Le contrat de concession exclusive (Hermés)par Marie Granier Université Montpellier I - MASTER I Droit des affaires 2006 |
LAQUALIFICATION DE CONTRATDE CONCESSION EXCLUSIVE.La « concession » est le contrat commercial conclu « intuitu personae » par lequel un commerçant indépendant dit « concessionnaire » se procure auprès d'un autre commerçant, fabricant ou grossiste, dit le « concédant » des marchandises qu'il s'engage à commercialiser sous la marque du concédant, lequel lui confère une exclusivité pour un temps et dans une ère géographique délimitée. Il s'agit en général d'une exclusivité de vente, comme dans le contrat étudié en l'espèce, mais des exclusivités se rencontrent également dans les contrats de fournitures et les contrats de prestations de services. La qualification du contrat de distribution en contrat de concession commerciale exclusive nécessite dans un premier temps, d'étudier la mise en place des rapports entre les parties au contrat (CHAPITRE I), puis, dans un deuxième temps d'analyser sa validité au regard du droit de la concurrence (CHAPITRE II) . CHAPITRE I : L'ETABLISSEMENT DES RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LES PARTIES.La conclusion du contrat de concession exclusive est préalablement soumise à toute une série d'opérations qui sont nécessaires à sa validité. En effet, la conclusion des contrats de distribution est en pratique précédée d'une phase de négociation propre au monde des affaires, ou tout d'abord, les parties doivent faire l'objet d'une identification (section 1), puis, le contrat lui-même doit répondre à un certains nombre de conditions quant à sa validité (section2), et, enfin, l'objet du contrat doit être déterminé (section 3). SECTION I : LES PARTIES AU CONTRAT.La concession exclusive fait naître une relation contractuelle particulière ou se rencontrent deux protagonistes : le concédant qui est le fournisseur (paragraphe 1), ainsi que, le concessionnaire qui est le distributeur (paragraphe 2). PARAGRAPHE I : LA PERSONNE DU CONCEDANT. L'étude du rôle du concédant au sein du contrat nous conduira à envisager dans un premier temps la notion (A), puis dans un deuxième temps, sa liberté quant au choix de son concessionnaire exclusif (B). A) La notion de concédant. Comme nous avons pu le constater précédemment lors de la définition de la concession exclusive, généralement le concédant est un commerçant, fabricant ou un grossiste. Dans tous les cas, son rôle essentiel sera de fournir exclusivement son concessionnaire au sein d'un territoire qu'il aura pris soin de déterminer préalablement à la conclusion du contrat. En l'espèce, la personne du concédant est déterminée dans le préambule du contrat : il s'agit de la Société Anonyme HERMES SELLIER (désormais appelée HERMES). Dans notre situation le concédant est un fabricant spécialisé dans la sellerie, maroquinerie, bijouterie, parfumerie, art de la maison et textile de luxe. Ce dernier confère au concessionnaire, un monopole de revente de ses produits dans la ville de Montpellier. Le contrat étant conclu « intuitu personae » (clause n°20), il est tenu de l'exécuter personnellement et loyalement. Le concédant devra assister son distributeur tout au long du contrat, néanmoins, il devra lui garantir une certaine indépendance, notamment dans le cadre de son activité, sous peine de voir sa responsabilité engagée1(*). B) Le libre choix du concessionnaire. Le choix de son concessionnaire par le concédant est important dans la mesure ou il sera le seul à commercialiser ses produits sur le territoire. De plus, dans la majorité des cas, et comme dans notre situation d'espèce, les produits destinés à la vente sont attachés à une marque prestigieuse (HERMES), c'est pourquoi le concessionnaire choisi doit être à la hauteur. En effet, ce dernier aura la responsabilité de préserver l'image de marque des produits, c'est là l'essence de la concession exclusive. Dés lors, le concédant recherchera un concessionnaire « ayant du ressort, de l'expérience sans routine, le sens de l'initiative mais sachant accepter une certaine discipline, de l'ambition mais tempérée par le respect de la parole donnée, de la persévérance sans entêtement, le goût du risque raisonné, du bon sens, permettant de discerner entre le vrai et le faux, l'excessif et le mesuré, les rêves et la réalité ... ; en un mot le bon distributeur est un homme de caractère »2(*). Cela est d'autant plus vrai en ce qui concerne la distribution des produits de luxe ou la clientèle qui pénètre dans le magasin s'attend à un certains standing. Cependant, il est important de préciser que si le concédant exclusif est libre de traiter avec la personne de son choix, il est tenu de respecter les critères qualitatifs qui justifient la distribution exclusive. Dés lors, le libre choix du concessionnaire par le concédant est soumis à une condition : ce choix ne doit pas être fait de manière discriminatoire3(*).En effet, dans un arrêt en date du 25 janvier 2000 la chambre commerciale de la cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence antérieure qui admettait le principe de liberté de choix en matière de distribution exclusive4(*). L'arrêt déféré, qui avait décidé que le refus d'agrément en vue de devenir concessionnaire opposé à une société, a été censuré pour manque de base légale, dés lors que les motifs de l'arrêt ne permettaient pas de vérifier si les concessionnaires étaient choisis selon les mêmes critères objectifs opposables à tous les candidats. Il s'agit là d'une référence au principe d'égalité. Il convient désormais de s'attacher à l'étude du concessionnaire. PARAGRAPHE II : LA PERSONNE DU CONCESSIONNAIRE. Afin de mieux cerner la place du concessionnaire au sein du contrat, nous nous intéresserons d'abord à la notion (A), puis, à son rôle (B). A) La notion de concessionnaire. Le concessionnaire est celui qui bénéficie de l'exclusivité conférée par le concédant. Il s'agit d'un commerçant juridiquement indépendant, propriétaire de son fonds de commerce qui achète les produits de son concédant pour les revendre à ses propres clients. Dés lors, le concédant est un vendeur et le concessionnaire est un revendeur5(*). Il peut être une personne physique, mais rien ne s'oppose au fait qu'il soit une société, cela est très fréquent en pratique. En effet, ces sociétés ont généralement comme seul objet social, l'exploitation de la concession commerciale6(*). Le contrat doit également être fourni à la Direction Générale Concurrence Consommation Répression des Fraudes. En l'espèce, nous nous trouvons bien dans ce cas puisque selon le préambule de notre contrat le concessionnaire est la Société Anonyme CAROLINE BARBERA. B) Le rôle du concessionnaire. A travers le contrat, le concessionnaire s'engage de façon exclusive à acheter les produits du concédant, en l'espèce les produits griffer de la marque HERMES afin de les commercialiser uniquement sur le territoire de Montpellier. De la même façon que le concédant il est tenu d'une obligation de loyauté (clause n°20). L'intérêt pour notre concessionnaire est l'assurance d'un chiffre d'affaire dans la mesure ou il est le seul sur le territoire à pouvoir commercialiser un type de produit, à l'exception de la parfumerie qui est également vendu par un réseau de distributeurs agrées (distribution sélective). Ici l'intérêt économique de la concession est en rapport avec la réputation du réseau, à son image de marque. En effet, la notoriété et la qualité des produits fabriqués par HERMES étant incontestable, le concessionnaire va bénéficier dés le début de son activité de la clientèle attachée à la marque. De plus, dans cette recherche de réussite, ce dernier sera « manager » par le concédant durant toute la durée de l'exclusivité : politiques commerciales, formation du personnel, aménagement des locaux... (cf infra). Il s'agit désormais d'analyser les conditions de validité du contrat.
* 1Didier Ferrier, Le concédant engage sa responsabilité en s'immisçant dans l'activité du distributeur, RECUEIL DALLOZ 1995, p.79 * 2 Philippe le Tourneau, La concession commerciale exclusive, ECONOMICA, 1994. * 3 Didier Ferrier, Le concédant est libre de traiter avec la personne de son choix dés lors qu'il respecte les critères qualitatifs justifiant la distribution exclusive, RECEUIL DALLOZ 1997, sommaires commentés p.53 ; voir aussi CA paris 11 décembre 1990, bulletin d'information de la cour de cassation du 15 avril 1991 n°323. * 4 Cass.com 25 janvier 2000 pourvoi n 97-15-292. * 5 Claude champeaud, La concession commerciale, revue trimestrielle de droit commercial 1963 p.451. * 6 Cf K-BIS, annexe n°2. |
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