vérification
approfondie de la situation fiscale du contribuable >>.
3 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., les
règles régissant la vérification fiscale étaient
régies par la charte du contribuable.
4 Le risque d'interférence entre le droit de
communication et le droit de vérification est possible. Un glissement de
la communication à la vérification est envisageable puisque la
législation fiscale ne définit pas ces deux techniques
d'investigation et ne fixe pas les critères délimitant leur champ
d'application.
En France, face au flou législatif, la jurisprudence a
dégagé des critères de distinction entre le droit de
communication et le droit de vérification. Voir sur cette question H.
AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de
consommation et contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.1 78.
5 H. AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur
Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal >>,
C.E.R.P., Tunis, 1996, p. 182.
6 Article 36 du C.D.P.F.
7 Voir sur la question :
seulement de trente jours1. Le
déséquilibre entre les deux parties, en matière
d'administration de la preuve, est criant.
Bien plus, en pratique, l'administration fiscale a eu
tendance à dépasser le délai légal de
vérification. Le T.A. considère que le moyen tiré du
dépassement par l'administration du délai de la
vérification est important2 et il a sanctionné ce
dépassement dans certains cas3. Mais le T.A., par un
arrêt du 30 octobre 2000, a consacré une solution critiquable qui
entraîne un prolongement interminable de la durée de la
vérification4.
Par ailleurs, deux autres dispositions redoutables permettent
d'élargir davantage le cadre temporel durant lequel s'exercent les
investigations de l'administration.
D'une part, l'article 38 alinéa 2 du C.D.P.F.,
concernant la vérification de second degré, autorise
l'administration à renouveler la vérification approfondie «
lorsqu'elle dispose de renseignements touchant à l'assiette et à
la liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas eu connaissance
précédemment >>.Cet article risque de conduire à
l'arbitraire du fisc. La recherche des éléments de preuve peut
être reprise à tout moment au nom d'une découverte de
nouveaux renseignements. Ce qui pourrait aboutir à une deuxième,
une troisième,.. voire à une interminable vérification
fiscale. M. Abderraouf YAICH a précisé à juste titre,
d'ailleurs, que « la révision exceptionnelle de la
vérification est de nature à perpétuer
l'insécurité du contribuable et sa crainte d'être
exposé à un nouveau dérangement voire à
l'arbitraire >>5.
D'autre part, et plus grave encore, est l'article 46 du
C.D.P.F. Cet article dispose que : « L'administration fiscale peut
procéder à une réduction ou à un rehaussement des
résultats de la vérification fiscale, et ce, pour réparer
les erreurs matérielles relatives à l'imposition ou lorsqu'elle
dispose de renseignements touchant à l'assiette ou à la
liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas eu connaissance
précédemment (...)
La demande de rehaussement des résultats de la
vérification fiscale est présentée au tribunal de
première instance chargé de l'affaire tant qu'un jugement de
première instance la concernant n'est pas prononcé.
Le rehaussement des résultats de la
vérification fiscale s'effectue, après le prononcé du
jugement de première instance, par arrêté de taxation
d'office...>>. Cet article est critiquable. Que la loi donne à
l'administration le pouvoir de prendre unilatéralement la
décision de rehausser le montant d'une
1 L'article 44 du C.D.P.F. dispose que: << Le
contribuable doit répondre par écrit aux résultats de la
vérification fiscale, dans un délai de trente jours à
compter de la date de la notification >>. voir infra, partie II, chapitre
II, section I.
2 -T.A., 28 janvier 2002 / 32697 : << Le moyen
tiré du dépassement par l'administration du délai de
contrôle est un moyen important. La C.S.T.O. est tenue d'y
répondre positivement ou négativement pour permettre au juge de
cassation d'exercer son contrôle. A défaut, le T.A. casse la
décision de la CSTO pour insuffisance de motivation >>.
Voir dans le même sens, T.A., 12 mars 2001 / 32084 :
<< Le moyen tiré de la violation par l'administration des
délais du contrôle est une question importante et sérieuse
>>.
3 -T.A., 2 juillet 2001 / 32500 (inédit).
-T.A., 12 mars 2001 / 32311 (inédit).
Dans ces deux arrêts, le T.A. a Confirmé la
décision de la C.S.T.O. qui annulé l'arrêté de
taxation d'office pour dépassement du délai de contrôle.
4 -T.A., 30 octobre 2000 / 32169 (inédit).
« La date d 'achèvement de la
vérification ne se matérialise pas nécessairement par la
date de la notification du redressement ».
Cet arrêt est dangereux. Il laisse le champ ouvert
à l'arbitraire du fisc. Il peut aboutir à un prolongement
interminable du délai du contrôle.
Deux questions demeurent sans réponse: quand commence la
vérification?Et quand s'achève-t -elle ?
5 A.YAICH, intervention lors du << congrès de
l'ordre des experts comptables de Tunisie >>, R.C.F. n° 18-1992,
p.99.
taxation annulée ou modifiée par le juge de
fond ( en première instance et en appel), cela peut conduire à
remettre en cause des décisions de justice et à instaurer un
contrôle fiscal continu et pratiquement interminable. Cet article 46 est
loin de sécuriser le contribuable1. Il permet au fisc de
rechercher des éléments de preuve à tout moment,
même après le prononcé d'une décision de justice.
Paragraphe III : Une demande de renseignements,
d'éclaircissements ou de justifications à caractère
général
Le C.D.P.F. consacre la demande de renseignements,
d'éclaircissements ou de justifications2 sans préciser
l'objet et le domaine de chaque demande. La doctrine considère,
toutefois, qu'il y a une différence de degré entre ces demandes,
qui exige un champ d'application différent3. En droit fiscal
français, le législateur réserve un domaine d'application
différent aux demandes d'éclaircissements et de justifications,
vu leurs conséquences différentes au niveau de la preuve.
La demande d'éclaircissements peut porter sur un point
quelconque de la déclaration. Elle a simplement pour objet de provoquer
des explications du contribuable sur les énonciations de sa
déclaration ou sur les discordances relevées : on exige alors du
contribuable qu'il expose de façon plus compréhensible tel ou tel
fait, sans avoir à apporter de preuves4.
La demande de justifications a un caractère plus
officiel que celle d'éclaircissements. Elle vise à obtenir des
preuves écrites du contribuable qui ne peut se limiter à de
simples explications verbales. En effet, « demander au contribuable une
justification, c'est lui demander la preuve d'un certain fait qu'il avance. Il
ne s'agit donc pas de tenter de se faire expliquer certains points comme dans
le cadre de la demande d'éclaircissements, mais de douter des
énonciations premières fournies par la déclaration. Aussi
l'apparition d'une telle demande est-elle considérée comme le
signe du déclin de la présomption d'exactitude de la
déclaration5. Obliger le contribuable à se justifier
revient à privilégier le contrôle par rapport à la
déclaration »6.
Le recours à la demande de justifications a toujours
été considéré comme la manière la plus
discrète de renverser la charge de la preuve, en permettant d'ailleurs
aux services fiscaux de laisser jouer au contribuable le rôle du
personnage non coopératif ou retors, selon la teneur de sa
réponse7. Cette demande de justifications « est
certainement l'arme de contrôle la plus à redouter par les
contribuables, du fait des difficultés de preuve importantes qu'elle
leur impose »8.
Conscient des abus qu'elle peut engendrer et vu son
caractère redoutable, le législateur français a
limité le champ d'application de la demande de justifications à
des cas bien précis9.
1 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, article précité, p. 104.
2 -Article 6 du C.D.P.F. : << L'administration fiscale
peut, dans le cadre du contrôle ou de la vérification
prévus par l'Article 5 du présent code, demander tous
renseignements, éclaircissements ou justifications concernant la
situation fiscale du contribuable >>.
- Article 41 du C.D.P.F. : << L'administration fiscale
peut demander des renseignements, éclaircissements ou justifications en
rapport avec la vérification... >>.
3 Gilles NOEL, << Le juge fiscal et la procédure de
demande de justifications >>, R.F.C. n°273, décembre 1995, p.
19 et s.
4 Gilles NOEL, ibid., p. 20.
5 << Il apparaît donc que la demande de
justifications constitue une contradiction à la présomption
d'exactitude >>, DE LA MARDIERE Christophe, << La
déclaration fiscale >>, R.F.F.P., 2000, n°71, p.141.
6 J-P Casimir, << Les signes extérieurs de revenus,
le contrôle et la reconstitution du revenu global par l'administration
fiscale >>, L.G.D.J., Paris, 1979, préface de Maurice COZIAN, p.1
30.
7 J-P Casimir, ibid., p.133.
8 Gilles NOEL, << Le juge fiscal et la procédure de
demande de justifications >>, article précité, p.1 8. 9 Ces
cas précis sont fixés par l'article L. 16 du L.P.F. :
- La situation ou les charges de famille.
- Les charges retranchées du revenu net global ou ouvrant
droit à une réduction d'impôt sur le revenu.
En droit fiscal tunisien, la demande de justifications a un
caractère général au même titre que la demande de
renseignements et d'éclaircissements. Ainsi, l'administration fiscale
bénéficie d'un privilège supplémentaire dans la
recherche des preuves. Elle peut demander au contribuable n'importe quelle
justification. Du coup, la preuve mise en principe à la charge de
l'administration est assez facile à établir, de sorte qu'il
suffit à l'administration d'adresser au contribuable une demande de
justifications pour obtenir le renversement de la charge de la
preuve1 . En effet, « accorder au demandeur, pour faire la
preuve qui lui incombe, le concours du défendeur renverserait,
disait-on, la charge de la preuve »2.
A vrai dire, l'imprécision des textes quant à
ces demandes, permet à l'administration d'utiliser ses
prérogatives d'une façon exorbitante.
Paragraphe IV : un droit de visite redoutable
Le droit de visite3est régi par l'article 8
du C.D.P.F.4 L'exercice d'un tel droit confère à
l'administration fiscale des pouvoirs étendus dans la recherche des
preuves.
Au préalable, il convient de préciser que la
mise en oeuvre de ce droit est souple. Elle n'est subordonnée à
aucune formalité préalable5. Ainsi, les agents peuvent
recourir au droit de visite de manière inopinée, soit en vue de
la constatation matérielle des éléments relatifs à
l'exercice d'une activité et des registres et documents comptables
(1), soit en vue de la perquisition ou de la saisie
(2).
1) Le droit de visite en vue de la constatation
matérielle des éléments relatifs à l'exercice d'une
activité et des registres et documents comptables
L'article 8 du C.D.P.F. ouvre la possibilité pour les
agents de l'administration fiscale de procéder à des constations
matérielles relatives aux registres et documents comptables du
contribuable.
Toutefois, il y a un risque que le droit de visite
dégénère en vérification de comptabilité
sans pour autant que le contribuable puisse jouir des garanties normalement y
attachées. Ceci est d'autant plus vrai que le législateur a pris
soin de préciser dans l'article 8§2 du C.D.P.F. que «ces
constations ne constituent pas un commencement effectif de la
vérification approfondie de la situation fiscale ». Autrement, une
telle disposition aurait pour conséquence, outre l'exclusion des
garanties attachées au droit de vérification, que le calcul de la
durée de vérification ne commence pas à compter du jour de
la visite ce qui est de nature à permettre au fisc de dilater
indûment la durée de vérification6.
2) Le droit de visite en vue de la perquisition ou de
la saisie
Selon l'article 8 alinéas 2 du C.D.P.F., en cas
d'existence de présomptions d'exercice d'une activité soumise
à l'impôt et non déclarée ou de manoeuvres de fraude
fiscale, les agents de l'administration fiscale peuvent procéder,
conformément aux dispositions du code de procédure pénale,
à des visites et perquisitions dans les locaux soupçonnés
en vue de constater les infractions commises et de recueillir les
éléments de preuve y afférents.
- Les avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger.
- Les éléments servant de base à la
détermination du revenu foncier.
- L'administration a réuni des éléments
permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus
importants que ceux qu'il a déclarés.
1 Yves LHERMET, << Le face à face des contribuables
et du fisc : Réflexions sur l'état des relations administratives
et juridiques fiscales >>, R.F.F.P. 1984, n°6, p.145.
2 GHESTIN et GOUBEAUX, << Traité de droit civil,
Introduction générale >>, op. Cit., n°65.
3 On consultera avec profit :
? ? ?
|
"?
|
? ? ? " ?
|
? ?
|
?
|
" ?
|
? ? ? ? " ? ?-
|
|
.2000
|
25 24
|
|
|
|
|
|
4 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., ce droit
était régi par l'article 63 §2 du C.I.R.
5 Selon l'article 8 du C.D.P.F. les agents de l'administration
fiscale << sont habilités à visiter,
sans avis préalable ...>>.
6 Zied LADHARI, << Du fardeau de la preuve en
matière fiscale >>, Mémoire D.E.A. Droit privé,
faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 1999-2000, p.
18-19.
Il convient de préciser que le terme « locaux
» est général. Du coup, le législateur vise aussi
bien les locaux professionnels que les locaux privés ( les
domiciles)1. Ainsi, l'administration peut procéder à
des visites et des perquisitions domiciliaires lorsqu'il y a une
présomption d'exercice d'une activité soumise à
l'impôt et non déclarée ou de manoeuvres de fraude
fiscale.
Il est regrettable de constater qu'une procédure aussi
grave, touchant l'une des libertés fondamentales :
l'inviolabilité du domicile, n'est pas soumise au contrôle du
juge.
La consécration du droit de perquisition ne saurait
être celle d'un instrument général de contrôle
fiscal, au même titre, par exemple, que le droit de communication ou les
procédures de vérification2.
Par ailleurs, selon l'article 8 alinéa 3 Les agents de
l'administration fiscale peuvent procéder à la saisie de tous
documents ou objets prouvant l'exercice d'une activité soumise à
l'impôt et non déclarée ou présumant une infraction
fiscale. Ainsi, l'exercice du droit de visite permet à l'administration
fiscale de saisir des documents. Cette saisie lui facilite l'administration de
la preuve
Au total, une intervention du juge pour autoriser la visite,
la perquisition et la saisie est plus qu'urgente3 pour
protéger les droits des contribuables.
Section II : Les présomptions comme moyen de preuve
privilégié de l'administration fiscale
La preuve par présomption joue un rôle capital
en droit fiscal. Elle est la preuve de droit commun de
l'administration4 et l'arme principale des procès
fiscaux5.
La présomption constitue en soi un facteur de
prédominance de l'administration. Par définition, la
présomption repose sur des indices, sur des suppositions6. La
principale caractéristique de la méthode présomptive est
l'approximation. « La présomption n'aboutit jamais qu'à une
certitude essentiellement conjecturale, aléatoire : c'est un acte
volontaire de l'esprit, tenant pour certain ce qui est douteux, pour
avéré ce qui est tout au plus vraisemblable
»7.
Quoique nécessaire, cette faculté reconnue
à l'administration mérite que toutes garanties soient
accordées au contribuable, car toute amélioration ou
simplification des conditions de recevabilité et de recours à
certaines présomptions entraîne ipso facto une dégradation
de la présomption d'exactitude attachée à la
déclaration8. Or, en droit fiscal tunisien, la
diversité des présomptions (paragraphe I) et
leur admission généralisée comme moyen de preuve
a(paragraphe II), mettent en péril les garanties des
contribuables. La présomption d'exactitude de la déclaration
risque d'être largement battue en brèche.
1 L'article 533 du C.O.C. dispose que: Lorsque la loi s'exprime
en termes généraux il faut l'entendre dans le même sens.
2 J. MOLINIER, << Le premier volet de la réforme
des procédures fiscales et douanières.>>, R.F.F.P.,
n°1 8, p.147.
3 En Tunisie, l'autorisation écrite est donnée
par le procureur de la république qui est sous l'autorité du
ministre alors qu'en France, l'autorisation est donnée par le
président du Tribunal de Grade Instance qui est un magistrat
indépendant.
4 Jean WILMART, << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p. 171.
5 Voir F.-P. DERUEL, « La preuve en matière fiscale
», thèse précitée, p. 132 et s.
6 Le T.A. définit la présomption, voir
T.A. 28 janvier 2002, req. n°32723 et 32734
(inédit), en annexe n°2 de ce mémoire.
Paragraphe I : La diversité des
présomptions
L'article 6 du C.D.P.F. dispose que l'administration fiscale
« peut établir l'impôt et rectifier les déclarations
sur la base de présomptions de droit ou de présomptions de
fait... >>1. Ainsi, l'administration peut fixer une base
d'imposition vraisemblable en partant des présomptions de droit
(A) ou de fait (B) qu'elle a recueillies. Ces
présomptions octroyées à l'administration fiscale lui
facilitent sa tâche probatoire. Au lieu de prouver le revenu,
l'administration le présume.
A- Les présomptions de droit
Le C.D.P.F. utilise, à plusieurs reprises,
l'expression « présomptions de droit >>, sans pour autant
donner des exemples2. Néanmoins, le recours aux débats
parlementaires relatifs au projet du C.D.P.F.3 et à la
législation antérieure à ce code4, permet de
constater que les textes visent essentiellement deux présomptions
d'origine légale. Il s'agit respectivement de la présomption de
l'article 42 du C.I.R. : « évaluation basée sur les
éléments du train de vie >>5(1), et de la
présomption de l'article 43 du C.I.R.: « évaluation selon
l'accroissement du patrimoine et les dépenses ostensibles et notoires
>> (2)6.
1) La présomption de l'article 42 du CIR :
l'évaluation basée sur les éléments de train de
vie
L'article 42 du C.I.R. dispose que : « Sauf
justification contraire et en cas de disproportion marquée entre le
train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, le revenu
global imposable ne peut être inférieur à une somme
forfaitaire déterminée en appliquant à certains
éléments de train de vie des contribuables le barème
figurant à l'annexe I du présent code... >>.
L'article 42 consacre ainsi l'évaluation basée
sur les éléments de train de vie, appelée aussi
évaluation indiciaire ou encore d'après les signes
extérieurs7, ou encore d'après les signes
d'aisance.
1 Voir aussi l'article 38 du C.D.P.F.
Voir les articles 58 du code de la patente et 66 du C.I.R.
2 Voir les articles 6, 38, 48 du C.D.P.F.
3 Voir les débats de la chambre des
députés concernant le projet de loi relatif à la
promulgation du C.D.P.F., n°39, séance du mercredi 26 juillet 2000,
p. 1900. Voir aussi les réponses du ministre des finances aux questions
des députés concernant le projet du code des droits et
procédures fiscaux, p. 28.
4 Voir :
- L'article 58 du code de la patente qui fait renvoi au
décret du 31 mars 1932, art.9, et au décret du 25 mai 1950,
art.20.
- L'article 66 §2 du C.I.R. dispose que : << Cette
taxation d'office est établie au moyen de toutes présomptions de
fait ou de droit et notamment en application des articles 42 et 43 du
présent code relatifs à l'évaluation forfaitaire minimum
basée sur les éléments de train de vie des contribuables
ou sur les dépenses personnelles ostensibles ou sur l'accroissement de
leurs biens >>.
5 A voir Jacques Monnet, << Signes Extérieurs de
richesse >>, Film français réalisé par Jacques
MONNET avec Claude BRASSEUR et Jean-Pierre MARIELLE, France 1983.
Comédie. Durée : 1h 32mn: Date de sortie 09 novembre 1983.
Laure AGRON, << Histoire du vocabulaire fiscal >>,
éd. L.G.D.J., Paris 2000, p. 334.
6 Le risque de confusion entre ces deux présomptions est
présent, voir à titre d'illustration T.A., 28 janvier 2002, req.
n°32687. ( voir annexe n° 2 de ce mémoire).
Sur la possibilité de confusion entre ces deux
mécanismes, on consultera avec profit Paul AMSELEK, << La taxation
d'office à l'impôt sur le revenu ou sur un Janus du droit fiscal
>>, Dalloz Sirey 1980, p.35. 7 Voir Gilbert TIXIER, << L'imposition
d'après les signes extérieurs >>, S. 1959, chronique,
p.25.
- J.-P. CASIMIR, << Les signes extérieurs de
revenus, le contrôle et la reconstitution du revenu global par
l'administration fiscale >>, op. Cit.
- J.-P. CASIMIR, << Signes extérieurs de revenus et
garanties accordées aux contribuables dans le cadre des taxations
d'office >>, article précité, p.43.
- Olivier FOUQUET, << Le conseil d'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
>>, Gaz. Pal. 1983, 1er sem., p.208.
L'évaluation du revenu d'après les signes
extérieurs fait échec à la présomption de
sincérité attachée à la déclaration fiscale
du contribuable, tout en évitant à l'administration d'avoir
à prouver l'existence de revenus réels justifiant un rehaussement
de l'imposition1. La loi donne alors la priorité aux
présomptions de revenus et ceci au détriment de la
présomption d'exactitude attachée à la
déclaration2.
La méthode indiciaire, moyen de preuve au service du
fisc, ne cherche pas à déterminer directement la matière
imposable. Elle l'induit en se fondant sur un certain nombre de signes
apparents ou indices aisément identifiables et extérieurs. Cette
méthode, qui repose sur une fiction, s'applique de la manière
suivante : l'administration constate des signes extérieurs
limitativement énumérés par le
législateur3 et leur applique les coefficients et tarifs
légaux, pour déterminer les revenus des
contribuables4.
La méthode indiciaire, bien que commode comme
procédé d'assiette, peut être à l'origine d'un
certain arbitraire dans le choix des indices et dans la valeur
représentative qui leur est attribuée. Elle peut être une
méthode approchée, approximative, arbitraire et donc
injuste5. C'est pourquoi elle tend à disparaître dans
les pays développés6.
2) La présomption de l'article 43 du CIR :
l'évaluation selon les dépenses personnelles ostensibles et
notoires et selon l'accroissement du patrimoine
L'article 43 du C.I.R. dispose que : «
L'évaluation forfaitaire selon les dépenses personnelles,
ostensibles et notoires ou selon l'accroissement du patrimoine est applicable
à tout contribuable.
Cette procédure est utilisée lorsque le montant
de cette évaluation, augmenté des frais de subsistance et compte
tenu du train de vie de l'intéressé dépasse son revenu
déclaré lequel est déterminé selon le même
procédé retenu en matière d'imposition forfaitaire en
fonction des éléments de train de vie ».
La présomption de l'article 437 repose sur
un mécanisme original, et extrêmement pénalisant pour le
contribuable. En effet, la taxation ne dépend plus du revenu mais du
montant des dépenses effectuées par le contribuable.
L'impôt sur le revenu dégénère en un impôt sur
la dépense.
« L'impôt sur le revenu tend ainsi à
devenir, dans notre droit fiscal, une espèce de pavillon de complaisance
qui permet d'atteindre un peu n'importe quelle matière imposable, et
notamment de frapper le capital sans le dire, sous couvert de taxer le revenu
»8.
- Abdelmajid ABOUDA , << code des droits et
procédures fiscaux >>, Tunis 2001, p. 155.
1 Voir Slim KAMOUN, << La taxation d'office », in
Colloque, << Le code des droits et des procédures fiscaux »,
colloque organisé par l'A.T.D.F., la faculté de droit de Sfax et
le conseil régional de l'ordre des avocats de Sfax, le 18 et 19 avril
2001 à Syphax, Sfax. Voir R.J.L. 2002, n°2 (spécial fiscal),
p.9-50.
2 Jean-Pierre CASIMIR, << Signes extérieurs de
revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des
taxations d'office >>, article précité, p.47.
3 Ces éléments de train de vie sont
déterminés par l'annexe I du C.I.R, tels que : l'emplacement, la
superficie de l'immeuble, le nombre de voitures, des bateaux de plaisance
4 Néji BACCOUCHE, << Droit fiscal >>, tome I,
ENA 1993, Tunis, p. 148.
5 - Paul-Marie GAUDEMET, << L'aménagement de la
taxation d'office face aux exigences de l'égalité devant la loi
et de la procédure budgétaire >>, A.J.D.A., mai 1974, p.
236.
- Olivier FOUQUET, << Le Conseil d'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
>>, Gaz. Pal. 1983, 1er sem., p.208.
6 Néji BACCOUCHE, << droit fiscal >>, tome I,
ENA 1993, Tunis, p. 148 et 149.
7 Voir Arrêt du T.A. du 28 janvier 2002, Req. n°
32687, (Inédit) voir en annexe n° 2 de ce mémoire.
8 P. AMSELEK, rapport général introductif, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
(actes des journées d'études organisées par la
société française de droit fiscal à Strasbourg 3 et
4 mai 1979), Annales de la faculté de Droit et des Sciences Politiques
et de l'institut de recherches juridiques, politiques et sociales de
Strasbourg, Tome XXXI, L.G.D.J. 1980, p.39.
La présomption instituée par l'article 43 est
critiquable. D'une part, elle laisse à l'administration fiscale une
redoutable liberté de manoeuvre1. D'autre part, « aucune
comparaison précise ne peut être effectuée entre un revenu
présumé et un revenu déclaré. Une dépense ou
une variation de patrimoine peuvent faire présumer un revenu, elles
n'apportent jamais la preuve exacte d'un revenu >>2.
D'ailleurs, en France, cette procédure, prévue
par l'article L. 71 du L.P.F. (ancien article 180 du C.G.I), a
été abrogée par l'article 81 de la loi de finances pour
1987. L'abrogation de cette procédure contraignante et dangereuse a pu
être félicitée par la doctrine3.
B- Les présomptions de fait
L'article 6 du C.D.P.F. dispose que l'administration fiscale
« peut établir l'impôt et rectifier les déclarations
sur la base de présomptions de droit ou de présomptions de fait
formées notamment de comparaisons avec des données relatives
à des exploitations, des sources de revenu ou des opérations
similaires >>4.
Ainsi, parmi les présomptions de fait,
l'administration peut recourir à la preuve par comparaison5.
Cette présomption de fait permet à l'administration
d'établir un fait inconnu, le montant des revenus d'un contribuable,
à partir d'un fait connu, les revenus de contribuables similaires. La
loi présume que le contribuable a réalisé des profits d'un
montant approximativement égal à ceux qui sont
réalisés par d'autres contribuables similaires.
Il est regrettable que le législateur tunisien n'ait
pas fixé les conditions de la taxation par comparaison. Celle-ci n'est
pas précise et elle n'est pas entourée de garanties au profit du
contribuable. La loi s'est contentée d'une seule condition
générale et vague, « opérations similaires
>>.
En droit belge la preuve par comparaison est minutieusement
réglementée par le législateur6. L'article 342
§1er du code des impôts sur les revenus de 1992 fixe des
conditions pour pouvoir recourir à un tel mode de preuve. Cet article
dispose que « à défaut d'éléments probants
fournis soit par les intéressés, soit par l'administration, les
bénéfices ou profits visés à l'article 23 sont
déterminés pour chaque contribuable eu égard aux
bénéfices ou profits normaux d'au moins trois contribuables
similaires et en tenant compte, selon le cas, du capital investi, du chiffre
d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice utilisée, de la
valeur locative des terres exploitées ainsi que de tous autres
renseignements utiles >>. Il découle de cet article que le recours
au moyen de preuve par comparaison est soumis à une condition
préalable et à d'autres conditions.
1 On consultera avec profit Paul AMSELEK, << La taxation
d'office à l'impôt sur le revenu ou sur un Janus du droit fiscal
>>, Dalloz Sirey 1980, p.34.
2 Jean-Pierre CASIMIR, << Signes extérieurs de
revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des
taxations d'office >>, article précité, p.47.
3 Bâtonnier A. VIALA, << Le nouveau régime de
la preuve dans les rapports entre le contribuable et l'administration fiscale,
Lois des 30 décembre 1986 et 9 juillet 1987 >>, Gaz. Pal. 1987,
2ème sem., p.806.
- J.-P. CHEVALIER, << L'aménagement des
procédures d'office >>, in colloque << L'amélioration
des rapports entre l'administration fiscale et les contribuables >>,
actes du colloque de la société française de droit fiscal,
Orléans 1988, PUF 1989, p.140.
4 Voir aussi l'article 58 du code de la patente, décret
31 mars 1932 : art.9 ; décret de finances 25 mai 1950 : art.20.
5 L'emploi de l'adverbe << notamment >> signifie que
l'énumération est à titre indicatif et non pas
limitatif.
6 On consultera avec profit :
- Thierry AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en
droit fiscal >>, Bruxelles, Larcier 1998, p.286 et s.
- Jacques MALHERBE et Jean THILMANY, <<
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables en Belgique >>, in actes du colloque, <<
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables >>, actes du colloque de la société
française de droit fiscal, Orléans 1988, PUF 1989, p. 285 et
s.
D'abord, l'administration fiscale belge ne peut recourir
à la preuve par comparaison que moyennant une condition
préalable, < le défaut d'éléments
probants>>.Ainsi, l'administration ne peut recourir à cette
présomption de fait que si elle prouve le caractère non probant
de la comptabilité1.
D'ailleurs, la jurisprudence belge considère que <
lorsque la comptabilité est régulière, l'administration ne
peut par présomptions, se fonder sur un gain théorique
fondé sur les résultats de contribuables similaires pour
déterminer les revenus imposables >>2 . De même,
la cour d'appel de Bruxelles a admis que < si la comptabilité est
régulière, la seule existence d'un pourcentage de pertes
supérieures à celui relevé chez des concurrents ne permet
pas à l'administration de présumer l'inexactitude de cette perte
>>3.Ainsi, l'existence d'une comptabilité
régulière permet d'écarter définitivement toute
taxation par comparaison4.
Ensuite, outre cette condition préalable, le
législateur belge exige que la comparaison se fasse avec trois
contribuables similaires5 au moins. Le droit
tunisien, se contente toutefois d'exiger le caractère similaire sans
préciser un nombre déterminé.
Enfin, le législateur belge limite le pouvoir de
l'administration dans le recours à la comparaison par la
nécessité de la prise en compte de certains critères de
comparaison : il s'agit < , selon le cas, du capital investi, du chiffre
d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice utilisée, de la
valeur locative des terres exploitées ainsi que de tous autres
renseignements utiles >>. Cette exigence permet de rationaliser le
recours à la preuve par comparaison.
Le texte tunisien ne fixe pas, toutefois, des critères
de comparaison6, ce qui donne à l'administration un large
pouvoir d'appréciation et peut conduire à
l'arbitraire7. D'ailleurs, comme le dit le proverbe : <
comparaison n'est pas raison >>. Ainsi, par exemple, < un avocat
spécialisé avec 20 ans de Barreau n'a pas le même niveau
d'honoraires qu'un avocat qui vient de terminer son stage
>>8.
Le risque d'arbitraire est d'autant plus possible avec le secret
fiscal incombant au fisc. Il est à craindre que le fisc se retranche
derrière
1 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, larcier 1998, p.290.
2 Liège, 2 mars 1972, in Th. AFSCHRIFT, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, larcier 1998, p.288.
3 Bruxelles, 16 mars 1966, in Th. AFSCHRIFT, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, larcier 1998, p.288.
4 Th. AFSCHRIFT, ibid., p.288.
5 C'est-à-dire contribuables dont la situation
professionnelle est similaire au contribuable concerné.
6 Selon le professeur H. AYADI, il est souhaitable de
procéder au niveau des groupes professionnels à des
enquêtes à partir d'échantillons suffisamment
représentatifs en vue d'établir un revenu moyen ou des
coefficients qui seront utilisés comme critères de
référence lors des opérations de redressement. H.AYADI,
<< Droit fiscal >>, éd. C.E.R.P, Tunis 1989, Série
Droit Public n°6, p. 136.
7 -Le T.A., dans son arrêt du 31
décembre 1990, req. n°9 16, a considéré que la
modification des bases d'imposition en se basant sur des affaires similaires
constitue une insuffisance de motivation. Voir revue Servir, revue tunisienne
de l'administration publique, 2ème sem., 1992, p.70,
commentaire Ahmed BEN MANSOUR et Mohamed KOLSI .
916 1990 31 j
" .
"
-T.A., 1 décembre 1997, req. n°3 1673,
(inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.
"
.
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? "
-T.A. , 26 mai 1983, req. N° 183 :
le secret professionnel fiscal1 pour refuser de
communiquer au contribuable certains éléments de
comparaison2. Ainsi, le contribuable se trouve dans
l'incapacité de vérifier les références
indiquées3. Il a le sentiment de se heurter à un mur
de silence dissimulant une conspiration arbitraire4. Le fisc
parvient ainsi à tirer profit de l'obligation de secret qui lui est
imposée. Comme l'a très justement affirmé Jean BOULOUIS,
« c'est un assez bel artifice de réussir à transformer ainsi
une obligation en avantage »5.
