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De la manoeuvre des moeurs et du silence des mots dans le lexique français


par Julie Mamejean
Faculté des Chênes, Cergy-Pontoise - DEA Lettres et Sciences du langage 2006
  

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B- Le politiquement correct en chute libre

Ce déni de la pensée unique ne saurait oublier l'année 2006268(*) marquée par les frasques langagières opposant le président italien Silvio Berlusconi à son présidentiable, Romano Prodi.

« De `` couillons'' à `` pédés'', les mots choisis de la campagne électorale ». Tel est le titre d'un article de l'AFP daté du 4 avril 2006. À quelques jours des élections législatives les propos se font de plus en plus désobligeants, et ce en plein débat télévisé. Si R.Prodi compare S.Berlusconi à un « ivrogne », ce dernier assure que « les italiens ne sont pas suffisamment couillons pour voter pour un idiot ».

Des mots jusqu'à présent bannis des ondes télévisuelles font une entrée fracassante sous les yeux incrédules des spectateurs : « nain, bouffon, salaud, délinquant, pédé, menteur, nazi... » pleuvent de toutes parts. Il semble que sous le règne du franc-parler, tous les mots soient bons pour arriver à ses fins, même si cela conduit à l'anarchie la plus totale.

De même en France, la précieuse bienséance semble perdre de l'altitude chez les politiques. Nous ne citerons pour exemple que le commentaire du député UMP, André Santini, concernant l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qui, cigare à la main ironisait « il ne manquait plus que ça, boire c'est dangereux, maintenant fumer c'est mal, bientôt on nous interdira même de baiser »269(*) .

Tiens, tiens... s'enrôler dans les sphères du « parler vrai » serait-il devenu gage de bonne foi ? Y'aurait-il un quelconque mérite à dire dorénavant le Vrai ?

Il semble en tout cas que l'idée soit à la mode.

Au mois de mai 2006 paraît un ouvrage dont le titre pour le moins évocateur, entend y répondre. Il s'agit du livre de J-F.Copé, Promis, j'arrête la langue de bois. Et si l'auteur reçu dans diverses émissions pour sa promotion, s'affiche, sourire chaleureux et sans cravate, il ne faut pas s'y tromper, l'influence du politiquement correct n'est jamais bien loin, comme le confirment les dires de l'auteur-ministre lui-même lorsqu'il s'étend sur la crise socio-financière française, « C'est vrai que la période qu'on vit aujourd'hui est une période difficile, marquée par un blocage, des incompréhensions »270(*).

S'il est laborieux de se défaire des habitudes de la logorrhée politicienne, il semble toutefois très en vogue de s'y essayer.

Cette toute nouvelle valorisation du parler-vrai donne alors sens à la distinction établie par P.Merle dans Le Dico du français qui se cause entre d'une part, « le français qui se parle » désigné comme le français tel qu'on doit le parler, dans le sens où il nous est présenté en tant que norme absolue et d'autre part, « le français qui se cause », le vrai français avons-nous envie de préciser, celui de la spontanéité, de la liberté d'expression, celui du quotidien qui vit sa vie.

Ici donc, les politiciens qui ont joué le jeu permettent d'illustrer parfaitement la théorie de P-E.Saubade :

« L'opinion brute de l'homme de la rue, du `bon sens populaire' peut seul discréditer le discours enroué des politiques »271(*).

Et le déni du politiquement correct permet donc aussi de rétablir le credo fondateur du franc-parler : rien n'est tabou, aucune idée n'est irrecevable, aucun propos ne doit échapper à la critique, à la caricature.

Le franc-parler refuse le monde de l'optimisme au profit d'une société du réalisme, et c'est en adoptant ce discours que la langue de bois deviendra désuète.

De la même façon que pour combattre la bêtise il faut travailler à faire disparaître les conditions qui la rendent possible, la liberté ne peut s'acquérir qu'en oubliant le politiquement correct.

C- Le cas Sarkozy

Si l'expression « politiquement correct » contient le sème « correct », c'est que ce domaine est particulièrement propice à la consommation effrénée de « parler propre ». L'homme politique d'aujourd'hui est d'autant plus engagé dans cette bienséance que, via les médias, l'homme du peuple a les yeux rivés sur lui. Dès lors, si cette entente réciproque n'est pas respectée, on peut d'attendre à l'une des plus graves crises de la politique interne française.

En novembre 2005, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur en « visite » dans l'un des nombreux quartiers sensibles qu'abrite l'Île de France, dérape linguistiquement ou plutôt politiquement parlant.

En utilisant les mots « racaille » ou « karcher » devant un parterre de journalistes, le ministre semble avoir utilisé des termes trop connotés, insuffisamment bienséants.

Qu'il s'agisse de spontanéité, de provocation, de maladresse, de mépris, de franchise ou autre, le choix de ses mots n'a pas été accepté.

Le problème ici c'est qu'un homme politique (sensé donc utiliser admirablement le discours politiquement correct) a employé certains termes qui suggéraient bien des choses jugées profondément anti-démocratique et opposées à l'idéologie politiquement correcte. Forcément...

Le mouvement politiquement correct qui lutte aux quotidiens contre les infractions langagières et tente de convertir bon gré mal gré, le maximum de citoyens, ne peut tolérer qu'un homme politique échappe à cette mouvance. Et lorsque cela arrive, rien ne va plus.

Ainsi, ce que tout un chacun s'est empressé de critiquer, ce que les médias se sont délectés de rapporter ce n'est pas tant le signifié que le signifiant.

Effectivement, beaucoup ont hué le Premier ministre du fait de l'utilisation de ces termes jugés racistes, réactionnaires ...

Bien qu'il soit évident que les termes employés n'étaient pas les plus appropriés, la polémique entourant cet abus langagier a été excessive. Et s'il en a été ainsi c'est que nous sommes bel et bien dans l'ère du politiquement correct.

Choisir de dire, de nos jours, pour un homme politique, ce qu'on pense comme on le pense, c'est s'engager sur une route bien sinueuse, c'est refuser de collaborer avec le régime en place et de ne laisser transparaître ses idées que derrière le coton de la bienpensance.

Et c'est à cette perspective que Nicolas Sarkozy semble s'opposer.

Dans une interview donnée le 22 décembre 2005 au journal Libération, suite aux émeutes des banlieues, il s'insurgeait contre le règne omniprésent de la pensée unique « on ne peut plus rien dire sans être immédiatement accusé de pensées nauséabondes ».

Se présentant comme revendicateur d'un cynisme moderne qui s'affiche sans langue de bois, ses propos, parce qu'ils ne répondaient pas aux normes dictées, ont été responsables de la mise à feu et à sang d'un pays dit démocratique, prouvant là une fois de plus, l'impressionnant pouvoir du politiquement correct..

2) Le franc-parler, un souffle nouveau

* 268 Jusqu'au mois de mai 2006 notamment

* 269 Interviewé à la sortie de l'Assemblé Nationale, le 12 avril 2006

* 270 Fr.3, journal régional, avril 2006

* 271 In La pensée unique...

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry