Le traitement automatisé des données à caractère personnel lors des déplacements( Télécharger le fichier original )par Aymeric BAAS et Marjorie PONTOISE Université Lille 2 - Master 2 professionnel NTIC - Cyberespace 2006 |
Section 2 Le traitement des informations recueilliesUne des innovations de la loi de 2006 résident dans la nature du contrôle lui-même. La loi de 2003 relative à la sécurité intérieure se contentait de photographier et conserver les clichés des immatriculations des véhicules. Outre le contrôle des données signalétiques des véhicules, ces dispositifs permettraient de photographier les occupants du véhicule. Dorénavant, « les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes peuvent mettre en oeuvre des dispositifs prenant la photographie de leurs occupants ». Toutes personnes circulant sur le territoire français est susceptibles d'être photographiées. D'un point de vue technique, ils ressembleraient aux radars automatisés mis en place depuis 2003 dans le cadre de la lutte contre la violence routière. A cet égard, le ministère de l'intérieur étudie la possibilité d'utiliser ponctuellement certains de ces radars ainsi que les radars mobiles aux fins du présent article, dans un intérêt de mutualiser les coûts. Cependant, il existe une importante différence car le dispositif ne se déclenchait qu'en cas d'infraction, c'est-à-dire, une vitesse excessive. La photographie et la réalisation de l'infraction étaient simultanées, seuls étaient photographié les contrevenants. Dans le cas présent, la prise de cliché est automatique et systématique. Cette mesure laisse ainsi supposer que tout citoyen se déplaçant sur un axe sous surveillance est susceptible d'avoir commis ou de commettre un acte terroriste et doit être photographié. Reste à déterminer quel traitement est réservé aux photographies des immatriculations et des occupants. Le troisième alinéa de l'article 7 de la loi du 23.01.2006 prévoit que les données collectées par les dispositifs de contrôle automatisé, c'est-à-dire pour l'essentiel les données signalétiques et la photographie des occupants, peuvent faire l'objet d'un traitement automatisé. Il s'agirait d'un fichier de police administrative mis en oeuvre par les services de la police et de la gendarmerie nationales. Le projet de loi rappelle que ce fichier serait soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le quatrième alinéa du même article prévoit que ce fichier serait interconnecté avec le fichier des véhicules volés ou signalés (FVV8(*)). Pour être efficace, la consultation automatique de ce fichier suppose qu'il soit alimenté et actualisé dans les délais les plus brefs. L'Assemblée nationale a ajouté que le système d'information Schengen (SIS) serait aussi consulté automatiquement, celui-ci étant déjà relié au FVV9(*). Les termes de la loi sont les suivants : « Ces traitements comportent une consultation du traitement automatisé des données relatives aux véhicules volés ou signalés ainsi que du système d'information Schengen [...] Afin de permettre cette consultation, les données collectées sont conservées durant un délai maximum de huit jours au-delà duquel elles sont effacées dès lors qu'elles n'ont donné lieu à aucun rapprochement positif avec les traitements mentionnés au précédent alinéa. Durant cette période de huit jours, la consultation des données n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement positif avec ces traitements est interdite, sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale. Les données qui font l'objet d'un rapprochement positif avec ces mêmes traitements sont conservées pour une durée d'un mois sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière. » La conservation des données pendant huit jours est justifiée par le délai de latence qui peut s'écouler entre le moment où un véhicule est volé et le moment où ce vol est signalé au FVV. En outre, comme l'a précisé un amendement adopté par l'Assemblée nationale, les données recueillies n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement avec le FVV seraient inaccessibles à toute consultation, sans préjudice bien entendu des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale. Le dispositif proposé est très proche de celui déjà approuvé par le Sénat lors de l'examen de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Les données n'ayant pas permis de rapprochement positif avec celles d'un véhicule volés ou signalé sont détruites et ne peuvent être consultés, le traitement est dit « interdit ». Reste que les garanties de confidentialité demeurent problématiques. Il appartient ici au législateur de fixer les garanties de nature à préserver l'exercice des libertés constitutionnellement protégées au nombre desquelles figurent la liberté d'aller et venir et la liberté individuelle dont le droit au respect de la vie privée constitue une des composantes. Au titre de ces garanties, doivent figurer soit dans la loi, soit sous la forme d'un renvoi explicite à des dispositions réglementaires prises après avis de la CNIL : la désignation expresse des catégories de services de police et de gendarmerie habilités à utiliser les dispositifs informatiques ainsi que des modalités d'habilitation individuelle de ces personnels ; la mise en oeuvre de dispositifs de conservation et de contrôle systématiques des interrogations opérées par les services de police et de gendarmerie ; la détermination précise des modalités d'utilisation par les services de police et de gendarmerie, des dispositifs et en particulier des conditions dans lesquelles les résultats des rapprochements d'informations opérés seront utilisés à l'égard des personnes concernées ; les décisions individuelles susceptibles d'être prises en conséquence à l'égard des personnes ; l'obligation de prendre les dispositions nécessaires pour informer de façon claire et permanente et par tous moyens appropriés les populations concernées de la mise en place des dispositifs ainsi que des droits et voies de recours qui lui sont ouverts. En l'absence de décret d'application, nous ne sommes pas en mesure de garantir un accès aux justiciables qui voudraient prendre connaissance des données collectées les concernant. En tout état de cause, la CNIL sera amenée à exercer pleinement et sans restriction les pouvoirs de contrôle qui lui sont conférés par la loi du 6 janvier 1978 modifiée, y compris un contrôle a posteriori de l'utilisation des fichiers contenant des données à caractère personnel. En effet, les services de renseignements et de police ont besoin d'accéder à l'ensemble des fichiers dont dispose l'administration : mais vu l'interconnexion des fichiers prévues par la loi, on est en droit de se demander quel statut aura le fichier qui fusionnera les deux autres : celui-ci devra également être contrôlé. Pour l'instant aucun cadre n'a été définit, là encore, les décrets d'application se font attendre. Le rapporteur de la loi, Alain Marsaud10(*), précisait que : « le conducteur, le passager et la plaque d'immatriculation de tous les véhicules qui passent sont alors automatiquement photographiés et les photos restent dans le logiciel. S'il apparaît cependant, par recoupement, que la plaque d'immatriculation correspond à un véhicule volé ou mis sous surveillance, précisément parce qu'il pourrait être utilisé par un groupe terroriste ou une organisation mafieuse, un système d'alerte sera déclenché. Les fonctionnaires habilités auront alors accès à la photo afin de vérifier s'il s'agit bien d'un véhicule volé ou signalé. En revanche si le citoyen lambda - vous ou moi, monsieur Floch11(*) - est photographié au volant de sa voiture, il ne se passera strictement rien et personne n'aura jamais accès à la photo puisque le système d'alerte ne se déclenchera pas. Il y a en effet peu de chance que nous circulions dans un véhicule volé ou signalé ! »
« S'agissant du délai, nous avons prévu huit jours de conservation dans ce qu'on pourrait appeler la boîte noire, même si l'expression n'est pas très adéquate, pour parer à toutes les éventualités. Si, par exemple, un véhicule est volé le week-end sur un parking d'aéroport, il faut laisser le temps à son propriétaire de se rendre aux services de police pour déclarer le vol, et à ces derniers celui de rentrer l'identification de la voiture dans le fichier des véhicules volés. Tout cela peut prendre cinq jours. Nous ne gardons donc que trois jours de plus les informations dans la boîte noire. »
En effet, on ignore ce que l'expression « rester dans le logiciel » implique. Sans rentrer dans des considérations techniques on peut mettre en doute le bien fondé de l'expression, un logiciel ne contient pas à proprement parlé des données. Quant aux supports de stockage bénéficiera t'il des mesures de protection adéquate ? Les informations seront-elles cryptées ? Le support sera-t-il ou non mis sur un réseau ? Le cas échéant sera t'il suffisamment protégé ? Où sera physiquement conservé le support ? Pour le moment toutes ces considérations techniques mais pourtant essentielles ont été éludées.
Enfin, l'article 8 dispose que seuls les données correspondant à un véhicule volé ou signalé pourront être conservé un mois. Une question légitime en découle, ces dispositions ne seraient elles pas plus adaptés à des infractions de droit commun qu'à la lutte anti-terroriste ? Il convient à présent d'examiner les dispositions relevant des déplacements internationaux. * 8 Le fichier des véhicules volés (FVV) existe depuis 1974. Il permet la gestion au plan national des véhicules, bateaux, aéronefs, signalés volés par leur propriétaire ou mis sous surveillance à la demande d'un service de police ou de gendarmerie. L'application autorise également sous certaines conditions la mise sous surveillance des plaques d'immatriculation volées. Il traite notamment des informations suivantes : immatriculation et numéros d'identification divers (moteur,..), type, marque, modèle et couleur du véhicule, motif de l'enregistrement, service ou unité à l'origine de l'inscription, date et lieu du vol, informations relatives au propriétaire et à l'assurance. A chaque fiche est également associée « une conduite à tenir » qui s'affiche à l'écran en cas de consultation positive. Au 2 janvier 2005 (chiffre cumulé depuis cinq ans des véhicules inscrits non découverts), le FVV contenait 394.383 véhicules immatriculés et 119.581 véhicules non immatriculés. Au cours de l'année 2004, plus de 4,5 millions d'interrogations ont été enregistrées sur la base FVV gérée par la police nationale, chiffre sensiblement stable depuis plusieurs années. * 9 Une liaison avec le système d'information Schengen (SIS) a été mise en place depuis le 26 mars 1995, ce qui permet son alimentation par le FVV. A l'inverse, les signalements effectués dans le S.I.S. (par les autres pays signataires de la convention Schengen) sont consultables directement à partir d'une interrogation effectuée sur le FVV. * 10 http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/2089.asp * 11 http://www.assemblee-nationale.fr/12/tribun/fiches_id/1317.asp |
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