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La soutenabilité de la dette du Cameroun

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par Pierre Alain YOUMBI
Université de Douala - DEA en Economie Monétaire et Bancaire 2006
  

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RESUME

Dans notre étude, nous avons d'abord entrepris de revisiter l'IPPTE pour ensuite explorer d'autres méthodes d'évaluation de la soutenabilité de la dette et enfin dégager, sur la base des résultats obtenus, les conditions complémentaires ou alternatives qui permettent d'assurer la soutenabilité de la dette du Cameroun à long terme.

L'utilisation de la méthode comptable et des tests de racine unitaire et de cointégration ont permis, sur la période allant de 1980 à 2004, de démontrer et de confirmer l'insoutenabilité et la dette intérieure et de la dette extérieure. En plus de relever les limites du cadre d'analyse du FMI (hypothèses de croissance très peu réalistes, protection insuffisante contre les chocs exogènes, non respect des échéances et des engagements, incapacité à restaurer la confiance,...), notre étude, en recommandant l'intégration de la dette intérieure dans l'analyse, montre que la réalisation de la soutenabilité de la dette passe par une impulsion durable de la croissance économique, la mobilisation optimale de l'épargne locale et des ressources publiques, la préférence à un endettement de croissance, la bonne gouvernance et l'attrait d'importants flux d'aides...

ABSTRACT

In this survey, we started by making the HIPC initiative appraisal and by exploring other methods of debt sustainability assessments in order to draw, from the results obtained, the complementary or alternative conditions that can permit to reach the objective of long-term debt sustainability.

The use of the accountant method and unit root and cointegration tests permitted, on the active period of 1980 to 2004, to demonstrate and to confirm that the domestic debt and the external debt are no sustainable. In addition to raise the limits of the IMF operational framework (overly optimistic growth assumptions, exceptional vulnerability to external shocks, non participation of some bilateral and commercial creditors, inability to restore the confidence, ...), our survey, while recommending the integration of the domestic debt in the analysis of the debt sustainability, shows that the sustainability achievement passes through a lasting impulse of the economic growth, the optimal mobilization of the local saving and the public resources, the preference to the growth indebtedness, the good policies and the high aids and grants flows...

INTRODUCTION GENERALE

Après une décennie 1970 de gestion économique prudente et rigoureuse, les années 80 démarrent avec des chocs majeurs (faible taux de croissance, accumulation d'importants arriérés, déficit budgétaire insupportable) qui vont enfoncer l'économie Camerounaise dans une crise sévère. Au milieu des années 80, les difficultés de trésorerie face aux besoins de financements grandissants ont astreint l'Etat à recourir massivement aux sources de financements extérieurs. L'encours total est successivement passé de 568 milliards de FCFA en 1980 à 1 482 milliards de FCFA en 1990, 4 193 milliards de FCFA en 1994, 4 876 milliards de FCFA en 1999 et 4 928 milliards de FCFA en 2004 (Cf. annexe n°2 pour évolution de la dette publique entre 1994 et 2003).

Cette dette extérieure est extrêmement élevée. La conséquence immédiate est que le service de la dette est tellement important qu'il prive l'économie d'une bonne partie des ressources qui auraient pu servir à financer les investissements en infrastructures pour soutenir le secteur privé moteur de la croissance et du développement du capital humain afin d'assurer une forte productivité. Son accroissement a été favorisé par plusieurs facteurs exogènes (choc pétrolier de 1979, détérioration des termes de l'échange, baisse des revenus des exportations des produits de base, hausse des taux d'intérêt, baisse des prêts assortis de conditions concessionnelles, fluctuations des taux de change, baisse des flux d'aides, catastrophes naturelles...). Sur le plan interne, la mauvaise gestion de la dette publique, la mauvaise allocation des ressources et l'absence de discipline financière rigoureuse ont également contribué à l'apparition et à l'accentuation de la crise. C'est véritablement à partir de 1986 que le Cameroun a connu une montée importante des déséquilibres internes et de l'endettement externe. Après plusieurs hésitations, le Cameroun finit par négocier avec le FMI. Le premier accord est signé en 1988.

Malgré le recours à l'ajustement réel obtenu par des politiques de désinflation compétitive, malgré la réduction des dépenses et l`assainissement des finances publiques, le Cameroun se trouve à la fin de l'année 1993 dans une situation d'impasse financière, économique et budgétaire. La compétitivité des produits n'a pas été rétablie et la dévaluation est devenue incontournable. Elle intervient le 1er Janvier 1994 et alourdit da manière mécanique l'encours de la dette extérieure.

Celui-ci se repartit en 1999 entre créanciers multilatéraux (24,3%), créanciers bilatéraux (72,2% dont 68,4% aux membres du club de Paris et 3,8% aux non membres du club de Paris) et créanciers privés (3,5%). L'annexe n°1 retrace l'évolution entre 1994 et 2003 de la dette extérieure par catégorie de créanciers et par créanciers. Quant aux transferts nets (décaissements - service de la dette en principal et en intérêt), ils ont été régulièrement négatifs entre 1980 et 2004, confortant ainsi les déficits externes. L'annexe n°3 montre que ces transferts négatifs sont plus prononcés avec les créanciers multilatéraux et privés. Pour ce qui est de la structure des échéances, les dettes à long terme et à moyen terme en 1999 représentent respectivement 92 et 8% du stock total (Cf. annexe n°4). Il en ressort que les dettes à court terme sont inexistantes. Le poids de la dette (124% du PNB et 338% des exportations en 1995) a conduit à s'interroger sur la soutenabilité à long terme et sur l'opportunité de l'application éventuelle des dispositions relatives aux Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Le Cameroun sera admis à l'IPPTE le 21 décembre 2000. Le périmètre de la dette traitée sera réduit à la dette extérieure.

Le principal intérêt de notre étude est d'avoir fait une analyse sans précédent et sous plusieurs approches de la soutenabilité de la dette intérieure. Sur les cinq dernières années (2000 à 2004), cette dette représente en moyenne 20 % du stock total. En 2004, son encours est évalué à 1 424 milliards de FCFA. Il se décompose en dette structurée (66%) et en dette non structurée (34%). La dette structurée est celle ayant fait l'objet de conventions entre les créanciers et l'Etat dans lesquelles sont définies toutes les modalités de remboursement. Par contre, la dette non structurée est constituée essentiellement des arriérés constatés à une date donnée au Ministère de l'Economie et des Finances et transmis à la CAA pour audit et validation (Cf. annexe n°5 : Structure détaillée dette intérieure et composition des dettes structurée et non structurée).

Cette revue du contexte (évolution, composition, contenu,...) montre qu'en l'absence de conditions favorables et suffisantes, la dette publique du Cameroun peut être en butte à des problèmes de solvabilité1(*), de liquidité2(*) et de vulnérabilité3(*). Cette préoccupation justifie l'objet de notre recherche qui porte sur l'analyse de la soutenabilité de la dette du Cameroun à long terme. Pour permettre une bonne compréhension de notre travail, il va falloir circonscrire et préciser les différentes acceptions du concept de soutenabilité de la dette.

D'après le FMI4(*) (2002), la soutenabilité est la situation dans laquelle un emprunteur soit capable de payer le service de la dette sans avoir à opérer des corrections irréalistes dans la balance des revenus et des dépenses i.e. sans recourir au rééchelonnement, sans avoir à accumuler les arriérés et sans compromettre la croissance. Selon RAFFINOT5(*) (2004), la soutenabilité se définit ordinairement par le fait qu'à long terme, un rapport jugé pertinent entre la dette et un flux de ressources (recettes publiques, exportations, PNB,...) reste stable. Pour KAPPAGODA et ALEXANDER6(*) (2004), la soutenabilité renvoie à la capacité d'un pays à assurer le service de la dette (extérieure et intérieure, publique ou privée, à long et à court terme) sans contribuer à la baisse du niveau de vie de la population i.e. sans compromettre les objectifs du développement à long terme. La dette publique est alors réputée soutenable, si son encours est inférieur à la valeur actualisée des futurs excédants primaires.

Ce concept marque une évolution par rapport au critère de solvabilité au sens strict qui lui, met l'accent sur la capacité de remboursement, sans emprunt supplémentaire, de manière à éteindre ou à annuler le stock de la dette. La soutenabilité insiste sur la capacité à payer régulièrement le service de la dette, condition préalable à la possibilité de continuer à recevoir des financements extérieurs. L'objectif ici n'est pas la réduction de l'encours mais de s'assurer que les ratios d'endettement ne connaissent pas une tendance explosive qui empêche la poursuite de l'endettement.

Le problème de la soutenabilité est posé lorsque certains auteurs (RAFFINOT7(*), 2004) ne comprennent pas comment un pays peut avoir des difficultés à rembourser une dette contractée à des taux d'intérêts si faibles (0,75% dans les cas des prêts de l'AID et de la BM), à des conditions si favorables (durée de 40 ans et 10 ans de différé pour ces même prêts, part élevée des dons dans le financement total).

Tableau n° 1 : Dette extérieure par concessionnalité

Source : CAA, 2005

Le parcours du tableau n°1 montre que la proportion de la dette non concessionnelle dans la dette extérieure du Cameroun n'a jamais été dominante. En passant de 45,2% en 1994 à 0,4% en 2002, la tendance à avoir une dette exclusivement concessionnelle se dessine à l'horizon.

Dans la pensée économique même, la controverse sur l'efficacité de l'endettement est encore plus vive. Il y a comme un rejet systématique de l'emprunt extérieur par les marxistes et une tendance générale à la contestation de son utilité chez les classiques. Selon RICARDO (1817), les citoyens voient dans l'emprunt un impôt dans le temps et se comportent comme s'ils sont contraints de payer un impôt ultérieurement pour rembourser cet emprunt quelque soit le décalage intergénérationnel. R. BARRO (1985) montre qu'une politique de déficit budgétaire financée par l'emprunt reste sans effet sur l'activité économique dans la mesure où les agents ne sont pas victimes de l'illusion fiscale. Ils anticipent une hausse des impôts destinés à rembourser l'emprunt en constituant une épargne d'un montant équivalent à l'endettement public (théorème d'équivalence BARRO- RICARDO). Pour ADAM SMITH, la dette est pernicieuse et ne doit pas être encouragée. Elle incite le souverain à des dépenses inutiles et favorise l'irresponsabilité. J.B. SAY pense qu'il faut limiter l'emprunt public parce qu'en plus d'alimenter la consommation publique, destructrice de richesse et de valeur, il fait intervenir le paiement des intérêts. VON HAYEK (1989) dénonce l'endettement comme étant une croissance artificielle, fondé sur un investissement supérieur à l'effort d'épargne de la nation. Avec ROSA LUXEMBURG, l'emprunt international apparaît comme un moyen de d'émancipation pour les jeunes Etats capitalistes et de tutéllisation des jeunes pays, de contrôle de leurs finances et de pression sur leur politique étrangère, douanière et commerciale. LENINE pour sa part, pense que les prêts visent à augmenter les profits ou à encourager l'exportation des marchandises des pays créanciers et contribue au partage du monde entre les pays capitalistes où s'est développé et généralisé la concentration.

Il reste toutefois des courants comme celle de l'analyse Keynésienne, qui montre que l'endettement n'entraîne de coûts ni pour les générations présentes, ni pour les générations futures du fait des investissements nouveaux qu'il génère. L'endettement favorisant ainsi la relance de la demande, entraîne par effet accélérateur une augmentation plus que proportionnelle de l'investissement qui provoque à son tour une hausse de la production. Le déficit budgétaire auquel correspond l'emprunt stimule la demande et permet d'alléger le coût de son remboursement. Ils pensent néanmoins qu'un recours illimité à l'emprunt public sur le marché des fonds prêtables a un effet contraire au développement de la demande finale.

Sans avoir la prétention de trancher ni de prendre position, nous estimons néanmoins que cette interrogation de RAFFINOT et de beaucoup d'autres auteurs, au delà de sa pertinence, peut impulser la recherche sur les raisons fondamentales de l'improductivité et de l'inefficacité structurelle de la dette.

Il faut mentionner qu'il existe une abondante littérature théorique et empirique sur la soutenabilité de la dette. Ce concept révèle une dimension plurielle en ce sens qu'on parle de soutenabilité de la dette intérieure, extérieure ou de la dette publique, de soutenabilité des politiques budgétaires ou fiscales, de la soutenabilité des déficits publics, de la soutenabilité du compte courant ou de la capacité de remboursement externe, de la soutenabilité des finances publiques, de l'endettement soutenable ou supportable, de l'endettement optimal... Dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons principalement à la soutenabilité de la dette intérieure et extérieure et par ricochet, à la soutenabilité des politiques budgétaires et des déficits publics. Notre choix est essentiellement motivé par l'actualité du thème et la disponibilité des données statistiques permettant une évaluation empirique. Les premières études de la soutenabilité de la dette publique sont conduites au début de la décennie 80. MINSKY (1986) fut le premier à mettre en exergue la soutenabilité financière de la politique fiscale. EISNER et PIEPER (1984) analysent la soutenabilité à long terme de la dette fédérale des États Unis. Beaucoup d'autres auteurs ont étudié la soutenabilité des politiques budgétaires (HAMILTON et FLAVIN, 1986 ; KREMERS, 1988; TREHAN et WALSH, 1988; WILCOX, 1989; TREHAN et WALSH, 1991; HAKKIO et RUSH, 1991; SAWADA, 1994 ; QUINTOS, 1995; FEVE et HENIN,1998;. GREINER et SEMMLER, 1999, MOISSERON et RAFFINOT, 1999; LEACHMAN Francis, 2001; Frederico JAYME, 2001 ; R. JHA, 2001...). A coté de ces évaluations par les modèles, il existe des évaluations par des indicateurs (IBW, DRI, BLANCHARD, ...). Dans cette approche, la dette est soutenable lorsque les ratios d'endettement sont inférieurs aux seuils fixés.

En partant de l'hypothèse selon laquelle la dette est une nécessité (financement du déficit budgétaire, du déficit entre épargne et investissement ou du déficit de la balance courante), nous avons voulu, dans le cadre de ce travail, revisiter l'IPPTE donc l'objectif affiché est de rendre la dette soutenable à long terme. A cet effet, il est légitime de chercher à savoir si les modèles d'évaluation de la soutenabilité adoptés, les solutions de sortie de crise préconisées, les modalités proposées et leurs applications pratiques sont en voie de garantir une telle évolution. Sans remettre en cause cette initiative, notre démarche consiste à explorer d'autres méthodes d'évaluation susceptibles de l'améliorer et de susciter la recherche de solutions alternatives d'analyse, de relecture ou de renforcement des politiques actuelles capable de garantir véritablement la soutenabilité de la dette à long terme (au delà du point d'achèvement) et d'impulser durablement la croissance économique.

La présentation analytique et critique des approches théoriques de la capacité d'endettement, de l'IPPTE (chapitre 1) et des articulations de la Debt Sustainability Assessment (DSA) du FMI (chapitre 2) va servir de repère à la présentation des modèles d'évaluation de la dette intérieure (chapitre 3) et de la dette extérieure (chapitre 4), lesquels modèles seront testés grâce aux deux techniques suivantes :

La méthode comptable. Elle consiste en des évaluations pas à pas, année par année, et qui permet des simulations pour le futur proche;

La méthode actuarielle. Elle est mise en oeuvre en recourant aux tests de racine unitaire et de cointégration.

Les données sont annuelles et sont pour la grande majorité issues de la base de données Cameroon Data (1965-2007) reconstituée par la Représentation de la Banque Mondiale (BM) au Cameroun à partir du World Development Indicators 2005, de Global Development Finance 2005 (publiés par la BM) et de International Financial Statistics 2005, Government Finance and Statistics 2005 (publiés par le FMI). La série sur le service de la dette intérieure a été obtenu auprès de la CAA. L'existence de plusieurs séries incomplètes et le démarrage de la crise de la dette dans les années 80 justifient le choix de la période d'étude qui va de 1980 à 2004. Les données de l'analyse de la dette intérieure sont exprimées en FCFA tandis que celles de la dette extérieure sont exprimées en dollars US.

* 1Situation dans laquelle la valeur présente des dépenses primaires courantes et futures n'excède pas la valeur présente des revenus courants et futurs nettes de la

dette initiale.

* 2 Situation dans laquelle les actifs liquides et les financements disponibles sont suffisants pour couvrir les exigibilités arrivées à maturité.

* 3 Risque de non réalisation de la solvabilité et de la liquidité.

* 4 IMF (2002), Assessing sustainability: Prepared by the Policy Development and Review department, may, 28 p.4

* 5 RAFFINOT Marc (2004), Soutenabilité de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), Paris:Cahiers de Recherche EURISCO, 2004-05, p2

* 6 KAPPAGODA, Nihal, ALEXANDER Nancy, (2004) Debt sustainability Framework for Low income Countries: Policy and resource implications, North South

Institute, p.2

* 7 RAFFINOT Marc (2004), ibid... p3.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon