2. Les nouveaux usages des consommateurs
Traditionnellement, dans la sphère privée de son
foyer, le public peut utiliser librement une oeuvre sous la
réserve principale du respect des droits moraux de l'auteur. En effet,
les droits patrimoniaux de l'auteur s'effacent partiellement devant la vie
privée du public autorisé à effectuer des copies et des
représentations privée.
Engagée depuis près de dix ans, la mutation des
droits d'auteur dans l'univers numérique se révèle depuis
peu, à travers des manifestations très pratiques et très
sensibles pour les consommateurs : pourquoi ne puis-je pas graver l'oeuvre que
je viens d'acheter chez mon disquaire ou sur Internet, pourquoi mon CD Audio
n'est-il pas lisible sur mon PC ou mon autoradio, comment regarder un DVD,
pourquoi encore ne puis-je plus déplacer des fichiers musicaux vers mon
baladeur MP3, etc. ? À chaque fois survient une application de
mesures techniques ou la mise en oeuvre de fonctions de Digital Rights
Management Systems.
En arrière-fond, la plupart des réponses
à ces questions tiennent aux stratégies économiques,
industrielles et techniques menées avec l'émergence de
l'économie numérique des contenus. En particulier pour
l'économie de la création, elles tiennent à :
- la nécessité de préserver et
développer la valeur économique des industries culturelles
basculant dans l'environnement numérique
- l'intérêt d'exploiter le nouveau besoin de
sécurité de ces valeurs économiques pour le
déploiement des industries des technologies de
l'information
- du souci de former des offres commerciales les plus
adéquates pour satisfaire le consommateur final dans son
appétence pour les contenus et dans des conditions d'usages toujours
plus flexibles.
La réunion de ces trois exigences se traduit par le
développement des mesures techniques de protection des contenus
numériques. Ces mesures sont apparues aussi pour remédier aux
nouveaux usages des consommateurs et de leur différentes utilisations,
plus ou moins légale, des produits culturels.
La technique DRM, provoque un changement profond dans la
consommation des oeuvres. Elle permet une rémunération de
l'auteur proportionnelle à l'usage de son oeuvre, ainsi qu'une
« facturation » de l'utilisateur au plus près de sa
consommation réelle de l'oeuvre. En effet, si actuellement une personne
achète un support contenant l'exemplaire d'une oeuvre permettant un
nombre indéterminé d'utilisations de celle-ci, elle en paie
implicitement le prix. Elle acquitte un prix correspondant à cet usage
illimité. Dans le monde numérique, il est possible que le
consommateur ne paie plus pour acquérir le support d'une oeuvre
permettant une consultation indéfinie de celle-ci, mais pour utiliser
l'oeuvre une ou plusieurs fois. Ainsi se développerait une
économie de l'usage où l'acquisition d'un support serait
remplacée par le paiement à l'écoute ou au visionnage. Ce
nouveau modèle économique de consommation des oeuvres, où
chaque utilisation d'une oeuvre entraînerait un paiement, aurait pour
appui juridique un nouveau droit : le droit d'utilisation d'une
oeuvre. Celui-ci permettrait au diffuseur d'une oeuvre de faire payer le
consommateur pour chaque utilisation de l'oeuvre.
Le droit d'utilisation serait un outil
« proactif » permettant de faire payer à
l'usage et d'éviter tout risque de piraterie. Les mesures techniques
offriraient alors un large éventail de tarification pour l'usager. A
l'inverse, le droit d'auteur ne serait qu'un outil réactif ne permettant
qu'une sanction a posteriori des contrefaçons des utilisateurs
d'une oeuvre. De plus, il implique le paiement d'un prix élevé
pour acquérir un bien physique contenant un exemplaire de l'oeuvre
utilisable indéfiniment.
Nous sommes alors face au développement d'un nouveau
mode de consommation des oeuvres. Actuellement, du fait de l'absence de mesures
techniques intelligentes capables de permettre un exercice normal des
exceptions, le titulaire de droits est face à l'alternative
suivante : soit il verrouille son oeuvre et empêche le jeu des
exceptions, soit il la laisse « libre » et il s'expose
alors aux risques de piratage. Ainsi, la logique régissant les
exceptions au droit d'auteur change : si un membre du public souhaite
exercer une exception de la liste de l'article L122-5 CPI, il le fait
librement. Cet exercice sera contrôlé a posteriori par le
juge saisi par l'ayant droit. Le système mis en place par la directive
est inverse : dans un premier temps c'est le titulaire de droit qui, en
verrouillant l'oeuvre dont il possède les droits, contrôlera a
priori l'exercice de l'exception en le permettant ou non.
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