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Les incidences fiscales des normes IAS / IFRS en France

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par Thomas Gruet
Institut supérieur du commerce de Paris - Master en expertise juridique et fiscale 2004
  

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3. La disparition du resultat exceptionnel

La partie « resultat exceptionnel » tend a disparaltre sous les normes IAS / IFRS. Les

entreprises etaient jusqu'ici habituees a utiliser ce poste afin de modifier selon leur convenance le resultat. La rigueur instauree par les normes IAS / IFRS se traduira par une quasi-impossibilite de recourir au resultat exceptionnel et donc des difficultes accrues en terme d'optimisation fiscale. En effet, des charges peuvent étre deductibles et se justifier en tant que tel dans un resultat exceptionnel

et ne pas reunir les conditions de deductibilite necessaire dans un resultat courant. D'autant que la notion « d'exceptionnel » peut porter sur le caractere anormalement eleve du montant ou de la frequence du produit ou de la charge en question au regard de l'activite de l'entreprise.

De méme, comment concilier l'approche analytique du resultat exceptionnel (liste predefinie) en droit français a celle plus globale et pourtant plus precise des normes internationales ?

Pour le moment, les normes IAS / IFRS evoquent le terme de resultat extraordinaire et apportent une definition bien differente de celle du PCG. Cela n'ira pas sans contradictions sur le plan fiscal, contradictions d'autant plus renforcees que les exemples d'element exceptionnel retenus

par les IAS / IFRS different de beaucoup de ceux retenus par les principes comptables et fiscaux français. A ce jour, les IAS ne donnent l'exemple que d'une expropriation ou d'un tremblement de terre...En l'espece, ces principes retenus pour le resultat exceptionnel plaide en la faveur d'une deconnexion du resultat comptable et fiscal, puisque des elements auparavant qualifies d'exceptionnel ne le sont plus au regard des normes IAS et IFRS. Citons a titre d'exemple les dons

ou mecenat, les penalites, amendes et autres contraventions...

Avril 2004 9l

Le compte de resultats fait l'objet d'une profonde mutation tant l'approche des normes IAS / IFRS

differe de l'approche française. A terme, le compte de resultats serait integralement modifie pour faire apparaltre le résultat global, tant defendu par l'IASB. Ces changements ont et auront de lourdes consequences fiscales ne serait-ce que par les definitions du resultat ordinaire et extraordinaire, de la notion de charges et de produits.

Dans un souci de continuite du droit fiscal français et afin d'eviter une trop grande rupture en terme d'imposition, qui serait prejudiciable aux entreprises, il conviendrait d'adapter le plus rapidement possible la fiscalite française a ces nouveaux principes comptables. De plus, une adaptation progressive et anticipee favoriserait l'emergence d'une harmonisation fiscale en Europe, inevitable

a long terme avec l'application des nouvelles normes aux comptes statutaires.

Conclusion

Les impacts sur la comptabilite sont nombreux, ce qui se traduit inevitablement par des

incidences fiscales lourdes. Il apparalt clairement que les nouvelles normes comptables internationales sont a plus ou moins long terme positives et ce, pour les differents acteurs economiques : etablissement des comptes plus rigoureux, communication financiere plus claire, comparabilite des societes de differents pays, harmonisation des comptes consolides et statutaires...

Neanmoins, la où les normes IAS / IFRS apportent une securite et une plus grande comparabilite des resultats a long terme, le contraire risque de se produire a court et moyen terme pour plusieurs raisons :

Peut-on accepter, au nom de la souverainete des Etats et de la democratie que les normes comptables soient decidees par un organisme prive, lui-méme dirige par une poignee de personnes78 ? Tout en sachant que ces personnes sont issues d'un pays a la culture economique largement differente de celle de l'Europe et tout particulierement de la France ? Dans le méme registre, peut-on parler de « convergence » (au sens etymologique du terme) ? S'agit-il d'une veritable immixtion dans la politique interieure des Etats et notamment de leurs regles comptables et a terme fiscales ?

Les consequences tant sur le plan comptable que fiscal, voire méme juridique ne sont pas clairement delimitees, ce qui ne peut se traduire que par une adoption reservee et donc partiellement efficace des nouvelles normes. L'attentisme d'une partie des entreprises vis a vis

des differentes consequences comptables et fiscales en est un exemple.

78 Voir aussi « Fiscalite et normes comptables internationales : Mais où et donc or ni car ? » Erice Delesalle, Revue de Droit fiscal, N°l6 Annee 2004

P. 739

Dans le cadre d'une convergence des comptes statutaires vers les comptes consolides IFRS,

peut-on accepter que, des regles internationales creees pour des Groupes internationaux et cotes, soient appliquees de la méme maniere aux PME ? Qu'en est-il au regard de l'egalite devant l'impôt79 ?

Le flou persiste au niveau des autorites, notamment aupres de l'Administration fiscale dont l'immobilisme ne fait qu'entretenir une position plutôt sceptique des entreprises au regard des IAS/ IFRS. Ce flou ne fait que renforcer la perte de souverainete des Etats face a une Europe en plein chantier, voyant avec l'application des IAS / IFRS l'occasion d'harmoniser le resultat des entreprises et donc de faire emerger tant bien que mal a l'avenir, une reelle fiscalite europeenne, faute de politique clairement exprimee a ce sujet.

De méme, est-il raisonnable d'accepter que le resultat soit plus volatil et par consequent, moins

« contrôlable » pour les entreprises ? Qu'en sera-t-il en terme de budget pour l'Etat ? Des regles specifiques doivent-elles étre mises en oeuvre, afin de « lisser » le resultat d'un exercice a l'autre, dans le but de ne pas avoir trop de discordances au niveau des entreprises ?

Par consequent, l'emergence d'un bilan fiscal paralt souhaitable et inevitable. Les informations financieres ont un but que la fiscalite ne permet pas d'accomplir. Depuis longtemps,

les entreprises appliquent des regles fiscales au sein méme de leur comptabilite, ce qui conduit a une veritable pollution non justifiee des comptes publies par les entreprises. Par exemple, le retraitement des provisions reglementees et des amortissements fiscaux pour le calcul du resultat fiscal ne fait que plaider en la faveur d'une deconnexion de la fiscalite et de la comptabilite.

Ainsi, la deconnexion de la fiscalite permettrait l'emergence d'un resultat europeen et donc

79 Voir aussi « Fiscalite et normes comptables internationales : Mais où et donc or ni car », Eric Delesalle, Revue de droit fiscal, N°l6, annee 2004, P.739

le renforcement tant attendu par l'Europe de sa position economique et financiere dans le monde,

tout en permettant aux pays membres de preserver une marge de manoeuvre en terme de politique fiscale. De plus, la deconnexion de la fiscalite et de la comptabilite est d'autant plus justifiee que

« l'Underlying performance » (resultat intrinseque de l'entreprise) ne sera plus qu'une information

en annexe avec les normes IAS / IFRS. Or c'est justement ce resultat qui devrait faire l'objet d'une taxation et non un resultat global, influence par des phenomenes exogenes.

Les normes IFRS permettent l'etablissement de regles communes quant a la comptabilite

des societes europeennes. Neanmoins, le projet d'appliquer de telles regles doit s'accompagner d'une reelle volonte d'harmoniser la fiscalite europeenne et donc le resultat des entreprises. Or le chemin semble pour l'instant long et laborieux, surtout si l'on se refere aux propos qu'ont tenu le Premier ministre anglais Tony Blair et son homologue estonien Juhan Parts ,lors d'une interview consacree au quotidien « Les Echos » du 3 novembre 2003. Ceux-ci ont en effet defendu un « Non a l'harmonisation fiscale [en Europe] ». L'application des normes IFRS permettrait-elle de s'affranchir de ces reticences ou, au contraire, ne seront-elles laissees qu'en l'etat, a demi achevees ? Il est legitime de se poser la question de l'eventuelle extension aux comptes statutaires, puisque selon quel principe et quelle logique, deux principes (IFRS et PCG) peuvent-ils refleter la realite ? Neanmoins, certains pays tels que l'Allemagne ou la France s'accordent sur une eventuelle harmonisation (taux minimum d'imposition si l'on en croit le quotidien Le Figaro du 28 mai 2004).

En definitive, quel que soit le point de vue adopte et le degre d'avancement des discussions

et projets de convergences, tant de la part des entreprises que des autorites nationales ou europeennes, la seule attitude a adopter80 est a l'instar des normes IAS, elle aussi anglo-saxonne :

« Wait and see... »

80 Faute de reel choix et loin d'étre satisfaisante

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry