CONCLUSION GENERALE
Notre préoccupation dans la présente
étude a été d'analyser l'éducation non formelle
comme réalité éducative, de relever son utilité et
son statut, de mesurer les attitudes des habitants de Kinshasa à son
égard, et de lever des perspectives utiles, au regard de la
situation socio-économique et du contexte même de l'école
(système éducatif) en RD Congo.
Nous n'aurions pu pertinemment le faire sans une
récession documentaire pouvant aider à déplier le concept
d'éducation non formelle, ses origines et son évolution, et la
pratique de ce type d'éducation dans les autres pays.
De là, nous avons fait la description de sa
réalité dans le contexte congolais, partant de l'historique, en
passant par les aspects juridiques et socio-économiques, avant d'aboutir
au contexte particulièrement éducatif.
Ces différents paramètres ont permis de cadrer
notre thème par l'apport des éléments d'information utile
à l'orientation de l'étude et la requalification de certains de
ses aspects et à sa conduite, jusqu'à l'élaboration
finale.
La formation aux métiers est la dimension de
l'éducation non formelle ayant particulièrement fait l'objet de
cette étude.
C'est par rapport à elle que nous avons recueilli les
attitudes de la population de Kinshasa, de laquelle nous avions tiré un
échantillon occasionnel de 300 sujets repartis selon le niveau
d'étude, le milieu de résidence et l'antécédent
familial.
Au départ de cette recherche les objectifs ci-dessous
ont été assignés :
Faire la description de l'éducation non formelle en
relevant son statut et son rôle, à la lumière des textes
officiels organisant l'enseignement en RD Congo ; relever les
expériences des autres pays relatives aux initiatives d'éducation
non formelle, en indiquant les contributions et orientations spécifiques
données ; proposer un essai de classification des initiatives
d'éducation non formelle organisées à Kinshasa ;
recueillir les attitudes de la population face à cette forme
d'éducation.
A cet effet, les hypothèses directrices de cette
étude étaient formulées de la manière
suivante :
1. En RD Congo, les textes officiels qui organisent
l'enseignement accorderaient beaucoup plus d'importance au système
formel, au détriment des initiatives de l'ENF.
2. Contrairement aux modèles proposés par
d'autres auteurs, les opportunités de l'ENF, telles qu'elles existent
à Kinshasa, seraient valablement classifiées lorsqu'on se
réfère au critère programme de formation.
3. La population de Kinshasa des communes retenues aurait une
attitude négative face à l'éducation non formelle,
particulièrement la formation aux métiers. Même en
considérant les variables niveau d'études, milieu de
résidence et antécédent familial, l'attitude de la
population face à ce type d'éducation serait toujours
négative.
Pour vérifier ces hypothèses, nous nous sommes
servis de la technique documentaire et du questionnaire élaboré
sous forme d'échelle d'attitude. Le dépouillement et le
traitement ont été faits respectivement moyennant l'analyse de
contenu, le prélèvement des fréquences, les calculs des
pourcentages et le test 2 (chi carré)
Il en ressort les résultats suivants :
· Au regard des textes officiels, l'éducation non
formelle se voit accordée moins d'attention, en terme d'organisation de
programme, d'inspection (ou suivi), et de la qualification du personnel que
l'éducation formelle. Ceci confirme notre première
hypothèse.
· En considérant le critère
« nature de programme », tel proposé dans notre
essai de classification, on peut concrètement catégoriser les
initiatives de l'ENF organisées dans la ville de Kinshasa. Ce qui
confirme notre deuxième hypothèse.
· L'attitude de la population de Kinshasa à
l'égard de la formation aux métiers est ambivalente. Il y a
certains aspects de la formation au métier pour lesquels les sujets ont
une attitude positive. Citons en : conception de l'éducation non
formelle, sa solution à la déscolarisation, au chômage, la
volonté de faire la formation non formelle et la contribution de l'ENF
aux efforts de développement. Comme il y en a d'autres face auxquels les
sujets développent une attitude négative, comme : valeur des
brevets décernés, inscription des enfants dans ce secteur,
possibilité pour l'éducation non formelle d'aider au rattrapage
scolaire et son statut actuel.
Cela traduit le caractère ambivalent dans les attitudes
de la population concernée face à la formation aux métiers
et permet d'infirmer le premier volet de notre troisième
hypothèse de travail, selon laquelle la population de Kinshasa des
communes retenues, aurait une attitude négative vis-à-vis de
l'éducation non formelle (particulièrement la formation aux
métiers). En considérant les variables retenues, l'application
de 2 a donné les résultats suivants : d'une
part, il y a une différence significative dans l'attitude des sujets, en
fonction des variables retenues, sur les aspects ci-après : la
conception sur la formation aux métiers, la formation aux métiers
solution au chômage, l'inscription des enfants dans un centre de
métier, formation aux métiers et rattrapage scolaire, formation
au métier comme moyen de promotion sociale et comme moyen
d'opportunité du développement (pour les variables milieu de
résidence et antécédent familial). D'autre part, il n'y a
pas de différence significative dans l'attitude des sujets face aux
objectifs des centres de formation aux métiers (par rapport aux
variables antécédent familial et milieu de résidence), et
face à la valeur des brevets décernés par lesdits centres.
Ces résultats viennent encore d'infirmer le deuxième volet de
notre troisième hypothèse.
Il faut toutefois souligner que ces résultats ne
peuvent pas être généralisés sur toute la population
de la ville de Kinshasa. Ils s'appliquent particulièrement au groupe sur
lequel l'étude a été menée. Cependant, ils
permettent de donner, comme déjà dit plus loin, des indications
aux études ultérieures ; lesquelles pourront alors,
moyennant des échantillons plus représentatifs, sur base des
techniques statistiques plus élaborées, aboutir à des
conclusions plus généralisables.
Les lignes qui précèdent confirment que
l'éducation non formelle (particulièrement la formation aux
métiers) constitue un réalité vivante dans la ville de
Kinshasa. Les activités y afférentes sont
développées tant par le secteur public que privé.
L'ambivalence dans l'attitude des sujets montre donc que loin
d'être un secteur méprisable, la population reconnaît tout
au moins les contributions de l'éducation non formelle et sa
capacité de répondre de façon efficace à leurs
besoins immédiats et à ceux du milieu. Simplement, son
organisation actuelle dénote de beaucoup d'insuffisances qui poussent
certains individus à la regarder encore de façon distante. Leur
attitude négative traduit bien leurs souhaits par rapport aux
réformes qui doivent être entreprises pour améliorer ce
secteur.
Donc, bien organisée et subventionnée,
l'éducation non formelle peut pertinemment jouer son triple rôle
de complément, de supplément et de substitut de
l'éducation formelle. (POIZAT,op.cit.).
L'on doit retenir cependant que la situation relative à
ces structures n'est pas tout à fait maîtrisée. Les
statistiques exhaustives y afférentes font défaut. Cela pose un
grand problème pour ceux qui sont chargés de planifier et
d'organiser ce type d'éducation notamment lorsqu'on voudrait les
utiliser pour des projets tels que la lutte contre la pauvreté.
On peut soulever aussi le problème de statut social. En
effet, beaucoup de gens s'engagent aux filières y relatives simplement
faute de mieux. Généralement, eux-mêmes ne sont pas
toujours sûrs de la formation qu'ils reçoivent par rapport
à celle dispensée par les structures formelles. Aussi la
société n'accorde pas aux titres obtenus dans ce cadre toute la
valeur qu'ils méritent. Ceci constitue un problème
sérieux lorsqu'on prend comme option de s'appuyer sur ce type de
formation pour assurer la promotion sociale des individus.
L'éducation non formelle, à cause de la
variété de ses activités, fait appel à plusieurs
intervenants. Ce qui, encore, pose un problème au niveau de la
coordination avec tout ce que cela implique en ce qui concerne la valeur et
l'efficacité des activités qui sont menées. Cet
éparpillement d'efforts n'est pas de nature à permettre une
cohésion pourtant nécessaire pour que cette forme
d'éducation puisse jouer efficacement le rôle qui devrait
être le sien dans le développement des ressources humaines.
On doit reconnaître qu'il y a des contraintes
liées au financement, à la qualification du personnel à la
disponibilité et à la qualité des infrastructures et du
matériel éducatif. Tout cela ne rassure pas toujours l'opinion
quant la qualité du travail réalisé.
Le problème de contenu mérite aussi d'être
évoqué. Malgré les déclarations d'intention et
quelques efforts par-ci par là, les contenus véhiculés par
ce type d'éducation ne sont pas toujours à la page. L'effort
qu'on fait pour faire face à cette course aux nouveaux contenus est
simplement superficiel. Les acteurs n'étant pas suffisamment
armés pour affronter les différentes exigences de cette nouvelle
réalité de notre temps.
Tous ces problèmes dénotent clairement les
lignes d'actions à adopter et les actions à poser pour que
l'éducation non formelle puisse jouer efficacement son rôle et
qu'elle serve d'instrument pour la lutte contre la pauvreté et le
développement humain.
Au regard de tout ce qui précède, nous
recommandons qu'il faille encourager des efforts en matière de
planification de cette forme d'éducation. On sait que la planification
d'un secteur comme l'éducation non formelle n'est pas chose aisée
étant donné la multiplicité des activités des
intervenants ainsi que la nécessité de garantir la souplesse et
la flexibilité indispensable pour leur efficacité. Il reste
néanmoins qu'il faut bien cerner le secteur, faire un inventaire plus ou
moins exhaustif des activités et des intervenants et fixer les
principales orientations tant à l'échelon national qu'au niveau
local et des programmes. Un tel inventaire permettra d'apprécier la
couverture assurée par le secteur. Ce qui peut susciter des
études plus approfondies pour permettre une organisation plus
rationnelle de l'offre éducative.
Cet effort de planification suppose un cadre institutionnel
cohérent. Il ne s'agit pas de mettre en place une structure
étatique fortement centralisée mais de trouver un cadre de
collaboration entre les différents secteurs. Un tel cadre de
collaboration devrait également permettre les interactions
indispensables avec le secteur formel.
Les textes officiels organisant l'enseignement en RD Congo,
devraient clairement déterminer, à l'instar du secteur formel, le
contenu du programme, la norme de qualification du personnel de
l'éducation non formelle, tout en instituant les mécanismes de
contrôle et de suivi. Encore que l'ENF soit intégrée dans
les objectifs de développement national à l'exemple des autres
pays ; tout cela encouragerait la population à s'engager
efficacement dans ce secteur et à se débarrasser de tout complexe
qui l'habiterait encore vis-à-vis de ce secteur tout aussi important et
engendrerait dans leur chef des attitudes totalement positives.
Que soit créée au sein du Ministère de
l'éducation nationale, une structure chargée de la conception, de
l'organisation et de l'orientation des programmes de l'ENF en
général et la formation aux métiers en particulier. Cette
structure pourra aussi être chargée de la coordination et du suivi
des diverses initiatives de formation extrascolaire organisées tant par
les institutions publiques que privées.
C'est par ces propos que nous concluons cette étude
sans la moindre prétention d'avoir tout dit au sujet de l'ENF qui reste
toute fois une question vaste et intéressante. Nous souhaitons vivement
que les autres chercheurs viennent faire le complément nécessaire
en approfondissant l'un ou l'autre aspect de la question traitée, dans
ce travail, en utilisant des techniques plus élaborées ou en
orientant l'étude autrement. Il apparaît utile, par exemple, que
soient menées des études approfondies tant d'ordre
général que des études de cas sur l'efficacité et
la rentabilité de l'ENF pour déterminer de façon
concrète ces contributions pour l'individu et pour la
société. Mais aussi analyser le processus de formation pour
dégager les approches d'apprentissage et voir dans quelle mesure
peuvent-ils être transférables dans le système formel.
C'est ce que nous envisageons faire directement après la présente
recherche qui est exploratoire.
Concernant l'analyse des attitudes par exemple, les
études ultérieures pourront chercher à déterminer
s'il y a ou non différence dans l'attitude de population face aux
différents types de métiers. Ou encore découvrir la
perception que les apprenants des métiers ont de leur formation ;
telles sont les quelques pistes que nous suggérons dans le cadre des
études prochaines sur l'éducation non formelle tant au niveau
local, national qu'international.
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