On peut estimer que si l'administration, liée par le
secret professionnel ne doit pas révéler l'identité des
contribuables similaires, il faut qu'elle justifie néanmoins les
éléments de similitude et des circonstances
d'analogie6. Il ne s'agit pas là d'une violation du secret
professionnel fiscal, mais d'un respect du principe des droits de la
défense auquel chaque contribuable a droit.
Il est regrettable que le législateur tunisien n'ait
pas fixé les conditions de la preuve par comparaison. Or, la fixation
des conditions constitue une garantie pour le contribuable.
En droit fiscal tunisien, l'administration fiscale
bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation dans l'usage
des présomptions. Le texte autorisant le recours aux présomptions
n'a pas fixé des éléments d'appréciation
clairs7.
1 En droit fiscal tunisien, l'obligation du respect du secret
professionnel fiscal est consacrée par l'article 15 du C.D.P.F. qui
dispose que : << Toute personne appelée en raison de ses fonctions
ou attributions à intervenir dans l'établissement, le
recouvrement, le contrôle ou le contentieux de l'impôt est tenue
à l'obligation du respect du secret professionnel (...)
Les agents de l'administration fiscale ne peuvent
délivrer des renseignements ou copies des dossiers qu'ils
détiennent qu'au contribuable lui-même et en ce qui concerne sa
situation fiscale ou aux personnes auxquelles le paiement de l'impôt
pourrait être réclamé à la place du contribuable.
Les services chargés du recouvrement de l'impôt
et les services de l'administration fiscale ne peuvent délivrer des
copies d'actes enregistrés ou des extraits du registre de la
formalité de l'enregistrement, qu'aux parties contractantes ou à
leurs ayants cause. Dans les autres cas, ces copies et extraits ne sont
délivrés que sur ordonnance du juge compétent >>.
- Il ne faut pas confondre entre le secret professionnel
fiscal incombant au fisc ( Art. 15 C.D.P.F.) et le secret professionnel
inopposable au fisc ( Art. 16 alinéa 4 C.D.P.F.). Mais en tout cas, le
fisc tire profit des deux secrets.
2 P-M. GAUDEMET, << Réflexions sur les rapports
du juge et du fisc >>, Mélanges Marcel WALINE, Tome I, juillet
1974, p.133.
3 En droit belge, la loi oblige l'administration fiscale de
fournir au contribuable les éléments lui permettant de
vérifier si la preuve par comparaison se justifie. Ainsi, l'article 346,
alinéa 2, du code des impôts sur les revenus 1992 dispose que :
<< Lorsque l'administration fait usage du moyen de preuve prévu
à l'article 342, § 1 er, elle communique de
la même manière le montant des bénéfices ou profits
de trois contribuables similaires ainsi que les éléments
nécessaires pour établir proportionnellement le montant des
bénéfices ou profits de contribuables concernés >>.
Cette disposition a été introduite par une loi du 4 août
1986 en vue d'améliorer la situation juridique du contribuable >>,
Marc DASSESSE, << Droit fiscal, principes généraux et
impôts sur les revenus >>, Bruxelles, Bruylant 1990, p. 114.
4 J. BOULOUIS, << Procès du juge fiscal >>,
RSF, 1957, n°4, p. 642, 643. L'auteur parle du << voile du secret
professionnel >>.
5 J. BOULOUIS, << Procès du juge fiscal
>>, RSF, 1957, n°4, p. 650.
6 Pierre COPPENS, << Droit Fiscal, les impôts sur
les revenus >>, Tome II, éd. 1980, faculté de droit,
université catholique de Louvain, p.388.
D'ailleurs, l'article 63 alinéa 2 du C.D.P.F. dispose
que : << L'administration fiscale ne peut joindre au dossier de l'affaire
des documents comportant des renseignements précis sur les
activités des personnes non parties au procès. Toutefois, elle
peut joindre au dossier des renseignements les concernant, sous forme de
moyennes de chiffres d'affaires, de revenus ou de bénéfices sans
révéler leur identité >>.
7 D'ailleurs, c'est de l'aveu de la jurisprudence
elle-même, T.A., 20 avril 1992, req. n°1027 <<
considérant que l'article 58 du code de la patente ne fixe des
critères d'évaluations précis, mais il se contente de
permettre la taxation sur la base de présomptions de droit ou de fait
>>.
58 ? ? "
" .
? ? ? ? ? ? ?
Les agents de l'administration fiscale, profitant du soutien
législatif, ont tendance à recourir d'une manière abusive
aux présomptions1. Or, l'usage de présomptions de
manière libre et arbitraire n'est pas de nature à
sécuriser le contribuable.
Heureusement, le juge intervient pour entourer l'usage de
présomptions de garanties. Une jurisprudence constante sanctionne
l'usage abusif que fait l'administration des
présomptions2.
D'une part, le juge fiscal considère que
l'administration qui se prévaut d'une présomption doit, au
préalable, administrer la preuve des faits qui servent de base à
cette dernière. C'est dans ce sens que s'est prononcé le
T.A.3.
D'autre part, le juge fiscal considère que
l'administration, dan son action de rectification des bases de l'imposition,
doit retenir des présomptions graves, précises et concordantes.
La jurisprudence est abondante en la
matière4. Cette position est louable vu le
caractère arbitraire des présomptions de fait et de droit
retenues par l'administration.
1 H.AYADI, « Droit fiscal », éd. C.E.R.P.,
Tunis 1989, p. 264.
2 - T.A. 28 janvier 2002, req. n°32723 et 32734
(inédit), voir annexe n°2 de ce mémoire.
i ? ? ? ? ? ? ? ? ?"
- T.A., 1 mars 1999, req. n° 31281 et 1 mars 1999, req.
n° 31282.
"
? ? ."
- T.A., 1 décembre 1997, req. n°3 1673,
(inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.
? ? ? ? ? ? ? ? ? "
66 58 J
|
? ? ?
|
...
|
? ? ? ? ?
|
|
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
."
- T.A., 30 décembre 1996, req. n°3 1345
(inédit), voir annexe n°2 de ce mémoire.
- T.A., 14 novembre 1994, req. n°1214 (inédit), voir
annexe n°2 de ce mémoire.
. 58 " ? ? ? j ? ? ? ? ? ? ? ?
?
-
" .
T.A., 10 mai 1993, req. n°1055 (inédit), voir annexe
n°2 de ce mémoire.
- T.A., 18 février 1982, req. n°158.
- T.A., 22 janvier 1983, req. n°174.
- T.A., 26 mai 1983, req. n°183.
3 -T.A., 30 décembre 1996, req. n°3 1345
(inédit), voir annexe n°2 de ce mémoire.
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? "
.
...
4 Voir notamment les arrêts précités et
aussi :
- T.A., 18 février 1982, req. n°158
? ? ? ? ? ? ? ? ?
" .
" .
? ? ? ? 58 ? ? ? ? " ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
i
- Dans le même sens T.A., 22 janvier 1983, req. n°
174.
- T.A., 10 mai 1993, req. n°1055 (inédit), voir
annexe n°2 de ce mémoire.
Paragraphe II : L'admission
généralisée des présomptions comme moyen de
preuve
En droit fiscal tunisien, l'admission
généralisée des présomptions comme moyen de preuve
découle du fait que la loi autorise l'administration de recourir aux
présomptions d'une manière générale, même
sans rejet de comptabilité.
D'une part, l'article 6 du C.D.P.F. donne à
l'administration fiscale un droit général de recours aux
présomptions, pour l'établissement de l'impôt et la
rectification des déclarations1, sans distinguer entre le
contribuable tenant une comptabilité et celui qui n'en tient pas.
Le conseil économique et social a attiré
l'attention sur le fait que le recours de l'administration aux
présomptions, pour les contribuables tenant une comptabilité ne
doit se faire qu'après un rejet motivé de la
comptabilité2.
D'autre part, l'article 38 du C.D.P.F., plus explicite, donne
expressément à l'administration fiscale un droit
général de recours aux présomptions même en cas de
tenue de comptabilité. Aux termes de cet article : « La
vérification approfondie de la situation fiscale (...) s'effectue sur la
base de la comptabilité pour le contribuable soumis à
l'obligation de tenue de comptabilité et dans tous les cas sur la
base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait ou de
droit >>.
L'expression « dans tous les cas >> est
significative. Elle confère à l'administration fiscale la
possibilité de déterminer la base d'imposition en se basant sur
des présomptions même en cas de tenue de comptabilité
régulière3.
A vrai dire, les articles 6 et 38 du C.D.P.F, à
travers l'admission généralisée des présomptions,
mettent en échec du même coup deux règles fondamentales :
la règle de l'opposabilité de la comptabilité
régulière à l'administration fiscale (A)
et la règle de la supériorité de la preuve
comptable sur la preuve extra-comptable (B).
? ? ? ? ? ? 58 ? ? ? ? " i ? ? ?
i? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ." j
? ? ? j . ? ? ? ? ? i ? ?
"
.
Il s'agit d'une transposition en matière fiscale de
l'article 486 du C.O.C. qui fixe les conditions que les présomptions
doivent réunir.
1 L'article 6 du C.D.P.F. dispose que l'administration fiscale
: << peut établir l'impôt et rectifier les
déclarations sur la base de présomptions de droit ou de
présomptions de fait formées notamment de comparaisons avec des
données relatives à des exploitations, des sources de revenu ou
des opérations similaires >>.
2 Dans son avis concernant le projet de loi relatif à
la promulgation du C.D.P.F., p. 8, le conseil a proposé une autre
formulation à l'article 6 du C.D.P.F., comme suit : <<
L'administration fiscale peut, dans le cadre du contrôle ou de la
vérification prévus par l'Article 5 du présent code,
demander tous renseignements, éclaircissements ou justifications
concernant la situation fiscale du contribuable.
L'administration peut établir l'impôt et
rectifier les déclarations sur la base de présomptions de droit
ou de présomptions de fait concernant les contribuables qui ne tiennent
pas une comptabilité. En revanche, concernant les contribuables qui
tiennent une comptabilité, l'administration peut recourir à la
taxation d'office sur la base de présomptions après rejet
motivé de la comptabilité >> C'est l'article tel que
proposé par le conseil, mais cette proposition n'a pas été
retenue.
3 Voir aussi la réponse du Ministre lors des
débats parlementaires concernant la question n° 101 relative
à l'article 38 du C.D.P.F. :
A- La mise en échec de la règle de
l'opposabilité de la comptabilité régulière
à l'administration fiscale
La règle de l'opposabilité de la
comptabilité régulière à l'administration fiscale
était consacrée par la charte contribuable qui prévoyait
que : « L'administration est tenue de prendre en considération les
données contenues dans votre comptabilité au cas où cette
dernière remplit les conditions légales de fond et de forme
>>.
Conformément à cette règle, les
données d'une comptabilité déclarée
régulière s'imposent à l'administration. C'est dans ce
sens que s'est prononcée la commission spéciale de taxation
d'office1.
Il est regrettable que le code des droits et des
procédures fiscaux n'ait pas repris cette disposition et qu'il ait
consacrée, en revanche, la règle inverse à travers
l'article 38.
B- La mise en échec de la règle de la
supériorité de la preuve comptable sur la preuve
extra-comptable
La jurisprudence française a clairement affirmé
qu'une comptabilité régulière prime sur toute autre preuve
extra-comptable. Cette position empêche l'administration de
déterminer la base d'une imposition en se basant sur des
éléments extérieurs, tels que les présomptions,
lorsque la comptabilité est régulière2. C'est
dans ce sens, que s'est prononcé le C.E. dans plusieurs arrêts. Il
a considéré que « Lorsque le contribuable tient une
comptabilité régulière et probante, l'administration
ne peut pas substituer au bénéfice
résultant de cette comptabilité un résultat qu'elle
calcule selon
une méthode extra-comptable, même si
l'intéressé encourt la taxation d'office pour défaut de
déclaration>>3. Dans le même sens il a
précisé qu'« Aucune méthode extra-comptable ne
saurait prévaloir sur les résultats ressortant d'une
comptabilité probante >>4. « Que cette
méthode (extracomptable) ne saurait prévaloir sur les
données ressortant d'une comptabilité qui est
régulière ; que la société" Duret Fontaine
automatique" apporte, ainsi, au moyen de sa comptabilité, la preuve, qui
lui incombe, de l'exagération des bases des impositions, dont elle
demande la réduction>>5.
Ainsi, la jurisprudence française exclut la
possibilité de recours aux présomptions en cas de
comptabilité régulière.
De même, la jurisprudence belge, comme on l'a
déjà précisé, considère que lorsque la
comptabilité est régulière, l'administration ne peut pas
recourir à la preuve par présomptions, tel que la preuve par
comparaison6.
De son côté, la jurisprudence tunisienne a
consacré explicitement7cette solution dans un arrêt
très important du T.A. du 23 octobre 1995 : « Considérant
que l'article 59 ne peut s'appliquer que lorsque
1 Selon la C.S.T.O. ; décision n°161 publiée
au BODI n°5- 1er trimestre 1970, p.19 :
« Les énonciations d'une
comptabilité complète s'imposent à l'administration qui a
la charge de prouver leur inexactitude >>.
2 Dalbies BERANGERE, << La preuve en matière
fiscale >>, thèse, université d'Aix Marseille III, 1992,
p.402.
3 C.E., 14 novembre 1984, req. n°40807, BOUTHIERE, R.J.F. 1/
1985, 80.
Voir C. DAVID, O. FOUQUET, M-A LATOURNERIE, B. PALGNET, <<
Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale >>, préface de
M.Long et G. Vedel, thème 47 << La charge de la preuve >>,
p.444.
4 CE : 18 février 1987, req. n°49986, R.J.F. 4/87,
n°436.
5 CE, 20-03-1989, req. n°66877, D.F. 1989, n°26, comm.
1345
6 -Bruxelles, 16 mars 1966
- Liège, 2 mars 1972, in Th. AFSCHRIFT, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, larcier 1998, p.288. Voir
supra partie II, chapitre I, section II, § 1.
7 Dans d'autres arrêts, on peut déduire cette
solution implicitement :
Le T.A. rappelle, dans ces arrêts, que l'article 58 du
code de la patente, ( permettant à l'administration de recourir à
la taxation d'office sur la base de présomptions), s'applique en cas de
comptabilité irrégulière. On peut déduire a
contrario, cet article ne s'applique pas en cas de comptabilité
régulière.
- T.A., 20 avril 1992, req. n°1027 ;
la comptabilité du contribuable est
irrégulière, ce qui permet à l'administration fiscale de
recourir aux présomptions de l'article 58 du code de la patente
>>1. A travers cet arrêt, le T.A. considère, fort
heureusement, que le recours aux présomptions ne peut avoir lieu q'en
cas de comptabilité irrégulière2. A contrario,
si la comptabilité est régulière, ce qui est le cas en
l'espèce, l'administration ne peut pas recourir aux présomptions.
En effet, la comptabilité régulière
bénéficie d'une valeur probante et elle joue un rôle
important en matière de preuve3.
Mieux, le T.A., dans un récent arrêt
inédit du 13 novembre 2000, considère que « si le rejet de
la comptabilité n'est pas motivé d'une manière claire, le
recours aux présomptions devient douteux et inadmissible
>>4. On peut déduire qu'à fortiori le recours
aux présomptions est inadmissible lorsqu'il n'y a pas du tout rejet de
comptabilité (comptabilité régulière).
D'ailleurs, le T.A. dans cet arrêt décide
explicitement que lorsque la comptabilité est déclarée
implicitement régulière l'administration est tenue de se baser
sur elle pour fixer les bases d'imposition.
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? "
|
|
|
|
|
|
...
|
?
|
|
|
|
|
|
|
? ? ? ?
?
|
|
|
|
|
|
|
5 12 . "
|
|
Cet arrêt consacre ainsi d'une manière non
équivoque, la supériorité de la preuve comptable sur la
preuve extra-comptable. La lecture de cet arrêt permet de saisir toute la
subtilité et la prudence du tribunal.
Mieux encore, l'administration fiscale tunisienne, dans la
fameuse note commune n°16 de 1967, s'est efforcée de consacrer une
certaine supériorité de la preuve comptable sur la preuve
extra-comptable et ce même en cas rejet de cette comptabilité. Aux
termes de cette note commune : « Après rejet de comptabilité
: Au cas où malgré tout un vérificateur se trouve en
présence d'une comptabilité ne présentant guère des
garanties de régularité et de sincérité requises,
il écartera les résultats accusés par la dite
comptabilité et s'efforcera de rétablir les bases d'imposition
à partir des documents mêmes qui lui sont
présentés>>6. Cette position présente le
mérite de limiter le recours aux présomptions comme moyen de
preuve, et de privilégier plutôt les documents tenus par le
contribuable.
- T.A., 20 avril 1992, req. n°1028 ;
- T.A., 10 mai 1993, req. n°1055.
1 -T.A., 23 octobre 1995, req. n° 1186 (inédit),
arrêt précité. Voir annexe n°2 de ce
mémoire.
-T.A., 10 mai 1993, req. n°1055.
2 Voir dans le même sens T.A. 20 avril 1992, n°
1028.
|
|
|
|
|
|
|
|
58
|
|
|
|
|
|
|
|
"
|
."
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
3 Voir le jugement fiscal rendu par la chambre fiscale du T.P.I.
de Sfax : jugement n°69, en date du 3 juillet 2002 (inédit), voir
en annexe n°2 de ce mémoire.
Par ailleurs, dans une récente note commune n°10
du 13 mars 20021, l'administration fiscale, a consacré une
solution en faveur du contribuable. Il s'agit de la primauté de la
preuve écrite sur la preuve par présomptions. Aux termes de cette
note commune : « Les dispositions de l'article 48 du code des droits et
des procédures fiscaux prévoient que la taxation d'office est
établie, en cas de défaut de dépôt de
déclaration de l'impôt, sur la base de tous les
éléments de droit dont notamment :
- Les preuves littérales et écrites, si elles
existent,
- Les présomptions de droit ou de fait,
- Les sommes portées sur la dernière
déclaration déposée par le contribuable >>.Cette
note commune constitue un « retour à la raison >>. En effet,
l'article 48 du C.D.P.F. ne cite pas les preuves écrites parmi les
moyens auxquels l'administration fait recours pour établir la taxation
d'office2. Par cette doctrine administrative, l'administration
semble consacrer la supériorité de la preuve écrite sur la
preuve par présomptions. Les preuves écrites, « si elles
existent >>, l'administration se base sur elles pour établir la
taxation d'office. A défaut de preuves écrites, l'administration
fait recours aux présomptions. Il s'agit d'une solution heureuse, en
dépit de la légalité douteuse de cette note
commune3. Cette solution présente le mérite de limiter
les abus de l'administration fiscale dans le recours aux
présomptions.
Il est regrettable de constater qu'en pratique
l'administration n'a pas manqué à faire usage des
présomptions même lorsque le contribuable tient une
comptabilité4, et que malheureusement le législateur,
à travers le C.D.P.F., vient autoriser une telle
possibilité5.
1 Note commune, n° 1 0 / 2002 : 13/03/2002 relative au
Commentaire des dispositions des articles 47 à 52 du code des droits et
procédures fiscaux relatives à la taxation d'office, B.O.D.I
2002, texte n°DGI 2002/23. Voir annexe n°3 de ce mémoire.
2 L'article 48 du C.D.P.F. dispose que : « La taxation
est établie d'office dans le cas prévu par le deuxième
paragraphe de l'Article 47 du présent code, sur la base de
présomptions de droit ou de fait ou sur la base des sommes
portées sur la dernière déclaration, et ce, avec un
minimum d'impôt non susceptible de restitution de 50 dinars par
déclaration ».
3 Sur la question de la doctrine administrative, on consultera
avec profit :
|
" J " .2000 25 24
|
? ? ? ? ? ? .
|
" ? jj ? ? " ? ? - i i ? i ? ? ? 2001
|
|
1 Marc BALTUS, « Morale fiscale et renversement du fardeau
de la preuve », article précité p.129.
L'usage abusif des présomptions laisse beaucoup de
contribuables considèrent que le montant de la dette fiscale
dépend non pas d'une application mathématique de la loi, mais en
grande partie de la volonté arbitraire des agents du fisc, dont la
malveillance éventuelle pourrait causer leur ruine ; la fraude et la
dissimulation leur apparaissent dès lors comme des moyens de
légitime défense1.
Face aux pouvoirs exorbitants de l'administration fiscale
dans la recherche et l'administration de la preuve, les garanties dont
bénéficie actuellement le contribuable ne constituent pas un
véritable contrepoids.
CHAPITRE II LA PRECARITE DE LA SITUATION DU
CONTRIBUABLE DANS L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
« S'agissant de l'administration de la preuve, on
remarque une très grande inégalité entre les contribuables
et l'administration, dès lors qu'on demande, à ce dernier, une
véritable preuve pour renverser les présomptions de
l'administration >>1.
Le renversement de la charge de la preuve place le
contribuable dans une situation d'infériorité certaine. En effet,
ce renversement rend aléatoire le recours contentieux2, car
le contribuable rencontre des difficultés dans l'administration de la
preuve ( SECTION I ).
Or, pour être efficace, le droit à la preuve
doit concilier les exigences du rendement fiscal et de la justice fiscale,
c'est à dire permettre à l'administration de rectifier les
impositions des dissimulateurs, mais aussi au contribuable loyal
d'échapper à la surtaxation en pouvant se défendre
utilement3. D'où la nécessité de correctifs
pour effacer, ou du moins réduire, le déséquilibre entre
les deux parties ( SECTION II ).
Section I : les difficultés dans l'administration
de la preuve
Il convient de préciser que le fardeau de la preuve
s'allège sensiblement si les faits à prouver sont faciles
à établir dans leur réalité tangible. En revanche,
il devient insupportable si les réalités concrètes
d'établissement de la preuve sont difficiles.
Or, pour le contribuable taxé d'office la
nécessité d'apporter la preuve présente des
difficultés indéniables. Ainsi, le fardeau de la preuve se
révèle, à certains égards, lourd. Ces
difficultés tiennent à l'objet de la preuve ( Paragraphe
I ), au problème de la preuve par la comptabilité
(Paragraphe II ) et à la longévité des
délais de la prescription (Paragraphe III ).
Paragraphe I : L'objet de la preuve
Selon l'article 65 du C.D.P.F. : « Le contribuable
taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction
de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de
la sincérité de ses déclarations, de ses ressources
réelles ou du caractère exagéré de son imposition
>>. Cet article appelle Plusieurs observations.
D'abord, il convient de préciser que le C.D.P.F. a
procédé, par rapport à la législation
antérieure4, à une extension regrettable de l'objet de
la preuve incombant au contribuable. Outre la charge de la preuve des
ressources réelles ou de l'exagération de l'imposition, le
C.D.P.F. ajoute une obligation de preuve de la sincérité des
déclarations.
Cette nouvelle obligation de preuve est, pour le moins qu'on
puisse dire, surprenante. Elle met en échec la présomption
d'exactitude de la déclaration. La déclaration, étant
présumée exacte, c'est en principe l'administration fiscale qui
doit prouver son inexactitude et non pas l'inverse. Ainsi, on ne peut donc que
regretter la récente modification législative, qui ruine la
présomption d'exactitude de la déclaration. La rédaction
l'article 65 n'est pas très heureuse, et il serait souhaitable si l'on
venait à en modifier le contenu.
1 H. AYADI, << Droit fiscal, Impôt sur le revenu des
personnes physiques et impôt sur les sociétés >>,
C.E.R.P., Tunis 1996, p. 33.
2 G.TIXIER, << Manuel de droit fiscal >>, L.G.D.J.
1986, p.193.
3 Daniel RICHER, << Les droits du contribuable dans le
contentieux fiscal >>, L.G.D.J. 1997, p. 329.
4 L'article 67 §5 du C.I.R. abrogé disposait que
<< Le contribuable taxé d'office en application de l'article 66 du
présent code, ne peut obtenir la décharge ou la réduction
de l'impôt qui lui a été assigné qu'en apportant la
preuve, soit de ses ressources réelles, soit de l 'exagé
ration de son imposition ».
Malheureusement, la chambre fiscale au sein du T.P.I. 1
exige la preuve de la sincérité des
déclarations2. Quoique juridiquement défendable, la
position de chambres fiscales se concilie mal avec la logique du système
déclaratif et son corollaire la présomption d'exactitude de la
déclaration.
En tout cas, et pour donner un sens à la
présomption d'exactitude de la déclaration, l'obligation mise
à la charge du contribuable de « prouver la sincérité
de ses déclarations >> devrait entendu être entendue dans le
sens d'une preuve de la régularité formelle de la
déclaration3. Le contribuable doit prouver le respect de
l'obligation déclarative, tel que la preuve du dépôt de la
déclaration dans le délai imparti4.
Ensuite, le contribuable taxé d'office voulant obtenir
une décharge ou une réduction de l'impôt est tenu, selon
l'article 65 du C.D.P.F., de prouver ses ressources réelles ou
l'exagération de son imposition5. Ainsi, la charge de la
preuve qui lui incombe est lourde. « Alors qu'on demande à
l'administration pour asseoir sa taxation de simples présomptions de
fait ou de droit, on exige du contribuable une véritable preuve pour
renverser ces présomptions >>6.
Bien plus, pratiquement, les contribuables sont tenus dans la
plupart des cas d'apporter la preuve d'un fait négatif 7 :
absence de ressources autres que celles-mentionnées dans la
déclaration, absence de mise à la disposition de revenus,
défaut de réalisation de certaines dépenses,
etc.1.
1 Ces chambres fiscales au sein des tribunaux de
1ère instance sont crées en l'année 2002 dans
le cadre de la mise en oeuvre des dispositions du code des droits et
procédures fiscaux qui a instauré le principe du double
degré de juridiction en matière fiscale. Les tribunaux de 1
ère instance sont compétents en tant que juge de fond
de 1 er degré et les cours d'appel en tant que juge de fond
de second degré. Les commissions spéciales de taxation d'office
sont supprimées par le C.D.P.F.
- L'article 54 du C.D.P.F. dispose que : << les tribunaux
de première instance sont compétents pour statuer, en premier
ressort, sur les recours portant oppositions contre les arrêtés de
taxation d'office... ».
- L'article 67 du C.D.P.F. dispose que : << les
jugements du tribunal de première instance rendus dans les recours
prévus par l'article 54 du présent code, sont susceptibles
d'appel devant la cour d'appel territorialement compétente... ».
2 jugement fiscal, chambre fiscale T.P.I. de Sfax, n°59 du
29 mai 2002 :
"
...
"
3 Sur la question voir :
.
:
Site Internet de Abderraouf YAICH
www.profiscal.com sous la
rubrique colloque.
.
|
|
.
|
|
.
|
|
. 65 ? ?
|
" :
|
? ? ? ?
|
|
.(2 ) i
65 ? ? ?
? ? i? ? ? ? ? ? ? ? ?
? ?
"
.
4 Il s'agit de la charge de la preuve préliminaire
incombant au contribuable qu'on a déjà analysé dans la
1ère partie de ce mémoire. Voir supra, partie I,
Chapitre II, section II.
5 Le T.A. casse la décision du juge du fond qui modifie
l'arrêté de taxation d'office alors que le contribuable n'a pas
prouvé l'exagération de l'imposition ou ses ressources
réelles.
A titre d'exemple T.A., 28 janvier 2002, req. n°32214.
6 H.AYADI, << Un cas de confusion administration-
contentieux la taxation d'office en Tunisie », in Mélanges
R.Chapus.Droit Administratif. Montchrestien, Paris 1992, p.1 67.
7 En principe, la preuve d'un fait négatif est quasiment
impossible à rapporter.
Compte tenu de cette réalité, on recourt
dès lors à un palliatif : le fait négatif comporte une
antithèse immédiate et le problème de sa preuve ne
soulève pas d'autre difficulté que la preuve d'un fait positif.
Prouver que je
Ainsi, en droit fiscal, l'objet de la preuve ménage
certaines difficultés qui risquent de déboucher à terme
sur une paralysie de l'action contentieuse de
l'administré2.
En France, le conseil d'Etat vient au secours du
contribuable. En effet, une jurisprudence constante3 affirme la
possibilité pour le contribuable de s'abstenir d'apporter une preuve
purement négative en s'attachant à la contestation
quasi-exclusive des méthodes de reconstitution de la matière
imposable. Le conseil d'Etat intervient pour sauvegarder les droits des
contribuables en déplaçant l'objet de la preuve4.
Paragraphe II : Le problème de la preuve par la
comptabilité
En matière d'administration de la preuve, le
contribuable se trouve « piégé »5. Le
piège se referme lorsque le contribuable voulant administrer cette
preuve au moyen de sa comptabilité6 se voit opposer
l'irrégularité de celle- ci7.
Le contribuable taxé d'office suite à un rejet
de comptabilité se voit privé d'un moyen de preuve
pertinent8. Le scandale est d'autant plus sensible, écrivait
un commissaire de gouvernement, que le seul élément dont le
contribuable puisse faire état au soutien de son point de vue - sa
comptabilité- est a priori réputé tendancieux :
l'administration objecte, la plupart du temps, qu'elle n'a pas
enregistré la totalité des recettes9.
La situation du contribuable est précaire au niveau de
l'administration de la preuve. Quand il n'a pas la charge de la preuve car sa
comptabilité est régulière, il peut théoriquement
prouver. Or, quand il a la charge de la preuve suite à une taxation
d'office par rejet de comptabilité, il ne peut pas prouver. « Il
n'étais pas à un endroit revient à prouver
que j'étais autre
part. la preuve négative est donc
transformée en preuve positive.
Bien différente la situation lorsque le fait
négatif invoqué ne comporte pas d'antithèse. Exemple si je
prétends que je ne devais rien à cette personne parce que j'ai
jamais contracté avec elle, il m'est pratiquement impossible de prouver
ce que j'avance car ma prétention se fonde sur ce que l'on appelle une
proposition négative indéfinie.
M.-C. BERGERES, << Contrôle fiscal :
prérogatives du fisc et droits du contribuable >>, Masson-
Encyclopédie Delmas, Paris, 1988, p. 119.
Sur la preuve d'un fait négatif voir
1 M.-C. BERGERES, << Contrôle fiscal :
prérogatives du fisc et droits du contribuable >>, op.cit., p.
119.
2 M.-C. BERGERES, << Contrôle fiscal :
prérogatives du fisc et droits du contribuable >>, Masson-
Encyclopédie Delmas, Paris, 1988, p. 119.
3 - C.E. 19 décembre 1973, plén. n°87649,
D.F. 1974, n°11, comm. N°314, concl. Madame Latournerie ;
- C.E. 4 avril 1979, req. n°6673 et 8675, D.F., n°51
comm. 2513 ;
- C.E. 21 novembre 1980, req. n°13329 et 13330, D.F. 1981,
n°17 comm. 922 et 923.
4 Sur la question du déplacement de l'objet de la
preuve voir aussi : B. DELIGNIERES, << Comment un déplacement de
l'objet de la preuve a conduit à l'érosion des pouvoirs de
l'administration en matière de taxation d'office des revenus ( L.P.F.,
art. l. 69 ) >>, D.F. 1993, n°7, p.336-339.
5 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34,
D.F. 1984, n°14, comm. 694.
6 En pratique, c'est essentiellement par sa comptabilité
que le contribuable va tenter de prouver l'exagération de
l'imposition.
7 J. BOULOUIS, << Procès du juge fiscal >>,
RSF 1957, n°4, p.645.
8 En France, l'exemple de la << Pizza Vittori >>,
est très illustratif. En effet, non seulement elle s'est mise dans le
cas de l'imposition d'office, mais elle ne peut pas faire la preuve à
partir de sa comptabilité puisque celle-ci est inutilisable. Il faut
donc qu'elle fasse des `raisonnements extra-comptables'. C'est toujours plus ou
moins sujet à caution. Et elle n'est arrivée, en l'espèce,
à convaincre le juge que sur cette affaire de vin et d'apéritifs
qui e exposé dans l'arrêt. Michel Rougevin-Baville, Renaud Denoix
de Saint Marc, Daniel Labetoulle, << Leçons de droit administratif
>>, Paris 1989, p.529.
9 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34,
D.F. 1984, n°14, comm. 694.
existe en la matière un véritable paradoxe :
quand le contribuable n'a pas à prouver, il peut prouver ; en revanche,
quand il doit prouver, il ne dispose pas de preuve préconstituée
>>1.
