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Le blog business

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par Marjorie PONTOISE
Université Lille 2 - Master 2 professionnel droit des NTIC - Cyberespace 2005
  

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2. ÉTUDE PRATIQUE

Dans le domaine des nouvelles technologies et au même titre que les forums, les blogs peuvent être un canal précieux de remontée d'informations de la part des clients utilisateurs des produits ou services de l'entreprise. Ce "feedback" se fait généralement à partir des réponses ou remarques faites sur un blog mis en place à l'initiative de l'entreprise. Certains acteurs utilisent les remarques faites sur ce type de blogs pour faire évoluer leur produit.

Les blogs peuvent contribuer à la qualité de la relation client et occuper une place au sein du dispositif CRM25(*) de l'entreprise. Cette place est évidemment le plus souvent mineure par rapport à l'ensemble des outils mis en place, mais elle peut parfois être non négligeable pour des sociétés et pour des acteurs Internet. Il faut que les sociétés comprennent qu'elles doivent créer une histoire autour de leur marque, et le succès de cette histoire ne dépend pas uniquement de qui la raconte mais dépend aussi de et comment l'histoire est racontée.

v Une cohabitation délicate : Vichy et « le journal de ma peau »26(*)

Profitant de l'effet de mode, le laboratoire Vichy a demandé à l'agence Euro RSGC 4D d'orchestrer la création d'un blog marketing pour lancer une nouvelle crème anti-rides, le « Peel micro abrasion ».

Une jeune mère trentenaire, Claire, devait écrire son journal et faire vivre aux internautes son expérience du produit pendant 21 jours. Mais l'aventure a tourné court après avoir provoqué une tempête dans la blogosphère. Presque immédiatement, des messages condamnant fermement la démarche ont commencé à circuler pour dénoncer ce vrai-faux blog, dont le ton rappelait plus celui du traditionnel publireportage. Le numéro un des cosmétiques (L'Oréal) n'avait pas respecté les règles de bienséances et le code de conduite qui s'imposent dans cet univers.

? Analyse de l'échec

Sur le plan graphique le blog avait une interface hybride entre un site produit (iconographie très médicalisée de Vichy) et un blog classique, tandis que sur le plan de l'identification le blog n'affichait pas son appartenance à la marque (ce qui lui fut fatal). Comment réellement croire qu'une simple utilisatrice, voire même « testeuse » de produit de cosmétique passe du temps sur le design d'un blog qui va être le support de l'évolution de ses problèmes de peau ?! De plus le blog avait été créé et non pas simplement intégré à une plate-forme de blogging gratuite, une consommatrice va-t-elle acheter un nom de domaine27(*) ? Enfin la règle de conduite du blog est d'accepter les commentaires des blogueurs et si possible leur répondre : en l'espèce cette blogueuse ne répondait jamais à aucun commentaires et ceux laissés en lecture étaient triés... autant dire que la communauté de blogueurs n'a pas été floué très longtemps ! Face à cette histoire peu naturelle, un commentaire qualifiait ce blog de « sitcom de troisième zone ».

Faire un blog demande une certaine éthique et un respect des personnes à qui l'on s'adresse, une information pertinente et non formatée s'impose. Dans le cas du « journal de ma peau »là où le dispositif commet une erreur c'est dans sa manière d'aborder le discours et en particulier le mode d'énonciation. Le locuteur du blog est « Claire », une jeune femme d' « un certain âge », qui souhaite parler aux internautes qui partagent ses préoccupations sur la fraîcheur de son teint. Dans ce blog, tout a été programmé, anticipé, les billets ont bien entendu été écrits d'avance par le concepteur-rédacteur. En fait, le décalage entre le design très sophistiqué et le discours, censé être spontané suscite rapidement un malaise. Et de ce fait, les consommatrices ne sont pas dupes, la sincérité de l'expérience est mise en doute. Nous savons pourtant que la sincérité et l'authenticité sont les clefs de la réussite d'un blog, les concepteurs avaient dû l'oublier...

? Conséquences pour la marque

Les auteurs du faux blog ont été forcés d'avouer à mi-chemin ce que tout le monde avait deviné : avoir plus ou moins inventé « Claire ».

Manifestement la crédibilité du discours de Vichy a été mise à mal dans ce dispositif, qui a sûrement fait plus de dégâts qu'il n'a apporté de marché à son nouveau produit. Mais l'échec de la stratégie de Vichy/Euro RSGC 4D est sans doute plus choquant d'autant que d'autres expériences de blog publicitaires ont été lancées avec une plus grande habileté. L'expérience montre que la règle primordiale est de faire un blog avant de vendre une marque.

Par cette déconvenue et grâce aux blogs, L'Oréal a appris à lieux connaître les attentes de ses consommateurs. Certes « bad publicity is always publicity » -la mauvaise publicité, c'est toujours de la publicité- pour un responsable de produit de chez L'Oréal, (responsable de la branche Vichy) cette opération est une réussite : «We learned that we could talk directly to the users, we also learned that communication could be spontaneous and a work-in-progress. We re-adjusted as we discovered their needs and heard their question. [...] Everyone at Vichy has learned from the blog. It has helped us to clarify our production position. And better answer customer questions that we had not previously thought about, such as what products should be used at the same time. The interaction with customers on the blog has impacted our PR and sales efforts28(*) En effet ce responsable considère que cette opération a enrichi son équipe d'un savoir-faire qui leur faisait défaut jusqu'à présent, il n'est donc pas exclu que L'Oréal récidive sur ce terrain. Nous pouvons considérer que c'est une petite révolution dans un groupe qui communique sur l'excellence et le haut-de-gamme et qui doit désormais intégrer les critiques de ses lecteurs.

? Epilogue

Comment en vouloir réellement à Vichy ? La marque a eu le courage de s'aventurer parmi les toutes premières sur ce terrain glissant. L'équipe « produits » et l'agence ont simplement reproduit sur son blog les recettes de la communication traditionnelle.

La marque a d'abord reconnu avoir entendu la critique principale des blogueurs : l'invention de « Claire ». La vraie équipe Vichy s'est ensuite présentée, photo à l'appui. Les dizaines de blogueurs qui avaient critiqué la première version commencèrent rapidement à saluer le courage de l'équipe et commencèrent à lui faire des suggestions, tandis que Vichy se mettait à l'écoute. La principale suggestion était d'impliquer des vraies femmes intéressées pour tester le produit, ce que Vichy s'est empressé de faire en réunissant une dizaine de blogueuses : une nouvelle version avec de vraies utilisatrices a été lancées en septembre. Celles-ci ont testé le produit en postant librement des commentaires. La crème étant de très bonne qualité, les commentaires ont été globalement positifs, transformant au final l'expérience en bon buzz29(*) pour la marque autant sur les blogs que dans la presse (Les Echos a été le premier titre à saluer la réaction de Vichy).

A.Lesueur, responsable Internet et Intranet chez Vichy reconnaît : « nous avons été chahuté au début, mais l'expérience a finalement été bénéfique, cela nous a familiarisé avec les pratiques et nous a donné un contact direct avec nos client ». Après ce mea culpa et un changement de formule l'audience commence à être au rendez-vous : le blog génère un quart de l'audience des sites Vichy, soit environ 7 000 visiteurs par mois.

v Nike ou la  success story du blog

Précurseurs en matière de nouvelles stratégies pour attirer les jeunes, les labels sportifs ont tôt fait d'entrer dans la partie, en respectant toutefois la règle d'or : le blog est destiné à échanger des points de vue et non à vanter les mérites d'un produit. Ainsi Nike a-t-il rusé en lançant un blog par procuration. En effet, le blog The Daily Snkr30(*) destiné aux « sneakers addicts31(*) » est rédigé par un passionné de basket vintage, extérieur à la marque mais soutenu par elle, au moment d'une de ses opérations ponctuelles sur les chaussures de sport rétro.

L'agence Heaven présente ce blog comme une réponse au contexte suivant : « perte d'influence de Nike auprès de ses trendsetters et early-adopters32(*) pas rapport à ses concurrent ». L'objectif final du blog étant de revaloriser l'image de Nike auprès des leaders d'opinion.

