2-2 La Bundeswehr face à ses engagements
futurs :
Elle était au départ considérée
comme une armée de l'OTAN et devait absorber le premier choc avec les
troupes soviétiques, elle devait disposer à cet effet de moyens
lourds en terme de blindés, d'armes antichars et d'une aviation capable
de soutenir les actions au sol. Quelle peut être sa raison d'être
si face à elle ne se dresse plus aucun ennemi ?
De fait, plus aucun de ses voisins ne représente une
menace : les États qui jouxtent sa frontière sont soit
membre de l'UE, soit membre de l'OTAN, ou en passe de l'être. Bien plus,
la menace s'est déplacée. Le fait qu'il existe encore une menace,
révélée par le terrorisme de masse, prouve que l'Allemagne
doit conserver un outil de défense efficace afin d'assurer sa
souveraineté : la sécurité allemande se situe donc en
Afrique et au Moyen-Orient. Le ministre de la Défense allemand a
employé ces termes : « la défense de l'Allemagne
s'effectue également dans les montagnes afghanes » lors de ces
différentes interventions publiques. La Bundeswehr doit, pour
rester crédible et garder sa légitimité, se tourner vers
les opérations extérieures, ce qui signifie assouplir ses
structures et se doter de moyens performants de projection aérienne et
maritime. Or, une telle conception est absolument révolutionnaire dans
un pays où l'histoire n'a jamais favorisé ce type d'emploi de
l'outil de défense. En tournant la Bundeswehr vers la
projection, le ministre de la défense a donc brisé un tabou
essentiel dans la mise en place d'une Europe de la défense dont le but
est lui aussi nécessairement orienté à
l'extérieur.
La Bundeswehr est donc à ce jour engagée avec
7.080 hommes dans le cadre de six missions distinctes. Il s'agit des
opérations suivantes :
- l'UNOMIG (11), mission d'observation des Nations Unies en
Géorgie,
- SFOR (1.270) et KFOR (3.170), missions de l'OTAN dans les
Balkans,
- ISAF (1.870) en Afghanistan,
- Enduring Freedom (280) et Active Endeavour
(400) dans le cadre de la lutte anti-terroriste, auxquelles s'ajoutent
près de 2.900 hommes pour gardienner les installations US en
Allemagne,
- Un Airbus MEDEVAC à 24 heures,
- Un C-160 TRANSALL à 24 heures pour les Balkans,
- Un CL-601 CHALLENGER à 12 heures.
Ce format de 7.080 hommes engagés est désormais
la norme (colonel Kirschner, OLIA füs/V, Bundesministerium
der Verteidigung) en matière de projection pour la
Bundeswehr.
La Bundeswehr est à l'heure actuelle en pleine
restructuration en trois catégories de force, au nombre
desquelles :
- les forces d'intervention, EingreifsKräfte
(EK), de 35.000 hommes, capables d'imposer la paix, de créer les
conditions pour la stabilisation de la paix, et de mener un combat de haute
intensité à l'extérieur du pays contre un ennemi
structuré ;
- les forces de stabilisation,
StabilisierungsKräfte (SK), fortes de 70.000 hommes, dont
l'unique mission sera la stabilisation et le maintien de la paix par :
. la séparation des parties,
. la surveillance des accords de cessez-le-feu,
. l'élimination d'éléments refusant le
processus de paix,
. l'imposition d'un embargo,
. l'autoprotection contre des éléments
irréguliers,
. la protection de la population civile,
. la surveillance de zones, d'infrastructures,
. la coopération avec d'autres organismes afin de
participer à la mise en place d'institutions étatiques.
Toutefois, il convient de noter qu'il n'y aura pas de
séparation réelle entre EK et SK, les deux forces devant
être capables de remplir toutes les missions.
- les forces de soutien,
UnterstützungsKräfte (UK), armées par 212.500 hommes
dont 75.000 civils, avec pour missions :
. le soutien des forces dans la zone d'intervention,
. la préparation des forces d'intervention à
leur engagement,
. le fonctionnement de la Bundeswehr en Allemagne,
. l'instruction et la formation du personnel.
Il faut bien voir ici la nouvelle doctrine d'emploi de la
Bundeswehr, dans un souci de
« projetabilité » d'une part, mais aussi dans un
souci de cohérence avec la PESD et sa façon d'aborder les crises
d'autre part. D'emblée, l'armée allemande se pose comme un
réservoir d'outils, à même de mener des opérations
plus larges que la seule intervention militaire, en mettant en place des
capacités de stabilisation de paix, préalable à l'envoi de
forces de police.
D'autre part, l'Armée de Terre allemande
(Heer) sera à même de fournir dans le cadre de ses EK, le
noyau d'une division multinationale avec 18.000 hommes environ.
Car, et c'est bien le sens de la PESD, l'avenir de la
sécurité et de la défense européenne est à
l'engagement multinational.
La réorientation des missions de la Bundeswehr
vers des opérations extérieures rapproche de fait le cadre des
engagements des forces allemandes du cadre des engagements des forces
françaises. Ce qui signifie que l'interopérabilité entre
les deux armées va croissante en vue d'un engagement commun dans
l'avenir.
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