En France, le juge fiscal applique les règles de
preuve avec une certaine souplesse. Il vient quelquefois au secours du
contribuable taxé d'office en allégeant le fardeau de la preuve
qui lui incombe2.
D'une part, la jurisprudence a fait preuve d'un certain
libéralisme. Elle considère que certains éléments
de la comptabilité peuvent être retenus malgré des
erreurs3. Cette jurisprudence se traduit donc par la fourniture
d'éléments de preuve préconstituées qui avaient
été écartées par la procédure de taxation
d'office4.
D'autre part, le conseil d'Etat, par un arrêt
très important du 19 décembre 1973, a décidé que le
contribuable « peut s'il n'est pas en mesure d'établir le montant
exact de ses revenus en s'appuyant sur une comptabilité
régulière et probante, soit critiquer la méthode
d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer
que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un
certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit
encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge
une nouvelle méthode d'évaluation permettent de déterminer
les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui
pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée
par l'administration >>5.
Ainsi le conseil d'Etat intervient pour sauvegarder les
droits des contribuables qui ne peuvent s'appuyer sur une comptabilité
régulière et probante. Cette jurisprudence permet au contribuable
taxé d'office d'apporter la preuve qui lui incombe en présentant
une critique de la méthode de l'administration. La critique de la
méthode d'imposition dans son principe suffit à décharger
le contribuable sans qu'il ait à établir l'exagération de
l'imposition.
Ainsi, selon le conseil d'Etat, la preuve incombant au
contribuable est considérée, dans certaines hypothèses,
comme apportée même si le contribuable n'établit pas
l'exagération de l'imposition, dès lors que l'administration
utilise une méthode radicalement viciée ou excessivement
sommaire6.
Depuis l'arrêt du conseil d'Etat du 19 décembre
1973, les possibilités de contestation juridictionnelles des bases
d'imposition arrêtées d'office se sont sensiblement ouvertes sous
la condition du respect de certaines règles de preuve7.
Par ailleurs, il faut noter que « les chausse-trappes de
la charge de la preuve sont surtout préjudiciables aux contribuables
qui, sans être tous et toujours parfaitement honnêtes - il ne faut
pas rêver, sont néanmoins, pour la plupart d'entre eux, des
naïfs qui ne savent pas se mettre en situation de force devant le fisc.
Alors que d'autres, beaucoup plus avisés et souvent plus
malhonnêtes savent
1 M.-C. BERGERES, << Contrôle fiscal :
prérogatives du fisc et droits du contribuable >>, Masson-
Encyclopédie Delmas, Paris, 1988, p. 120.
M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975, p.
325.
2 Voir sur la question Jean-Pierre MAUBLANC, <<
L'interprétation de la loi fiscale par le juge de l'impôt
>>, thèse, université de Bordeaux I, faculté de
droit des sciences sociales et politiques, 1984, p.278.
3 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, Gaz. Pal. 1983, n°1,
p.149.
4 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975, p.
326.
5 C.E. 19 décembre 1973, plén. n°87649, D.F.
1974, n°11, comm. N°314, concl. Madame Latournerie ; Lebon p.734 ;
Dupont 1974 p.90.
On lira avec profit la chronique de Philippe CROUZET,
<< Administration de la preuve >>, R.J.F. 1986, n°6,
p.347-350. Et DELIGNIERES (B.), << Preuve fiscale >>, (impositions
établies sur la base de données comptables, preuve comptable et
extra-comptable), juris-classeurs, Proc. Fisc., Fasc. 382, 1994.
6 La notion de méthode excessivement sommaire est apparue
pour la 1ère fois dans la décision du C.E. 21-10- 1981
puis sa décision du 22-12-1982.
7 Alain FRENKEL, in << La taxation d'office à
l'impôt sur le revenu >>, ( actes des journées
d'études organisées par la société française
de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales de la
faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de
recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI,
L.G.D.J. 1980, p.95.
se mettre en bonne situation par la pratique des montages
juridiques, des structures apparentes et, surtout, des preuves
préalables autant que préfabriquées que tout contribuable
conscient et organisé peut se créer à soi-même,
nanti de bons conseils >>1.
Paragraphe III : La longévité des
délais de la prescription
L'administration fiscale dispose du pouvoir de
contrôler les déclarations des contribuables dans les
délais fixés par la loi. Or, selon le C.D.P.F, le délai
peut atteindre dix ans 2.
Le délai de la prescription, extrêmement long,
n'accroît-il pas, pour le contribuable, les difficultés dans
l'administration de la preuve ?
A priori, le problème n'est qu'apparent, puisque le
contribuable est soumis à une obligation de conservation des documents
comptables et autres, dont le délai coïncide avec le délai
de la prescription. Ainsi, l'article 25 de la loi n°96-1 12 du 30
décembre 1996, relative au système comptable des entreprises,
dispose que : « Les états financiers relatifs à un exercice
comptable ainsi que les documents, les livres, les balances et les
pièces justificatives y afférentes sont conservés pendant
dix ans au moins >>.
L'article 62 § IV du C.I.R. dispose que : « Les
livres de commerce et autres documents comptables, et d'une façon
générale, tous documents dont la tenue et la production sont
prescrites en exécution du présent code doivent être
conservés pendant dix ans >>3.
Certes, l'obligation de conservation des documents doit en
principe permettre au contribuable d'avoir ses moyens de preuve.
Néanmoins, la longévité du délai (10 ans), n'est
pas de nature à faciliter la tâche du contribuable.
L'écoulement du temps peut favoriser un dépérissement des
preuves. Comme l'a précisé un commissaire de gouvernement, «
cette lenteur rompt l'égalité des armes entre l'administration et
le contribuable aux détriments de ce dernier >>4.
Par ailleurs, il convient de préciser que les
redressements sont envoyés au contribuable au dernier moment, à
la limite de la prescription. Le fisc multiplie ses relances en fin
d'année dans le but d'interrompre la prescription5. Une fois
la prescription interrompue, un nouveau délai commence à courir
pour une nouvelle période. Cela réduit les droits des
contribuables et donne un délai supplémentaire au
contrôleur pour qu'il passe au peigne fin le dossier du contribuable.
Il faut noter que la longévité des
délais est à sens unique. A la longévité des
délais octroyés à l'administration correspond une
brièveté des délais réservés au contribuable
pour répondre, généralement 30 jours 6.
La brièveté du délai ne permet pas au contribuable
de préparer ses moyens de défense dans de bonnes conditions.
Ainsi, la preuve s'avère souvent difficile à apporter, notamment
pour les contribuables qui n'ont pu se constituer à temps des preuves
préétablies du bienfondé de leur position.
La prorogation des délais de réponse
paraît nécessaire pour donner au contribuable le temps
nécessaire pour réunir ses éléments de preuve et
préparer une réplique solide. Cette prorogation est d'autant plus
urgente que l'administration demande au contribuable des justifications
concernant des opérations remontant à plusieurs années. Il
serait souhaitable que le législateur procède à une
unification des délais de réponse et des délais de
recours7 pour faciliter la tâche du contribuable.
Les difficultés que le contribuable rencontre sont loin
de le sécuriser et accroîent le déséquilibre entre
les deux parties en faveur du fisc, d'où la nécessité de
correctifs.
1 Conclusions sur l'arrêt du CE, 25 mars 1983, req. n.34,
D.F. 1984, n°14, comm. 694.
2 Article 19 et 20 du C.D.P.F.
3 Selon l'article 18 du C.T.V.A cet article est applicable aussi
en matière de T.V.A.
4 Fouquet Olivier, << Le temps fiscal >>, in
journées d'études du 23 novembre 1999 << Le temps
administratif >>, la Revue Administrative 2000, numéro
spécial, p.49.
5 L'interruption de la prescription est prévue par
l'article 27 du C.D.P.F.
6 Par exemple, les délais de réponse
octroyés au contribuable, lors du déroulement de la
vérification ainsi que lors de la notification des résultats de
la vérification, sont courts.
7 Un délai de soixante jours pourrait être
réservé.
Section II : l'insuffisance des correctifs aux
difficultés dans l'administration de la preuve
Les correctifs consistent dans le principe de la
liberté de la preuve (paragrapheI), et dans le
rôle du juge fiscal (paragrapheII). Mais ces correctifs
restent imparfaits et ne permettent pas de favoriser une confrontation
équitable entre le contribuable et le fisc.
Paragraphe I : Le principe de la liberté de la
preuve en droit fiscal
La solution pour les contribuables, rencontrant des
difficultés dans l'administration de la preuve, peut être
recherchée dans le principe de la liberté de la preuve. Ce
principe leur permet de recourir à tous les moyens de preuve
prévus par la loi. Le conseil d'Etat a consacré le principe de la
liberté de la preuve1. En droit fiscal tunisien, le principe
de la liberté de la preuve est reconnu expressément par la
jurisprudence2.
Quoique important le principe de la liberté de la
preuve en matière fiscale ne permet pas de rééquilibrer la
situation entre l'administration et le contribuable en matière
d'administration de la preuve pour deux raisons.
D'une part, certains moyens de preuve jouent parfois au
détriment du contribuable. Ainsi, en est-il de l'aveu. En effet, le
tribunal administratif a considéré que l'aveu du contribuable
constitue une présomption à son encontre3.
D'autre part, les parties sont parfois privées
d'apporter certains types de preuve parce que le législateur les a
expressément exclues. En effet, « le droit fiscal n'accepte pas
toujours les institutions du droit civil ou de droit commercial, telles
qu'elles sont réglées par la loi civile ou la loi commerciale. Il
y déroge parfois, en ce sens qu'il supprime, sur le plan fiscal
exclusivement, certains de leurs effets, ou éventuellement, les modifie
»4.
Ainsi, en droit fiscal tunisien, L'article 64 du code des
droits et des procédures fiscaux dispose que « les moyens de preuve
prévus par les numéros 3 et 5 de l'article 427 COC ne peuvent
être admis par le tribunal pour prouver les allégations des
parties relatives à l'affaire »5. Le droit fiscal
intervient pour exclure le témoignage et le serment.
L'exclusion du serment était déjà
prévue par le C.D.E.T.6 La généralisation par
le C.D.P.F. de l'interdiction du serment ne peut qu'être
approuvée7. En effet, « l'ordre public interdit que le
serment
"
1 C.E. plénière 7 novembre 1975, n°90786, D.F.
1976 n° 11, comm. 420, conclusions Mme LATOURNERIE.
2 -T.A. 18 octobre 1999, req. n°3 1503 (inédit ).
- T.A., 30 octobre 2000, req. n°32169 ( inédit ).
- T.A., 5 février 2001, req. n°32134 (
inédit).
3 -T.A. 1 mars 1979, req. n°48, recueil des arrêts du
T.A., Tunis, ENA, 1980.
- T.A. 8 juin 1992, req. N° 999 :
" .
4 J.E. KRINGS, << Fictions et présomptions en droit
fiscal >>, in Etudes publiées par Ch. PERELMAN et P. FORIERS :
<< Les présomptions et les fictions en droit >>, Bruxelles
1974, p. 163.
5 Les moyens de preuve de droit commun sont prévus par
l'article 427 du C.O.C. sont au nombre de cinq : l'aveu, l'écrit, la
preuve testimoniale, la présomption et le serment.
6 L'article 80 du C.D.E.T. disposait que : << Pour
l'établissement de la preuve de l'existence des dettes se rapportant
à une succession, le mode de preuve par serment n'est pas recevable
>>.
7 D'ailleurs, Le T.A. a dans son arrêt n°835 du
30/04/1987 défini les moyens de preuve en matière fiscale en
écartant notamment le serment. T.A. 30 avril 1987 , req. n°835,
recueil des arrêts du T.A. 1985-1986-1987, p.
355.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
59 48
|
|
"
|
|
|
45 4
|
|
|
|
|
|
?
|
? ?
|
|
|
|
? ?
|
? ?
|
? ? ? ? ? ? ?
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
. "
|
|
puisse être déféré à l'Etat
»1. D'autre part, « admettre que l'administration puisse
déférer le serment au contribuable serait admettre du même
coup qu'elle peut se dégager, par un artifice de procédure, de la
charge que la loi fait peser sur elle en matière de preuve
»2.
L'interdiction du témoignage en matière fiscale
semble concerner aussi bien le contribuable que l'administration fiscale. Mais,
en réalité l'interdiction est à sens unique, elle ne
concerne que le contribuable. L'administration est autorisée à
recourir à ce mode de preuve3. D'ailleurs, la volonté
législative de permettre à l'administration de recourir à
la preuve testimoniale a des racines anciennes. L'article 5 du décret
organique sur l'enregistrement du 19 avril 1912 disposait que : « la
dissimulation dans le prix d'une vente et dans la soulte d'un échange ou
d'un partage peut être établie par tous les genres de preuve admis
par le droit commun. Toutefois, l'administration ne peut déférer
le serment décisoire, et elle ne peut user de la preuve testimoniale que
pendant dix ans à compter de l'enregistrement ». Ainsi, quoique
limitée dans le temps, la preuve testimoniale était admise pour
prouver les allégations de l'administration.
L'inégalité des parties au niveau des moyens de
preuve admis n'est pas de nature à favoriser le
rééquilibrage des rapports entre l'administration fiscale et le
contribuable. Le juge est appelé à jouer un rôle important
en la matière.
Paragraphe II : Le role actif du juge fiscal
S'il est un domaine où le juge peut et doit jouer un
rôle important, c'est bien celui de la preuve en matière
fiscale4. Le vrai problème auquel est quotidiennement
confronté le juge, est celui de la situation inégale que les
textes fiscaux créent souvent entre l'administration,
généralement en position de force, et le
contribuable5.
L'action du juge en matière de preuve apparaît
sur plus d'un plan :
D'une part, l'appréciation des moyens de preuve est du
pouvoir souverain des juges de fond. Cette position est constamment
rappelée par le T.A.6. Mais, conscient de l'importance de la
preuve et de
1 F.-P DERUEL, thèse précitée, p. 96.
2 F.-P. DERUEL, thèse 1962, précitée, p.
98.
3 Selon les articles 16 et 17 du C.D.P.F. L'administration peut
se fonder sur des attestations écrites des tiers. Ces attestations ne
constitue-t-elles pas une preuve testimoniale.
i ? ? ? " ? ? ? ? ? ? ? ?" ? ? --
. 12
:
7 . 2002
Site Internet de Abderraouf YAICH
www.profiscal.com sous la
rubrique colloque:
son rôle décisif sur l'issue du litige, le T.A. a
considéré que le refus de prendre en compte un
élément de preuve est un motif de cassation1.
D'autre part, le juge peut intervenir en matière de
preuve à travers l'expertise2 pour réunir les
éléments de preuve et d'évaluation nécessaires
à la solution du litige.
En droit fiscal tunisien, le C.D.P.F. prévoit deux cas
de recours à l'expertise. L'article 62 du C.D.P.F. consacre le cas de
recours obligatoire à l'expertise3. Selon cet article :
« Dans les litiges relatifs aux droits d'enregistrement ou à
l'impôt sur le revenu au titre de la plus-value immobilière, le
tribunal ordonne d'office une expertise pour évaluer la valeur
vénale des immeubles, des droits immobiliers et des fonds de commerce
cédés >>. Le caractère d'office de l'expertise
semble être justifié dans ce cas par l'importance des
intérêts en jeu.
L'article 66 du C.D.P.F. prévoit, quant à lui,
le cas de désignation d'un expert à la demande du contribuable.
Selon cet article : « En cas d'introduction de modifications
nécessitant une nouvelle liquidation des sommes à payer ou
restituables, le tribunal peut se faire assister par l'administration fiscale
pour établir cette nouvelle liquidation ou désigner, à la
demande du contribuable, un expert à cet effet >>. Cet article
appelle deux observations :
D'une part, l'article 66 prévoit la possibilité
de désignation d'un expert à la demande du contribuable. En
pratique, c'est surtout pour l'imposition des contribuables soumis à
l'obligation de tenir une comptabilité que l'organisation d'une
expertise peut s'avérer utile. Ainsi, en cas de rejet de
comptabilité, le contribuable peut demander qu'une expertise soit faite
pour prouver le caractère nonfondé du rejet de
comptabilité.
? ? ? ? ? ? ? ? ?
" .
I
-
"
"
T.A., 10 avril 2001 /32233 (appréciation souveraine des
moyens de preuve par CSTO, car question de fait .
- T.A, 5 février 2001, req. n° 32134 (CSTO :
appréciation des moyens de preuve) :
" .
i
- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31439 ( moyens de preuve :
appréciation souveraine CSTO).
- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31503 ( moyens de preuve :
appréciation souveraine CSTO).
1 -T.A., 21 mai 2001, req. n°32361 (inédit), voir en
annexe n°2 de ce mémoire.
- Voir aussi T.A., 5 février 2001, req. n° 32192,
voir annexe n° 2 de ce mémoire.
- T.A. 23 avril 2001, req. n° 31645 :
i j ? ? ? ?
. ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
"
." j 66
2 Sur l'expertise voir :
.277 1982 " "
- J. DUCHON-DORIS, << Evolution du rôle de
l'expertise dans le contentieux fiscal >>, B.F. 3/ 90, p. 159.
- François LOLOUM, << Quelle est la portée
du contrôle de cassation en matière d'expertise et de
dénaturation ? >>, B.D.C.F. 4/97, n°85, p.5 1-53.
- DELIGNIERES (B.), << Preuve fiscale >>,
(généralités, charge et administration de la preuve),
juris-classeurs, Proc. Fisc., Fasc. 380, 1994, p. 14 et 15.
3 Voir Note commune n°9, Texte n° D.G.I. 2002 / 22,
p. 97, relative au contentieux de l'assiette de l'impôt devant les
tribunaux de l'ordre judiciaire objet des articles 53 à 68 du code des
droits et procédures fiscaux. Voir en annexe n°3 de ce
mémoire.
Il faut noter que le résultat de l'expertise ne lie ni
le juge ni l'administration. Celle-ci peut ne pas adopter cette expertise.
Mais, le T.A. exige, fort heureusement, que l'administration doit justifier et
motiver le rejet de l'expertise1.
D'autre part, l'article prévoit la possibilité
de se faire assister par les agents de l'administration. L'expertise
confiée aux agents de l'administration fiscale ne va-t-elle pas à
l'encontre de l'objectivité requise en matière de justice,
n'accroît-elle pas le déséquilibre entre l'administration
fiscale et le contribuable, ne constitue-t-elle pas une survivance du
problème d'une administration à la fois juge et partie ?
Quoiqu'il en soit, l'intervention du juge en matière
de preuve permet de rééquilibrer dans certaine mesure les
rapports entre le contribuable et l'administration fiscale. Certes, « le
juge n'est pas un supérieur hiérarchique de l'administration ;
c'est bien un juge, un contrôleur juridique de l'administration, mais ses
décisions peuvent se traduire par une modification directe de
l'impôt qui avait été assigné au contribuable
>>2 . Ainsi, « à la fonction classique et
mécaniste de la preuve, qui est de convaincre le juge en vue de trancher
une contestation de droit ou de fait, tend à s'ajouter maintenant une
fonction nouvelle, plus dynamique, dans laquelle la preuve devient
également pour le juge un moyen de doser le contrôle qu'il
désire exercer sur l'activité administrative
>>3.
Néanmoins, il ne faut pas exagérer la
portée des pouvoirs du juge fiscal4. Il faut observer que
« l'environnement fiscal favorable suppose (...) l'existence d'une justice
réellement indépendante et réellement compétente
pour trancher, en toute impartialité, les litiges fiscaux
>>5. Le juge fiscal devrait avoir présent à
l'esprit le conseil adressé par le Calife Omar Ibn El KHATTAB dans sa
lettre à Abou Moussa EL ACHAARI : « la fonction de cadi (juge) est
un devoir religieux précis et une tradition qu'il faut suivre. Ecoutes
bien les dépositions qui sont faites devant toi, car il est inutile
d'examiner une requête qui n'est pas valide. Tu dois traiter sur le
même pied ceux qui comparaissent à ton tribunal et devant ta
conscience, de sorte que le puissant ne puisse compter sur ta partialité
ni le faible désespérer de ta justice >>.
1 -T.A., 20 mai 2002, req. n°32228 (inédit), voir
annexe n°2 de ce mémoire.
j i " . ? ? ? ?
? i ? ? ? ? ? ? ? ? ? ." jj i
Voir aussi les arrêts du T.A :
- T.A., 7 mai 2001, req. n° 32079 (inédit), voir en
annexe n°2 de ce mémoire.
- T.A., 5 juin 2001, req. n°32431.
- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31667.
2 Michel ROUGEVIN-BAVILLE et Cie, << Leçons de
droit administratif >> op. Cit., p.530.
3 J.-P. COLSON, << L'office du juge et la preuve dans le
contentieux administratif >>, L.G.D.J., Paris 1970, p. 9.
4 Voir :
" " -
.
5 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre
2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Le C.D.P.F. a davantage renforcé les pouvoirs de
l'administration fiscale plus qu'il n'a renforcé les garanties du
contribuable. L'administration fiscale apparaît comme une administration
puissante. Elle est bien outillée et juridiquement armée.
Les règles présidant à l'administration
de la preuve sont telles que les contribuables ne pourront espérer
pouvoir faire prévaloir leurs droits que difficilement. Peut être
dans cet aménagement a-t-on négligé les contribuables.
Leur droit à la preuve, s'il n'est pas encore lettre morte, se
rétrécit chaque jour tel une peau de chagrin1.
Comment peut-on alors convaincre le contribuable d'accepter
l'impôt en tant que participation à la vie politique et non pas en
tant que mal nécessaire ? La lutte contre la fraude fiscale ne se fait
pas moyennant les prérogatives exorbitantes de l'administration ou
moyennant des dispositions répressives sévères. L'octroi
des garanties réelles au contribuable et l'instauration d'impositions
modérées sont les véritables solutions durables à
la fraude2.
Il convient d'avoir présent à l'esprit que
« derrière chaque contribuable il n'y a pas nécessairement
un fraudeur. Et mieux vaut laisser échapper un fraudeur que de risquer
d'imposer abusivement d'honnêtes citoyens »3.
1 Gérard LUPI, << La preuve en matière
d'impôts directs >> ; R.S.L.F. 1955, n°3, p. 584.
2 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre
2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire, p. 102.
3 P.-M. GAUDEMET, << réflexions sur les rapports du
juge et du fisc >>, mélanges M.Waline, t.5, 1974, p.136.
CONCLUSION GENERALE
Conclusion générale
La preuve en droit fiscal est un sujet qui pose en soi le
problème des relations entre l'administration fiscale et les
contribuables. L'étude du régime juridique de la preuve montre
que la relation entre l'administration fiscale et le contribuable tunisien n'a
pas encore réussi à rompre avec un passé mouvementé
et singulièrement défavorable à la réconciliation.
Cette relation reste encore marquée par une certaine défiance. La
réconciliation entre le fisc et le contribuable, à laquelle
appelle le pouvoir politique, est loin d'être réalisée.
« Commandés par des textes et des coutumes qui plongent leurs
racines dans les traditions de la période précoloniale et
coloniale (administration centralisée et autoritaire), les rapports
entre l'administration fiscale et le contribuable continuent à
être basés sur les mécanismes de la distance et de
l'autorité >>1. Le poids prépondérant de
l'administration dans le domaine de la preuve apparaît aussi bien au
niveau de la charge de la preuve qu'au niveau de l'administration de la preuve.
Le domaine de la preuve est l'illustration de la précarité du
statut du contribuable.
Le débat fiscal apparaît comme une «
escrime >> entre deux adversaires inégaux. C'est « la lutte
du pot de fer et du pot de terre >>2 qui caractérise
les rapports entre l'administration fiscale et le contribuable. Le débat
se cristallise sur l'opposition de deux intérêts antinomiques :
l'intérêt du fisc et l'intérêt du contribuable. Le
législateur cherche plutôt l'intérêt immédiat
du trésor. L'intérêt du contribuable et la garantie de ses
droits ne sont pas pris en considération. Ainsi, le contribuable a le
sentiment d'impuissance face aux prérogatives de l'administration
fiscale. En matière de preuve, le contribuable se trouve réduit
à un simple assujetti « présumé fraudeur >>,
démuni face à un fisc plutôt menaçant que rassurant,
face à un fisc qui refuse de se réduire au rang d'un simple
justiciable.
La fin justifie-t-elle les moyens ? La lutte contre la fraude
fiscale justifie-t-elle l'octroi à l'administration fiscale de
prérogatives démesurées en matière de preuve ?
Justifie-t-elle la mise en échec de la présomption d'exactitude
de la déclaration et la présomption de bonne foi auxquelles
chaque contribuable a droit ?
S'il est vrai que la fraude a pris des dimensions alarmantes,
cette fraude ne se présente-t-elle pas comme une légitime
défense contre un arbitraire fiscal ? 3 Si le gouvernement veut obtenir
des résultats réels dans sa lutte contre la fraude, ne faut-il
pas qu'il cherche les raisons de cette fraude4 et se demande comment
il se fait que tant de personnes, d'une honnêteté
méticuleuse dans tous les autres domaines, n'ont aucun scrupule à
tromper le fisc, dont l'activité est cependant essentielle au bon
fonctionnement de l'Etat ? Le jour où la réponse sera
trouvée, les remèdes apparaîtront sans doute et le civisme
renaîtra5.
Le problème de la preuve en droit fiscal tunisien
mérite d'être repensé et refondu. Les règles de
preuve très rigides et protectrices de l'administration fiscale
devraient être revues dans un sens équitable. Les pouvoirs publics
ne peuvent plus ignorer les évolutions favorables au contribuable en
droit fiscal comparé. Certes, « exclure toute vexation,
prétendre faire des lois qui n'entraînent aucune
1 Habib AYADI, << Droit fiscal >>, C.E.R.P., Tunis
1989, série Droit Public n°6, p. 264.
2 Gérard LUPI, << La preuve en matière
d'impôts directs >>, R.S.L.F., 1955, n°3, p.559.
3 J.C. MARTINEZ, << La légitimité de la
fraude fiscal >>, In Etude de finances publiques, Mélanges en
l'honneur de M. le professeur Paul Marie GAUDMET, ECONOMICA, Paris 1984, p.
921-942.
4 Fayçal DERBEL, Mohamed El Fadhel BEN OMRANE, Salah
DHIBI, Rejeb ELLOUMI, Mohamed Salah AYARI << Evasion et fraude fiscales :
manque de civisme ou défaillance dans le système ? >>,
revue l'expert, n°89/90, juin 2002.
5 Marc BALTUS, << Morale fiscale et renversement du
fardeau de la preuve >>, in Réflexions offertes à Paul
Sibille, , p.128.
vexation, c'est le projet d'un insensé, mais supprimer
toute vexation prépondérante, toute vexation superflue, c'est
le but que la raison se propose »1.
N'a-t-on pas affirmé que « la liberté dans
la société civile implique, aujourd'hui plus que jamais, le droit
pour le citoyen de se défendre, avec quelque chance de succès,
contre l'arbitraire d'une administration omnipotente et omniprésente
»2 ? Une réforme du régime juridique de la preuve
tendant à un rééquilibrage des rapports entre
l'administration fiscale et le contribuable, serait la bienvenue.
Est-ce qu'on peut espérer avoir un régime de
preuve équilibré dans un système où
l'administration constitue le prolongement d'un pouvoir politique qui refuse le
contre-pouvoir ? Donner au contribuable des garanties en matière de
preuve n'équivaut-il pas à renoncer à la politique de la
main libre de l'administration fiscale ?
1 OEuvres de Jérémie BENTHAM, <<
Traité des preuves judiciaires >>, Bruxelles, 1840, t.II, p.401,
in Jean WILMART : << Réflexions sur la décomposition et le
déplacement de la preuve en droit fiscal >>, in mélanges en
hommage à Léon GRAULICH, Liège 1957, p. 161.
2 Olivier FOUQUET, << Le Conseil d'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
>>, Gaz. Pal. 1983, 1er sem., p. 210.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX ET SPECIAUX
ABOUDA (A.) : < Code des droits et
Procédures fiscaux : Contrôle, Contentieux et Sanctions >>,
Publications de l'Imprimerie Officielle de la République
Tunisienne,2001.
AFSCHRIFT (Th.) : < Traité de la
preuve en droit fiscal >>, Larcier, Bruxelles 1998.
AMEDEE-MANESME (G.) : < Principes et
pratiques du droit fiscal des affaires >>, economica, Paris 1990.
ANTOINE (M.), ELOY (M.), BRAKELAND (J.-F.) :
< Le droit de la preuve face aux nouvelles technologies de
l'information, aspects techniques et juridiques du transfert et de la
conservation des documents >>, Cahiers du Centre de Recherches
Informatique et Droit, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de
Namur, 1991.
AYADI (H.) :
-< Droit fiscal >>,
C.E.R.P., Tunis 1989, série Droit Public n°6.
- < Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits
de consommation et contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis 1996.
- < Droit fiscal, Impôt sur le revenu des personnes
physiques et impôt sur les sociétés >>, C.E.R.P.,
Tunis 1996.
BACCOUCHE (N.) :
-< Droit fiscal >>,
E.N.A., Tunis 1993.
-< Pour une réforme
du contentieux fiscal tunisien >>, publication de l'U.T.I.C.A., Sfax,
1992.
BEN JABALLAH (A.) : < Le contribuable face
au fisc: droits, obligations et procédures fiscales >>, Tunis
2002.
BERGERES (M.C) : < Contrôle fiscal :
prérogatives du fisc et droits du contribuable >>, Masson-
Encyclopédie Delmas, Paris, 1988.
Boyer Laurent, Roland : < Adages du droit
français >>
CASIMIR (J.-P.) :
- < Le code annoté des procédures fiscales
>>, Paris 1996.
- < Les signes extérieurs de revenus, le
contrôle et la reconstitution du revenu global par l'administration
fiscale >>, L.G.D.J., Paris, 1979, préface de Maurice COZIAN.
CHARFI (M.) : < Introduction à
l'étude du droit >>, éd. Cérès, Tunis
1997.
CHIKHAOUI (L.) : < Pour une stratégie
de la réforme fiscale >>, .E.N.A., Tunis.
COZIAN (M.) : < Les grands principes de la
fiscalité des entreprises >>, Litec, Paris 1986.
COPPENS (P.) : < Droit Fiscal, les
impôts sur les revenus >>, Tome II, éd.1980, faculté
de droit, université catholique de Louvain.
DASSESSE (M.) : < Droit fiscal, principes
généraux et impôts sur les revenus >>, Bruxelles,
Bruylant 1990.
David (C.), FOUQUET (O.), LATOURNERIE (M.-A.), PLANET
(B.) : < Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale
>>, préface de M.Long et G. Vedel, thème 47 < La charge
de la preuve >>, p.487.
GEFFROY (J.-B.) : < Grands problèmes
fiscaux contemporains >>, P.U.F., 1993.
GENY (F.) : < Science et technique en droit
privé positif >>, Paris, Sirey 1921.
GHESTIN (J.) et GOUBEAUX (G.) : <
Traité de droit civil, Introduction générale>>,
4ème édition avec le concours de Mureil FABRE-MAGNAN,
L.G.D.G., Paris, 1995.
GROSCLAUDE (J.) et MARCH ESSOU (Ph.) : <
Droit fiscal général >>, Dalloz 1997.
KOTRANE (H.) : < Introduction à
l'étude du droit, cadre juridique des relations économiques
>>, C.E.R.P. 1994, Tunis.
LAMBERT (Th.) :
- < Le contrôle fiscal : principes et pratiques
>>, Economica, paris, 1988.
- < Contentieux fiscal, principes et pratiques >>,
Paris 1990.
LEVY-BRUHL (H.) : < La preuve judiciaire
>>, Edition Marcel Rivière et Cie., Paris 1965. LOUVEAUX
(C.L.) : < La preuve en matière d'impôts directs
>>, Bruylant, Bruxelles 1970. MARTINEZ (J.-C.) : <
L'impôt sur le revenu en question >>, ouvrage collectif, Litec,
Paris. MESTAOUI (Y.) : < Le contentieux fiscal >>,
Tunis juin 1998.
MOGHABGHAB (N.) : < Le secret bancaire :
Etude de droit comparé (Belgique, France, Suisse, Luxembourg et Liban)
>>, 1996.
PACTEAU (B.) : Encyclopédie Dalloz,
contentieux administratif II, < Preuve >>.
PETIT (B.) : < Introduction
générale au droit >>, 3ème
édition, Presses Universitaires de Grenoble, 1994. PLANIOL
(M.) ET RIPERT (R.) : < Traité pratique de droit civil
>>, L.G.D.G., Paris.