En effet, noyé dans un bain publicitaire, le consommateur perd ses repères et la bataille contre les marques est une bataille pour la préservation de son identité. Alors que la production de masse tend à une uniformisation toujours plus poussée, les consommateurs recherchent l'authenticité. Les marques doivent gagner la confiance des consommateurs pour que le client se sente unique et reprenne confiance ; les marketers doivent alors créer un monde autour des marques et inviter le consommateur à y participer : grâce au blog les consommateurs deviennent acteurs du marketing. Nike a su mettre à profit sa connaissance des consommateurs et de leur culture et ainsi proposer une interface innovante qui propose aux clients des expériences avec la marque.

Le blog a été utilisé avec succès par l'équipementier pour plusieurs raisons :

- concernant l'appropriation du produit par les blogueurs, on peut dire qu'elle est totale : des baskets sous toutes les formes, de toutes les couleurs sont véritablement mises en scène dans la plupart des billets. Les marques ont parfois du mal à accepter de perdre de l'emprise sur leurs produits, mais ici, Nike a bien compris tout l'intérêt de laisser ses produits sous le contrôle de ses clients, quitte à ce que les codes de son merchandising soient totalement oubliés !

- le nombre d'auteurs du blog est significatif, notamment si on le compare à la communauté réduite des collectionneurs de sneakers, même si pour chacun d'entre eux le nombre de billets écrits est réduit. Ce blog est de plus « participatif », chacun peut y créer sa propre page perso pour présenter sa collection. Enfin, la liste des liens est aussi une preuve de la volonté de Nike d'insérer ce blog au sein des initiatives déjà existantes sur la toile.

L'initiative est bien officielle, Nike n'est pas tombé dans le piège de Vichy en agissant de manière anonyme, une discrète mention précise que : « this blog is made with the support of Nike33(*) ». La gestion de l'identité et l'aspect officiel de l'opération ont été gérés intelligemment et honnêtement, l'exemple le plus significatif est que le rédacteur en chef de ce blog est lui même un collectionneur passionné.

Nike a su tirer profit de cet outil qu'est le blog car il a respecté les principes fondamentaux de transparence (la marque est identifiée dès la page d'accueil, un lien mène directement à son site commercial), aucun des commentaires ou expériences des clients n'ont été censurés (la liberté de ton est sauve), le blog a su s'ouvrir sur l'extérieur en proposant une multiplicité de liens. Enfin le succès de ce blog repose surtout sur la valeur ajoutée qu'il apporte. Il est essentiel d'apporter une information atypique à son blog, le contenu doit être différent de la communication institutionnelle réalisée par les commerciaux et marketers de la marque. En l'espèce l'attachement des clients à cette marque les a conduit à devenir de véritables passionnés et de le revendiquer sur un site ouvert à tous. Nous observons ici une appropriation de la marque mais aussi de la culture de la marque, les sneakers addicts ont poussés jusqu'à son paroxysme le slogan « just do it » en participant à l'essor d'un blog.

Ce blog de collectionneurs des modèles historiques a réussit entre février et mai 2005 à réunir plus de 60 000 visiteurs uniques par mois, pour un total d'un millions de pages vues. Initié en octobre 2004, celui-ci a fermé le mois dernier car « il réclamait pour subsister un investissement et des équipes non prévues par Nike », commente V.Lelard, membre de l'équipe publicitaire de l'équipementier. Cependant le blog a essaimé et engendré plusieurs autres blogs, créés par des internautes souhaitant prolonger l'expérience. Une dynamique qui bénéficie directement à la marque sans aucun frais et qui assure désormais un buzz permanent autour d'elle.

Ainsi Nike profite du système d'échange et de réseau de la communauté de blogueurs pour continuer à s'étendre sur un plan commercial et financier et ce, sans débourser un seul centime dans la mise en place d'un outil de communication. Le blog en étant référencé et transmis de liens en liens dans la blogosphère se répand alors comme une traînée de poudre.

C'est là l'ultime bénéfice du blog pour la marque : devenir une mine d'or pour ceux qui savent instaurer un vrai dialogue avec leur cible.

* * * * *

Selon une récente étude Forrester Research34(*), 64% des spécialistes du marketing envisagent d'utiliser les blogs comme support publicitaire. Le modèle économique de l'Internet est entrain de se mettre en place à grande vitesse autour des blogs, bien que des incertitudes demeurent sur l'influence réelle que les marques peuvent en retirer. En effet comment quantifier l'impact des blogs en terme d'image, de revenu, d'expansion ? Les blogs sont-ils prescripteurs dans l'acte d'achat ? Aucune étude sérieuse ne permet de démontrer que les blogs sont indispensables aux marques ; mais cependant toutes les marques qui adhèrent à cette communication affirment à l'unisson que cet outil permet de créer un lien avec la clientèle ; en dehors même de la volonté d'améliorer le produit ou le service, le fait de prendre en compte par des modifications, des remarques effectuées sur un blog est un moyen d'exprimer la volonté d'écoute, la reconnaissance attribuée à l'avis des clients et de valoriser la communauté des participants au blog. On se retrouve alors non plus dans une optique marchande, mais au-delà, dans une relation interpersonnelle voulue par la marque qui investit un territoire de communication alternatif pour s'immiscer un peu plus dans les différentes communautés de la blogosphère. Nous pouvons alors en déduire que la distanciation avec l'outil technique ne s'opère plus. De ce fait la blogosphère emprisonnée par la technique ne peux refuser l'utilisation des blogs par les marques. C'est aux marques de s'approprier cet outil pour poursuivre leur développement croissant : « (...) Une fois de plus, la « force des choses » l'a emporté sur la libre décision de l'homme35(*)

* 25 Le CRM (Customer Relationship Management, ou en français GRC, gestion de la relation client) vise à proposer des solutions technologiques permettant de renforcer la communication entre l'entreprise et ses clients afin d'améliorer la relation avec la clientèle en automatisant les différentes composantes de la relation client.

* 26 « Le journal de ma peau » : http:// www.journaldemapeau.fr

* 27 L'achat d'un nom de domaine en lui même ne coûte presque rien. Pour moins de 10€ TTC par an il est possible d'acquérir un .com

* 28 Traduction : « Nous avons appris que nous devions parler directement à nos clients. Ils avaient des questions auxquelles nous avons répondu, ainsi notre équipe ne voulait pas restée anonyme. Nous avons aussi appris que la communication devait être spontanée et réactive. Nous avons réajusté le dispositif selon les besoins et les questions soulevées. [...] Tout le monde chez Vichy a appris des blogs. Cela nous a aidé à clarifier notre position sur le produit. Et ainsi mieux répondre aux questions de nos utilisateurs, ce que nous n'avions pas prévu au départ, alors que le produit était en démonstration simultanément. L'interaction avec les clients sur le blog a eu un impact sur notre production et sur nos efforts de vente ».

* 29 Buzz : « bourdonnement » autour d'un produit ou d'un service avant même sa sortie officielle. Le buzz est une technique de marketing viral qui repose principalement sur le phénomène de bouche à oreille ». « Buzz...Le marketing du bouche à oreille », M. Salzman, I.Matathia, A. O'Reilly, Editions Village Mondial

* 30 The Daily Snkr : www.thedailysnkr.com

* 31 Sneakers addicts : passionnés/collectionneurs de chaussures de sport

* 32 Trendsetters et early-adopters : avant d'être lancées massivement sur le marché, les innovations vont, dans un premier temps, être "mises en vitrine" par l'intermédiaire des trendsetters ou influenceurs : personnes publiques, artistes, journalistes, autant de personnages qui, de par leur médiatisation, vont exposer le produit une première fois au public qui s'intéresse à eux. C'est au sein de ce public que se trouvent les early adopters : avant la "masse", ils vont repérer l'innovation et, si elle est à leur goût, vont se l'approprier tout en y ajoutant leur touche personnelle. Les adopteurs précoces sont alors un public test dans le lancement d'un nouveau produit : s'ils l'adoptent, la mode est lancée car ils vont contribuer à la formation du buzz, le bouche à oreille.

* 33 Traduction : « ce blog a été crée avec le soutien de Nike »

* 34 Institut américain de marketing en ligne : http://www.forrester.com

* 35 « Le bluff technologique » J. Ellul, Hachette 1988

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld