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De la manoeuvre des moeurs et du silence des mots dans le lexique français


par Julie Mamejean
Faculté des Chênes, Cergy-Pontoise - DEA Lettres et Sciences du langage 2006
  

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II/ Les outils rhétoriques, faire valoir de la bienséance

1) Les figures de style du politiquement correct

A- Une hypothétique paraphrase

C'est dans le cadre d'un travail de reformulation linguistique que le politiquement correct choisit de moduler la matrice interne de la langue en jouant avec des procédés syntactico-sémantiques qui vont mener, via différentes figures de style, à des changements de sens.

Tout d'abord, c'est avec l'usage de la paraphrase en tant que reformulation légitime que le politiquement correct s'établit.

La paraphrase, comme le définit l'article du Dictionnaire d'analyse du discours, est :

« Une relation d'équivalence entre deux énoncés, l'un pouvant être la reformulation ou non de l'autre », équivalence qui « s'exprime en termes de coréférence ».

Et le politiquement correct vit justement de cette relation qui impose l'équivalence choisie comme une fiabilité lexicale.

Lorsque pour évoquer le substantif « nain », la norme préfère employer l'expression au combien plus gratifiante de « personne de petite taille », c'est avant tout l'aspect paraphrastique de la formulation qui est mis en avant.

La paraphrase se fonde donc sur un socle commun de référents, de « sémantismes différentiels »113(*), et en dépassant le simple stade de la synonymie puisqu'elle existe dans la déformation du sens même des mots cibles, elle s'annonce non pas comme une activité de reformulation, mais bien comme une forme de continuité sémantique entre les données qu'elle relie et repense.

C.Fuchs, spécialiste de l'analyse du discours et plus précisément de l'énonciation, nous explique dans son ouvrage114(*) que la paraphrase a une forme double : elle est « pré-linguistique » lorsqu'elle se présente comme moyen de reformulation, et elle est plus « classique » lorsqu'elle travaille en terme d'équivalence.

Néanmoins, cette double apparence pose un problème majeur, celui du seuil de distorsion lexicale : le processus paraphrastique ne peut être pensé et défini sans approche réductrice comme un phénomène d'équivalence sémantique dans la mesure où cela consisterait à morceler la paraphrase :

« Cela revient en effet à la couper non seulement de la dimension discursive de l'activité de la reformulation, mais aussi des facteurs de variabilité et de déformabilité inhérents au fonctionnement sémantique des énoncés au sein même de la langue »115(*).

Pourtant, c'est bien ce que veut le politiquement correct qui ne se soucie guère de la rupture interprétative ou de la déformation sémantique induite dans le processus de reformulation énonciative.

Qui plus est, la paraphrase sous le joug de ce dernier a gardé ses fonctions premières.

Apparut pour la première fois dans le vocabulaire français au milieu du 16e siècle116(*), la paraphrase était une pratique langagière spécifique, destinée à des fins essentiellement pédagogiques.

Au 19e siècle, elle devient « une pratique de délayage et de la forme du contenu pouvant aller jusqu'à la distorsion du sens »117(*).

Dans la pratique courante elle est la reformulation sans valeur explicative, d'un énoncé, et est utilisée aujourd'hui à des fins qui relève de la même compétence.

Il y a en effet dans la paraphrase politiquement correcte, une démagogie première qui se mêle à un regard critique porté sur des mots-cibles que certains croient bon de transformer.

C.Fuchs résume d'ailleurs l'emploi de la paraphrase sous forme d'un schéma très intéressant : X . C -> X'.

Si le mot-cible désigné par la lettre X est transformé grâce à la paraphrase en un mot nouveau désigné par X', cela suppose qu'il y a un intermédiaire noté C (pour évoquer le Contenu) qui est le point de départ de X et l'aboutissement de X'118(*).

Ici cependant, un problème se pose : il semble en effet qu'il n'y ait aucune trace de cet intermédiaire dans le passage d'un mot-cible en un mot politiquement correct.

La paraphrase proposée par la bienséance se fonde uniquement sur l'idée d'une parenté caractérisée par un invariant qui se voudrait quasiment synonymique.

Il paraît donc restrictif de penser de cette façon la reformulation politiquement correcte en terme paraphrastique, puisque le processus de substitution s'avère impossible car impensable.

Effectivement, l'une des caractéristiques de la paraphrase suppose que :

« Si A est en relation de paraphrase avec B, alors B doit pouvoir commuter avec A dans n'importe quel type de co-texte »119(*).

La non réciprocité imposée par le politiquement correct clôt l'éventualité de la substitution paraphrastique comme l'une de ses habitudes de pratique langagière.

Dès lors, différentes figures de style vont être utilisées pour tenter de palier aux attentes dudit phénomène.

* 113 P.Charaudeau, Dictionnaire d'analyse du discours

* 114 In Paraphrase et énonciation

* 115 C.Fuchs, id., introdution

* 116 L'étymologie et l'origine sont détaillées dans le premier chapitre de l'ouvrage de C.Fuchs, op.cit.

* 117 C.Fuchs, Paraphrase..., p.21

* 118 Un peu plus loin dans la démonstration, C. Fuchs présente le Contenu comme la clef de voûte de la reformulation de X en X'.

* 119 C.Fuchs, Op.cit, p.77

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