REZGUI(S.) : < Procédures et
contentieux fiscal de l'assiette : de l'impôt sur le revenu, de
l'impôt sur les sociétés, de la T.V.A., Publications de
l'Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 2000.
ROUGEVIN-BAVILLE (M.) et Cie : <
Leçons de droit administratif >>, Editions HACHETTE, Paris
1989.
TIXIER (G.) : < Manuel de droit fiscal
>>, L.G.D.J. 1986.
VALSCHAERTS (M.-Ch.) : < Les pouvoirs
d'investigation des administrations fiscales, spécialement dans leur
rapport avec le respect de la vie privée de l'individu >>,
Bruxelles, Bruylant 1989. YAÏCH (A.) :
- < La doctrine administrative dans le cadre des nouvelles
réformes >>.
- < Théorie fiscale >>, éditions Raouf
YAICH, 2002.
THESES ET MEMOIRES
ABID (S.) : < L'imposition des revenus de
valeurs et capitaux mobiliers >>, mémoire pour l'obtention du
diplôme d'études approfondies en droit des affaires,
faculté de droit de Sfax, 1998-1999.
AGRON (L.) : < Histoire du vocabulaire
fiscal >>, thèse, éd. L.G.D.J., Paris 2000.
AJROUD (J.) : < Le principe du
contradictoire pendant la vérification fiscale dans le nouveau code
tunisien des droits et procédures fiscaux : Etude comparative avec le
droit français >>, mémoire D.E.A. finances publiques et
fiscalité, Université d'Aix-Marseille III, 2000-2001.
BEN ABDALLAH (H.) : < La charte du
contribuable >>, mémoire pour l'obtention du D.E.A en droit
public, université de Tunis III, faculté de droit et des sciences
politiques de Tunis 1991-1 992.
BEJAOUI (R.) : < Les apports du code des
droits et des procédures fiscaux en matière des procédures
de contrôle et d'imposition >>, mémoire D.E.A. en droit des
affaires, Faculté des Sciences Juridiques, politiques et sociales Tunis
II, 2000-2001.
BERGERES (M.-C.) : < Le principe des droits
de la défense en droit fiscal >>, thèse, Bordeaux, 1975.
CHIHI (B.) : < Le secret professionnel et
le droit de communication du fisc au sens du code des droits et
procédures fiscaux >>, mémoire pour l'obtention du
diplôme d'études approfondies en droit public, faculté de
droit et des sciences politiques de Tunis, 2000-2001.
COLSON (J.-P.) : < L'office du juge et la
preuve dans le contentieux administratif >>, thèse, L.G.D.J.,
Paris 1970.
COTTINI (M.) : < Contribution à
l'étude de l'anormalité en matière de preuve fiscale
>>, thèse, université d'Aix Marseille III, 1998.
DALBIES (B.) : < La preuve en matière
fiscale >>, thèse, université d'Aix Marseille III, 1992.
DAROUICHE (M.) : < Fiscalité des
sociétés d'investissement >>, mémoire pour
l'obtention du diplôme d'études approfondies en droit des
affaires, faculté de droit de Sfax, 1996-1997.
DERUEL (F.-P.) : < La preuve en
matière fiscale >>, Th. Multicop, université de Paris,
1962.
FARHAT (R.) : < Le secret bancaire : Etude
de droit comparé ( France, Suisse, Liban) >>, thèse pour le
doctorat, paris, L.G.D.J. 1967.
GADHOUM (W.) : < L'insuffisance de la
protection du contribuable lors du contrôle fiscal >>,
mémoire pour l'obtention du diplôme des études approfondies
en droit des affaires, faculté de droit de Sfax, 1997.
GARGOURI (F.) (née BEAUVAIS ) : < Le
rejet de comptabilité >>, mémoire en vue de l'obtention du
diplôme d'expertise comptable, 1987.
KASZEWICZ (J.-P.) : < Nouveaux
aperçus sur l'autonomie du droit fiscal >>, thèse
(dactyl.), université de Picardie, 1974.
KLEIN (G.) : < La répression de la
fraude fiscale : Etude sur le particularisme du droit pénal des
impôts >>, thèse, Nancy II, 1975.
KORNPROBST (E.) : < La notion de bonne foi,
application au droit fiscal français >>, thèse, L.G.D.J.,
Paris 1980.
LTIFI (M.H.) : < La protection du
contribuable en matière de contrôle fiscal >>,
mémoire Tunis, 1998.
LADHARI (Z.) : < Du fardeau de la preuve en
matière fiscale >>, Mémoire D.E.A. Droit privé,
faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 1999-2000.
LAMBERT-WIBER (S.), < Contribution du droit
civil à une approche renouvelée de la charge de la preuve en
droit fiscal >>, thèse, université de Rouen 1996.
LEGEAIS (R.) : < Les règles de preuve
en droit civil : Permanences et transformations >>, thèse Poitiers
1954, éd. L.G.D.J. 1955.
MAUBLANC (J.-P.) : < L'interprétation
de la loi fiscale par le juge de l'impôt >>, thèse,
université de Bordeaux I, faculté de droit des sciences sociales
et politiques, 1984.
PACTET (P.) : < Essai d'une théorie
de la preuve devant la juridiction administrative >>, thèse Paris
1952.
SABAROTS (J.) : < Le principe de
non-immixtion de l'administration fiscale dans la gestion des entreprises
privées >>, Thèse dactylographiée, Bordeaux 1980.
SELIGMAN (P.) : < De la déclaration
et de la présomption comme base de l'impôt direct >>,
thèse, Paris1913 (dactyl.).
RICHER (D.), < Les droits du contribuable
dans le contentieux fiscal >>, thèse, L.G.D.J. 1997.
ARTICLES ET CHRONIQUES
ARRIGHI DE CASANOVA (J.) : < Champ
d'application de l'impôt et charge de la preuve, à propos de la
preuve du lieu d'utilisation du service pour les règles de
territorialité de la TVA >>, conclusions sur l'arrêt du C.E.
du 29 juillet 1994, n°111884, section, SA Prodes International, R.J.F.
10/94, p. 590.
A.VIALA (B.) : < Le nouveau régime
de la preuve dans les rapports entre le contribuable et l'administration
fiscale, Lois des 30 décembre 1986 et 9 juillet 1987 >>, Gaz. Pal.
1987, 2ème sem., p. 805-808.
AYADI (H.) : < Un cas de confusion
administration-contentieux : La taxation d'office en Tunisie >>,
Mélanges R.Chapus, Droit Administratif. Montchrestien, Paris 1992,
p.159-169.
AMEDEE-MANESME (G.) :
- < La charge de la preuve >>, in < Contentieux
fiscal, principes et pratiques >> de Thierry Lambert, Paris,
p.117-140.
- < La preuve en matière de droit fiscal >>, in
< Principes et pratiques du droit fiscal des affaires >>, economica,
Paris 1990, p.63-76.
AMSELEK (P.) :
- < La taxation d'office à l'impôt sur le revenu
ou sur un Janus du droit fiscal >>, Dalloz Sirey 1980, p.31.
- Rapport général introductif, in < La
taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>, ( actes des
journées d'études organisées par la société
française de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales
de la faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de
recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI,
L.G.D.J. 1980.
BACCOUCHE (N.) :
- < L'environnement fiscal de l'entreprise à
l'heure de l'internationalisation de l'économie : Le cas tunisien
>>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El
Kantaoui, édition préliminaire p.87-126.
- < Constitution et droit fiscal >>, in <
Constitution et droit interne >>, Recueil des cours
présentés à l'Académie Internationale de droit
Constitutionnel, volume 9, C.E.R.E.S., Tunis 2001.
- < La doctrine administrative fiscale et les garanties du
contribuable >>, (en arabe), in colloque, < Le code des droits et des
procédures fiscaux >>, colloque organisé par
ministère de la justice, la faculté de droit et des sciences
économiques et politiques de Sousse, 24, 25 novembre 2000, Sousse.
Article publié dans la revue Etudes juridiques de la faculté de
droit de Sfax, 2001.
-< Contrôle et contentieux fiscal en Tunisie >>,
Etudes Juridiques, 1995-1996, n°4, faculté de droit de Sfax,
p.7-36.
BALTUS (M.) : < Morale fiscale et
renversement du fardeau de la preuve >>, in Réflexions offertes
à Paul Sibille, (études de fiscalité),
établissement Emile Bruylant, 1981, p.127-136.
BERGERES (M.-C.) :
- < Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal
>>, Gaz. Pal. 1983, n°1, p.149-154.
- < La valeur juridique de la déclaration
contrôlée >>, Gaz. Pal. 1984, 2ème sem.,
p.246.
BELLANGER (F.) : < La présomption de
sincérité des actes administratifs >>, R.D.P. 1968, p.
583.
BELTRAME (P.) : < La résistance
à l'impôt et le droit fiscal >>, R.F.F.P. n°5, 1984,
p.29.
BEL HADJ HAMMOUDA (A.) : < Le secret
professionnel du banquier en droit tunisien ou pour un secret bancaire plus
renforcé >>, R.T.D. 1979, p.11.
BOULANGER (F.) : < Réflexions sur le
problème de la charge de la preuve >>, Rev. trim. dr. civ. 1966,
p. 736-754.
BOULOUIS (J.) : < Procès du juge
fiscal >>, R.S.F. 1957, n°4, p.642.
BOURS (J.-P.) : < La notion de secret dans
ses rapports avec le droit fiscal >>, in Etudes de fiscalité,
réflexions offertes à Paul SIBILLE, Bruxelles 1981, p.
233-252.
CHAABANE (N.) :
- < Autonomie constitutionnelle et droit fiscal >>.
-< Les garanties du
contribuable devant le juge fiscal >>, in actes de colloque sur le
contentieux fiscal, faculté des sciences juridiques de Tunis, le 21 et
22 avril 1995.
- < Le contrôle des comptabilités
informatisées en droit fiscal tunisien >>, in Mélanges en
l'honneur du professeur Habib AYADI, C.P.U. 2000, p.331-367.
CHAPPERT (A) : < A propos de la
présomption de propriété de l'article 751 du C.G.I.,
Répertoire du Notariat Défrénois, n°4, 28
février 1995, p. 224-226.
CHEVALIER (J.-P.) :
< L'aménagement des procédures d'office
>>, in colloque < L'amélioration des rapports entre
l'administration fiscale et les contribuables >>, actes du colloque de la
société française de droit fiscal, Orléans 1988,
PUF 1989, p.140.
CASIMIR (J.-P.) : < Signes
extérieurs de revenus et garanties accordées aux contribuables
dans le cadre des taxations d'office >>, in < La taxation d'office
à l'impôt sur le revenu >>, ( actes des journées
d'études organisées par la société française
de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales de la
faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de
recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI,
L.G.D.J. 1980, p.43.
CHRETIEN (M.) : < Chronique de jurisprudence
fiscale >>, R.S.L.F. 1954, p.982. CROUZET (Ph.) : <
Administration de la preuve >>, R.J.F. 1986, n°6, p.347-350.
COLIN (Ph.) :
- "Comment éviter un rejet de comptabilité", Les
Petites Affiches, 14 novembre 1984, n° 129.
- "L'audit fiscal et l'examen de la comptabilité par
l'Administration Fiscale", Les Petites Affiches, 2 juillet 1984, n°79.
- "La vérification de comptabilité", Les Petites
Affiches, 23 janvier 1984, n° 10
COLOMBEAU Alain, < La preuve dans le
contentieux de l'imposition des distributions et rémunérations
occultes ( art. 117 c. gén. impôts ) >>, Gaz. Pal. 1982, 1
er sem., p. 210-214.
COURTIAL (J.) : < L'article 6 §1 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales s'applique-t-il à un litige fiscal ?
>>, B.D.C.F. 1/2000, n°13, p. 35-39.
DARCY (G.) : < La décision
exécutoire : Esquisse méthodologique >>, A.J.D.A. 20
octobre 1994, p.663-678.
DUPUIS (G.) : < Définition de l'acte
unilatéral >>, in recueil d'études en hommage à
Charles EISENMANN, p.205.
DE MONTBRIAL Didier, < La fiscalité,
les libertés et l'Etat de droit >>, Gaz. Pal. 1985,
2ème sem., p. 655.
DE LA MARDIERE (Ch.) :
- < La déclaration fiscale >>, R.F.F.P. 2000,
n°71, p.113-144.
- < Droit fiscal e force majeure : à l'impossible, le
contribuable est-il tenu ? >>, petites affiches 1999, n°46, p.3.
DELIGNIERES (B.) :
- < Preuve fiscale >>,
(généralités, charge et administration de la preuve),
juris-classeurs, Proc. Fisc., Fasc. 380, 1994.
- < Preuve fiscale >>, (impositions établies sur
la base de données comptables, preuve comptable et extra-comptable),
juris-classeurs, Proc. Fisc., Fasc. 382, 1994.
- < Comment un déplacement de l'objet de la preuve
a conduit à l'érosion des pouvoirs de l'administration en
matière de taxation d'office des revenus ( L.P.F., art. l. 69 )
>>, D.F. 1993, n°7, p.336-339.
DERUEL (F.-P.) : < Quelques aspects du
problème de la preuve en matière fiscale >>, D.F., 1962,
n°37, p.47.
DERBEL (F.) : < Comptabilité et
vérification fiscale >>, R.C.F., n°49, 2000, p35-40.
DERBEL (F.), BEN OMRANE (M.-F.), DHIBI (S.), ELLOUMI
(R.), AYARI (M.-S.) : < Evasion et fraude fiscales : manque de
civisme ou défaillance dans le système ? >>, revue
l'expert, n°89/90, juin 2002.
DUCHON-DORIS (J.) : < Evolution du
rôle de l'expertise dans le contentieux fiscal >>, B.F. 3/ 90, p.
159.
ESCLSSAN (M.-C.) : < A propos de la
juridicisation du droit fiscal, quelques éléments d'analyse
>>, R.F.F.P. 1993, n°4, p.75.
FENDRI (K.), KESSENTINI (M), KRAIEM (S.) : <
Autonomie et dépendance entre le droit fiscal et le nouveau droit
comptable >>, R.C.F., n°40, 2000,p.79.
FOUQUET (O.) :
- < Le Conseil d'Etat est-il trop indulgent à
l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de l'imposition
d'après les éléments du train de vie >>, Gaz. Pal.
1983, 1er sem., p.208-210.
- < Le temps fiscal >>, in journées
d'études du 23 novembre 1999 < Le temps administratif >>, la
Revue Administrative 2000, numéro spécial, p.45.
FORIERS (P.) : < Introduction au droit de la
preuve >>, in < La preuve en droit >>, Etudes publiées
par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981,
p. 7-26.
FOYER (J.) : Rapport final de
synthèse in < La taxation d'office à l'impôt sur le
revenu >>, ( actes des journées d'études organisées
par la société française de droit fiscal à
Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales de la faculté de Droit et des
Sciences Politiques et de l'institut de recherches juridiques, politiques et
sociales de Strasbourg, Tome XXXI, L.G.D.J. 1980, p.160.
GAUDEMET (P.-M.) :
- < L'aménagement de la taxation d'office face aux
exigences de l'égalité devant la loi et de la procédure
budgétaire >>, A.J.D.A., mai 1974, p. 236.
- < Réflexions sur les rapports du juge et du fisc
>>, in Mélanges Marcel WALINE, Tome I, juillet 1974, p.133.
GUERMAZI Sofiane : < Le droit de
communication dans le cadre du code des droits et procédures fiscaux
>>, R.C.F. 2001, N° 54.
GOUBEAUX (G.) : < Le droit à la
preuve >>, in < La preuve en droit >>, Etudes publiées
par Ch. PERELMAN ET P. FORIERS, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles 1981,
p. 277-301.
GOTHIER (M.) : < Le droit de communication
de l'administration auprès de l'autorité judiciaire >>,
B.F. F. LEFEBVRE, avril 1989, p.222.
GUINCHARD (S.) : < Le procès
équitable : droit fondamental ? >>, A.J.D.A. 20
juillet/20août 1998, spécial, p.191.
HAIM (V.) :
- < L'article 6 §1 de la convention européenne
relatif au droit à un procès équitable pourrait-il
s'appliquer à un litige fiscal ? >>, B.D.C.F. 11/99, n°1 11,
p. 64-67.
- < Le contribuable peut-il prétendre à un
procès équitable devant le juge administratif ? >>, D.F.
25/99, p. 862.
HERTZOG (R.) :< La
réforme du contentieux fiscal : l'assouplissement et la simplification
des procédures contentieuses >>, in < L'amélioration des
rapports entre l'administration fiscale et les contribuables >>, Actes du
colloque de la société française de droit fiscal,
Orléans 1988, p. 241.
JESSUA (C. L.) : < L'opposabilité du
secret professionnel au fisc : A propos de l'arrêt d'assemblée du
12 mars 1982 >>, Gaz.Pal. 1983, 1er sem., p.80-85.
KAMOUN (S.) : < La taxation d'office
>>, in Colloque, < Le code des droits et des procédures fiscaux
>>, colloque organisé par l'A.T.D.F., la faculté de droit
de Sfax et le conseil régional de l'ordre des avocats de Sfax, le 18 et
19 avril 2001 à Syphax, Sfax. Voir R.J.L., février 2002, n°2
(spécial fiscal, 1ère partie), p.9-50.
KRINGS (J. E.) : < Fictions et
présomptions en droit fiscal >>, in Etudes publiées par Ch.
PERELMAN et P. FORIERS : < Les présomptions et les fictions en droit
>>, Bruxelles 1974, p. 162-185.
LHERMET (Y.) : < Le face à face des
contribuables et du fisc : Réflexions sur l'état des relations
administratives et juridiques fiscales >>, R.F.F.P. 1984, n°6,
p.131-163.
LASRY (C.) : < Une particularité du
droit fiscal : La charge de la preuve >> : Etudes et Documents du Conseil
d'Etat 1984-1985, n°36, p.71-77.
LIEBERT-CHAMPAGNE (M.) : « Notion de
comptabilité probante », R.J.F. n°11, 1986.
LOLOUM (F.) :< Quelle est
la portée du contrôle de cassation en matière d'expertise
et de dénaturation ? >>, B.D.C.F. 4/97, n°85, p.51-53.
LUPI (G.) : < La preuve en matière
d'impôts directs >>, R.S.L.F., 1955, n°3, p.559-585.
LUPPI (Ph.) : < Contrôle fiscal et
secret professionnel chez les professionnels de santé libéraux :
L'exemple des chirurgiens dentistes, R.F.F.P. 1992, n°37, p.47-74.
LOOTEN (J.-P.), < Les revenus
réputés distribués : un système d'imposition
perfectible >>, les Nouvelles Fiscales, n°793, 1998, p. 22-25.
MARTIN (L.) : < La présomption de
propriété de l'article 751 du code général des
impôts >>, J.C.P., La Semaine Juridique Notariale et
Immobilière, n°46, 13 novembre 1998, p. 1629-1633.
MICHAUD (P.) : < Le droit de la preuve
informatique en comptabilité et fiscalité >>, in colloque
< Informatique, télématique et preuve >>, du 10 novembre
1995, Les Petites Affiches 29 mai 1996, n°65.
MARCHAUD (P.) : < L'informatique comme mode
de preuve en France >>, Revue juridique et politique 1985, n°1-2.
MARTINEZ (J.-C.) :
-< L'impôt sur le
revenu à la fin du XX siècle >>, in < L'impôt sur
le revenu en question >>, ouvrage collectif, Litec, Paris, p. 20.
- < La légitimité de la fraude fiscal >>,
In Etude de finances publiques, Mélanges en l'honneur de M. le
professeur Paul Marie GAUDMET, ECONOMICA, Paris 1984, p. 921 -942.
MICHELINE (M.) : < Dans quelle mesure le
droit à un procès équitable ( art. 6 §1 de la
convention européenne des droits de l'homme) s'applique-t-il à un
litige fiscal ? >>, B.D.C.F. 5/99, n°57, p. 47-57.
MTIR (M.) : < La taxation d'office en droit
fiscal tunisien : comparaison des dispositions du code de l'IRPP et du CDPF
>>, R.C.F., n°57, 2002, p. 71.
MOLINIER (J.) :
- < La preuve en droit fiscal français >>, revue
juridique et politique, 1985, n°1 -2, p. 736-749.
- < Le premier volet de la réforme des
procédures fiscales et douanières >>, R.F.F.P., n°18,
p.147.
- < Le second volet de la réforme des
procédures fiscales et douanières >>, R.F.F.P., n°20,
p.197.
MALHERBE (J.) et THILMANY (J.) : <
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables en Belgique >>, in actes du colloque, <
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables >>, actes du colloque de la société
française de droit fiscal, Orléans 1988, PUF 1989, p. 285 et
s.
MALHERBE (J.) : Rapport général
sur le Thème < La protection de la confidentialité en
matière fiscale >>, Cahiers de droit fiscal international, volume
LXXVIb, p. 21-44.
MARTEL (M.) : < Dans quelle mesure le droit
à un procès équitable ( art. 6 §1 de la convention
européenne des droits de l'homme) s'applique-t-il à un litige
fiscal ? >>, B.D.C.F. 5/99, n°57, p. 47-57.
MORAIS (C.) : < Etude comparée sur le
secret bancaire ( Etats-Unis, Canada) >>, revue générale de
droit mars 1997, p. 71-87.
NOEL (G.) : < Le juge fiscal et la
procédure de demande de justifications >>, R.F.C. n°273,
décembre 1995, p.18-41.
ODENT (R.) : < Les droits de la
défense >>, E.D.C.E., 1953, p.55.
PIMONT (Y.) : < Le fisc, le contribuable et
les tiers >>, in Mélanges P.-M. GAUDEMET, Economica 1984, p.
637-656.
PLAGNET (B.) :
- < Les facteurs de la compétitivité fiscale
d'un pays >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001,
Port El Kantaoui, édition préliminaire, p. 127-166.
- < Une évolution dans la définition des
revenus distribués ? >>, D.F. 1990, n°9.
PROU-GAILLARD (C.) : < Preuve comptable et
preuve extra-comptable >>, in < Le contrôle fiscal : principes
et pratiques >>, Thierry Lambert, Economica, paris, 1988, p.176-188.
PUPIER (A.), < Le contrôle fiscal :
drame ou relation juridique ? >>, revue de la recherche juridique, droit
prospectif, presses universitaires d'Aix-Marseille 1997-1, p. 315-333.
RACINE (P.-F.), < Réflexions sur la
preuve en droit fiscal >>, B.F. ( Bulletin Francis Lefebvre) 1985,
n°6, p313-317.
RENOUX (Th.) : < La réforme de la
justice en France : le juge et la démocratie >>, Gaz. Pal.-
recueil janvier- février 2000, doctrine p.189.
SUET (M.-P.) : < Genèse et
objectif des réformes 1986- 1987 >> exposé introductif, in
< L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables >>, Actes du colloque de la société
française de droit fiscal, Orléans 1988, p. 3.
SUR (S.) : < Sur l'obligation de motiver
formellement les actes administratifs >>, A.J.D.A., juillet- août
1974, p. 349-367.
SERLOOTEN (P.) : < Etude critique du statut
fiscal du conjoint salarié du commerçant >>, in
mélanges offerts à André COLOMER, p.443.
TIXIER (G.) : < L'imposition d'après
les signes extérieurs >>, dalloz Sirey 1959, chronique, p.25.
YAICH (A.) : Intervention lors du <
congrès de l'ordre des experts comptables de Tunisie >>, R.C.F.
n°18-1992, p.99.
WILMART (J.) : < Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, in mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p.161-186.
WROBLEWSKI (J.) : < Structure et
fonctions des présomptions juridiques >>, in Etudes
publiées par Ch. PERELMAN et P. FORIERS : < Les présomptions
et les fictions en droit >>, Bruxelles 1974, p. 43- 71.
COLLOQUES ET JOURNEES D'ETUDES
-Ameselek (A.), rapport
général introductif , in < La taxation d'office à
l'impôt sur le revenu >>, ( actes des journées
d'études organisées par la société française
de droit fiscal à Strasbourg 3 et 4 mai 1979), Annales de la
faculté de Droit et des Sciences Politiques et de l'institut de
recherches juridiques, politiques et sociales de Strasbourg, Tome XXXI,
L.G.D.J. 1980.
Colloque, < L'amélioration des
rapports entre l'administration fiscale et les contribuables >>, actes du
colloque de la société française de droit fiscal,
Orléans 1988, PUF 1989.
Colloque, < Informatique,
télématique et preuve >>, du 10 novembre 1995, Les Petites
Affiches 29 mai 1996, n°65.
Colloque, < Le code des droits et des
procédures fiscaux >>, colloque organisé par
ministère de la justice, la faculté de droit et des sciences
économiques et politiques de Sousse, 24, 25 novembre 2000, Sousse.
Colloque régional, < Le code des
droits et des procédures fiscaux >>, colloque organisé par
l'institut supérieur de la magistrature et la cour d'appel de Sfax les 8
et 9 février 2001 à Sfax.
Colloque, < Le code des droits et des
procédures fiscaux >>, colloque organisé par l'A.T.D.F., la
faculté de droit de Sfax et le conseil régional de l'ordre des
avocats de Sfax, le 18 et 19 avril 2001 à Syphax, Sfax.
Colloque, < Le juge fiscal >>,
l'A.T.D.F., la faculté de droit de Sfax et le conseil régional de
l'ordre des avocats de Sfax
Journées de l'entreprise, <
L'entreprise, l'environnement juridique et fiscal >>, 9 et 10 novembre
2001, Sousse.
CONCLUSIONS DE JURISPRUDENCE
ARRIGHI DE CASANOVA (J.) :
-Conclusions sur l'arrêt du C.E. du 29
juillet 1994, n°111884, section, SA Prodes International, R.J.F. 10/94, p.
590.
-Conclusions sur l'arrêt du C.E. 20 mai 1998,
n°159877, Sté Veticlam, D.F. 1998, n°44, comm. 979, p.1389 et
1390.
FABRE, Conclusions sur l'arrêt du C.E. 14
avril 1976, DF 1976, n°42.
FAVOREU (L.), Cons. Const. 2 décembre
1980, n°80-119 L, R.D.P. 1981, p.623.
FOUQUET, Conclusions sur l'arrêt du C.E.
7/01/1985, n°366, D.F. 85, n°25, comm.1183. LASRY,
Conclusions sur l'arrêt du C.E. 21 novembre 1953, D.F.1954,
n°6, p.12.
LATOURNERIE,
- Conclusions sur l'arrêt du C.E. Plén. 23 juin
1986, n°53052 D.F. 1986, n°46, comm.2037 et 2041.
- Conclusions sur l'arrêt du C.E. 19 décembre 1973,
plén. n°87649, D.F. 1974, n°11, comm. N°314.
- Conclusions sur l'arrêt du C.E. plénière 7
novembre 1975, n°90786, D.F. 1976 n°11, comm. 420.
LAVONDES, Conclusions sur l'arrêt du C.E.
13 mars 1967, D.F. 1967, n°43.
LOBRY, Conclusions sur l'arrêt du C.E. 22
octobre 1976, D.F. 1977, n°16, comm. 677.
MANDELKERN, Conclusions sur l'arrêt du
C.E. 23 janvier 1974, n°84802, D.F. 1974, n°16, comm. 478.
MARTIN (Ph.), Conclusions sur l'arrêt du
C.E. 13 mai 1992, n° 71496, D.F. 1994, n°23, comm. 1089, et n°
71497, D.F. 1994, n°23, comm. 1087.
RACINE (P.-F.) :
- Conclusions sur l'arrêt du C.E. du 27 juillet 1984,
n°34588, Sté Renfort Service, D.F. 1985, n°11, comm. 596.
- Conclusions sur l'arrêt C.E. du 14/03/84, n°33188,
D.F. 84, n°30, comm.1416.
RIVIERE,
- Conclusions sur l'arrêt du C.E. 24/07/1981, n°1
6888, 16889 et 16890, D.F. 1981, n°51, comm.2309.
- Conclusions sur l'arrêt du C.E., 25 mars 1983, n°
34, D.F. 1984, n°14, comm. 694.
INTERNET
AFSCHRIFT Thierry, < Le secret bancaire en
droit fiscal >>, disponible sur le site Internet
www.waw.be/idefisc/themes/secret-bank.htm
*ZENNER Alain, < Pour une nouvelle culture
fiscale, simplification des procédures fiscales et lutte contre la
grande fraude fiscale >>, Plan d'action du commissaire du gouvernement
Alain ZENNER, Belgique mars 2001, p.5.
http://www.juristax.be/jsp/index.html
*XXe Rapport du conseil des impôts
(France) portant sur les relations entre les contribuables et
l'administration fiscale, en date du 10 octobre 2002.
http://www.ccomptes.fr/organismes/conseil-des-impots/rapports/relations-contrib-adminisfiscale/Rapport-relat-contrib.pdf
*YAICH Abderraouf,
www.profiscal.com
* NOUZILLE Vincent, < Comment éviter
les nouveaux pièges du fisc ? >>, L'express du 17/02/2000,
www.lexpress.fr/info/economie/dossier/fisc/dossier.asp.
*< Vers une société de confiance >>,
Synthèse des propositions des forums, mardi 26 juin 2001 ,Internet,
http://www.rprparis.org/forums/forum
synthese.pdf
*Déclaration canadienne des droits du contribuable,
www.ccra-adrc.gc.ca/agency/fairness/taxpayer-f.html
*Article sur la charte des droits et garanties du contribuable
espagnol,
www.fontaneau.com/cfe730.htm
*Bercy simplifie la déclaration d'impôts sur le
revenu,
http://interactif.lemonde.fr/article
.1982 "
* * *
" J
" "
"
.2001
"
.1991
. -
|
"
|
-
|
:
|
"
|
*
|
? ?
|
? ? ? ? ? ?
|
"
|
? ? ? ? ? ? ? ?"
|
- - *
|
"
"
"
? ? "
- - - *
.2003-2002
|
"
|
i ? ? ?" ? ? ? ? ? ? ?
|
"
|
? ? ? ?
|
"
|
- - *
|
.2002 27
26
|
"
|
J
|
"
|
|
"
|
? ?
|
? ? ? ? "
|
- - *
|
2002
.
04 03
:
"
i
:
"
- *
.1999 26
.1997
- 1996
"
*
"
17
? ?J ? ?
" - - *
/
18
19
/
? ?
? ? ? ?
? ? "
"
. 1990 ? ?
"
.2000
25 24 ? ? i i ? i ? ? ? . 2001
.94
|
-41
|
.
|
2002
|
|
"
|
|
*
|
? ? ?
|
"
|
? ? ? ?" ? ? ? ?
|
"
|
? ? ? i ? " - - *
|
.2000 25
24
24
- - *
.2000 25 ? ? ? ? ? ?
j " " ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
.2001
|
9
|
"
|
|
"
|
|
|
"
|
? ? ? ? ? ? ?
|
"
|
?a ? ? ? ? "
|
- -*
|
.2001
|
9
|
"
|
|
? ?
|
"
|
? ? ? ? " ? ? ? ?
|
"
|
? " - -
|
*
|
.2000 25
24
.2000 25
24
LISTE DES ABREVIATIONS
PRINCIPALES ABREVIATIONS
*A.J .D.A. : Actualité Juridique - Droit
Administratif.
*B.D.C.F. *B.O.D.I. *C.D.P.F.
*C.E.
*C .G.I.
*C. I. R.
: Bulletin des conclusions fiscales.
: Bulletin Officiel Des Impôts.
: Code des droits et procédures fiscaux.
: Conseil d'Etat.
: code général des impôts.
: Code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques
et de l'impôt sur les sociétés.
*cons. Const. : Conseil constitutionnel.
*C.O.C. : Code des obligations et des
contrats.
*C.S.T.O. : Commission spéciale de
taxation d'office.
*D.F. : Revue de droit fiscal.
*E.D.C.E. : Etudes et Documents du Conseil
d'Etat.
*Gaz. Pal. : Gazette du palais.
*Ibid. : au même endroit
*L.P.F. : Livre des procédures
fiscales.
*op. cit. : ouvrage précité.
*R.C.F. : Revue Comptable et
Financière.
*R.D.P. : Revue de Droit Public
*R.F.C. : Revue française de
comptabilité.
*R.F.F.P. : Revue Française de Finances
Publiques.
*R.J.F. : Revue de Jurisprudence Fiscale.
*R.J.L. : Revue de jurisprudence et de
législation.
*T.A. : Tribunal administratif.
*T.P.I. : Tribunal de première
instance.
|