Sommaire
Introduction 3
I) La lutte contre le terrorisme, une obligation de l'Etat 11
A) Le terrorisme, une remise en cause de l'Etat de droit 12
1) Le terrorisme : un défi à la démocratie
12
2) Le terrorisme : une menace pour les droits fondamentaux
16
B) L'Etat, garant de la sécurité des personnes
20
1) L'obligation de protéger la vie des personnes 27
2) Le recours à la force, une limitation
nécessaire du droit à la vie 32
II) Les limites de la lutte contre le terrorisme 48
A) Le respect des droits fondamentaux 58
1) Les droits insusceptibles de faire l'objet de restrictions
59
2) Les droits susceptibles de faire l'objet de restrictions
66
B) Les conditions de dérogation aux droits fondamentaux
75
1) L'existence d'un danger public menaçant la vie de la
nation 75
2) La nécessité des mesures dérogatoires
78
Sigleset Abréviations
I) Annuaires,recueils etrevues
A.C.E.D.H. Annuaire de la Convention européenne des droits
de l'homme
A.I.J.C. Annuaire international de justice constitutionnelle
A.J.I.L. American Journal of International Law R.G.D.I.P. Revue
générale de droit international public R.T.D.H. Revue
trimestrielle des droits de l'homme R.U.D.H. Revue universelle des droits de
l'homme
II) Juridictions
internationales
C.D.H. Comité des droits de l'homme
C.E.D.H. Cour européenne des droits de l'homme
C.I.A.D.H. Cour interaméricaine des droits de l'homme
III) Sigles divers
A.F.P. Agence France Presse
C.A.D.H. Convention américaine des droits de l'homme
Conv.eur.dr.h. Convention européenne des droits de
l'homme
I.R.A. Irish Republican Army
P.K.K. Parti des travailleurs du Kurdistan
P.U.F. Presses Universitaires de France
USA PATRIOCT ACT Uniting and Strengthening America by
Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism
Introduction :
Une démocratie a-t-elle les moyens, sans se renier de
lutter contre le terrorisme ?
La question est ancienne et a pris une acuité
particulière avec les tragiques attentats du 11
septembre 2001.
Le terrorisme est une réalité ancienne, c'est une
forme de violence qui a toujours existé et qui au
fil des années a subi une profonde mutation.
Localisé aux débuts, il est devenu un
phénomène planétaire, à tel point que l'on parle
désormais d'hyper terrorisme pour désigner son ampleur
démesurée.
Le monde a pris conscience après les attentats du
11 septembre 2001 que le terrorisme représentait l'un des plus
grands dangers que l'humanité ait connue.
Le terrorisme est une agression contre les valeurs
essentielles de la démocratie, il est une véritable
négation du droit à la vie.
L'existence même des démocraties est
menacée par la montée du terrorisme, ce dernier tend à
promouvoir des intérêts, des ambitions ou des messages par
l'usage de l'intimidation, de la menace, de la violence.
Son action est lucide et cynique, elle traduit une volonté
de contrainte brutale sur les individus comme sur les groupes, sur l'opinion,
sur les régimes politiques.
Le terrorisme est une profonde remise en cause du droit à
la vie et à ce titre il doit être combattu avec la plus grande
fermeté.
Depuis le 11 Septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est
devenue une priorité, dans cette lutte sans merci contre la barbarie les
enjeux sont immenses.
Il ne s'agit pas seulement d'une lutte contre un ennemi dont la
cruauté est sans commune mesure,
il s'agit d'une lutte pour préserver ce que
l'humanité a de plus beau.
Les Etats l'ont bien compris et ont décidé
de s'engager dans la lutte contre le terrorisme international.
Au lendemain des sanglants évènements du 11
septembre, le conseil de sécurité a adopté le 28 septembre
2001, une résolution condamnant les attentats et réaffirmant la
nécessité de lutter par tous les moyens légaux contre le
terrorisme.
La résolution 1373 (2001), constitue le cadre
générale de la campagne internationale contre le terrorisme, elle
définit les mesures destinées à le combattre.
Le suivi de l'application de cette résolution
relève du comité contre le terrorisme, organe mis en place par la
résolution 1373.
Le cadre général (la résolution 1373) et
le cadre institutionnel (le Comité contre le terrorisme) ainsi
tracé, plus rien ne pouvait en principe empêcher les
Etats de s'engager sous l'égide des nations unies dans une lutte
sans merci contre le terrorisme.
En principe car la résolution prétend lutter
contre le terrorisme sans le définir ce qui est bien
embarrassant car comment peut-on lutter contre le terrorisme, si
l'on ne sait pas même pas ce que c'est.
Cette « lacune » de la résolution «
fondatrice » de la lutte contre le terrorisme est tout sauf
surprenante car comment pouvait elle réussir à donner une
définition du terrorisme là où les 12 conventions
internationales y relatif ne l'ont pas fait.
Comment aurait elle eu, dans le contexte particulier qui
a prévalu lors de son adoption, une référence en la
matière.
Il est pourtant nécessaire du point de vue
juridique de circonscrire le sujet pour élaborer des
règles qui pourront lui être appliquées.
Le droit international n'a jamais résolu ce
problème, il s'est bien gardé de définir ce qui à
ses yeux paraissait indéfinissable, aujourd'hui encore personne n'arrive
à se mettre d'accord sur une définition commune du terrorisme.
Définir le terrorisme implique de plonger dans les
racines étymologiques, de s'arrêter sur l'histoire.
« Terrorisme » dérive de terreur, celle qui
s'installa en France du 31 mai 1793 au 27 juillet 1794.
Le terme et le sens de terreur sont empruntés (vers
1356) au latin « terror » qui signifiait «effroi
épouvantable, inspirant de l'effroi », lui-même
dérivant de « terrère » qui signifiait
« effrayer, épouvanter ».
François Noël Babeuf va créer, en 1794 le mot
« terroriste » pour qualifier les partisans et agents
du système de la terreur.
Le terrorisme désignait à l'origine les lois
d'exception que l'on instaura lors de la période
révolutionnaire.
A partir de la fin du 19e siècle le
mot va connaître une certaine émancipation et c'est
à ce moment précis que vont apparaître plusieurs
définitions qui vont contribuer à jeter le flou sur la notion.
Le terme de terrorisme verra à partir de ce moment
là son sens scindé en deux.
Il y aura d'un côté le sens traditionnel,
c'est-à-dire celui lié aux origines historiques de ce mot et d'un
autre côté le sens politique du mot, de l'union de ses
deux va naître une multitude de définition.
Le terrorisme va devenir semblable à l'hydre de Lerne,
ce monstre mythologique à sept têtes qui terrorisait la
Grèce antique, et dont le nombre de têtes augmentaient
à chaque fois que l'on essayait d'en couper une.
Ceux qui s'attaquaient à lui à un moment ne
savaient plus où donner de la tête. Il en va de même pour le
terrorisme qui lorsqu'on tente de le définir opère des mutations
qui rendent difficile cet exercice.
Le terrorisme qui à l'origine désignait les
lois d'exception établies par les révolutionnaires,
devient au 20e siècle « un ensemble
d'attentats, de sabotages, commis par une organisation pour créer un
climat d'insécurité et impressionner ou renverser le pouvoir
établi ».
Le caractère éminemment politique du
phénomène rend particulièrement difficile toute
tentative
de définition.
Pourtant seule une définition commune sur le plan
juridique peut servir de socle à une entente de
la communauté internationale.
La communauté internationale a condamné
à maintes reprises le terrorisme et a tenter de le
définir en se servant du droit international à cette fin.
En droit international, la définition d'un concept peut
provenir de plusieurs sources : la doctrine,
les traités, la coutume, les principes
généraux de droit, les décisions juridictionnelles ou
encore
du droit dérivé des organisations
internationales.
C'est à travers l'étude de certaines de ses
différentes sources du droit international que l'on peut essayer de
retracer les différentes tentatives visant à définir le
terrorisme.
La doctrine a joué un grand rôle dans la tentative
de définition du terrorisme, elle bénéficie d'une plus
grande liberté et cela a sans doute joué en sa faveur.
Cela ne signifie par pour autant que c'est une tache facile,
c'est tout le contraire car on constate qu'il n'existe pas un consensus
doctrinal en la matière.
La doctrine adopte plutôt une attitude dubitative, face
à la définition du terrorisme.
Gilbert Guillaume affirme que l'activité
terroriste se caractérise par trois éléments
invariants. Tout d'abord, un élément matériel
constitué par des actes de violence de nature à provoquer la mort
ou à causer des dommages corporels graves. Ensuite, la méthode
utilisée, c'est-à-dire une entreprise individuelle ou collective
tendant à la perpétration de ces actes, entreprise
caractérisée
par une certaine préparation, des efforts
coordonnés dans l'objectif à atteindre.
Enfin le but poursuivi, l'objectif, qui est de créer la
terreur chez des personnes déterminées ou plus
généralement dans le public.
C'est le symbole qui se concrétise par le hasard
pour les victimes, qui fait du terrorisme un phénomène si
meurtrier. L'indiscrimination étant justement un vecteur important de
la terreur.
Le terrorisme selon Gilbert Guillaume désignerait
donc « ...l'usage de la violence dans des conditions de nature
à porter atteinte à la vie des personnes ou à leur
intégrité physique dans le cadre d'une entreprise ayant pour but
de provoquer la terreur en vue de parvenir à certaines fins.
Si ces fins sont politiques, le terrorisme peut être
qualifié de politique ».
Le terrorisme ainsi circonscrit permettrait de le
distinguer de notions voisines, telles que la guérilla,
l'assassinat politique, l'anarchisme ou la violence politique.
Cette définition laisse entier le problème d'un
quatrième élément : la motivation du terrorisme.
La légitimation à un rôle important à
jouer dans la tentative de définition du terrorisme car c'est
la légitimation qui permet d'éviter de qualifier
certaines actions de terrorisme.
Le dictionnaire de droit international public qui a
été rédigé sous la direction de Jean Salmon
affirme que le terrorisme serait un : « fait illicite de violence grave
commis par un individu où un groupe d'individus agissant à titre
individuel ou avec l'approbation, l'encouragement, la tolérance
ou le soutien d'un Etat, contre des personnes ou des
biens, dans la poursuite d'un objectif idéologique, et
susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité
internationales » (1). Cette définition à le mérite
de cibler le terrorisme en tant que fait illicite et non les activités
terroristes en tant qu'expressions de ce fait comme cela est très
fréquent notamment dans les conventions. Néanmoins il aurait
peut être été nécessaire de préciser
que les personnes ou les biens visés peuvent être
publics.
De plus, « l'objectif idéologique » pris au sens
strict n'est pas une constante d'autres objectifs pouvant animer les
terroristes.
Enfin, la question de la motivation du terrorisme est
passée sous silence, si cette motivation doit être
écartée, il est préférable qu'elle le soit «
positivement ».
Une partie de la doctrine refuse d'attribuer une signification
juridique au terme terrorisme, c'est selon eux un terme qui doit être
réservé à certaines activités criminelles.
Ce constat correspond à l'attitude concrète
de la communauté internationale qui, à travers
différents instruments, punit sans réellement définir.
La cour internationale de justice n'a jamais
essayé de clarifier cette question, la Cour pénale
internationale aurait pu, après son entrée en vigueur,
nous apporter une réponse mais les négociations en ont
décidé autrement.
En effet l'Inde (à la pointe du projet de convention
générale sur le terrorisme), et la Turquie, voulaient inclure le
terrorisme parmi les crimes visés par la future cour, mais cette
proposition
n'a pas abouti.
Comme souvent en Droit international, la pièce
maîtresse pour une définition du terrorisme reste
le traité.
En effet ces derniers ne manquent pas en
matière de terrorisme (il y en a douze sur le plan
international et plusieurs sur le plan régional), mais le
nombre n'est malheureusement pas proportionnel au besoin de précision
du concept.
1) Dir., Jean Salmon, Dictionnaire de Droit International Public,
Bruylant, Bruxelles, 2001, 1198p
La plupart des conventions se réfèrent à des
infractions déterminées, telles que le détournement
d'aéronefs ou la prise d'otages, sans faire mention du
terrorisme. Quant à elles qui recourent à ce concept, elles ne
cherchent même pas à le définir.
Le Traité de Genève sur le terrorisme, de
1937, de la Société des Nations, fut le premier
précédent de codification d'une définition du
terrorisme.
Les difficultés ne furent pas mineures, et le texte opta
pour inclure une définition générale du crime de
terrorisme avec une énumération limitative d'actes
qualifiés de terrorisme.
Ainsi, le traité de Genève définissait le
terrorisme comme des « faits criminels dirigés contre
Un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur
chez des personnalités déterminées, des groupes de
personnes ou dans un public ».
Les articles 2 et 3 du Traité incriminaient des actes
spécifiques ou des modalités de participation, voire
complicité, à ces actes.
La définition générale comme les
incriminations spécifiques furent l'objet de sérieuses
critiques
(2).
Ainsi certains auteurs considéraient que les
définitions des actes spécifiques étaient trop vagues.
D'autres considéraient, que la finalité recherchée du
crime de terrorisme n'était pas de créer la terreur, et que la
terreur était plutôt un moyen de commettre des actes qui ont des
buts politiques, idéologiques ou criminels.
Les définitions du traité de Genève
faisaient l'amalgame entre le terrorisme national et le terrorisme
international.
Le traité n'entra jamais en vigueur, faute de
ratifications suffisante, mais certains auteurs à instar
de Jean-Marc Sorel estiment que cette convention : «
...à le mérite d'établir un système clair de
responsabilité qui, en l'espèce, est circonscrit aux Etats, seul
l'Etat étant visé et considéré comme responsable
d'inactions face au terrorisme » (3).
C'est la piraterie aérienne qui va impulser le retour
des conventions pour combattre le terrorisme avant qu'elles ne se
multiplient au niveau universel, et apparaissent au niveau
régional de manière plus synthétique.
La technique reste néanmoins identique : on adapte le
droit à une forme d'action qui prédomine à
un moment donné, en matière de terrorisme.
2) Annuaire de la Commission du Droit international-1985, Volume
II, première partie, doc. A/CN.4/SER.A/1985/Add.1 (Part.1),
paragraphes
138 à 148
3) Sorel (J-M), « Existe-t-il une définition
universelle du terrorisme ? », in Le Droit international face au
terrorisme, Paris, Pédone, 2002, p.45
On contourne ainsi l'écueil de la définition
globale au profit de mesures particulières selon les
actes commis (piraterie aérienne), les personnes
touchées (la prise d'otages) ou l'utilisation de certains dispositifs
à des fins terroristes (explosifs, financement...).
Parmi les conventions « contemporaines », la plus
ancienne dans la série des 12 conventions à vocation universelle
est celle du 14 septembre 1963 (Convention relative aux infractions
et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs,
Tokyo le 14 septembre 1963, en vigueur le 4 décembre 1969, 171 Etats
parties à l'heure actuelle), négociée dans le cadre de
l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Comme les conventions qui vont suivre au sein de cette même
organisation, elle ne comporte pas
de définition du terrorisme, ni même la mention du
mot terrorisme. Elle se contente, comme les précédentes, d'une
description des actes possibles.
La convention de 1999 des Nations Unies pour la
répression du financement du terrorisme, dernière convention
adoptée à ce jour se démarque des
précédentes.
En effet, elle définit dans son article 2, une
infraction au regard de cette convention comme permettant le financement
de tout acte énuméré dans les traités cités
en annexes (les conventions précédentes) ou de : « tout
acte destiné à tuer ou à contraindre un
gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou
à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ».
Toutes les conventions portant sur le terrorisme s'obstinent
à définir l'acte de terrorisme plutôt que le terrorisme en
lui-même
Définir un acte, plutôt que le concept qui motive
cet acte est très dangereux car il introduit dans
ce débat une bonne dose d'arbitraire.
En effet si ce sont les actes qui permettent de définir le
terrorisme, alors c'est la porte ouverte à tous les excès.
Certains Etats modifieront à volonté la
définition du terrorisme pour pouvoir faire figurer leurs opposants sur
la liste noire des terroristes.
La Convention de l'Union africaine sur la lutte contre
le terrorisme constitue un exemple frappant de cette crainte de
dérives.
En effet parmi les définitions qu'elle donne
à l'acte terroriste, elle y inclut : « tout acte ou menace
susceptible de perturber le fonctionnement normal des services publics, la
prestation de services essentiels aux populations ou de créer une
situation de crise au sein des populations » (4). Cette définition
extrêmement large peut faire craindre que tombent sous le coup de
l'infraction
terroriste un très grand nombre d'actes et peut
entraîner une dérive sécuritaire.
4) Article 1.3 (a) de la Convention d'Alger du 10 juillet 1999
Certains auteurs pensent qu'il n'est pas nécessaire
de définir le terroriste car selon eux le
terrorisme constituerait un « label » apposé sur
des situations variées qui ne peuvent prétendre à
un traitement identique.
Le problème c'est que faute de définition, une
certaine forme de loi du talion risque de perdurer avec une définition
unilatérale du terrorisme.
Cela sera alors certainement bien pire qu'une
définition commune. Même approximative, la
nécessité de la définition s'impose.
La lutte contre le terrorisme ne doit pas être un
prétexte à la mise en quarantaine des droits
fondamentaux.
Toute société traumatisée est
tentée d'adopter le principe selon lequel : « la fin
justifie les moyens ».
Ce principe est souvent avancé par les terroristes
eux-mêmes, et s'il est repris par les Etats, il peut conduire à
une véritable escalade dans la lutte contre le terrorisme et conduire
à des dérives regrettables pour un Etat de droit.
Il ne faut jamais penser que l'on gagnera la lutte contre le
terrorisme en terrorisant les terroristes.
Il existe un lien très fort entre les droits de
l'homme et le terrorisme, ce lien a été clairement
affirmé par la Déclaration de Vienne (5), qui affirme au
paragraphe 17.
« Les actes, méthodes et pratiques de
terrorisme sous quelque forme que ce soit, visent
l'anéantissement des droits de l'homme, des libertés
fondamentales et de la démocratie, menacent
l'intégrité territoriale et la sécurité des
Etats et déstabilisent des gouvernements légitimement
constitués ».
Un Etat qui réagit au terrorisme en adoptant
une politique et des pratiques qui dépassent les limites de ce
qui peut être admis en droit international et qui se soldent par des
violations des droits de l'homme, portent atteinte aux droits de
l'homme non seulement des terroristes mais aussi des civils innocents.
Les gouvernements qui participent à la lutte
contre le terrorisme doivent décider, si celle-ci fournit une
occasion de réaffirmer les principes inhérents aux droits
humains ou, au contraire, une nouvelle raison de les ignorer.
Ils doivent décider si le moment est venu d'adhérer
à des valeurs gouvernant les moyens et les
fins ou, au contraire, de se donner un prétexte pour
subordonner les moyens aux fins.
5) La conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui
s'est tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, Téhéran, en
1968 à aboutit à l'adoption de
la Déclaration et du Programme d'action de Vienne
(document A/CONF. 157/23, du 25 juin 1993) par 171 Etats.
De leur choix ne dépendra pas la capture ou
l'exécution des auteurs d'un acte terroriste, mais à
long terme, il affectera la force du raisonnement « la fin
justifie les moyens » qui sous-tend le terrorisme.
Si la coalition anti-terroriste, dans son ensemble, ne rejette
pas fermement cette amoralité et si les règles internationales
des droits humains ne régissent pas clairement toutes les
actions anti- terroristes, la lutte menée contre certains
terroristes risque de donner des arguments à la démarche
perverse du terrorisme.
Cependant la primauté des droits de l'homme ne doit pas
nous faire oublier le premier des droits sans lequel tous les autres
n'existeraient pas : le droit à la vie.
L'Etat doit assurer la sécurité des personnes
présentes sur son territoire, la sécurité est un droit
fondamental, c'est un devoir de l'Etat. La sécurité est au
côté de la liberté un des droits naturels
et imprescriptibles de l'homme.
Elle consiste dans la protection accordée par la
société à chacun de ses membres pour la conservation
de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
Le terrorisme parce qu'il constitue une menace sur la
sécurité des personnes ne peut laisser les Etats
indifférents, ils ont l'obligation de lutter contre le terrorisme (I) et
cela au nom de la liberté. Les attentats du 11 septembre ont
démontré que « l'individu peut être un monstre
encore plus
froid que l'Etat » (6).
L'émergence d'une société « incivile
» va obliger de repenser les rapports entre l'Etat et
l'individu.
Cependant la montée en puissance du terrorisme ne
doit pas nous faire oublier notre foi en l'homme et en l'avenir.
Dans la lutte contre le terrorisme, il y a des limites
(II) à ne pas franchir. La vitalité de la
démocratie, sa capacité à accepter la
diversité et à promouvoir les droits fondamentaux
constituent la plus convaincante des réponses au
terrorisme.
6) Stern (B), « le contexte juridique de l'après 11
septembre », in Le droit international
face au terrorisme, Paris, Pédone, 2002, p.5.
I) La lutte contre le terrorisme, une obligation de
l'Etat
« La sécurité est un droit fondamental. Elle
est une condition de l'exercice des libertés et de la
réduction des inégalités. A ce
titre, elle est un devoir pour l'Etat qui veille sur l'ensemble du
territoire de la République, à la protection des personnes, de
leurs biens et des prérogatives de leur citoyenneté, à la
défense de leurs institutions et des intérêts nationaux, au
respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public » (7).
C'est avec force que l'article premier de la loi
française du 15 novembre 2001 définie les obligations de
l'Etat en matière de sécurité.
En effet, la possession par ce dernier du monopole de
la contrainte lui donne l'obligation de protéger ceux qui vivent
sur son sol des menaces qui pèsent sur la collectivité.
Le terrorisme est actuellement la plus grande menace à
laquelle l'Etat doit faire face. En effet depuis la fin de la guerre froide qui
a entraîné la fin du monde bipolarisé, L'Etat doit faire
face à
de nouvelles menaces.
L'émergence des forces paraétatiques sur la
scène internationale a crée un bouleversement profond de
l'ordre international.
Ce bouleversement a entraîné l'émergence
de nouvelles menaces auxquelles les Etats doivent faire face, le
terrorisme constitue l'une d'entre elles.
Le terrorisme est une menace pour les Etats car il instaure sur
toute la planète une philosophie de
la terreur et de la barbarie.
Avec la montée en force de la mondialisation, les
frontières s'effritent peu à peu rendant ainsi très grande
la menace sans frontières que fait peser sur le monde le terrorisme.
Les Etats doivent, tant bien que mal, lutter contre
un ennemi qui non seulement n'a pas de visage, mais qui en plus ne
respecte aucunes règles. De plus la lutte ne s'effectue pas à
armes égales.
L'Etat doit défendre la vie des personnes relevant de sa
juridiction, le terroriste tue même ceux dont il prétend
défendre la cause.
L'Etat est facilement vulnérable de par son
immobilité, le terroriste n'a aucune attache territoriale et cela
lui donne une très grande mobilité et lui permet de
perpétrer des crimes sur les quatre coins de la planète.
L'Etat doit rendre compte de l'usage qu'il fait de la force, le
terroriste n'a de compte à rendre à
personne, même pas à sa propre conscience.
7) Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à
la sécurité
Quotidienne, Journal Officiel du 16 novembre 2001
Le terrorisme est une menace car il remet en cause l'Etat de
droit (A), fragilise les démocraties
en menaçant l'existence des droits de l'homme.
La sécurité est un droit fondamental, elle est un
devoir de l'Etat qui en est le garant (B) et c'est à
ce titre qu'il doit lutter contre le terrorisme.
A) Le terrorisme: une remise en cause de l'etat de
droit
L'objectif du terrorisme, son ennemi, c'est l'Etat,
l'organisation administrative d'un Etat qu'il
s'agit de déstabiliser par la terreur, en menaçant
de destruction l'existence et la cohésion de son peuple, ainsi que son
unité.
Les Etats démocratiques sont plus visés que les
autres car ils représentent des valeurs qui sont l'antithèse
complète du terrorisme.
Le terrorisme en remettant en cause l'existence de l'Etat
de droit, lance un véritable défi à la
démocratie (1).
Le terrorisme parce qu'il crée un environnement
qui réduit à néant l'idéal de liberté
de l'être humain, rendant ainsi plus difficile la promotion des
droits de l'homme constitue une menace pour les droits fondamentaux (2)
1) Le terrorisme: un défi à la
démocratie
Le terrorisme est devenu un phénomène
redoutable au cours des dix dernières années.
L'existence des réseaux terroristes internationaux
est maintenant un fait établi, grâce à la puissance
destructrice dont ils disposent, ces réseaux cherchent à
déstabiliser des régimes politiques et ruiner les valeurs
démocratiques.
A la suite des sanglants attentats du 11 septembre 2001, les
démocraties ont commencé à faire preuve de fermeté
dans la lutte contre le terrorisme.
Les mesures prises à l'échelle nationale et
internationale se multiplient, mais elles n'ont pas encore atteint un
niveau optimum du fait du morcellement du cadre législatif.
Le terrorisme tend à promouvoir des
intérêts, des ambitions ou des messages par l'usage de
l'intimidation, de la menace, de la violence, il est l'expression de la
contestation minoritaire des hommes et des femmes qui veulent par la menace, le
crime et l'intimidation imposer leurs vues.
Ce genre de comportement est en profonde contradiction avec la
démocratie qui se caractérise par le gouvernement du peuple par
le peuple librement consulté.
La gravité du phénomène terroriste fait
de ce dernier un véritable défi pour la
démocratie, la
menace qu'il fait peser sur la démocratie a
été réaffirmée par le secrétaire
général du Conseil de l'Europe lors de la dixième
conférence judiciaire internationale.
Au cours de la conférence il a affirmé : « Le
terrorisme est une atteinte aux droits de l'homme, à
la démocratie, et au principe de la
prééminence du droit. Il doit être combattu avec la plus
grande vigueur » (8)
Le terrorisme parce qu'il frappe des innocents de
manière cruelle et arbitraire constitue une véritable
négation de la démocratie.
En effet, la démocratie telle qu'héritée du
siècle des lumières représente la victoire du droit sur
l'arbitraire.
La valeur de base de la démocratie est la liberté,
elle est la clef de voûte de l'organisation sociale, institutionnelle et
politique de société.
La liberté, c'est d'abord celle de l'individu qui, au
coeur de la société démocratique, doit pouvoir agir, se
déplacer et s'exprimer librement.
En frappant de manière aveugle et inhumaine le
terrorisme instaure au sein de la société
démocratique un climat de terreur qui ne permet pas à l'individu
de jouir ses droits.
L'ensemble des individus forme le peuple qui est le
détenteur initial de la souveraineté ; cette
souveraineté, il l'exerce par l'intermédiaire de ses
représentants élus au suffrage universel.
Lors des attentas de Madrid du 11 mars 2004 les terroristes
étaient parvenus à inverser le cours
des évènements et à provoquer la
défaite du Premier ministre de l'époque José Maria Aznar
alors que ce dernier avant les attentats était donné largement
favori.
La première décision qui fût prise par son
successeur M Zapaterro fût d'annoncer le retrait des troupes espagnoles
du territoire irakien donnant ainsi l'impression de céder au
chantage des terroristes.
C'est le risque de ces attentats qui font un nombre important de
victimes : fragiliser la majorité
des citoyens. Or la démocratie repose sur la
majorité.
8) Discours d'ouverture du secrétaire
général du Conseil de l'Europe M Walter Schwimmer lors de la 10
e conférence judiciaire
internationale (Strasbourg, 23-24 mai 2002), disponible sur le
site internet du Conseil de l'Europe
, http://www.coe.int
La liberté de l'individu c'est également celle
d'élire ses représentants. En effet, contrairement
aux régimes autoritaires qui imposent leurs dogmes par la
force et la contrainte, la démocratie reconnaît protège et
se nourrit de la diversité, notamment la diversité des
opinions.
Le débat est le moteur de la démocratie,
c'est par la confrontation des idées que la
société démocratique se construit et évolue, cette
méthode est l'inverse de celle des terroristes.
Le terroriste ne discute pas, il n'admet pas la contradiction, il
décrète, juge, condamne et exécute sans autre forme de
procès. Il critique les dirigeants des démocraties et
méconnaît la légitimité de
ces derniers.
Pour le terroriste, la démocratie est la source de tous
les maux, elle est un système oppresseur. Le terroriste a
décidé de la combattre en frappant de manière aveugle et
cruelle des innocents afin d'intimider la population et de remettre en cause la
place des dirigeants, méconnaissant ainsi la souveraineté
populaire.
La force des arguments qui est le bien commun de
toutes les démocraties est menacée par l'argument de la
force qui est l'arme par excellence des terroristes. Ce faisant ils refusent
tout dialogue constructif.
Le terrorisme substitue la brutalité à la loi,
change sa définition. Elle n'est plus l'expression de la volonté
générale comme en démocratie. Elle devient l'expression de
la volonté du plus fort, la fin
de la démocratie est le retour à l'état de
nature, est la seule alternative prônée par les terroristes.
La défense de la démocratie contre la menace
terroriste doit devenir un combat permanent car en violant ouvertement les
principes sur lesquelles elle se fonde, elle constitue un grave péril
pour la démocratie. Le terrorisme oblige la démocratie à
approfondir sa justification puisqu'il l'interroge dramatiquement sur le sens
qu'elle donne à la liberté.
Aucune nation n'est à l'abri des attaques des terroristes,
ils frappent n'importe où et n'importe quand.
Le jeudi 7 juillet 2005, en plein sommet des huit pays les plus
industrialisés de la planète, la ville
de Londres a été secouée par un terrible
attentat.
Quatre bombes ont déchiqueté des rames de
métro et un autobus faisant une cinquantaine de morts et plus de
sept cent blessés.
Ces attaques qui sont les plus meurtrières jamais commises
sur le sol britannique, sont vécues par
la communauté internationale comme un véritable
défi.
« Ils essaient de nous intimider, mais nous ne nous
laisserons pas intimider avec ces méthodes.
Ils essaient de changer notre mode de vie, nous ne changerons pas
» (9) a déclaré avec fermeté le
Premier ministre Tony Blair.
« Il s'agit d'une agression contre le peuple britannique,
contre la démocratie et contre les libertés fondamentales qui
sont au coeur de l'union européenne » (10) a
déclaré le président de la Commission
européenne M Barroso.
La période choisie pour perpétrer cet attentat ne
relève certainement pas du hasard, les terroristes
en frappant dans le pays qui abritait le sommet des
huit pays les plus industrialisés, ont symboliquement porté
un coup au monde entier, à toutes les démocraties.
Cet attentat qui survient après ceux de New-York
(11 Septembre 2001), Casablanca (2003) et Madrid (11 Mars 2004) prouve si
besoin il était que plus aucun pays n'échappera à la
vague terroriste.
L'attaque de Londres en plein sommet des huit pays les plus
industrialisés montre combien ils sont déterminés à
frapper en plein coeur des démocraties.
Que la démocratie soit la garantie des droits de
l'homme, c'est là une sorte d'évidence, constamment
rappelée dans les instruments internationaux.
On lit dans le préambule de la Convention
européenne des droits de l'homme que le maintien des libertés
fondamentales « repose essentiellement sur un régime politique
véritablement démocratique ».
Dans le cadre de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe (CSCE), les
Etats réunis en 1990 à Copenhague reconnaissaient que « la
démocratie pluraliste et l'Etat de droit sont essentiels pour garantir
le respect de tous les droits de l'homme et de toutes les
libertés fondamentales ».
De l'idée de garantie, on glisse parfois
progressivement à celle d'une assimilation entre la
démocratie et les droits de l'homme. Au fil de sa jurisprudence la Cour
européenne des droits de l'homme, énumère les composantes
d'une société démocratique.
La liberté d'expression, le pluralisme, la
tolérance et l'esprit d'ouverture (Handyside, 1993), la liberté
de religion en tant qu'élément de ce pluralisme
(Kokkinakis, 1993), l'exigence d'un procès équitable et
la prééminence du droit, sont autant de composantes
d'une société démocratique.
Par conséquent, on peut déduire qu'il
existe un rapport entre la démocratie et les droits
fondamentaux. Les droits de l'homme ne peuvent exister que
dans une démocratie et, réciproquement, on n'est pas dans
une démocratie si l'ensemble des droits fondamentaux n'est
pas respecté.
Le lien qui existe entre la démocratie et les droits
fondamentaux est si étroit que lorsque l'on s'attaque à l'un,
on viole automatiquement l'autre et vice-versa. C'est parce que le terrorisme
est
un défi pour la démocratie qu'il constitue une
menace pour les droits fondamentaux.
9) Discours de Tony blair disponible sur le site de l'Agence
France Presse
http://www.afp.com
10)Discours de M Barosso disponible sur
http://www.europa.eu.int
2) Le terrorisme: une menace qui pèse sur les droits
fondamentaux
La communauté internationale a mis un temps
relativement long à établir le lien entre le
terrorisme et les droits de l'homme. Il a fallu attendre la
Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'homme en 1993 pour que
ce lien soit établi (11).
Ce lien n'a pas été établi par le
passé en raison de profondes divergences idéologiques qui
marquaient l'attitude des Etats membres à propos des conséquences
pratiques et politiques qui en découlaient.
Le terme de terrorisme est un terme qui a une forte connotation
politique, il apparaissait donc très difficile de le définir et
par conséquent de faire un lien éventuel avec les droits
fondamentaux.
S'il est actuellement très difficile de
définir ce mot c'est d'abord parce que certains Etats adoptent
une conception maximaliste du terroriste et d'autres une conception
minimaliste. Mais c'est aussi parce que la définition organique
du terrorisme ne fait pas l'objet d'un consensus claire et
précis.
En effet, jusqu'à ce jour on ne sait toujours pas avec
précision si le terrorisme est uniquement le fait de groupes
armés où s'il peut également être le fait d'un
Etat.
Lorsque des actions terroristes ont
été mises en oeuvre, commanditées,
manipulées et encouragées par un Etat, l'expression «
terrorisme d'Etat » est parfois utilisée pour décrire des
agressions ouvertement commises par un Etat contre un groupe particulier.
L'expression « terrorisme d'Etat » a
été forgée, dans le cadre de la guerre froide,
par l'Union Soviétique. Ce pour désigner une
stratégie de répression des mouvements insurrectionnels
d'extrême-gauche, mise en place par les régimes d'Amérique
du Sud dans les années 1970.
Il s'agissait de dénoncer des pratiques qui
consistaient à employer massivement des services secrets pour mener
des actions d'assassinat et de torture.
Cette expression est aujourd'hui utilisée pour
désigner les actions de terrorisme commanditées ou soutenues par
un Etat étranger.
La notion de terrorisme d'Etat a été, et continue
d'être une source de discorde entre les Etats.
C'est elle qui a empêché que soit établi le
plus tôt possible le lien entre terrorisme et violation des droits de
l'homme.
11) La Conférence mondiale sur les droits de l'homme, qui
s'est tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, a abouti à l'adoption
de la Déclaration et
du Programme d'action de Vienne (document A/CONF. 157/23, du 25
juin 1993) par 171 Etats.
En effet si l'on établissait un lien entre le terrorisme
et la violation des droits de l'homme cela
signifierait que toutes entités qui commettraient
des actes terroristes violeraient les droits de l'homme.
Cette affirmation ne pose pas de problèmes lorsqu'il
s'agira de qualifier de terroristes un groupe armé à l'instar du
réseau Al-Quaïda.
Mais s'il advenait qu'un Etat ait commandité un
attentat terroriste, que se passera t-il à ce moment ?
Les Etats ne sont pas encore tout à fait prêts
à voir leur responsabilité engagée pour violation des
droits de l'homme du fait de la perpétration d'un acte terroriste.
Cela s'est illustré de manière éclatante
dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua (12).
Au cours de cette affaire, on aurait pu se poser la
question de savoir si le comportement des
Etats-Unis ne constituait pas un terrorisme d'Etat.
En effet, il a été prouvé, que ce
sont les Etats-Unis qui formaient, finançaient et armaient
les
Contras, ces rebelles qui menaient une guérilla et tuaient
des civils.
La cour Internationale de Justice aurait pu s'interroger
sur cette question mais ce ne fût malheureusement pas le cas.
C'était pourtant l'occasion pour la Cour de se prononcer
sur la notion du terrorisme d'Etat et de contribuer à clarifier cette
notion.
La question du terrorisme d'Etat est à l'origine de la non
adoption du projet de convention sur le terrorisme international
présenté par l'Inde.
Le champ d'application de la Convention (articles 1 paragraphe
2 et article 18 paragraphe 2) est source de préoccupation. Le
paragraphe 2 de l'article 18 du projet initial exclut les Forces
Armées, définies comme « Forces Armées d'un
Etat » (article 1 paragraphe 2), du champ d'application de la
Convention.
Certains Etats soutiennent cette proposition. D'autres
souhaitent apporter une précision à ce principe en
limitant l'exclusion de la convention aux activités des forces
armées seulement si elles ont agi dans le cadre de leurs fonctions
officielles.
Il faut en outre que leurs activités aient
été conformes au droit international, en période
de
conflit armé afin d'éviter tout amalgame avec le
terrorisme d'Etat pratiqué par certains Etats.
12) CIJ, 27 juin 1986 (disponible sur le site de la CIJ
http://www.icj-cij.org)
Pendant longtemps, les Nations Unies s'en sont tenus au
point de vue traditionnel du droit
international selon lequel les droits de l'homme ne concernent
que les rapports entre les Etats et leurs ressortissants. Par conséquent
puisque la notion de terrorisme d'Etat n'était pas admise le lien entre
terrorisme et droit de l'homme n'était pas établi.
Cette approche traditionnelle du droit international exerce une
influence importante sur la nature
et la teneur du lien entre le terrorisme et les droits de
l'homme.
Elle met évidemment en jeu la question du champ
d'application des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne les
acteurs du terrorisme et les situations dans lesquelles des actes
de terrorisme peuvent être considérés comme
des violations des droits de l'homme.
Il a fallu attendre la Conférence mondiale de Vienne sur
les droits de l'homme pour que, au cours
de la Déclaration et du Programme d'actions
adoptés lors de cette conférence le lien soit clairement
établi entre le terrorisme et les droits de l'homme.
La formulation fût la suivante : « Les actes,
méthodes et pratiques de terrorisme sous quelque forme que ce soit
et dans toutes leurs manifestations et leurs liens, dans certains pays, avec le
trafic de stupéfiants, visent l'anéantissement des droits de
l'homme, des libertés fondamentales et
de la démocratie, menacent l'intégrité
territoriale et la sécurité des Etats et
déstabilisent les gouvernement légitimement constitués
» (13).
Depuis la conférence de Vienne sur les droits
de l'homme l'Assemblée générale, sur la
recommandation de la Commission des questions sociales,
humanitaires et culturelles a commencé à adopter des
résolutions distinctes au sujet des « droits de l'homme et le
terrorisme »
(14).
Les résolutions sur les droits de l'homme et le
terrorisme révèlent non seulement une prise de conscience
internationale des incidences du terrorisme sur les droits de l'homme mais
aussi une certaine évolution dans l'attitude de l'Assemblée
générale à l'égard des actes de terrorisme
commis par des entités autres que les Etats.
13) A/CONF. 157/ 23 (25 juin 1993), Partie 1, paragraphe 17
14) Voir les résolutions suivantes de l'Assemblée
générale : A/RES/48/122, en date du 20/12/1993 ; A/RES/49/185, en
date du 23/12/1994 ; A/RES/50/186, en date du 22/12/1995 ; A/RES/52/133, en
date du 12/12/1997 ; A/RES/54/164, en date du 17/12/1999 et A/RES/56/160, en
date
du 19/12/2001
Désormais, il ne fait plus aucun doute que les
actes et les méthodes terroristes portent non
seulement atteinte aux droits de victimes mais aussi
à l'ordre constitutionnel, à la société
démocratique.
Dans certains cas, ils peuvent compromettre la paix et l'ordre
international en jouant un rôle de catalyseur de conflits plus
étendus (15).
En conséquence il faut admettre que le lien entre
le terrorisme et les droits de l'homme est perceptible de façon
indirecte
Il l'est de façon indirecte lorsqu'un Etat
réagit au terrorisme en adoptant une politique et des pratiques
qui dépassent les limites de ce qui peut être admis en droit
international.
Ces mesures se soldent par des violations des droits de
l'homme, comme les exécutions extrajudiciaires, la torture, les
procès iniques.
Ces mesures de répressions illicites portent
atteinte, non seulement aux droits des terroristes,
mais aussi des civils innocents.
15) PLANTEY (A), « Le terrorisme contre les droits de
l'homme », Revue du droit public et de la science politique en France
et à l'étranger,
n°1, 1985, pp 5-13
B) L'Etat,garant de la sécurité des
personnes
Dimension temporelle du droit, la sécurité
est aux côtés de la liberté un droit naturel et
imprescriptible de l'homme.
La sécurité consiste dans la protection
accordée par l'Etat à chacun de ses membres pour la
conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
Au nom de la liberté, il convient
de ce fait d'assurer la sécurité de tous.
Il arrive que les mesures devant être prises par les Etats
pour lutter contre les atteintes à l'ordre public soient, elles
mêmes, porteuses d'atteintes à l'ordre public et au principe de
légalité.
A cet égard les démocraties sont
particulièrement fragiles. Elles doivent pourtant malgré la
nécessaire recherche de sécurité, préserver les
exigences de la liberté.
Les démocraties ne parviennent pas toujours
à réaliser cet équilibre tant recherché.
Elles rencontrent à l'heure actuelle, dans un monde de plus en
plus fragilisé par l'émergence d'une nouvelle forme de
violence, d'assez grandes difficultés.
Le problème posé par la délicate
conciliation du couple « liberté-sécurité »
n'est pas récent, c'est
un problème très ancien.
John Locke, l'un des premiers penseurs du libéralisme,
justifiait la création de l'Etat par le fait que : dans l'état de
nature la sécurité des droits n'était pas
assurée.
Plus généralement, la sécurité qui
libère du risque, qui écarte les menaces est la condition d'un
exercice paisible des libertés.
Cependant il ne faut pas perdre de vue, qu'il n'est pas possible
d'assurer la sécurité sans empiéter sur la liberté
des individus.
La liberté et la sécurité apparaissent
ainsi comme deux impératifs contradictoires et solidaires qu'il
convient de concilier au mieux.
Aussi délicate que soit la conciliation à
opérer, il était malgré tout entendu que la liberté
devait prévaloir sur la sécurité.
Aujourd'hui pourtant, au moment où la
sécurité est devenue un enjeu stratégique avec la
montée
du terrorisme international, on constate une inversion dans les
rapports entre liberté et sécurité.
La sécurité qui était
considérée au départ comme une condition de
l'exercice des libertés, est désormais présentée
comme « la première des libertés » (16).
16) Lochak (D), Les droits de l'homme (Repères), La
Découverte, Paris, 2005, pp 102-103
Dans ce contexte ultra sécuritaire,
l'équilibre entre les exigences de la liberté et celles
de la
sécurité penche de plus en plus en faveur des
secondes et ceci au détriment des premières.
La sécurité a été
érigée en référant de l'action publique,
et cela s'est traduit par une multiplication des lois relative
à la sécurité dans la plupart des démocraties.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les
grandes démocraties ont rapidement saisi l'ampleur du
phénomène et se sont dotées de législations
capables d'assurer la sécurité des personnes et des biens
face à la menace terroriste.
La France s'est dotée depuis 1986 d'une législation
complète tant pour ce qui concerne la prise
en charge des victimes du terrorisme, que pour ce qui concerne la
prévention et la répression du terrorisme.
La loi la plus récente est celle du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure (17), elle sera
complétée
par une nouvelle loi sur le terrorisme qui sera
déposée au Parlement pour examen d'ici août
2005.
La législation antiterroriste britannique est dans
une large mesure dominée par la loi sur le terrorisme de l'an
2000 (Terrorism Act) et la loi de 2001 sur la lutte contre
le terrorisme, la criminalité et pour la sécurité
(Anti-Terrorism Crime and Security Act).
Outre ces deux lois, la Parlement britannique a
adopté la 11 mars 2005, une nouvelle loi antiterroriste (The
Prevention of Security Act) qui constitue une modification de la partie
quatre
de la loi relative au terrorisme de 2001.
Le 26 octobre 2001, le Congrès des Etats-Unis adopte une
nouvelle loi dénommée USA Patriot
Act(18) .
Cette loi vise à faciliter l'identification,
l'interception et la surveillance des terroristes présumés,
en élargissant la définition du terrorisme et en
accordant au ministre de la justice des pouvoirs accrus en matière de
détention (19).
17) Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 publié au journal
officiel n°66 du 19 mars 2003
18) Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate
Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism
19) Gardbaum (S) et Guy (S), «L'actualité
constitutionnelle dans les pays de Common Law et de droit mixte, in Revue
Française de Droit
Constitutionnel, n°50, Avril-Juin 2002, pp. 458-459.
L'Espagne, au lendemain des attaques terroristes commises
à Madrid le 11 mars 2004, a adopté
un plan antiterroriste.
Ce plan à pour but le renforcement des moyens
matériels et des effectifs de la police nationale afin de parer plus
efficacement la menace terroriste.
Un centre national pour la coordination antiterroriste
destiné à améliorer l'efficacité de la lutte contre
le terrorisme.
Enfin on peut citer la mise sur pied du comité
exécutif du commandement unifié des services répressifs
de L'Etat dont le but est de renforcer la lutte contre le terrorisme (20).
L'Allemagne combat le terrorisme à l'aide de la panoplie
d'outils « classique » du droit pénal et
des mesures préventives destinées à
parer les dangers. Elle ne dispose pas de législation
antiterroriste distincte (21).
Toutes ces législations nationales ne doivent cependant
pas nous faire oublier que le terrorisme
est aussi un phénomène international, le fait
qu'il n'y ait plus de menaces aux frontières ne signifie pas
pour autant qu'il n'y a plus de frontières aux menaces.
La lutte contre le terrorisme passe par une coopération
internationale des Etats comme le rappelle
la résolution 1456 (2003) du conseil de
sécurité des Nations Unies (22).
« Le terrorisme ne peut être vaincu, que
grâce à une démarche suivie et globale fondée sur
la participation et la collaboration actives de tous les Etats... ». C'est
en des termes clairs que la résolution 1456 encourage les Etats à
une collaboration étroite dans la lutte contre le terrorisme.
C'est au sein de l'Union européenne, que la
coopération internationale en matière de lutte contre
le terrorisme internationale semble la plus
élaborée.
Le 10 décembre 2001, le Conseil de l'Union
européenne est parvenu à un accord sur une position commune en
ce qui concerne l'application des mesures spécifiques visant
à lutter contre le terrorisme.
La mise en oeuvre des dispositions internationales de
lutte contre le terrorisme par l'Union européenne s'effectue au
sein d'un ensemble normatif préexistant.
La prévention du terrorisme est en effet inscrite
dans le traité sur l'Union européenne en son article
29.
Selon ce texte, il s'agit d'offrir au citoyen un niveau
de protection élevé dans un espace de liberté, de
sécurité et de justice par la prévention de la
criminalité internationale et du terrorisme.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001 le Conseil
européen a adopté une décision-cadre
(23) relative à la lutte contre le terrorisme et une
décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen.
20) Rapport du Comité d'Experts sur le Terrorisme
(CODEXTER) sur les profils nationaux relatifs à la capacité de
lutte contre le terrorisme,
disponible sur le site du Conseil de L'Europe
www.coe.int
21) Rapport du Comité d'Experts sur le Terrorisme
(CODEXTER), op cit
22) Résolution 1456 (2003) adoptée par le Conseil
de sécurité le 20 janvier 2003 à sa 4688e
séance.
La décision-cadre relative à la lutte contre
le terrorisme vise l'harmonisation des législations
européennes relatives à la lutte contre le
terrorisme. Afin de réaliser cet objectif elle propose une
définition commune des infractions terroristes (24).
Le mandat d'arrêt européen vise à
supprimer les procédures d'extradition entre les Etats membres de
l'Union et à les remplacer par un simple système de remise.
Cette décision-cadre relative au mandat d'arrêt
européen à pour but de remplacer les conventions d'extradition
entre les Etats membres, sans préjudice de leur application dans les
relations entre Etats membres et Etats tiers (25).
La mise en place d'un cadre répressif au sein de
l'union européennes par le biais de ces deux décisions-cadres,
est une grande avancée car elle permettra aux Etats-membres de
garantir au mieux la sécurité des personnes.
Cependant l'absence de références explicites
à la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme
dans ces deux décisions, soulève de vives inquiétudes au
sein des organismes
de protection des droits de l'homme.
En effet, les cadres juridiques institués par
l'union européenne en matière de lutte contre le
terrorisme semblent avoir rangé au second plan le respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales.
D'une part la décision-cadre relative à la
lutte contre le terrorisme, de par son large champ d'application, est
susceptible d'ouvrir la voie à des abus commis dans le but
de réprimer des activités légitimes entreprises dans
l'exercice des droits civils et politiques (26).
Cette décision semble marquer la volonté politique
des Etats européens de justifier l'utilisation dans chaque Etat de
procédures exceptionnelles.
L'article premier alinéa 2 de la décision
précise toutefois que « la présente
décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de
respecter les droits fondamentaux et principes juridiques fondamentaux tels
qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité
sur l'Union européenne ».
Néanmoins, toutes ces dérogations au droit
commun ne méritent-elles pas un encadrement juridique plus
délimité ?
De toute évidence la multiplication de garanties formelles
constitue un aveu des risques d'abus que véhicule la définition
choisie (27).
D'autre part, le mandat d'arrêt européen
soulève des contestations juridiques similaires.
Le mandat d'arrêt européen étend la
souveraineté en matière pénale sur le territoire de
l'Union pour chacun des Etats membres, tout en supprimant les contrôles
de légalité de leurs actes.
En effet, le mandat d'arrêt supprime le
contrôle politique mais également celui exercé par
les juridictions administratives. Le contrôle judiciaire ne porte plus
que sur la régularité formelle du document.
D'une manière générale, un large
pouvoir d'appréciation est laissé à l'Etat et le
principe de
confiance en matière de respect de la démocratie et
de l'Etat de droit prédomine.
Cette absence de contrôle de légalité
peut se traduire à terme par une protection affaiblie des
libertés publiques.
En effet, aucun contrôle n'est instauré par la
décision-cadre, celle-ci pose directement le postulat
du respect effectif des droits de l'homme par les Etats membres
(28).
Les démocraties, on le voit, prennent des mesures
importantes pour lutter contre le terrorisme. Cependant l'absence d'un
cadre normatif précis dans ce domaine pourrait amener
les démocraties à « oublier » que la lutte contre
le terrorisme, passe par le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.
Ni la résolution 1373 adoptée sous
l'égide des Nations Unies (29), ni la décision-cadre relative
à la lutte contre le terrorisme ne font expressément mention de
la nécessité de respecter les droits de l'homme dans le cadre de
la lutte contre le terrorisme.
L'urgence dans laquelle ont été adoptés
ces deux textes est certainement à l'origine de ce
fâcheux « oubli ».
Néanmoins une oeuvre aussi importante que la guerre
contre le terrorisme ne saurait être entreprise au niveau
international sans textes de référence, qui définiraient
les principes généraux
à respecter lorsqu'il s'agira de mener cette guerre contre
le terrorisme.
En d'autres termes, la lutte contre le terrorisme
nécessite l'élaboration d'un « droit de la lutte
contre le terrorisme » dont le but serait d'empêcher que
les Etats pris d'un brusque « vertige sécuritaire »
violent les droits de l'homme sous prétexte de lutter contre le
terrorisme.
23) Décisions qui servent au rapprochement des
dispositions législatives et réglementaires des Etats membres,
elles lient les Etats membres
quant au résultat à atteindre, tout en laissant
aux instances nationales la compétence quant à la forme et au
moyen.
24) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur
l'équilibre sécurité/liberté dans l'espace
pénal européen », in Lutte contre le terrorisme
et droits fondamentaux, E. Bribosia et A Weyemberg (dir.),
collection Droit et Justice, éditions Bruylant, Bruxelles, 2002, pp
173-174
25) Sorasio (D), « La coopération
européenne », in SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et
responsabilité pénale internationale, Doucet
(G) (dir.), éditions Calmann-lévy, Paris, 2003, pp
78-79
26) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit
européen des dispositions internationales de lutte contre le terrorisme
», in RGDIP 2004, p.474
27) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur
l'équilibre sécurité/liberté dans l'espace
pénal européen », op cit., p.169
28) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit
européen des dispositions internationales de lutte contre le terrorisme
», op cit., p.476
29) Résolution 1373 (2001) adoptée par le Conseil
de sécurité le 28 septembre 2001 à sa 4385e
séance
Un tel texte n'existe pas au niveau international en
raison de l'absence d'une définition de la
notion de terrorisme international.
Cette lacune au niveau international a été
d'une certaine façon comblée par le Conseil de
l'Europe.
L'histoire moderne du continent européen est
marquée par les efforts constants en matière de lutte
contre le terrorisme.
Le Conseil de l'Europe, se trouvant confronté
à ce problème, a développé des
mécanismes juridiques destinés à encadrer l'action des
Etats membres (30).
C'est ainsi que le 15 juillet 2002, le Conseil de l'Europe a
adopté les « lignes directrices sur les droits de l'homme et la
lutte contre le terrorisme » (31).
Dans le préambule de ce texte, le Conseil de l'Europe
affirme qu'il reste convaincu qu'une lutte efficace contre le terrorisme est
possible dans le plein respect des droits de l'homme.
La volonté de défendre et de promouvoir la
liberté et la démocratie imprègne tout le statut du
Conseil de l'Europe.
Selon le Préambule du statut, les Etats signataires
sont « inébranlablement attachés aux valeurs morales et
spirituelles qui sont à l'origine des principes de
liberté individuelle, de liberté politique et de
prééminence du Droit, sur lesquels se fonde toute
démocratie véritable ».
L'article 3 du statut précise que « tout membre du
Conseil de l'Europe reconnaît le principe de prééminence du
Droit et le principe en vertu duquel toute personne placée doit jouir
des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
La création du Conseil de l'Europe a été
l'occasion, d'une avancée spectaculaire dans la garantie internationale
des droits de l'homme.
En adoptant ses lignes directrices, le Conseil de
l'Europe réaffirme le rôle précurseur qu'il a
toujours joué dans la promotion et la protection des droits de
l'homme.
Les lignes directrices sur les droits de l'homme
soulignent une fois de plus l'attachement des Etats européens
à « un patrimoine commun d'idéal et de traditions
politiques, de respect de la liberté et de la prééminence
du droit ».Elles réaffirme que le maintient des libertés
fondamentales repose sur « une conception commune et un commun respect des
droits de l'homme. » (32)
Les lignes directrices sur les droits de l'homme et la
lutte contre le terrorisme réaffirment l'obligation, pour les Etats,
de protéger la vie des personnes contre le terrorisme.
Afin de remplir cet objectif, l'Etat peut recourir à la
force pour faire respecter le droit à la vie des
personnes relevant de sa juridiction.
30) Doucet (G), « Terrorisme : Recherche de
définition où dérive liberticide ? », in SOS
ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale
internationale, Doucet (G) (dir.), op cit., p.399
31) Texte disponible sur le site du Conseil de l'Europe :
www.coe.int/T/FCommunication_et_Recherche/Presse/Dossiers_thématiques/Terrorisme/
CM_LignesDirectrices_20020628.asp
32) Sudre (F), Droit européen et international des droits
de l'homme, Presses Universitaires de France, Paris, 7e
édition, 2005, p.133
La Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales,
élaborée immédiatement après la
constitution du Conseil de l'Europe, est la réalisation la plus connue
de l'organisation internationale.
Signée à Rome le 4 novembre 1950 par les Etats
membres du Conseil de l'Europe et entrée en vigueur le 3 septembre 1953,
la Convention européenne des droits de l'homme ne se réduit pas
à une simple énonciation des droits et libertés.
La Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme institue un mécanisme international unique de
contrôle du respect par les Etats parties des droits
énoncés.
Elle le fait par le biais d'une part des organes supranationaux
de contrôle, et la reconnaissance pour les particuliers d'un droit de
recours devant ces mêmes organes de contrôle d'autre part.
La mise en place d'un système supranational
« juridictionnalisé » de contrôle, accessible aux
particuliers, constitue sans nul doute l'une des innovations les plus
remarquables du droit européen et fait de la Convention
européenne des droits de l'homme le mécanisme le plus
achevé
de protection internationale des droits de l'homme (33).
En application de l'article 1 de la Convention, l'Etat
contractant reconnaît les droits et libertés définies dans
celle-ci à toute personne se trouvant sous sa juridiction.
Cela signifie que les Etats doivent assurer le respect des droits
garantis par la Convention, et le premier de ces droits est le droit à
la vie.
L'article 2 de la Convention européenne des droits
de l'homme est très clair sur ce sujet, il affirme en substance
que les Etats ont l'obligation de protéger la vie des personnes (1).
Cependant il précise également que la mort n'est
pas considérée comme infligée en violation de
cet article dans les cas où elle résulterait d'un
recours à la force rendu absolument nécessaire (2). Aucune
protection internationale des droits de l'homme ne peut être
sérieusement mise en oeuvre
si elle ne s'accompagne pas de mécanismes juridictionnels
appropriés.
L'analyse du droit international des droits de l'homme
conduit alors à constater que des deux mécanismes
régionaux les plus pertinents en matière des droits de
l'homme (américain et européen), la Convention
européenne des droits de l'homme fournit le mécanisme le
plus perfectionné (34)
Par conséquent l'accent sera mis sur les
dispositions de cette dernière et sur la pratique
jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de
l'homme.
33) Renout (H), Institutions européennes, Paradigme,
Orléans, 7e édition, 2004, P.85
34) Sudre (F), Droit européen et international des droits
de l'homme, op cit., p.14
1) L'obligation de protéger la vie des personnes
Le droit à la vie est le premier des droits de l'homme, il
est : « la valeur suprême dans l'échelle
des droits de l'homme au plan international. » (35).
Il est proclamé par tous les instruments
internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme
(36).
La cour européenne des droits de l'homme, après
avoir affirmé que le droit à la vie est l'une des valeurs
fondamentales des sociétés démocratiques, a
souligné le caractère sacré de la vie
protégé
par l'article 2 de la Convention européenne des droits de
l'homme (37).
Le respect du droit à la vie est la condition
nécessaire à l'exercice de tous les autres droits, il doit
être protégé par la loi.
Cela implique que l'Etat à l'obligation, non
seulement de s'abstenir de donner la mort intentionnellement, mais aussi
de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie.
Cette obligation de prendre des mesures d'ordre pratique pour
« protéger l'individu dont la vie
est menacée par les agissements criminels d'autrui
» (38), a pris un caractère impératif avec la
montée en puissance du terrorisme international.
La cour européenne des droits de l'homme à
eu l'occasion de se prononcer sur le contenu de cette obligation de
l'Etat de prendre des mesures nécessaires à la protection de la
vie dans l'arrêt Osman c/ Royaume-Uni du 28 octobre 1998.
Dans cette affaire les requérants affirmaient qu'en
ne prenant pas les mesures nécessaires et appropriées pour
protéger la vie du second requérant et celle de son père,
M. Ali Osman, contre
le danger réel et connu que représentait M. Paget
Lewis, les autorités avaient failli à l'obligation positive
consacré par l'article 2.
La cour note que la première phrase de l'article 2, §
1 astreint l'Etat non seulement à s'abstenir
de provoquer la mort de manière volontaire et
irrégulière, mais aussi de prendre des mesures
nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de
sa juridiction.
35) cour européenne des droits de l'homme, Streletz,
Kessler et Kenz c/ Allemagne (paragraphe 87), in Annuaire de la Convention
européenne
des droits de l'homme (2001), p.82
36) L'article 3 de la Déclaration universelle des droits
de l'homme, l'article 6 du Pacte international relatifs aux droits civils et
politiques, L'article 2 de la Convention européenne des droits de
l'homme, les articles 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples,
et de la Convention américaine des droits de l'homme.
37) Lambert (P), « La protection des droits intangibles
dans les situations de conflit armé », in Revue Trimestrielle
des Droits de l'Homme, n°
42, 1er avril 2000, pp 250-251.
38) CEDH, « Osman c Royaume-Uni » du 28
octobre1998 (paragraphe 115), in Journal de Droit International,
Chronique de Tavernier (P),
1999, P.269
Nul ne conteste que l'obligation de l'Etat à cet
égard, va au-delà du devoir primordial d'assurer
le droit à la vie en mettant en place une
législation pénale concrète dissuadant de commettre des
atteintes contre la personne.
Cette législation devra s'appuyer sur un
mécanisme d'application conçu pour en prévenir,
réprimer et sanctionner les violations.
Dans cette affaire c'est la question de l'étendue de
cette obligation qui posait problème.
« Pour la cour, et sans perdre de vue les difficultés
pour la police d'exercer ses fonctions dans les sociétés
contemporaines, ni l'imprévisibilité du comportement humain ni
les choix opérationnels
à faire en termes de ressources, il faut
interpréter cette obligation de manière à ne pas imposer
aux autorités un fardeau insupportable ou excessif.
Dès lors, toute menace présumée contre
la vie n'oblige pas les autorités, au regard de la
Convention, à prendre des mesures concrètes pour en
prévenir la réalisation.
Une autre considération pertinente, est la
nécessité de s'assurer que la police exerce son pouvoir
de juguler et de prévenir la criminalité en
respectant pleinement les voies légales et autres garanties qui
limitent légitimement l'étendue de ses actes d'investigations
criminels. » (39)
Au cours de l'arrêt « Osman c/ Royaume-Uni
», la Cour a eu l'occasion de définir avec précision
l'étendue de cette obligation positive de l'Etat.
Il était important que la Cour clarifie le contenu de
cette obligation positive de manière à ne pas faire peser sur les
Etats un fardeau insupportable et excessif.
Depuis la fin de la guerre froide, les Etats sont aujourd'hui
confrontés à de nouvelles menaces, le terrorisme est l'une des
plus redoutables d'entre elles.
Dans la lutte qu'ils mènent contre le terrorisme, ils
doivent respecter les droits de l'homme, à commencer par le premier
d'entre eux : le droit à la vie.
Respecter le droit à la vie dans la lutte contre le
terrorisme implique non seulement de ne pas donner la mort intentionnellement
(obligation négative) et arbitrairement, mais aussi de prendre
des mesures nécessaires pour prévenir les atteintes
à la vie (obligation positive).
Imposer à l'Etat une obligation de
résultat dans la prise de mesures nécessaires
destinées à protéger l'individu contre les
agissements criminels d'autrui entraînerait deux conséquences
désastreuses.
39) CEDH, « Osman c/ Royaume-Uni » du 28
octobre 1998 (§ 116), op cit., p. 269
La première conséquence serait un affaiblissement
de l'Etat dans sa lutte contre le terrorisme.
En effet, si à chaque attentat terroriste l'Etat est
perpétuellement condamné par les juridictions assurant la
protection des droits de l'homme pour ne pas avoir pris des mesures
nécessaires afin
de protéger la vie des personnes, cela conduirait à
affaiblir sa position dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme.
Ces condamnations perpétuelles auront pour
seconde conséquence d'entraîner un « repli
sécuritaire » des Etats.
Ces derniers seront alors amenés afin de
prévenir les attentats à prendre des mesures qui
violeraient gravement les droits de l'homme.
La cour européenne des droits de l'homme l'a bien compris
et a posé un principe clair et précis sur le contenu et
l'étendu de cette obligation.
La cour a estimé que, celui qui allègue que
l'Etat a failli à son obligation positive de protéger le droit
à la vie dans le cadre de son devoir de prévenir et
de réprimer les atteintes contre la personne doit apporter une
double preuve.
Il lui faut d'abord prouver que les autorités savaient
(où auraient dû savoir) sur le moment qu'un
où plusieurs individus étaient menacés, de
manière réelle et immédiate dans leur vie, du fait d'un
tiers.
Il lui faut prouver ensuite, que les autorités n'ont pas
pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d'un point de vue
raisonnable, auraient sans doute pallié ce risque (40).
L'arrêt « Osman c/ Royaume-Uni »
est véritablement un arrêt de principe en
matière de lutte contre la criminalité et de respect du droit
à la vie, en ce qu'il consacre l'obligation positive de protection parmi
les obligations de moyens et non parmi celles de résultats.
En veillant à ne pas imposer un fardeau excessif aux
Etats, la Cour tient compte des difficultés
des fonctions policières, de
l'imprévisibilité du comportement humain ainsi que des
choix opérationnels à faire en terme de priorités et de
ressources.
Le réalisme de la Cour va permettre à l'Etat de
pouvoir lutter contre la criminalité en général, contre le
terrorisme en particulier tout en respectant le droit à la vie, dans ce
domaine la Cour opère un contrôle strict.
Avant la jurisprudence « Osman », la
commission européenne des droits de l'homme s'était
déjà prononcée sur la question dans deux arrêts de
moindre importance que l'arrêt « Osman », mais
qui méritent cependant d'être cités.
Il s'agit de la décision du 20 juillet 1973 « X.
c/ Irlande » et de celle du 28 février 1983 «
Mme
W. c/ Royaume-Uni »
40) Andriantsimbazovina (J), Gouttenoire (A), Levinet (M),
Marguénaud (J-P), Sudre (F), Les Grands arrêts de la Cour
européenne des droits de
l'homme (Thémis), PUF, Paris, 2e
édition, 2004, P.95-96
Dans la décision « X. c/ l'Irlande »,
le requérant se plaignait de ce que sa vie étant en grand
danger en Irlande, les autorités irlandaises avaient
refusé de continuer à lui accorder la protection d'un garde du
corps. Il alléguait que ce refus constituait une violation de
l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Il est certain qu'aux termes de l'article 2, le droit de toute
personne à la vie est protégé par la loi. Mais le
requérant ne prétendait pas, fût-ce implicitement, qu'il
n'existait en Irlande aucune loi protégeant le droit à la
vie ; il se plaignait simplement qu'on lui avait refusé les
services permanents d'un garde du corps.
La Commission a estimé que l'article 2 ne saurait
être interprété comme obligeant un Etat à
accorder une protection de cette nature, du moins en tout cas sur une
période indéfinie (41).
Dans deux requêtes séparées,
dirigées l'une contre la Royaume-Uni et l'autre contre la
République d'Irlande, la requérante Mme W. se plaignait
d'une violation de l'article 2 de la Convention en raison de ce que son
mari et son frère avaient été assassinés par des
commandos
de l'Irish Republican Army (l'IRA), respectivement en
République d'Irlande et en Irlande du
Nord.
La requête dirigée contre le Royaume-Uni tendait
à faire dire à la Commission que l'engagement
des Etats parties à protéger le droit à
la vie, exigerait l'adoption de « mesures préventives telles que le
déploiement de ses forces armées comme il paraît
nécessaire pour protéger les personnes considérées
comme menacées par des attaques terroristes ».
La Commission écarta la requête comme
manifestement mal fondée, la motivation de son raisonnement
comporte deux phases.
Elle refusa d'abord de se prononcer sur «
l'opportunité et l'efficacité des mesures prises par le
Royaume-Uni pour combattre le terrorisme en Irlande du Nord
».
Elle se borna à juger ensuite, qu'elle « ne saurait
dire que le Royaume-Uni était tenu, aux termes
de la Convention, de protéger le frère de la
requérante par des mesures autres que celles prises
par les autorités pour protéger la vie des
habitants d'Irlande du Nord contre les attentats terroristes »
(42).
Cette conception de la Cour européenne des droits
de l'homme s'agissant de l'étendue de l'obligation de protection
par la prise de mesures préventives, permet de prendre en compte la
spécificité de la lutte contre le terrorisme.
41) Commission européenne des droits de l'homme,
requête n° 6040/73, X. c/ l'Irlande, décision du 20
juillet 1973, in
ACEDH (1973), volume 16, p.393.
42) De Schutter (O), « La Convention européenne
des droits de l'homme à l'épreuve de la lutte contre le
terrorisme », in Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux,
op cit., p.88
En effet comme le rappelait le professeur américain Wilcox
au lendemain des attentats du 11
septembre 2001, « Citizens and politicians must accept
the grim reality that while we can do more to prevent further
catastrophes, terrorism in open societies can never be eliminated »
(43).
Dans une démocratie respectueuse des libertés
fondamentales, le risque nul n'existe pas et c'est précisément le
sens de la prise de position de la Cour européenne des droits de
l'homme.
Lorsqu'elle note que l'obligation des autorités d'un
Etat, partie à la Convention, de prendre des mesures visant à
prévenir les atteintes à la vie des personnes ne saurait
constituer une exigence illimitée, elle fait preuve de bon sens.
C'est en effet la nature même de cette obligation
(obligation de prévention) qui fait qu'il en soit ainsi.
La responsabilité de l'Etat n'est pas engagée
uniquement parce que l'évènement qu'il fallait
prévenir s'est produit.
Il faut en outre démontrer que l'Etat aurait pu prendre
certaines mesures adéquates à empêcher la survenance de
l'événement sans que cela ne lui impose un fardeau excessif (44),
et sans que cela
ne l'amène à violer les droits fondamentaux qu'il
est tenu de respecter.
Cette précision apportée par la Cour
européenne permettra aux Etats de lutter contre le terrorisme
et de respecter le droit à la vie.
L'avantage de cette position de la Cour européenne des
droits de l'homme, est qu'elle permet de concilier l'obligation de
prévention contenue dans l'article 2 de la Convention européenne
des droits de l'homme avec l'obligation de respecter les droits de l'homme.
Ces deux obligations sont parfaitement conciliables et
ceci quelles que puissent être les circonstances.
Les Etats ne peuvent affirmer qu'il est possible de violer les
droits fondamentaux en général, et le droit à la vie en
particulier afin d'assurer l'obligation de prévention.
En effet, au regard de la jurisprudence de la cour, l'Etat
n'est tenu de combattre le terrorisme (et ainsi de protéger le droit
à la vie des personnes relevant de sa juridiction), que dans la mesure
où cela demeure compatible avec l'obligation qui lui est imposée
de respecter les droits et libertés
des citoyens.
L'obligation de prévention ne s'étend pas au
point de contraindre l'Etat à violer son obligation de respecter les
droits de ces personnes, puisque la première obligation trouve dans la
seconde sa limite.
L'Etat doit respecter les droits et libertés, et c'est
uniquement dans la mesure où cela demeure compatible avec cette
obligation de respect, qu'il est en outre tenu de protéger la
vie des personnes. Afin de remplir cette obligation, l'Etat peut avoir
« recours à la force publique meurtrière »
(45).
2) Le recours à la force meurtrière, une
limitation nécessaire du droit à la vie
L'importance de l'article 2 de la Convention n'exclut pas la
possibilité d'atteintes au droit à la
vie.
L'article 2 § 2 de la Convention contient une
clause d'exception, qui ne figure pas dans les conventions
générales.
« La mort n'est pas considérée comme
infligée en violation de cet article dans le cas où
elle résulterait d'un recours à la force rendu nécessaire
:
a) pour assurer la défense de toute personne contre la
violence illégale ;
b) pour effectuer une arrestation irrégulière
ou pour empêcher l'évasion d'une personne
régulièrement détenue ;
c) pour réprimer, conformément à la loi,
une émeute ou une insurrection. »
La Convention européenne est le seul texte international
à envisager de manière réaliste le statut
du droit à la vie.
En effet, tout en reconnaissant à ce dernier un
statut de droit insusceptible de faire l'objet de restrictions, la
Convention fait sortir du champ d'application du droit à la vie les cas
où la mort résulterait « d'un recours à la force
rendu absolument nécessaire ».
Il paraissait, en effet, impossible de ne pas prévoir
cette hypothèse dans un monde de plus en plus caractérisé
par la montée extrême de la violence et dont le
terrorisme constitue l'une des manifestations les plus extrêmes.
La lutte contre le terrorisme, ce déchaînement de
violence qui porte atteinte au droit à la vie ne pourra se faire que si
l'on accepte de limiter, sous certaines conditions, le droit à la
vie.
Afin de concilier la lutte contre le terrorisme avec
le respect des droits de l'homme, il était nécessaire que
les juridictions internationales chargées de la défense
des droits de l'homme fassent preuve de réalisme.
Respecter les droits de l'homme c'est d'abord permettre qu'il ne
soit pas porté atteinte au droit à
la vie car l'idée qui est au coeur même des
droits de l'homme, c'est que rien ne doit porter atteinte à la
vie humaine (46).
43) Wilcox (C), «The Terror», in The New York
Review of Books, vol. XLVIII, n°16, 19 september 2001, p. 4
44) Sur la notion de « fardeau excessif » voir
l'opinion dissidente du juge Gölcüklü dans l'arrêt
« Kiliç c/Turquie » du 28 mars 2000, disponible sur
le site de La cour européenne des droits de l'homme
http://cmisjp.echr.coe.int/
45) Sudre (F), Droit européen et international des droits
de l'homme, op cit., p. 272
46) Rapport du Haut-Commissaire présenté
conformément à la résolution 48/141 de l'Assemblée
Générale « Droits de l'homme : un cadre
fédérateur », documents des Nations Unies E/CN.4/2002/18 au
27 février 2002, § 5.
Comment protéger le droit à la vie face à
des terroristes, des moudjahidin (47), qui sont prêts à
commettre des attentats suicides pour faire le plus de victimes
possible, si on ne supprime pas la vie de ces êtres qui de toute
façon sont prêts à mourir pour tuer (48).
Face à des hommes qui utilisent leur vie pour supprimer le
droit à la vie de centaines d'innocents
les Etats apparaissent désemparés et n'ont
parfois d'autres solutions que d'avoir recours à la force
publique meurtrière pour empêcher les terroristes de tuer. Ils
doivent supprimer la vie pour préserver celles des innocents.
La cour autorise le recours à la force, cependant
elle entoure son exercice au respect de deux conditions cumulatives.
La clause de l'article 2 § 2 est
d'interprétation restrictive, le recours à la force doit
être strictement proportionnée à la réalisation
du but autorisé (a). Les agents de l'Etat ne peuvent
procéder à des homicides arbitraires car cela constituerait des
exécutions extrajudiciaires.
Cette interdiction faite aux agents serait inefficace s'il
n'existait pas de procédure permettant de contrôler la
légalité du recours à la force meurtrière par les
autorités de l'Etat (b).
a) L'obligationde proportionnalitédu
recours à laforce meurtrière
En application du principe de la légitime défense,
lorsque que l'on se trouve en présence d'une
impérieuse nécessitée d'assurer la
défense d'une personne contre la violence illégale, le recours
à
la force meurtrière est autorisé par la cour.
La cour conditionne l'autorisation du recours à la
force au respect d'une obligation de proportionnalité.
L'usage de la force doit être strictement
proportionné au but autorisé.
La proportionnalité s'apprécie, selon la
cour, en fonction de la nature du but recherché, du danger
pour les vies humaines et de l'ampleur du risque que la force
employée fasse des victimes.
La doctrine s'est efforcée de limiter la portée de
cette disposition en soulignant que « l'utilisation
des armes pour opérer une arrestation ou
prévenir une évasion ne doit jamais procéder d'une
intention de tuer. La mort ne peut être que la conséquence
involontaire de cette utilisation » (49).
47) « Combattants de Dieu », surnom donnée aux
combattants de l'Islam qui, mourant pour Dieu, accèdent au «
paradis ».
48) Gubert (R), Le terrorisme international, la guerre des temps
modernes (Les Essentiels Milan), éditions Milan, Toulouse, 2005,
p.36
49) Guillaume (G), « L'article 2 », in La
Convention européenne des droits de l'homme commentaire articles par
articles, Decaux (E), Pettiti (L- E), Imbert (P-H) (dir.), Economica, Paris,
2e édition, 1999, p.151-152.
La cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion
de se prononcer avec précision sur le
contenu de l'obligation de proportionnalité dans une
célèbre décision rendue en 1995, il s'agit de
l'arrêt «McCann et autres c/ Royaume-Uni » du 27
septembre 1995 (50).
A l'origine de cette affaire se trouve une requête
introduite devant la Commission européenne
des droits de l'homme, en août 1991, par trois
citoyens britanniques et irlandais, Madame
Margaret McCann, Monsieur Daniel Farrell et Monsieur John
Savage.
Ces derniers sont des parents de monsieur Daniel McCann,
mademoiselle Mairead Farrell et de monsieur Sean Savage qui, le 6 mars 1988,
ont été tués par balles à Gibraltar par des membres
du Special Air Service (régiment de l'armée
britannique).
Avant le 4 mars 1988, les autorités
britanniques, espagnoles et gibraltariennes avaient connaissance de ce
que L'IRA projetait un attentat terroriste à Gibraltar.
Ce jour là, on signala, qu'une unité de l'IRA avait
été repérée à Malaga en Espagne. A la date
du
5 mars, les autorités gibraltariennes et
britanniques disposaient de renseignements donnant à penser que
l'unité de l'IRA (qui avait été identifiée)
commettrait un attentat au moyen d'une voiture piégée qui
serait probablement télécommandée.
On envisageait d'arrêter les membres de
l'unité une fois qu'ils auraient introduit la voiture
à
Gibraltar, ce qui permettrait de réunir des preuves en vue
d'un procès ultérieur.
Toutefois, on considérait les membres de l'unité
comme de dangereux terroristes qui seraient très probablement
armés et qui, s'ils se heurtaient aux forces de sécurité,
seraient prêt à faire usage de leurs armes où à
faire exploser la bombe.
Monsieur Sean Savage fût aperçu dans
l'après-midi du 6 mars 1988 en train de garer une voiture
à Gibraltar.
On le vit plus tard, en compagnie de monsieur McCann et de
mademoiselle Farrell, observant l'endroit où la voiture était
garée.
Après qu'ils se furent tous éloignés
du véhicule, un artificier déclara, au terme d'un examen
hâtif, qu'il pourrait s'agir d'une voiture piégée.
On décida alors d'arrêter les trois suspects. Les
agents du SAS, en civil, se tenaient à proximité dans cette
perspective.
Le contrôle de l'opération fut confié
à leur commandant par le préfet de police de Gibraltar. Monsieur
McCann et Mademoiselle Farrell se séparèrent de Monsieur
Savage. Deux des
militaires les suivirent.
50) CEDH, « Affaire McCann et autres c/ Royaume-Uni
» du 27 septembre 1995, in ACEDH, n°38, 1995, pp. 308 à
314
Lorsque McCann se retourna, l'un d'eux dégaina et lui
intima l'ordre de s'arrêter. McCann porta
la main sur le côté, Farrell fit un brusque
mouvement en direction de son sac.
Pensant qu'ils appuyaient sur des
télécommandes pour faire sauter la voiture
piégée, les militaires tirèrent plusieurs fois à
bout portant, tuant les deux suspects.
Monsieur Savage était suivi par deux autres
militaires. Lorsque éclata la fusillade qui tua
McCann et Farrell, il pivota brusquement pour faire face à
ses poursuivants. L'un de ceux-ci lui ordonna de s'arrêter et
dégaina.
Savage avança la main vers la hanche. Craignant qu'il ne
cherchât à atteindre une télécommande,
les militaires tirèrent plusieurs fois à bout
portant, il fût tué.
On ne trouva sur les corps des suspects ni armes ni
détonateur. La voiture se révéla ne contenir ni engin
explosif, ni bombe.
Toutefois, un autre véhicule, découvert
ultérieurement par la police espagnole à Marbella refermait
un engin explosif, au milieu de 200 cartouches, avec deux minuteries.
Mademoiselle Farrell avait louée cette voiture sous un
faux nom.
Le 6 septembre 1988, le coroner de Gibraltar ouvrit une
enquête judiciaire sur les fusillades.
Cette enquête révéla d'une part que
mademoiselle Farrell avait reçu huit balles dont cinq à la
tête alors qu'elle faisait face aux tireurs, tandis que monsieur McCann
avait été frappé par cinq balles
et monsieur Savage par seize balles, étant
précisé que les trois suspects étaient presque à
terre lorsque certaines balles les avaient touchés (51).
Le 30 septembre 1988, le jury rendit un verdict concluant
à la légalité des homicides.
Mécontents de ces verdicts, les requérants
engagèrent le 1er mars 1990, devant la Haute cour de
Justice d'Irlande du Nord des actions contre le Ministère
de la Défense.
Le ministre des Affaires étrangères
délivra toutefois des attestations excluant toutes instances
contre l'Etat.
Les requérants demandèrent en vain l'autorisation
de solliciter le contrôle judiciaire de la légalité des
attestations.
Leurs actions furent définitivement rayées
du rôle le 4 octobre 1991. Dans leur requête à la
Commission, les requérants se plaignent de ce que la mort par balles des
trois suspects constitue une violation de l'article 2 qui protège le
droit à la vie.
Saisie de la requête le 4 août 1991, la Commission
à adopté le 4 mars 1994 un rapport établissant
les faits et à déféré l'affaire
à la Cour le 20 mai 1994.
51) Pettiti (L-E), « Affaire McCann et autres
», in Revue des Sciences Criminelles n°1, janvier-mars 1996,
p.185
C'est à l'occasion de cette affaire que la Cour eut
l'occasion de se prononcer pour la première
fois sur la question du recours à la force dans le cadre
du droit à la vie.
Les requéraient soutenaient que les homicides
résultaient de l'incompétence et de la négligence avec
lesquelles avait été préparée et menée
l'opération anti-terroriste visant à arrêter les
suspects.
A ce titre la cour, a tout d'abord souligné « le
cruel dilemme »devant lequel se sont trouvées les autorités
britanniques.
D'une part, elles avaient le devoir de protéger la vie des
habitants de Gibraltar.
D'autre part, en vertu de leurs obligations
découlant du droit interne et international, elles devaient
réduire au minimum le recours à la force meurtrière contre
les personnes soupçonnées
de créer cette menace.
Ensuite, tenant compte de certains facteurs spécifiques du
cas d'espèce (tels que la personnalité
et les activités antérieures des suspect,
l'impossibilité de connaître clairement la totalité des
faits
qui se préparaient), la Cour a précisé
quelles seront les conditions qui devaient être réunies en
l'espèce pour que l'on puisse conclure à une violation de
l'article 2.
La cour, a affirmé, qu'elle devait, pour déterminer
si le recours à la force était compatible avec l'article 2,
examiner attentivement si le recours à la force utilisée
par les militaires était
« rigoureusement proportionné » à la
défense d'autrui contre la violence illégale.
Elle a également examiné la question de savoir
si l'opération anti-terroriste avait été
préparée et contrôlée par les autorités de
façon à réduire au minimum, autant que faire se peut le
recours à la force meurtrière.
Elle devait enfin, examiner, si les renseignements et
instructions transmis aux militaires et qui rendaient pratiquement
inévitable le recours à la force meurtrière,
ont dûment pris en considération le droit à la vie
des trois suspects (§ 194).
A la lumière des critères et principes ainsi
posés, la Cour est arrivée à la conclusion qu'eu
égard à
la décision de ne pas empêcher les suspects d'entrer
à Gibraltar et au recours automatique à la force
meurtrière lorsque les militaires ont ouvert le feu, elle n'était
pas convaincue que la mort
des trois terroristes ait résulté d'un recours
à la force rendu absolument nécessaire.
En conséquence la Cour a constaté à une
courte majorité (par dix voix contre neuf) une violation
de l'article 2.
La courte majorité qui a permis d'aboutir à une
telle conclusion et le fait que la Cour infirme les conclusions de la
Commission illustrent bien le caractère hautement sensible de la
question (52).
52) Gölcüklü (F), « Le droit à la
vie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
», in Melanges en hommage à Louis
Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.429
Le respect de l'obligation de proportionnalité est
au coeur de la notion du recours à la force
publique meurtrière prévue par l'article 2 de la
Convention.
Le non respect de l'obligation de proportionnalité permet
de savoir avec certitude s'il s'agissait
ou non d'un usage de la force rendu absolument
nécessaire pour assurer la défense d'autrui contre la
violence illégale.
Dans l'affaire « McCann et autres c/ Royaume-Uni
», la question du respect de l'obligation de proportionnalité
se posait.
En effet bien que la Cour ait reconnu le « cruel
dilemme » auxquels étaient confrontés les
autorités britanniques qui devaient protéger la vie des
gibraltariens et respecter les droits de l'homme, la Cour a conclu que le
recours à la force dans cette affaire constituait une violation de
l'article 2 de la convention.
L'absence de la part des autorités britanniques de
stratégies de rechange et la place privilégiée
qui à été faite au recours à la force
publique meurtrière sont à l'origine de cette violation du
droit
à la vie.
Les informations à la disposition des militaires
britanniques étaient des hypothèses qui ont été
présentées par leurs supérieurs comme des certitudes,
privilégiant ainsi l'usage de la force sur toutes les autres
solutions.
Le fait que les trois suspects n'étaient pas
armés et qu'ils étaient presque à terre lorsque certaines
balles les avaient touchés démontre qu'il y a eu une intention
délibérée de tuer. Les militaires britanniques ont fait un
usage disproportionné de leurs armes.
Les faits tels qui ont été rapportés par
la Commission montre que le militaire qui tua monsieur Savage lui tira neuf
balles à une distance de deux mètres visant d'abord le centre du
corps puis la tête, ne s'arrêtant que lorsque ce dernier fut «
immobile au sol et que ses mains fussent écartées
du corps » (53).
Un quatrième militaire avait entre-temps tiré six
fois (également jusqu'à complète immobilité de
la cible) contre monsieur Savage qui avait une poche droite dont
le volume l'avait inquiétée.
En admettant qu'il fallait empêcher les terroristes
d'actionner leurs bombes, on est tout de même
en droit de se poser la question suivante, est ce que l'on
à besoin de tirer neufs balles sur une personne pour «
l'immobiliser » et quatre autres alors qu'il est déjà mort
?
La réponse est non bien sur. Rien ne saurait justifier
l'usage de seize balles pour « immobiliser » une personne et de
surcroît le besoin de tirer quatre balles sur un cadavre, ce comportement
des militaires britanniques est une violation flagrante du droit à la
vie.
Il relève d'une politique qui consiste à
« tirer pour tuer » et qui est une violation claire de
la
Convention (54).
53) Pettiti (L-E), « L'affaire McCann et autres
», op cit., p.185
54) « Shoot to kill policy », politique mis en place
par les autorités britanniques pour immobiliser un terroriste
présumé
La politique de « tirer pour tuer » est une politique
que les autorités ont « emprunté » aux forces
de l'ordre israéliennes.
Selon Ian Blair, le chef de la police britannique : «
Cela ne sert à rien de tirer dans la poitrine de quelqu'un parce que
c'est probablement là que se trouve la bombe. Cela ne sert à rien
de tirer ailleurs parce que s'ils tombent, ils vont la déclencher. La
seule façon de réagir c'est de tirer dans
la tête » (55).
Ces propos inquiétants du chef de la police
britannique intervenaient alors que la police britannique venait de se
rendre coupable d'une très grave bavure au lendemain des attentats du 7
juillet 2005.
La police britannique a abattu un jeune homme dans la station de
métro de Stockwell, cet homme
fût d'abord présenté à la presse comme
étant un terroriste.
Après quelques vérifications Scotland Yard a
reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un terroriste mais d'un innocent
électricien brésilien nommé Jean-Charles de Menezes qui
vivait à Londres depuis
3 ans et qui se rendait à son travail.
Après une poursuite dans la station, il a
été abattu de sang-froid et sans sommation alors qu'il
était à terre dans le wagon d'une rame à quai.
Un témoin affirme l'avoir vu sauter dans le wagon, il
courait si vite qu'il est tombé par terre. Un policier lui a alors
tiré sept balles dans la tête.
Ce drame ne peut que bouleverser les opinions
publiques des démocraties car si l'on peut désormais tuer
sur la base d'un simple soupçon, alors ce sont les droits de
l'homme qui sont visées à la fois par les terroristes et par
ceux qui sont censés lutter contre le terrorisme.
Le plus grave c'est l'aspect désastreux sur le plan
symbolique d'une telle bavure.
En effet, cette bavure n'a pas eu lieu dans un pays
quelconque, elle a eu lieu dans le pays de l'Habeas Corpus.
Cette loi est considérée à juste titre par
la doctrine comme « l'emblème » des droits de l'homme
(56).
Cette loi, votée en 1679 par le parlement anglais pour
empêcher les détentions arbitraires, a été l'une
des premières en occident à assurer le respect des
libertés individuelles. Elle protège l'individu de
l'arbitraire des puissants et lui garantit la liberté et
l'intégrité de sa personne.
La consigne de « tirer pour tuer » données
aux forces de sécurité britanniques suscite des
inquiétudes dans ce pays qui est plus que jamais partagé entre la
lutte contre le terrorisme et le
respect d'un Habeas Corpus tricentenaire.
55) Intervention de Ian Blair au lendemain de la bavure
policière, disponible sur le site de l'Agence France Presse :
http://www.afp.com
56) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (Connaissance du Droit),
Dalloz, Paris, 4e édition, 2002, p.2
Cette politique est un véritable permis de tuer
que s'arrogent les autorités britanniques sous
prétexte de lutter contre le terrorisme.
Il est vrai que la menace auxquelles ils ont
été confrontés récemment justifie une
vigilance particulière, cependant elle ne saurait justifier ce qui
s'apparente (toute proportion gardée) à un meurtre avec
préméditation.
Avec cette bavure au pays des droits de l'homme, le Royaume-Uni
envoie un signal fort à tout ce
qui pense qu'au nom de la lutte contre le terrorisme on peut
sacrifier les droits de l'homme, ceux qui pensent que la fin justifie les
moyens.
Le paradoxe est qu'en usant de méthodes draconiennes pour
protéger la société civile, on risque
de détruire ce que l'on entend protéger : le
principe d'un Etat fondé sur la prééminence du droit,
garant de la victoire de la justice sur l'arbitraire.
La politique qui consiste à « tirer pour tuer »
et une aubaine pour tous les Etats qui se servent de
la lutte contre le terrorisme pour violer les droits de
l'homme.
Désormais dans ces Etats, le terme «
assassinats en raison des opinions politiques » n'existera plus, on
l'appellera désormais « tirer pour tuer ».
Les Etats pourront liquider les opposants gênants en
prétextant qu'ils « croyaient » qu'il s'agissait de
terroristes présumés.
Certains Etats ont déjà commencé à
réagir contre cette politique de « tirer pour tuer ».
La France, l'un des rares pays qui a une forte
tradition de respect des droits de l'homme comparable à celle du
Royaume-Uni a implicitement dénoncé cette politique qui consiste
à tirer pour tuer.
Le Premier ministre Dominique de Villepin a
profité de sa deuxième conférence de presse
mensuelle pour rassurer les français à propos du projet de loi
sur la lutte contre le terrorisme qui sera adoptée à la
rentrée.
Le Premier ministre a affirmé qu'il
n'était « pas question de rentrer dans des logiques
d'exception, ni de remettre en cause les principes fondamentaux de notre Etat
de droit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ».
« Nous sommes très soucieux de trouver le bon
équilibre entre l'exigence de sécurité et l'exigence
de liberté », a-t-il insisté.
Le chef du gouvernement a également précisé
qu' « aucune autorisation de tirer ne sera donnée aux forces de
l'ordre, hors cas de légitime défense ».
Ces propos du Premier ministre sont une allusion directe à
la politique « tirer pour tuer » adoptée
par la police britannique (57).
57) Conférence de presse du 28 juillet 2005 de Monsieur
Dominique de Villepin, disponible sur le site de l'AFP,
http://www.afp.com
Trois ans après l'affaire « McCann et
autres c/ Royaume-Uni », la Cour a eu à nouveau
l'occasion de se prononcer sur l'obligation de
proportionnalité, il s'agit de l'affaire « H.Gûleç
c. Turquie » du 27 juillet 1998 (58).
Monsieur Hüseyin Güleç, ressortissant turc, est
né en 1954. Le 4 mars 1991, une manifestation opposant les participants
aux forces de l'ordre se déroule dans la ville de Idil.
Deux personnes, dont le fils du requérant (Ahmed,
âgé de quinze ans et élève au lycée de
Idil)
trouvent la mort et douze autres sont blessées.
Le 5 avril 1991, le requérant dépose une plainte
contre X et le commandant des forces de l'ordre auprès du Procureur de
la République d'Idil.
Il allègue que son fils a été tué par
les forces de l'ordre qui ont tiré sur les manifestants pour les
disperser.
Constatant que la plainte est dirigée contre le commandant
des forces de l'ordre, le parquet se déclare incompétent le 19
avril 1991 et défère l'affaire au conseil administratif du
département
de Sirnak.
Le 18 octobre 1991, le conseil administratif rend une ordonnance
de non lieu, au motif que la mort de la victime est survenue au cours d'un
affrontement entre les manifestants et les forces
de l'ordre et qu'il s'avère impossible d'identifier
les responsables. L'ordonnance n'est pas notifiée au
requérant.
Saisi d'office, le Conseil d'Etat confirme le non-lieu le 13
novembre 1991, précisant qu'il est impossible d'engager des poursuites
contre des fonctionnaires si l'identité des responsables et leur statut
de fonctionnaires n'est pas établi.
Le 20 janvier 1993, le requérant s'enquiert de la suite
réservée à sa plainte en date du 5 avril
1991.
Par une lettre du 3 mars 1993, la préfecture de
Sirnak lui communique une copie de l'ordonnance de non-lieu et de
l'arrêt du Conseil d'Etat.
Dans sa requête du 16 mars 1993 à la Commission
européenne des droits de l'homme, monsieur
Güleç allègue que la mort de son fils a
été causée par des balles tirées par les forces de
l'ordre
au cours d'une manifestation.
Il dénonce l'impossibilité de soumettre une plainte
aux juridictions pénales, il invoque l'article
2 de la Convention.
La Commission adopte un rapport établissant les faits et
défère l'affaire à la cour.
58) Affaire « Güleç c. Turquie »
du 27 juillet 1998, in Jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme, Berger (V), Sirey, Paris, 8e
édition, 2002, p.13 à 14. Voir dans le même
sens CEDH, Affaire « Issaïeva c. Russie » (violation de
l'obligation de proportionnalité par les forces russes en
Tchétchénie), in RGDIP, Chronique de jurisprudence internationale
de Weckel (P), Tome 109 /2005/2, pp. 477 à 479.
La cour commence par constater que la manifestation litigieuse
fût loin d'être pacifique, les
dommages causés à des biens meubles et les
blessures dont souffrirent certains gendarmes en sont la preuve.
Face à des actes de violence graves affirme la cour, les
forces de l'ordre, présentes sur place en nombre insuffisant firent
appel à des renforts et deux véhicules blindés furent
utilisés.
Alors que le conducteur du Condor (le véhicule
blindé), le sous-officier Nazim Ayhan, affirme avoir ouvert le feu en
l'air, plusieurs témoins, parmi lesquels des notables locaux, ont fait
état de
tirs dirigés contre la foule.
Bien que catégoriquement niée par le gouvernement,
cette allégation trouve une base solide dans
le fait que presque tous les manifestants blessés furent
touchés aux membres inférieurs.
Ces blessures concordent parfaitement avec les ricochets
de balles à trajectoire descendante pouvant être tirées
d'une tourelle de véhicule blindé.
La cour admet que l'utilisation de la force peut se justifier
dans le cadre d'un recours à la force employé pour
réprimer une émeute ou une insurrection, cependant elle
précise qu'un équilibre doit exister entre le but et les
moyens.
Les gendarmes employèrent une arme très
puissante car ils ne disposaient apparemment ni de matraques et de
boucliers, ni de canons à eau, balles en caoutchouc ou gaz
lacrymogènes.
Cette carence est d'autant plus incompréhensible et
inacceptable que le département de Sirnak se trouve, comme le souligne
le gouvernement, dans une région soumise à l'état
d'urgence, où, à l'époque des faits, on pouvait s'attendre
à des troubles.
Quant à l'éventuelle présence de
terroristes armés parmi les manifestants, la Cour note que le
gouvernement n'a nullement étayé cette affirmation.
Tout d'abord aucun gendarme ne fût blessé par
balles, on ne releva de traces de blessures ni à l'endroit où
périt le fils du requérant, ni sur les autres lieux où se
tenait la manifestation.
Ensuite, aucune arme ou douille censée appartenir à
des membres du PKK (59), ne fût trouvée sur place.
Par ailleurs, les poursuites intentées devant la Cour
de sûreté de l'Etat de Diyarbakir contre les propriétaires
de treize fusils confisqués après les incidents et dont
les douilles avaient été recueillies par les forces de
l'ordre, se terminèrent par la relaxe des inculpés. Les
inculpés furent relaxés car ils n'avaient pas participé
aux évènements litigieux.
En conclusion, la Cour considère que la force
utilisée pour disperser les manifestants et qui causa
la mort d'Ahmet Güleç, n'était absolument pas
nécessaire au sens de l'article 2, il y a donc eu violation de cet
article.
59) Parti des travailleurs du Kurdistan. Cette organisation est
considérée comme étant une organisation terroriste par la
Turquie et les Etats-Unis.
Dans cet affaire la Cour devait logiquement aboutir à une
telle conclusion tant la violation de
l'obligation de proportionnalité était
flagrante.
En effet même s'il y avait eu des terroristes
parmi les manifestants on ne disperse pas des manifestants en tirant sur
eux, qui plus est avec un véhicule blindé.
Comme le souligne la cour, les forces de l'ordre
auraient dû avoir des canons à eau ou des bombes
lacrymogènes.
Le fait que la manifestation se déroulait dans un
endroit où l'état d'urgence avait été
décrété aurait dû leur faire prendre des
précautions.
Les forces de l'ordre ont utilisé des
moyens disproportionnés, alors qu'ils pouvaient raisonnablement
s'attendre à ce genre de manifestations à cet endroit,
ils n'ont pas prévu de solutions de rechange.
Dans cette affaire non seulement il n' y avait pas de menace
terroriste, mais à supposer qu'il y ait
eu une telle menace, les forces de l'ordre aurait pu
s'ils avaient pris des mesures préventives contrer cette menace.
Les juges de la Cour européenne des droits de
l'homme doivent non seulement prendre en compte les actes des agents de
l'Etat ayant utilisé la force pour apprécier un éventuel
abus, mais
ils doivent également opérer un contrôle des
opérations prises par le gouvernement.
Ils doivent vérifier si les précautions
prises pour organiser et contrôler l'opération sont
suffisantes.
Si ce n'est pas le cas, il y a violation manifeste de l'article 2
de la Convention européenne des droits de l'homme (60).
L'efficacité de l'obligation de
proportionnalité pour vérifier que le recours à la
force n'a pas violé le droit à la vie ne fait plus aucun
doute.
Cependant sa compatibilité avec la lutte
contre le terroriste suscite cependant quelques interrogations.
En effet ne faut-il pas à craindre qu'une application trop
rigoureuse de l'obligation de réciprocité paralyse l'action des
Etats dans leur lutte contre le terrorisme ?
La sévérité des juges de la Cour est
logique dans la mesure où le droit à la vie est
considéré comme un droit intangible.
Il n'en reste pas moins que le contrôle de
proportionnalité est très délicat en matière
de lutte contre le terrorisme, surtout qu'il aboutit en fin de
comptes à une appréciation qui est assez relative.
Une appréciation relative qui est faite par des hommes qui
peuvent se tromper.
60) Rennucci (J-F), Droit européen des droits de l'homme,
Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 3e
édition, 2002, p.91
La lutte contre le terrorisme, elle, n'est pas relative. C'est
une lutte qui est réelle et au cours de
cette lutte les forces de l'ordre, elles, n'ont pas droit
à l'erreur.
En présence d'un cas où il est difficile
de conclure à une violation du droit à la vie, il
serait souhaitable que la Cour traite ce cas avec la plus grande
précaution comme elle l'a fait dans l'affaire « Andronicou
et Constantinou c. / Chypre », du 9 octobre 1997 (61).
Toutefois, malgré le caractère relatif du
contrôle, celui-ci existe et dans l'hypothèse d'un recours
à la force qui serait disproportionné (et donc non
absolument nécessaire), la violation de l'article
2 serait caractérisée.
Outre le contrôle de proportionnalité, la Cour
opère un contrôle du respect par l'Etat des obligations
procédurales découlant de l'article 2.
b) Le Contrôledu respect
del'obligationprocédurale découlant del'article2
Dans l'arrêt « McCann et autres c/
Royaume-Uni » du 27 septembre 1995, la Cour a
affirmé
qu'il ne suffit pas qu'une loi interdise, de manière
générale, aux agents de l'Etat de procéder à des
homicides arbitraires.
Cette interdiction serait efficace, précise la cour,
« s'il n'existait pas de procédure permettant de contrôler la
légalité du recours à la force meurtrière par les
autorités de l'Etat. L'obligation de protéger le droit à
la vie qu'impose l'article 2, implique et exige de mener une forme
d'enquête efficace lorsque le recours à la force,
notamment, par des agents de l'Etat, a entraîné mort
d'hommes » (62).
Les exigences procédurales découlant de l'article 2
ont la même importance que l'obligation de proportionnalité.
En effet, pour déterminer la violation de
l'obligation de proportionnalité, il est nécessaire de
mener une enquête préalable.
La cour a eu l'occasion d'être plus précise sur
l'obligation procédurale découlant de l'article 2 de
la Convention dans l'affaire « Kaya c. / Turquie »
du 19 février 1998 (63).
Cette protection procédurale implique, selon la
cour, pour les agents de l'Etat l'obligation de rendre compte de leur
usage de la force meurtrière.
61) CEDH, Affaire « Andronicou et Constantinou c/ Chypre
» du 9 octobre 1997, in Revue Universelle des Droits de l'Homme,
Chronique de
Sudre (F), 1998, p.91.
62) CEDH, Affaire « McCann et autres c. / Royaume-Uni
» du 27 septembre 1995, op cit., (§ 161)
63) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19
février 1998, in Les Grands arrêts de la Cour européenne
des droits de l'homme, op cit., p.93
Leurs actes doivent être soumis à une forme
d'enquête indépendante et publique propre à
déterminer si le recours à la force était ou
non justifié dans les circonstances particulières d'une affaire
(64).
Examinant dans cette optique l'activité menée par
les autorités nationales, la Cour a conclu que
les autorités n'avaient pas pratiqué
d'enquête effective sur les circonstances dans lesquelles le
frère du requérant avait trouvé la mort. Il y avait donc
eu dans ce cas précis violation de l'article
2 de la Convention.
La cour a eu l'occasion de confirmer cette jurisprudence dans
l'affaire « Salman c. / Turquie » du
27 juin 2000 (65).
Le 26 février 1992, Agit Salman fait l'objet d'une
première arrestation par les policiers de la section
anti-terroriste de la direction de la sûreté d'Adana qui
enquête sur les activités du Parti
des travailleurs du Kurdistan (P.K.K).
Relâché dans les heures qui suivent son arrestation,
il déclare à son épouse et à son fils qu'il a
été soumis à des actes de torture pendant sa brève
détention.
Au cours d'une enquête menée
ultérieurement sur les activités des membres
présumées du PKK soupçonnés d'avoir
participé à une attaque contre les forces de l'ordre, la
police interpelle à nouveau Agit Salman sur son lieu de travail.
L'on ne reverra plus Agit Salman vivant. Le matin du 29 avril
1992, les agents en fonction à la direction de la sûreté,
emmènent Agit Salman à l'hôpital public d'Adana.
Le médecin de garde constate l'arrêt des fonctions
respiratoires et cardiaques et conclut au décès
de Agit Salman vingt minutes avant son arrivée à
l'hôpital.
Selon les policiers, Agit Salman souffrait de
problèmes cardiaques et, le policier chargé de la
surveillance des gardes a vue ayant signalé qu'il paraissait se sentir
mal, ils auraient décidé de l'emmener au service des urgences.
Le médecin légiste qui examine la dépouille
à l'hôpital décide de pratiquer une autopsie en vue
d'établir la cause du décès.
Le rapport d'autopsie qu'il rend le 21 mai 1992 conclut
à l'impossibilité d'établir la cause du
décès et conseille de transmettre le dossier à l'Institut
de médecine légale d'Istanbul.
Après examen du dossier, la commission de l'Institut de
médecine légale d'Istanbul conclut que, compte tenu des
faiblesses cardiaques anciennes présentes chez Agit Salman, le
décès pouvait
avoir été causé par un arrêt
cardiaque.
64) CEDH, Affaire « Kaya c. / Turquie » du 19
février 1998, op cit., (§ 87)
65) CEDH, Affaire « Salman c. Turquie » du 27
juin 2000, in RTDH, 1/07/2001, observations de M. Van Nuffel (E),
pp.845-885.
Sur la base de ce rapport, le procureur d'Adana décide de
classer le dossier.
Mais, sur recours de Behiye Salman et ensuite, du
ministre de la Justice, le dossier lui est renvoyé aux fin de
poursuites des policiers présents dans les locaux de la direction de la
sûreté lors de la détention de Agit Salman.
Par un arrêt rendu le 26 décembre 1994,
la Cour d'assises d'Adana acquitte les policiers poursuivis au
bénéfice du doute, considérant qu'il ne pouvait pas
être établit que les policiers avaient soumis Agit Salman
à des actes de torture.
Le requérant introduit alors une requête
auprès de la Commission européenne des droits de l'homme
en alléguant la violation de l'article 2 de la Convention.
Confrontant les éléments en sa possession, la
Cour considère que durant sa détention Agit
Salman a reçu un violent coup qui lui a fracturé le
sternum et a été soumis à des sévices.
La Commission est convaincue au-delà de tout
doute raisonnable, que Agit Salman a été interrogé
durant sa détention et a subi des sévices physiques d'une
particulière gravité avant son décès.
La Commission a établi son rapport et a transmis
l'affaire à la Cour européenne des droits de l'homme.
La cour a porté son examen sur la façon dont les
autorités de l'Etat ont enquêté à la suite de la
plainte du requérant pour rechercher et poursuivre les auteurs
présumés de l'homicide illicite ou
des pratiques de tortures.
En effet, a estimé la cour, lorsqu'un individu est
placé en garde à vue alors qu'il est en bonne santé et que
l'on constate son décès, il incombe à l'Etat de fournir
une explication plausible des évènements qui ont conduit au
décès.
Il est d'autant plus ainsi, ajoute la cour, que « lorsque
les évènements en cause, dans leur totalité
où pour une large part, sont connus
exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes
soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure ou
décès survenu pendant cette période donne lieu à de
fortes présomptions de fait.
Il convient en vérité de considérer que la
charge de la preuve pèse sur les autorités qui doivent, fournir
une explication satisfaisante et convaincante » (66).
La cour a rappelé que l'obligation de protéger le
droit à la vie de l'article 2 de la Convention, implique et exige de
mener une forme d'enquête effective lorsque le recours à la force
a entraîné
mort d'hommes.
66) CEDH, Affaire « Salmann c. Turquie » du 27
juin 2000 (§ 100), op cit.,
A cet égard, la Cour a souligné que l'obligation
susmentionnée ne vaut pas seulement pour les
cas où il a été établi que la mort
avait été provoquée par un agent de l'Etat.
En effet, le seul fait qu'une personne
décède alors qu'elle se trouve en garde à vue
fait automatiquement naître l'obligation procédurale
découlant de l'article 2 de mener une enquête
sur les circonstances du décès.
La cour a conclu que les autorités n'ont pas
mené d'enquête effective sur les circonstances entourant le
décès d'Agit Salman, par conséquent, elle a conclu
à une violation de l'article 2.
Cette obligation procédurale qui découle de
l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme est
fondamentale.
En effet, en l'absence d'une enquête efficace sur tout
recours à la force meurtrière par les agents
de l'Etat, il serait complètement impossible de punir les
responsables.
Si les coupables de tels actes ne sont pas punis, il n' y a
aucune garantie que des actes de ce genre ne se reproduisent. Cela
entraîne une psychose au sein de la population qui craindra pour
sa sécurité.
En outre, l'absence d'une enquête effective aurait pour
conséquence de conférer une immunité aux agents de l'Etat
qui seront désormais assuré d'une impunité totale (67).
La présence ou l'absence d'une enquête effective
sur tout recours à la force meurtrière par les agents de l'Etat
est à la base de la distinction que l'on opère entre un Etat de
droit et un Etat de police.
L'Etat de droit est un Etat dans lequel le pouvoir s'exerce dans
le cadre du droit, en se soumettant
lui-même à cet encadrement normatif. C'est
à cette seule et unique condition que l'on peut affirmer que
l'arbitraire est alors exclu du pouvoir des gouvernants.
Dans un Etat de droit, l'Etat est responsable de l'usage qu'il
fait du pouvoir. En cas d'abus dans l'exercice de pouvoir il doit rendre des
comptes.
La doctrine allemande du « Rechtsstaat » a ainsi
distingué « l'Etat de droit » de « L'Etat de police
».
L'Etat de police est un Etat qui édicte des règles
opposables à ses ressortissants, mais qui ne se soumet pas
lui-même à des règles supérieures (67).
Lorsque les forces de l'ordre mènent une
opération et que cette dernière cause la mort d'un
individu, ils doivent ouvrir une enquête afin de déterminer les
causes de ce décès.
La lutte contre le terrorisme ne doit pas faire exception
à ce principe, car cette lutte pour être
efficace doit toujours être menée dans le cadre de
l'Etat de droit (68).
66) Cretin (T), « Immunité, impunité :
rien qu'une consonne de différence ? L'immunité pénale des
Chefs d'Etat : entre coutume et évolution »,
in SOS ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité
pénale internationale, op cit., pp.479 à 480.
67) Kada (N), Lexique de droit constitutionnel, ellipses, Paris,
2004, p.44.
68) Sandoz (Y), « Guerre contre le terrorisme :
Fondements juridique et réflexion prospective », in SOS
ATTENTATS terrorisme, victimes et responsabilité pénale
internationale, op cit., pp 507 à 509.
Un Etat qui ne rendrait pas compte de l'usage de la force
effectuée par ses services perdrait la
confiance de sa population.
C'est au nom de la sauvegarde du droit à la vie des
populations que les Etats se sont engagés à lutter contre le
terrorisme, il apparaît donc logique que les Etats ne procède pas
à des exécutions arbitraires au sein de cette même
population.
Si c'était le cas, on se trouverait en présence de
deux formes de terrorisme ce serait le terrorisme qui lutterait contre le
terrorisme.
Il y aurait d'un côté le terrorisme d'Etat
qui sous prétexte de lutter contre le terrorisme confisquerait le
pouvoir et instaurerait un régime de terreur fondé sur la
répression, et de l'autre
le terrorisme de groupes d'individus qui se présenterait
comme la seule alternative à ce régime d'oppression.
Prise ainsi entre deux feux nos démocraties ne pourraient
résister à ces attaques et ce serait la fin
de l'Etat de droit et le début de l'état de nature
(69).
C'est pour cette raison que les Etats doivent être
très vigilants dans leur lutte contre le terrorisme,
car même au nom d'une lutte contre un
phénomène qui menace les fondements démocratiques de nos
sociétés, il existe des limites à ne pas franchir.
69) Jacquart (A), Petite philosophie à l'usage des
non-philosophes (Le livre de Poche), Calmann-Lévy, Paris, 1997, pp.145
à 147.
II) Les limites de la luttecontre le terrorisme
« Nous avons eu le tort de boxer selon les règles du
Marquis de Queensberry. Avec ces gens-là
(les terroristes), on ne peut pas » (70).
Ces propos inquiétants du président de la
Commission sur le renseignement de la Chambre des Représentants, le
républicain Porter Goss reflète bien l'état d'esprit dans
lequel sont plongés nos démocraties au lendemain des attentats du
11 septembre.
Ces propos résument une conception qui semble
être largement partagée, et selon laquelle le respect des
droits de l'homme serait à l'origine de la
vulnérabilité des démocraties face à la menace
terroriste.
Selon Porter Goss les attentats du 11 septembre
sanctionne une défaillance de la société
démocratique (« societal failure »),
société fondée sur la prééminence du Droit,
la liberté et le respect des droits de l'homme.
Le terrorisme a toujours constitué une menace pour
les démocraties, ses valeurs sont une négation de la
démocratie.
Avant les Attentats du 11 septembre 2001, un large consensus
existait au sein des Etats sur la prééminence du modèle
démocratique et sur l'impérieuse nécessité de
respecter les droits de l'homme et ceci quelles que puissent être les
circonstances.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, quelque chose a
changé. En effet, de plus en plus de voix s'élèvent pour
remettre en cause le modèle démocratique et pensent qu'il faut
changer les règles du jeu démocratique.
Au lendemain des attentats de Londres du 7 juillet 2005, le
Premier ministre britannique Tony
Blair s'est engagée à prendre de nouvelles mesures
plus radicales pour lutter contre le terrorisme.
« Personne ne doit douter du fait que les
règles du jeu ont changé. Les conditions de notre
sécurité nationale ont changé. Nous pouvons les
remettre en question et, si nécessaire, nous pouvons amender la
loi sur les droits de l'homme (71) », a affirmé Tony Blair (72).
Le discours de Tony Blair au lendemain des attentats du 11
septembre est des plus inquiétants.
Les mesures préconisées par le Premier
ministre britannique au lendemain des attentats du 7
juillet, marquent un virage important dans un pays où les
droits de chaque individu sont protégés par l'Habeas Corpus.
70) Crowley (J), « Sécurité et
liberté : une nouvelle donne (Triomphe des sécuritaires), in
Critique internationale n°14, janvier 2002, p.29.
71) Human Rights Act de 1998, loi britannique qui
intègre la Convention européenne des droits de l'homme dans le
droit interne anglais.
72) Discours de Tony Blair du 24 juillet 2005, disponible sur le
site de l'AFP,
http://www.afp.com
Les propos du Premier ministre britannique doivent ils être
interprétés comme le prélude à une
suspension du droit dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme ?
C'est la question que se pose les défenseurs des droits de
l'homme tant le discours du Premier ministre britannique apparaît comme
une véritable remise en cause des droits de l'homme.
Selon le Premier ministre les attentats sont la preuve qu'il est
temps de définir des exceptions à l'application courante des
droits de l'homme.
Il a en outre annoncé l'adoption d'une nouvelle
loi anti-terroriste d'ici la fin du mois de septembre, il a
précisé que si cette loi fait l'objet d'opposition parlementaire
il demanderait la modification de la loi sur les droits de l'homme (Human
Rights Act de 1998).
L'adoption de la loi « Human Rights Act »
de 1998 qui a pour objet de rendre la Convention
européenne des droits de l'homme directement applicable par les
tribunaux britanniques, représentait une formidable avancée dans
le combat pour le respect des droits de l'homme.
Le « Human Rights Act » de 1998 est une
charte des libertés individuelles qui donne une force obligatoire
à la Convention européenne des droits de l'homme dans le
droit interne anglais, écossais et nord-irlandais.
La Convention sert désormais de principe pour
l'interprétation du droit interne et permet au juge, lorsque
l'interprétation est divergente, de faire une déclaration
de non conformité qui entraîne une modification du droit
interne par le Parlement.
L'éventuelle modification de cette loi ne sera pas
sans conséquence sur la forte tradition de respect des droits de
l'homme qui caractérise le Royaume-Uni.
Les mesures annoncées par le Premier ministre au
lendemain des attentats du 7 juillet et qui seront contenues dans la
nouvelle loi anti-terroriste sont très inquiétantes,
notamment les trois mesures suivantes :
1) Le gouvernement britannique dressera une liste de sites
Internet, de librairies et de centres religieux extrémistes. Les
étrangers qui leur seront liés pourront être
expulsés sur décision
du ministre de l'intérieur.
2) Le gouvernement va étudier les
possibilités d'étendre la période de garde à
vue des suspects de terrorisme avant leur inculpation. Il va également
examiner la possibilité de mettre en place une nouvelle procédure
judiciaire qui va permettre des pré-procès.
3) Une base de données internationale doit être
mise en place par les ministères des Affaires étrangères
et de l'Intérieur pour interdire de séjour et expulser les
personnes « dont les activités ou les points de vue
constituent une menace pour la sécurité de la Grande-
Bretagne ».
Toutes ces mesures ont un point commun, elles donnent de grands
pouvoirs à l'administration
sans assortir ce pouvoir d'une quelconque
responsabilité. Pourtant il est clair qu'un grand pouvoir implique
de grandes responsabilités.
Sur quelle base légale le ministre de l'Intérieur
expulsera t-il les étrangers qui seront suspectés d'avoir un
quelconque lien avec les terroristes ?
Ces étrangers bénéficieront-ils du droit
de recours prévu par l'article 13 de la Convention
européenne des droits de l'homme ? (73).
Qui fixera la durée de la période de garde à
vue des présumés terroriste et est-il normal que de simples
suspects soient détenus par la police pour une durée
indéterminée ?
Durant les pré-procès, les
présumés terroristes auront-ils droit à un
procès équitable comme l'exige l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme ? (74).
Pour l'instant toutes ces questions fondamentales restent
sans réponse, et il semblerait que le gouvernement britannique ne
veuille pas trouver de réponses à ces questions.
En effet ces mesures qui ne mentionnent à aucun
moment les conditions dans lesquelles la responsabilité de
l'administration pourra être engagée sont de très mauvais
augures.
Elles semblent vouloir dire que désormais,
pour les britanniques, la responsabilité de l'administration
n'existe pas lorsqu'il faudra prendre des mesures pour lutter contre le
terrorisme. L'idée que tout ordre juridique véritable
suppose que les sujets de droits engagent leur responsabilité
lorsque leurs comportements portent atteinte aux droits des autres sujets de
droit,
est à la base même de la notion d'Etat de droit
(75).
Comme le dit si bien Alain Pellet : « La
responsabilité est l'un « des signes » de l'existence du droit
» (76).
Le droit est le corollaire de la responsabilité, on ne
peut définir le droit sans la responsabilité et
on ne peut définir l'Etat de droit sans le droit.
Le doyen Vedel a merveilleusement exprimé cette
idée, lorsqu'il a dit en voyant les déportés des camps de
concentration au lendemain de la deuxième guerre mondiale : « Je ne
sais toujours pas
ce qu'est le droit, mais je sais désormais ce qu'est un
Etat sans droit » (77).
73) « Toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans la présente Convention ont été violés
a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale
».
74) « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par
la loi qui décidera, (...) du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle... ».
75) Daillier (P), Pellet (A), Droit International Public, LGDJ,
Paris, 6e édition, 1999, pp. 740-741
76) Pellet (A), « La responsabilité des
dirigeants pour crime international de l'Etat quelques remarques sommaires au
point de vue du droit international », in SOS ATTENTATS Terrorisme,
victimes et responsabilité pénale internationale, op cit.,
p.403.
77) Beignier (B), Bléry (C), Manuel d'introduction au
droit, PUF, Paris, 1e édition, 2004, p.15
Le plus grave, c'est qu'une partie de la presse britannique
semblent penser que pour vaincre le
terrorisme le Royaume-Uni devrait cesser de s'inscrire dans une
tradition séculaire de respect des droits de l'homme.
Au lendemain de l'annonce par le Premier ministre britannique
des mesures anti-terroristes, le Daily Telegraph affirmait « Si Tony Blair
pense ce qu'il dit, il est en train de tirer les premiers coups de feu dans une
bataille sans doute tardive contre le monde judiciaire qui dans le passé
a agité les droits de l'homme pour terrasser la législation
anti-terroriste » (78).
Cette loi anti-terroriste britannique, si elle venait
à être adoptée telle qu'elle a été
exposée compléterait un arsenal de lois anti-terroristes dont la
compatibilité avec les droits de l'homme était déjà
plus que douteuse.
Ces lois ont défrayé la chronique au moment de
leur adoption, il s'agit de la loi « Antiterrorism, Crime and Security
Act » du 14 décembre 2001 et de la loi « The
Prevention Security Act » du 11 mars 2005.
La loi « Antiterrorism, Crime and Security Act »
de 2001 constitue une réponse législative aux attentats du
11 septembre 2001 qui ont frappé les Etats-Unis d'Amérique.
Elle fût adoptée suite au souhait, formulé
par le Conseil de sécurité des Nations unies, que tous
les Etats prennent des mesures de prévention des attentats
terroristes (79).
La loi « Antiterrorism, Crime and Security Act
» de 2001 demeure critiquée pour diverses raisons, et
avant tout pour avoir été adoptée dans l'urgence, avec peu
de temps pour débattre de son contenu.
Les dispositions de la loi de 2001 s'écartent tellement
du droit commun normalement applicable, que le Royaume-Uni a jugé
nécessaire de déroger à la Convention
européenne des droits de l'homme.
La loi antiterroriste de 2001 permet la détention
illimitée, sans inculpation, d'un étranger suspecté de
se livrer à des activités terroristes.
L'article 21 permet de l'incarcérer
indéfiniment grâce à un certificat émis par
le ministre de l'intérieur.
Cet acte est établi sur la base d'une « conviction
raisonnable » que la présence d'une personne
sur le territoire du Royaume-Uni représentait « un
risque » pour la sécurité nationale et qu'il y a
« une suspicion raisonnable » qu'elle soit un
terroriste international (80).
Les mots « conviction raisonnable », «
risque pour la sécurité nationale », «
suspicion raisonnable » montrent bien le caractère subjectif de ces
mesures.
78) Informations disponibles sur le site de l'AFP,
http://www.afp.com .
79) Résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de
sécurité de l'Onu.
80) Loi « Antiterrorism, Crime and Security Act »
de 2001, disponible sur le site du gouvernement britannique, http://
www.legislation.hmso.gov.uk/acts/acts2001.
Cette loi fait entrer l'étranger suspecté de
terrorisme par le gouvernement anglais dans un
système global de non droit. Désormais la suspicion
devient source d'incrimination au mépris du sacro saint principe de la
présomption d'innocence.
Le 22 décembre 2004, le Secrétaire
général du Conseil de l'Europe Monsieur Terry Davis, a
demandé l'abrogation immédiate de la loi antiterroriste
britannique de 2001.
« La législation antiterroriste du Royaume-Uni
doit être changée de manière urgente. Nous ne
gagnerons pas la guerre contre le terrorisme si nous minons les
fondations de nos sociétés démocratiques » a-t-il
affirmé (81).
Cette prise de position du Secrétaire
général intervient après que la Cour d'appel de la
Chambre
des Lords se soit prononcée sur la détention
illimitée, sans inculpation et sans procès d'étrangers
et d'activités terroristes.
La cour d'appel a qualifié que ses dispositions violent la
Convention européenne des droits de l'homme (82).
La loi « The Prevention of Security Act » du
11 mars 2005 est une modification de la partie IV de
« L'Antiterrorism Crime and Security Act »
du 14 décembre 2001 (83), dont les dispositions
spécifiques venaient à expiration le 14 mars 2005.
Cette loi remet en cause la notion d'Habeas Corpus.
Elle s'attaque à la séparation formelle des
pouvoirs, en donnant au ministre de l'Intérieur des
prérogatives de magistrat et réduit quasiment à
néant les droits de la défense.
Elle consacre également la primauté du
soupçon sur le fait, puisque des mesures de restrictions
de liberté, pouvant conduire à l'assignation
à résidence, pourront être imposées aux individus en
fonction de ce que le ministre de l'Intérieur pense qu'ils pourraient
faire.
Comme le dit le sociologue Jean-Claude Paye : « cette loi
tourne délibérément le dos à l'Etat de droit et
installe une nouvelle forme de régime politique » (84).
Afin de justifier cette loi lorsqu'elle était
débattue au parlement, le Premier ministre Tony Blair a brandit la
menace terroriste.
Il a affirmé : « Cette loi est réclamée
par la police et les services de sécurité. La repousser, c'est
mettre en danger la sécurité de notre pays » (85).
Personne et pas même le Premier ministre
britannique peut raisonnablement penser que
l'insécurité juridique peut garantir la
sécurité d'un Etat.
81) Propos du Secrétaire Général du Conseil
de l'Europe disponible sur le site d'information en ligne,
http://www.statewatch.org/news.
82) Résumé du jugement de la Cour d'appel de la
Chambre des Lords disponible sur le site d'information en ligne,
http://www.statewatch.org/news/dec/hol-gov-resp-164.pdf.
83) La partie IV est celle qui est relative au droit d'asile et
à l'immigration.
84) Paye (J-C), « The Prevention Security Act
Britannique du 11 mars 2005 », in RTDH n° 63/2005, p.635
85) Rassetti (J), « Blair revoit sa copie antiterroriste
», in Journal « Le Soir » du 9 mars 2005 pp 4-5.
La loi antiterroriste britannique du 11 mars 2005, autorise le
ministre de l'Intérieur britannique
d'interdire à une personne l'utilisation de son
téléphone mobile, de limiter son accès à
Internet,
de l'empêcher d'avoir des contacts avec certaines
personnes. Elle peut également l'obliger à être chez lui
à certaines heures et limiter son accès à un emploi ou
à une occupation (86).
Ces mesures pourraient éventuellement se comprendre
si elles s'appliquaient à l'endroit des personnes dont
l'appartenance à des réseaux terroristes ne fait l'ombre d'aucun
aucun doute. Malheureusement ce n'est pas le cas car ces mesures s'appliquent
aux personnes soupçonnées de participer à des
activités terroristes.
Ce qui est plus grave c'est que ces soupçons n'ont besoin
d'aucune base légale, ils se font sous
« l'inspiration » du ministre de l'Intérieur
qui n'est malheureusement pas aussi infaillible que celle du
Saint-Esprit.
Le ministre de l'Intérieur a déclaré
lorsqu'il présentait la loi antiterroriste de 2005 que : «
les mesures de contrôle peuvent être prises sur la base d'un avis
fondé par les services de sécurité qu'il y a une suspicion
raisonnable qu'un individu est ou a été concerné par le
terrorisme » (87).
Les interrogations que suscitent ce genre de propos sont
les suivantes : qu'est ce qu'une suspicion raisonnable ?
Cette « suspicion raisonnable » ne serait elle
pas en réalité une « suspicion sécuritaire
» qui conduirait à arrêter tous ceux qui ont
le tort d'avoir un faciès qui ferait « suspecter
raisonnablement » que la personne est d'origine musulmane (donc terroriste
potentiel) ?
Peut-on construire un système d'incrimination sur la base
de simples soupçons ?
Cette loi est fondamentalement contraire aux droits de
l'homme car elle remet en cause la présomption d'innocence.
En effet, raisonner en termes de soupçons reviendrait
à dire : « Monsieur nous avons décidé que vous
êtes un terroriste. Nous ne disposons pas encore des preuves, mais nous
allons les chercher.
En attendant que nous les ayons trouvé vous resterez en
détention le temps qu'il faudra ».
Ce raisonnement substitue la présomption de
culpabilité à la présomption d'innocence.
Désormais on déclarera d'abord une personne coupable et ensuite
on cherchera les preuves, alors que la logique, le bon sens, voudrait que l'on
fasse l'inverse.
Le droit pénal est un droit dont les conséquences
sont assez sérieuses pour la vie des personnes
pour que l'on s'interdise d'adopter ce genre de raisonnement.
86) Article 1 § 3 de la loi, disponible sur le site du
Ministère de l'intérieur,
http://www.homeoffice.gov.uk/docs4/terrorism_bill.pdf.
87) Propos du ministre de l'Intérieur disponible sur le
site du ministère de l'Intérieur, op cit.
La législation antiterroriste britannique compte
parmi les plus sévères des démocraties
occidentales et la compatibilité de ces dernières
avec les droits de l'homme pose de sérieux problèmes.
L'adoption d'une nouvelle loi antiterroriste en novembre 2005, si
elle se fait dans le même contexte que les précédentes
constituerait un grave danger pour les droits de l'homme.
Ce ressentiment négatif par rapport aux droits de
l'homme, ce vent de remise en cause des droits de l'homme dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme n'est pas l'apanage du
Royaume-Uni.
L'endroit où cette remise en cause se fait le plus sentir
est bien évidemment aux Etats-Unis. Avant les attentats du 11 septembre
2001, les américains étaient fiers de leur système
pénal. Grâce à une jurisprudence audacieuse tout au long du
20e siècle, les individus ont bénéficié
d'une protection juridique contre l'Etat.
Les agents du pouvoir répressif (l'administration
fédérale, les agents de police) étaient contraints de
respecter les règles constitutionnelles énoncées par la
Cour suprême fédérale.
On était jugé conformément à la
garantie de « due process of law ».
Le « due process of law » est une clause qui
est contenue dans les 5e et 14e amendements de
la Constitution fédérale de 1787.
Le 5e amendement, adopté en 1791, qui
s'applique au gouvernement fédéral prévoit notamment
:
« Nul ne sera privé de vie, de liberté
ou de propriété sans le bénéfice dues par
le droit
(without due process of law ».
Le 14e amendement, adopté en 1868, s'applique
aux Etats de l'union ; il dispose
« Aucun Etat (...) ne privera aucune personne de vie, de
liberté ou de propriété sans le bénéfice des
protections dues par le droit (without due process of Law) »
(88).
A la suite des attentats du 11 septembre, on assiste à une
redéfinition de l'équilibre qui doit exister entre la
sécurité nationale et les droits fondamentaux. Cette
redéfinition se fait au détriment de la liberté.
Après les attentats de New York, le Congrès des
Etats-Unis à très rapidement promulgué une
loi anti-terroriste importante : « The USA
Patriot Act ». Le Président des Etats-Unis et le
ministre de la justice ont eux aussi édicté une
série de décrets (Executive Orders) et de
règlements ayant pour but la répression et la prévention
du terrorisme.
88) Zoller (E), « Due process of Law et principes
généraux du droit », in Mélanges en l'honneur de
Benoît Jeanneau, Les
mutations contemporaines du droit public, Dalloz, Paris, 2002,
p.235
Ce dispositif législatif comporte de très
importantes restrictions des libertés civiques, cela ne
s'était plus produit aux Etats-Unis depuis la
deuxième guerre mondiale.
Ce dispositif a suscité de vives controverses en
raison de leurs effets sur les libertés fondamentales.
Il provoque un débat passionné aux Etats-Unis
sur l'équilibre entre droits et libertés fondamentales et
exigences de la sécurité nationale.
Ce débat est plus élaboré en Europe,
où plusieurs pays connaissent depuis longtemps le problème
du terrorisme.
Les Etats-Unis qui ont toujours été
très fiers de la primauté qu'ils accordaient à la
liberté individuelle, mais qui n'avaient jamais jusqu'alors connu
d'attentats terroristes de grande ampleur découvrent ce
débat.
La loi « Patriot Act » a été
promulguée hâtivement après un débat parlementaire
restreint. L'observation du sénateur Leahy exprime le sentiment
d'un bon nombre de sénateur, lorsqu'il affirme ;
« Despite my misgivings, I acquiesced in some of the
Administration's proposals to move
the legislation forward... I do believe that some of the
provisions... will face difficult tests in
the courts, and that we in Congress have to revisit these
issues at some time in the future when the present crisis has passed
» (89).
Cette loi de 166 pages, divisée en dix parties dont
chacune traite d'un sujet différent retreint
un certain nombre de droits fondamentaux.
Les principaux droits impliqués sont le droit au respect
de la vie privée (« privacy », surtout
au sens du 4e Amendement en permettant un
très haut niveau de surveillance des citoyens et des étrangers
avec un contrôle judiciaire minimal), le « due
process of Law » (5e Amendement) et la
liberté d'expression et d'association (1er Amendement)
(90).
La question fondamentale qui se pose lorsque l'on examine
cette loi est la suivante : « jusqu'à quel point
l'Exécutif peut-il limiter des droits et libertés sans
contrôle législatif ou judiciaire, au nom de ses pleins pouvoirs
en matière militaire et étrangère ? » 91.
La récente réélection triomphante du
Président Georges W. Bush et l'élaboration d'une nouvelle
loi qui généralise le recours aux mesures
dérogatoires, faisant ainsi de l'Etat d'exception, un Etat qui est
« exceptionnellement illimité » ne laisse rien présager
de bon (92).
Le Canada qui n'a pas voulu rester en retrait par rapport aux
mesures adoptées par son
89) Vroom (C), « Etats-Unis, Lutte contre le terrorisme
et protection des droits fondamentaux », in AIJC, XVIII-2002,
p.162.
90) Vroom (C), op cit., p.163
91) Vroom (C), op cit., p.163
92) Loi antiterroriste « Domestic Security Enhancement
Act of 2003 » ce nouveau texte est connu sous le nom de «
Patriot II »
puissant voisin, a également adopté une loi
antiterroriste (la loi C-36), qui soulève de
sérieuses inquiétudes quant à sa
compatibilité avec les exigences de respect des droits de
l'homme.
La loi antiterroriste « C-36 », vient
modifier plus d'une vingtaine de lois dont le « Code criminel
», « la Loi sur les secrets officiels », « la Loi sur la
preuve et « la Loi sur l'accès à l'information ».
La loi antiterroriste est entrée en vigueur le 24 décembre 2001
(93).
La loi antiterroriste canadienne autorise l'arrestation sans
mandat, si le policier a des motifs raisonnables de soupçonner (et non
de croire, la nuance est importante quand on connaît le caractère
hautement subjectif du soupçon) que ceci est nécessaire
pour éviter la mise en exécution d'une activité
terroriste.
Il est généralement admis que le critère
de « motifs raisonnables » vient justement limiter le critère,
beaucoup plus large et vague de « soupçons », assimilés
jusqu'ici par les tribunaux aux rumeurs, aux informations non confirmées
dont la fiabilité est douteuse.
Ces deux notions sont comme le disait Madame Lucie
Lemonde, des « antagonismes contraires » (94).
La loi « C-36 » autorise
également la tenue d'enquêtes sans mandat précis, la
détention préventive pour fin d'interrogatoire, sur la
base de simples soupçons, sans inculpation d'aucune infraction
criminelle.
Cette loi, on le voit bien, constitue une réponse
largement excessive et injustifiée aux attentats du 11 septembre.
Elle représente une grande menace pour les droit et
libertés fondamentales des personnes et elle ne semble pas être
une réponse appropriée aux attentas du 11 septembre.
Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, la liste des Etats qui
au lendemain des attentats
du 11 septembre 2001 ont adopté des lois qui
violent les droits de l'homme afin de lutter contre le terrorisme ne
cesse de s'allonger.
Le terrorisme réussira t-il à faire ce que
les deux guerres mondiales n'ont pas pu faire, à savoir
provoquer une remise en cause et peut être une négation des droits
de l'homme ?
Doit-on reprocher à nos sociétés d'avoir les
défauts de ses qualités, c'est-à-dire d'être
fondée sur la liberté ?
N'est ce pas au nom de la liberté et de la
primauté de l'homme sur la barbarie que des
millions d'hommes ont donné leurs vies pour vaincre le
nazisme ?
93) Crépeau (F), Jimenez (E), « L'impact de la
lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada
», in Lutte contre le
terrorisme et droits fondamentaux, op cit., p.249.
94) Lemonde (L), « L'impact des mesures anti-terroristes
sur les droits et libertés », in site Internet de
l'Université du Québec à
Montréal,
http://www.gric.uquam.ca.
L'humanité est arrivée à la croisée
des chemins, elle doit décider comme en 1944 s'il faut
organiser la lutte contre cette nouvelle menace que constitue le
terrorisme dans le cadre de l'Etat de droit ou si la fin justifie les
moyens.
La nature odieuse et particulièrement grave de
certains actes terroristes, ne peut servir de prétexte à un
Etat pour ne pas accomplir ses obligations internationales en matière de
droits
de l'homme. Un discours sécuritaire prédominant
encourage le sacrifice des libertés et des droits fondamentaux au nom
de la lutte contre le terrorisme.
Il n'y a aucune antinomie entre le devoir des Etats de
protéger les droits des personnes menacées par le terrorisme
et leur responsabilité de s'assurer que la protection de la
sécurité
ne sape pas les autres droits.
Au contraire, protéger les individus des actes terroristes
et respecter les droits de l'homme relèvent tous deux d'un même
système de protection incombant à l'Etat.
Les droits de l'homme laissent aux Etats une marge de
flexibilité raisonnablement large pour lutter contre le terrorisme
sans contrevenir aux obligations de ces derniers en matière de
droits de l'homme.
Lors de la 58e Session de la Commission des droits
de l'homme des Nations Unies qui s'est tenue à Genève du 18 mars
au 26 avril 2002, le Directeur Général des Droits de l'Homme au
Conseil de l'Europe, monsieur Pierre-Henri Imbert a fait la déclaration
suivante.
« Il peut être tentant de voir la lutte contre le
terrorisme comme un objectif primordial en tant que tel et auquel les
considérations de droits de l'homme doivent être
subordonnés ».
Une telle vue serait erronée et même
potentiellement dangereuse. Lors du récent débat d'urgence
au sein de notre Assemblée Parlementaire sur cette question, le
Secrétaire Général Walter Schwimmer a insisté sur
la nécessité d'éviter que les mesures anti-terroristes
sapent la démocratie et les droits de l'homme.
« Nous ne devons pas leur permettre de
réussir avec notre propre aide. La lutte contre le terrorisme ne
doit pas seulement être une lutte contre quelque chose, à savoir
le terrorisme, mais aussi une lutte pour quelque chose: le respect des droits
de l'homme.
Il est faux de penser que nous devons sacrifier la protection des
droits de l'homme en vue de combattre le terrorisme.
Les deux peuvent et doivent aller de pair car leur
objectif est de préserver et protéger les
sociétés pacifiques et démocratiques.
Concrètement cela signifie que le respect des droits de
l'homme ne doit pas être considéré comme un obstacle
à la lutte contre le terrorisme, mais comme formant partie
intégrante de
celle-ci » (95).
95) Intervention de M. Pierre-Henri Imbert, disponible sur le
site Internet des Nations Unies,
http://www.un.org/french/.
La lutte contre le terrorisme ne devrait qu'en partie être
considérée comme une question de
sécurité. C'est également une question de
valeurs.
La police, les services de renseignements, l'armée, ont
tous un rôle à jouer lorsqu'il s'agit de répondre à
des menaces terroristes particulières. Mais le terrorisme relève
aussi du domaine
de la moralité publique.
La nécessité de lutter contre le terrorisme
trouve sa limite dans le respect des droits fondamentaux (A).
Si certaines restrictions aux droits de l'homme peuvent
être admises au nom de la lutte antiterroriste, l'adoption de
mesures de dérogation est subordonnée au respect par les Etats
de certaines conditions (B).
A) Le respect des droits fondamentaux
Les droits garantis par les instruments pertinents en
matière de droits de l'homme n'ont
pas le même statut.
Cette hiérarchisation au sein des droits de l'homme a
été pour la première fois élaborée par
madame Nicole Questiaux, en sa qualité de rapporteur
spéciale de la Sous- Commission des droits de l'homme des Nations
Unies sur les états d'exception.
« Nous avons souligné que si les instruments
pertinents admettaient que certains droits puissent être
limités dans leur exercice, voire provisoirement suspendus dans certains
cas (intangibilité relative), il en existait d'autres qui
devaient être intégralement préservés même
en cas de circonstances exceptionnelles (intangibilité absolue) »
(96).
Il existe donc au sein des droits de l'homme des droits
insusceptibles de faire l'objet de restrictions (1) et des droits susceptible
de faire l'objet de restrictions (2).
96) Rapport sur les conséquences pour les droits de
l'homme des développements récents concernant les situations
dites d'état de siège
ou d'exception, doc. E/CN.4/Sub.2/1982/15, p.15.
1) Les droits insusceptibles de faire l'objet de
restrictions
Le noyau dur des droits de l'homme est très réduit
: seuls quatre droits figurent, au titre des
droits intangibles, dans les trois conventions (97).
Il s'agit du droit à la vie (98), du droit de
ne pas être soumis à la torture, ni de subir de
traitements inhumains ou dégradants (99), de l'interdiction de
l'esclavage et de la servitude (100), et du principe de la
légalité des délits et des peines (101).
Seule l'interdiction de la torture (a) et le principe de
légalité des délits et des peines (b),
mériteront une attention particulière.
a) L'interdiction d'être soumis à la
torture
L'interdiction de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants consacre,
comme l'affirme fortement la Cour européenne des
droits de l'homme dans sa décision
« Soering c. Royaume-Uni » du 7 juillet 1989,
« l'une des valeurs fondamentales des sociétés
démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe » (102).
L'article 3 de la Convention européenne des droits de
l'homme, prohibe de façon absolue la torture et les peines ou
traitements dégradants en ce qu'elle constitue une
négation de la dignité inhérente à la personne
humaine (103).
L'interdiction du recours à la torture par les Etats
constitue un droit intangible, il ne ménage aucune exception.
Le droit qu'il garantit ne peut faire l'objet ni de limitations
pour cause d'ordre public dans son exercice, ni même de
dérogations.
L'Etat ne peut suspendre la jouissance et l'exercice en
cas de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation.
Le droit de ne pas subir de torture ou de traitements inhumains
ou dégradants fait partie du noyau dur de La Convention.
Ce droit est applicable à toute personne, en tout
temps et en tous lieux. Il est l'un des éléments centraux
du « patrimoine commun » des Etats européens,
évoqué dans le Préambule
de la Convention.
97) Convention européenne des droits de l'homme,
Convention Américaine des droits de l'homme, Pacte relatives aux droits
civils et
politiques.
98) Article 6 du PIDCP, article 2 de la Conv. eur. dr. h. ,
article 4 de la CADH.
99) Article 7 du PIDCP, article 3 de la Conv. eur. dr. h. ,
article 9 de la CADH.
100) Article 8 § 1.2 du PIDCP, article 4, § 1 de la
Conv. eur. dr. h, article 6 de la CADH.
101) Article 15 du PIDCP, article 7 de la Conv. eur. dr. h. ,
article 9 de la CADH.
102) Arrêt « Soering c. Royaume-Uni » du
7 juillet 1989, Série A n° 161 § 88.
103) Article 3 : »Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
»
Les autres instruments conventionnels de protection, qu'ils
soient universels (Pacte des droits
civils et politiques du 16 décembre 1966) ou
régionaux (Convention américaine des droits de l'homme),
édictent une interdiction absolue en la matière.
Il n'y a que la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples du 28 juin 1981 qui ne distingue pas de droits intangibles parmi les
droits qu'elle énonce.
Le droit de ne pas subir de traitements contraires
à la dignité de l'homme doit donc être
considéré comme un attribut inaliénable de la
personne humaine, fondé sur les valeurs communes à tous les
patrimoines culturels et systèmes sociaux.
Les Etats ont non seulement une obligation négative de
ne pas pratiquer la torture, mais aussi une obligation positive de
protéger toute personne relevant de leur juridiction, contre une
situation où le risque d'être soumis à la torture est
grand.
La cour interaméricaine des droits de l'homme a
confirmé cette approche dans son arrêt du
29 juillet 1988 « Velasquez Rodriguez c. Honduras
».
Dans cette affaire il été question de «
disparitions forcées ».
Au cour de cette affaire la Cour a jugé que,
dans le domaine du droit à l'intégrité de la
personne (prévue par l'article 5 de la convention
américaine des droits de l'homme), la convention fait peser sur
l'Etat non seulement le devoir de ne pas violer ce droit, mais aussi
« un devoir de prévention » des violations du
droit à l'intégrité physique (104).
La lutte contre le terrorisme ne saurait justifier une quelconque
atteinte à ce droit. Le Conseil
de l'Europe l'a bien rappelé lorsqu'il a affirmé au
point IV des lignes directrices sur les droits
de l'homme et la lutte contre le terrorisme :
« Le recours à la torture ou à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants est prohibé
en termes absolus, en toutes circonstances, notamment lors de
l'arrestation, de l'interrogatoire et de la détention d'une
personne soupçonnée d'activités terroristes ou
condamnée pour de telles activités, et quels qu'aient
été les agissements dont cette personne
est soupçonnée ou pour lesquels elle a
été condamnée. (105) »
La cour a eu l'occasion de rappeler l'obligation de ne pas
déroger à l'article 3 et ceci même dans le cadre de la
lutte antiterroriste dans un arrêt du 6 avril 2000, il s'agissait de
l'affaire
« Labita c. Italie ».
104) Cohen-Jonathan (G), « cour interaméricaine
des droits de l'homme. L'arrêt Velasquez », in RGDIP, 1990,
p.455.
105) Comité des ministres du Conseil de l'Europe,
« Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le
terrorisme/ Textes de références », in RUDH, 2002,
p.239.
La cour a réaffirmé cette obligation en des termes
dénués de toute ambiguïté.
« L'article 3 de la Convention, La cour l'a dit
à maintes reprise, consacre l'une des valeurs fondamentales des
sociétés démocratiques.
Même dans les circonstances les plus difficiles,
telles la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la
Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou
traitements inhumains ou dégradants.
L'article 3 ne prévoit pas de restrictions, en
quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la
Convention et des protocoles n° 1 et 4, et d'après l'article 15
§ 2 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger
public menaçant la vie de la nation (...).
La prohibition de la torture ou des peines ou traitements
inhumains ou dégradants est absolue, quels que soient les agissements de
la victime (...).
La nature de l'infraction qui était reprochée au
requérant est donc dépourvue de pertinence pour l'examen sous
l'angle de l'article 3 » (106).
Conçu comme une réponse aux crimes abominables
du nazisme, il était tout à fait naturel que cet article fasse
l'objet d'une attention particulière de la part de la Cour
européenne des droits de l'homme (107).
La cour européenne des droits de l'homme s'est
prononcée à de multiples reprises sur la violation
de l'article 3 par les Etats, notamment dans l'affaire «
Tomasi c. France » (108) du 27 août 1992 et dans l'affaire
« Aksoy c. Turquie » du 18 décembre 1996 (109).
Citoyen français, Monsieur Félix Tomasi est
arrêté par la police le 23 mars 1983 à Bastia (Haute-
Corse).
On le soupçonne d'être impliqué dans un
assassinat et une tentative d'assassinat perpétrés le 11
février 1982 par l'ex Front de libération nationale
de la Corse.Il est placé en garde à vue jusqu'au
25 mars 1983, date à laquelle il est inculpé et
placé en détention provisoire.
Il est pour finir acquitté par la Cour
d'assises. Le requérant se plaint d'avoir subi des
sévices durant sa garde à vue. Il est examiné par
plusieurs médecins qui constatent diverses lésions
corporelles.
Dans sa requête du 10 mars 1987 à la Commission, M.
Tomasi invoque la violation de l'article 3.
Le gouvernement reconnaissait ne pouvoir donner aucune
explication sur la cause des lésions, mais affirmait qu'elles ne
résultaient pas des traitements dénoncés par M. Tomasi.
106) Affaire « Labita c. Italie » du 6 avril
2000 (§ 119), in ACEDH, pp. 142-148.
107) Sudre (F), « L'article 3 », in Convention
européenne des droits de l'homme commentaire article par article, op
cit., p.156.
108) Affaire « Tomasi c. France » du 27
août 1992, in ACEDH, n°35, 1992, pp 163-167.
109) Affaire « Aksoy c. Turquie » du 18
décembre 1996, in Berger (V), Jurisprudence de la Convention
européenne des droits de l'homme, op cit., pp 31-34.
Tel ne fût pas l'avis de la cour, qui se fonde
sur plusieurs éléments. D'abord, nul ne peut
prétendre que les traces observées sur le
corps du requérant puissent remonter à une période
antérieure à l'arrestation ou découler d'une action de
l'intéressé contre lui-même ou encore d'une tentative
d'évasion.
De plus, dès sa première comparution devant le
juge d'instruction il signala les marques qu'il portait.
En outre, quatre médecins différents
examinèrent l'accusé dans les jours qui suivirent la fin de la
garde à vue et établirent des certificats médicaux
qui contiennent des observations médicales précises et
concordantes.
Ces certificats indiquent en outre les dates de
survenance de ses blessures, lesquelles correspondent à celles
du séjour dans les locaux de la police.
Il y a des éléments sérieux, conclu la cour,
pour conférer à ce traitement un caractère inhumain et
dégradant.
Les nécessités de l'enquête et les
indéniables difficultés de la lutte contre la
criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient
conduire à limiter la protection due à l'intégrité
physique de la personne. La cour a donc conclu à
l'unanimité qu'il y avait eu violation de l'article 3.
Dans l'affaire « Aksoy c. Turquie » du 18
décembre 1996, les faits étaient les suivants.
M Zéki Aksoy, métallurgiste turc né en 1963
et vivant à Mardlin, est arrêté et placé en garde
à vue au siège de la sécurité de Kiziltepe vers la
fin de novembre 1992.
On le soupçonnait d'être un membre actif du
PKK. Il est détenu quatorze jours. D'après le
requérant, la police lui a fait subir, entre autres, une forme
de torture connue sous le nom de
« pendaison palestinienne ».
Il a été complètement
déshabillé, ses mains ont été liées dans le
dos et enfin il a été pendu par les bras. On lui aurait aussi
infligé des décharges électriques dans les parties
génitales, on lui aurait donné des coups de pied et des
gifles.
Selon lui, par suite de la pendaison il a perdu l'usage
de ses bras et de ses mains. Le gouvernement, en revanche, affirme que
les griefs du requérant sont dénués de tout fondement.
Le 8 décembre 1992, l'intéressé est
traduit devant le Procureur de Mardlin qui, après l'avoir
interrogé, ordonne sa libération.
Relâché le 10 décembre,
l'intéressé est hospitalisé le 15 décembre et
l'on diagnostique une paralysie bilatérale des avant-bras qui
nécessitait la pose d'éclisses.
Il demeure à l'hôpital jusqu'au 31 décembre,
date à laquelle il quitte l'hôpital de son propre chef.
Le 21 décembre, le procureur a prononcé le
non-lieu.
Dans sa requête du 20 mai 1993 à la Commission, M.
Aksoy allègue une violation de l'article 3
de la Convention européenne des droits de l'homme.
Le 20 avril 1994, ses représentants
informent la Commission qu'il a été tué par
balles le 16 avril.
Ils allèguent que le 14 avril, le requérant a
reçu des menaces de mort afin qu'il retire sa requête à
la Commission.
La Commission a constaté entre autres que M.
Aksoy avait été soumis à la « pendaison
palestinienne », ce qui signifie qu'on lui avait ôté tous ses
vêtements et lié les mains au dos, puis qu'on l'avait suspendu par
le bras.
D'après la cour, ce traitement ne peut avoir
été infligé que délibérément. En
effet sa réalisation exigeait une dose de préparation et
d'entraînement.
Il apparaît avoir été administré
dans le but d'obtenir du requérant des aveux ou des informations. Hormis
les graves souffrances qu'il doit avoir causées à
l'intéressé à l'époque, les preuves
médicales montrent qu'il conduit à une paralysie des deux
bras, paralysie qui mit un certain temps avant de disparaître.
Ce traitement était d'une nature tellement grave et
cruelle que l'on ne peut le qualifier que de
« torture ».La cour a donc conclu qu'il y avait eu
violation de l'article 3 (huit voix contre une).
Cette interprétation restrictive de la Cour est pleinement
justifiée par le caractère monstrueux et inhumain de la
torture.
L'interdiction de la torture ne doit souffrir d'aucune exception,
quelque soit « le caractère brûlant des enjeux en temps de
crise », selon l'expression de Patrick Wachsmann (110).
La lutte contre le terrorisme ne saurait en aucune façon
constituée une exception à ce principe fondamental.
Les brutalités policières lors d'une arrestation
(111), l'isolement prolongé (112), le fait d'incendier
des maisons d'habitation dans un village (113) sont
considérés comme des traitements inhumains
et dégradants, la lutte contre le terrorisme ne pouvant
justifier de telles pratiques. Le recours à la torture constitue un
crime de guerre selon le statut de la Cour pénale internationale
adopté le 17 juillet 1998, il est donc susceptible d'être
poursuivi sur le plan international devant cette juridiction.
Malheureusement le refus des Etats-Unis de ratifier le statut de
la Cour pénale internationale ne permettra jamais qu'une
véritable justice soit rendue aux malheureux prisonniers irakiens
torturés
ignominieusement par des militaires américains dans la
prison irakienne d'Abou Ghraïb.
110) Wachsmann (P), Les droits de l'homme (connaissance du
droit), op cit., p.62.
111) Voir CEDH, « Tomasi c France » du 27
août 1992
112) Voir CIADH, « Velasquez Rodriguez c. le Honduras
» du 29 juillet 1988
113) Voir CEDH, « Selçuk et Akser c. Turquie
» du 24 avril 1988.
B) Le principe de la légalité des
délits et des peines
« Les peines encourues par une personne accusée
d'activités terroristes doivent être prévues
par la loi pour une action ou une omission qui constituait
déjà une infraction au moment où elle a
été commise ; aucune peine plus forte que celle qui
était applicable au moment où l'infraction a
été commise ne peut être infligée » (114).
Cette ligne directrice reprend les éléments
contenus dans l'article 7 de la Convention européenne des
droits de l'homme qui consacre le principe de la
légalité des délits et des peines (115).
L'article 7 § 1 de la Convention consacre les règles
« nullum crimen sine lege » et « nulla poena sine
lege ».
Il s'agit de principes fondamentaux de droit pénal qui
sont reconnus par de nombreux pays.
La prééminence de l'article 7 est soulignée
par le fait que l'article 15 § 2 interdit de déroger à
l'article 7.
Les principes fondamentaux auxquels l'article 7 § 1 fait
allusion sont les suivants : la légalité des infractions, la non
rétroactivité des infractions, la légalité des
peines, la non rétroactivité des peines.
Ces principes s'inspirent de l'idée de
sécurité juridique des citoyens, ce qui est punissable et
les sanctions qui y sont attachées doivent être
prévisibles.
Le principe est clair, il n'y a pas d'infraction sans base
juridique. Le principe contraint le juge
à ne jamais se fonder sur l'usage ou la coutume pour
créer une incrimination.
Le citoyen doit être au courant des normes qui sont
applicables, le droit doit être accessible et prévisible.
La sécurité juridique exige que le citoyen
sache quel comportement fait l'objet d'une incrimination.
Cette exigence est mise en danger si l'incrimination n'est pas
claire. Le principe de la légalité des délits et des
peines comporte l'exigence d'une interprétation pas trop
extensive des
infractions. Le principe de légalité des
délits et des peines exclut l'interprétation par analogie.
114) Comité des Ministres du Conseil de l'Europe,
« Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le
terrorisme/Textes
références », point X, p.23.
115) « Nul ne peut être condamné pour
une action ou une omission qui, au moment où elle a été
commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou
international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte
que celle qui était applicable au moment où l'infraction a
été commise. » (article 7 § 1 de la Convention
européenne des droits de l'homme)
La cour distingue trois principes faisant parties de l'article 7
: le principe «pas d'infraction, pas
de peine sans texte légal», le
principe de la non rétroactivité pénale et
l'interdiction d'interprétation par analogie.
La cour a eu l'occasion de rappeler le caractère
fondamental du principe de la légalité des délits
et des peines lors de l'affaire « S.W et C.R c.
Royaume-Uni du 22 novembre 1995 » (116).
La cour a ainsi rappelé que :
« La garantie que consacre l'article 7,
élément essentiel de la prééminence du droit,
occupe une place primordiale dans le système de protection de la
Convention, comme l'atteste le fait que l'article 15 n'y autorise aucune
dérogation en temps de guerre ou autre danger public.
Ainsi qu'il découle de son objet et de son but, on doit
l'interpréter et l'appliquer de manière à assurer une
protection effective contre les poursuites, les condamnations et
sanctions arbitraires ».
L'article 7 § 1 pose également le principe de la
non-rétroactivité de la loi pénale au profit de la
personne concernée. Son comportement doit constituer une
infraction au moment où il a été commis.
Portalis avait souligné l'importance de ce principe
bien avant la Convention européenne des droits de l'homme lorsqu'il
avait dit :
« Le législateur ne doit point frapper sans
avertir ; s'il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel,
ne se proposerait pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les
rendre plus malheureux. » (117).
Le projet de loi antiterroriste britannique qui doit
être présenté au Parlement britannique d'ici
l'automne, s'il était adopté tel quel, porterait une
sérieuse atteinte au principe de non rétroactivité
de la loi pénale.
En effet la loi prévoit de punir l'incitation à la
haine religieuse et raciale de façon rétroactive. Au nom de la
lutte antiterroriste on ne peut restreindre les droits intangibles.
En revanche il est possible, sous certaines conditions, de
restreindre certains droits.
116) Affaire « S.W et C.R c. Royaume-Uni » du
22 novembre 1995, série A n° 335-B et 335-C, pp.41-42 et pp
68-69.
117) Larguier (J), Le droit pénal (collection Que
sais-je ?), PUF, Paris, 15e édition, 2004, p.20
2) Les droits susceptibles de faire l'objet de
restrictions
La lutte contre le terrorisme, n'est pas une lutte comme les
autres. C'est une lutte contre un
ennemi sans visage dont la barbarie est sans commune mesure.
La lâcheté et la cruauté aveugle des
terroristes font de ces derniers une menace redoutable pour notre
société.
Le terrorisme ne respecte aucune des règles de la guerre,
c'est une philosophie de l'horreur et
de la terreur qui privilégie la fin plutôt que les
moyens.
Face à de tels dangers les démocraties ne
peuvent rester insensibles, elles doivent lutter contre le terrorisme, et cette
lutte passe par la restriction de certaines libertés au nom de
l'intérêt général.
Les droits de l'homme ne doivent pas être
considérés comme des freins à la lutte contre le
terrorisme.
Au contraire, les droits de l'homme constituent le cheminement
qui doit mener à la victoire dans la lutte contre le terrorisme.
Les juridictions internationales en matière de
droits de l'homme en général et la Cour européenne
des droits de l'homme en particulier ont reconnu la
spécificité de la lutte antiterroriste.
On ne peut vouloir d'une chose et de son contraire et
si on veut que les Etats luttent efficacement contre le terrorisme, il
faut leur donner les moyens « légaux » de le faire.
Au sein des droits de l'homme, certains sont susceptibles de
faire l'objet de restrictions sous certaines conditions.
La Convention européenne des droits de l'homme l'a bien
précisé dans son article 8 § 2 :
« Il ne peut y avoir ingérence d'une
autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette
ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui, dans une société démocratique, est nécessaire
à la sécurité nationale, à la sûreté
publique, au bien-être économique, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales,
à la protection
de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui. »
Le droit à la liberté et à la
sûreté (a) et le droit au respect de la vie privée (b),
constituent des droits susceptibles de faire l'objet de restrictions.
a) Le droit à la liberté et à la
sûreté
« Toute personne a droit à la liberté et
à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa
liberté, sauf
dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s'il est détenu régulièrement
après condamnation par un tribunal compétent ;
b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une
détention irrégulière pour insoumission à une
ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal
ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la
loi ;
c) s'il a été arrêté et
détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire
compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner
qu'il a commis une infraction ou qu'il y
a des motifs raisonnables de croire à la
nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou
de s'enfuira près l'accomplissement de celle-ci ;
d) s'il s'agit de la détention régulière
d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un
aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ;
e) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention
régulière d'une personne pour l'empêcher de
pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou
contre laquelle une procédure d'expulsion
ou d'extradition est en cours. »
L'article 5 § 1 de la Convention européenne des
droits de l'homme définit avec précision les conditions
précises qui entourent la restriction du droit à liberté
et à la sûreté.
Le droit à la liberté et à la
sûreté vise à protéger la liberté physique de
la personne contre toute arrestation et détention arbitraire ou
abusive. Les terroristes constituent l'archétype parfait de ces
personnes dont le droit à la liberté doit être
restreint.
Ce droit occupe une place centrale dans le dispositif protecteur
des droits individuels, et la
Cour européenne en a solennellement reconnu
l'importance particulière dans une société
démocratique (118).
118) Affaire « De wilde, Ooms et Versyp » du
18 juin 1971 (§ 64-65), in Les Grands arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme, op
cit., p. 35.
L'Etat doit cependant pouvoir priver de liberté ceux
qui représentent une menace pour l'ordre
social.
Le Pacte international des droits civils et politiques (article
9) (119) et la Convention américaine
des droits de l'homme (article 7) (120), se contentent de
préciser que la privation de liberté ne peut intervenir que dans
les cas prévus par le législateur national.
La Convention européenne des droits de l'homme dresse
une liste précise de cas autorisant la restriction à ce droit.
La cour précise qu'il s'agit d'une liste exhaustive devant
faire l'objet d'une interprétation étroite,
ce qui ne laisse aux Etats qu'une très faible marge
d'appréciation pour l'application de l'article 5. Néanmoins, la
notion de « privation de liberté », qui est soumise à
l'article 5 § 1, reste incertaine. Pour déterminer si une personne
se trouve privée de liberté, il faut partir de sa situation
concrète
et prendre en compte un ensemble de critères, tel le
genre, la durée et les modalités d'exécution
de la mesure considérée.
Ces critères sont nécessaires pour apprécier
le degré et l'intensité des restrictions à la
liberté de la personne.
La privation de liberté, pour être conforme
aux exigences inhérentes à un Etat de droit, doit
respecter non seulement la législation nationale, mais aussi
internationale.
En effet, le sacro-saint principe de souveraineté des
Etats ne saurait faire obstacle au respect par ces derniers des standards
minimum en matière de respect des droits de l'homme.
La question de la conciliation du droit à la
liberté et à la sûreté avec les impératifs de
la lutte contre le terrorisme se pose avec une acuité
particulière sur le plan international.
En effet, dans la répression des crimes «
terroristes », l'Etat est dans l'obligation de respecter
scrupuleusement les normes internationales en matière de
privation de liberté et de sûreté juridique des
personnes
Ce problème s'est posé et continue de se poser pour
les prisonniers de Guantanamo, arrêté lors de
la guerre d'Afghanistan, dans le cadre de la guerre contre le
terrorisme menée par les Etats-Unis.
119)« Tout individu a droit à la liberté et
à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire
l'objet d'une arrestation ou d'une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa
liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la
procédure prévue par la loi. »
120)« (...) Nul ne peut être privé de sa
liberté, si ce n'est pour des motifs et dans des conditions
déterminées à l'avance
Par les constitutions des Etats parties ou par les lois
promulguées conformément à celles-ci. »
Lors de la fin de la guerre d'Afghanistan des prisonniers ont
été capturés et transférés sur la base
de Guantanamo Bay, une base américaine situé sur
l'île de Cuba.
Selon l'administration américaine une distinction doit
être faite entre les prisonniers talibans qui sont des prisonniers de
guerre et les combattants d'Al Quaeda, qui, sont des «
combattants illégaux ».
Le statut juridique incertain des prisonniers de
Guantanamo est une violation du droit à la sécurité
juridique.
On pourrait faire valoir que les terroristes ne
méritent aucune protection juridique. Même si ce point de vue
est compréhensible étant donné sa portée
émotionnelle, la question doit être examinée à
la lumière des règles fondamentales du droit.
Tout être humain, sans exception, a une
dignité inhérente. Ceci est reconnu par tous les Etats
dont la Constitution est fondée sur la primauté du droit, par
tous les traités humanitaires et les traités relatifs aux droits
de l'homme et par toutes les grandes religions.
Il ne faut pas abandonner des règles et principes d'un tel
poids et d'une telle force sous le choc
du moment.
En outre, l'une des fonctions les plus importantes de la loi
est de distinguer entre ceux qui sont responsables et ceux qui ne le sont pas,
de même qu'entre ceux qui sont coupables et ceux qui sont innocents.
Les procédures servant à déterminer si un
individu est responsable n'ont pas pour seule finalité
de protéger les responsables d'éventuels abus d'un
Etat, mais aussi d'éviter à ceux qui ne le sont pas, d'être
tenus à tort pour responsables.
La loi protège inévitablement le terroriste
du seul fait qu'elle protège ceux qui ne sont pas responsables
et, si elle ne protégeait plus le terroriste, toutes les
personnes qui ne sont pas responsables seraient aussi privées de
protection.
Comme le dit si bien Philippe Weckel : « Il ne saurait
exister sur terre un espace sur lequel les préoccupations
d'humanité et le principe du respect des droits de l'homme n'auraient
pas droit de cité (121).
En refusant de qualifier ces personnes de prisonniers de guerre
et en les considérants comme des
« combattants illégaux », une qualification qui
n'existe pas en droit international, les Etats-Unis démontrent le peu
d'importance qu'ils accordent aux Conventions de Genève.
121) Weckel (P), « Le statut incertain des
détenus sur la base américaine de Guantanamo », in
RGDIP 2002.2, p.358
Le droit international humanitaire prévoit que les membres
des forces armées, de même que les
membres des milices faisant partie de ces forces armées,
qui sont capturés par l'adversaire dans
un conflit armé international sont protégés
par la 3e Convention de Genève.
Le droit international ne constitue en aucune façon un
obstacle à la lutte contre le terrorisme.
Le droit international humanitaire accorde à la puissance
détentrice le droit de poursuivre en justice les prisonniers de guerre
soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou tout autres
délits avant ou pendant les hostilités
.Dès lors, permettre à tous les
détenus de Guantanamo de bénéficier, en application
du droit
international humanitaire, du statut de prisonnier de guerre
n'empêcherait pas les Etats-Unis de
les juger.
Le refus d'appliquer le statut de prisonnier de guerre
s'explique certainement par le fait que ce statut ne permet pas de prolonger
indéfiniment cette situation de captivité, or les Etats-Unis ont
reconnu que s'ils avaient capturé ces prisonniers c'était pour
les empêcher de recommencer.
Comme l'a souligné le Secrétaire à la
Défense Donald Rumsfeld :
« But the reality is that they have been charged
with something. They have been found to be engaged in battle on behalf
of the al Quaeda or the Taliban, and have been captured.
And we have decided, as a country, that we prefer not to be
attacked and lose thousands of lives here in the United, and that having those
people out on the street to engage in further terrorist attacks is not our
first choice.
They are Being detained so they don't do that. That is why they
were captured, and that is they're detained (122) ».
Quoiqu'il en soit le droit international est clair à
cet égard, les personnes qui tombent pendant un conflit armé
international au pouvoir de la partie adverse sont soit des combattants (et
dans ce cas elles deviennent des prisonniers de guerre protégés
par la IIIe Convention de Genève), soit des civils
protégés par la IVe Convention.
Il ne peut y avoir de statut intermédiaire, aucune
personne se trouvant aux mains de l'ennemi ne peut être en dehors du
droit.
L'une des premières réactions du Président
Bush au lendemain des attentats du 11 septembre, fût
de déclarer que les Etats-Unis offraient une
récompense à quiconque capturerait Oussama Ben
Laden « mort ou vif ».
Cette déclaration est incompatible avec le droit
international humanitaire, car même en temps de guerre il est interdit
d'offrir une récompense pour la capture d'un ennemi « mort ou
vivant » (123). Des voix se sont élevées au sein des
juristes américains pour critiquer ce trou noir judiciaire dans
lequel on veut placer les détenus de Guantanamo. Comme l'a
souligné Daryl Mundis:
« Article 5 of Geneva Convention No III, provides that
persons captured during an international
armed conflict are entitled to the protections of the treaty even
if their identify as prisoners of war
as defined by article 4 is in doubt, until a competent tribunel
has determined their status.
Thus the text of the treaty leads to the conclusion that a
competent tribunal, and not the president
of the United States acting unilaterally, must determine wether
or not anyone captured is a lawful combatant (124). »
Au nom du pouvoir de l'exécutif en matière
militaire, le gouvernement a détenu deux citoyens
Américains qu'il avait qualifiés de «
combattants ennemis illégaux » et qui, en tant que tels, ne
bénéficiaient pas des garanties du « due process of law
».
L'un de ces citoyens, M. Yasser Hamdi, s'est fait capturer en
Afghanistan avec des talibans.
Il a demandé un avocat en invoquant l'Habeas Corpus.
La Cour d'appel de Virginie lui a reconnu ce droit, le
gouvernement a fait appel. La cour d'appel
du quatrième circuit, estimant que la Cour
d'appel de Virginie n'avait pas pris en compte l'argument du
gouvernement selon lequel M. Hamdi était un combattant ennemi
illégal et donc n'avait pas droit à se faire assister par un
avocat a annulé la décision.
Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel, cette
dernière a confirmé les pleins pouvoirs de l'Exécutif et
du Congrès en matière militaire et défini les limites du
contrôle judiciaire dans ce domaine, elle s'est exprimée en ces
termes :
« Articles I and II (of the Constitution)
prominently assign to Congress and the President the shared
responsibilty for military affairs... In accordance with this
constitutional text, the Supreme court has shown great deference to the
political branches when called upon decide cases implicating sensitive matters
of foreign policy, national security, or military affairs...
This deference deference extends to military designations of
individuals as enemy combatants in
times of active hostilities, as well as to their detention after
capture on the field of battle (120) ».
121) Conférence de presse de Donald Rumsfeld,
Secrétaire à la défense des Etats-Unis, du 22 janvier
2002, disponible sur du
Département à la défense des Etats-Unis,
http://www.defenselink.mil/news/jan2002/
.
122) Article 23 (b) du Règlement de La Haye concernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention IV
de 1907, interdit « de tuer ou blesser par trahison des individus
appartenant à la nation ou à l'armée ennemie ».
123) Mundis (D), « The use of military commissions to
prosecute individuals accused of terrorists acts », in The American
Journal of
International Law, 2002-02, p.325
124) Vroom (C), « Etats-Unis, lutte contre le terrorisme
et protection des droits fondamentaux », op cit., p.187
Cela dit, la Cour a néanmoins confirmé la
légitimité du contrôle judiciaire lorsqu'elle a
affirmé:
« Without meaningful judicial review, any American Citizen
alleged to be an enemy combatant could be detained indefinitely without charges
or counsel on the gouvernment's say so (125) ».
La cour d'appel, à son tour, a demandé au
gouvernement de fournir des pièces justificatives du statut de M. Hamdi.
Le gouvernement, refusant de faire droit à cette demande pour des
raisons de sécurité nationale, a encore une fois fait appel de
cette décision.
Le 28 juin 2004 la Cour suprême va rendre deux
décisions retentissantes dans les affaires
« Hamdi vs Rumsfeld » et « Shafik
Rasul vs Georges Bush ».
Ces deux arrêts sont réunis par un fil rouge qui
doit se lire comme un désaveu des prétentions de
l'exécutif dans sa lutte contre le terrorisme.
L'administration prétendait que l'autorité
militaire avait le droit de détenir « indéfiniment »
toute personne classée par ses soins de « combattant ennemi »
aux fins de recueillir les informations nécessaires à la lutte
contre le terrorisme.
Le 28 juin 2004, la Cour Suprême a fermement
rejeté cette prétention. Le droit fondamental affirmé
par la Cour dans ses deux arrêtes peut s'énoncer comme suit :
« Toute personne de nationalité américaine ou
non, détenue par les autorités militaires ou civiles
des Etats-Unis, a droit, en temps de paix comme en temps de
guerre, d'une part à être informée
des charges qui pèsent contre elle et, d'autre
part, à pouvoir les contester devant un tiers impartial
».
Ces deux décisions reconnaissent à toute
personne soupçonnée d'activité ou de
complicité terroriste et incarcérée pour interrogatoire le
bénéfice du respect des droits de la défense.
Les décisions du 18 juin 2004 rappellent la
suprématie du droit sur la raison d'Etat.
Ces décisions sont la preuve que le droit doit, et ceci en
toutes circonstances rester la référence, surtout dans un grand
pays comme les Etats-Unis, car comme le dit si bien Georges Aldrich :
« Article 14 of the International Convenant on Civil
and Political Rights (ICCPR) is the most important human rights treaty
provision governing due process rights. The treaty entered into force
for the United States on Septembre 8, 1992.
Although states may derogate from the terms of ICCPR,
the United States has not formally announced the intention to do so (...)
The Departement of Defense is bound to respect the terms
of the ICCPR (...) In addition, the minimum standards
guaranteed by article 14 include a fair and public hearing before a «
competent, independent and impartial established by law ; the
presumption of innocence ; due process rights ;and the right to appeal a
conviction to a « higher tribunal according to law (126) ».
Les grandes démocraties ne doivent pas oublier dans leur
lutte contre le terrorisme, que ce n'est
pas la capacité de réaction militaire d'un Etat qui
fait sa grandeur.
La capacité de réaction militaire est la
démonstration de la puissance d'un Etat, or être puissant
ne veut pas dire être grand.
La grandeur d'un Etat se mesure à l'attention qu'il
accorde au respect et à la protection des droits fondamentaux.
b) Le droit au respect de la vie privée
La notion de vie privée ne peut être définie
avec précision. Il s'agit d'une notion contingente dont
le contenu varie en fonction de l'époque, du milieu et de
la société dans lequel l'individu vit.
Il existe néanmoins une conception commune de la
vie privée que la doctrine a contribué à mettre en
lumière.
C'est ainsi que Thierry Garé définit la vie
privée comme étant : « Le domaine réservé
à l'individu, et protégé contre l'action et la
connaissance d'autrui » (127).
Une fois que l'on a pu la définir, la notion de vie
privée pose un autre problème, qui est celui de savoir si au nom
de la lutte contre le terrorisme, l'Etat peut s'ingérer dans la
sphère d'intimité d'une personne ?
La cour européenne des droits de l'homme a
répondu par l'affirmative à cette question dans l'affaire
« Klass et autres c. Allemagne » du 6 septembre 1978
(128).
Dans cette affaire, les requérants (juges et
avocats de Heidelberg et Mannheim) mettaient en cause la
compatibilité avec la Convention d'une modification apportée en
1968 à l'article 10 de
la Loi fondamentale ainsi que d'une loi sur les restrictions au
secret de la correspondance et des télécommunications.
L'amendement constitutionnel visait à permettre des
mesures d'interdiction des communications sans notification à
l'intéressé et sans contrôle juridictionnel si ces
mesures « visent à protéger l'ordre fondamental
libéral et démocratique, ou l'existence et la
sécurité du Pays. »
Bien qu'ils eussent obtenu de la Cour constitutionnelle, un
arrêt dans lequel celle-ci limitait la possibilité d'une absence
de toute notification à l'intéressé des mesures de
surveillance dont il faisait l'objet dans le cas où la notification
pouvait compromettre le but de la surveillance, ils
restèrent insatisfaits.
125) Vroom (C), op cit., p.187
126) Aldrich (G), « The taliban, Al Quaeda, and the
determination of illegal combatants », in AJIL, 2002-4 volume 96,
p.894.
127) Garé (T), Le droit des personnes (Connaissance du
droit), Dalloz, Paris, 2e édition, 2003, p.76.
128) Affaire « Klass et autres c. Royaume-Uni
», du 6 septembre 1978, in Jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme, op cit., pp.452-455.
Les requérants contestaient la possibilité
même de mesures de surveillance secrètes adoptées sans
notification à l'intéressé, ainsi que
la substitution à un contrôle par le juge d'un
contrôle parlementaire.
La cour européenne fit néanmoins le constat
suivant : « Les sociétés démocratiques se trouvent
menacées de nos jours par des formes très complexes d'espionnage
et par le terrorisme, de sorte que l'Etat doit être capable, pour
combattre efficacement ces menaces, de surveiller en secret les
éléments subversifs opérant sur son territoire.
La cour doit donc admettre que l'existence de dispositions
législatives accordant des pouvoirs de surveillance discrète de
la correspondance, des envois postaux et de
télécommunications est, devant une situation exceptionnelle,
nécessaire dans une société démocratique
à la sécurité nationale, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales »
(129).
La cour conclut à l'absence de violation du droit au
respect de la vie privée. Cette jurisprudence évoque la
nécessité d'une « conciliation entre les
impératifs de la défense de la société
démocratique et ceux de la sauvegarde des droits individuels ».
La cour dans cette affaire a fait preuve d'un réalisme
salutaire car il était impératif d'admettre des restrictions afin
de lutter efficacement contre le terrorisme.
Cependant il ne faut pas perdre de vue que ces restrictions
doivent toujours se faire dans le cadre
du respect des droits fondamentaux.
Certaines lois par leurs dispositions violent
impunément ce droit à la vie privée, la loi
USA Patriot Act » constitue en la matière l'exemple le
plus frappant.
Cette loi permet d'élargir la portée des
mandats de perquisition pour les communications électroniques des
abonnés à un Service Internet.
Avant, on pouvait obtenir le nom et les coordonnées de
l'abonné. « Le Patriot Act » y ajoute des
renseignements sur la durée des visites à des sites
Internet, et sur la source et le moyen de paiement de l'abonnement.
Le projet « Patriot II », s'il est
adopté, permettra de donner au gouvernement fédéral
la possibilité de contrôler les abonnements à des revues,
l'emprunt de livres et bien d'autres choses (130).
Il est donc admis de déroger à certains droits dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme, encore
faut-il le faire en respectant certaines conditions.
129) Ibidem, § 58.
130) Foillard (P), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paradigme, Orléans, 10e édition, 2004, p.97
B) Les Conditions de dérogation
aux droits fondamentaux
Le PIDCP (article 4), la CEDH (article 15, alinéa 1), la
CADH (article 27, alinéa 1) contiennent
une disposition similaire autorisant l'Etat partie à
suspendre la jouissance et l'exercice des droits proclamés en cas de
circonstances exceptionnelles.
La clause dérogatoire, qui confie à l'Etat le soin
d'apprécier les circonstances en cause et donc de
se libérer des obligations relatives aux droits de
l'homme, n'est pas sans risque.
En effet, c'est dans les circonstances exceptionnelles que
les droits de l'homme sont les plus menacés.
Toutefois, l'Etat ne dispose pas de pouvoirs arbitraires en la
matière, et les textes internationaux stipulent que le recours à
la clause dérogatoire par un Etat n'a pour effet de supprimer pour ce
dernier toutes les obligations découlant de la Convention pertinente.
La clause dérogatoire substitue à la
légalité normale une légalité exceptionnelle
adaptée aux circonstances.
Le recours à la clause dérogatoire est
subordonné à des conditions formelles (obligations
d'informer l'organe administratif compétent) et à des conditions
de fond.
Afin de pouvoir invoquer l'état d'urgence et pouvoir
ainsi déroger à certains droits de l'homme, l'Etat doit
démontrer qu'il existe un danger public menaçant la vie
de la nation (1), il doit démontrer la nécessité
de l'utilisation de ses mesures dérogatoires (2) pour mettre
fin à cette menace.
1) L'existence d'un danger public menaçant la vie
de la nation
Le droit de dérogation existe seulement en cas de
guerre ou de danger public, que la Cour à
définit lors de l'affaire « Lawless »
du 7 avril 1961.
M. Richard Lawless est manoeuvre dans une entreprise de
bâtiment et réside à Dublin. Le 21
septembre 1956, il est arrêté, avec trois hommes,
dans une grange désaffectée où la police trouve des
armes.
Traduits devant la Cour criminelle du circuit de Dublin, les
quatre inculpés sont acquittés le 23
novembre 1956.
Soupçonné d'activités illégales,
M. Lawless est de nouveau arrêté le 14 mai 1957. Au
cours d'une perquisition à son domicile, on découvre un document
manuscrit sur la guérilla.
Le 16 mai, la Cour criminelle du circuit de Dublin le condamne
à un mois de prison pour ce fait,
mais l'acquitte du chef d'appartenance à l'IRA.
Le 5 juillet 1957 paraît au journal officiel une
proclamation du gouvernement irlandais mettant
en vigueur, à compter du 8 juillet, les pouvoirs
d'arrestation et de détention confiés aux ministres d'Etat par la
loi n°2 de 1940 qui modifie la loi de 1939 sur les atteintes à la
sûreté de l'Etat.
En application de cette législation, le ministre de la
justice prend, le 12 juillet 1956, un arrêté de détention
à l'encontre de M. Lawless, qui avait été
appréhendé la veille alors qu'il s'apprêtait à
s'embarquer pour l'Angleterre.
Le requérant est interné dans un camp militaire, en
compagnie d'environ 120 autres personnes, sans être traduit devant un
juge.
Le 10 décembre 1956, il comparaît devant la
commission de détention : il prend l'engagement verbal de ne se livrer
à aucune activité illégale au sens des lois de 1939 et
1940.
Le lendemain, le ministre de la justice ordonne sa
libération.
Entre-temps, le 11 octobre, la Haute cour avait rendu
un arrêt rejetant une requête d'Habeas Corpus introduite par
l'intéressé, lequel a alors interjeté appel sans
succès, devant la Cour suprême.
M. Lawless saisit la Commission européenne des
droits de l'homme le 8 novembre 1957. Il allègue une violation de
la Convention du fait de sa détention sans jugement depuis le 13
août
1957.
Celle-ci après avoir établi son rapport,
transmet l'affaire à la Cour européenne des droits de
l'homme.
L'un des problèmes de droit qui se posait dans cette
affaire, était celui de savoir si la détention de
M. Lawless se fondait-elle sur le droit de dérogation
reconnu aux Etats contractants par l'article
15 § 1.
La cour avant de se prononcer sur cette question,
commence par examiner si les conditions donnant lieu à une
dérogation étaient réunies.
En premier lieu, le gouvernement pouvait légitimement
déclarer qu'un danger public menaçait la vie de la nation pendant
la période en cause.
Il existait, sur le territoire de la République d'Irlande,
une armée secrète agissant en dehors de l'ordre constitutionnel
et usant de la violence pour atteindre ses objectifs.
Cette armée opérait également en dehors du
territoire de l'Etat, compromettant ainsi gravement
les relations de ce dernier avec le pays voisin.
Les activités terroristes avaient augmenté de
manière alarmante pendant tout le premier semestre
de 1957.
En deuxième lieu, la détention sans comparution
devant un juge apparaissait comme une mesure strictement limitée aux
exigences de la situation.
En effet, l'application de la législation ordinaire
n'avait pas permis en 1957 de freiner
l'accroissement du danger pesant sur la République.
Le fonctionnement des juridictions pénales ordinaires et
même des cours criminelles spéciales ou des tribunaux militaires
ne pouvait suffire à rétablir la paix et l'ordre public.
La réunion des preuves suffisantes pour convaincre les
personnes mêlées aux activités de l'IRA
se heurtait aux plus grandes difficultés en raison du
caractère militaire et secret de ceux-ci et de
la crainte qu'ils inspiraient parmi la population.
C'est pourquoi la détention administrative des individus
soupçonnés de vouloir participer à des entreprises
terroristes apparaissait justifiée.
Cet arrêt de la Cour européenne a permis de
clarifier les conditions qui permettent aux Etats de déroger aux droits
de l'homme.
D'une manière générale, l'Etat ne peut
exercer son droit de dérogation, dans un but autre que celui pour
lequel ce droit a été prévu auquel cas ce serait un
détournement de pouvoir.
La première question qui se pose dans le cadre
des dérogations et de savoir s'il existe véritablement un
danger public menaçant la vie de la nation.
Le problème s'est récemment posé
lorsque le Royaume-Uni à la suite des attentats du 11
septembre 2001, et au lendemain de l'adoption de la loi
« Antiterrorism, Crime and Security Act
2001 » a notifié son intention de recourir
à l'article 15 de la Convention européenne.
La détention de personnes suspectées de liens
avec des organisations terroristes telle que le prévoyait la loi
était incompatible avec l'article 5 § 1 de la convention
européenne.
Le problème, c'est qu'au moment de cette notification de
dérogation, il n'y avait pas de menace terroriste précise qui
menaçait la vie de la nation.
Il est vrai qu'au lendemain des attentats du 11
septembre, certains terroristes on formulé des menaces à
l'encontre des citoyens ou des intérêts britanniques, mais peut-on
considérer que cette menace constituait « une menace grave mettant
en péril la nation » ?
Le gouvernement n'avait fourni au moment de la
notification de sa dérogation, aucun indice tangible que cette
organisation faisait peser une menace imminente sur le Royaume-Uni (131).
La question ne se serait certainement pas posée si
cette dérogation avait été demandée au
lendemain des attentats du 7 juillet 2005.
Si tel est le cas une question mérite d'être
posée, celle de savoir si il faut attendre la survenance d'un attentat
terroriste pour que surgisse ce fameux « danger public
menaçant la vie de la
nation ? »
131) Avis du Commissaire aux droits de l'homme Alvaro Gil-robles
sur la dérogation à l'article 5 § 1, adoptée par le
Royaume-Uni, in RUDH
2002 volume 14 n° 1-4, pp 157-158.
Cependant on ne peut permettre que les Etats dérogent
facilement aux droits humains, car dans
une société démocratique, les droits de
l'homme bénéficient d'une priorité de principe, les Etats
doivent démontrer la nécessité de recourir à un
régime dérogatoire.
2) La nécessité des mesures
dérogatoires
Les mesures dérogatoires doivent revêtir un
caractère de nécessité absolue et être
strictement
indispensables pour faire face au danger public, elles doivent
être prises dans la stricte mesure où
la situation l'exige.
L'Etat ne peut, au titre de l'article 15, suspendre les droits et
libertés garantis que dans la mesure
où l'exercice de ceux-ci serait de nature à
l'empêcher de faire face audit danger public.
Un lien concret doit exister entre la mesure
dérogatoire et la menace pesant sur la vie de la nation.
Toutefois, le contrôle exercé par les organes de
la Convention n'exclut pas que l'Etat concerné puisse conserver une
certaine marge d'appréciation quant à la stricte mesure
exigée par la situation.
La cour l'affirme très nettement dans son arrêt du
18 janvier 1978, « Irlande c/ Royaume-Uni »
(132).
« Les autorités nationales se trouvent en principe
mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la
présence de pareil danger comme sur la nature et
l'étendue des dérogations nécessaire pour le conjurer
» (133).
La cour européenne opère un contrôle
particulièrement poussé comme le montre l'affaire
« Brannigan et McBride c. Royaume-Uni » du 28
mai 1993 (134).
M. Peter Branningan réside en Irlande du Nord. Il est
appréhendé le 9 janvier 1989 puis conduit
au centre d'interrogatoire de la caserne de Gough (Armagh).
Son arrestation se fonde sur l'article 12 § 1-b de la loi de
1984 portant dispositions provisoires
sur la prévention du terrorisme, qui permet l'arrestation
sans mandat d'une personne soupçonner d'être ou d'avoir
été impliquée dans l'accomplissement d'actes
terroristes.
Le 10 janvier, le ministre autorise une prolongation de deux
jours de la détention. Le 12 janvier intervient une nouvelle
prolongation, de trois jours. L'intéressé est
libéré le 15 janvier, après
avoir été gardé à vue pendant six
jours, quatorze heures et trente minutes au total.
132) Affaire « Irlande c/ Royaume-Uni » du 18
janvier 1978, in Les Grands arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme, op cit., pp.17-
20.
133) Ibidem, § 207.
134) Affaire « Branningan et McBride c. Royaume-Uni
» du 28 mai 1993, in Les Grands arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme,
op cit., pp 99-101.
M. Patrick McBride, lui, est appréhendé le 5
janvier 1989 en vertu de la même disposition de la
loi de 1984, puis conduit au centre d'interrogatoire de
Castlereagh.
Le 6 janvier, le Ministre autorise une prolongation de trois
jours de cette détention. L'intéressé
est relâché le 9 janvier, après une garde
à vue de quatre jours, six heures et vingt-cinq minutes en tout.
Il est tué le 4 février 1992 à Belfast par
un policier devenu fou furieux et qui avait attaqué le siège du
Sinn Fein.
Le 23 décembre 1988, le Royaume-Uni informe le
secrétaire général du Conseil de l'Europe que son
gouvernement se prévaut du droit de dérogation prévu
à l'article 15 § 1 de la Convention, dans la mesure où
l'exercice des pouvoirs définis à l'article 5 § 3 de la
Convention.
L'un des problèmes de droit qui se posait dans cette
affaire, était celui de savoir si les mesures prises par le Royaume-Uni
étaient strictement exigées par la situation.
La cour constate que depuis 1974 le gouvernement britannique
estime avoir besoin du pouvoir d'arrestation et de détention
prolongée pour combattre la menace du terrorisme.
Comme le pouvoir de détention prolongée sans
contrôle judiciaire et l'avis du 23 décembre 1988 étaient
nettement liés à la persistance due l'état d'urgence, rien
ne montre que la dérogation fût autre chose qu'une riposte
véritable à celle-ci.
La cour apprécie suivant le cas qui lui est soumis la
nécessité ou non pour un Etat de recourir aux mesures
dérogatoires.
Avec la montée du terrorisme international, il est
à craindre que les Etats usent et abusent de la faculté de
dérogations prévues dans les instruments pertinents en
matière de droits de l'homme.
Afin de lutter contre le terrorisme, il est bien
évidemment parfois nécessaire de déroger à
l'application de certaines règles.
Cependant la suspension du droit par les Etats durant la
période de dérogations n'est pas sans risque.
En effet, certains Etats risquent de profiter de cette
période pour museler les droits de l'homme et museler l'opposition
démocratique.
Les mesures adoptées par un Etat partie à la
Convention sous couvert de la dérogation doivent être conformes
aux autres obligations qu'il assume en droit international.
Les Etats ne doivent pas oublier que s'il est vrai
que le régime dérogatoire peut suspendre l'application d'une
règle de droit, ce dernier ne peut suspendre l'Etat de droit car c'est
en vue de protéger ce dernier que ce régime a été
instauré.
Il est regrettable qu'un contrôle très poussé
ne soit pas effectué sur les mesures de dérogations une fois que
la dérogation a été obtenue par l'Etat.
L'absence d'un contrôle des mesures
employées sous couvert de dérogations est
très
préjudiciable à l'Etat de droit, à
fortiori dans un domaine aussi sensible que celui de la lutte contre
le terrorisme.
Conclusion
Le Terrorisme est une menace à laquelle les Etats
de la communauté internationale font face
depuis longtemps.
Afin de lutter efficacement contre le terrorisme, et
éviter d'errer dans cette entreprise, la réflexion doit se
porter sur la compatibilité des mesures qui doivent être
adoptées avec les impératifs de l'Etat de droit.
Le terrorisme, menace de dimension mondiale n'est jamais
justifié. Nul ne peut donner à autrui le droit de tuer des civils
innocents.
Le terrorisme ne sert aucune cause, aussi digne soit-elle, il ne
peut que la pervertir, et donc lui nuire.
Le fléau du terrorisme appelle une réaction
inflexible, mais cette réaction ne peut être
émotionnelle, elle doit être réfléchie.
La colère et le sentiment d'impuissance que nous inspirent
les attentats terroristes, ne doivent pas nous empêcher de raisonner.
C'est aussi se bercer d'illusions que de croire que la force
militaire peut à elle seule avoir raison
du terrorisme.
Le recours à la force est parfois la seule façon de
neutraliser les groupes terroristes. Mais il y a bien d'autres choses à
faire pour éliminer le terrorisme.
Le désespoir constitue le terreau du terrorisme.
Les terroristes recrutent des membres et des partisans parmi ceux qui ne
trouvent pas des moyens pacifiques et légitimes de faire entendre
leurs griefs.
Le fait que quelques individus malfaisants tuent au nom
d'une cause ne dispense pas la communauté internationale de
répondre à des griefs légitimes.
Le terrorisme ne sera vaincu, que si cette dernière, fait
le nécessaire pour régler les différends politiques et les
conflits qui font que le terrorisme trouve des adeptes.
Ce qui doit se profiler à l'horizon, c'est plus qu'une
victoire sur le terrorisme. C'est un monde meilleur, plus juste.
Dans ce combat contre le terrorisme et pour un monde meilleur le
respect des droits de l'homme constitue un allié indispensable.
Nous ne devons jamais, dans notre combat contre les
terroristes, nous abaisser à les imiter. Les Etats doivent donc
veiller à respecter les limites qu'impose le droit international
en ce qui concerne le recours à la force.
Il y va de la survie de l'Etat de droit et de la
démocratie qui constituent nos valeurs communes.
Les groupes terroristes peuvent gagner cette bataille quand, en
réaction à leurs actes de violence,
les gouvernements vont trop loin et commettent eux-mêmes
des atrocités.
Ces actes ne sont pas seulement illégaux et
injustifiables. Ils sont aussi susceptibles d'être exploités
par les terroristes, ce genre d'actes aide ces derniers à
recruter des adeptes et à perpétuer un climat de violence.
Les droits de l'homme ne peuvent être sacrifiés au
profit de la lutte contre le terrorisme. Il n'y a rien d'incompatible entre la
défense des droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme.
Au contraire, le principe moral qui sous-tend les droits de
l'homme, celui d'un profond respect pour la dignité de chaque individu,
est une de nos armes les plus puissantes pour combattre le terrorisme.
Transiger sur les droits de l'homme reviendrait à
donner aux terroristes une victoire qu'ils ne peuvent obtenir
eux-mêmes.
La promotion et la défense des droits de l'homme,
ainsi que le respect le plus strict du droit international, doivent
donc être les piliers de la lutte antiterroriste.
Bibliographie
I) Ouvrages
1) Andriantsimbazovina (J), Gouttenoire (A), Levinet (M),
Marguénaud (J-P), Sudre (F),
Les grands arrêts de la Cour européenne des droits
de l'homme, PUF, collection Thémis, Paris, 2e
édition, 2004, 645 pages.
2) Beignier (B), Blery (C), Manuel d'introduction au droit,
PUF, collection Droit fondamental, Paris, 1e édition, 2004,
320 pages.
3) Berger (V), Jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme, Sirey, Paris, 8e
édition, 2002, 783 pages.
4) Bribosia (E) et Weyemberg (A) (dir.), Lutte contre le
terrorisme et droits fondamentaux, Bruylant, collection Droit et Justice,
Bruxelles, 2002, 305 pages.
5) Dailler (P) et Pellet (A), Droit International Public, LGDJ,
Paris, 6e édition, 1999, 1510
pages.
6) Decaux (E), Pettiti (L-E), Imbert (P-H) (dir.), La
Convention européenne des droits de l'homme commentaire articles par
articles, Economica, Paris, 2e édition, 1999, 1091 pages.
7) Doucet (G) (dir.), SOS ATTENTATS Terrorisme, victimes et
responsabilité pénale internationale, Calmann-lévy, Paris,
2003, 543 pages
8) Dutheil de la Rochère (J), Introduction au droit de
l'union européenne, Hachette, collection les fondamentaux, Paris,
4e édition, 2005, 180 pages.
9) Foillard (P), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paradigme, Orléans, 10e
édition, 2004, 402 pages.
10) Garé (T), Le droit des personnes, Dalloz, collection
Connaissance du droit, Paris, 2e
édition, 2003, 144 pages.
11) Gubert (R), Le terrorisme international, la guerre des temps
moderne, édition Milan, collection Les essentiels Milan, Toulouse, 2005,
63 pages.
12) Jacquart (A), Petite philosophie à l'usage des non
philosophes, Calmann-Lévy, collection
Le livre de poche, Paris, 1997, 250 pages.
13) Larguier (J), Le droit pénal, PUF, collection Que
sais-je ?, Paris, 15e édition, 2004, 127
pages.
14) Lochak (D), Les droits de l'homme, La découverte,
collection Repères, Paris, 2005, 127
pages.
15) Renucci (J-F), Droit européen des droits de l'homme,
LGDJ, Paris, 3e édition, 2002, 819
pages.
16) Renout (H), Institutions européennes, Paradigme,
Orléans, 7e édition, 2002, 357 pages.
17) Sudre (F), Droit européen et international des droits
de l'homme, PUF, collection Droit fondamental, Paris, 7e
édition, 2005, 715 pages.
18) Wachsmann (P), Les droits de l'homme, Dalloz, collection
Connaissance du droit, Paris,
4e édition, 180 pages.
II) Articles
1) Aldrich (G), « The Taliban, Al Quaeda and the
determination of illegal combattants »,
American Journal of International Law, 2002-4, volume 96, pp.
891-898
2) Cohen-Jonathan (G), « cour interaméricaine des
droits de l'homme. L'arrêt Velasquez »
RGDIP, 1990, pp. 455-471.
3) Crépeau (F) et Jimenez (E), « L'impact de la
lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada
», Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bribosia (E) et
Weyemberg (A) (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 249-287.
4) Crétin (T), « Immunité, impunité
: rien q'une consonne de différence ? L'Immunité pénale
des Chefs d'Etat :Entre coutume et évolution », SOS
ATTENTATS
terrorisme, victimes et responsabilité internationale,
Calmann-lévy, Paris, pp. 475 à
484.
5) Crowley (J), « Sécurité et
liberté : Une nouvelle donne (Triomphe des sécuritaires)
», Critique internationale n°14, 2002, pp. 29-33.
6) De Schutter (O), « La Convention européenne
des droits de l'homme à l'épreuve de la
Lutte contre le terrorisme », Lutte contre le
terrorisme et droits fondamentaux, Bruylant, Bruxelles, 2003, pp. 85-152.
7) Doucet (G), « Terrorisme : Recherche de
définition ou dérive liberticide ? », SOS ATTENTATS,
Terrorisme, victimes et responsabilité internationale, Doucet (G)
(dir.), Calmann-lévy, Paris, 2003, pp. 389-400.
8) Gardbaum (S) et Guy (S), « L'actualité dans
les pays de Common law et de droit mixte », Revue française de
droit constitutionnel n°50, 2002, pp. 458-461.
9) Gölcüklü (F), « Le droit à la
vie dans la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l'homme
», Mélanges en hommage à Louis-Edmond Pettiti,
Bruylant, Bruxelles, 1998, pp. 415-435.
10) Guillaume (G), « L'article 2 », La
Convention européenne des droits de l'homme
commentaire articles par articles, Decaux (E), Pettiti (L-E),
Imbert (P-H) (dir.), Economica, Paris, 2e édition, 1999, pp.
143-153.
11) Mundis (D), « The use of military commissions to
prosecute individuals accused of terrorists acts », American Journal
of International Law, 2002-02, pp. 320-328.
12) Paye (J-C), « The Prevention Security Act
britannique du 11 mars 2005 », Revue
Trimestrielle des Droits de l'Homme n°63, pp. 635-647.
13) Pellet (A), « La responsabilité des
dirigeants pour crime internationale de l'Etat quelques remarques sommaires au
point de vue du droit international », SOS ATTENTATS Terrorisme,
victimes et responsabilité pénale internationale, Doucet (G)
(dir.), Calmann-lévy, Paris, pp. 403-415.
14) Pettiti (L-E), « Affaire McCann et autres
», Revue des Sciences Criminelles n°1,
1996, pp. 184-187.
15)Pierre (L), « La protection des droits intangibles
dans les situations de conflits armées », Revue Trimestrielle
des Droits de l'Homme n°42, 2001, pp. 241-259.
16) Sandoz (Y), « Guerre contre le terrorisme : «
fondements juridiques et réflexion prospective », SOS
ATTENTATS Terrorisme, victimes et responsabilité pénale
internationale, Doucet (G) (dir.), Calmann-lévy, pp. 505-515.
17) Sorasio (D), « La coopération
européenne », SOS ATTENTATS Terrorisme victimes
et responsabilité pénale internationale, Doucet (G)
(dir.), Calmann-lévy, pp. 77-81.
18) Sorel (J-M), « Existe-t-il une définition
universelle du terrorisme ? », Le droit international face au
terrorisme, Pédone, Paris, 2002, pp. 35-68.
19) Thomas (I), « La mise en oeuvre en droit
européen des dispositions internationales contre le terrorisme
», Revue Générale de Droit International Public,
2004-2, pp. 463-480.
20) Vroom (C), « Etats-Unis, Lutte contre le terrorisme
et protection des droits
fondamentaux », Annuaire Internationale de Justice
Constitutionnelle XVIII-2002, pp.
161-193.
21) Weckel (P), « Le statut incertain des détenus
sur la base américaine de Guantanamo », Revue
Générale de Droit International Public, 2002-2, pp. 357-369.
22) Weyemberg (A), « L'impact du 11 septembre sur
l'équilibre sécurité/liberté dans
l'espace pénal européen », Lutte
contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bribosia (E) et
Weyemberg (A) (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 153-195.
23) Zoller (E), « Due process of law et principes
généraux de droit », Les mutations contemporaines du
droit public, Mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau, Dalloz,
Paris,
2002, pp. 235-247.
III) Lexique
1) Kada (N), Lexique de droit constitutionnel, Ellipses, Paris,
2004, 128 pages.
2) Salmon (J) (dir.), Dictionnaire de droit international
public, Bruylant, Bruxelles, 2001,
1198 pages.
IV) Mélanges etRecueils
deJurisprudence
1) Mélanges en l'honneur de Benoît Jeanneau, Dalloz,
Paris, 2002, 720 pages.
2) Mélanges en hommage à Louis Edmond Petitti,
Bruylant, Bruxelles, 1998, 791 pages.
Indexalphabétique
Les références visent les numéros des
pages.
A
Attentats terroristes de Londres
-Attentats de Londres et Habeas Corpus : 48
- Attentats de Londres et réaction des dirigeants
européens : 14, 15
- Attentats de Londres et nouvelles mesures antiterroristes
britanniques : 48, 49, 50, 51
- Attentats de Londres et violation du droit à la vie :
38, 39, 40, 41, 42
- Attentats de Londres et réactions de la presse
britannique : 51
C
- Canada et lutte contre le terrorisme : 56
Conseil de l'Europe
- Conseil de l'Europe et droits de l'homme :
25
- Conseil de l'Europe et lutte contre le
terrorisme : 25, 26
Convention européenne des droits de
l'homme
- Convention européenne des droits de l'homme et lutte
contre le terrorisme : 26
Cour européenne des droits de l'homme
-Cour européenne des droits de l'homme et contrôle
du respect de l'obligation procédurale : 43, 44, 45,
46, 47
- cour européenne des droits de l'homme et contrôle
du recours à la force : 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40,
41,
42, 43
- cour européenne des droits de l'homme
et droit à la vie : 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37,
38,
39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47
- cour européenne des droits de l'homme
et droit au respect de la vie privée : 73, 74
- cour européenne des droits de l'homme
et obligation de prévention : 27, 28, 29, 30, 31
- cour européenne des droits de l'homme et obligation de
proportionnalité : 33, 34, 35, 36, 37
- cour européenne des droits de l'homme et interdiction
d'être soumis à la torture : 60, 61, 62, 63
D
- Danger public : 75, 76, 77, 78
Définition du terrorisme
- Définition des conventions internationales : 7,
8
- Définition doctrinal : 5,
6
- Définition étymologique :
4
- Démocratie et terrorisme : 12, 13,
14
Dérogations
- Conditions d'exercice de la dérogation : 75, 76,
77, 78, 79, 80
- Dérogation du Royaume-Uni dans le cadre
de la lutte contre le terrorisme : 77
- nécessité des mesures
dérogatoires : 78, 79, 80
Droit à la liberté et à la
sûreté : 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73
Droit à la vie
- Droit à la vie et recours à la
force : 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47
- Droit à la vie et protection des
personnes : 27, 28, 29, 30, 31
- Droits de l'homme et terrorisme : 17, 18,
19
- Droit au respect de la vie privée : 73,
74
- Droits susceptibles de restrictions :
66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74
- Droits insusceptibles de restrictions :
59, 60, 61, 62, 63, 64, 65
- Due process of law : 54
E
- Equilibre sécurité-liberté: 20,
21, 57, 58
- Etat de droit: 12
H
- Human right Act: 49
I
- Interdiction d'être soumis à la torture :
59, 60, 61, 62, 63
L
- Loi britannique contre le terrorisme du 11
mars 2005 et présomption d'innocence : 52, 53, 54
- Loi britannique contre le terrorisme du 11
mars 2005 et vie privée : 53
- Loi américaine du 26 octobre 2001
contre le terrorisme Patriot Act et vie privée : 74
O
- Obligation de prévention: 27,
28, 29, 30, 31
- Obligation de proportionnalité:
33, 34, 35, 36, 37
- Obligation procédurale: 43, 44, 45, 46,
47
P
- Présomption d'innocence et loi
britannique contre le terrorisme du 11 mars 2005: 52, 53
- Principe de légalité des
délits et des peines : 64, 65
R
Recours à la force
- Conditions d'exercice du recours à la
force : 33, 34, 35, 36, 37
- Violation du recours à la force :
38, 39, 40, 41, 42
S
- Statut juridique des détenus de Guantanamo : 69,
70, 71
T
- Tirer pour tuer: 38, 39, 40, 41
Indexdes Textes
Les textes sont classés par ordre alphabétique, les
numéros renvoient aux pages.
A
Antiterrorism crime and security Act du 19 décembre 2001:
21, 51
C
C-36 : 56
Convention de Genève sur le terrorisme de 1937 :
7
Convention américaine des droits de l'homme du 22 novembre
1969 : 59, 60, 68
Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre
1950 : 26, 32, 33, 59, 64, 67, 68
Convention de Genève (IIIe ) du 12 août
1959 : 70
Convention de Genève (IVe ) du 12 août
1959 : 70
Convention relative aux infractions et certains autres actes
survenant à bord des aéronefs du 14
septembre 1963 : 8
Convention des Nations unies pour la répression du
financement du terrorisme du 9 décembre
1999 : 8
D
Décision cadre relative à la lutte contre le
terrorisme du 13 juin 2002 : 23, 24
Déclaration de vienne du 25 juin 1993 :
9
H
Human right Act de 1998 : 49
L
Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre
le terrorisme du 15 juillet 2002 : 25
Loi française relative à la sécurité
quotidienne du 15 novembre 2001 : 11
Loi française du 18 mars 2003 relative à la
sécurité intérieure : 21
P
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16
décembre 1966 : 59, 60, 68, 72
Prevention security Act du 14 mars 2005 : 52,
53
R
Résolution 1373 des Nations Unies du 28 septembre 2001 :
3
U
USA PATRIOT ACT du 26 septembre 2001 : 21, 74
Indexde jurisprudence
1) Jurisprudence de la Cour internationale de
justice
Affaire des activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ Etats-Unis d'Amérique),
27 juin 1986, CIJ rec. 1986, p. 17
2) Jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme
Affaire Lawless, 7 avril 1961, pp. 75, 76,
77
Affaire X c Irlande, 20 juillet 1973, pp. 29,
30
Affaire Klass et autres c/ Allemagne, 6 septembre 1978,
pp. 73, 74
Affaire Mme W. c/ Royaume-Uni, 28 février 1983,
pp. 29, 30
Affaire Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, p.
59
Affaire Tomasi c. France, 27 août 1992, pp.
61, 62
Affaire McCann c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, pp.
34, 35, 36, 37, 38, 43
Affaire S.W et C.R c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, p.
65
Affaire Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, pp.
61, 62, 63
Affaire Kaya c. Turquie, 19 février 1998, pp.
44
Affaire Güleç c. Turquie, 27 juillet 1998,
pp. 40, 41, 42
Affaire Osman c. Royaume-Uni, 28 Octobre 1998, pp.
27, 28, 29
Affaire Salman c. Turquie, 27 juin 2000, pp. 44,
45, 46
3) Jurisprudence de la Cour suprême des
Etats-Unis
Affaire Hamdi vs Rumsfeld, 28 juin 2004, pp. 72,
73
Annexes