CONCLUSION
oixante ans d'aide publique au développement
n'ont qu'exceptionnellement contribué au recul de la pauvreté,
car aucun centralisme, aucun étatisme, aucun
S
autoritarisme planificateur de la communauté
internationale ne saurait se
substituer à la création de richesses dans des
conditions permettant aux pays pauvres de
la planète ainsi qu'aux ex-pays communistes de se
développer par eux-mémes. Comme l'a écrit Hernando de
Soto, dans son magistral essai Le Mystère du capitaI (CF.
ANNEXE 9), tout le monde est capable d'épargner et c'est de ce constat
que doivent étre tirées deux conclusions essentielles.
Premièrement, puisque les indigents de la planète
disposent de beaucoup plus de biens
et de richesses amassées que le monde capitalisé
ne le pensait, il est indispensable de leur proposer - dans un premier temps -
des services financiers de crédit et de sécurisation du produit
de leur épargne : c'est là la raison d'étre de la
microfinance, qui a su tirer la première conclusion de l'existence
d'une abondante épargne souterraine. Cette révolution doit
toutefois, nous l'avons vu, relever le défi du changement
d'échelle, et seule une formalisation des acteurs actuels de la
microfinance internationale (IMF dont ONG, structures traditionnelles,
banques d'Etat, etc.) via le recours croissant à des banques
dédiées à la microfinance, permettra ce processus
de capitalisation, c'est-à-dire de conversion du capital
extralégal (ou mort) en capital vif (légalement exploitable pour
créer
de la valeur ajoutée).
Secondement, c'est uniquement un régime de
propriété légal, officiel et juridiquement
unifié qui fait défaut aux pauvres, qui ne peuvent convertir, en
l'état actuel des choses, ni leur labeur, ni leur épargne en
capital susceptible de garantir par exemple des préts
hypothécaires moins précaires qu'un microprét. C'est ce
qui fait dire à de Soto que « Ies pauvres ne sont pas Ie
probIème, mais Ia soIution », puisqu'il s'agit de
légaliser l'extralégalité dans laquelle ils se trouvent,
plutôt que de durcir les conditions d'accès à la
propriété formelle légale.
Permettre à chaque pauvre de la planète de se
voir officiellement reconnaître un titre de propriété sur
ses biens, c'est là le seul modus operandi pour mieux répartir
les richesses du monde en assurant un partage équitable du
capitalisme.
Non seulement les pauvres profiteront de la
réforme institutionnelle de leurs systèmes
politico-économiques et socio-juridiques, mais aussi les nouvelles
sociétés micro- financières, les sociétés de
préts hypothécaires qui auront enfin accès au Tiers-Monde,
les organismes certificateurs qui décerneront les titres de
propriété en administrant les
cadastres des pays pauvres qu'ils auront préalablement
rebâtis, les compagnies
d'assurance, l'ensemble des entreprises et des services
publics, et enfin la diplomatie, qui devrait assister au lent déclin
des tensions internationales, par tarissement graduel des
inégalités.
Ce temps, où la « finance durable »
était un slogan et l'allocation dirigiste des aides
internationales au développement une fin en soi ou - pour
reprendre la terminologie de Gilles Deleuze - une « entité
réifiée », doit étre révolu. Il ne faut avoir
de cesser de motiver
les pays en développement à poursuivre avec
force, imagination et travail acharné, sur la route de la mondialisation
et le chemin de la démocratie libérale qu'ils ont pour la plupart
déjà empruntés.
Pratique formeIIe, projets economiques, programmes de reforme,
ressources autonomes
et fIux prives doivent plus que jamais étre au
coeur de ce que Michel Foucault aurait probablement qualifié de
« dispositif du développement ».
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