De la manoeuvre des moeurs et du silence des mots dans le lexique françaispar Julie Mamejean Faculté des Chênes, Cergy-Pontoise - DEA Lettres et Sciences du langage 2006 |
IV/ La pleine ascension du politiquement correct« Notre mollesse est la non-assistance à idiome en danger » (C. Duneton)1) Un antidote contre « l'incorrect-Isme »
Nous avons pu constater que le politiquement correct a su acquérir de nombreuses techniques de formulation, poussant parfois la langue française à un paroxysme jamais atteint, celui d'une langue instrument servant le travestissement du réel. Le politiquement correct naît du langage et s'en sert en fait comme une arme, quelles qu'en soient les conséquences. Et dans l'absence de repères sémantiques que cela inclut, le politiquement correct trouve ses marques et instaure une stratégie justifiant son existence. S.Desclous nous explique172(*) que deux raisons peuvent justifier de la durée de vie du politiquement correct en France : - le possible « intensif » : le politiquement correct traque les discriminations dans le moindre échange discursif. - le possible « extensif » : il en invente à chaque fois des nouvelles. Enrôlé dans un prosélytisme doucereux au sein duquel le politiquement correct clame et auto-proclame sa présence, il nous paraît plus probable de croire en la seconde justification proposée par S.Desclous : le politiquement correct accentue l'aspect incorrect de chaque situation pour confirmer l'utilité de sa démarche. Dans cette mise en scène très astucieuse, il garantit sa survie, et bien plus encore, enfante sa postérité. Présentant le sexisme, le racisme, le lookisme (discrimination fondée sur le style vestimentaire), l'âgisme (sur l'âge), le mentalisme (sur les capacités intellectuelles), et toutes autres dérives en « Isme » comme des composantes premières de la non bienséance, le politiquement correct crée de fait sa fortune en propagent un mal qui appelle comme unique antidote, les conditions de sa propre existence. Et c'est bien entendu au sein du vecteur le plus porteur du 21e siècle, qu'il entend s'infiltrer. 2) L'hypnotique boite noire « Cet hexagonal-opium du peuple » (R. Beauvais) Qu'il s'agisse de la radio, de la télévision ou des journaux, tous les moyens sont bons pour nous imposer stratégiquement et en douceur la nouvelle doxa à la mode, le « médiatiquement correct », qui s'infiltre dans notre vie quotidienne sans qu'on en prenne vraiment conscience. Parce que les médias imposent la bienséance langagière comme une norme absolue, par une sorte de mimétique inconsciente, on la tolère, la répète, et on l'intègre à nos habitudes discursives. Victimes ou coupables, le politiquement correct se présente comme un phénomène unique dans l'histoire du langage, tant il s'immisce vite, et de façon irréversible dans toutes les sphères sociales. En ce sens, le médiatiquement correct, révélant tout le conformisme d'une pensée qu'on veut unitaire, constitue une véritable force de frappe, puisqu'il offre à la bienséance, le siège de son royaume. Martèlement plus ou moins interactif, quiconque tente d'échapper dans son intimité aux lois du politiquement correct, est bien vite rattrapé par des médias corrompus. Et le succès indéniable du politiquement correct en France au travers des médias, répond exactement à l'impossibilité nouvelle de définir ce phénomène dont les caractéristiques dépassent maintenant l'utopie initiale. Les acceptions de la locution sont devenues si nombreuses qu'on ne sait plus comment qualifier ce phénomène protéiforme. La France, atteinte du symptôme de l'omniprésence du politiquement correct, est confrontée à une pléiade d'expressions calques dont la seule mission est de mettre en lumière une même rigueur, une même discipline, entrées à la fois dans l'ère de l'éthiquement correct, du religieusement correct, du sexuellement correct... Cette nouvelle doxa qui se veut idéologie acceptable, appelle ses ancêtres, le courant des Précieuses, la langue de bois, pour se présenter communément comme une pensée unique respectable qui, baignant dans un conformisme absolu, joue le rôle de rectitude politique, de nouveau moralisme, de néobienséance chez nos voisins canadiens, et aime intégrer une nouvelle classe, celle de l'industrie du BCB, la « bonne conscience business », pour reprendre l'expression de P.Merle. Dès lors, les médias utilisent le mouvement à tout va : litanie suggestive et récurrente il faut être, dire et faire tout en mode politiquement correct. Ainsi, militer pour Greenpeace ou Act Up c'est être politiquement correct ; respecter son corps et celui des autres, quel qu'il soit, c'est être politiquement correct ; pratiquer le tri sélectif c'est être politiquement correct, adhérer à un collectif pour l'égalité des femmes et des hommes, c'est être politiquement correct... Cependant, les médias ne semblent pas percevoir le danger d'une telle attitude. Dans un article de Catherine Maliszewski, journaliste au Figaro, un psychiatre parisien, Samuel Lepastier, nous alerte sur la dérive du phénomène : « On oublie que le politiquement correct est une prescription morale et on l'applique à des fins hygiénistes. Vous fumez : faute ! Vous ne marchez pas une heure par jour : faute ! Vous ne mangez pas cinq fruits par jour : faute ! La société traite ses concitoyens comme des mineurs. »173(*).
