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Dynamiques et pertinences du moteur franco-allemand dans la construction de la Politique Européenne de sécurité et de Défense.


par Pascal BRU
Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - Master de Relations Internationales/Diplome de l'Ecole Spéciale Militaire 2004
  

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2-2 La Bundeswehr face à ses engagements futurs :

Elle était au départ considérée comme une armée de l'OTAN et devait absorber le premier choc avec les troupes soviétiques, elle devait disposer à cet effet de moyens lourds en terme de blindés, d'armes antichars et d'une aviation capable de soutenir les actions au sol. Quelle peut être sa raison d'être si face à elle ne se dresse plus aucun ennemi ?

De fait, plus aucun de ses voisins ne représente une menace : les États qui jouxtent sa frontière sont soit membre de l'UE, soit membre de l'OTAN, ou en passe de l'être. Bien plus, la menace s'est déplacée. Le fait qu'il existe encore une menace, révélée par le terrorisme de masse, prouve que l'Allemagne doit conserver un outil de défense efficace afin d'assurer sa souveraineté : la sécurité allemande se situe donc en Afrique et au Moyen-Orient. Le ministre de la Défense allemand a employé ces termes : « la défense de l'Allemagne s'effectue également dans les montagnes afghanes » lors de ces différentes interventions publiques. La Bundeswehr doit, pour rester crédible et garder sa légitimité, se tourner vers les opérations extérieures, ce qui signifie assouplir ses structures et se doter de moyens performants de projection aérienne et maritime. Or, une telle conception est absolument révolutionnaire dans un pays où l'histoire n'a jamais favorisé ce type d'emploi de l'outil de défense. En tournant la Bundeswehr vers la projection, le ministre de la défense a donc brisé un tabou essentiel dans la mise en place d'une Europe de la défense dont le but est lui aussi nécessairement orienté à l'extérieur.

La Bundeswehr est donc à ce jour engagée avec 7.080 hommes dans le cadre de six missions distinctes. Il s'agit des opérations suivantes :

- l'UNOMIG (11), mission d'observation des Nations Unies en Géorgie,

- SFOR (1.270) et KFOR (3.170), missions de l'OTAN dans les Balkans,

- ISAF (1.870) en Afghanistan,

- Enduring Freedom (280) et Active Endeavour (400) dans le cadre de la lutte anti-terroriste, auxquelles s'ajoutent près de 2.900 hommes pour gardienner les installations US en Allemagne,

- Un Airbus MEDEVAC à 24 heures,

- Un C-160 TRANSALL à 24 heures pour les Balkans,

- Un CL-601 CHALLENGER à 12 heures.

Ce format de 7.080 hommes engagés est désormais la norme (colonel Kirschner, OLIA füs/V, Bundesministerium der Verteidigung) en matière de projection pour la Bundeswehr.

La Bundeswehr est à l'heure actuelle en pleine restructuration en trois catégories de force, au nombre desquelles :

- les forces d'intervention, EingreifsKräfte (EK), de 35.000 hommes, capables d'imposer la paix, de créer les conditions pour la stabilisation de la paix, et de mener un combat de haute intensité à l'extérieur du pays contre un ennemi structuré ;

- les forces de stabilisation, StabilisierungsKräfte (SK), fortes de 70.000 hommes, dont l'unique mission sera la stabilisation et le maintien de la paix par :

. la séparation des parties,

. la surveillance des accords de cessez-le-feu,

. l'élimination d'éléments refusant le processus de paix,

. l'imposition d'un embargo,

. l'autoprotection contre des éléments irréguliers,

. la protection de la population civile,

. la surveillance de zones, d'infrastructures,

. la coopération avec d'autres organismes afin de participer à la mise en place d'institutions étatiques.

Toutefois, il convient de noter qu'il n'y aura pas de séparation réelle entre EK et SK, les deux forces devant être capables de remplir toutes les missions.

- les forces de soutien, UnterstützungsKräfte (UK), armées par 212.500 hommes dont 75.000 civils, avec pour missions :

. le soutien des forces dans la zone d'intervention,

. la préparation des forces d'intervention à leur engagement,

. le fonctionnement de la Bundeswehr en Allemagne,

. l'instruction et la formation du personnel.

Il faut bien voir ici la nouvelle doctrine d'emploi de la Bundeswehr, dans un souci de « projetabilité » d'une part, mais aussi dans un souci de cohérence avec la PESD et sa façon d'aborder les crises d'autre part. D'emblée, l'armée allemande se pose comme un réservoir d'outils, à même de mener des opérations plus larges que la seule intervention militaire, en mettant en place des capacités de stabilisation de paix, préalable à l'envoi de forces de police.

D'autre part, l'Armée de Terre allemande (Heer) sera à même de fournir dans le cadre de ses EK, le noyau d'une division multinationale avec 18.000 hommes environ.

Car, et c'est bien le sens de la PESD, l'avenir de la sécurité et de la défense européenne est à l'engagement multinational.

La réorientation des missions de la Bundeswehr vers des opérations extérieures rapproche de fait le cadre des engagements des forces allemandes du cadre des engagements des forces françaises. Ce qui signifie que l'interopérabilité entre les deux armées va croissante en vue d'un engagement commun dans l'avenir.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon