CONCLUSION GENERALE
Parvenu au terme de l'étude des déterminants de
l'épargne des ménages au Cameroun, nous pouvons actuellement
dégager ses caractéristiques essentielles.
Parti du constat selon lequel l'épargne des
ménages a été dans un premier temps négligé
au profit de l'épargne extérieure (1960-1980), il faut
attendre les années de crise pour assister au retournement de la
tendance. Il fallait des alternatives moins inflationnistes et moins
contraignantes.
L'épargne publique et l'épargne privée
vont se présenter comme des solutions de substitution. La
récurrence des déficits publics et les besoins croissants de
financement des entreprises vont définitivement mettre sur la sellette
l'épargne des ménages.
Cette prise de conscience ne s'est pas véritablement
accompagnée d'une politique cohérente de promotion de cette
catégorie d'épargne. Les taux d'épargne
(épargne rapporté au revenu disponible brut) ne sont pas
extraordinaires. Le dualisme financier reste une réalité
incompressible.
Face à l'impératif de financement du
développement, il s'avérait nécessaire de contribuer
à la connaissance des variables explicatives de l'épargne des
ménages aux fins d'assurer une meilleure mobilisation.
Dans la partie conceptuelle, nous
avons survolé les différentes approches théoriques des
déterminants de l'épargne sous les aspects économiques et
extra économiques.
L'analyse économique s'est articulé autour des
certaines idées forces :
- Le revenu absolu. Pour
KEYNES, la consommation et partant, l'épargne est
fonction du revenu réel. Il met en évidence la loi psychologique
fondamentale qui montre qu'une hausse (resp. baisse) du revenu
entraîne un accroissement (resp. baisse) plus marquée de
l'épargne.
- La théorie du
revenu relatif va développer l'idée
d'interdépendance des consommations fondée sur l'effet de
démonstration ou d'imitation ainsi que le phénomène
d'égalisation inter temporelle des utilités.
- L'effet de
mémoire de BROWN agit de façon
continue à travers la consommation de la période
antérieure.
- La théorie du
revenu permanent va étudier un mode de répartition
inter temporelle de la consommation. La consommation est fonction du revenu
permanent considéré comme revenu moyen, obtenu à tout
âge et jugé permanent par la famille.
- La théorie du
cycle de vie stipule qu'une répartition par âge
ressortant plus d'actifs que de jeunes et retraités a un effet positif
sur l'épargne. Selon cette théorie, les ménages lorsqu'ils
sont jeunes s'endettent pour financer leurs études, épargnent
pendant la période active et désépargnent à la
retraite.
- La controverse entre les
classiques et les keynésiens autour du rôle de
l'épargne et du taux d'intérêt
recommandable.
- L'influence de l'inflation et de
la fiscalité sur le pouvoir d'achat et la rémunération de
l'épargne.
- Le rôle joué par le
crédit pris comme variable explicative de l'épargne.
L'analyse extra économique s'est appesantie sur
l'étude des variables de nature qualitative qui tiennent plus des
attitudes, comportements, valeurs et motivations. La décision
d'épargne des ménages peut alors être influencée par
des références culturelles (traditions, usages,
croyances...), sociales (niveau d'éducation, lieu de
résidence, profession...), psychologiques (confiance,
proximité, discrétion, notoriété,
liquidité...), politiques (libéralisation
financière, sécurité sociale et stabilité
politique) et démographiques (âge, taille de la famille,
sexe...) qui peuvent à la fois les rapprocher ou les
éloigner du système financier formel.
Dans la partie opératoire de
l'étude, nous avons commencé par présenter
les variables et leurs évolutions pendant la période de
l'étude. Cette évolution est naturellement marquée par les
phénomènes économiques (crises, dévaluation,
environnement économique international...).
Des tests effectués sur les variables du
modèle, il en ressort des résultats suivants :
- Quatre variables (épargne, revenu disponible,
impôt sur les revenus, taux d'intérêt réels)
sont stationnaires en différence première et une seule
(l'inflation) est stationnaire en niveau.
- Il existe une relation de co-intégration.
- À long terme :
ü Les variables indépendantes expliquent à
88 et à 86% le comportement de l'épargne des ménages au
Cameroun ( R² et R² ajusté).
ü Les erreurs ne sont pas corrélées
(test de DW).
ü Le revenu disponible brut et le taux
d'intérêt réel influencent significativement
l'épargne des ménages (statistique de t-student).
ü Le modèle estimé est globalement
significatif et les variables indépendantes véritables ont
globalement une influence sur l'épargne des ménages
(statistique F de Fisher).
ü Il y a absence
d'hétéroscedasticité (test de ARCH).
ü Les coefficients sont stables pendant la période
de l'étude (test de CUSUM). La courbe ne sort pas du
corridor.
ü Il y a eu des changements structurels pendant la
période de l'étude (test de CUSUM SQ).
- À court terme :
ü Les variables exogènes n'expliquent plus
qu'à 57 et 48% l'évolution de l'épargne des ménages
( R² et R² ajusté).
ü Les erreurs ne sont pas corrélées
(test de DW).
ü Le modèle estimé est globalement
significatif et les variables exogènes ont globalement une influence sur
l'épargne des ménages (statistique F de Fisher).
ü Seul le revenu disponible brut influence
significativement l'épargne.
- Le test de causalité
révèle qu'il existe deux relations de causalité entre
l'épargne et le taux d'intérêt réel et entre le
revenu disponible et le taux d'intérêt réel. Les variations
des premières sont susceptibles de causer les variations des secondes.
Il en ressort qu'aucune variable explicative retenue n'est susceptible de
causer à elle seule la variation de l'épargne.
C'est à la suite de ces résultats que nous nous
sommes risqués à l'exercice des recommandations qui reposent sur
cinq axes :
- Une politique rationnelle d'accroissement des
revenus. Elle passe par la maîtrise des effets pervers
liés à cette augmentation (risque d'inflation, consommation
et dépenses ostentatoires et improductives...).
- Une politique de taux d'intérêt
réels modérés qui concilie avec les
exigences de la rentabilisation de l'activité de collecte de
l'épargne, de maîtrise de l'inflation, de prévention contre
la fuite des capitaux et de politique d'investissement.
- Une politique de maîtrise de
l'inflation. Même si l'inflation encourage l'épargne
des ménages, elle doit être maintenue dans les proportions qui ne
pénalisent la rentabilité des investissements et des placements,
ne favorise la fuite des capitaux et ne nuise à la
compétitivité de l'économie.
- Une politique fiscale
réaliste. Un abaissement de l'impôt sur les revenus
aura des conséquences positives sur l'épargne des ménages.
Ce manque à gagner pour l'Etat peut-être compensé par
l'accroissement compensatoire d'un autre type d'impôt.
- Une politique de rapprochement entre le secteur
financier formel et le secteur financier informel. Elle
permettra, à défaut d'une intégration des marchés,
de canaliser une part significative de l'épargne informelle vers le
secteur productif.
Limité par le temps et les moyens, nous ne pouvons pas
prétendre avoir épuisé notre champ d'investigation en
matière des déterminants de l'épargne des ménages
au Cameroun. Nous n'avons pas également la prétention de
présenter les conclusions de nos analyses comme des certitudes et des
vérités implacables.
Les difficultés d'obtention des séries plus
grandes (pour atténuer le risque de multi
colinéarité) ou complètes (nous avons
été obligés de générer les données
pour compléter certaines années), l'abandon de variables et de
modèles pertinents du fait de l'indisponibilité des statistiques
(Les crédits octroyés aux ménages sont
théoriquement présumés significatifs. L'absence de
données sur cette variable n'a pas permis une vérification
empirique), l'inexpérience du chercheur que nous sommes sont autant
de facteurs qui peuvent avoir affectés la qualité du travail dans
son ensemble.
Les résultats de nos travaux, pour discutables
qu'elles peuvent quelque fois être, sont néanmoins des indicateurs
de référence pour une future politique nationale de mobilisation
et de promotion de l'épargne des ménages.
Cette étude devrait être complétée
par l'analyse des variables qualitatives à travers une enquête
à grande échelle et en coupe instantanée sur les
déterminants de l'épargne des ménages camerounais.
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