Les médias, en plus de nous dire comment parler nous disent donc comment agir. Et si autrefois la censure était politique, aujourd'hui elle est la peur de leur déplaire, de ne pas leur obéir. OEil de surveillance, les médias dans leur globalité infligent aux auditeurs, un discours sacré. S'affirmant comme relais principal dans la diffusion de la pensée politiquement correcte, ils se font « architecte de la pensée unique », et nous initient à un « sentimentalisme de bazar »174(*) qui par une sur représentation de l'injustice, de la violence, des minorités victimes, des inégalités en tout genre, garantit une légitimité à leur maître, le politiquement correct, illustration d'une véracité indéniable. En effet, combien de fois n'entendons-nous pas proclamer « mais si c'est vrai, ils l'ont dit à la télé / c'était écrit dans le journal » ? Bouche de vérité des temps nouveaux, les médias régentent notre monde. Oracles du 21e siècle qui, notamment par la télévision et la radio, à travers l'avènement de l'image et du son, contrôlent le langage. Cette omniprésence et cette omnipotence contiennent inévitablement les germes de l'uniformisation de la pensée. Les mêmes sons, les mêmes images, les mêmes mots partout s'ordonnent. Tous les médias se jouent du phénomène. Le panel des réceptions s'élargit et nous devenons alors, sans y prêter attention, à la fois victimes et complices de cet état de fait. En tant que spectateurs, lecteurs ou récepteurs en tout genre, nous nous mettons à penser, à parler, à agir de façon politiquement correcte, mais sans nous en rendre compte. Exerçant une attractivité hypnotique, le politiquement correct, récurrent, nous obnubile, et faisant de nous tous des Mr Jourdain en puissance, s'incarne dans un art rhétorique perfide, celui de la logomachie : « Art où le politiquement correct est passé maître. Elle consiste à pénétrer la faculté de raisonner du public en leur imposant un vocabulaire qui les contraint à ne fonctionner qu'avec des termes politiquement corrects, donc à aboutir à des conclusions politiquement correctes »175(*). Parce que la télévision et la radio ont sur les journaux ce pouvoir du direct, de l'instantané, et qu'on est dans une société de l'immédiateté, ces deux premiers médias qui garantissent une parole d'évangile, légitiment leurs dires et leurs dogmes. Cette civilisation de l'image et du son, appelé par Régis Debray « la vidéo sphère »176(*) contribue donc au confortable épanouissement du mouvement politiquement correct, et garantit sa durée de vie : « La machine parle de plus en plus ( ...) la télévision, peu importe la masse d'informations q'elle crache. Sans elle aujourd'hui, il n'est pas de discours politique admis »177(*). 3) De la récurrence des sons sur le PAF Le politiquement correct triomphant insidieusement et subtilement constitue via les médias, une nouvelle langue commune dont la priorité n'est pas d'informer sur le contenu mais sur le code et la forme utilisés pour en faire part. Il crée le passage d'une langue concrète en une langue désincarnée.Comme l'explique S.Brunet : « Tout se passe comme si, pour reprendre la terminologie de Benveniste avec le langage des médias, le circuit sémiotique s'était renforcé au détriment du circuit sémantique »178(*). La langue française n'est plus populaire ou soutenue, elle est médiatique : « L'avenir de la langue française est pour une large part entre les mains des médias »179(*). Le politiquement correct décrypte donc toutes les situations sociales, politiques, pour nous en avertir au sein d'une Agora virtuelle, nouvel espace publique de réception que sont la télévision et la radio. Les animateurs du petit écran eux-mêmes prennent conscience de ce phénomène qui les envahit peu à peu. Dans une interview accordée au journal Libération en juin 2004, Christophe Dechavane va jusqu'à se plaindre du règne du politiquement correct à la télévision : « Le risque a été stérilisé. Il y a un lissage du langage. Le politiquement correct s'est installé, je ne pourrais plus refaire les débats de société que je faisais. La société consensuelle a rejaillit sur la télévision ». La tyrannie du « médiatiquement correct » pour reprendre le terme de J-M. Chardon, échafaude un tribunal médiatique où siège la pensée unique qui instaure fièrement la dialectique de l'intimidation, de la culpabilisation. L'ampleur inattendue de ce phénomène tend à le promouvoir au rang de mythe politique ou idéologique. Le politiquement correct engagé dans une croisade linguistique vise l'ensemble des sociétés occidentales et peut-être même plus, à en croire l'aspect un tant soit peu prophétique d'Umberto Eco qui écrivait il y 15 ans de cela : « Le monde vit pour aboutir à une émission de télé. Et les médias deviennent la langue du monde »180(*). L'usage du politiquement correct dans les médias est donc un phénomène qui n'a cessé de croître comme le prouvent les relevés de S.Desclous : « On est passé de 101 entrées du mot dans la presse quotidienne américaine en 1988, à 3877 entrées en 1991 »181(*). De même, notre travail de recherche effectué sur le logiciel Europress nous conduit à une conclusion semblable. Si la datation de l'apogée du phénomène se confirme aux alentours des années 1990, on dénombre depuis le mois de janvier 2006, 15 articles faisant référence à la Novlangue, 228 évoquant le politiquement correct, et pas moins de 239 utilisant l'occurrence « langue de bois ». Face à une telle présence et à une telle pression du politiquement correct qui grâce à diverses astuces linguistiques et au poids des médias, s'est introduit dans le vocabulaire de la langue française, on est confronté à un vocabulaire méconnu ou dont l'explication sémantique n'est pas toujours évidente. Si l'on est novice en la matière, comprend-on réellement le sens du terme « hypovigilance » ? Sait-on ce que fait un « ingénieur foncier » ? Et ce qu'est exactement un « conglomérat urbain » ? Il semble que le politiquement correct impose un univers flou où la recherche du sens n'est pas toujours primordiale : « Le politiquement correct, baigné dans un océan de mots où plus le concept est flou, plus il a de la chance de se répandre, telle une algue tueuse déguisée en plante médicinale »182(*). C'est donc parce que le discours politiquement correct impose une langue qui n'est pas vraiment la notre, qu'il nous a semblé important de regrouper en un lexique « du français au discours politiquement correct », les mots reniés et remplacés par des expressions qui, sans traductions, demeureraient incompréhensibles. V/ Le lexique du nouveau français : précis de vocable franco-français à l'usage des novices « Le politiquement correct est largement une maladie de l'élite » (P. Roth) Ce lexique, bien que non exhaustif offre un panel assez représentatif du vocable politiquement correct. Nous avons choisi d'adopter un ordre alphabétique car l'ordre thématique s'est avéré infructueux étant donné le rapprochement de certaines expressions dans plusieurs domaines. La colonne de gauche présente les mots tels que nous les employons ; celle de droite est la traduction pressentie en discours politiquement correct. Ce classement fait état, quand cela est flagrant, des différentes évolutions lexicales ou « vagues » du politiquement correct. Parmi les expressions et termes retenus (à la télévision, à la radio ou empruntés à divers auteurs) ceux en gras sont sensés être les plus récurrents dans l'usage « commun » du politiquement correct. Bien que dans certains cas, l'équivalent proposé par la bienséance pour palier au langage courant semble incompréhensible, nous avons tenté, face à ce « comprenne qui pourra » que dessine le politiquement correct dans notre langue française, d'en déchiffrer une partie. ACCOUCHEMENT : Évènement ACCUSÉ : Mis en cause ACNÉ : Peau à problème ADOLESCENT : Adulte en émergence ADULTE : Personne expérimentée ÂGE : Terme qui tend de plus en plus à disparaître des sphères politiquement correctes / Troisième âge ÂGE BÊTE : Âge d'opposition AGENT DE POLICE : Agent de la sécurité AGENT IMMOBILIER : Ingénieur foncier ALCOOLIQUE : Personne à sobriété différée
AMÉLIORER : Optimiser ANALPHABÈTE : Illettré / Personne présentant un déficit de lecture ARABE : Maghrébin / Beur / Enfant de la 2e génération / Nord-Africain ARCHITECTURE COLONIALE : Architecture tropicale ART PRIMITIF : Art premier ATHÉISME : Terme tellement politiquement incorrect qu'il n'existe aucuns remplaçants.
AVEUGLE : Non-voyant / Malvoyant / Déficient visuel (ces trois termes qui appartiennent à la première vague de politiquement correct, ont en commun ce qui représente finalement un problème pour l'idéologie recherchée, puisqu'ils définissent le dit terme par un manque, un défaut, ce qui est absolument politiquement incorrect) / Personne confrontée à un défi oculaire / Personne visuellement contrariée AVORTEMENT : IVG BALAYEUR : Technicien de surface, de conduite / Agent de propreté BALLE PERDUE (en temps de guerre) : Erreur de tir (synecdoque : le tir est désigné par le projectile) BANDE DESSINÉE : Littérature d'expression graphique BANLIEUE : Périphérie / Quartier sensible / Zone suburbaine de proximité BASSE PYRÉNÉE : Pyrénées Atlantique BAVURE POLICIÈRE : Dysfonctionnement BÊTE : Personne présentant un déficit intellectuel / Personne n'ayant pas les pré-requis cognitifs / Mal-comprenant / Cérébralement différent BIBLIOTHÈQUE : Espace d'études BOMBARDEMENT (en temps de guerre) : Frappe chirurgicale, frappe ciblée BORDELS : Maisons closes / Espaces réglementés BOSSE : Protubérance BOULANGER : Employé en terminal de cuisson BOYCOTT : Posture collective citoyenne BULLETIN DE NOTES : Livret de compétences CADAVRE : (Personne non vivante (expression euphémisante utilisée depuis 1988 en Angleterre) CADRE DE 50 ANS : Senior confirmé CAFÉ : Espace de convivialité CAHIERS DE BROUILLON : Cahiers d'essai CAISSIÈRE : Hôtesse de caisse CAMBRIOLAGE : Délinquance de proximité
CAMPING-CAR : Autocaravane CANCER : Longue maladie CANCRE : Élève en difficulté CANTINE : Unité de production culinaire CENSURER : Modérer CHARENTE INFÉRIEURE : Charente Maritime CHARITÉ : Solidarité CHAT : Félidé domestique CHERCHER DU TRAVAIL : S'inscrire dans une perspective professionnalisante CHOMÂGE : Mot représentatif de l'attitude volontariste des artisans du langage moderne. Avant, désignait le désoeuvrement momentané d'un travailleur attendant une nouvelle embauche. Actuellement il indique un constat, celui de l'inemployabilité du travailleur / Parcours de recherche d'emploi / Période transitoire dans le cadre d'une réorientation de carrière/ congé payé prolongé / Repos involontaire CHOMEUR : Demandeur d'emploi / Personne en quête d'emploi / Personne en cessation d'activité / Offreur de service (ce dernier terme est préférable dans la mesure où il présente l'aspect positif de l'inactivité du chômeur, tandis que les premiers termes le présentaient dans une posture d'attente, ce qui le mettait en dehors de l'activité sociale, donc l'excluait, chose intolérable pour le politiquement correct) CIMETIÈRE : Champ du repos / Espace de fin de vie CITADIN : Actif urbain CITÉ : Zone de non droit / Quartier sensible CLANDESTIN : Réfugié économique débouté du droit d'asile CLOCHARD : Citoyen en rupture sociale / Itinérant / Marginal / SDF (sigle étonnant : un domicile par définition est fixe, et on ne saurait considérer comme fixe un emplacement ou quelqu'un passe la nuit. Ce sigle induit l'idée que ce qui définit l'homme social c'est son domicile, et là, le SDF est définit par ce qu'il n'a pas ; il est un homme moins la place qu'il devrait occuper. Ce sigle nie la nature de l'homme en tant que tel. COALLITION : Belligérance COIFFEUR : Capilliculteur COLONISATION : Découverte (ici le politiquement correct va loin puisqu'il définit une réalité historique sous une forme quasi négationniste) COMMENCER : Initialiser CONCIERGE : Auxiliaire de gardiennage et de médiation / Surveillante de groupe CONCLURE : Finaliser CONNAISSANCES : Compétences CONSTIPATION : Désordre intérieur CONTRÔLEURS (de la SNCF notamment) : Agents commerciaux des trains COUPE-FAIM : Modérateur d'appétit COUPLE HOMOSEXUEL : Couple contre nature / Couple non traditionnel CRIMINEL : Asocial / Preneur de vie / Désorienté affectif DAS : Aide sociale à l'enfance DÉFAITE : Non-victoire ( ici, principe de la Novlangue : on prend un mot positif auquel on ajoute un simple préfixe pour obtenir son antonyme, mais sans avoir à prononcer donc à évoquer une connotation négative) DELOCALISATION : Implantation d'emploi à l'étranger DÉMODÉ : Folklorique DÉMOLIR : Déconstruire DIVORCE : Séparation / Démariage DROGUÉ : Personne présentant une conduite addictive / Polytoxicomane DROGUE : Hallucinogène
DROITS DE L'HOMME : Droits de l'Humain ÉBOUEUR : Agent de traitement des déchets urbains et industriels ÉCHEC : Succès différé ÉCHOUER : Réussir en dessous de ses possibilités ÉCOLE MATERNELLE : Etablissement de cycle préscolaire ÉCONOMIE PARALLÈLE : Trafique de drogues ÉDUCATION : Éducabilité ÉGLISE : Entité paroissiale / Espace de culte ÉLÈVE : Apprenant / Acteur de la formation ÉLEVE TURBULENT : Elève d'origine culturellement défavorisée EMPLOI DU TEMPS : Planning ENFANTS ABANDONNÉS : Enfants proposés à l'adoption ENFANTS DE PAUVRES : Enfants issus de familles fragilisées ENFANT TRISOMIQUE : Enfant différent ENTERREMENT : Obsèques / Inhumation / Rituel de fin de vie ESCLAVAGE : Travail clandestin ESCROC : Personne éthiquement déboussolé ÉTAT MAJOR : Technostructure ÊTRE AIME : Être un objet d'aimance ÊTRE DÉPRIMÉ : Être à la périphérie de soi-même (jargon psychologique typique du politiquement correct) ÉTUDE DE MARCHÉ : Merchandising EXCLU : Sous-privilégié EXCLUSION : Mot qui n'a pas de remplaçants en discours politiquement correct car il est étymologiquement ( excludere, maintenir dehors) trop accusateur183(*). EXPLIQUER : Expliciter FACTEUR : Préposé à la distribution du courrier FAILLITE : Cessation de paiement FEMME DE MENAGE : Aide ménagère / Intervenante à domicile / Employée de surface / Technicienne de surface FIGURANTS : Acteurs de complément FOU : Personnalité pathologique de type borderline / Déstabilisé mental / Personne à émotivité différée / Dépressif GHETTO : Zone urbaine sensible / Quartier communautaire GITANS : Gens du voyage GRÈVE : Mouvement social GROS : Personne enveloppée / Personne en surpoids / Personne présentant une surcharge pondérale / Personne possédant une image corporelle alternative HOMOSEXUEL : Gay (franchisé en « gai » depuis 1997) / Personne à sexualité alternative / « Queer » venu des États-Unis pour remplacer « gay » HÔPITAL : Espace prophylactique IDIOT : Irrationnel IGNORANCE : Non-encore savoir IMMIGRÉS CLANDESTINS : Sans-papiers / Exclus de la loi républicaine IMPÔT : Contribution IMPUISSANCE : Impouvoir INCAPPABLE : Inapte INCULPATION : Mise en examen INFIRME : Handicapé / Personne à mobilité réduite / Personne à compétence alternative / Personne confrontée à un challenge physique INNATENTION : Hypovigilance INSTITUT DE BEAUTE : Espace de bien-être (plus politiquement correct car ne sous-entend pas que c'est un lieu uniquement réservé aux personnes belles) INSULTE : Atteinte à la dignité INTÉGRISTE : Traditionaliste INVASION (en temps de guerre) : Libération JARDIN : Espace arboré JARDINIER MUNICIPAL : Agent d'entretien de la nature / Agent vert / Animateur d'espaces verts J'M'EN FOUTISME : Relâchement éthique JOUETS DANGEREUX : Jouets sensibles (moins effrayant et plus commercial, politiquement correct donc) JUIF : Personne de religion juive / Personne de religion israélite / Peuple du Livre LAID : Esthétiquement différent / Cosmétiquement différent / Physiquement atypique LÉPREUX : Personne atteinte de la maladie de Hansen LICENCIEMENT : Plan d'ajustement social / Rationalisation des effectifs MAGHREBIN : Jeune (ici, en dehors d'une forte valeur euphémisante, il y a une perte de la valeur sémantique) MAIGRE : Filiforme MAISON DE CORRECTION : Structure close MAÎTRESSE : Institutrice / Professeure des écoles MALADE : Patient / Consommateur de soins MAL DE TÊTE : Migraine / Céphalalgie MANIFESTATION : Rendez-vous revendicatif MANIPULER : Motiver MASSAGES : Techniques manuelles MAUVAISE RÉPUTATION : Déficit d'image de marque MENSONGE : Désinformation / Vérité différée MENSTRUATION : Irrégularités féminines MENTIR : Être dans le fictionnel MER : Espace marin MORGUE : Institut médico-légal MORT (n.f) : Disparition / Processus biologique terminal / La grande faucheuse ; la dame en noir ; la voyageuse de nuit ... MORT (n.m) : Personne avec un métabolisme divergent / Personne non-vivante MORTS (en temps de guerre) : Dégâts collatéraux MORT-NÉ : Né sans vie (périphrase, passe-passe langagier beaucoup plus politiquement correct) MOURIR : Disparaître / S'éteindre / S'en aller / Partir / Rendre le dernier soupir / Rendre l'âme / Partir pour le grand voyage ... MST : IST (remplacé par un autre sigle mais le terme « infection » du second, inquiète moins que le terme « maladie » du premier) MUSÉE : Pinacothèque / Espace de renouvellement perpétuel NAIN : Personne de petite taille / personne à verticalité contrariée NOËL : Fête de fin d'année Sapin de Noël : Sapin de fêtes ; vacances de Noël : vacances d'hiver ; Joyeux Noël : Joyeuses Fêtes NOIR : Personne de couleur / Black : plus politiquement correct que « nègre » de l'époque coloniale et que « noir », puisque fait d'avantage référence à une culture qu'à une couleur ; il faut attendre la fin des années 1980 pour que ce mot s'intègre à la langue courante ; ici, anglomanie salvatrice qui va désigner tout ce qui appartient à la mouvance noire ; terme qui évite le colonialisme et le tabou de la race / Minorité visible / Personne à forte mélanine / Afro-américain / Africain-américain NOM : Patronyme OBSÉDÉ : Obssessioné OBSTÉTRICIEN : Médecin de naissance OPÉRATION (chirurgicale) : Intervention OUVRIER : Collaborateur d'atelier PÂQUES (vacances de) : Vacances de Printemps PARTOUZE : Relation à partenaires multiples / Relation non monogamique PATOIS : Langue collatérale PAUVRES : Économiquement marginalisés / Défavorisés / Victimes de la fracture sociale / Personnes en situation de grande détresse / Personne en situation de précarité sociale et économique / Sinistrés sociaux PAUVRETÉ : Précarité PAVILLON DE CANCEREUX : Service oncologique PAYS FRANCOPHONES : Pays ayant en commun l'usage du français PAYS SOUS DÉVELOPPÉ : Pays en voie de développement / Pays émergeant PEAU : Barrière cutanée PÈRE : Géniteur PETITS ENFANTS : Épigones PEUPLE : « Vrais gens » expression très politiquement correcte pour désigner les gens de la France profonde PEUREUX : Prudent PILULE (contraceptive) : Progestérone de synthèse PISCINE : Espace nautique PLUIE : Ondée POLICIERS : Forces de l'ordre POMPIERS : Soldats du feu PRESSE À SCANDALE : Presse people PRISON : Centre de retenue / Univers pénitencier / Espace carcéral PRISONNIER : Client du système carcéral / Citoyen détenu PROBLÈME : Souci / Dysfonctionnement PROPAGANDE : Campagne de sensibilisation PROSTITUÉE : Travailleuse du sexe / Travailleuse sexuelle PROSTITUER (se) : Exercer des activités prostitutionnelles QUOTAS IMMIGRATOIRES : Immigration choisie RACE : Groupe populationnel ayant des caractères génétiques en commun RACISME : Politiquement incorrect non seulement parce que des atrocités ont été commises en son nom, mais parce que le seul fait d'admettre qu'il puisse y avoir des différences entre les hommes qui partagent les mêmes droits, répugne une sensibilité politiquement correcte. Mot donc totalement exclu de l'idéologie politiquement correcte et qui ne présente quasiment pas de remplaçants si ce n'est les termes Haine de proximité ou Discrimination RANÇON : Prime de sortie RATAGE : Contre-performance REDOUBLER (au sens scolaire) : Être en classe de rattrapage RELATION SEXUELLE : Câlin / relation physique / Relation intime ... le politiquement correct n'a pas vraiment trouvé de mots pour expliquer cet acte incorrect RÉPRESSION : Pacification (ici le politiquement correct donne quasiment dans l'antonymie) RÉSISTANCE : Résilience RÉSOUDRE : Solutionner RETARD ÉCONOMIQUE : Potentiel de croissance RETRAITE : Cessation anticipée d'activité RICHES : Munis RIDES : Peau mature SALE : Hygiéniquement contestable / Impropre (pour la Novlangue) SECRÉTAIRE : Assistante SENSIBILITÉ : Conditionnement émotif SÉPARATION : Décohabitation SIDA (avoir le virus du) : Être sidaïque (fin de l'expression en 1995) / sidéen / sidatique / Être malade du Sida / Être une personne touchée SIESTE (après un repas): Somnolence post-prindiale SOLITUDE : No man's land affectif / Exploration de soin SOURD : Mal-entendant / Personne présentant un déficit auditif / Personne acoustiquement contrariée SOUTENIR : Supporter SURVEILLANTS : Conseillers d'éducation TERRORISTES : Criminels dévoyés (utilisé pour la première fois par les journalistes de la BBC à Londres après les attentats du métro) THÊATRE : Espace de représentation TIERS-MONDE : PVD / « Pays sous développé mais dont il ne faut surtout pas dire, politiquement correct exige, qu'il est sous développé »184(*) TROISIÈME CLASSE (pour le train) : Classe touriste UNIFORME : Accessoire de carrière VANDALISME : Sentiment d'insécurité / Incivilité VIEUX : Chronologiquement doué / Personne du 3e âge / Senior / Personne de l'âge d'or VIGNERON : Viticulteur / Oeniculteur VILLAGE : Complexe rural VILLE : Conglomérat urbain VILLE DE PROVINCE : Métropole (provinciale) VIOLENT : Invalide de l'affectivité VIRER (se faire..., être ...) : Bénéficier d'un plan de reclassement VOISINAGE : Bassin de convivialité VOYEURISME : Pulsion scopique VUE (paysage) : Panorama ZONARDS : Jeunes de quartiers * 172 S.Desclous, Le politiquement correct * 173 Article du 2 juin 2005 * 174 P-E.Saubade, La pensée unique..., p.22 * 175 Définition de la « logomachie », par V.Volkoff, Petite histoire de la désinformation, p.105 * 176 In Supplique aux nouveaux progressistes du 21e siècle, R.Debray cité par C.Duneton dans un article du Figaro, en janvier 2006 * 177 A.Santini, De tabou à boutade..., p.109 * 178 S.Brunet, Les mots..., conclusion * 179 Claude Hagège cité par S.Brunet, id. * 180 U.Eco, 1990, cité par S.Brunet, Op.cit. * 181 S.Desclous, Le politiquement correct, p.15-16 * 182 L. Fayard, Les Echos, juillet 2002 * 183 À ce sujet, consulter l'intervention d'Alain Rey dans l'article du journal La Croix du 27 février 1997 * 184 P.Merle, Le prêt à parler |
|