CONCLUSION GENERALE
Voilà donc terminée l'enquête que nous
avons menée sur les relations turco-tunisiennes. Il convient à
présent d'en dresser le bilan. Certes, il ne saurait être question
de résumer ici les différents thèmes que nous avons
développés, mais il est utile de rappeler, outre les conclusions
majeures, certaines conclusions partielles auxquelles nous nous sommes parvenue
à propos de certains points en suspension. Au cours de ce travail, nous
avons essayé d'analyser les relations turco-tunisiennes dans leur
approche générale. Nous nous sommes efforcée de
reconstituer l'historique de ces relations à travers l'ensemble des
documents auxquels nous avons pu accéder. Ainsi, l'intérêt
de cette étude réside d'abord dans la réunion d'un certain
nombre de données et de rapports restés jusqu'ici
méconnus.
Les relations entre les deux pays a connu une évolution
qui est fonction à la fois de la conjoncture propre à chaque pays
et de la conjoncture internationale. Pour la Turquie des années 50,
pays foncièrement tournée vers l'Occident, la Tunisie n'est qu'un
pays parmi d'autres du Tiers-Monde. Il ne présentait aucun
intérêt sinon de ne pas le compter sur l'échiquier
diplomatique de la Turquie. L'influence que le fondateur de la Turquie moderne
a exercé sur Bourguiba, premier président de la Tunisie et
bâtisseur incontestable d'un Etat moderne, n'est qu'une coïncidence
hasardeuse de l'histoire des grands hommes. Certes, pour Bourguiba Atatürk
est un modèle à suivre, mais pas aveuglément. D'où
les divergences qui caractérisent l'action de l'un et de l'autre.
Pendant les années 60, les relations entre la Tunisie
et la Turquie ont connu une nouvelle tournure. Isolée sur la
scène internationale, et affrontant seule la crise chypriote et la
menace communiste, la Turquie a senti le besoin de se retourner vers un monde
qu'elle avait rompu avec depuis les années 20. La Tunisie disposait
alors d'un certain nombre d'atouts qui la qualifiaient de devenir le partenaire
maghrébin et arabe privilégié de la Turquie. Les flux
commerciaux ont pris corps entre les deux pays. Mais le bilan demeure modeste.
La teneur des échanges est faible. Les deux peuples se connaissent mal
malgré les déclarations politiques optimistes, les rencontres
sportives, musicales et universitaires et la mobilité non moins
remarquable des simples citoyens de part et d'autre.
Dans la dernière décennie, la Tunisie a
commencé à attirer des entrepreneurs turcs. En revanche, rares
sont les entrepreneurs tunisiens qui s'aventurent en Turquie.
L'instabilité gouvernementale dans ce pays, les répercussions du
problème irakien depuis 1991 et l'évolution du processus de la
mondialisation de l'économie internationale sont autant de facteurs qui
n'encouragent guère les hommes d'affaires tunisiens à investir en
Turquie.
Comment explique-t-on ce bilan du reste modeste des relations
bilatérales ?
La Tunisie et la Turquie, deux pays possédant des
similitudes tant sur le plan géostratégique que sur le plan
social, et appartenant à la fois à la famille
méditerranéenne et au groupe du Sud, regardent en effet ensemble
et en même temps, côte à côte, vers une seule
direction, l'Occident, source de modernisation et modèle à
suivre. C'est peut-être cela qui explique que les deux pays s'ignorent
mutuellement et peinent à se regarder en face. Dans quelques
années, l'adhésion tant attendue de la Turquie dans l'espace
européen ne fera qu'empirer le phénomène. Car les Turcs
auront fondu, économiquement et socialement, dans le monde de la
modernité qu'ils ont toujours espéré. Quant aux Tunisiens,
à l'exemple de leurs voisins algérien et marocain, ils auront
commencé à faire le bilan de l'accord d'association avec l'Union
européenne, mis en application depuis 1998. Les relations entre Ankara
et Tunis auront fondu à ce moment là dans une nouvelle
perspective : les relations entre les deux rives -du reste
contrastées - de la Méditerranée ! ./.
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