Annexe 2
Arrêt Trinôme
1° Un engagement de non-concurrence ne
constitue un element incorporel de l'actif immobilise que
si, eu egard a son ampleur, a sa duree et au degre de
protection qu'il implique, il a pour effet d'accroltre la valeur de
l'actif incorporel de l'entreprise, notamment par le gain de parts de
marche.
2° Un engagement de non-concurrence, aux
termes duquel il est interdit a l'interesse de conclure
des affaires avec certains clients pendant une duree de deux
ans et de s'associer avec des entreprises concurrentes pendant trois ans, a
pour seul effet de proteger l'entreprise, pendant une duree limitee, contre un
risque de diminution de sa clientele provenant d'un ancien salarie et ne peut
étre regarde comme augmentant la valeur de l'actif immobilise de la
societe.
3° Une cour administrative d'appel
qualifie inexactement les faits en regardant cet engagement comme un
element incorporel de l'actif immobilise.
4° Les commissions qui ne remunerent
aucune intervention d'un ancien salarie et qui, par suite, ne sont pas en tant
que remunerations deductibles des resultats de la societe, le sont en revanche
en tant qu'elles remunerent un engagement de non-concurrence qui
n'augmente pas la valeur de l'actif immobilise de l'entreprise et qui est
conforme a l'interét de celle-ci.
CE 3 novembre 2003 n° 232393, 9e et
10e s.-s., SA Trinôme
M. Stirn, Pres. - Mlle Burguburu, Rapp. - M. Vallee, Comm. du
gouv. - SCP Celice, Blancpain, Soltner, Av.
Considerant qu'il ressort des pieces du dossier soumis
aux juges du fond, que, par un protocole d'accord signe le 22
fevrier l985 entre M. Jacques Simoneau et M. David-Bellouard,
principaux actionnaires de la SA Trinôme, anciennement Simoneau
Cart'Ouest, M. Simoneau a cede la totalite de ses actions, s'est engage a
demissionner de ses fonctions de directeur commercial
et a souscrit un engagement de non-concurrence confirmant et
completant les obligations resultant
de son contrat de travail ; que, par ce protocole,
M. Simoneau s'engageait d'une part a ne pas concurrencer la societe
aupres de certains de ses clients jusqu'au 3l mars l987, d'autre part a ne pas
travailler avec certains de ses concurrents jusqu'au 3l mars l988, et enfin a
ne pas utiliser son nom patronymique comme enseigne ou raison sociale dans
l'activite d'imprimerie pendant une duree de quinze ans ; que ce
méme protocole prevoyait que M. Simoneau percevrait au titre
d'agent commercial une commission hors taxe de l0 % sur le chiffre d'affaire
realise jusqu'au 3l mars l987 aupres d'une liste de clients jointe en annexe ;
qu'a la suite d'une verification de comptabilite portant
sur les exercices clos le 3l mars des annees l986 a l988,
l'Administration fiscale a reintegre dans
les benefices imposables de la societe les sommes de l9l 468 F
pour l'exercice clos le 3l mars l986
et 20l 484 F pour l'exercice clos le 3l mars l987, qui avaient
ete versees a M. Simoneau et deduites
par la societe au titre du l° du l de l'article 39 du CGI,
au motif que ces sommes ne remuneraient
pas un travail effectif mais avaient pour contrepartie
l'engagement de non-concurrence souscrit par
M. Simoneau, lequel accroissait l'actif immobilise de la societe
; que ces redressements ont eu pour consequence un complement d'impôt sur
les societes au titre de l'annee l988, assorti de penalites ;
Considerant qu'un engagement de non-concurrence ne
constitue un element incorporel de l'actif immobilise que si, eu egard a
son ampleur, a sa duree et au degre de protection qu'il implique,
il a pour effet d'accroltre la valeur de l'actif
incorporel de l'entreprise, notamment par le gain de parts de marche
;
Considerant qu'il resulte des pieces du dossier soumis
aux juges du fond que, si M. Simoneau etait le fils et portait le nom du
fondateur de l'imprimerie Simoneau qui a fusionne pour devenir Simoneau
Cart'Ouest, la garantie de non-concurrence conclue au benefice de la societe,
aux
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termes de laquelle il etait interdit a l'interesse de conclure
des affaires avec certains clients pendant
une duree de deux ans et de s'associer avec des entreprises
concurrentes pendant trois ans, et qui avait pour seul effet de proteger
l'entreprise, pendant une duree limitee, contre un risque de diminution
de sa clientele provenant d'un ancien salarie, ne pouvait
étre regardee comme augmentant la valeur de l'actif immobilise de la
societe ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Nantes, en regardant
cet engagement comme un element incorporel de l'actif immobilise de
la societe Trinôme a inexactement qualifie les faits qui lui
etaient soumis ; qu'il y a lieu, des lors, d'annuler l'arrét
attaque ;
Considerant qu'il y a lieu, dans les circonstances de
l'espece, de faire application des dispositions de l'article L 82l-2 du C.
just. adm. et de regler l'affaire au fond ;
Considerant qu'aux termes de l'article 39 du CGI : « l.
Le benefice net est etabli sous deduction de toutes charges, celles-ci
comprenant (...) notamment : l° Les frais generaux de toute
nature, les depenses de personnel et de main-d'oeuvre (...). Toutefois
les remunerations ne sont admises en deduction des resultats que dans la
mesure où elles correspondent a un travail effectif et ne sont pas
excessives eu egard a l'importance du service rendu. Cette disposition
s'applique a toutes les remunerations directes ou indirectes, y compris les
indemnites, allocations, avantages en nature et remboursement de frais. »
;
Considerant qu'aucune piece du dossier ne permet de rattacher les
commissions versees a M. Simoneau et reintegrees par l'Administration dans les
resultats de la societe a des prestations reelles
de l'interesse, des lors que ni les factures de vente
qui ont servi a calculer le montant des commissions, ni les
declarations annuelles des salaires (DAS 2) remplies par la societe,
ni les factures emises par M. Simoneau ne mentionnent ou ne
justifient la realite de son intervention ; qu'ainsi, les commissions
reintegrees par l'Administration au titre des exercices clos en l986
et l987 ne sont pas des remunerations deductibles en application du l° du
l de l'article 39 du CGI ;
Considerant toutefois qu'eu egard aux explications
subsidiairement apportees par la societe
et admises par l'Administration, ces sommes doivent
étre regardees comme la remuneration de l'engagement de
non-concurrence liant M. Simoneau ; que, pour les motifs mentionnes
ci-dessus,
cet engagement ne saurait constituer un accroissement de l'actif
immobilise de l'entreprise ; que, des lors, les sommes versees en contrepartie
de cet engagement, dans l'interét de l'entreprise, constituent
des charges deductibles de ses resultats ;
Considerant qu'il resulte de ce qui precede que la societe
Trinôme est fondee a soutenir que c'est a tort que le tribunal
administratif de Nantes a rejete sa demande de decharge du complement
d'impôt sur les societes et des penalites correspondantes
auxquels elle a ete assujettie au titre de l'exercice clos en l988 ;
Decide : l° Annulation de l'arrét de la cour
administrative d'appel de Nantes et du jugement du tribunal
administratif de Nantes ; 2° Decharge.
Avril 2004 l0l
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