DEDICACES
A ma mère Marie-Laure HOUNTONDJI, et à mes
frères Franck, Judith, et Jean-Roland EGOUNLETY qui n'ont jamais
cessé de m'encourager et de croire en moi, recevez ce travail comme la
preuve de ma reconnaissance.
REMERCIEMENTS
Tous mes sincères remerciements :
A mon Directeur de mémoire, Le Professeur
Akuété Pedro SANTOS, pour sa rigueur dans le suivi du travail et
ses précieux conseils prodigués.
A tout le corps professoral de la Chaire UNESCO pour la
qualité de l'enseignement qui a été dispensé.
Au Professeur Jean-Yves CARLIER pour les
éclaircissements apportés dans le cadre de ce travail.
Au Professeur Eric DAVID pour sa simplicité et pour la
précieuse documentation mise à notre disposition.
Au Professeur Abdoula CISSE pour m'avoir fait profiter de sa
riche expérience en Droit Pénal International.
A mes devanciers, Gilles BADET, Charles NACH, pour les
conseils prodigués et l'assistance soutenue.
A mes aînés, Jeannot GBAGUIDI, Bonaventure ATTI
pour leur soutien matériel.
A Roland ADJOVI, Legal officer, trial chamber coordinator au
TPIR, pour ses appréciations et ses contributions.
A Tous mes camarades de promotion de la Chaire Unesco,
particulièrement, Saoudatou FOUSSENI, Zbigniew NLEP, Amina SEKOU BA,
Marie-José SANVEE, Brice ALLOWANOU pour les échanges
enrichissants.
A mes amis, Saoudatou FOUSSENI, Nadia NATA, Zbigniew NLEP,
Amina SEKOU BA Théodor ENONE, Eric MORE, Seydou OUEDRAOGO.
A Sabine CAPART et Claire DELVAUX pour leur
sincérité et leur amitié.
A mes soeurs, Fanny, Anita, Sandrine, Néphertiti,
Majolie, Marie, Rosemonde pour leur présence dans ma vie et leur
assistance continue.
Au coordonnateur du Bureau d'Appui aux Artisans (BAA), Cyr
DAVODOUN et à tout son personnel, pour leur soutien moral.
A mes collègues consultants du BAA, Pierre, Roger,
Médard, Franck et Célestin pour leur sollicitude.
A tous ceux qui ont contribué à la
réalisation de ce travail et dont les noms ne figurent pas ici, que le
Seigneur le leur rende au centuple.
SIGLES ET ABREVIATIONS
- Aff. : Affaire.
- AG : Assemblée Générale.
- alii : et autres.
- art. : article.
- c/ : contre.
- CADH : Convention interAméricaine des Droits de
l'Homme.
- CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples.
- CDH : Comité des Droits de l'Homme.
- CDI : Commission de Droit International.
- CDi : Comité de Droit international.
- CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme.
- Ch. d'app. : Chambre d'appel.
- CICR : Comité International de la Croix Rouge.
- CIJ : Cour Internationale de Justice.
- CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale.
- CPI : Cour Pénale Internationale.
- CPP : Code de Procédure Pénale.
- CS/NU : Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
- DIH : Droit International Humanitaire.
- doc.off. : document officiel.
- DUDH : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme.
- éd. : édition.
- FPR : Front Patriotique Rwandais.
- HRW : Human Rights Watch.
- Ibid. : ibidem (au même endroit).
- ICTR : International Criminal Tribunal of Rwanda.
- ICTY : International Criminal Tribunal of former Yugoslavia.
- LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence.
- NU : Nations Unies.
- ONU : Organisation des Nations Unies.
- op.cit. : (opere citato) ouvrage cité.
- p. : page.
- PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques.
- PUF : Presses Universitaires de France.
- RPP : Règlement de Procédure et de
Preuve.
- RTLM : Radio Télévision Mille collines.
- sous la dir. : sous la direction.
- Suppl. : supplément.
- TMIN : Tribunal Militaire International de Nuremberg.
- TPI : Tribunal Pénal International.
- TPIR : Tribunal Pénal International pour le
Rwanda.
- TPIY : Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie.
- US : United States.
- vol. : volume.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE: L'ORIGINALITE DU SYSTEME
DE PREUVE DU TPIR
8
CHAPITRE 1 : LA SOUPLESSE DU SYSTEME
PROBATOIRE
10
SECTION 1 : L'ABSENCE DE
CONTRAINTE DANS LE MODE DE PRODUCTION DES PREUVES.
10
SECTION 2 : UNE GRANDE LATITUDE
ACCORDEE AUX PARTIES DANS LE CHOIX DES ELEMENTS DE
PREUVE.
18
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES DU PROCES
EQUITABLE
28
SECTION 1 : LE RESPECT DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE.
29
SECTION 2 : L'EGALITE DES
ARMES
36
DEUXIEME PARTIE : LE SYSTEME DE PREUVE
A L'EPREUVE DES FAITS
46
CHAPITRE 1 : L'ETABLISSEMENT DES
FAITS
48
SECTION 1 : LES DIFFICULTES
DE COLLECTE DES PREUVES
48
SECTION 2 : LA LIBERTE DANS
L'APPRECIATION DES PREUVES.
56
CHAPITRE 2 : LA COMPLEXITE DANS LES
PREUVES EXIGEES POUR ETABLIR LA COMMISSION DU GENOCIDE
63
SECTION 1 : LES ACTES MATERIELS
CONSTITUTIFS DU GENOCIDE
63
SECTION 2 : L'INTENTION DE
DETRUIRE EN TOUT OU EN PARTIE UN GROUPE
71
CONCLUSION GENERALE
79
INTRODUCTION GENERALE
L'humanité garde en mémoire les nombreuses
guerres qui ont traversé le XXè siècle, mais elle garde
surtout les atrocités commises pendant ces guerres, ainsi que les
nombreuses victimes qu'elles ont causées. Pour que l'impunité ne
soit plus la règle, et que l'histoire ne se répète pas,
les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale ont procédé
au jugement des criminels nazis et japonais. L'activité judiciaire des
tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, créés par eux a permis
l'émergence au plan international d'un certain nombre de principes dont
le plus important est sans doute la responsabilité pénale
internationale pour les individus en matière de crimes contre
l'humanité.
Ce principe est certainement celui qui a gouverné la
création, par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies
(CS/NU), des Tribunaux ad hoc qui existent à l'échelle
planétaire, plus précisément ceux de l'ex-Yougoslavie et
du Rwanda. En effet, les conflits qui ont eu lieu dans ces pays ont
engendré des violations massives des Droits de l'Homme et du Droit
International Humanitaire (DIH). Les informations officielles obtenues à
propos de ces conflits ont fait état d'actes de génocides, de
tueries massives, de détentions arbitraires, de viols et de nettoyage
ethnique1(*). Le CS/NU a
estimé que ces agissements ont porté atteinte à la paix et
à la sécurité internationales, et que les auteurs de ces
crimes doivent répondre de leurs actes.
En vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il a
décidé, respectivement, par les résolutions 808 du janvier
1993 et 905 de novembre 1994 de la création du Tribunal Pénal
International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR). Ces tribunaux, qui du reste, fonctionnent
de façon presque identique ont reçu mandat pour juger les
personnes qui se sont rendues coupables de violations graves du DIH sur le
territoire de ces pays2(*).
La tâche de répression qui leur incombe, exige
pour ce faire, une organisation judiciaire rigoureuse, mais aussi et surtout
des règles juridiques précises adaptées aux causes qui
leur seront présentées. Cette deuxième condition semble
toutefois difficile à réaliser, en raison de la nature
généralement circonstancielle des juridictions pénales
internationales et de l'absence d'un organe législatif existant au sein
de la communauté internationale. Le corps de règles qui
régit ces juridictions s'élabore donc au fur et à mesure
des activités qu'elles mènent. On peut d'ailleurs constater cette
institutionnalisation progressive des tribunaux pénaux dans les
nombreuses modifications des règlements de procédure du TPIY et
du TPIR. Lesquelles modifications sont opérées dans le souci
d'adapter le mieux possible les règles de procédure et de preuve
de ces Tribunaux aux affaires qu'elles ont en charge de connaître.
Il faut reconnaître en effet, que pour ces tribunaux, il
est important que la répression des crimes graves qui leur est
confiée se fasse dans le respect des droits des accusés et d'un
certain nombre de règles probatoires. Mais, nous savons que ces
dernières ne sont pas universelles, car à un système
juridique précis correspond un système probatoire donné.
Le TPIR et le TPIY, au regard de leurs textes constitutifs, doivent trouver le
juste milieu entre les règles appliquées dans les
différents systèmes juridiques du monde. Il en résulte
qu'ils pratiquent un système de preuve qui leur est propre. Si nous
avons choisi de travailler sur le système de preuve du Tribunal
Pénal International (TPI), c'est parce qu'à notre sens, il est de
loin la pièce la plus importante de la machine répressive des
tribunaux pénaux contemporains.
C'est lui qui, en amont, détermine la mise en branle du
procès pénal et permet de conclure à la
responsabilité ou non de l'accusé en aval. En somme, c'est
grâce à lui que le Tribunal peut accomplir sa mission de
répression. Il s'organise autour d'un élément essentiel,
la preuve, dont il doit assurer la recherche, l'administration et
l'appréciation afin de déterminer la responsabilité des
auteurs des crimes et des sanctions à leur infliger.
La preuve est la démonstration de la
réalité d'une affirmation. Elle permet donc de démontrer
non seulement l'existence d'un fait mais encore son imputation à une
personne, ainsi que l'intention que celle-ci avait de commettre un tel
fait3(*). En matière
pénale, elle consiste à établir l'existence des
éléments du crime pour permettre la détermination de la
responsabilité et de la sanction. Dans le procès pénal,
elle revêt une importance certaine, parce qu'elle touche à la
garantie des personnes, notamment la présomption d'innocence à
laquelle elle peut porter atteinte4(*).
Le procès pénal peut en effet déboucher
sur une sanction qui va concerner l'accusé, la plus grave étant
la perte de la liberté à tout jamais. Or s'il est souhaitable de
condamner le coupable, il ne faut pas qu'un innocent soit
condamné5(*). La
maîtrise des preuves est donc essentielle pour éviter que soient
commises des erreurs. C'est ce qui justifie sans doute la dialectique que l'on
retrouve au coeur du procès pénal.
D'un côté, le procureur, partie poursuivante, qui
a besoin de rassembler des preuves pour soutenir son accusation et convaincre
le juge qu'elles peuvent emporter la condamnation de l'accusé au risque
de le voir en liberté, car en droit le doute profite au
prévenu6(*). D'un
autre côté, le présumé coupable qui, au moyen de
l'effort probatoire, participe à la preuve pour faire tomber les
présomptions de droit et de fait qui pèsent sur lui, car la
présomption d'innocence ne suffit pas7(*).
De ces intérêts divergents, doit alors jaillir
une justice que l'on veut efficace, mais équitable. A notre sens, si
l'équité de cette justice doit dépendre de la conviction
qu'a le juge que l'une des vérités contradictoires qui lui sont
présentées est celle qui doit l'emporter, son efficacité
doit dépendre essentiellement de celle du système probatoire.
C'est-à-dire, un système qui permette de retrouver des preuves de
qualité, des preuves irréfragables, en quantité
suffisante. Ces preuves qui permettront véritablement à leur tour
de mettre devant leurs responsabilités les personnes qui ont
planifié, organisé et commis les crimes atroces
déplorés au Rwanda et dont le TPIR doit assurer la
répression. En somme, un système qui produise les effets attendus
à savoir, la lutte contre l'impunité et la dissuasion contre
d'éventuelles velléités à reproduire de tels
crimes.
Le TPIR, malgré sa ressemblance avec le TPIY, retiendra
plus notre attention dans le cadre de la présente étude qui porte
sur le système de preuve qui a cours devant lui. C'est-à-dire
l'ensemble des mécanismes mis en oeuvre pour permettre aux
différents acteurs de cette juridiction de procéder, et ce, dans
la plus grande légalité, à la recherche des preuves,
à leur administration et appréciation.
Deux raisons justifient la restriction de l'étude du
système de preuve au seul cas du TPIR. La première se
résume à l'intérêt particulier porté au
génocide rwandais qui apparaît à nos yeux comme le drame
humanitaire qui a le plus éprouvé l'Afrique du XXè
siècle. La seconde se traduit par le souci de passer un test
d'efficacité au système de preuve en vigueur devant cette
juridiction internationale chargée de punir les responsables du drame
rwandais, et d'examiner si dans les faits, elle contribue à une saine
émulsion de la justice en son sein ; tout ceci au regard de la
jurisprudence qu'elle a eu à édifier. Toutefois, cette
étude ne se fera pas sans des emprunts certains et pertinents au TPIY,
en l'occurrence à sa jurisprudence, en raison de l'influence de cette
dernière sur la jurisprudence du TPIR et du fait que ces deux
juridictions partagent la même chambre d'appel.
Le TPIR a été créé par la
résolution 955 du CS/NU, adoptée le 8 novembre 1994 et a pour
mission de juger et de réprimer les personnes présumées
responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du DIH
commis sur le territoire rwandais, et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31
décembre 19948(*).
Ses jugements doivent être rendus au terme de procès
équitables, où seront réunies toutes les garanties
judiciaires requises en matière pénale. Il n'est point besoin de
rappeler que dans tout procès pénal, l'une des garanties majeures
provient de l'administration et de la maîtrise de la preuve par les
différentes parties en présence.
Dans le contexte qui est celui du génocide rwandais, il
est important de garder à l'esprit que les jugements devant cette
juridiction sont intervenus longtemps après la commission des faits
incriminés. Et même si ce Tribunal semble accomplir sa fonction au
mieux, il serait intéressant de savoir par exemple, quelle est la nature
des éléments de preuve produits devant lui, et surtout quelle est
leur crédibilité? Ces éléments de preuve sont-ils
toujours fiables pour fonder aisément, c'est-à-dire
au-delà de tout doute raisonnable, les condamnations du Tribunal? Mieux,
l'administration de ces preuves et le régime spécifique auquel
elles sont soumises devant ce Tribunal sont-ils de nature à garantir
l'équité dans les procès? L'inquiétude quant
à la capacité du TPIR à atteindre ses objectifs de
répression apparaît bien. Poursuivant dans le même sens,
nous nous sommes demandé si, l'inexistence de preuves fiables ou encore,
une mauvaise appréciation de celles-ci ne pouvaient pas être
préjudiciables au TPIR dans la réalisation de sa mission ?
Ces interrogations, en raison de la nature des crimes dont il s'agit ici,
révèlent l'importance de la maîtrise des preuves pour les
procès qui ont lieu devant le TPIR. Une maîtrise des preuves qui
à notre sens, passe par la capacité du système de preuve
mis en place à résoudre les difficultés liées
à la gestion de celles-ci.
Si nous posons l'hypothèse selon laquelle la
maîtrise de la preuve est indispensable pour la réussite des
procès conduits devant le TPIR, et donc à l'accomplissement de
son mandat, et que par conséquent seul un système de preuve
adapté au contexte de perpétration des crimes à juger peut
permettre au TPIR d'atteindre ses objectifs, la question se pose alors de
savoir comment, dans son fonctionnement, le système de preuve tel que
pratiqué devant le TPIR, permet-il d'atteindre les résultats
escomptés ?
Cette question majeure qui découle de
l'hypothèse de départ, et qui en grande partie justifie notre
intérêt pour cette étude, pose la problématique
essentielle de l'efficacité du système de preuve du TPIR. Il
s'agira de voir quels sont les critères d'appréciation qui
augurent de cette efficacité et l'impact de ces critères sur
l'efficacité réelle de ce système de preuve.
L'intérêt scientifique de notre étude
réside donc dans le fait de voir en quoi la procédure en vigueur
devant le TPIR, de par sa spécificité, propose un système
de preuve qui, dans le respect des garanties procédurales, permet non
seulement de limiter tous les risques liés à une mauvaise
administration de la preuve mais aussi et surtout de démontrer,
malgré les obstacles et les difficultés rencontrées, la
responsabilité des différents acteurs du génocide.
Autrement dit, un système de preuve efficace et surtout équitable
qui procure à la personne poursuivie une sécurité
juridique incontestable9(*).
Pour apprécier l'efficacité du système de
preuve du Tribunal, il nous reviendra d'analyser la nature
générale du système de preuve, dans le contexte de
mixité qui, à l'instar de toutes les juridictions contemporaines,
caractérise le TPIR. Il faut rappeler à juste titre que sa
procédure allie subtilement comme toutes les procédures
pénales internationales10(*), l'efficacité du modèle inquisitoire
(droit romano-germanique) aux garanties du modèle accusatoire
(common law), dans une dynamique faisant l'objet d'ajustements
incessants par la pratique11(*).
Il s'agira donc de voir quelles sont les particularités
que présente ce système de preuve et les niveaux de preuve requis
aux différentes étapes du procès. L'analyse du
système de preuve, en tenant compte du caractère hybride de la
procédure, se fera d'abord à travers l'examen de la
procédure de rassemblement des preuves, de la nature des preuves
admises, des critères d'appréciation auxquelles elles sont
soumises. Elle devra se faire ensuite à travers la réalité
du TPIR quant à la collecte effective des preuves et au résultat
qui ressort de son appréciation par les juges, à savoir une
condamnation juste et sans équivoque.
Au regard des objectifs qui sont énoncés
ci-dessus, la présente étude doit nous permettre de comprendre la
problématique de l'efficacité du système de preuve du
TPIR. Au terme de nos travaux, nous devrons savoir l'impact de
l'hybridité de la procédure sur le système de preuve et
sur son efficacité réelle. Nous devrons aussi savoir comment le
système de preuve permet-il au TPIR de condamner les vrais criminels
dans le respect de leurs droits.
La méthode juridique ici sera de mise. Elle consiste en
une double démarche d'analyse des textes et d'exploration des conditions
de leur édiction, des interprétations et de l'application qui en
sont effectuées par les différents acteurs sociaux destinataires
de la règle de droit12(*). Ainsi, la présente étude commencera
d'abord par l'examen théorique du système de preuve du TPIR. Il
s'agira d'appréhender au travers de son Règlement de
Procédure et de Preuve (RPP), son système de preuve en vigueur
pour d'une part, apprécier dans quelle proportion la common law
ou le droit continental l'influence et d'autre part, relever les
spécificités qu'il présente afin d'évaluer le seuil
auquel le TPIR propose un système de preuve respectueux des exigences du
procès équitable. Ensuite, L'analyse se poursuivra d'un point de
vue pratique, pour mesurer le degré d'efficacité de ce
système à travers la manière dont le Tribunal
résoud les difficultés liées à la preuve et le
niveau de fiabilité des moyens de preuve soumis à lui.
La documentation sur le droit de la preuve et la
procédure pénale, ainsi que les textes de base du Tribunal nous y
aideront13(*). Aussi, et
fondamentalement, la jurisprudence de cette juridiction rendra-t-elle mieux
compte, à notre sens, de la singularité du système de
preuve en vigueur devant elle. Ainsi, par l'usage simultané des textes
et de la jurisprudence de ce Tribunal, nous allons pouvoir nous rendre compte
de l'affirmation de ce mode d'administration de la preuve qui ne s'aligne pas
sur celui des systèmes nationaux.
Pour ce faire, nous montrerons d'abord l'originalité du
système de preuve en vigueur devant le TPIR (Première partie), en
étudiant son organisation institutionnelle, afin de mesurer par la suite
l'efficacité de ce système de preuve à l'épreuve
des faits (Deuxième partie). Il s'agira ici de confronter les
contraintes structurelles du Tribunal en matière de preuve à la
pratique en cours devant celui-ci.
PREMIERE PARTIE: L'ORIGINALITE DU SYSTEME DE PREUVE DU TPIR
Le système de preuve fixe les règles qui
permettent de légitimer et d'évaluer les moyens par lesquels la
démonstration d'un fait s'opère14(*). Celui qui a cours au TPIR ne s'aligne pas sur celui
des droits nationaux, ni même sur celui d'un système juridique
précis. Son objectif est double : un objectif conforme à
l'objectif général de la création même du Tribunal
à savoir la démonstration de la perpétration de crimes
graves, répréhensibles au regard du droit international, mais une
démonstration qui doit s'effectuer dans le strict respect des droits de
l'accusé.
Le système de preuve du TPIR est d'une certaine
spécificité ; en raison non seulement de la nature de cette
juridiction, mais aussi et surtout du contexte général de
violations massives des droits de l'homme dans lequel il doit atteindre les
objectifs sus-cités, qui lui sont assignés.
En effet, le TPIR, juridiction pénale internationale a
opté pour un système guidant la preuve des faits comme toute
juridiction. Ce système se singularise par des tiraillements qui
l'agitent, et qui sont dus à la fois à sa double nature
pénale et internationale. Sa nature pénale lui impose de se
prononcer sur la responsabilité pénale des présumés
coupables à partir des éléments de preuve portés
à sa connaissance. Sa nature internationale lui impose de se conformer
aux textes internationaux en fixant des standards dans le respect des droits de
l'homme et de la défense, et d'assurer le respect scrupuleux du principe
de légalité. De la fusion de ces deux caractéristiques
essentielles, naît une certaine souplesse du système probatoire du
TPIR (Chapitre I). Cette souplesse ajoutée au seuil très
poussé dans la prise en compte des garanties attachées au
procès équitable (Chapitre 2) font du système probatoire
du TPIR un système d'une originalité certaine.
CHAPITRE 1 : LA SOUPLESSE DU SYSTEME PROBATOIRE
La flexibilité du système probatoire du Tribunal
d'Arusha s'observe dans le processus de production des preuves et dans la
typologie des moyens de preuve. La production des preuves telle qu'elle se
déroule devant le Tribunal est symptomatique de la procédure qui
a cours dans les instances pénales internationales. Le fait que l'on
n'assiste pas dans ces instances à la reproduction intégrale d'un
système juridique spécifique implique l'absence de contraintes
dans l'organisation de la production des preuves. Il n'existe donc pas devant
elles, de règles déterminées pour l'administration de la
preuve. Devant le TPIR, le système de production de preuves paraît
peu contraignant (Section 1). Cette absence de contrainte peut également
s'observer dans le choix des éléments de preuve (Section 2), en
ce sens que certains moyens de preuve moins stricts que ceux traditionnellement
retenus en matière pénale sont aussi admis, faisant même
entorse à des principes apparemment indérogeables.
SECTION 1 : L'ABSENCE DE CONTRAINTE DANS LE MODE DE
PRODUCTION DES PREUVES.
La production des preuves est l'opération
matérielle par laquelle sont apportés au juge des
éléments probatoires de la commission d'une infraction et de son
imputation à celui qu'on soupçonne d'en être
l'auteur15(*). Dans le
contexte général de la procédure ayant cours au TPIR,
cette opération devrait en principe avoir uniquement lieu lors de
l'audience au fond. Elle doit appartenir aux parties car, conformément
au droit de la common law, ce sont elles qui rapportent les
éléments de preuve en vue de la démonstration
contradictoire des faits (Paragraphe 2).
Seulement, dans le système du TPIR, la production des
preuves en dehors de l'audience, se fait également à la phase
préalable du procès et est confiée à l'organe de
poursuite, le procureur, censé être une partie au procès.
Il apparaît donc clairement que des obligations probatoires incombent
à chaque acteur aux différentes phases du procès
pénal, d'où les prérogatives spécifiques pour
l'organe de poursuite (Paragraphe 1).
PARAGRAPHE 1 : LES
PREROGATIVES SPECIFIQUES DU PROCUREUR
Elles sont liées à sa fonction d'organe de
poursuite et concernent la production des preuves. Elles consistent en
l'instruction du dossier (A) au moyen de laquelle le procureur rassemble les
preuves nécessaires à la mise en accusation (B) des personnes
soupçonnées d'avoir commis des infractions relevant de la
compétence du Tribunal.
A- L'instruction
L'instruction est la phase de l'instance pénale qui
permet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si
les charges relevées contre la personne poursuivie sont suffisantes pour
emporter un jugement16(*).
Cette obligation d'établir que des crimes ont été commis
incombe à l'organe de poursuite du Tribunal, le procureur.
Conformément aux articles 15 §1 et 17 §1 du
Statut du TPIR, le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et
de l'exercice de la poursuite. Il peut ouvrir une information d'office sur la
foi de renseignements obtenus de toute source y compris des agences de l'ONU,
des gouvernements ou d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales.
Ce qui n'exclut pas a priori les communications de particuliers qui ne
disposent pas de mécanismes de partie civile. Il doit, à la fois,
instruire le dossier, c'est-à-dire réunir les preuves, et se
prononcer sur l'opportunité des poursuites.
Cette façon de procéder révèle
qu'il n'y a pas, comme en droit français, une séparation des
fonctions en matière d'organisation de la poursuite. Il n'existe pas,
d'une part, un parquet chargé des poursuites et d'autre part, un juge
d'instruction chargé de mener des investigations sur l'existence de
l'infraction et les preuves de son imputabilité à la personne
poursuivie. En l'espèce, l'enquête préliminaire et
l'instruction sont donc confondues entre les mains du seul procureur.
L'organisation de la procédure à cette
étape se trouve être empruntée au système de droit
continental où le juge d'instruction élabore le dossier en
instruisant à charge et à décharge, les
éléments de preuve étant discutés au procès.
Il n'y a pas de débat contradictoire, et la procédure est
essentiellement écrite.
Le choix du droit romano-germanique à cette phase se
justifie sans doute par un souci d'efficacité et de rapidité.
Ainsi, dans le cadre de ses prérogatives, le procureur peut interroger
les suspects, les victimes et les témoins, et procéder sur les
lieux du crime à toutes les mesures nécessaires à la
manifestation de la vérité. Le bureau du procureur dispose, de
plusieurs équipes d'enquêteurs composées de
spécialistes de l'investigation criminelle et de médecins
légistes. Ils sont chargés d'explorer les scènes de
crimes. Ce sont les lieux d'exécutions sommaires, les charniers, les
tombes, les puits et les fosses communes au fond desquels les corps furent
jetés17(*). Il ne
s'agit pas pour les enquêteurs d'identifier les corps, mais de
déterminer le sexe, l'âge des victimes, si possible leur origine
ethnique et la cause de la mort.
L'objectif ici visé est de procéder à des
constatations pour faire tenir l'accusation sur des bases probatoires
solides18(*). D'un autre
côté, le personnel du bureau du procureur identifie les
témoins importants pour l'accusation, recueille leurs
témoignages, s'assure de la cohérence et de la fiabilité
de leurs dépositions, ainsi que de la capacité des témoins
à témoigner valablement devant le Tribunal.
En somme, à l'aide des moyens dont il dispose, y
compris la collaboration des autorités nationales compétentes, le
procureur doit réunir les documents et informations qui permettent de
remonter la chaîne de commandement. Il faut remarquer que le principe de
la liberté des preuves qui vaut en matière pénale,
influence énormément cette phase d'instruction. Etant
donné que le juge peut recevoir tout élément de
preuve19(*), le procureur
n'est pas limité dans la démonstration de l'existence d'une
infraction. Il peut donc rapporter la preuve par tous moyens pour soutenir son
accusation. Ainsi, lorsqu'il estime qu'il a des éléments de
preuve pertinents et suffisants pour convaincre au-delà de tout doute
raisonnable qu'un crime relevant de la compétence de la cour a
été commis, il établit un acte d'accusation qu'il soumet
au juge pour confirmation.
B- La mise en
accusation
A cette phase, le procureur dresse un acte d'accusation et le
soumet à un juge de la chambre de première instance qui, au vu
des éléments du dossier, confirme s'il y a lieu ou pas d'engager
des poursuites. L'accusation se définissant comme la notification
officielle qui émane de l'autorité compétente, du reproche
d'avoir commis une infraction pénale20(*). Ici, l'autorité compétente
étant le procureur, son objectif est donc de démontrer la
culpabilité de l'accusé et d'obtenir sa condamnation.
Dans le système de la common law, les organes
chargés de l'accusation choisissent les charges retenues contre
l'accusé et en recherchent les preuves. La défense de son
côté rassemble les preuves à décharge, et les deux
parties confrontent leurs arguments au moment de l'audience. Dans le
système inquisitoire, le juge d'instruction rassemble les preuves de
façon secrète et non contradictoire et les organes d'accusation
se contentent de retenir les chefs d'accusation et de requérir la
sanction21(*). Dans le cas
du Tribunal Pénal International (TPI), le procureur cumule la fonction
de juge d'instruction et celle de chambre d'accusation.
Dans l'acte d'accusation qu'il émet, le procureur
expose succinctement les faits de l'espèce et les crimes qui sont
reprochés au suspect et y joint les éléments
justificatifs22(*). L'acte
d'accusation doit indiquer le nom du suspect et les renseignements personnels
le concernant, ainsi qu'une relation concise de ces faits et la qualification
qu'ils revêtent23(*). Pour convaincre le juge de confirmer l'acte
d'accusation, un niveau de présomption est exigé et
précisé: « It is sufficient that the prosecutor has
acted caution impartiality and diligence [...]. It is not necessary
that he has double checked every possible piece of evidence [...]. The
evidence therefore, need not be [...] overly convincing or
conclusive »24(*) En outre, des indications ont
été données quant au degré de précision
requis. Dans une décision de l'affaire TADIC25(*), il est écrit que
"The indictment should articulate each charge specifically and separately
manner in order sufficiently to inform the accused of the charges against which
he has to defend himself"26(*).
L'acte d'accusation est donc présenté à
un juge différent de celui chargé de l'affaire pour confirmation.
Le procureur soutient les accusations en s'appuyant sur tous les
éléments de preuve afin de convaincre raisonnablement le juge que
le suspect a commis les infractions qui lui sont reprochées. Le juge
peut confirmer ou rejeter l'acte d'accusation en tout ou en partie. Il peut
surseoir à statuer afin de permettre au procureur de modifier ou de
compléter l'acte d'accusation à l'aide d'éléments
de preuves supplémentaires27(*). Lorsqu'il est confirmé, il doit être
publié. En réalité, après la confirmation de l'acte
d'accusation, les pouvoirs d'investigation du procureur s'en trouvent
renforcés. Il peut requérir des ordonnances à des fins
autres que conservatoires, il peut faire arrêter l'accusé; il peut
rendre l'arrêté secret pour faciliter la recherche de
l'accusé.
Le procureur peut modifier l'acte d'accusation après sa
confirmation avec l'autorisation du juge confirmateur et celle de la chambre de
première instance à partir de la comparution initiale de
l'accusé28(*). Au
regard de la procédure, il ressort que l'acte d'accusation loin
d'être définitif est susceptible de modifications même
après sa confirmation. Cette flexibilité de l'acte d'accusation
permet sans doute au procureur de compléter ses investigations et de
renforcer ses éléments d'accusation, mais ne paraît pas de
nature à garantir une certaine stabilité pour la défense.
En effet, comme il est dit dans la décision relative à l'affaire
TADIC sus-mentionnée, les charges retenues contre l'accusé
doivent l'être spécifiquement et séparément pour
permettre à ce dernier d'être informé de ces charges et
surtout de préparer sa défense. Si le degré de
précision de l'acte d'accusation est si important qu'il a
été rappelé dans une décision, il en résulte
que la stabilité de l'acte d'accusation doit être
érigée en principe. Comment l'accusé peut-il faire face
à un acte d'accusation sans cesse changeant ?
En outre, il faut préciser que la confirmation de
l'acte d'accusation ne clôt pas la recherche des renseignements et des
preuves. Elle entraîne la comparution du suspect en tant
qu'accusé, qui ne peut contester les preuves du procureur à cette
étape. C'est également le moment où les moyens de preuve,
ainsi que la liste de tous les témoins que le procureur entend citer
à la barre sont transmis à la défense par le
ministère public dans les trente jours suivant cette comparution
initiale de l'accusé29(*), avec la possibilité pour les deux parties de
soulever des exceptions préjudicielles avant l'audience au fond30(*).
De nouveaux éléments de preuve peuvent
être rapportés au moment du procès. Celui-ci commence
après l'échange entre les parties des moyens de preuve et
l'examen par le juge des exceptions préjudicielles soulevées par
elles. Il est organisé de sorte qu'une certaine égalité
soit assurée entre les parties dans la démonstration des faits et
la présentation de leurs arguments respectifs.
PARAGRAPHE 2 : LA
DEMONSTRATION CONTRADICTOIRE DES FAITS INCRIMINES.
Le procès pénal dans sa phase dynamique
s'organise différemment selon que l'on se trouve en droit
romano-germanique ou dans la common law. Dans le premier cas, la
procédure est secrète, écrite et non contradictoire. Les
parties ont un rôle effacé, pouvant tout au plus proposer des
mesures au juge qui dans son rôle directif, est placé au premier
plan. Il peut se saisir lui-même ou être saisi par une partie. Les
preuves, plutôt que d'être discutées, sont établies
avant l'audience. Dans le second cas, elle est orale, publique et plus encline
à garantir les droits de l'accusé. On y conçoit le
procès comme un duel entre les parties, c'est-à-dire l'accusation
et la défense qui discutent des preuves, l'organe juridictionnel jouant
plus un rôle d'arbitre que d'acteur.
Devant le TPIR, la procédure accusatoire semble
être celle retenue. Le procès se caractérise donc par un
affrontement juridique des parties où elles présentent leurs
prétentions respectives étayées par des
éléments de preuve (A). Toutefois, La procédure se
singularise par le double rôle qui est celui de l'organe judiciaire (B).
En effet, à partir de l'audience, se manifeste un rôle
renforcé du juge. Plutôt que le juge-arbitre du système
accusatoire, le juge du TPIR assume la fonction d'arbitre qui lui est
dévolue dans la common law et celle de juge actif, directeur
des débats dans le droit continental.
A- La présentation
des parties
Elle est marquée par le fardeau de la preuve qui
incombe à l'accusation, systématisée par la maxime
"actori incumbit probatio". Le procureur est la personne poursuivante,
il doit donc faire la preuve de ses accusations. Si la phase
préparatoire du procès est inquisitoriale, celle
décisoire31(*) est
accusatoire et l'accusé y jouit à égalité avec le
poursuivant du droit d'offrir des preuves au tribunal. En effet, la
participation à la preuve, comme l'explique le professeur Jean PRADEL,
permet à l'accusé de faire tomber les présomptions de
droit et de fait qui pèsent sur lui. On parle aujourd'hui volontiers
d'un droit à la preuve qui fait partie du droit à la
défense32(*). Le
TPIR satisfait entièrement à cette obligation.
A l'ouverture de l'audience, après la
lecture de l'acte d'accusation et du plaidoyer de culpabilité, les
parties sont invitées à présenter leurs prétentions
dans un ordre établi et réglementé par les actes
constitutifs du Tribunal. Chacune des parties peut appeler des témoins
à la barre.
Les moyens de preuve sont présentés dans l'ordre
ci-après : preuves du procureur, preuves de la
défense ; réplique du procureur , Duplique de la
défense, et viennent seulement après les moyens de preuve
supplémentaires ordonnés par la chambre de première
instance33(*). Les
témoins d'une partie sont contre-interrogés par la partie
adverse, car c'est de la discussion contradictoire des arguments des parties
que naît et se construit l'intime conviction du juge. Mais avant ce duel
direct entre les parties, des conférences préalables au
débat proprement dit sont tenues sous l'oeil attentif de la chambre ou
d'un de ses juges. Il s'agit de la conférence préalable à
la présentation des moyens à charge34(*) et celle préalable
à la présentation des moyens à décharge35(*).
Au cours de la conférence préalable au
procès, il est demandé au procureur et à la défense
de déposer dans un certain délai, un certain nombre de documents
qui renseignent sur les questions de fait et de droit, et sur leurs
témoins respectifs36(*).
Après l'ouverture du procès, le Procureur peut,
s'il estime que l'intérêt de la justice le commande, saisir la
Chambre de première instance d'une requête aux fins d'être
autorisé à revenir sur sa liste de témoins initiale ou
à revoir la composition de celle-ci.
Ces conférences préalables sont d'une
utilité certaine, car elles participent d'une meilleure organisation des
débats en audience. D'un autre côté, elles favorisent la
rapidité et dans une certaine mesure l'efficacité voulue pour ce
Tribunal. En effet, la conférence préalable apparaît comme
le moment de l'établissement du programme de déroulement des
débats et ce on pourrait le dire, dans les moindres détails. Par
exemple, prévoir la durée de la déposition de chaque
témoin permettra de savoir en tout cas de manière approximative
combien de temps mettront l'interrogatoire et le contre-interrogatoire des
témoins. Et c'est parce que ce travail préalable est fait que la
présentation des prétentions des parties à l'audience
paraît si simple.
Ces conférences préalables jouent un autre
rôle tout aussi important que celui de garantir la rapidité et
l'efficacité du système de preuve que nous ne pouvons occulter.
C'est celui de permettre à l'organe juridictionnel de contrôler
les parties dans le contenu même de leurs prétentions et d'obliger
ces dernières à ne pas modifier leurs moyens de preuve à
leur guise. Il veille à ce que les parties ne se dérobent
à leur obligation de communication préalable et de loyauté
à l'égard de la partie adverse.
Le juge pénal international, loin de se contenter du
suivi du bon déroulement du procès, intervient dans ce dernier
comme un acteur de premier plan surtout dans la mise en oeuvre du
système de preuve.
B- Le dynamisme de l'organe
juridictionnel
L'organe juridictionnel s'entend de la chambre de
première instance qui assume par la personne de ses juges la lourde et
ambitieuse mission de rendre justice aux milliers de victimes de violations
graves du DIH. C'est à travers le processus judiciaire qu'ils peuvent
remplir cette mission. Face aux enjeux de la répression internationale,
le rôle qu'ils ont à jouer dans la procédure devrait
être d'une très grande importance. Aujourd'hui, le juge
pénal international est un juge disposant de nombreuses
prérogatives empruntées aussi bien à la common
law qu'au droit civil, et qui font de lui un véritable acteur du
procès pénal (2). Mais, cela n'a pas toujours été
le cas.
En effet, à l'origine de la création du TPI, la
figure du juge était double37(*). Il devait être un arbitre neutre (1) qui se
contente de veiller au bon déroulement des débats à
l'audience, et plus rarement un intervenant, qui collabore directement à
l'administration de la preuve en évaluant librement sa pertinence.
1) Un juge neutre et
effacé
Il faut rappeler, à juste titre, que dans le
modèle accusatoire, la personne poursuivie et son adversaire discutent
entre elles, sur un pied d'égalité, devant un arbitre impartial
qui enregistre le résultat de la contestation38(*). En effet, dans son essence,
le principe accusatoire ne laisse aucun rôle au juge, car ce sont les
parties qui recherchent les preuves et les discutent contradictoirement devant
le Tribunal39(*). On peut
résumer le rôle du juge à la conduite du procès
d'une part, et à sa contribution à l'administration de la preuve,
d'autre part.
Relativement au premier rôle, il arbitre la
présentation par les parties de leurs éléments de preuve.
Au cours des interrogatoires et contre-interrogatoires, le juge veille à
interdire les questions qui peuvent nuire à la sincérité
des réponses ou celles tendant à suggérer les
réponses de la partie qui a requis l'examen. Il s'assure que
l'interrogatoire est conduit dans le respect dû à la personne et
maintient l'ordre qui peut l'amener à exclure toute personne y compris
l'accusé40(*). Le
rôle d'intervenant du juge pouvait être appréhendé
dans l'exercice de certains pouvoirs d'initiative qui lui étaient
conférés. Entre autres, demander aux témoins des
différentes parties les éclaircissements qu'il estime utiles pour
la manifestation de la vérité ou convoquer un témoin ou un
expert pour lui poser des questions qu'il juge nécessaires.
En somme, il avait un pouvoir d'instruction
complémentaire41(*). A travers le RPP, on pouvait apercevoir pour le juge
d'autres fonctions relativement plus actives. Elles s'entendent, d'une part, de
l'application de règles d'administration de la preuve non
expressément prévues par les textes42(*) qui lui demandait un effort
supplémentaire de probité, d'objectivité et surtout
d'équité, et d'autre part, la possibilité qui lui
était reconnue par l'article 75 du RPP de prendre d'office toutes les
mesures nécessaires pour assurer la protection des victimes et des
témoins tant que celles-ci ne portent pas atteinte aux droits de
l'accusé.
Cette timide participation du juge pénal international
à l'instance pénale ne correspondait pas aux exigences d'une
répression internationale efficace. Pour faire face aux nombreuses
difficultés qu'ils ont rencontrées dans leur mission, les juges
ont renforcé leurs pouvoirs de coercition et d'impulsion pour devenir
des acteurs de choix de la machine répressive des TPI.
2) Un juge aux
compétences renforcées
Les prérogatives de contrainte que les juges se sont
octroyées l'ont été contre les Etats, en l'occurrence ceux
qui refusent de collaborer à l'arrestation des accusés et
à la recherche des preuves. Etant donné que le Tribunal a
été créé sur la base du chapitre VII de la Charte
de l'ONU, le Tribunal compte sur la collaboration obligatoire des Etats et leur
adresse des ordonnances les obligeant à transmettre les preuves qu'ils
détiennent. Ce pouvoir d'injonction s'étend aux particuliers.
La réforme du RPP a aussi abouti à un
renforcement des pouvoirs du juge pendant la phase préparatoire.
Désormais, un juge de la mise en état a été
créé qui a pouvoir pour veiller au déroulement rapide et
efficace du procès. Conformément aux dispositions de l'article 65
bis du RPP, le juge organise une conférence de mise en l'état
« à l'effet d'organiser, entre les parties, des
échanges de vues propres à assurer un déroulement rapide
de l'instance ». Ainsi, le juge dispose-t-il d'un rôle
directif.
En somme, il convient de retenir que les prérogatives
du juge pénal international ont évolué positivement dans
le sens du renforcement de la célérité des débats,
mais surtout dans celui de l'efficacité du tribunal quant à la
recherche des preuves.
SECTION 2 : UNE GRANDE LATITUDE ACCORDEE AUX PARTIES DANS
LE CHOIX DES ELEMENTS DE PREUVE.
L'article 89 du RPP du TPIR indique que le juge peut recevoir
tout élément de preuve pertinent qu'il estime avoir une valeur
probante véritable. Il est reconnu que la common law est le
système par excellence où les règles en matière de
preuve, surtout celles de recevabilité et d'exclusion de celles-ci sont
très strictes. Et lorsque l'on se retrouve en face d'un système
comme celui du TPIR qui paraît plus accusatoire qu'inquisitoire, la
liberté totale quant à la nature des preuves admises retient
l'attention.
D'ailleurs, on se demande comment dans un contexte de
génocide comme celui du Rwanda on peut arriver à prouver la
responsabilité de ceux qui ont commis ces crimes atroces ? La
question est d'autant plus préoccupante quand on sait que la
difficulté, sinon l'impossibilité de faire la preuve de
l'élément matériel de l'infraction apparaît comme un
très grave problème. Il est en effet opportun de rappeler que les
poursuites ont commencé au moins six mois après le
génocide. Les preuves matérielles dans certains cas avaient
complètement disparu faisant du témoignage la plus importante, en
termes de preuves disponibles sur le génocide rwandais (Paragraphe
1).
On comprend alors l'importance de ce type de preuve et tous
les moyens mis en branle par le TPIR pour chercher les témoins et
surtout pour assurer leur sécurité. Toutefois heureusement, le
témoignage ne constitue pas la seule preuve utilisée au TPIR. Le
pénible travail des enquêteurs et des médecins
légistes du TPIR a permis de disposer d'autres moyens de preuves
matériels (Paragraphe 2) à notre sens, plus fiables que les
témoignages.
PARAGRAPHE 1 : LA
PREUVE TESTIMONIALE, UNE PREUVE PRIVILEGIEE.
Parmi les différents moyens qui permettent d'approcher
la vérité en matière de violations massives des droits de
l'homme, les praticiens de l'établissement des faits attachent une
grande importance aux preuves orales directes (A). L'immédiateté
qui unit l'événement à vérifier et le
témoignage qui en est donné confère au témoignage
une force probante que ne sauraient avoir des informations obtenues de seconde,
voire de troisième main43(*).
En effet, la vérité risque d'être toujours
plus déformée au fur et à mesure qu'elle est transmise de
personne à personne44(*), et n'eût été la grande souplesse
du système probatoire du Tribunal, le témoignage indirect (B) ne
serait jamais admis surtout dans un système à dominance
accusatoire comme celui du TPIR.
A- Le témoignage
direct
Le TPIR partage avec la plupart des juridictions nationales
l'arsenal ordinaire en matière de preuves dont le témoignage. Les
témoins contribuent à la manifestation de la vérité
à l'audience. Mais tous ne sont pas pareils et n'ont pas de ce fait, la
même valeur. Ainsi, nous pouvons distinguer deux catégories de
témoins : le témoin ordinaire (1) et les témoins
particuliers ou techniques (2).
1) Le témoin
ordinaire.
C'est celui là qui a été témoin ou
victime. Cet individu encore anonyme quelques temps avant que ne se produise le
drame, et, qui, au moment de son passage au Tribunal, doit faire de son
expérience, la plupart du temps douloureuse, un élément de
manifestation de la vérité. Ce qu'il vient dire au
prétoire doit contribuer à reconstituer des faits, à
situer des responsabilités, à convaincre le juge de la
culpabilité de l'accusé.
En effet, il est souvent fait au témoignage le grief
d'être par essence éminemment faillible, parce qu'il fait
fondamentalement appel à la mémoire et à la vue, deux
facultés humaines qui trahissent souvent celui qui s'en sert45(*). Le témoignage se
prête tout naturellement à une telle critique. Il en
découle qu'il est rarement exact s'agissant de l'expérience
propre. A titre dissuasif, il est prévu une amende ou une peine
d'emprisonnement ou les deux à la fois, pour faux témoignage sous
serment46(*).
Rappelons qu'un témoignage à l'audience n'est
valable que si le témoin en question a fait une déclaration
préliminaire. Dans la pratique du TPIR, il n'est pas rare d'observer, et
ce de façon courante, des contradictions entre les déclarations
préliminaires des témoins et leurs dépositions à
l'audience. Contradictions qui peuvent suggérer l'existence de faux
témoignages. Là encore, les juges font preuve de largesse
lorsqu'ils estiment en réponse à une requête de la
défense pour allégation de faux témoignage, que tirer des
contradictions et des inexactitudes découlant de cette
caractéristique la conclusion qu'il y a eu faux témoignage en
l'espèce équivaudrait à ériger en crimes les
défaillances des facultés de perception de l'homme47(*).
En réalité, le témoin ordinaire ou
témoin de fait présente les faits dont il a eu connaissance et
qui sont susceptibles de prouver ou de réfuter l'un ou l'autre des
éléments de l'infraction en cause. Il peut avoir vu
l'accusé commettre l'acte répréhensible ou, sans l'avoir
vu, il peut participer à l'élaboration d'un faisceau de faits
graves48(*), précis
et concordants qui mènent à conclure au-delà de tout doute
raisonnable que l'accusé est coupable de l'infraction reprochée.
Il peut également contribuer à la connaissance de la
personnalité de l'accusé.
Dans la pratique, chaque partie prépare minutieusement
l'interrogatoire de ses témoins, car les faits qui soutiennent les
prétentions de la partie doivent être présentés
clairement et succinctement dans le prétoire. Ainsi, en fonction de la
crédibilité qu'il veut bien accorder au témoin, le juge se
fait son opinion au fil des témoignages; mais la
crédibilité des témoins n'est mise à
l'épreuve que pendant le contre-interrogatoire du témoin par la
partie adverse qui essaiera par ses questions de mettre en relief les
faiblesses de ce dernier. Elle doit en effet être
appréciée à sa juste valeur, compte tenu du comportement
du témoin, de la cohérence, de la crédibilité ou du
défaut de crédibilité des réponses qu'il a
données sous serment49(*).
La présence physique des témoins à
comparaître revêt alors pour l'administration de la justice une
réelle importance et c'est à ce titre que les témoins
constituent pour le TPIR un capital de premier choix50(*). C'est ce qui justifie sans
doute que même dans les actes constitutifs du Tribunal, une
sensibilité singulière soit exprimée à leur
égard sur la nécessité d'assurer leur protection51(*).
A ces témoins ordinaires, s'ajoutent d'autres types de
témoins un peu plus particuliers.
2) Les témoins
techniques
L'enquêteur et le témoin-expert sont ceux que
nous qualifions de témoins techniques. L'enquêteur
effectue la recherche des preuves sur place aussi bien pour l'accusation que
pour la défense. C'est lui qui rencontre les témoins et recueille
par écrit leurs dépositions, préalablement à
l'audience. Il est souvent perçu comme le lien entre les témoins
et la partie qui les fait comparaître52(*).
Il peut être appelé à témoigner sur
des faits dont il a eu personnellement connaissance ou sur
l'authenticité de certains documents. Il arrive souvent qu'il soit
appelé à présenter le contenu de déclarations
recueillies sans que les personnes concernées ne soient jamais
appelées à la barre et donc soumis à un
contre-interrogatoire. L'enquêteur apparaît donc comme un relais de
l'information probatoire nécessaire. Et c'est certainement ce qui a
justifié sa qualification par les TPI de témoin de fait53(*). Il se distingue ainsi du
témoin-expert, qui porte mieux le qualificatif de technique.
Le témoin-expert est spécialisé dans un
domaine de connaissances sur lesquelles on lui demande de
déposer54(*). Son
rôle n'est donc pas de rapporter ce qu'il a vu mais d'apporter son
éclairage et de guider le Tribunal dans l'appréciation de la
preuve. En effet, au fur et à mesure que se développent la
science et la technologie, les juges ont recours aux expertises pour traiter
des questions d'une certaine technicité. Les experts peuvent intervenir
dans des domaines variés : notamment la santé mentale de
l'accusé, les charniers, le contexte historique d'un conflit, la
qualification d'un groupe racial ou ethnique55(*). Toutefois, c'est une pratique que les juges
pénaux internationaux tendent à restreindre, jaloux de leur
prérogative en matière d'appréciation des
éléments de preuve.
L'expert peut comparaître pour l'une ou l'autre des
parties et venir étayer les arguments de la partie qui l'a cité.
L'autre partie peut recourir à un autre expert qui viendra mettre en
doute les conclusions scientifiques du premier. C'est un système
d'expertise contradictoire hérité de la common law. En
outre, même si cela n'est pas dit expressément dans les textes des
TPI, la faculté pour les juges de requérir une expertise est
reconnue au juge pénal56(*). Elle s'inspire de l'expertise officielle du droit
romano-germanique. L'expert du juge n'est pas soumis à l'exercice de la
contradiction, et cela n'empêche en rien l'organe juridictionnel de
rester libre dans l'appréciation de la valeur qu'il attribue aux
conclusions de ce dernier.
B- Le témoignage
indirect
Il existe d'autres formes de témoignages qui peuvent
être qualifiés d'indirects parce qu'ils dérogent au
principe de la présence obligatoire du témoin à
l'audience, l'audition étant indirecte. Il s'agit du témoignage
par déposition (1), par vidéoconférence (2) ou par
déclaration assermentée (3). Le TPIR a déjà fait
recours à l'une ou l'autre de ces formes de témoignage dans le
but de sauvegarder le récit de témoins qui peuvent refuser de
témoigner en raison d'intimidations ou de menaces ou pour des
témoins se trouvant dans l'incapacité de se rendre au Tribunal.
Ces formes de témoignages ne sont pas la règle et il n'y est fait
recours que dans des circonstances exceptionnelles57(*).
1) Le témoignage par
déposition
Il peut être demandé par l'une ou l'autre des
parties. Elle doit être utilisée de manière
circonspecte58(*), la
règle demeurant la présence du témoin. Lorsque le juge
accepte la demande, il peut donc ordonner que la déposition des
témoins soit recueillie pour le procès et mandater un officier
instrumentaire à cet effet. La partie adverse doit être
présente et contre-interroger le témoin. Le Tribunal a
élargi cette pratique en ayant recours à son siège.
Autrement dit, le témoignage par déposition qui initialement
était admis pour pallier l'impossibilité du témoin
d'être présent au Tribunal, se pratique maintenant malgré
la présence du témoin sur les lieux lorsqu'un des juges de la
chambre se trouve dans l'impossibilité de siéger.
A première vue, cette pratique est contraire aux
principes d'administration de la justice pénale internationale. On
pourrait même soupçonner une certaine complaisance des juges
à l'égard des témoins pour passer les caprices de ceux-ci.
Vue de plus près, elle contribue à renforcer l'efficacité
pratique, surtout la célérité, sans doute dans le souci de
mieux satisfaire à l'exigence du délai raisonnable. En effet, si
l'impossibilité d'un juge de siéger doit allonger l'examen d'une
affaire, procéder par déposition pour recueillir les
éléments de preuve serait de nature à éviter dans
une moindre mesure des pertes de temps. Toutefois, il faut que les deux parties
y consentent et que les droits de la défense soient obligatoirement
respectés. Progressivement, le témoignage par déposition a
été remplacé par le témoignage par
vidéoconférence
2) Le témoignage par
vidéoconférence
Il permet aussi de recueillir le témoignage des
personnes ne pouvant se rendre au siège du Tribunal. Par le relais d'un
écran, le témoin est en liaison vidéo avec le Tribunal.
Les parties, le juge et le témoin peuvent se voir et s'entendre. Le
témoignage par vidéoconférence doit être
évité autant que faire se peut, car le principe demeure la
présence du témoin au tribunal. Les chambres du TPIR ne le
permettent que lorsque la partie requérante fait la démonstration
que le témoignage est suffisamment important pour que son absence
entache les poursuites d'iniquité59(*), que le témoin refuse ou n'est pas en mesure
de venir au siège et qu'il n'est porté aucune atteinte aux droits
de l'accusé. Le déroulement du témoignage par
vidéoconférence est soumis à quatre (4) modalités
assez précises60(*) :
· l'obligation pour la partie requérante de ce
mode de témoignage, de trouver un endroit propice à la
présentation d'un témoignage véridique et libre,
accepté par le greffier et la partie adverse61(*) ;
· la mandature par une chambre d'un officier
instrumentaire en vue de garantir un témoignage donné de plein
gré62(*) ;
· l'obligation pour le témoin de déposer en
la seule présence de l'officier instrumentaire ;
· l'obligation réciproque pour le témoin et
les autres membres du prétoire de se voir mutuellement afin de permettre
l'interrogation et la contre-interrogation du témoin sous l'oeil averti
des membres de la chambre.
Cette procédure de témoignage n'étant
qu'une représentation imparfaite de l'audience, le témoin peut
être poursuivi pour faux témoignage.
3) La déclaration
assermentée ou affidavits
Elle est une déclaration écrite de personnes qui
ne se rendront jamais au Tribunal. Sous réserve de sa valeur probante et
de sa fiabilité, la déclaration assermentée peut
être utilisée pour la démonstration d'un fait. Elle
apparaît comme une preuve à mi-chemin entre la preuve
écrite et la preuve orale. Elle a été
énormément utilisée lors des procès de Nuremberg et
de Tokyo et n'était nullement autorisée par les tribunaux
pénaux ad hoc. Mais pour faire face à la
réalité pressante d'éléments de preuve, les textes
des TPI ont été modifiés pour accepter ce type de
preuves63(*) : des
preuves présentées par un témoin sous la forme d'une
déclaration écrite en lieu et place d'un témoignage oral.
Son utilisation ne doit pas être encouragée, car
elle ne permet pas la contradiction et est généralement
irrecevable au regard de la common law. C'est la preuve de la
souplesse de ce système probatoire à dominante accusatoire. Cette
souplesse est d'autant plus remarquable que, comme l'explique Mme Rone JEMERA,
conseillère juridique de Human Rights Watch (HRW), le droit de la preuve
anglo-saxon exclut comme preuve toute déclaration effectuée en
dehors du tribunal et offerte pour établir la vérité des
allégations disputées64(*).
L'admission de ce genre de preuves étant de nature
à causer de graves préjudices à la défense, surtout
lorsqu'il s'agit d'un témoin de la poursuite, il peut être
dénoncé et sujet à l'opposition de cette dernière.
De façon générale, pour être admises, les
déclarations assermentées ne doivent pas porter sur les actes et
comportements de l'accusé tels qu'allégués dans la
procédure.
En dehors du témoignage qui est la preuve la plus
usitée au TPIR, il en existe d'autres, certes moins courantes, mais qui
satisfassent mieux à l'obligation de l'existence de preuves
matérielles pour alléguer de la commission d'un crime.
PARAGRAPHE 2 : LES
AUTRES TYPES DE PREUVE
Dans un souci de légalité, nous pouvons dire que
les autres types de preuves qui s'ajoutent au témoignage, sont les
véritables preuves, du moins celles conformes aux exigences probatoires
de tout système juridique pénal, fut-il international. Ce sont
deux types de preuve avec lesquelles sont exclues les incertitudes et les
risques de faux témoignages, ainsi que les aléas des
témoignages indirects. Il s'agit de la preuve documentaire (A), une
preuve légale tout aussi valable que le rapport d'une descente
effectuée sur les lieux de crime (B) par des personnes légalement
autorisées.
A- La preuve
documentaire
Dans le panel des moyens de preuve admis au TPIR, il y a
évidemment la preuve par les documents ou par écrit, relativement
plus rare que les témoignages. Elle peut être produite par les
témoins de l'une ou l'autre des parties, la partie adverse se chargeant
d'en contester l'authenticité ou de le faire faire par un expert.
Les juges, conformément à la tâche qui
leur est dévolue, apprécient la valeur probante des documents
écrits produits devant le Tribunal. Des milliers de pièces
à conviction et de documents ont été produits devant le
TPIR65(*). En effet,
à côté des nombreux témoignages, les preuves
écrites tiennent lieu, et ce à plus d'un titre, de preuves
matérielles. Ceci notamment pour apporter la preuve par exemple,
d'échanges de communications entre instigateurs du génocide et
exécutants, de rapports adressés à des autorités
hiérarchiques sur les dégâts engendrés par le
génocide ou encore pour prouver la qualité officielle de
l'accusé.
La liberté est donc de mise aussi bien dans la nature
du document à produire que dans le fait à démontrer. Dans
cet esprit de liberté, aucune règle n'a été
élaborée pour organiser l'administration de ces preuves et la
nécessité de respecter la règle de la meilleure preuve,
c'est-à-dire de présenter l'original d'un document ou de
justifier, lorsque cela s'avère impossible, la production d'une
copie66(*). Ainsi, tout
document ou toute pièce écrite est admise dès lors qu'elle
paraît fiable.
L'inconvénient majeur qui peut résulter de cette
largesse autorisée dans la production ou le choix des moyens de preuve
est le risque que l'une ou l'autre des parties produise des écrits non
officiels, mais qui seront admis et pris en compte par l'autorité
juridictionnelle pour peu qu'ils aient une certaine valeur probante, ou parce
qu'une fois admis, ils ne pourraient causer aucun préjudice à la
défense.
Cela est d'autant plus plausible que la partie adverse ne
fasse pas montre de vigilance. Les juges qui officient doivent donc être
attentifs dans l'examen des éléments dont ils tiennent compte
pour apprécier et décider de la valeur probante et la
fiabilité qu'ils accordent aux preuves écrites. Toute cette
attention n'est pas nécessaire lorsque ces derniers se déplacent
pour apprécier ou vérifier par eux-mêmes les
éléments de preuve.
B- La descente sur les
lieux des crimes
Le transport sur les lieux des crimes est un acte
d'administration de la preuve dont les résultats peuvent être de
diverses sortes67(*). Ces
résultats peuvent être la constatation d'une infraction, les
constatations à l'endroit où a été commise
l'infraction, la reconstitution d'un crime. Dans le contexte du TPIR, cela
signifie que les juges se rendent à un endroit déterminé
pour procéder à un examen ou à des constatations
relativement à un élément de preuve que l'on ne peut
normalement présenter dans une salle d'audience.
Le transport sur les lieux permet donc à l'organe
juridictionnel de vérifier lui-même des faits de la cause,
d'acquérir une connaissance directe de ces derniers et d'établir
ainsi leur existence68(*).
A ce sujet, Mme Rone JEMERA précise qu'un déplacement sur les
lieux d'une violation permet d'avoir une meilleure représentation de ce
qui s'est passé et de se rendre compte de la pertinence des
témoignages recueillis préalablement69(*).
Le TPIR, dans ses textes de base70(*), prévoit ce genre
d'administration de la preuve qui s'inscrit à n'en point douter dans
l'aspect dynamique du rôle du juge dans la recherche de la
vérité. Il peut être invoqué sur l'initiative de
l'organe juridictionnel ou demandé par l'une ou l'autre des deux
parties71(*). Ce n'est pas
une pratique courante pour le TPIR et cet exercice judiciaire n'est pas
entrepris dans le but de compléter les insuffisances des
présentations des parties. En effet, la visite se déroulant
longtemps après la commission des crimes, les lieux, la topographie,
ainsi que les personnes sont susceptibles d'avoir changé. Dans ces
conditions, la descente sur les lieux des crimes n'a plus, en
général, grand intérêt72(*).
De l'analyse partielle qui a été faite du
système de preuve du TPIR, l'essentiel qui retient l'attention est cette
particularité dans le rôle que joue le procureur et la souplesse
qui caractérise l'administration de la preuve. Mais fort heureusement,
cette flexibilité ne s'observe pas quant au respect des droits de
l'homme en général et des droits de l'accusé en
particulier. Le Tribunal n'étant tributaire d'aucun droit interne, il
décide librement de la recevabilité de tout élément
de preuve en fonction de sa seule valeur probante, mais en tenant compte des
exigences du procès équitable. Le TPIR accorde donc de
l'importance à l'obligation de satisfaire à
l'équité des procès qui se déroulent devant lui,
afin d'assurer aux personnes soupçonnées de crimes une
sécurité juridique effective.
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES DU PROCES EQUITABLE
Le droit à un procès équitable consacre
la prééminence du droit dans une société
démocratique. Il s'applique selon les textes conventionnels73(*), aux contestations de nature
civile et aux accusations en matière pénale74(*). Il est garanti à la
fois, par des textes conventionnels et par un ensemble de principes directeurs
édictés sous l'égide de l'ONU75(*). Son application en
matière pénale crée de nombreuses garanties.
Les garanties relatives au procès pénal veillent
à assurer l'équité entre les deux parties qui
s'affrontent. Ce n'est pas tant pour la partie poursuivante qui en
général apparaît comme étant la plus forte, mais
surtout pour l'accusé, qui se retrouve souvent seul contre tous. Ainsi,
un certain nombre de droits élémentaires doivent être
garantis pour ce dernier, afin de ne pas le laisser subir, ou être
victime des présomptions qui pèsent sur lui. Au nombre de ces
droits, plus précisément ceux en rapport avec l'administration de
la preuve, il y a le droit à la présomption d'innocence76(*), et le droit à
l'égalité des armes77(*) qui regroupe toute une panoplie de droits dont la
réalisation concourt à satisfaire ledit droit.
Le premier indique que toute personne accusée est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été établie au-delà de tout doute raisonnable.
L'on pourrait en déduire que toute personne présumée
innocente doit jouir de sa liberté. Cette déduction qui, vue sous
certains angles, peut paraître hâtive, même si elle ne
procède pas du respect de la présomption d'innocence, participe
au moins à sa reconnaissance active.
Mais, en matière des droits de l'homme, la
reconnaissance des droits ne suffit pas. Leur respect par l'instance qui les
prône est nécessaire. Le Statut du TPIR reconnaît le droit
à la présomption d'innocence en son article 21. Mais comment
assure-t-il son respect (Section 1) ? Il en est de même pour le droit
à l'égalité des armes à l'article 20 du même
Statut, dont la réalisation semble plus concrète (Section 2).
SECTION 1 : LE RESPECT DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE.
La présomption d'innocence est un principe en
matière pénale selon lequel toute personne poursuivie est
considérée comme innocente des faits qui lui sont
reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée
coupable par la juridiction compétente78(*). C'est un principe de base du droit pénal
moderne qui s'apprécie au regard de l'ensemble de la procédure
pénale (...) envisagée comme un tout et incluant, en
conséquence, le mode d'administration des preuves79(*). Le respect de ce droit
implique plusieurs conséquences sur lesquelles nous pensons qu'il n'est
point utile de s'attarder parce qu'elles ont été
épuisées à travers de nombreuses études80(*). Ce sont entre autres, la
charge de la preuve qui incombe à l'accusation, et l'interdiction des
procédures qui portent atteinte à la présomption
d'innocence.
L'autre conséquence importante est celle liée au
droit à la liberté, car elle est très rarement
soulevée malgré le fait que ce dernier constitue un droit non
négligeable de l'accusé. Ainsi, conformément à ce
principe, alors que la détention doit être l'exception et la
liberté la règle, au TPIR, la détention préventive
semble systématique (Paragraphe 1), pendant que la liberté
provisoire est soumise à des conditions très strictes (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 1 : UNE
DETENTION PREVENTIVE SYSTEMATIQUE.
La détention préventive constitue une limitation
au droit à la liberté81(*). En effet, elle consiste en une incarcération
du prévenu pendant la durée de l'instruction et du procès
et est admise de manière générale dans tous les
systèmes pénaux. Elle permet de prévenir la fuite de
l'accusé, la destruction d'éléments de preuve, et concourt
à assurer la protection des témoins. Mais elle revêt un
caractère exceptionnel, car conformément au droit à la
liberté et à la présomption d'innocence, les personnes en
instance de jugement pour une infraction pénale ne doivent pas, en
règle générale, être maintenues en
détention82(*). Au
TPIR, on remarque un processus inverse qui fait de la détention, la
règle et de la liberté, l'exception (A). Cette pratique du TPIR
qui va à l'encontre des instruments internationaux adoptés depuis
les quarante-cinq dernières années semble avoir tout de
même une justification (B).
A- L'exception pour la
règle
Le respect du droit à la liberté et de la
présomption d'innocence commande un principe communément admis
selon lequel les personnes inculpées d'une infraction pénale ne
seront pas maintenues en détention en attendant d'être
jugées. Toutefois, les normes internationales reconnaissent
explicitement que dans certaines circonstances, les autorités peuvent
imposer des conditions restrictives à la liberté d'un individu ou
le maintenir en détention83(*) dans l'attente de son procès.
C'est dans cette logique que, de façon permanente, le
TPIR s'inscrit, faisant de la détention préventive une mesure
systématique. Son RPP prévoit expressément que
l'accusé doit être gardé en détention84(*). La détention
préventive commence lorsque, au terme de la détention provisoire
qui ne peut dépasser quatre-vingt dix (90) jours, le suspect acquiert le
statut d'accusé et fait l'objet d'un acte d'accusation et d'un mandat
d'arrêt confirmé par un juge du TPIR85(*). Le Comité des Droits
de l'Homme (CDH) a précisé dans l'une de ses résolutions,
que la détention préventive devait être légale, mais
aussi nécessaire et raisonnable86(*). La détention préventive, si elle est
systématique dans la pratique du Tribunal, cela supposerait-il qu'elle
satisfait en toutes circonstances aux conditions de légalité, de
nécessité et de rationalité ?
Pour ce qui est de la légalité de la
détention préventive au TPIR, elle n'a pas à être
mise en doute. Non seulement, elle est prévue par les textes du
Tribunal, et c'est toujours l'autorité compétente, le juge,
conformément aux textes, et sous l'injonction du procureur, qui
l'autorise87(*). Quant aux conditions de
nécessité et de rationalité, elles méritent qu'on
s'y attarde pour vérifier si la nécessité s'impose
vraiment au Tribunal ; si oui, de quelle nécessité
s'agit-il ? La réponse à cette question devrait permettre de
conclure au caractère rationnel ou non de ces détentions
préventives systématiques opérées par le TPIR.
Le CDH, en précisant les conditions de la
détention préventive, a fait une interprétation
étroite de la notion de nécessité. Il a
considéré que le fait de soupçonner quelqu'un d'avoir
commis une infraction ne suffisait pas à justifier un placement en
détention dans l'attente d'une enquête et d'une
inculpation88(*). Or au
TPIR, lorsqu'un individu est soupçonné de crimes graves, en tout
cas lorsque le procureur a des éléments plausibles lui permettant
de croire que cet individu a commis une infraction qui relève de la
compétence du Tribunal, il est mis en détention. En effet,
après la confirmation de l'acte d'accusation, l'arrestation et le
transfert de l'accusé au Tribunal, sa détention suit
automatiquement.
On peut donc en déduire qu'au même titre que
l'arrestation et le transfert, c'est la confirmation de l'acte d'accusation qui
justifie la détention préventive, plutôt que la
nécessité réelle de prévenir la récidive, la
destruction d'éléments de preuve, l'intimidation des
témoins ou la fuite de l'accusé, un ensemble
d'éléments qui confèrent à la détention
préventive son caractère raisonnable. Certes, les textes ont
érigé cette nécessité en une condition cumulative
à la confirmation de l'acte d'accusation pour décider de la
détention préventive89(*), mais dans sa jurisprudence, cette
nécessité plutôt que d'être démontrée,
est affirmée. Tout cela laisse à penser que, pour le procureur,
cette nécessité se présume et qu'il n'est point besoin de
la démontrer à chaque mise en détention
préventive.
Nous sommes d'avis avec Mme Anne-Marie LA ROSA, lorsqu'elle
affirme que « la détention (...) ne doit être
ordonnée que s'il existe des motifs raisonnables de penser que les
intéressés sont impliqués dans les infractions dont il est
fait état, et si on peut craindre qu'ils prennent la fuite, commettent
des infractions graves ou obstruent gravement le cours normal de la justice,
s'ils étaient laissées en
liberté »90(*). De cette affirmation, il ressort l'exigence
d'une double conditionnalité pour justifier l'opportunité de
toute détention préventive. La présomption de fuite et de
récidive ne doit pas suffire pour commander la détention
préventive ; Il doit être tenu compte des circonstances de
l'affaire.
La confirmation de l'acte d'accusation est un motif
raisonnable pour croire que l'accusé a commis le crime qui lui est
reproché, car la confirmation n'intervient que lorsque le juge
confirmateur est lui-même convaincu par les éléments que le
procureur lui présente, de la probable culpabilité de
l'accusé. Nous avons là notre première condition. Quant
à la deuxième, c'est-à-dire la crainte qui à elle
seule, justifie en réalité la nécessité de la
détention préventive, il serait judicieux de se demander comment
elle se matérialise. Comment le procureur appréhende-t-il la
crainte que le suspect peut constituer un danger ou pour les témoins ou
pour la justice ? Cette crainte est-elle suscitée par un comportement
que l'accusé aurait adopté ; et à quel moment
exactement le procureur conclut-il à l'existence d'une pareille
crainte ? Un essai de réponse peut être trouvé dans
l'analyse des éléments que le juge considère avant de
décider d'accorder ou non la liberté provisoire91(*). Il est à retenir
cependant que cette pratique, fut-elle justifiable, constitue une atteinte au
droit à la présomption d'innocence.
B- La justification de la
pratique
La présomption de nécessité qui guide la
pratique du TPIR fait de la détention préventive une règle
plutôt que l'exception. En effet, en plus du fait qu'il existe des motifs
raisonnables de croire qu'un accusé a commis un crime relevant de la
compétence du Tribunal, il existe un certain nombre
d'éléments en faveur du Tribunal pouvant justifier cette
pratique.
Premièrement, cette présomption de
nécessité se justifie par la nature des crimes dont traite le
Tribunal qui sont des crimes très graves. La Commission de Droit
International (CDI), dans l'un de ses rapports, émet un avis selon
lequel la nature très grave des crimes qui relèvent de la
compétence des juridictions internationales peut, de part leur nature,
justifier une exception à la règle relative à la
liberté de l'accusé durant l'instance92(*). Dans le même sens, le
CDH précise dans une de ses résolutions qu'une personne pouvait
être mise en détention dans le cas où elle constituerait de
toute évidence pour la société une grave menace impossible
à éliminer autrement93(*). Toutefois, et il est bon de le savoir, dans le
projet de Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI), le CDH a
maintenu la liberté comme étant la règle, malgré la
gravité des crimes qui relèvent de la future Cour94(*).
Deuxièmement, la présomption de
nécessité se justifie par l'absence de forces policières
propres au Tribunal et l'absence de contrôle territorial. Ces
circonstances spéciales dans lesquelles le TPIR doit travailler
légitiment les conditions de la détention préventive
telles que les craintes de la fuite de l'accusé, de pressions
exercées sur les témoins et de destruction des
éléments de preuve.
D'une façon générale, le TPIR estime donc
qu'il n'a pas à démontrer la nécessité de la
détention préventive pour la rendre légitime. Il argue du
seul fait qu'il ne dispose pas de moyens à l'instar d'une juridiction
nationale pour pouvoir rechercher sur un territoire déterminé un
accusé qui se serait échappé et que, par
conséquent, il ne peut prendre le risque d'octroyer la liberté
provisoire. Et c'est sans doute pour ne pas laisser paraître une
volonté manifeste d'atteinte à la présomption d'innocence
et de violation du droit à la liberté que les textes ont
prévu la liberté provisoire qui depuis la création du
Tribunal, a été très rarement accordée.
PARAGRAPHE 2 : LE
CARACTERE EXCEPTIONNEL DE LA LIBERTE PROVISOIRE DEVANT LE TPIR
Le droit à la liberté de sa personne est un
droit fondamental. En vertu de ce droit, les individus inculpés d'une
infraction pénale ne doivent pas en principe être placés en
détention préventive. Ainsi, plutôt qu'ils fassent objet
d'une mesure de sûreté visant à restreindre leur
liberté, les accusés peuvent jouir d'une liberté
provisoire. La liberté provisoire est une mesure judiciaire
appliquée à un individu accusé d'une infraction
pénale et qui lui permet de jouir d'une certaine liberté de
mouvement sur un territoire ou un espace géographique
déterminé. Elle est souvent assortie de conditions. Dans le RPP
du TPIR, l'article 65 précise que la liberté provisoire ne peut
être ordonnée par la Chambre de première instance que dans
des circonstances exceptionnelles (A). Leur preuve devant être
rapportée par l'accusé, ceci donne lieu à un renversement
de la charge la preuve (B).
A- La notion de
circonstances exceptionnelles
Dans son paragraphe B de l'article 65, le RPP du TPIR
précise d'abord que « la liberté provisoire ne peut
être ordonnée par la chambre de première instance que dans
des circonstances exceptionnelles », avant d'assortir son octroi
de plusieurs autres conditions cumulatives qui peuvent être
qualifiées d'additionnelles. Par rapport à ces conditions
additionnelles, la condition de circonstances exceptionnelles apparaît
comme la condition principale d'octroi de la liberté provisoire.
A l'examen du texte constitutif du Tribunal, il est
aisé de se rendre compte qu'aucune explicitation n'a été
faite du contenu des circonstances exceptionnelles. Cette absence de
précision laisse déduire que les circonstances exceptionnelles
évoquées par les textes du TPIR n'ont aucun contenu
précis, mieux un contenu qui pourrait se construire en fonction des
circonstances spécifiques de chaque affaire.
Toutefois, la pratique jurisprudentielle des TPI semble donner
un contenu aux circonstances exceptionnelles en ce sens que pendant ses dix
années de fonctionnement, les circonstances qui ont justifié
qu'exceptionnellement, le Tribunal accorde la liberté provisoire sont
constituées des cas de maladies incurables en phase terminale ou la
présence de graves problèmes de santé nécessitant
des soins intensifs. Un état de santé gravement déficient
est donc une circonstance exceptionnelle dont le Tribunal apprécie
souverainement l'existence95(*) Autrement, toutes les demandes de liberté
provisoire sont systématiquement rejetées.
Mais l'on ne peut s'en tenir uniquement à la pratique
du TPIR et se contenter du contenu qu'il veut bien donner à la notion de
circonstances exceptionnelles. Un contenu qui du reste peut être
fortement critiqué. En effet, l'examen des raisons spécifiques
qui ont justifié les rares autorisations de libération provisoire
devant les TPI montre qu'elles sont essentiellement médicales. Ce qui
équivaudrait à résumer la circonstance exceptionnelle
à un cas de maladie exceptionnellement grave de l'accusé ou de
l'un de ses parents proches96(*), pour éviter que tous les accusés en
détention préventive, fussent-ils atteints d'une quelconque
maladie, ne revendiquent leur droit à la liberté.
D'un autre point de vue, il serait intéressant de
vérifier dans l'organisation procédurale du TPIR si d'autres
circonstances exceptionnelles autres que celles de maladies graves ne
pourraient pas justifier la mise en liberté provisoire. A ce titre, et
sachant que la décision de détention préventive est une
décision susceptible de recours, il s'agirait de vérifier par
exemple, si le non-respect du délai raisonnable, aussi bien de la
détention que du commencement du jugement, peut justifier une mise en
liberté provisoire. Car en effet, le respect du procès
équitable commande d'être jugé dans un délai
raisonnable ou d'être remis en liberté dans l'attente de son
procès97(*).
Mais dans ce cas, la liberté provisoire serait
justifiée par une défaillance dans le fonctionnement du Tribunal.
Dans ces conditions, cette défaillance peut-elle être
considérée comme une circonstance exceptionnelle justifiant une
mise en liberté provisoire ? On peut le soutenir, car le droit
à être jugé dans un délai raisonnable est un droit
fondamental dont la non-satisfaction s'apparente à un déni de
justice. Il en est de même pour les arrestations qui devraient donner
lieu à la mise en liberté du suspect dès qu'elles sont,
à la suite d'un recours, jugées illégales.
Toutefois, la reddition volontaire, la fin des
procédures préliminaires concernant l'accusé, sa
coopération avec le procureur, l'absence de danger qu'il
s'échappe, l'engagement de ne pas mettre un témoin en danger, et
enfin la nécessité de soins médicaux n'entrent pas dans la
catégorie des circonstances exceptionnelles dont l'accusé doit
faire la preuve.
B- Le renversement de la
charge de la preuve
Il n'est plus à rappeler qu'en vertu de la
présomption d'innocence, la charge de la preuve incombe à la
poursuite. Dans le cas d'espèce, le procureur instruisant pratiquement
à charge et à décharge, la responsabilité lui
incombe de prouver la nécessité ou non de retenir un
accusé en détention préventive. S'il ne convainc pas le
juge de la nécessité de retenir l'accusé, celui-ci doit
être immédiatement relaxé. Mais le procureur du TPIR
transfère cette responsabilité à la défense.
La libération provisoire exige un certain nombre de
circonstances exceptionnelles dont la preuve repose sur l'accusé, et il
n'appartient pas au procureur de prouver le contraire98(*). Cette obligation donne lieu
à un renversement de la charge de la preuve qui constitue une
véritable entorse à la présomption d'innocence. Ce
renversement se justifie par, la nécessité pour le Tribunal de
devoir compter sur la collaboration des administrations nationales pour le
transfert des accusés, qui l'oblige à être prudent.
Mais nous pensons comme Mme Laurence SINOPOLI que cette
explication contextuelle ne saurait cependant constituer une justification
à des atteintes disproportionnées au droit à la
liberté99(*). De
plus, l'obligation faite à l'accusé de démontrer
l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant sa libération
provisoire n'est en rien conforme à l'article 9 §3 du PIDCP qui
dispose que « la mise en liberté [de personnes qui
attendent de passer en jugement] peut être subordonnée
à des garanties assurant la comparution de l'intéressé
à l'audience, à tous les actes de la procédure et, le cas
échéant, pour l'exécution du jugement »
plutôt que de faire la preuve par l'accusé de quelque circonstance
exceptionnelle.
A ce sujet, il doit être réservé au
procureur la prérogative d'apprécier à partir des
éléments de preuve dont il dispose, l'opportunité ou non
d'accorder la liberté provisoire à l'accusé. Le juge
devrait au demeurant accorder la liberté en assortissant cette
autorisation de conditions restrictives précises que l'accusé
sera tenu de suivre100(*). Dans le cas où la détention serait
retenue, elle ne doit pas être définitive, la chambre examinant
à une certaine périodicité, sa décision de mise en
détention, ainsi que celle de mise en liberté provisoire afin de
voir si elle doit être maintenue ou non.
Des deux garanties liées à la preuve
examinées, le droit à liberté apparaît quelque peu
égratigné pour les raisons évoquées et qui sont
défendables. Le système de preuve étant de forte
coloration anglo-saxonne, l'égalité des armes devrait être,
sans doute, mieux réalisée.
SECTION 2 : L'EGALITE DES ARMES
Le droit à l'égalité des armes est
reconnu dans le Statut du TPIR dans les articles 17 § 3 et 20 qui traitent
des droits de l'accusé. Cette reconnaissance de l'égalité
des armes procède du respect de textes internationaux101(*). En l'occurrence le PIDCP
qui énonce en son article 14 §3 aux lettres a°), b°),
d°), e°), et f), les obligations constitutives de
l'égalité entre la poursuite et la défense dans le
procès pénal. Le droit à l'égalité des armes
est plus un droit de l'accusé, car il rappelle que la personne
poursuivie qui est la plus vulnérable, doit être
protégée. Ce droit est d'une importance capitale pour sa
défense et se traduit subjectivement par rapport aux prérogatives
de l'accusation102(*).
Il implique à cet effet, des obligations réciproques entre
l'accusation et la défense (Paragraphe 2) qui, pour leur
réalisation, nécessitent un certain nombre de moyens dont doivent
disposer les deux parties (Paragraphe 1).
PARAGRAPHE 1 : LES MOYENS
DISPONIBLES POUR LES PARTIES
Les parties au procès, dans le duel juridique qu'elles
mènent, sont à égalité. Pour s'affronter
loyalement, elles ont besoin de preuves qu'elles recueillent au terme de
nombreuses recherches, pour la plupart du temps, difficiles.
L'égalité qui est revendiquée entre l'accusation et la
défense tout au long du procès devrait commencer, nous
semble-t-il, depuis les conditions et les modalités d'investigations
(A).
Celles-ci étant déterminantes dans la suite
à donner au procès, car si au moment de la recherche des preuves
l'égalité est déjà rompue, les étapes
à suivre s'en ressentiront. Aussi, faut-il souligner que le
caractère oral et contradictoire de la procédure retenu pour
assurer un cadre d'équité ne suffirait pas à lui seul
à garantir l'égalité dans les débats et dans la
procédure si des voies de recours (B) n'existaient pas.
A- Les investigations
Le contexte de génocide dans lequel s'inscrivent les
activités du TPIR, autant qu'il justifie la prédominance du
témoignage comme moyen de preuve, justifie également
l'énorme difficulté que rencontrent les parties dans leur
recherche des preuves. Cette difficulté est d'autant plus accrue pour la
défense qui, contrairement à la poursuite, ne dispose pas des
même moyens financiers et matériels que cette dernière. En
effet, les sommes nécessaires à la préparation de la
défense sont souvent importantes et, rares sont les accusés qui
ont les moyens de les payer.
C'est pourquoi le Tribunal s'engage à payer les
conseils commis d'office. A cet effet, il met à leur disposition les
moyens matériels nécessaires à la préparation de la
défense. Mais, ces moyens sont fonctions des règles de
rémunération propres au Tribunal et sont en deçà
des standards appliqués dans d'autres régions du monde103(*). Les standards de
rémunération du Tribunal semblent ne pas prendre en compte les
difficultés énormes rencontrées par ce type de
procès.
Ainsi, la défense peut-elle se trouver limitée
dans ses recherches, car les dépenses qu'elle doit engager sont
strictement encadrées. En effet, seules les dépenses
préalablement autorisées par le greffier sont accordées et
ce dernier refuse d'honorer celles qui ne sont pas nécessaires et
raisonnables. A ce sujet, l'article 22 A de la Directive relative à la
commission d'office dispose : « Lorsqu'un conseil a
été commis d'office, les dépenses nécessaires et
raisonnables pour assurer la défense du suspect ou de l'accusé
sont à la charge du Tribunal, sous réserve des dispositions
budgétaires, des règles et règlements, et de la pratique
établie par les Nations-Unies ; Toutes les dépenses doivent
être préalablement autorisées par le greffier ; ce
dernier peut refuser d'honorer les dépenses qui n'ont pas
été autorisées ». Nous pensons
avec M. Xavier de ROUX104(*) que du fait de cette limitation, le greffier d'une
certaine façon, dirige la défense105(*). Il peut être
concédé au Tribunal le souci de limiter les dépenses parce
qu'il dispose d'un budget limité. Mais il faut reconnaître que les
critères "raisonnable" et "nécessaire" ne
peuvent être appliqués de façon standard à toutes
les affaires. Selon les espèces, les dépenses nécessaires
pour une affaire X peuvent ne pas l'être pour une affaire Y et vice
versa.
Quant au caractère "raisonnable", il faut se
demander à quoi on doit le mesurer. Pour la défense, le
"raisonnable" ne consiste t-il pas à ne laisser échapper
aucune preuve qui lui permette d'assurer convenablement la défense de
son client?
Dans le souci de réduire les dépenses, -les
rémunérations dans le système des Nations-Unies
étant faites en fonction des heures de travail-, le Tribunal limite le
nombre de personnes qui travaillent sur un même dossier ainsi que leur
nombre d'heures de travail106(*). Elle estime d'ailleurs que
l'inégalité des ressources n'équivaut pas à
l'inégalité des armes107(*), et la jurisprudence des Droits de l'Homme n'exige
pas l'égalité des moyens pour conclure à
l'égalité des armes108(*).
Toutefois, il faut garder à l'esprit que
l'égalité des armes veut que toutes les facilités soient
accordées aux parties pour leur permettre de présenter leurs
preuves. Cette limitation, que nous qualifions d'extrême, procède
d'une réelle inégalité pratique entre la poursuite et la
défense, quand on sait que la défense commence son travail avec
l'arrestation de l'accusé alors que le procureur y travaille depuis le
début de l'instruction. Ainsi, la défense ne dispose que du temps
allant de l'arrestation jusqu'au procès pour effectuer tout le travail
de recherches que le procureur fait peut-être depuis des
années.
Le système probatoire, loin de prendre uniquement en
compte l'aspect théorique de l'organisation et de la typologie des
preuves, doit dans sa mise en oeuvre accorder une place importante à
l'aspect pratique de la preuve. Pour cela, des conditions minimales doivent
être réunies pour assurer une recherche objective et effective de
la vérité. L'efficacité du système probatoire n'en
serait que plus palpable, car il rejaillirait de sa mise en branle une justice
très peu sujette aux réclamations, tant elle aura
été méticuleuse du point de vue du respect de
l'équité. Mais s'il ne peut pas encore en être ainsi,
l'équité exige qu'il existe des moyens, surtout pour la
défense, de protester contre les irrégularités
constitutives d'inégalités pour être remise dans ses
droits.
B- Les voies de recours
Il ne s'agit pas de rappeler l'importance pour tout
système judiciaire des recours, mais de voir comment l'exercice du droit
au recours, corollaire du principe de contradiction, participe d'une meilleure
réalisation de l'égalité entre les parties au
procès.
Dans le contexte du TPIR, les recours sont des
procédures qui permettent d'intervenir en temps opportun pour contester
la compétence du procureur ou obtenir que des mesures soient prises aux
différentes étapes de la procédure.
Ainsi, au stade de l'enquête, aucun contrôle
juridictionnel ne peut être exercé sur les initiatives du
procureur. L'un des principes majeurs qui soutiennent l'égalité
est, à n'en point douter, le principe du contradictoire qui doit courir
à toutes les étapes de la procédure. Mais comme on peut le
constater, les textes constitutifs du Tribunal ne prévoient aucun
recours permettant de contester la légalité des mesures prises
par l'organe d'instruction. Autrement dit, à la phase préalable
du procès, aucune mesure légale n'est prévue pour assurer
l'égalité des armes.
L'accusé ne peut donc contester ni les conditions de
son arrestation, ni même les conditions de sa détention. Il doit
attendre la confirmation de l'acte d'accusation et sa première
comparution pour faire valoir quelque contestation que ce soit.
Conformément à la pratique juridictionnelle du Tribunal, ce n'est
qu'après le transfert au siège de l'instance pénale
internationale, conformément à une ordonnance émise par un
juge qu'un détenu peut mettre en cause la légalité de sa
détention. Or, le respect de l'égalité des armes à
cette étape de la procédure aurait permis que le détenu,
au moment et au lieu de son arrestation, puisse contester les mesures prises
par le procureur y compris même les conditions de son arrestation. Ainsi,
tous les accusés qui ont contesté les mesures prises par le
procureur pendant l'enquête ont vu leurs requêtes rejetées
par le Tribunal. D'une part, les chambres estimaient qu'elles n'étaient
pas compétentes, et d'autre part, que le RPP a été
respecté109(*).
Seule l'affaire BARAYAGWISA a fait exception à cette
règle110(*).
Quant à l'autre phase du procès qui commence
à la première comparution de l'accusé devant une chambre
du Tribunal, elle paraît beaucoup plus respectueuse de
l'égalité des armes en termes de possibilités offertes
à l'accusé de contester les éventuelles
irrégularités qui sont le fait de la poursuite. Ces
possibilités sont en effet de plusieurs ordres et peuvent être
classées en deux groupes. D'une part, les exceptions
préjudicielles qui peuvent être soulevées avant le
procès proprement dit et d'autre part, l'appel des décisions
interlocutoires111(*)
prises par le juge pendant le procès.
Les exceptions préjudicielles de chacune des parties
doivent être soulevées avant l'audience au fond, dans les trente
(30) jours qui suivent la communication des pièces par le procureur
à la défense112(*). Elles peuvent porter entre autres sur l'exception
d'incompétence113(*) ou sur les vices de forme de l'acte d'accusation.
Les requêtes, dites interlocutoires, ne peuvent se faire
que sous réserve de l'autorisation des juges de la chambre de
première instance114(*). Elles peuvent porter sur la compétence du
Tribunal, la mise en liberté des accusés, la preuve, la
procédure ou tout autre sujet d'intérêt
particulier115(*). Les
juges du TPIR limitent la possibilité d'interjeter appel de
décisions interlocutoires, aux exceptions d'incompétence et ont
rejeté les requêtes d'appel qui ne répondent pas à
cette condition116(*).
Cette position des juges du TPIR semble un peu trop
sévère quand on sait l'importance que revêtent le droit
à liberté, qui est un droit fondamental, ou
l'égalité des armes, ou encore, les questions relatives à
la preuve. Comme ils l'ont signifié dans leur pratique juridictionnelle,
les juges du TPIR dénient aux parties, surtout à la
défense, l'autorisation d'interjeter appel de la décision
refusant la mise en liberté d'une personne qui fait l'objet de
procédures devant le Tribunal117(*). On assiste donc à une confiscation du droit
au recours qui peut avoir une influence négative sur l'application du
principe de la contradiction.
C'est pour cela, qu'au-delà même de la limite
relative à la nature de la requête, et ce pour
l'équité, il doit être soustrait la restriction de
l'autorisation des juges en matière d'appel interlocutoires. On
arriverait ainsi, à une situation où, aussi bien les
requêtes interlocutoires relatives à la compétence que
celles relatives à la liberté provisoire, à
l'égalité des armes, à la recherche et à la
communication des preuves, feraient l'objet d'un appel interlocutoire de plein
droit118(*), sans la
nécessité d'une autorisation préalable.
Cette libéralisation du droit au recours ne
contribuerait d'ailleurs, qu'à rappeler à chacune des parties,
non seulement leurs obligations réciproques, mais aussi et surtout la
conscience de les remplir convenablement.
PARAGRAPHE 2 : LES
OBLIGATIONS RECIPROQUES ENTRE L'ACCUSATION ET LA DEFENSE.
Le droit à l'égalité des armes signifie
que chacune des parties au procès doit avoir la possibilité
d'exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une
manière significative vis-à-vis de la partie adverse119(*). C'est donc plus en termes
d'équilibre que d'égalité que se définit ce
droit120(*). Un
équilibre qui exige que dans la préparation de la défense,
l'accusé et son conseil aient accès aux informations
appropriées (A), notamment, les documents et autres
éléments de preuve susceptibles de l'aider à se disculper
ou atténuer sa culpabilité121(*). Dans le même ordre d'idées, aucune
atteinte ne doit être portée au droit de la défense
d'interroger les témoins. L'anonymat des témoins parfois requis
pour protéger ces derniers constitue en ce sens une source
d'iniquité du procès (B).
A- Les modalités
d'accès à l'information
Le droit à la pleine information induit que les
documents et les renseignements doivent être rapidement
communiqués avant le procès, dans un délai qui permette
une préparation suffisante de celui-ci. Les informations dont ont besoin
les parties consistent essentiellement en la communication de pièces et
d'éléments de preuve détenus par chacune d'elles. Ainsi,
une fois les charges confirmées, et avant le procès, les parties
doivent se communiquer leurs moyens de preuve. Le RPP du Tribunal est assez
prolixe à cet égard. En son article 66 il dispose que le
procureur doit communiquer à la défense dans un délai de
trente (30) jours après la comparution initiale de l'accusé, une
copie de toutes les pièces justificatives jointes à l'acte
d'accusation lors de la demande de confirmation, ainsi que toutes les
déclarations antérieures de l'accusé recueillies par le
procureur122(*).
Hormis les cas d'exceptions légales à
l'obligation de communication d'informations, le procureur doit permettre
à la défense, à la demande de celle-ci, d'examiner tous
livres, documents, photographies et autres objets se trouvant en sa possession
ou sous son contrôle, qui sont nécessaires à la
défense de l'accusé, ou qui seront utilisés par le
procureur comme moyen de défense au procès123(*).
Le procureur doit aussi communiquer la liste des
témoins qu'il entend citer en prenant soin de ne pas mentionner les noms
de ceux de ses témoins qui font objet d'une mesure de protection
nécessitant leur anonymat. En outre, bien qu'il n'ait aucune obligation
relative à la recherche et à la collecte d'éléments
de preuve à décharge, il doit informer l'accusé de
l'existence de moyens de preuves propres à le disculper ou à
atténuer sa culpabilité ou qui pourraient porter atteinte
à la crédibilité des moyens à charge dont il a
connaissance124(*).
De la même façon, la défense doit aussi
communiquer à la poursuite la liste de ses témoins et doit de
façon "facultative et exceptionnelle", préciser la ligne
de défense qu'elle compte adopter et les éléments de
preuves sur lesquels elle compte s'appesantir pour soutenir cette ligne de
défense125(*),
s'il s'agit d'un alibi, d'un moyen de défense spécial comme la
déficience mentale ou la diminution des capacités mentales.
Le choix des qualificatifs "facultatif" et
"exceptionnel" nous est dicté par l'utilisation respective dans
la disposition du verbe « informer » et de
l'expression « intention d'invoquer ». Le verbe
« informer » montre qu'il ne s'agit pas d'une
véritable obligation, mais juste d'une notification dont le choix semble
être laissé au libre arbitre de la défense, et dont le
défaut ne limite d'ailleurs pas le droit de l'accusé à
invoquer lesdits moyens de défense126(*). L'« intention
d'invoquer » renseigne sur le caractère exceptionnel de
cette communication de la défense, et nous amène à
déduire a contrario que si la défense ne prévoit
pas d'utiliser une ligne de défense spéciale, il ne lui reste
comme pièce à communiquer que la liste des témoins qu'elle
entend citer.
Il faut observer, comme Mme LA ROSA, que l'obligation
conséquente de la charge de la preuve qui découle de la
présomption d'innocence rend nécessairement asymétrique
cette obligation de communication qui incombe au procureur127(*). En réalité
cette obligation de communiquer de la poursuite est permanente, alors que celle
qui incombe à la défense est circonstancielle, exigible dans des
circonstances expressément prévues par les textes du Tribunal.
Elles restent tout de même des obligations auxquelles les parties ne
doivent pas se dérober. Leur violation par l'une des parties ne
dégage pas l'autre partie de son obligation.
La communication des éléments de preuve
nécessaires à la préparation de la défense
procèdent dans une large proportion de la mise en oeuvre effective du
principe de l'égalité des armes, en ce sens qu'une faute commise
par une partie, en particulier la non-transmission par le procureur de preuves
à décharge dont il avait connaissance peut justifier la
réouverture du procès128(*). D'ailleurs, il ne serait pas superflu à
notre sens, que soit insérée dans les textes du Tribunal, une
disposition au terme de laquelle les juges décident des sanctions
à infliger à une partie qui ne s'acquitte pas de son obligation
de communiquer.
En outre, les restrictions dans la communication de
l'information telles que la non-divulgation des noms des témoins, doit
être rigoureusement encadrée car elle constitue, lorsqu'elle est
autorisée, une véritable entorse à l'équilibre
entre les parties.
B- Le problème de
l'anonymat des témoins
La protection des témoins constitue pour le TPIR une
mesure importante, non seulement parce qu'elle est prévue par le
Statut129(*), mais aussi
et surtout en raison du système probatoire qui est le sien, et qui
repose essentiellement sur les témoignages. Les crimes graves et
horribles qui relèvent de la compétence du Tribunal sont de
nature à raviver les angoisses et les peurs des témoins oculaires
qui viennent déposer, et qui sont pour la plupart, les victimes de ces
crimes. Ces personnes souvent, refusent de témoigner si la protection de
leur vie privée n'est pas assurée, mettant ainsi le Tribunal face
à un dilemme.
Ce dernier, étant tributaire de leur témoignage,
n'a souvent pas d'autre choix que celui d'accéder à leur demande,
en ayant à l'esprit tout de même, l'obligation qui lui est faite
de ne pas assurer la protection des témoins au détriment des
droits de l'accusé et de l'équité dans le
procès130(*).
Ainsi, avant le procès, comme sus-précisé, la protection
peut consister entre autres en la non-divulgation de l'identité des
témoins à charge. Mais, à partir de la comparution de
l'accusé devant l'organe juridictionnel, son exclusion n'est
prévue nulle part dans les textes du Tribunal. Dans une décision,
l'une des chambres du TPIY a estimé que les témoins et victimes
méritent la protection durant le déroulement des
procédures préliminaires et jusqu'à un intervalle
raisonnable avant le début du procès. Mais, dès que
commence le procès, c'est le droit de l'accusé à un
procès équitable qui avait préséance et exigeait
que soit levé en sa faveur le voile de l'anonymat131(*).
Une autre chambre du TPIY, dans l'affaire TADIC a tout de
même estimé que le pouvoir octroyé aux juges d'assurer une
protection aux témoins des deux parties, l'autorise à permettre
les témoignages sous couvert d'anonymat, sans que les données
permettant d'identifier le témoin ne soient transmises à
l'accusé ou à son conseil.
Les chambres ont reconnu que l'anonymat restreint le droit de
l'accusé de contre-interroger les témoins à charge et
dès lors, est susceptible de porter préjudice à son droit
à un procès équitable132(*). En effet, en cas d'anonymat du témoin, la
défense ignore l'identité de la personne et se trouve
privée des informations lui permettant de montrer que ce témoin a
des préjugés, lui est hostile, ou n'est pas digne de
confiance.
Elle ne peut donc pas jeter le doute sur ce témoin.
Pour cela, les chambres ont pris soin de préciser que l'accusation doit
apporter la preuve que toutes les conditions justifiant cet anonymat soient
satisfaites. Ainsi dans l'affaire BLASKIC, la chambre a estimé qu'il
appartenait à l'accusation de montrer, que la situation avait un
caractère exceptionnel, que les témoins dont l'anonymat
étaient requis sont essentiels à la preuve de la poursuite, que
les témoins sont crédibles et enfin, que la division de
protection des victimes et des témoins reconnaissait qu'on ne pouvait
assurer la protection de ces témoins133(*).
Il faut remarquer que, même dans le strict respect de
ces conditions, l'anonymat du témoin à charge jusqu'à
l'exclusion de la défense constitue à n'en point douter une
entorse aux textes du TPI et une violation manifeste du droit à
l'égalité des armes. Mais il faut reconnaître aussi que
l'obligation de résultats qui incombe au Tribunal place ce dernier dans
une situation que nous qualifions, avec le Pr Eric DAVID,
d'« état de
nécessité »134(*), et qui amène le Tribunal à
permettre l'anonymat des témoins jusqu'à l'exclusion de la
défense.
L'objectif ici n'est pas de justifier cette mesure
extrême, mais d'essayer de comprendre le fondement de cette licence prise
par la chambre du TPIY135(*). En effet, conformément à la
volonté du CS/NU, le Tribunal doit rendre justice, et cette justice ne
peut être rendue sans le concours des témoins, ces derniers
troquant leur collaboration contre la garantie de leur sécurité.
Confrontée à ces deux exigences contradictoires, -rendre justice
en limitant l'équité ou sacrifier la justice dans le strict
respect de l'équité-, le Tribunal a fait, dans un souci
d'efficacité, le choix d'une justice imparfaite, plutôt que celui
d'une absence de justice. Ce qui à notre sens paraît
défendable.
L'originalité du système de preuve du TPIR peut
s'apprécier au regard de sa souplesse et du cadre respectueux des droits
de l'homme mis en place pour la recherche de la vérité. Mieux,
cette originalité doit être appréciée à
travers le plus qu'elle apporte au Tribunal dans la réussite de la
mission qui lui est assignée.
La liberté qui le caractérise, comme nous avons
pu le voir, favorise une recherche étendue des preuves pour une
manifestation plus juste de la vérité. Une liberté qui
parfois semble prendre le pas sur les exigences qui lui sont faites quant aux
garanties de procès équitable. En effet, tout au long de
l'étude de ce système probatoire et des garanties y
afférentes, il en est ressorti que certains choix procéduraux
allaient à l'encontre de la pratique internationale. Mais ces constats
étaient à un niveau superficiel. Une analyse approfondie à
la lumière des réalités et des difficultés du TPIR,
ont révélé, que ces choix, dans un contexte particulier de
crimes graves et d'une faiblesse institutionnelle du Tribunal due à sa
nature internationale, pouvaient être tolérés. En
réalité, ces choix dénoncés surtout par la
défense, et qui dans des circonstances normales sont attentatoires
à certains droits fondamentaux de la personne humaine, sont
guidés par le souci du TPIR d'être opérationnel.
En effet, la diversité des moyens de preuve admis, la
latitude laissée aux parties dans leurs recherches, le dynamisme de
l'organe juridictionnel qui peut intervenir pour approfondir la recherche de la
vérité, le pouvoir d'injonction du Tribunal aussi bien à
l'égard des Etats que des particuliers, les entorses faites à
l'équité des procès, sont autant d'éléments
qui présagent de l'efficacité du système probatoire du
tribunal. De plus, l'effort d'encadrement de la mise en oeuvre du
système de preuve dans le respect des garanties judiciaires en ajoute
à sa crédibilité.
Quant à l'efficacité effective de ce
système probatoire, c'est à la lumière des faits et des
difficultés de sa mise en oeuvre qu'elle pourra être
appréciée.
DEUXIEME PARTIE : LE SYSTEME DE PREUVE A L'EPREUVE DES
FAITS
Des règles sont établies pour organiser la
collecte des preuves par les parties, ainsi que leur appréciation par
les juges du TPIR afin de faire rejaillir la vérité et de mettre
les accusés devant leurs responsabilités. L'application de ces
règles préétablies n'est pas souvent parfaite, car la
preuve des faits en cause devant le Tribunal n'est pas évidente. Les
éléments probatoires requis pour la démonstration de la
commission des violations du DIH sont difficilement accessibles.
Le Tribunal rencontre en effet des obstacles de plusieurs
ordres. Pour surmonter un tant soit peu ces difficultés, les chambres
des TPI ont fait montre d'audace en créant sur la base de leurs textes
constitutifs, des conditions visant à faciliter la démonstration
des faits dont ils ont à connaître (Chapitre 1).
L'établissement de ces faits est d'autant plus compliqué que la
nature des crimes examinés l'est aussi. Ainsi, faire la preuve de la
responsabilité pour des crimes graves comme le génocide ou les
crimes contre l'humanité requiert un examen approfondi fait par des
personnes averties, des circonstances de chaque affaire. En effet les
éléments constitutifs des crimes qui relèvent de la
compétence du TPIR ne sont pas simples et pour la plupart de ces crimes,
ces éléments ne sont pas exhaustivement identifiés. Le
crime de génocide est le seul autour duquel aussi bien la doctrine que
la jurisprudence semblent réaliser un consensus quant aux
éléments qui le constituent. C'est lui qui sera analysé du
point de vue de ces éléments constitutifs et du standard de
preuve requis pour sa démonstration.
La complexité qu'il y a à démontrer que
les crimes relevant de la compétence du Tribunal ont été
commis par les accusés, provient non seulement de leur nature et des
conditions de leur perpétration, mais aussi et surtout de la
non-maîtrise des éléments qui les déterminent.
Toutefois, c'est à travers l'analyse de cette complexité dans les
preuves à produire (Chapitre 2), qu'on peut véritablement
apprécier l'efficience du système probatoire du TPIR, car elle
donne la mesure du travail à accomplir par le Tribunal pour assumer son
mandat.
CHAPITRE 1 : L'ETABLISSEMENT DES FAITS
Pour établir que les personnes qui comparaissent devant
lui sont responsables des crimes dont elles sont accusées, le TPIR doit
réunir les preuves nécessaires à cet effet. Cette phase
préalable à l'activité judiciaire même du Tribunal
est cruciale, car d'elle dépend la qualité du jugement. Il est
donc nécessaire qu'elle se déroule bien pour que les parties,
avant l'ouverture de l'audience, disposent de tous les éléments
probatoires nécessaires pour leur permettre de soutenir leurs
prétentions respectives.
Il arrive que certains de ces éléments de preuve
soient détenus par des personnes susceptibles d'être poursuivies
ou sur lesquelles planent des soupçons. Au moment de rassembler les
preuves, le Tribunal se trouve alors confronté à des
difficultés (Section 1). Ces preuves une fois collectées, sont
présentées aux juges, qui les évaluent dans la plus grande
liberté afin de leur donner le poids qu'elles doivent avoir dans la
démonstration de la culpabilité de l'accusé (Section
2).
SECTION 1 : LES DIFFICULTES DE COLLECTE DES
PREUVES
Le TPIR est une institution internationale qui émane du
CS/NU. En raison de sa nature particulière de juridiction pénale
internationale, il est un sujet de droit international qui a besoin, pour la
réussite de sa mission, de coopérer avec les Etats et les
organisations internationales, autres sujets de droit international. Dans la
mise en oeuvre de cette coopération, il se heurte à des
réticences ou même des refus qui ne sont pas de nature à
lui rendre la tâche facile (Paragraphe 1). Pour ne pas se trouver
paralysé par cet état de chose, il dispose de certains
mécanismes pour forcer les membres de la communauté
internationale à lui procurer les informations dont il a besoin
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA
COOPERATION ENTRE LE TRIBUNAL ET LES TIERS
Le Tribunal est tributaire de la coopération des Etats
et des entités susceptibles de témoigner ou de fournir des
preuves pertinentes. Avec les Etats ou les agents de l'Etat qui disposent
souvent d'informations importantes pouvant l'aider dans l'accomplissement de sa
mission, la collaboration n'est pas toujours aisée (A). Il en est de
même pour les relations que le Tribunal entretient avec le Comité
International de la Croix-Rouge (CICR), un organisme humanitaire
spécifique, dont la collaboration avec l'institution du TPI est sujet
à des heurts (B).
A- La difficile
collaboration des Etats
Le mandat confié au Tribunal par le CS/NU est
renforcé par l'obligation qui est faite aux Etats de collaborer avec le
Tribunal. L'article 28 du Statut du TPIR dispose à cet effet que
« les Etats collaborent avec le TPIR à la recherche et au
jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du
DIH »136(*) et « répondent sans retard
à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant
d'une chambre de première instance concernant l'identification et la
recherche des personnes, la réunion des témoignages et la
production des preuves [...] »137(*). Cette obligation de
coopérer qui incombe aux Etats est réaffirmée par une
résolution du CS/NU138(*) qui décide que « Tous les Etats
apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et
à ses organes [...], et qu'ils prendront toutes les mesures
nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application
les dispositions de la présente résolution et du statut, y
compris l'obligation faite aux Etats de donner suite aux demandes d'assistance
et aux ordonnances émanant d'une chambre de première
instance ».
La coopération entre le Tribunal et les Etats concerne
donc la recherche des preuves, l'exécution des mandats d'arrêts et
la collaboration judiciaire avec les juridictions nationales. Pour honorer
cette obligation générale de coopérer avec les
juridictions pénales internationales, les Etats doivent prendre des
mesures internes pour adapter leur législation interne aux exigences de
la coopération internationale, afin de donner effet aux statuts et de
désigner au plan national les organes chargés de donner suite
à leurs demandes139(*). C'est dans ce sens que l'ancien président du
TPIY, M. Antonio CASSESE, a adressé aux Etats le 15 février 1995,
une note comportant un ensemble de directives pour l'application de la
résolution portant création du TPIY.
Quant au TPIR, Plusieurs pays africains coopèrent de
plus en plus avec le Tribunal. Les personnes accusées et détenues
à Arusha, sous l'autorité du Tribunal, ont été
arrêtées et extradées à partir de plus de quinze
(15) pays. Ces pays ont de plus en plus conscience qu'ils ne peuvent plus
soustraire les fugitifs à la justice internationale en leur offrant un
sanctuaire dans leur territoire.
L'obligation de coopérer en matière de preuve
impose aux destinataires de cette obligation d'aider le procureur à
établir la matérialité des faits. La collaboration peut
être passive. Elle consiste alors à permettre aux organes du
Tribunal d'agir sur le territoire national. Elle est active lorsque l'Etat
sollicité met au service du Tribunal les juridictions et la police
nationales.
Au terme de l'organisation interne de la coopération
internationale, rares sont les Etats qui prévoient une collaboration
inconditionnelle. Au contraire, ils soumettent la requête du Tribunal
à des examens judiciaires140(*). Ce qui est contraire à l'exercice de la
prérogative de primauté dont dispose le Tribunal et de
l'obligation pleine coopération qui incombe aux autorités
nationales. Le caractère effectif de cette primauté du Tribunal
ad hoc sur les juridictions nationales dépend de la
réponse que ces dernières réservent à la demande de
dessaisissement et des circonstances141(*). Dans la pratique, certains Etats et même des
juridictions nationales s'opposent à cette primauté. Ainsi,
certains pays exigent le consentement des témoins avant leur transfert
devant la juridiction internationale142(*). Pour la communication d'éléments de
preuve, les autorités nationales sont souvent réticentes à
transmettre des documents touchant à la sécurité
nationale. Elles n'accordent pas un accès facile aux sites et aux
recherches.
Pour l'arrestation des suspects et des accusés, il est
clairement indiqué aux Etats de maintenir en détention les
accusés désignés par le Tribunal qui se trouvent sur leur
territoire143(*), sous
peine d'engager leur responsabilité internationale pour avoir laisser
s'échapper un suspect. Il en est de même pour l'exécution
des mandats d'arrêts. Cette recommandation pourtant clairement
énoncée dans les textes du TPIR, n'a pas empêché
certains Etats comme les Etats-Unis144(*) ou le Rwanda145(*) de ne pas satisfaire aux demandes de transfert
d'accusés qui leur ont été adressées par le TPIR.
Somme toute, en raison de leur nature de sujets de droit
international jaloux de leur souveraineté, les Etats oublient souvent
les obligations qui sont les leurs, ralentissant ainsi par leur manque de
volonté, les activités des juridictions pénales
internationales. En réalité, les autres acteurs de la
communauté internationale font parfois primer leurs
intérêts sur ceux des juridictions pénales internationales,
exigeant des Tribunaux pénaux des efforts pour s'affirmer et faire
valoir leur droit de primauté. Un droit que les TPI ne peut d'ailleurs
pas exercer à l'égard de certains sujets de droit
international.
B- La participation
négociée du CICR
A l'instar des Etats, les organisations humanitaires peuvent
détenir des informations pertinentes permettant aux TPI d'assurer leur
mandat. Le CICR est l'une de ses organisations. Il intervient dans le domaine
du DIH et son mandat comprend deux fonctions cruciales à savoir,
protéger et assister les victimes des conflits armés, et assurer
la promotion et la diffusion du DIH146(*).
Dans l'exercice de ces fonctions qui lui sont dévolues,
il arrive que le CICR, à travers ses membres, soit souvent témoin
ou victime de violations graves du DIH, toutes choses dont le TPI a en charge
de sanctionner. L'intérêt des parties au procès pour la
participation et la collaboration de cet organisme peut donc se comprendre
aisément. Or, le devoir de discrétion dont fait preuve le CICR
dans le déroulement de ses activités est à première
vue contraire à toute participation éventuelle de sa part visant
à communiquer publiquement des informations. Le Tribunal se trouve alors
confronté à un problème de conciliation
d'intérêts publics contradictoires, liés à
l'utilisation par le procureur et la défense, d'informations
détenues par le CICR147(*).
En effet, dans l'intérêt de la justice, le
Tribunal a besoin d'éléments de preuve pertinents pour faire
éclater la vérité d'une part, alors que le CICR
préserve la confidentialité et la discrétion d'autre part,
ne songeant même pas à une communication publique. La question
logique qui s'en suit est celle de savoir si dans la balance, c'est
l'obligation de réserve qui incombe au CICR qui doit prévaloir,
au détriment d'une répression efficiente de la violation massive
du DIH ou l'inverse. La réponse ne peut être simple car les
intérêts des deux parties sont légitimes et juridiquement
fondés. Il doit être trouvé un modus vivendi pour
concilier ces intérêts divergents et permettre en même temps
que ces deux entités collaborent utilement sans se causer
réciproquement préjudice.
Le TPIR ne s'est pas trouvé confronté au
problème de l'utilisation de preuves détenues par le CICR
contrairement à son jumeau de l'ex-Yougoslavie. Mais pour des raisons
que nous avons évoquées plus haut cette question sera
étudiée en rapport avec la jurisprudence du TPIY, plus
particulièrement, dans une décision de l'affaire SIMIC.
La décision prononcée de manière
confidentielle le 27 juillet 1999 a été rendue à la suite
de la requête du procureur en application de l'article 73 du RPP du
TPIY148(*). En effet,
l'accusation voulait qu'un témoin, un interprète qui accompagnait
les membres du CICR, dépose sur des faits pertinents contre les
accusés de l'espèce. Cette décision majoritaire relative
à la requête s'est limitée à l'examen de la
recevabilité des preuves à fournir par le témoin. Dans
cette décision, les juges ont eu à déterminer si le CICR
possède un intérêt réel que le témoignage de
cet employé ne soit pas admis, et s'il existe, s'il ne pouvait
être tempéré pour l'intérêt de la justice.
En conclusion, la décision majoritaire rappelle, en y
adhérant, que le droit international coutumier ou conventionnel
reconnaît au CICR un intérêt à ce que les
informations qui lui appartiennent restent confidentielles. Elle confirme les
pouvoirs reconnus au CICR à travers les conventions de Genève et
ses protocoles additionnels pour accomplir efficacement sa tâche. Elle
estime en outre que les Etats, en acceptant d'être liés par ces
conventions, ont souscrit à une obligation conventionnelle de garantir
la non-divulgation des informations et confère au CICR un
privilège de non-divulgation des informations dont il peut se
prévaloir. Enfin, les juges finissent leur analyse en disant que le fait
que cent quatre-vingt huit (188) Etats aient ratifié les conventions de
Genève, joint à la pratique des Etats relative au CICR autorise
la majorité à conclure qu'un tel droit fait également
partie du droit international coutumier et donc, lie les TPI149(*). Le témoin, en vertu
de cette décision, ne sera donc pas entendu, pour ne pas violer le
privilège de non-divulgation dont jouit le CICR.
Le juge HUNT150(*), dans l'opinion individuelle qu'il a émise,
et sur laquelle il nous semble opportun de nous aligner, reconnaît
l'intérêt public important de l'obligation de garantir la
non-divulgation des informations du CICR, qui vise à le protéger
contre toute divulgation judiciaire des faits connus par ses employés
dans le cadre de leur fonctions151(*). Toutefois, il s'interroge sur le caractère
absolu d'un tel privilège. Dans le même sens que lui, il faut
rappeler que ce privilège vise à protéger le CICR contre
les Etats, et que par conséquent, rien ne justifie qu'on l'étende
systématiquement aux juridictions pénales internationales.
D'un autre côté, alors que la chambre qui a rendu
la décision estime qu'aucun intérêt, aussi important
soit-il, ne peut s'opposer au privilège de non-divulgation dont jouit le
CICR, nous pensons à l'instar de M. HUNT que dans cette affaire,
l'intérêt du CICR n'est pas le seul en cause et que ne doit pas
être négligé le fait qu'il existe un autre
intérêt tout aussi important. Cet autre intérêt
suppose que toutes les preuves pertinentes soient mises à la disposition
des juridictions chargées de juger les personnes présumées
coupables de violations graves du DIH. Il serait donc erroné de penser
que les témoignages du CICR ou de ses représentants doivent
être d'office exclus152(*).
Le CICR ayant exprimé sa volonté de
coopérer avec les instances pénales internationales, il devrait,
avec les TPI, négocier les modalités de leur collaboration, des
modalités qui, du reste, pourraient être applicables à
toute sorte d'affaires dont les TPI auront à connaître.
Au terme de ces modalités, il peut être exclu
toute comparution qui entraînerait une violation manifeste du mandat du
CICR. Des garanties peuvent être offertes pour rassurer le CICR de ce que
sa coopération avec l'instance internationale ne mettra pas en
péril l'exécution de son mandat. Le CICR doit aussi veiller au
respect de son obligation de coopération à l'égard du
Tribunal en ne s'opposant pas systématiquement à toute
comparution publique. Il doit chaque fois prendre le soin de vérifier si
la communication de l'information cause effectivement de graves
préjudices à son mandat, surtout s'il n'existe pas d'autres
moyens de faire manifester la vérité.
Mais, dans le cas où le CICR refuserait toute
coopération, le Tribunal peut-il user de mécanismes pour forcer
la divulgation d'informations auprès du CICR ? L'examen de ces
mécanismes nous apportera des éléments de
réponse.
PARAGRAPHE 2 : LES
MECANISMES D'OBTENTION DES ELEMENTS DE PREUVE.
L'obligation de coopérer est la garantie de
l'effectivité de la justice pénale internationale et de sa raison
d'être. C'est pourquoi au pouvoir principal des juridictions d'exercer
leur pouvoir judiciaire sur les personnes physiques, s'ajoutent des pouvoirs
accessoires contraignants à l'égard des destinataires de
l'obligation de coopérer afin de garantir cette
coopération153(*). La mise en oeuvre de ces pouvoirs accessoires
procède des injonctions que le Tribunal peut donner aux Etats et aux
particuliers respectivement, en termes d'ordonnances à caractère
coercitif (A) et de citations à comparaître (B).
A- Les ordonnances
contraignantes
Les ordonnances contraignantes sont adressées aux
Etats. Le Tribunal international ne les adresse que lorsque les Etats ont
opposé une fin de non-recevoir ou un refus aux demandes de
renseignements et d'assistance. Ce pouvoir qui a été reconnu au
TPIY et par ricochet aux TPI dans l'affaire BLASKIC154(*), se fonde sur les
dispositions des statuts et règlements des TPI, mais aussi sur le
chapitre VII et l'article 25 de la Charte des Nations-Unies. En effet, le CS/NU
ayant réaffirmé cette obligation par de nombreuses
résolutions, ses décisions s'imposent à tous les Etats
membres de l'ONU. Et comme l'a souligné la Chambre d'appel du TPIY dans
l'affaire BLASKIC, l'obligation de coopérer constitue une obligation
erga omnes au même titre que celle qui incombe aux Etats de
faire respecter le DIH. En vertu de cette obligation, les TPI se sont vus
octroyés par leurs textes fondamentaux des pouvoirs d'injonction.
Ainsi, le juge confirmateur de l'accusation peut
émettre des ordonnances nécessaires pour la conduite du
procès155(*). Les
organes juridictionnels peuvent émettre toutes sortes d'ordonnances aux
fins de l'enquête156(*). Le procureur est autorisé à
solliciter d'une chambre le prononcé d'une ordonnance à l'effet
de réunir des éléments de preuve. Certaines conditions de
forme soutendent l'émission de ces ordonnances contraignantes.
Lorsque l'envoi d'une ordonnance s'avère
incontournable, le juge doit examiner la requête pour vérifier
l'admissibilité et la pertinence des pièces demandées.
Celles-ci doivent être détaillées afin de permettre
à l'Etat sollicité de s'exécuter facilement. La
requête doit en effet identifier des documents précis et non des
catégories de documents, énoncer clairement les raisons pour
lesquelles ces documents sont pertinents pour la conduite du procès,
être d'une exécution facile pour le pays concerné, et enfin
laisser à l'Etat le temps nécessaire pour s'exécuter.
Le caractère contraignant qui est attaché
à ces ordonnances provient du fait que les Etats s'exposent à des
sanctions en cas de non-exécution de ces ordonnances. En
réalité, en ne respectant pas leur obligation de coopérer,
les Etats commettent un acte international illicite qui engage leur
responsabilité internationale. Mieux, il s'agit de la violation d'une
décision du CS/NU prise en vertu du Chapitre VII de la Charte des N-U,
contraire à l'article 25 de ladite Charte. Décision qui a une
valeur supérieure à celle d'un traité ordinaire157(*).
Les TPI se sont trouvés confrontés à des
situations de non-respect des ordonnances qu'ils ont émises. Mais comme
ils ne détiennent pas le pouvoir d'appliquer des sanctions aux Etats,
ils n'avaient d'autre alternative que de s'en remettre au CS/NU. A cet effet,
ils ont modifié leurs RPP en vue de permettre aux juges d'informer ce
dernier de la non-exécution d'ordonnances aux fins de production
d'éléments de preuve158(*). En effet, seul le CS/NU est compétent pour
sanctionner les Etats "récalcitrants", mais il faut reconnaître
que la dénonciation des TPI qui intervient au terme d'une
procédure judiciaire concluant à un fait internationalement
illicite, constitue en elle-même une véritable sanction159(*).
La question s'est posée de savoir si les ordonnances
contraignantes pouvaient être adressées aux agents de l'Etat. Les
textes constitutifs du Tribunal indiquent que seul l'Etat est soumis à
l'obligation internationale d'assistance. Par conséquent, le Tribunal ne
peut adresser une ordonnance aux responsables officiels de l'Etat, ni au CICR
qui n'est pas un Etat. Seul l'Etat interpellé est à même de
désigner lesquels de ses organes sont compétents pour donner une
suite à l'injonction du Tribunal. C'est plutôt la pratique de
citations à comparaître, qui a cours dans le droit national, qui a
été transposée dans l'ordre international pour
concrétiser la coopération des individus avec les TPI.
B- Le subpoena
Le subpoena est une ordonnance contraignante
adressée aux particuliers et portant sanction en cas de non-respect. En
droit français, il correspond à l'assignation qui n'implique pas
nécessairement l'imposition d'une peine. La chambre donne à cette
notion la signification qu'elle possède en droit anglo-saxon où
la sanction caractérise cette ordonnance pour son inexécution.
L'article 54 du RPP du TPIR autorise en effet le Tribunal à
décerner ce genre d'ordonnance aux personnes physiques agissant à
titre privé afin qu'elles produisent des documents ou qu'elles viennent
témoigner à l'audience. Il s'agit ici d'une compétence
incidente ou accessoire en rapport avec les compétences
répressives qui sont les siennes et qui lui sont conférées
par le Statut160(*). On
parle respectivement de "subpoena duces tecum'' et de "subpoena ad
testificandum'' lorsqu'il s'agit d'une injonction pour produire des
documents et d'une injonction pour témoigner.
Les personnes privées comprennent les particuliers, les
agents de l'Etat, requis pour témoigner de faits qu'ils ont pu constater
alors qu'ils n'étaient pas en mission officielle, et les agents de force
de maintien de la paix de l'ONU qui, comme le TPI, trouvent leur mandat dans
une résolution du CS/NU. Le Tribunal peut adresser directement des
injonctions de produire à des personnes privées sans passer par
l'Etat dont relève ces personnes, et ce même si cet Etat
prétendait empêcher ses ressortissants de
témoigner161(*).
Lorsque les destinataires de ces injonctions s'abstiennent de
s'exécuter, les sanctions requises sont celles infligées par les
autorités nationales ; car comme l'a exprimé la Chambre
d'appel du TPIY dans l'affaire BLASKIC, elles ont plus de chance d'aboutir
efficacement et rapidement162(*).
Toutefois, lorsque cette voie ne résoud pas le
problème, le Tribunal peut lui-même déclarer les personnes
récalcitrantes coupables d'outrage au Tribunal en raison du pouvoir
inhérent que possède toute instance judiciaire, et qui est
prévu dans les textes de base du Tribunal163(*). En plus d'être
condamnées pour outrage, ces personnes peuvent être
condamnées à une amende inférieure ou égale
à dix mille (10.000) dollars US ou à une légère
peine de prison d'un maximum de six (6) mois164(*). Ces sanctions sont justifiées car leur
institution révèle l'importance que le Tribunal attache à
la possibilité qui lui est offerte de bénéficier de la
coopération des uns et des autres pour la manifestation de la
vérité, qui passe par la collecte des preuves et leur
appréciation.
SECTION 2 : LA LIBERTE DANS L'APPRECIATION DES
PREUVES.
L'aboutissement de la mission du Tribunal réside dans
la valeur qu'il accorde aux éléments de preuve dans la
détermination de la responsabilité de l'accusé. Il s'agit
de l'appréciation de la preuve. Une appréciation d'autant plus
importante que c'est d'elle que dépend en définitive la
conclusion de la commission ou non d'un crime. En outre, c'est au terme de
cette appréciation que se dégage la responsabilité de
l'accusé et la sanction à lui infliger.
Au TPIR, cette appréciation de la preuve passe par
l'évaluation des moyens de preuve présentés par les
parties pendant le procès (Paragraphe 1), qui permet de
déterminer la force représentative des différents moyens
de preuve (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 :
L'EVALUATION DES MOYENS DE PREUVE
Il existe des modalités d'évaluation de la
preuve qui correspondent à la liberté dont fait montre l'organe
juridictionnel dans l'appréciation de la preuve. Ainsi, contrairement
à un système de preuve légal, il revient au juge
d'apprécier les moyens de preuve selon son intime conviction (A), en ne
retenant que ceux auxquels il accorde une valeur probante (B).
A- L'intime conviction du
juge
La libre appréciation de la preuve signifie que le juge
dispose de la liberté d'accorder aux éléments de preuve la
valeur et le poids qu'ils méritent à ses yeux165(*), c'est-à-dire selon
sa conscience. Dans cette procédure d'évaluation, le juge
pénal utilise un critère de jugement. En droit romano-germanique,
ce critère est l'intime conviction. Il correspond au concept
« au-delà de tout doute raisonnable » de la
common law166(*).
Le TPI dont la procédure, nous l'avons dit, est
à dominante accusatoire a évidemment retenu le critère du
doute raisonnable. Ainsi, l'accusé ne peut être
déclaré coupable que lorsque la majorité de la chambre
considère que la culpabilité a été prouvée
au-delà de tout doute raisonnable167(*). Le juge doit alors condamner, non pas en
considérant les preuves réunies, mais en se
référant au degré élevé de certitude que
présentent les preuves de la poursuite pour soutenir une conclusion de
culpabilité168(*).
Cette norme de preuve impose indirectement au juge des balises
dans le processus d'évaluation des preuves169(*). On remarque une
légère différence par rapport à la directive
classique de l'intime conviction qui est exprimée dans le Code de
Procédure Pénale (CPP) français170(*), qui recommande au juge,
disposant d'une liberté totale, de s'interroger et de rechercher dans le
silence et le recueillement, dans la sincérité de sa conscience,
quelles impressions, ont faites sur sa raison, les preuves rapportées
pendant l'audience.
Toutefois, la norme générale de jugement
à laquelle doit se référer le juge pénal
international, dans un système de preuve morale comme celui du TPIR,
exige une certitude morale qui doit découler de l'absence de tout doute
raisonnable.
Pour ce faire, il lui est exigé un degré de
certitude plus élevé que la preuve par
prépondérance des probabilités ou celle autorisant
à se satisfaire de raisons suffisantes ou sérieuses de croire
qu'un fait s'est réalisé171(*). Le juge doit atteindre un haut degré de
culpabilité et prendre le soin de motiver et de présenter le
raisonnement qui fonde la condamnation ou l'acquittement de l'accusé.
En d'autres termes, la liberté qui caractérise
l'appréciation de la preuve ne doit pas être synonyme
d'arbitraire. D'ailleurs, il est fait obligation à la chambre qui
siège dans une affaire, de prononcer la décision à la
majorité de ses membres. La conviction morale n'est plus celle d'un juge
mais d'un collège de juges, ce qui peut présumer du niveau de
certitude à partir duquel la décision de culpabilité a
été prononcée.
Aussi ne faut-il pas perdre de vue que cette évaluation
de la preuve par le juge qui l'amène à conclure de la
culpabilité ou de l'innocence de l'accusé dépend
essentiellement de la pertinence et de la valeur probante qu'il accorde aux
moyens de preuve qui lui sont présentés.
B- L'épreuve de
pertinence et de valeur probante
La considération des éléments de preuve,
pour emporter une condamnation ou non, exige que ces derniers aient une valeur
probante assez élevée. Les Chambres du Tribunal peuvent recevoir
tout élément de preuve pertinent dont elles estiment qu'il a une
valeur probante172(*).
A contrario, les éléments dont le juge estime qu'ils ont
une valeur probante inférieure à l'exigence d'un procès
équitable sont d'office exclus.
La pertinence et la valeur probante sont en eux-mêmes
des concepts difficiles à appréhender. La valeur probante
caractérise un élément de preuve qui tend à
établir le bien fondé de faits ou de moyens invoqués par
une partie et qui, en conséquence, est de nature à influer sur la
décision à rendre173(*). Quant à la pertinence, elle implique un
certain degré de valeur probante174(*). La pertinence d'un fait s'apprécie par
rapport à celui d'un autre s'il existe entre eux un lien tel que
l'existence de l'un induit celle de l'autre.
L'évaluation de la pertinence et de la valeur probante
d'une preuve est soumise à l'expérience personnelle du juge,
à sa logique et aux circonstances de l'affaire. Néanmoins, une
certaine hiérarchisation de la valeur probante des moyens de preuve, en
tenant compte des règles du Tribunal n'est pas à exclure.
Certaines preuves, du fait de leur provenance ou de leur forme, peuvent avoir
une force probante plus importante que d'autres. La pratique juridictionnelle
du TPIR montre que certains modes de preuve sont plus "prisés"
que d'autres.
Ainsi, la valeur probante d'un témoignage recueilli au
siège du Tribunal a une valeur probante supérieure à un
témoignage par vidéoconférence qui, à son tour est
supérieur au témoignage par déposition. Certainement parce
qu'à l'audience, les juges peuvent apprécier plus facilement les
hésitations et toute la gestuelle du témoin qui renseignent sur
sa crédibilité et celle de l'information qu'il apporte175(*). De la même
façon les déclarations sous serment doivent être
considérées avec beaucoup de précaution, parce qu'elles
ont été prises en dehors des procédures judiciaires. Dans
le même ordre d'idées, les juges n'hésiteront pas à
écarter l'opinion d'un expert, fondée sur des faits qui, au cours
du procès, n'ont pas été établis176(*). Un traitement identique
sera réservé aux éléments de preuve se rapportant
à des actes qui ne sont pas reprochés à
l'accusé177(*).
En outre, le Tribunal rejette le principe "unus testis
nullus testis"178(*). Il ressort de sa pratique juridictionnelle qu'il
peut se fonder sur les dépositions d'un seul témoin pour conclure
à l'existence juridique d'un fait179(*). La corroboration n'est donc pas nécessaire
pour renforcer la valeur probante d'un témoignage. Les textes de base le
précisent d'ailleurs clairement en matière de violences
sexuelles. En la matière, la corroboration du témoignage de la
victime n'est pas requise180(*). La seule exception est celle de l'enfant qui n'a
pas prêté serment, qui comprend ce que signifie "dire la
vérité", et qui est assez mûr pour relater les faits
dont il a eu connaissance181(*). Toutefois, il faut retenir que les juges attachent
de façon générale une valeur probante plus ou moins grande
aux modes de preuve auxquels les parties ont recours182(*).
Malgré l'importance que revêt
l'appréciation des preuves dans l'établissement des faits, il
arrive que la liberté d'appréciation des preuves connaisse des
infléchissements. C'est le cas de la reconnaissance de
culpabilité de l'accusé qui entraîne sa condamnation sans
que l'organe juridictionnel n'en soit véritablement convaincu. En effet,
il peut y avoir des négociations entre la poursuite et la défense
et même avec les juges dans l'application de la règle de droit. On
parle de justice négociée ou de justice consensuelle183(*), qui dispense le juge de son
rôle d'appréciation. Le plaidoyer de culpabilité exclut en
effet le procès, en rendant inutile la recherche de la
vérité, et en faisant de l'aveu de l'accusé une preuve
à valeur probante irréfutable. Le juge n'a donc plus besoin
d'évaluer la force représentative des éléments de
preuve afin de dégager celles qu'il retiendra pour décider de la
culpabilité ou non de l'accusé.
C'est le règne de l'efficacité contre la
recherche de la vérité dans les règles de l'art. Une
pratique à laquelle les Tribunaux pénaux font de plus en plus
recours, à notre sens incompatible avec la recherche effective de la
vérité.
PARAGRAPHE 2 : LA
FORCE REPRESENTATIVE DES ELEMENTS DE PREUVE
En examinant la valeur probante et la pertinence des
éléments de preuve, les chambres accordent une très grande
importance à la fiabilité des preuves qui leur sont
présentées. C'est-à-dire, l'exigence implicite qu'un moyen
de preuve soit, a priori, crédible. Malgré la pratique
internationale de la libre appréciation par le juge de la valeur
probante des preuves, les juges font tout de même attention aux garanties
de fiabilité que présentent les preuves, avant même de
décider du poids à leur accorder. A cette première
étape de l'appréciation, il est opéré un tri pour
exclure les preuves non fiables (A). Mais, en raison des circonstances
pénibles de collecte des preuves dans lesquelles fonctionne le Tribunal,
et de la crainte de ne pouvoir assurer son mandat, les juges concèdent
des exceptions pour des preuves indirectes dont la fiabilité est
fortement discutable (B).
A- L'exclusion des preuves
non fiables
Les preuves obtenues par des moyens douteux sont
systématiquement exclues, et les juges n'en tiennent pas compte pour la
phase d'appréciation de celles-ci. Ce sont essentiellement, les preuves
obtenues par des moyens illégitimes. L'exclusion vise à assurer
le respect des normes internationales et à empêcher la violation
des droits de l'homme pendant la recherche des preuves. Ainsi, les preuves
obtenues sous la torture et les menaces ne peuvent être
considérées. Il en est de même pour les preuves obtenues
par des saisies illégales, les arrestations dont les procédures
sont irrégulières, les dépositions non volontaires,
recueillies sous la violence. Les textes du TPIR sont d'ailleurs formels
à cet égard et disposent que « n'est recevable
aucun moyen de preuve obtenu par des procédés qui entament
fortement sa fiabilité ou dont l'admission irait à l'encontre de
l'intégrité de la procédure et lui porterait gravement
atteinte »184(*).
L'objectif visé par l'énonciation de cette
disposition apparaît sans l'ombre d'un doute dans l'interdiction qu'elle
pose. C'est celui de protéger l'intégrité de la
procédure et par conséquent, celui de garantir en amont, la
crédibilité du système probatoire et en aval, celle de
tout le système répressif. Mais, à qui incombe la
responsabilité de démontrer que les preuves sont entachées
d'irrégularités? La pratique judiciaire du Tribunal
révèle que, lorsque sont mises en doute les circonstances dans
lesquelles les preuves ont été obtenues, c'est au procureur qu'il
revient de démontrer au-delà de tout doute raisonnable qu'elles
sont exemptes de vices. Cela se justifie sans doute par le fait qu'étant
la partie poursuivante, et étant autorisé dans l'exercice de ses
fonctions à effectuer des actes de poursuite, il est dans une position
susceptible de l'amener à exercer des pressions, contrairement à
la défense qui n'a d'autre objectif que celui de détruire les
arguments de l'accusation.
Toutefois, dans le souci d'une bonne administration de la
justice, la modération doit être de mise, afin que la moindre
infraction mineure n'empêche pas l'admission d'éléments de
preuve probants et pertinents. On peut en déduire que la
précaution doit être observée quant à la nature, la
fiabilité et la qualité de la preuve à admettre puis
à considérer pour conclure à la culpabilité des
accusés. A cet égard, les juges du TPIR apprécient avec
beaucoup d'attention les preuves assez exceptionnelles qu'ils sont
amenés à considérer, en raison de la flexibilité
qui caractérise le système probatoire du Tribunal.
B- L'exception faite pour
certaines preuves indirectes
L'appréciation des preuves est tributaire de
l'étape de la recevabilité pendant laquelle elles sont soumises
une première fois à l'épreuve de la pertinence et de
valeur probante. A cette étape, toutes les preuves dénuées
de garantie de fiabilité doivent être écartées.
Ainsi, au regard de chaque système juridique, il y a
des preuves recevables et des preuves irrecevables. En général,
ces dernières sont considérées comme étant
irrecevables en raison des faibles indices de fiabilité qu'elles
présentent. Mais ce n'est pas une règle générale.
On en veut pour preuve que, dans certains systèmes de la common
law, la preuve par ouï-dire est exclue alors que dans les
systèmes de droit romano-germanique, aucun principe ne s'oppose à
sa recevabilité.
La preuve par ouï-dire est le fait pour un témoin
de rapporter devant le juge des faits dont il n'a pas eu personnellement
connaissance, et qui en réalité lui ont été
rapportés par une tierce personne. De par sa nature, elle est
sensée être dénuée de toute fiabilité, car la
personne dont les propos sont rapportés n'est soumise à aucun
contre-interrogatoire. A l'instar de la pratique dans le droit
romano-germanique, aucune disposition des textes constitutifs du TPIR
n'interdit la recevabilité de cette preuve, car elle peut
s'avérer être la seule disponible. Très tôt, les
Chambres des TPI ont choisi de retenir cette preuve en la soumettant à
l'épreuve de la pertinence et de la valeur probante. Le juge se doit
alors de l'apprécier en évaluant sa pertinence et en
déterminant dans quelle mesure elle est révélatrice de
vérité.
Il existe aussi d'autres preuves indirectes qui peuvent
être nécessaires à la démonstration de faits
n'étant pas directement liés au litige en cours, et qui
renseignent sur les éléments à considérer pour
prouver certaines intentions criminelles, tant le standard requis pour la
démonstration des violations graves du DIH est élevé. Il
s'agit entre autres de la preuve par la ligne de conduite
délibérée dont la recevabilité est
présentée d'une façon assez particulière. L'article
93 du RPP du Tribunal dispose que « les éléments de
preuve permettant d'établir une ligne de conduite
délibérée, dans laquelle s'inscrivent des violations
sérieuses du droit international humanitaire au sens du Statut sont
recevables dans l'intérêt de la justice ».
Cette disposition rappelle la preuve des faits similaires qui
est un moyen de preuve au terme duquel toute preuve qui vise à
démontrer la culpabilité d'un accusé en raison du seul
fait qu'il est le genre de personne qui aurait pu commettre
l'infraction185(*). La
valeur probante d'une telle preuve rattachée à la
personnalité est en dessous des exigences d'un procès
équitable, car elle est de nature à engendrer des
préjugés qui entacheraient l'impartialité du jugement. Car
il faut le rappeler, en matière de répression pénale, ce
n'est pas la personnalité de l'accusé qui est jugée, mais
les faits qu'il a commis et qui sont constitutifs d'une infraction. Or, la
preuve des faits similaires est une preuve de personnalité dont
l'admissibilité ne va pas sans soulever certains problèmes. En
l'occurrence, l'accusé risque d'être jugé deux fois,
contrairement au principe non bis in idem, pour un même fait si
la preuve d'antécédents judiciaires est autorisée.
Cette exception à l'exclusion des preuves indirectes
doit être utilisée avec beaucoup de précaution même
si celles-ci peuvent être parfois très utiles pour faire face
à complexité de la preuve exigée pour la
démonstration des crimes relevant de la compétence du
Tribunal.
CHAPITRE 2 : LA COMPLEXITE DANS LES PREUVES EXIGEES POUR
ETABLIR LA COMMISSION DU GENOCIDE
L'image que projette le crime de génocide est celle de
la destruction d'un groupe déterminé par le biais de massacres
organisés et de mesures à grandes échelles portant
gravement atteinte aux droits fondamentaux des membres de ce groupe186(*). Dans l'article 2 du Statut
du TPIR qui a repris intégralement la définition de l'article 2
de la convention internationale sur la prévention et la
répression du crime de génocide de 1948 :
« Le génocide s'entend de l'un quelconque
des actes ci-après ; commis dans l'intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme
tel :
a) meurtres de membres du groupe ;
b) atteinte grave à l'intégrité
physique ou mentale de membre du groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein
du groupe ;
e) transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe ».
Pour conclure à la commission d'une telle destruction,
les éléments constitutifs, conformément à la
définition du génocide, doivent être prouvés. Il
s'agit des actes matériels commis à cet effet (Section 1), et de
l'intention délictueuse qui détermine la
préméditation de ce crime (Section 2).
SECTION 1 LES ACTES MATERIELS CONSTITUTIFS DU GENOCIDE
Les faits matériels du génocide consistent non
seulement en la commission des actes énumérés pour sa
définition (Paragraphe 1), mais aussi dans les actes posés par
les individus pour participer à la perpétration de ce crime
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LES
ACTES DE GENOCIDE
Le crime de génocide s'identifie par cinq
catégories d'actes qui, selon leurs effets, peuvent être
organisés en trois formes de génocides. Il s'agit du
génocide physique (A), et des génocides biologique et culturel
qui ne s'apparentent pas mais qui, par souci d'organisation, seront
étudiés ensemble (B).
A- Les actes physiques
Les actes qui constituent le génocide physique sont
ceux qui concourent à la destruction du groupe par
l'anéantissement de ses membres, en provoquant leur mort ou en portant
atteinte à leur intégrité physique et à leur
santé. Ce sont les deux premiers actes cités dans l'article 2 du
Statut du TPIR à savoir le meurtre des membres du groupe et l'atteinte
à leur intégrité physique ou morale. Ces deux actes
peuvent être assimilés à des actes de génocide dont
les résultats sont visibles et palpables, tel que leur preuve ne
nécessite pas d'explications. Toutefois, pour déterminer les
éléments à considérer pour faire la preuve de ces
actes physiques constitutifs de génocide, il faut tenir compte de
certains éléments dont la Chambre I du TPIR dans l'affaire
AKAYESU a fait des interprétations.
Il s'agit du «[génocide s'entendant
de] meurtre de membres du groupe»187(*), tout comme dans la
Convention sur le génocide, la Chambre remarque qu'il indique
"meurtre" dans la version française, et "killing" dans
la version anglaise. La notion de "killing", retenue en anglais,
paraît trop générale à la Chambre, puisqu'elle
pourrait comprendre aussi bien les homicides intentionnels que les homicides
non intentionnels, alors que le "meurtre", retenu dans la version
française, est plus précis. Il est admis que le meurtre est
réalisé dès lors qu'on a donné la mort avec
l'intention de la donner, comme d'ailleurs le prévoit le Code
pénal rwandais, qui dispose, dans son article 311, que "L'homicide
commis avec l'intention de donner la mort est qualifié meurtre".
Eu égard à la présomption d'innocence
dont bénéficie l'accusé et conformément aux
principes généraux du droit criminel, la Chambre est d'avis qu'il
convient de retenir la version la plus favorable à l'accusé. Elle
décide alors que l'alinéa a) de l'article 2(2) du Statut doit
être interprété conformément à la
définition du meurtre donnée par le Code pénal rwandais,
qualifiant le meurtre comme un homicide commis avec l'intention de donner la
mort188(*).
Une atteinte grave à l'intégrité physique
ou mentale de membres du groupe ne nécessite pas, selon la Chambre, que
l'atteinte soit permanente et irrémédiable. Dans le cadre de
l'affaire Adolf EICHMANN, qui a été condamné pour crimes
contre le peuple juif, c'est-à-dire de génocide sous une autre
qualification juridique, la Cour du District de Jérusalem a
indiqué, dans son jugement du 12 décembre 1961, que des atteintes
graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du
groupe peuvent être causées: "by the enslavement, starvation,
deportation and persecution (...) and by their detention in ghettos, transit
camps and concentration camps in condition which were designed to cause their
degradation, deprivation of their rights as human beings, and to suppress them
and cause them inhumane suffering and torture"189(*).
Ainsi, aux fins de l'interprétation de l'article 2 al 2
b) du Statut, la Chambre entend, par atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale, sans s'y limiter, les actes de
torture, que cette dernière soit physique ou mentale, les traitements
inhumains ou dégradants, le viol, les violences sexuelles, la
persécution190(*). Il faut en déduire que tout traitement
inhumain, toute sorte de violences sexuelles ou de persécution faite
dans l'intention de détruire tout ou en partie un groupe, est
considéré comme constitutif de génocide. Cette
interprétation, certes audacieuse, pose le problème du respect du
principe nullem crimen sine lege. En effet, elle élargit de
façon substantielle les actes constitutifs du génocide en
introduisant des actes comme le viol qui sont constitutifs d'autres infractions
graves du DIH191(*).
Cette interprétation de la chambre I du Tribunal peut
s'inférer du constat factuel de ce que la majorité des viols
commis pendant la période du génocide rwandais, souvent publics
et collectifs étaient d'une part, dirigés seulement contre
l'ensemble des femmes à l'exclusion des femmes d'autres ethnies, et
d'autre part, accompagnés de l'intention de tuer ces femmes. En ce sens,
les viols sont perpétrés dans le but de porter une atteinte aux
corps de ces femmes, mais aussi d'agir sur leur mental afin de détruire
le groupe Tutsi. Ils apparaissent ainsi comme des actes physiques constitutifs
de génocide. Toutefois, ils peuvent aussi "servir" le
génocide biologique.
B- Le génocide
biologique et culturel
Les génocides biologique et culturel s'opposent au
génocide physique en raison des modalités de perpétration
et des aspects sur lesquels ils portent.
Pour le génocide biologique, il faut retenir qu'il est
constitué par des mesures qui visent à l'extinction du groupe en
mettant systématiquement obstacle aux naissances. Il peut très
facilement être apparenté au génocide physique, en ce sens
qu'il se matérialise par des actions médicales.
La Chambre considère que, aux fins de
l'interprétation de l'article 2 al 2 d) du Statut, par "mesures
visant à entraver les naissances au sein du groupe", il faut
comprendre la mutilation sexuelle, la pratique de la stérilisation,
l'utilisation forcée de moyens contraceptifs, la séparation des
sexes, l'interdiction des mariages. Dans le contexte de sociétés
patriarcales, où l'appartenance au groupe est dictée par
l'identité du père, un exemple de mesure visant à entraver
les naissances au sein d'un groupe est celle du cas où, durant un viol,
une femme dudit groupe est délibérément ensemencée
par un homme d'un autre groupe, dans l'intention de l'amener à donner
naissance à un enfant, qui n'appartiendra alors pas au groupe de sa
mère.
De plus, la Chambre note que les mesures visant à
entraver les naissances au sein du groupe peuvent être d'ordre physique,
mais aussi d'ordre mental. A titre d'exemple, le viol peut être une
mesure visant à entraver les naissances, lorsque la personne
violée refuse subséquemment de procréer, de même que
les membres d'un groupe peuvent être amenés par menaces ou
traumatismes infligés à ne plus procréer.
Quant au génocide culturel, il peut être
constitué par le transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe, un acte visant la disparition des traits caractéristiques
du groupe dans les nouvelles générations. Il peut aussi
constituer en une politique d'assimilation qui, sans porter atteinte à
l'intégrité physique des membres d'un groupe, cherche à le
détruire comme tel en interdisant par exemple l'usage de sa langue, de
l'observance de ses cultes autochtones, le respect de ses us et coutumes, et
les manifestations culturelles de ce groupe. Selon le philosophe-sociologue
Jean-Michel CHAUMONT, le génocide culturel ainsi défini serait
plutôt qualifié d'ethnocide192(*). Le TPIR, a ce sujet, a précisé que la
menace d'un tel transfert était suffisante au regard de cette
disposition pour conclure à une tentative de génocide193(*).
De façon générale, il faut
reconnaître que le génocide rwandais, a essentiellement
constitué en actes physiques et même si les actes d'accusation
établis jusque-là comportent le chef d'accusation de
génocide, il n'a jamais été spécifié ni la
nature du génocide, ni la nécessité de démontrer de
quel genre de génocide l'accusé était responsable. La
chambre, largement, avait la preuve qu'un génocide avait
été perpétré au Rwanda, et c'était le plus
important.
Pour elle donc, à travers ces tueries
généralisées dont les victimes étaient
essentiellement Tutsi, la première condition pour qu'il y ait
génocide était remplie, en l'occurrence, meurtres et atteintes
graves à l'intégrité corporelle de membres d'un
groupe194(*). La deuxième condition est
que ces meurtres et atteintes graves à l'intégrité
physique aient été commis dans l'intention de détruire, en
tout ou partie, un groupe particulier, ciblé comme tel195(*). Pour la Chambre, il ne fait
aucun doute que, de par leur ampleur incontestable, leur caractère
systématique et leur atrocité, les massacres visaient
l'extermination du groupe qui était ciblé. Beaucoup de faits
attestent que le dessein des auteurs de ces tueries était de faire
disparaître à jamais le groupe Tutsi.
Ainsi, dans son témoignage devant la Chambre, le 25
février 1997, le témoin-expert Alison DESFORGES a
déclaré ce qui suit: "Sur la base des déclarations
faites par certains dirigeants politiques, sur la base des chansons et slogans
populaires des Interhamwe, je crois que, pour ces personnes, l'intention
était d'éliminer, entièrement, les Tutsi du Rwanda, de
manière que, comme ils l'ont dit à certaines occasions, leurs
enfants, plus tard, ne sachent pas à quoi ressemble un Tutsi, sinon en
recourant aux manuels d'histoire"196(*). Cette déclaration prouve bien l'existence
d'une préméditation d'exterminer les Tutsi. Une
préméditation au service de laquelle des êtres humains se
sont unis pour attenter à la vie de leurs semblables.
PARAGRAPHE 2 : LA
PARTICIPATION CRIMINELLE
La participation criminelle d'une personne à la
commission du crime de génocide se matérialise par des faits,
mais en général, elle est analysée sous l'angle de la
responsabilité pénale individuelle. Elle recouvre plusieurs
formes, dont les plus fréquentes en matière de génocide
sont la complicité dans le génocide (A) et l'incitation à
commettre le crime de génocide (B).
A- La complicité
dans le génocide
Alors que dans le Statut du Tribunal Militaire International
de Nuremberg (TMIN), le principe était déjà admis que la
complicité ou le complot dans la commission d'un crime contre la paix,
d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité, est un crime au
regard du droit international et puni en conséquence197(*), la Convention sur le
génocide n'a pas retenu la possibilité d'incriminer la
complicité dans la tentative de commettre le génocide, la
complicité dans l'incitation à commettre le génocide ou
encore la complicité dans l'entente en vue de commettre le
génocide; notions qui semblaient trop vagues à certains Etats
pour tomber sous le coup de la Convention.
Cette lacune a vite été remédiée
dans la mise en oeuvre de la répression du génocide rwandais. A
cet effet, le Statut du TPIR, en son article 2 al 3 e), prévoit que le
Tribunal est compétent pour punir les personnes ayant commis le crime de
complicité dans le génocide. Un crime que l'on retrouve dans la
plupart des actes d'accusation élaborés par le bureau du
procureur du TPIR. C'est donc un crime sur lequel le Tribunal a statué
plusieurs fois.
A ce titre, il constate que la complicité est une forme
de participation criminelle prévue par tous les systèmes
juridiques de droit criminel, notamment par le système anglo-saxon
("common law") et par le système de tradition
romano-continentale ou "civil law"198(*). Le complice d'une infraction peut être
défini comme celui qui s'unit à une infraction commise par un
autre. La complicité suppose nécessairement l'existence d'une
infraction principale, donc d'un auteur principal. En conséquence, la
criminalité du complice n'apparaît que lorsque l'infraction a
été réalisée par l'auteur principal. Mais, à
l'opposé de la matérialité de l'infraction commise par le
complice, le jugement et l'incrimination de ce dernier répondent
à un autre principe. Ainsi, comme le prévoient l'ensemble des
systèmes criminels, un complice peut être jugé, même
si l'auteur principal de l'infraction n'a pas été retrouvé
ou si une culpabilité ne peut pas, pour d'autres raisons, être
établie.
Pour faire la preuve de cette complicité dans le
génocide, il faut pouvoir démontrer un certain nombre
d'éléments matériels, "actus reus", qui sont les
modes de participation du complice à l'infraction principale. En droit
romano-germanique, ces modes de participation sont au nombre de trois à
savoir : la complicité par instigation, la complicité par
aide et assistance, et la complicité par fourniture de moyens. En
common law, les critères de la complicité ne semblent
pas différents. Les formes de participation de la complicité que
sont "aid and abet, counsel and procure" recoupent dans une large
mesure celles admises en droit romano-germanique que sont l'aide, l'assistance
et la fourniture de moyens.
La notion de complicité n'ayant pas été
définie dans l'article 2 du Statut du TPIR, la Chambre I du TPIR a
procédé à une interprétation de cet article. Elle a
retenu la définition de la complicité donnée par le code
pénal rwandais, ainsi que les trois premières formes de
participation criminelle prévues à l'article 91 du même
code, en tant que constitutives de complicité dans le génocide,
soit:
- la complicité par fourniture de moyens, tels
des armes, instruments ou tout autre moyen ayant servi à commettre un
génocide, le complice ayant su que ces moyens devaient y servir;
- la complicité par aide ou assistance sciemment
fournie à l'auteur d'un génocide dans les faits qui l'ont
préparé ou facilité;
- la complicité par instigation, qui sanctionne
la personne qui, sans directement participer au crime de génocide, a
donné instruction de commettre un génocide, par dons, promesses,
menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices
coupables, ou a directement provoqué à commettre un
génocide
Quant à l'élément moral ou intentionnel
de la complicité en général, il suppose la conscience chez
l'agent, au moment où il agit, du concours qu'il apporte dans la
réalisation de l'infraction principale. Autrement dit, l'agent doit
avoir agi en connaissance de cause.
En matière de génocide, l'intention propre au
complice est donc bien d'aider ou d'assister, en connaissance de cause, une ou
plusieurs autres personnes à commettre un crime de génocide. La
Chambre considère que le complice dans le génocide n'a donc pas
nécessairement à être lui-même animé du dol
spécial du génocide199(*). Ainsi, si l'accusé a, par exemple, sciemment
aidé ou assisté quelqu'un à commettre un meurtre
donné, sans avoir connaissance du fait que le meurtrier tuait dans
l'intention de détruire en tout ou en partie le groupe auquel la
personne tuée appartenait, l'accusé pourrait être poursuivi
pour complicité de meurtre et non certainement pas pour
complicité de génocide.
Si, par contre, l'accusé a sciemment aidé ou
assisté à commettre ce meurtre alors qu'il savait ou aurait du
savoir que le meurtrier était habité d'une intention
génocidaire, l'accusé est bien complice de génocide,
même si lui-même ne partageait pas l'intention du meurtrier de
détruire le groupe200(*).
En somme, pour qu'un accusé soit jugé complice
du crime de génocide, il n'est pas nécessaire de faire la preuve
de ce qu'il est animé de l'intention de détruire en tout ou en
partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel,
contrairement à l'incitation à commettre le crime de
génocide.
B- L'incitation directe et
publique à commettre le crime de génocide
En droit romano germanique, l'incitation est
considérée comme un acte de complicité alors que dans la
common law, elle apparaît comme une forme particulière de
complicité201(*).
Dans le Statut du TPIR, l'incitation directe et publique est
expressément prévue, à l'alinéa c) du paragraphe 3
de l'article 2, comme un crime particulier, punissable en tant que tel. On voit
bien là l'influence de la common law. Mais que signifie
"l'incitation, directe et publique" et comment peut-on la
démontrer ?
L'incitation est définie en common law, comme
le fait d'encourager ou de persuader une autre personne à commettre une
infraction. Une certaine jurisprudence en common law prévoit
par ailleurs que des menaces ou d'autres formes de pressions peuvent être
une forme d'incitation202(*). Le droit continental pénalise l'incitation
directe et publique sous la forme de la provocation, cette dernière
étant définie comme l'action qui vise à provoquer
directement autrui à commettre un crime ou un délit par des
discours, cris ou menaces ou par tout moyen de communication audiovisuelle.
Cette provocation, telle qu'elle est définie en droit continental,
présente les mêmes caractères que l'incitation publique et
directe à commettre le génocide prévue à l'article
2 du Statut, à savoir qu'elle doit être "directe et
publique" 203(*).
Le caractère "direct" de l'incitation veut que
l'incitation prenne une forme directe et provoque expressément autrui
à entreprendre une action criminelle et qu'une simple suggestion, vague
et indirecte, soit quant à elle insuffisante pour constituer une
incitation directe. En droit romano-germanique, on considère que la
provocation, l'équivalent de l'incitation, est directe si elle tend
à l'accomplissement d'une infraction précise.
L'accusation doit pouvoir prouver le lien certain de cause
à effet entre l'acte qualifié d'incitation ou en l'espèce
de provocation, et une infraction particulière. La Chambre
considère toutefois qu'il est approprié d'évaluer le
caractère direct d'une incitation à la lumière d'une
culture et d'une langue donnée. En effet, le même discours
prononcé dans un pays ou dans un autre, selon le public, sera ou non
perçu comme "direct". De plus, la Chambre rappelle qu'une
incitation peut être directe et néanmoins implicite. La Chambre
évaluera donc au cas par cas si elle estime, compte tenu de la culture
du Rwanda et des circonstances spécifiques de la cause, que l'incitation
peut être considérée comme directe ou non, en s'appuyant
principalement sur la question de savoir si les personnes à qui le
message était destiné en ont directement saisi la
portée204(*).
Quant au caractère public de l'incitation, il se
matérialise comme la CDI l'a signifié, par un appel à
commettre un crime lancé dans un lieu public à un certain nombre
d'individus ou encore un appel lancé au grand public par des moyens tels
que les médias de masse, radio ou télévision par exemple.
En somme, l'incitation directe et publique peut être définie, aux
fins de l'interprétation de l'article 2 (3) c), comme le fait de
directement provoquer l'auteur ou les auteurs à commettre un
génocide, soit par des discours, cris ou menaces proférés
dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits205(*), des imprimés vendus
ou distribués, mis en vente ou exposés dans des
lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches,
exposés aux regards du public, soit par tout autre moyen de
communication audiovisuelle.
L'élément moral du crime d'incitation directe et
publique à commettre le génocide doit être également
prouvé. Il réside dans l'intention d'amener directement ou de
provoquer autrui à commettre un génocide. Il suppose la
volonté du coupable de créer, par ces agissements, chez la ou les
personnes à qui il s'adresse, l'état d'esprit propre à
susciter la commission de ce crime. C'est-à-dire que celui qui incite
à commettre le génocide est lui-même forcément
animé de l'intention spécifique au génocide: celle de
détruire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux comme tel. Toutefois, il faut noter que l'incitation à
commettre le génocide est assimilé à une infraction
formelle, réputée punissable indépendamment de son
résultat. Elle est donc punissable même si elle n'a pas
été suivie d'effets206(*).
C'est dire qu'au-delà des faits matériels
constitutifs du crime de génocide, plus qu'autre chose, c'est
l'intention spécifique à laquelle on donne vie pour produire le
résultat macabre escompté, qui est punie.
SECTION 2 : L'INTENTION DE DETRUIRE EN TOUT OU EN PARTIE
UN GROUPE
Dans la démonstration du crime de génocide, il
incombe à la poursuite, en plus de la preuve de l'acte matériel,
d'apporter celle de l'intention de l'auteur du crime. Il faut en effet, selon
la définition du crime de génocide, établir que le crime a
été commis dans l'intention de détruire en tout ou en
partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Cet
élément est décrit comme une intention spéciale.
Spéciale en ce sens qu'il ne suffit pas que l'accusé ait la
simple intention, mais qu'il l'ait eu dans le but d'atteindre le
résultat incriminé. C'est le dol spécial (Paragraphe 1).
Mais il ressort de l'expérience judiciaire relative à la
démonstration du crime de génocide que la preuve de cette
intention spéciale n'est pas souvent chose aisée (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 1 : LE
DOL SPECIAL
Le dol spécial constitue l'élément
très spécifique du génocide207(*). Les juges du TPIR le
définissent comme l'intention précise, chez le criminel, de
provoquer le résultat incriminé, à savoir la destruction
en tout ou en partie d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme
tel208(*). En
règle générale, la culpabilité d'un individu doit
être prouvée à partir d'un élément
psychologique parce que pour qu'il y ait sanction, il faut qu'il y ait faute.
Et la preuve de l'élément psychologique est nécessaire
pour éviter que celui qui est moralement innocent, qui ne comprend pas
ou ne désire pas les conséquences de ses actes ne soit pas
déclaré coupable209(*).
Or, la preuve de l'intention se fait normalement par
déduction logique à la lumière des actes de
l'accusé en vertu du principe selon lequel l'accusé est
censé avoir voulu les conséquences de son acte210(*). Mais dans le contexte qui
nous intéresse, suffit-il de commettre de façon isolée
l'un des actes constitutifs du génocide pour conclure à sa
commission ? En effet, pour que des actes de violence isolés ne
subissent pas la qualification de génocide, il doit être tenu
compte du caractère quantitatif du crime (A). De même, les
personnes ayant été victimes du génocide ne doivent pas
représenter une simple communauté, mais des groupes
préalablement identifiés et protégés par la
convention de 1948 (B).
A- Le critère
quantitatif
L'élément moral qui doit être
prouvé pour démontrer la commission du génocide,
évoque l'existence d'un certain nombre de victimes à atteindre en
posant l'acte criminel. En effet, selon la définition de la convention
de 1948, reprise par le Statut du TPI, Il faut pouvoir démontrer qu'un
des groupes protégés a été détruit en tout
ou en partie, pour conclure à la commission du crime de génocide.
Cette énonciation de l'intention spéciale requiert qu'un certain
nombre de membres du groupe visé soit atteint.
Toutefois, une certitude demeure. Celle que la convention de
1948 n'a fixé aucun seuil quantitatif. Ainsi, une atteinte à
l'intégrité physique de quelques membres ou même d'un seul
membre de l'un des groupes protégés est suffisant pour qu'on
parle de génocide, tant est que la preuve est faite que cet acte a
été commis dans l'intention spécifique de l'auteur de
détruire totalement ou partiellement le groupe. Mais dans ces cas de
victime unique ou de nombre peu élevé de victimes, la preuve de
l'intention spécifique peut s'avérer difficile. A moins de
bénéficier d'une manifestation d'intention expresse, le nombre de
victimes joue un rôle important dans la détermination de
l'existence de l'intention génocidaire211(*). En effet, en matière de génocide, la
preuve de l'intention spéciale est déterminante pour conclure
à la commission d'un génocide. On peut qualifier un seul meurtre
de génocide si la preuve est ramenée que ce meurtre a
été commis dans l'intention de détruire en tout ou en
partie le groupe auquel appartient la victime. Mais, comme l'affirme M.
SCHABAS, en l'absence d'autres indicateurs, il est difficile de faire une telle
déduction212(*).
En revanche, lorsque les victimes sont des centaines de
milliers appartenant à un des groupes protégés, comme ce
fut le cas au Rwanda, la déduction de l'intention génocidaire se
fait sans hésitation. Les violations massives de droits de l'homme qui
ont marqué le 20ème siècle et qui ont
reçu la qualification de génocide montrent bien que le nombre de
victimes est déterminant, ou du moins facilite la qualification de
génocide.
Toutefois, la démonstration de la commission des
différents actes et de l'intention spécifique ne peuvent se faire
de façon autonome, pour qu'on déduise qu'il y a eu
génocide. Cette démonstration des faits et de
l'élément psychologique, doit obligatoirement se faire en rapport
et en identifiant la nature du groupe concerné par ces différents
actes. Dans la logique du texte de 1948 et du Statut du TPIR, seul le crime
commis contre les groupes protégés peut être
qualifié de génocide.
B- L'identification du
groupe ethnique
Le Statut du TPIR en son article 2 identifie quatre (4)
groupes protégés contre le génocide dont les
critères d'identification sont la nationalité, la race, l'ethnie
et la religion. Comme le pensent à juste titre certains
auteurs213(*), ces
critères entretiennent un flou qui peut rendre peu évidente
l'identification d'un groupe dans un contexte de génocide. Seul le
critère ethnique retiendra notre intention, car c'est de cette
catégorie de groupe dont il s'agit dans le génocide que le TPIR
est en charge de réprimer.
La chambre de première instance I du TPIR, de
façon objective, définit le groupe ethnique comme un groupe dont
les membres partagent une même langue ou une culture commune.214(*)
Dans une perspective occidentale, Hutus et Tutsis sont
distingués sur la base de ce critère. Mais ce critère ne
se vérifie pas dans l'environnement socioculturel rwandais, car les
groupes ethniques identifiés comme tels partagent la même langue
et la même culture. La question se pose alors : une
définition objective est-elle la plus appropriée pour cerner avec
précision les éléments à considérer pour
prouver l'existence du groupe. Surtout quand on sait qu'au Rwanda, par exemple,
le groupe Tutsi a été isolé et distingué par des
mesures législatives et administratives.
Les juges du TPIR ont adopté cette méthode dans
le jugement AKAYESU. Face à la difficulté d'identifier de
façon objective l'existence du groupe ethnique au Rwanda, le Tribunal a
opéré un revirement dans sa jurisprudence pour adopter une
approche subjective à partir de l'affaire KAYISHEMA-RUZINDANA. Dans ce
jugement, les juges font apparaître cette approche en indiquant que le
groupe ethnique, c'est aussi ce que les autres, y compris les auteurs des
crimes, percevaient comme étant un groupe ethnique215(*).
Mais cette approche subjective, non plus ne va pas sans
susciter quelques interrogations. Entre l'auteur du génocide et la
victime laquelle de leurs perceptions respectives doit-on retenir pour prouver
l'existence du groupe protégé ? Le TPIR a résolu
cette interrogation en privilégiant l'approche centrée sur la
perception de l'auteur du crime. Le but originel de la répression du
crime de génocide n'est-il pas de punir l'intention de l'auteur de
détruire en tout ou en partie le groupe protégé ?
Il est donc plus indiqué, comme le pense Jean-Michel
CHAUMONT, que soit tenu compte du groupe aussi arbitraire soit-il, tel qu'il
existe dans les fichiers du bourreau216(*). Cette intention spécifique de l'auteur du
génocide est si difficile à démontrer qu'il faut
identifier à quel niveau la rechercher.
PARAGRAPHE 2 : LA
DIFFICILE RECHERCHE DE L'INTENTION SPECIFIQUE
Le dol spécial est un élément très
spécifique du génocide. La difficulté à laquelle se
heurte la poursuite est celle de savoir à quel niveau cette intention
spécifique doit être recherchée. Elle est encore plus
difficile à démontrer lorsque l'accusé occupe un poste
élevé de responsabilité. Les juges du TPIR l'ont
recherché tantôt au niveau de l'auteur présumé (A),
tantôt en analysant dans le contexte de perpétration des crimes,
les éléments indicateurs de l'existence de cette intention
spécifique (B).
A- La qualité de
l'auteur
L'article 6 du Statut du TPIR renseigne sur les conditions
dans lesquelles peut être engagée la responsabilité
pénale individuelle de toute personne accusée par lui. Il en
ressort que toute personne dont on fait la preuve qu'elle est à
l'origine ou mêlé à la mise en oeuvre d'une politique de
destruction entrant dans le cadre de l'article 2 du même Statut peut voir
engagée sa responsabilité personnelle pour
génocide217(*).
Ainsi, un responsable hiérarchique ou un simple agent
exécutant peut voir sa responsabilité pénale individuelle
engagée dès que la preuve est établie qu'il a
participé à un complot en vue de commettre le génocide. La
responsabilité directe du supérieur hiérarchique218(*), ainsi que sa
responsabilité indirecte du fait de ses subordonnés219(*), sont ainsi prévues.
Mais comment établir cette responsabilité individuelle en tenant
compte de la position de l'accusé dans la
société ?
Pour déterminer l'intention génocidaire, le juge
doit considérer un certain nombre d'éléments qui lui
permettront de voir dans quelles mesures les actes posés par
l'accusé étaient susceptibles d'engendrer la destruction du
groupe visé par la politique discriminatoire220(*). Ainsi dans chaque affaire
qu'il aura à connaître, l'appareil juridictionnel devra analyser
la position de l'accusé pour déterminer de ses écrits,
actes et paroles, lesquels ont pu conduire à la commission du
génocide. La poursuite devra également démontrer comment
l'accusé, en raison de son autorité de droit ou de fait, a pu
instiguer le crime ou manquer à son obligation positive d'empêcher
la commission des crimes qui se commettaient sous sa responsabilité,
dans sa juridiction et dont il était informé. Des
éléments pertinents doivent donc être mis à jour
pour établir la participation réelle de l'auteur
présumé dans la conception ou la mise en oeuvre du plan
génocidaire.
Dans le cadre général des violations massives de
droits de l'homme perpétrées au Rwanda, les chambres ont reconnu
que les tueries générales et systématiques
perpétrées à l'échelle du pays visaient
l'extermination du groupe Tutsi221(*), et que le génocide paraissait avoir
été minutieusement organisé222(*).
Plus précisément, dans l'affaire AKAYESU, il a
été démontré que l'accusé, en sa
qualité de bourgmestre, était, durant toute la période
visée dans l'Acte d'accusation, chargé du maintien de l'ordre
public et de l'exécution des lois dans la Commune de Taba et qu'il
exerçait une autorité effective sur la police communale. De plus,
en tant que "dirigeant" de la Commune de Taba, dont il était l'une des
plus importantes personnalités, les habitants respectaient et suivaient
ses ordres.
L'accusé a reconnu lui-même devant la Chambre,
qu'il avait le pouvoir de rassembler les populations et que celles-ci
obéissaient aux instructions qu'il leur donnait. Il est également
établi que de très nombreux Tutsi ont été
tués à Taba entre le 7 avril et la fin de juin 1994, alors qu'il
était bourgmestre de la Commune. Ayant eu connaissance de ces massacres,
il ne s'y est opposé et n'a tenté de les empêcher que
jusqu'au 18 avril 1994, date à partir de laquelle il n'a non seulement
plus essayé de maintenir l'ordre dans sa commune, mais a même
assisté à des scènes de violence et à des tueries,
et a quelquefois lui-même ordonné qu'il soit porté atteinte
à l'intégrité physique ou mentale de certains Tutsi et a
cautionné, voire ordonné, les meurtres de plusieurs
Tutsi223(*).
Il apparaît ainsi que la qualité de bourgmestre
de l'accusé a pesé dans la perpétration du génocide
dans cette commune du Rwanda. Mais cette qualité, à elle seule,
ne suffit pas pour déterminer entièrement l'intention
génocidaire.
B- Des
éléments indicateurs de l'existence de l'intention
génocidaire
L'intention génocidaire ou dol spécial qui
caractérise le crime de génocide, ne peut être
appréhendée facilement. Elle est souvent inférée
d'une part, de circonstances données, de propos tenus et d'actes commis
par les personnes qu'on soupçonne d'avoir nourri cette intention
génocidaire. D'autre part, la détermination de cette intention
chez l'accusé, est fortement guidée par les particularités
de l'espèce.
S'agissant de la difficulté et de la question de savoir
comment déterminer l'intention spécifique de l'accusé, la
Chambre considère que l'intention est un facteur d'ordre psychologique
qu'il est difficile, voire impossible, d'appréhender. C'est la raison
pour laquelle, à défaut d'aveux de la part d'un accusé,
son intention peut se déduire d'un certain nombre de faits. Par exemple,
la Chambre estime qu'il est possible de déduire l'intention
génocidaire ayant prévalu à la commission d'un acte
particulier incriminé de l'ensemble des actes et propos de
l'accusé ou encore du contexte général de
perpétration d'autres actes répréhensibles
systématiquement dirigés contre le même groupe, que ces
autres actes soient commis par le même agent ou même par d'autres
agents.
D'autres facteurs, tels que l'échelle des
atrocités commises, leur caractère général, dans
une région ou un pays ou encore le fait de choisir
délibérément et systématiquement les victimes en
raison de leur appartenance à un groupe particulier, tout en excluant
les membres des autres groupes, peuvent également permettre à la
Chambre de déduire une intention génocidaire224(*).
Dans le même sens, la Chambre de première
instance I du TPIY a, elle aussi, indiqué qu'elle considère que
l'intention spécifique au crime de génocide « peut
être inférée d'un certain nombre d'éléments
tels, la doctrine générale du projet politique inspirant les
actes susceptibles de relever de la définition (du
génocide) ou la répétition d'actes de destruction
discriminatoires. L'intention peut également se déduire de la
perpétration d'actes portant atteinte au fondement du groupe ou à
ce que les auteurs des actes considèrent comme tels, actes qui ne
relèveraient pas nécessairement eux-mêmes de
l'énumération (du paragraphe (4) de l'article 2), mais
qui sont commis dans le cadre de la même ligne de
conduite »225(*).
Ainsi, dans l'affaire en instance examinée par le TPIY,
la Chambre a, dans ses conclusions, estimé que cette intention ressort
de l'effet conjugué des discours ou projets préparant ou
justifiant ces actes, de la massivité de leurs effets destructeurs ainsi
que de la nature spécifique, visant à miner ce qui est
considéré comme les fondements du groupe. De la même
façon, dans l'affaire AKAYESU, l'existence de l'intention
génocidaire à été prouvée à partir de
nombreux éléments. Entre autres, les propos tenus par
l'accusé à une réunion du 19 avril 1994, par lesquels il
a clairement demandé à la population de s'unir
pour éliminer l'ennemi unique: le complice des
Inkotanyi226(*).
Le fait que l'accusé, lui-même, était
parfaitement conscient de la portée de ses propos sur la foule et du
fait que ses appels à lutter contre les complices des Inkotanyi
seraient compris comme des appels à tuer les Tutsis en
général227(*). En qualité de bourgmestre,
Jean-Paul AKAYESU était chargé du maintien de l'ordre public et
de l'exécution des lois dans sa commune. Au moins 2000 Tutsi ont
été tués à Taba entre le 7 avril et la fin de juin
1994, alors qu'il était toujours en fonction. Ces massacres à
Taba étaient perpétrés ouvertement et étaient d'une
telle ampleur que, en sa qualité de bourgmestre, Jean-Paul AKAYESU a
dû nécessairement en avoir eu connaissance. Bien qu'il eût
l'autorité nécessaire pour le faire et qu'il en eût la
responsabilité, l'accusé n'a jamais tenté, en aucune
façon, d'empêcher les massacres de Tutsi dans la commune et n'a en
aucune façon demandé l'assistance des autorités
régionales ou nationales pour réprimer la
violence228(*). La
preuve pertinente qu'il était animé de l'intention de
détruire le groupe Tutsi en tant que tel.
Le TPIR est confronté à des obstacles de
plusieurs ordres dans la réalisation de sa mission. Ainsi, à
l'épreuve des faits, son système de preuve semble se
réaliser difficilement. En réalité, comme on a pu le
constater, les autres acteurs de la communauté internationale
n'accordent pas toujours leurs "faveurs" au TPIR. Il s'est alors octroyé
des prérogatives en termes d'injonctions contraignantes pour forcer leur
coopération. En effet, la coopération étatique est d'une
importance capitale pour la mise en oeuvre du système probatoire. Car,
la preuve de violations graves du DIH résulte souvent d'informations
détenues par des organes de l'Etat, ceux là même qui ont pu
être impliqués directement ou indirectement dans la
perpétration des crimes.
Dans ces conditions, les réticences de ces
autorités étatiques peuvent s'exacerber lorsqu'il est question
d'obtenir des preuves relatives à la responsabilité des hauts
dirigeants, empêchant les parties de faire la démonstration de
leurs prétentions. Cette première étape de collecte des
preuves doit se faire en temps opportun. Lorsqu'elle aboutit, commence alors la
phase d'appréciation des preuves. Nous avons observé que le
Tribunal admet tout élément de preuve en tenant compte de sa
valeur probante et en portant une attention particulière aux indices de
sa fiabilité. Et ses juges ne condamnent que parce qu'au-delà du
fait que les preuves sont réunies, ils sont convaincus que
déclarer l'accusé coupable ne trahit pas la
vérité229(*).
Pour cela nous avons examiné les preuves retenues pour
la démonstration du génocide afin de voir ce que les juges du
TPIR estiment nécessaires dans la démonstration de ce crime.
CONCLUSION GENERALE
Le système de preuve est au coeur du procès
pénal, donc au coeur de l'activité du TPIR. Celui qui a cours
devant ce tribunal, comme nous avons pu le constater tout au long de nos
développements, est assez original. Il apparaît comme un
système qui prend véritablement en compte les circonstances de
perpétration des crimes. En conséquence, il accorde au
témoignage une place privilégiée. En outre, Il se
caractérise par une absence de contrainte dans le mode de production des
éléments de preuve présentés devant le Tribunal, et
une liberté affirmée quant à la nature des preuves
à produire et à leur appréciation. Les actes constitutifs
du Tribunal autorisent cette grande souplesse du système de preuve, et
font l'objet de la part de l'organe juridictionnel d'une interprétation
audacieuse pour renforcer le pouvoir d'injonction dont ils disposent.
En somme, ces actes constitutifs du TPIR montrent à
leur lecture que ce dernier dispose de tous les moyens en tout cas, juridiques,
pour réussir sa mission de répression. Mais lorsqu'il s'agit de
les mettre en oeuvre, Il se heurte à une multitude
d'intérêts et de raisons, mêmes juridiques parfois, qui
empêchent que se fasse le travail. Il suffit en effet d'observer les
comportements des membres de la communauté internationale face aux
injonctions qui leurs sont faites par les TPI pour se rendre compte que les
potentiels résultats de ces institutions n'intéressent que
très peu d'entre eux.
La réalité sociale, lorsqu'elle est
confrontée aux textes, dévoile presque toujours
l'incapacité de ces derniers à résoudre tous les
problèmes qui ont prédestiné à leur
création. Dans le cas du TPIR, on le voit aisément. C'est
pourquoi le RPP des TPI est sans cesse réajusté pour être
non seulement le mieux adapté possible au contexte de
perpétration des crimes relevant de leur compétence, mais aussi
et surtout pour rehausser le standard des garanties procédurales
internationalement reconnues dans tout procès pénal.
Malgré cette mise à jour constante des actes
constitutifs des TPI d'une façon générale et du TPIR en
particulier, Il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre du système
de preuve pratiqué par le Tribunal rencontre un certain nombre de
difficultés, au point que s'élèvent des doutes quant
à son efficacité. Au nombre de ces difficultés, il faut
signaler la timide coopération des Etats et de certains organismes
humanitaires aussi bien dans la recherche des preuves que dans la recherche des
personnes inculpées. Fort heureusement, grâce au dynamisme de
l'organe juridictionnel et à la capacité du Tribunal d'adapter
ses règles de fonctionnement à l'environnement socio-juridico
international dans lequel il doit mener ses activités, il arrive tant
bien que mal à surmonter ces difficultés et produire les effets
qu'on attend de lui.
En effet, à trois ans de son échéance,
sur environ quatre-vingt (80) personnes mises en accusation publiquement devant
le TPIR, seules dix (10) sont encore en liberté, six (6) purgent
déjà leur peine au Mali, dix-neuf (19) sont en cours de
procès et trente et une (31) en attente de jugement. Ces chiffres
montrent qu'au-delà de tout, les Etats collaborent avec le Tribunal. Ils
montrent aussi que la mission de répression est effectivement
amorcée.
On peut toutefois nourrir la crainte que
l'échéance de 2008 fixée au tribunal pour la fin de ses
activités ne soit pas respectée. Mais ce n'est pas condamnable
quant on sait la complexité des preuves à établir pour
démontrer la culpabilité des accusés, et la
délicatesse avec laquelle la preuve testimoniale doit être
traitée. On a pu le voir avec l'exemple du crime de génocide sur
lequel nous avons travaillé. Les lenteurs procédurales dont on
accuse le TPIR sont alors compréhensibles et seraient d'ailleurs
moindres si les moyens financiers étaient plus importants.
Les jugements ne se déroulent pas sur les lieux de
commission des crimes et entretenir un procès de l'envergure de ceux qui
ont lieu devant le TPIR exigent d'énormes moyens, car la recherche des
preuves, le déplacement des témoins et leur entretien, sont
autant de choses qui nécessitent des dépenses, et qui en
réalité sont indispensables au bon fonctionnement du
système probatoire.
En somme, il ressort de nos développements et des
différents constats faits que le système de preuve du TPIR tel
qu'il est organisé par ses textes et tel qu'il s'y pratique, contribue
à la maîtrise des preuves par les parties, et est adapté
dans une large mesure au contexte de perpétration des crimes et à
l'environnement juridique international dans lequel fonctionne l'institution.
Il en résulte par suite que la preuve de son efficacité qui est
d'autant plus renforcée par le standard élevé des droits
de la défense, s'impose d'elle-même.
Le TPIR a été créé dans le but de
rétablir la paix et la sécurité internationales
ébranlées au Rwanda. Autrement, la justice doit contribuer
à rétablir la paix et la sécurité internationales,
et dans le prolongement des effets de son action, elle doit contribuer à
empêcher que la paix et la sécurité internationales ne
soient à nouveau perturbées. Une lourde tâche pour laquelle
le TPIR se donne bien du mal pour accomplir.
Mais, il est indéniable que malgré ses freins,
le TPIR accomplit un travail remarquable, d'une haute qualité. C'est
pour cette raison que son oeuvre traversera le temps et contribuera sans doute
à donner à la justice internationale ses lettres de noblesse.
ANNEXES
ANNEXE 1
EXTRAIT DU STATUT DU TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LE
RWANDA
Article 1er : Compétence du
Tribunal international pour le Rwanda
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité
à juger les personnes présumées responsables de violations
graves du DIH commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de telles violations commises sur le
territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre
1994, conformément aux dispositions du présent Statut.
Article 2 : Génocide
1. Le Tribunal international
pour le Rwanda est compétent pour poursuivre les personnes ayant commis
un génocide, tel que ce crime est défini au paragraphe 2 du
présent article, ou l'un quelconque des actes
énumérés au paragraphe 3 du présent article.
2. Le génocide s'entend
de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du
groupe;
b) Atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du
groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à
entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé
d'enfants du groupe à un autre groupe.
3. Seront punis les actes
suivants :
a) Le génocide;
b) L'entente en vue de commettre
le génocide;
c) L'incitation directe et
publique à commettre le génocide;
d) La tentative de
génocide;
e) La complicité dans le
génocide.
Article 3 : Crimes contre
l'humanité
Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité
à juger les personnes responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont
été commis dans le cadre d'une attaque
généralisée et systématique dirigée contre
une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance
nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :
a) Assassinat;
b) Extermination;
c) Réduction en
esclavage;
d) Expulsion;
e) Emprisonnement;
f) Torture;
g) Viol;
h) Persécutions pour des
raisons politiques, raciales et religieuses;
i) Autres actes
inhumains.
terminant le 31 décembre 1994.
Article 6 : Responsabilité pénale
individuelle
1. Quiconque a planifié,
incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre
manière aidé et encouragé à planifier,
préparer ou exécuter un crime visé aux Articles 2 à
4 du présent Statut est individuellement responsable dudit crime.
2. La qualité officielle
d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit
comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité
pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine.
Le fait que l'un quelconque des actes visés aux
Articles 2 à 4 du présent Statut a été commis par
un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa
responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir
que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou
l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures
nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit
commis ou en punir les auteurs.
4. Le fait qu'un accusé a
agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur
ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut
être considéré comme un motif de diminution de la peine si
le Tribunal international pour le Rwanda l'estime conforme à la
justice
Article 8 : Compétences
concurrentes
1. Le Tribunal international
pour le Rwanda et les juridictions nationales sont concurremment
compétentes pour juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés
responsables de telles violations commises sur le territoire d'États
voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.
2. Le Tribunal international
pour le Rwanda a la primauté sur les juridictions nationales de tous les
États. A tout stade de la procédure, il peut demander
officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en sa faveur
conformément au présent Statut et à son Règlement
de procédure et de preuve.
Article 9 : Non bis in Idem
1. Nul ne peut être
traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves
violations du droit international humanitaire au sens du présent Statut
s'il a déjà été jugé pour les mêmes
faits par le Tribunal international pour le Rwanda.
2. Quiconque a été
traduit devant une juridiction nationale pour des faits constituant de graves
violations du droit international humanitaire ne peut subséquemment
être traduit devant le Tribunal international pour le Rwanda que si :
a) Le fait pour lequel il a été jugé
était qualifié crime de droit commun; ou
b)La juridiction nationale n'a pas statué de
façon impartiale ou indépendante, la procédure
engagée devant elle visait à soustraire l'Accusé à
sa responsabilité pénale internationale, ou la poursuite n'a pas
été exercée avec diligence.
3. Pour décider de la peine à infliger à
une personne condamnée pour un crime visé par le présent
Statut, le Tribunal international pour le Rwanda tient compte de la mesure dans
laquelle cette personne a déjà purgé toute peine qui
pourrait lui avoir été infligée par une juridiction
nationale pour le même fait.
.Article 15 : Le Procureur
1 Le Procureur est responsable de l'instruction des
dossiers et de l'exercice de la poursuite contre les personnes
présumées responsables de violations grave du droit international
humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de telles violations commises sur le
territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre
1994.
2. Le Procureur, qui est un organe distinct au sein
du Tribunal international pour le Rwanda, agit en toute
indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d'instructions
d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source.
Article 17 : Information et
établissement de l'Acte d'accusation
1. Le Procureur ouvre une
information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes
sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations
Unies, et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il
évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il
y a lieu de poursuivre.
Le Procureur est habilité à interroger les
suspects, les victimes et les témoins, à réunir des
preuves et à procéder sur place à des mesures
d'instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le Procureur peut,
selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de
l'État concerné.
3. Tout suspect interrogé a le droit d'être
assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le
rémunérer, et de bénéficier, si nécessaire,
de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à
partir de cette langue.
4. S'il décide qu'au vu
des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur
établit un Acte d'accusation dans lequel il expose succinctement les
faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à
l'Accusé en vertu du Statut. L'Acte d'accusation est transmis à
un juge de la Chambre de première instance.
Article 18 : Examen de l'Acte
d'accusation
1. Le juge de la Chambre de
première instance saisi de l'Acte d'accusation examine celui-ci. S'il
estime que le Procureur a établi qu'au vu des présomptions il y a
lieu d'engager des poursuites, il confirme l'Acte d'accusation. A
défaut, il le rejette.
2. S'il confirme l'Acte
d'accusation, le juge saisi décerne, sur réquisition du
Procureur, les ordonnances et mandats d'arrêt, de dépôt,
d'amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la
conduite du procès.
Article 20 : Les droits de
l'Accusé
1. Tous sont égaux devant
le Tribunal international pour le Rwanda.
2. Toute personne contre
laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause
soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des
dispositions de l'Article 21 du Statut.
3. Toute personne accusée
est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été établie conformément aux
dispositions du présent Statut.
4. Toute personne contre
laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a
droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) Etre informé, dans le
plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon
détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation
portée contre elle;
b) Disposer du temps et des
facilités nécessaires à la préparation de sa
défense et à communiquer avec le conseil de son choix;
c) Etre jugée sans retard
excessif;
d) Etre présente au
procès et se défendre elle-même ou avoir l'assistance d'un
défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, être
informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que
l'intérêt de la justice l'exige, se voir attribuer d'office
un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le
rémunérer;
e) Interroger ou faire
interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et
l'interrogatoire des témoins à décharge dans les
mêmes conditions que les témoins à charge;
f) Se faire assister
gratuitement d'un interprète, si elle ne comprend pas ou ne parle pas la
langue employée à l'audience;
g) Ne pas être
forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer
coupable.
Article 21 : Protection des victimes et des
témoins
Le Tribunal international pour le Rwanda prévoit dans
son Règlement de procédure et de preuve des mesures de protection
des victimes et des témoins. Les mesures de protection comprennent, sans
y être limitées, la tenue d'audiences à huis clos et la
protection de l'identité des victimes
Article 28 : Coopération et entraide
judiciaire
1. Les États collaborent
avec le Tribunal international pour le Rwanda à la recherche et au
jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du
droit international humanitaire.
2. Les États
répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à
toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et
concernant, sans s'y limiter :
a) L'identification et la
recherche des personnes;
b) La réunion des
témoignages et la production des preuves;
c) L'expédition des
documents;
d) L'arrestation ou la
détention des personnes;
e) Le transfert ou la traduction
de l'accusé devant le Tribunal.
ANNEXE 2
EXTRAIT DU RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE
PREUVE DU 31 MAI 2001
Article 2 :
Définitions
A) Dans le Règlement, sauf
incompatibilité tenant au contexte, les expressions suivantes signifient
:
Règlement: Le Règlement
visé à l'Article premier;
Statut : Le Statut du Tribunal adopté
par le Conseil de sécurité dans sa résolution 955 du 8
novembre 1994;
Tribunal : Le Tribunal criminel international
chargé de juger les personnes présumées responsables
d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994, créé par le Conseil de
sécurité dans sa résolution 955 du 8 novembre 1994;
Accusé : Toute personne physique mise
en cause pour un ou plusieurs chefs d'accusation dans un acte d'accusation
confirmé conformément à l'Article 47;
Arrestation : L'acte par lequel un suspect ou
un Accusé est appréhendé et placé en garde à
vue en vertu d'un mandat d'arrêt ou conformément aux dispositions
de l'Article 40;
Bureau : Organe constitué du
Président, du Vice-Président et du doyen des Présidents
des Chambres de première instance;
Enquête : Toutes activités
entreprises par le Procureur conformément au Statut et au
Règlement afin de rassembler des informations et des
éléments de preuve tant avant qu'après la confirmation de
l'acte d'accusation;
Entreprise criminelle : Un certain nombre
d'actes ou d'omissions survenant à l'occasion d'un seul
événement ou de plusieurs événements, en un seul
endroit ou en plusieurs endroits, et faisant partie d'un plan, d'une
stratégie ou d'un dessein communs;
Partie : Le Procureur ou l'Accusé;
Président : Le Président du
Tribunal;
Procureur : Le Procureur désigné
conformément à l'Article 15 du Statut;
Règlements internes : Toute disposition
adoptée par le Procureur en application du paragraphe A) de l'Article
37 : dans le but d'organiser les activités du Bureau du
Procureur;
Suspect : Toute personne physique au sujet de
laquelle le Procureur possède des informations fiables qui tendent
à montrer qu'elle aurait commis une infraction relevant de la
compétence du Tribunal;
Victime : Toute personne physique à
l'égard de laquelle aurait été commise une infraction
relevant de la compétence du Tribunal.
Article 4 : Sessions hors du
siège du Tribunal
Une Chambre ou un juge peut, avec l'autorisation du
Président, exercer ses fonctions hors du siège du Tribunal, si
l'intérêt de la justice le commande.
Article 7 bis :
Inexécution d'obligations
A) Sauf dans les cas visés aux
Articles 11,13, 59 et 61, lorsqu'une Chambre de première instance ou un
Juge est convaincu qu'un État ne s'est pas acquitté d'une
obligation au titre de l'Article 28 du Statut en rapport avec une affaire dont
ils sont saisis, la Chambre ou le juge peut prier le Président d'en
rendre compte au Conseil de sécurité.
B) Si le Procureur convainc le
Président qu'un État ne s'est pas acquitté d'une
obligation au titre de l'Article 28 du Statut en réponse à une
demande formulée par le Procureur au titre des Articles 8 ou 40 du
Règlement, le Président en informe le Conseil de
sécurité.
Article 8 : Demande d'informations
Lorsqu'il apparaît au Procureur qu'une infraction
relevant de la compétence du Tribunal fait ou a fait l'objet
d'enquêtes ou de poursuites pénales devant une juridiction
interne, il peut demander à l'État dont relève cette
juridiction de lui transmettre toutes les informations pertinentes.
L'État transmet sans délai au Procureur ces informations, en
application de l'Article 28 du Statut.
Article 9 : Requête du Procureur aux fins de
dessaisissement
S'il apparaît au Procureur que les crimes qui font
l'objet d'enquêtes ou de poursuites pénales engagées devant
une juridiction interne :
i) Font l'objet d'une
enquête du Procureur;
ii) Devraient faire l'objet
d'une enquête du Procureur tenant compte, entre autres :
a) De la gravité des
infractions;
b) De la qualité de
l'Accusé au moment des infractions alléguées;
c) De l'importance
générale des points soulevés par l'affaire;
iii) Font l'objet d'un acte
d'accusation devant le Tribunal,
le Procureur peut prier la Chambre de première instance
désignée par le Président de demander officiellement le
dessaisissement de cette juridiction en faveur du Tribunal.
Article 10 : Demande officielle de
dessaisissement
A) S'il apparaît à la
Chambre de première instance saisie d'une telle requête du
Procureur, en vertu de l'Article 9, que celle-ci satisfait aux dispositions des
alinéas i), ii) ou iii) de l'Article 9, elle demande officiellement
à l'État dont relève la juridiction que celle-ci se
dessaisisse en faveur du Tribunal.
B) La demande de dessaisissement porte
également sur la transmission des éléments
d'enquêtes, des copies du dossier d'audience et, le cas
échéant, d'une expédition du jugement.
L'État auquel la demande officielle de dessaisissement
est adressée y répond sans retard conformément à
l'Article 28 du Statut.
Article 11 : Non-respect d'une demande officielle
de dessaisissement
Si, dans un délai de soixante jours à compter de
la date à laquelle le Greffier a notifié la demande de
dessaisissement à l'État dont relève la juridiction ayant
connu de l'affaire dont il s'agit, l'État ne fournit pas à la
Chambre de première instance l'assurance qu'il a pris ou qu'il prend les
mesures voulues pour se conformer à cette demande, la Chambre peut prier
le Président de soumettre la question au Conseil de
sécurité.
Article 13 : Non bis in idem
Si le Président est valablement informé de
poursuites pénales engagées contre une personne devant une
juridiction interne pour des faits constituant de graves violations du droit
international humanitaire au sens du Statut pour lesquels
l'intéressé a déjà été jugé
par le Tribunal, une Chambre de première instance rend
conformément à la procédure visée à
l'Article 10, mutatis mutandis, une ordonnance motivée invitant
cette juridiction à mettre fin définitivement aux poursuites. Si
cette juridiction s'y refuse, le Président peut soumettre la question au
Conseil de sécurité.
Article 28 : Permanence des juges
Tous les six mois et après avoir consulté les
juges, le Président désigne, pour chaque mois du semestre
à venir, un juge dans chaque Chambre de première instance auquel
les actes d'accusation, mandats et autres requêtes qui ne concernent
aucune affaire dont une Chambre est saisie, seront transmis pour examen. Le
tableau de permanence est publié par le Greffier. Toutefois, à
titre exceptionnel, un juge de permanence peut demander à un autre juge
de la même Chambre de le suppléer, après en avoir
informé le Président et le Greffier.
Article 37 : Fonctions du Procureur
A) Le Procureur remplit toutes les
fonctions prévues par le Statut conformément au Règlement
et aux règlements internes qu'il adopte, pour autant que ceux-ci soient
compatibles avec le Statut et le Règlement. Toute incompatibilité
présumée des règlements internes est portée
à la connaissance du Bureau, dont l'opinion prévaut.
B) Les pouvoirs du Procureur tels que
définis aux chapitres quatre à huit du Règlement peuvent
être exercés par les membres du Bureau du Procureur qu'il autorise
à cette fin ou par toute personne mandatée par lui à cet
effet.
Article 39 : Déroulement des
enquêtes
Aux fins d'une enquête, le Procureur est habilité
à :
i) Convoquer et interroger
les suspects, entendre les victimes et les témoins, enregistrer leurs
déclarations, recueillir tous éléments de preuve et
enquêter sur les lieux;
ii) Prendre toutes autres
mesures jugées nécessaires aux fins de l'enquête et aux
fins de soutenir l'accusation au procès, y compris des mesures
spéciales nécessaires à la sécurité
d'éventuels témoins et informateurs;
iii) Obtenir à ces fins
l'aide de toute autorité nationale compétente, ainsi que de tout
organisme international approprié, y compris l'Organisation
internationale de police criminelle (Interpol); et
iv) Solliciter d'une Chambre de
première instance ou d'un juge le prononcé de toute ordonnance
nécessaire.
Article 40 : Mesures conservatoires
A) En cas d'urgence, le Procureur peut
demander à tout État :
i) De procéder
à l'arrestation et au placement en garde à vue d'un suspect;
ii) De saisir tous
éléments de preuve matériels;
iii) De prendre toute mesure
nécessaire pour empêcher l'évasion du suspect ou de
l'Accusé, l'intimidation ou les atteintes à
l'intégrité physique des victimes ou des témoins, ou la
destruction d'éléments de preuve.
L'Etat concerné s'exécute sans délai, en
application de l'Article 28 du Statut.
B) Sur démonstration par le
Procureur d'un cas d'empêchement majeur pour l'État de maintenir
le suspect en garde à vue ou de prendre toute mesure nécessaire
pour empêcher son évasion, le Procureur peut adresser une
requête à un juge désigné par le Président
pour obtenir une ordonnance aux fins du transfert du suspect et de sa
détention provisoire au siège du Tribunal ou dans tout autre lieu
que le Bureau peut fixer. Après consultation du Procureur et du
Greffier, le transfert est organisé par les autorités du pays
concerné, du pays hôte du Tribunal et le Greffier.
C) Dans les cas visés au
paragraphe B), le suspect, dès son transfert, bénéficie
des droits prévus à l'Article 42 du Règlement et peut
introduire un recours devant une Chambre de première instance du
Tribunal. La Chambre statue sur le recours, le Procureur entendu.
D) Le suspect est remis en
liberté si i) la Chambre l'ordonne; ou si ii) le Procureur ne soumet pas
un acte d'accusation dans les vingt jours du transfert.
Article 40 bis : Transfert et
détention provisoire de suspects
A) Dans le cadre d'une enquête,
le Procureur peut transmettre au Greffier, pour ordonnance par un juge
désigné conformément à l'Article 28, une
requête aux fins de transfert et de placement en détention
provisoire d'un suspect dans les locaux du quartier pénitentiaire
relevant du Tribunal. Cette requête est motivée et, à moins
que le Procureur souhaite seulement interroger le suspect, mentionne un chef
d'accusation provisoire et est accompagnée d'un sommaire des
éléments sur lesquels s'est appuyé le Procureur.
B) Le Juge ordonne le transfert et la
détention provisoire du suspect, si les conditions suivantes sont
remplies :
i) Le Procureur a
demandé à un État de procéder à
l'arrestation et au placement en garde à vue du suspect,
conformément à l'Article 40, ou le suspect est autrement
détenu par un État;
ii) Après avoir entendu
le Procureur, le juge considère qu'il existe des indices graves et
concordants tendant à montrer que le suspect aurait commis une
infraction relevant de la compétence du Tribunal; et
iii) Le juge considère la
détention provisoire comme une mesure nécessaire pour
empêcher l'évasion du suspect, l'intimidation ou les atteintes
à l'intégrité physique ou mentale des victimes ou des
témoins ou la destruction d'éléments de preuve ou comme
autrement nécessaire à la conduite de l'enquête.
C) La détention provisoire du
suspect peut être ordonnée pour une durée qui ne saurait
être supérieure à 30 jours à compter du lendemain du
transfert du suspect au quartier pénitentiaire du Tribunal.
D) L'ordonnance de transfert et de
placement en détention provisoire du suspect doit être
signée par le juge et revêtue du sceau du Tribunal. L'ordonnance
mentionne les éléments sur lesquels le Procureur se fonde pour
présenter la requête visée au paragraphe A), y compris le
chef d'accusation provisoire, ainsi que les motifs pour lesquels le juge rend
l'ordonnance, compte tenu du paragraphe B). L'ordonnance précise
également la durée initiale de la détention provisoire et
est accompagnée d'un document rappelant les droits du suspect, tels
qu'indiqués par le présent Article et les Articles 42 et
43.
E) Dès que possible, des
copies de l'ordonnance et de la requête du Procureur sont
notifiées par le Greffier au suspect et à son conseil.
F) A la demande motivée
du Procureur et si les nécessités de l'enquête le
justifient, le juge ayant rendu l'ordonnance initiale ou un autre juge
appartenant à la même Chambre de première instance peut
décider, à la suite d'un débat contradictoire et avant le
terme de la période de détention, de prolonger la
détention provisoire pour une durée qui ne saurait être
supérieure à trente jours.
G) A la demande motivée du Procureur
et si des circonstances particulières le justifient, le juge ayant rendu
l'ordonnance initiale ou un autre juge appartenant à la même
Chambre de première instance peut décider, à la suite d'un
débat contradictoire et avant le terme de la période de
détention, de prolonger à nouveau la détention provisoire
pour une durée qui ne saurait être supérieure à
trente jours.
H) La durée totale de la
détention provisoire ne peut en aucun cas excéder 90 jours,
à compter du lendemain du transfert du suspect au Tribunal, délai
à l'issue duquel, pour le cas où un acte d'accusation n'a pas
été confirmé et un mandat d'arrêt signé, le
suspect est remis en liberté ou, le cas échéant, remis aux
autorités nationales de l'État initialement requises.
I) Les dispositions des
Articles 55 B) à 59 s'appliquent mutatis mutandis à
l'exécution de l'ordonnance de transfert et de placement en
détention provisoire du suspect.
J) Après son transfert au
siège du Tribunal, le suspect assisté de son conseil
comparaît sans retard devant le Juge ayant rendu l'ordonnance initiale ou
un autre Juge appartenant à la même Chambre de première
instance, qui s'assure du respect de ses droits.
K) Au cours de la détention, le
Procureur, le suspect ou son conseil peuvent présenter à la
Chambre de première instance à laquelle appartient le Juge ayant
rendu l'ordonnance initiale toutes requêtes relatives à la
régularité de la détention provisoire ou à la mise
en liberté du suspect.
L) Sans préjudice des
paragraphes C) à H), les articles relatifs à la détention
préventive de personnes mises en accusation s'appliquent mutatis
mutandis à la détention provisoire de personnes
conformément au présent article.
Article 41 : Conservation des
informations
(A) Le Procureur est
responsable de la conservation, de la garde et de la sécurité des
informations et des éléments de preuve matériels
recueillis au cours des enquêtes.
(B) Le Procureur
dresse un inventaire des effets saisis de l'accusé, y compris tous
documents, livres, papiers et autres objets, et en sert une copie à
l'accusé. Les effets non susceptibles de servir d'éléments
de preuve sont restitués sans retard à l'accusé.
Article 42 : Droits du suspect pendant l'enquête
A) Avant d'être interrogé
par le Procureur, le suspect est informé de ses droits dans une langue
qu'il parle et comprend, à savoir :
i) Le droit à
l'assistance d'un conseil de son choix ou, s'il est indigent, à la
commission d'office d'un conseil à titre gratuit;
ii) Le droit à
l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle
pas la langue utilisée lors de l'interrogatoire;
iii) Le droit de garder le
silence et d'être averti que chacune de ses déclarations sera
enregistrée et pourra être utilisée comme moyen de
preuve.
B) L'interrogatoire d'un suspect ne
peut avoir lieu qu'en présence de son conseil, à moins que le
suspect n'ait renoncé à son droit à l'assistance d'un
conseil. L'interrogatoire doit néanmoins cesser, si un suspect qui a
initialement renoncé à son droit à l'assistance d'un
conseil, s'en prévaut ultérieurement; l'interrogatoire ne doit
reprendre que lorsque le suspect a obtenu de son chef ou d'office l'assistance
d'un conseil.
v) Après qu'une copie de
l'enregistrement a été faite, si nécessaire, aux fins de
transcription, la bande originale de l'enregistrement ou l'une d'entre elles
est placée, en présence du suspect, sous scellés
contresignés par lui-même et par le Procureur.
Article 47 : Présentation de l'acte
d'accusation par le Procureur
A) Un acte d'accusation, soumis
conformément à la procédure ci-après, est
examiné par un juge désigné à cet effet
conformément à l'Article 28.
B) Si l'enquête permet au
Procureur d'établir qu'il existe des éléments de preuve
suffisants pour soutenir raisonnablement qu'un suspect a commis une infraction
relevant de la compétence du Tribunal, le Procureur établit et
transmet au Greffier, pour confirmation par un juge, un acte d'accusation
auquel il joint tous les éléments justificatifs.
C) L'acte d'accusation indique le nom
du suspect et les renseignements personnels le concernant, ainsi qu'une
relation concise des faits de l'affaire et la qualification qu'ils
revêtent.
D) Le Greffier transmet l'acte
d'accusation et les pièces jointes au juge désigné, lequel
informe le Procureur de la date fixée pour l'examen de l'acte
d'accusation.
E) Le juge désigné
examine chacun des chefs d'accusation et tout élément que le
Procureur présenterait à l'appui de ceux-ci, afin de
décider, en application de la norme énoncée à
l'Article 18 1) du Statut, si un dossier peut être établi
contre le suspect.
F) Le juge désigné
peut :
i) Demander au Procureur
de présenter des éléments supplémentaires à
l'appui de l'un ou de la totalité des chefs d'accusation, ou de prendre
toute autre mesure appropriée;
ii) Confirmer chacun des chefs
d'accusation;
iii) Rejeter chacun des chefs
d'accusation;
iv) Surseoir à sa
décision afin de permettre au Procureur de modifier l'acte
d'accusation.
G) L'acte d'accusation tel que
confirmé par le juge est conservé par le Greffier qui en fait des
copies certifiées conformes portant le sceau du Tribunal. Si
l'accusé ne comprend aucune des deux langues officielles du Tribunal et
si le Greffier sait quelle langue l'accusé comprend, l'acte d'accusation
est traduit dans cette langue et cette traduction est jointe à toute
copie certifiée conforme de l'acte d'accusation.
H) Une fois confirmé l'un
quelconque ou l'ensemble des chefs de l'acte d'accusation :
i) Le Juge peut
délivrer un mandat d'arrêt, conformément au paragraphe A)
de l'Article 55, et toute ordonnance prévue à l'Article 18 du
Statut;
ii) Le suspect acquiert le
statut d'un accusé.
Le rejet d'un chef d'accusation n'interdit pas au Procureur
d'établir ultérieurement un nouvel acte d'accusation
modifié sur la base des faits ayant fondé le chef d'accusation
rejeté, pour autant que soient produits à l'appui des
éléments de preuve supplémentaires.
Article 50 : Modifications de l'acte
d'accusation
A) Le Procureur peut, sans
autorisation préalable, modifier l'acte d'accusation, et ce, à
tout moment avant sa confirmation. Ultérieurement, et
jusqu'à la comparution initiale de l'accusé devant une Chambre de
première instance conformément à l'Article 62, il ne peut
le faire qu'avec l'autorisation du juge l'ayant confirmé ou, dans des
circonstances exceptionnelles, avec l'autorisation d'un juge
désigné par le Président. Lors de cette comparution
initiale ou par la suite, l'acte d'accusation ne peut être modifié
que sur autorisation d'une Chambre de première instance donnée
conformément à l'Article 73. Les dispositions de l'Article
47 G) et de l'Article 53 bis s'appliquent mutatis
mutandis à l'acte d'accusation modifié, dès lors que
l'autorisation de modifier est donnée.
B) Lorsque l'acte d'accusation
modifié comporte de nouveaux chefs d'accusation et que l'accusé a
déjà comparu devant une Chambre de première instance
conformément à l'Article 62, une nouvelle comparution se tient
dès que possible pour permettre à l'accusé de plaider
coupable ou non coupable des nouveaux chefs qui lui sont imputés.
C) Un délai
supplémentaire de trente jours est accordé à
l'accusé pour lui permettre de soulever les exceptions prévues
à l'Article 72 relativement aux nouveaux chefs qui lui sont
imputés.
Article 53 : Non-divulgation au public
A) Lorsque des circonstances
exceptionnelles le requièrent, un juge ou une Chambre de première
instance peut ordonner dans l'intérêt de la justice la
non-divulgation au public de tous documents ou informations, et ce,
jusqu'à décision contraire.
B) Lorsqu'il confirme un acte
d'accusation, le juge peut, après avis du Procureur, ordonner sa
non-divulgation au public jusqu'à sa signification à
l'accusé, ou en cas de jonction d'instances, à tous les
accusés.
C) Un juge ou une Chambre de
première instance peut également, après avis du Procureur,
ordonner la non-divulgation au public de tout ou partie de l'acte d'accusation,
de toute information et de tout document particuliers, si l'un ou l'autre est
convaincu qu'une telle ordonnance est nécessaire pour donner effet
à une disposition du Règlement ou pour préserver des
informations confidentielles obtenues par le Procureur ou encore que
l'intérêt de la justice le commande.
Article 53 bis : Signification de l'acte
d'accusation
(A) L'acte d'accusation est signifié
à l'accusé en personne lorsqu'il est placé sous la garde
du Tribunal ou le plus tôt possible ultérieurement.
(B) L'acte d'accusation est
signifié à l'accusé lorsque copie certifiée,
conformément aux dispositions de l'Article 47 G), lui en est
donnée.
Article 54 : Disposition
générale
A la demande d'une des parties ou de sa propre initiative, un
juge ou une Chambre de première instance peut délivrer les
ordonnances, citations à comparaître, assignations, mandats et
ordres de transfert nécessaires aux fins de l'enquête, de la
préparation ou de la conduite du procès.
Article 55 : Exécution des mandats
d'arrêt
A) Un mandat d'arrêt doit
être signé par un juge et revêtu du sceau du Tribunal. Il
est accompagné d'une copie de l'acte d'accusation et d'un document
rappelant les droits de l'accusé. Au titre de ces droits figurent ceux
qui sont énoncés à l'Article 20 du Statut et, mutatis
mutandis, aux Articles 42 et 43 du Règlement, ainsi que le droit de
conserver le silence et la mise en garde selon laquelle toute
déclaration faite par l'accusé est enregistrée et peut
être retenue contre lui.
B) Le Greffier transmet aux
autorités nationales de l'État sur le territoire ou sous la
juridiction ou le contrôle duquel l'accusé réside ou avait
sa dernière résidence connue trois jeux de copies
certifiées conformes des documents ci-après :
i) Le mandat d'arrêt
et l'ordonnance de transfèrement au Tribunal;
ii) L'acte d'accusation
confirmé;
iii) Le document rappelant les
droits de l'accusé auquel est jointe, s'il y a lieu une traduction dans
une langue que celui-ci comprend.
C) Le Greffier donne instructions
auxdites autorités :
i) D'arrêter
l'accusé et de le transférer au Tribunal;
ii) De notifier à
l'accusé les documents susmentionnés;
iii) De donner lecture à
l'accusé des documents dans une langue qu'il comprend et de l'informer
de ses droits dans cette langue; et
iv) De renvoyer au Tribunal un jeu
desdits documents en y joignant la preuve qu'ils ont été
notifiés à l'accusé.
D) Lorsqu'un mandat d'arrêt
émis par le Tribunal est exécuté, un membre du Bureau du
Procureur peut être présent à compter du moment de
l'arrestation.
Article 55 bis: Mandat d'arrêt
à tous les États
A) À la demande du Procureur et s'il
est convaincu que cela faciliterait l'arrestation d'un accusé
susceptible de passer d'un État à un autre, ou que l'on ignore
où il se trouve, un Juge peut, sans recourir à la
procédure décrite à l'article 61, et sous réserve
du paragraphe B), adresser un mandat d'arrêt à tous les
États.
B) Le Greffier transmet un tel mandat
aux autorités nationales des Etats pour lesquels le Procureur le
requiert.
Article 56 : Coopération des
États
L'État auquel est transmis un mandat d'arrêt ou
un ordre de transfert d'un témoin, agit sans tarder et avec toute la
diligence voulue pour assurer sa bonne exécution, conformément
à l'Article 28 du Statut.
Article 62 : Comparution initiale de
l'accusé
(A) Après son transfert au Tribunal,
l'accusé comparaît sans délai devant une Chambre de
première instance ou devant un juge désigné parmi ses
membres et est officiellement mis en accusation. La Chambre de première
instance ou le juge désigné:
i) S'assure que le droit
de l'accusé à l'assistance d'un conseil est respecté;
ii) Donne lecture ou fait donner
lecture à l'accusé de l'acte d'accusation dans une langue qu'il
parle et comprend, et s'assure que l'intéressé comprend l'acte
d'accusation;
iii) Invite l'accusé
à plaider coupable ou non coupable sur chaque chef d'accusation et,
à défaut pour l'accusé de plaider, inscrit en son nom au
dossier qu'il a plaidé non coupable;
iv) Au cas où l'accusé
plaide non coupable donne instruction au Greffier de fixer la date du
procès;
v) Lorsque l'accusé
plaide coupable,
a) devant un juge, celui-ci communique le plaidoyer de
culpabilité à la Chambre de première instance;
b) devant la Chambre de première instance, agit
conformément au paragraphe (B);
B) Si un accusé plaide coupable
conformément au paragraphe (A) (v) ou demande à revenir sur son
plaidoyer de non-culpabilité, la Chambre doit s'assurer que le plaidoyer
de culpabilité:
i) Est librement et volontairement;
ii) Est fait en connaissance de cause;
iii) Est sans équivoque; et
iv) Repose sur des faits propres à établir le
crime et la participation de l' accusé à sa commission, compte
tenu soit d' indices indépendants, soit de l' absence de tout
désaccord fondamental entre les parties sur les faits de la cause,
la Chambre peut inscrire au dossier que l' accusé a
plaidé coupable et donner instruction au Greffier de fixer la date de l'
audience consacrée au prononcé de la sentence.
Article 63 : Interrogatoire de
l'accusé
A) L'interrogatoire d'un accusé par le Procureur, y
compris après la comparution initiale, ne peut avoir lieu qu'en
présence de son conseil, à moins que l'accusé n'ait
volontairement et expressément renoncé à la
présence de celui-ci. Si l'accusé exprime ultérieurement
le désir de bénéficier de l'assistance d'un conseil,
l'interrogatoire est immédiatement suspendu et ne reprendra qu'en
présence du conseil.
B) L'interrogatoire ainsi que la renonciation à
l'assistance d'un conseil sont enregistrés sur bande magnétique
ou sur cassette vidéo conformément à la procédure
prévue à l'Article 43. Préalablement à
l'interrogatoire, le Procureur informe l'accusé de ses droits
conformément à l'Article 42 A) iii).
Article 64 : Détention
provisoire
Après son transfert au Tribunal, l'accusé est
détenu dans les locaux mis à disposition par le pays hôte
ou par un autre pays. Le Président peut, à la requête d'une
des parties, demander de revoir les conditions de détention de
l'accusé.
Article 65 : Mise en liberté
provisoire
A) Une fois détenu,
l'accusé ne peut être mis en liberté provisoire que sur
ordonnance d'une Chambre de première instance.
B) La mise en liberté
provisoire ne peut être ordonnée par la Chambre de première
instance que dans des circonstances exceptionnelles, après qu'elle a
entendu le pays hôte et pour autant qu'elle ait la certitude que
l'accusé comparaîtra au procès et, s'il est mis en
liberté, ne constituera pas un danger pour une victime, un témoin
ou toute autre personne.
C) La Chambre de première
instance peut subordonner la mise en liberté provisoire aux conditions
qu'elle juge appropriées, y compris le versement d'une caution et, le
cas échéant, l'observation des conditions nécessaires pour
garantir la présence de l'accusé au procès et la
protection d'autrui.
D) Toute décision rendue en
vertu des présentes dispositions est susceptible d'appel sous
réserve de l'autorisation d'un collège de trois juges de la
Chambre d'appel et sur présentation de raisons valables. Les
demandes aux fins d'autorisation de déposer un pourvoi en appel doivent
être introduites dans les sept jours suivant le prononcé de la
décision contestée.
E) Si elle l'estime
nécessaire, la Chambre de première instance peut délivrer
un mandat d'arrêt aux fins de garantir la comparution d'un accusé
mis en liberté provisoire ou laissé en liberté pour toute
autre raison. Les dispositions de la Section 2 du Chapitre V s'appliquent
dans ce cas mutatis mutandis.
Article 65 bis :
Conférence de mise en état
Une conférence de mise en état peut être
convoquée par une Chambre de première instance ou par un juge
à l'effet d'organiser, entre les parties, des échanges de vues
propres à assurer un déroulement rapide de l'instance.
Article 66 : Communication des pièces
par le Procureur
Sous réserve des dispositions des Articles 53 et 69
:
A) Le Procureur communique à la
défense :
i) Dans les trente jours
suivant la comparution initiale de l'accusé, copie de toutes les
pièces justificatives jointes à l'acte d'accusation lors de la
demande de confirmation ainsi que de toutes les déclarations
antérieures de l'accusé recueillies par le Procureur;
ii) Au plus tard soixante jours
avant la date fixée pour le début du procès, copie des
dépositions de tous les témoins que le Procureur entend appeler
à la barre. Une Chambre de première instance peut, à
condition que le bien-fondé d'une telle mesure lui soit
démontré, ordonner que des copies de déclarations de
témoins à charge supplémentaires soient remises à
la défense dans un délai fixé par la Chambre.
B) A la demande de la défense,
le Procureur doit, sous réserve du paragraphe C), permettre à
celle-ci d'examiner tous livres, documents, photographies et autres objets se
trouvant en sa possession ou sous son contrôle qui sont
nécessaires à la défense de l'accusé, ou seront
utilisés par le Procureur comme moyens de preuve au procès, ou
ont été obtenus de l'accusé ou lui appartiennent.
C) Dans le cas où la
communication d'informations ou de pièces se trouvant en la possession
du Procureur pourrait nuire à de nouvelles enquêtes ou à
des enquêtes en cours, ou pour toute autre raison pourrait être
contraire à l'intérêt public ou porter atteinte à la
sécurité d'un État, le Procureur peut demander à la
Chambre de première instance siégeant à huis clos
d'être dispensé de l'obligation de communication visée aux
paragraphes A) et B). En formulant sa demande le Procureur fournit à la
Chambre de première instance, et à elle seule, les informations
ou les pièces dont la confidentialité est recherchée.
Article 67 : Echange des moyens de
preuve
Sous réserve des dispositions des Articles 53 et 69
A) Dès que possible, et en
toute hypothèse avant le début du procès :
i) Le Procureur informe la
défense du nom des témoins à charge qu'il a l'intention
d'appeler pour établir la culpabilité de l'accusé et
réfuter tout moyen de défense dont le Procureur a
été informé conformément au paragraphe ii)
ci-dessous;
ii) La défense informe le
Procureur de son intention d'invoquer :
a) Un alibi, avec
indication du lieu ou des lieux où l'accusé prétend
s'être trouvé au moment des faits incriminés, des nom et
adresse des témoins ainsi que de tous autres éléments de
preuve sur lesquels l'accusé a l'intention de se fonder pour
établir son alibi;
b) Un moyen de défense
spécial, notamment la déficience mentale ou la diminution des
capacités mentales avec indication des nom et adresse des témoins
ainsi que de tous autres éléments de preuve sur lesquels
l'accusé a l'intention de se fonder pour établir ce moyen de
défense.
B) Le défaut d'une telle
notification par la défense ne limite pas le droit de l'accusé
d'invoquer les moyens de défense susvisés.
C) Si la défense introduit la
requête prévue au paragraphe B) de l'Article 66, le Procureur est
autorisé à examiner tous livres, documents, photographies et
autres objets se trouvant en la possession ou sous le contrôle de la
défense et qu'elle entend produire au procès.
D) Si l'une ou l'autre des parties
découvre des éléments de preuve ou informations ou
pièces supplémentaires qui auraient dû être produits
conformément au Règlement, elle en informe sans tarder l'autre
partie et la Chambre de première instance.
Article 68 : Communication des moyens de preuve
à décharge
Le Procureur informe la défense aussitôt que
possible de l'existence des moyens de preuve dont il a connaissance qui sont
propres à disculper l'accusé ou à atténuer sa
culpabilité, ou qui pourraient porter atteinte à la
crédibilité des moyens de preuve à charge.
Article 69 : Protection des victimes et des
témoins
A) Dans des cas exceptionnels, chacune
des deux parties peut demander à la Chambre de première
instance d'ordonner la non-divulgation de l'identité d'une victime ou
d'un témoin pour empêcher qu'ils ne courent un danger ou des
risques, et ce, jusqu'au moment où la Chambre en décidera
autrement.
B) Lorsqu'elle arrête des
mesures de protection des victimes ou des témoins, la Chambre de
première instance peut consulter la Section d'aide aux victimes et aux
témoins.
C) Sous réserve des
dispositions de l'Article 75, l'identité des victimes ou des
témoins visés au paragraphe A) doit être divulguée
avant le commencement du procès et dans des délais permettant
à la défense et au Procureur de se préparer.
Article 70 : Exception à l'obligation de
communication
A) Nonobstant les
dispositions des Articles 66 et 67, les rapports, mémoires ou autres
documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses
représentants dans le cadre de l'enquête ou de la
préparation du dossier n'ont pas à être communiqués
ou échangés en vertu des dispositions susmentionnées.
B) Si le Procureur possède des
informations qui lui ont été communiquées à titre
confidentiel et dans la mesure où ces informations n'ont
été utilisées que dans le seul but de recueillir des
éléments de preuve nouveaux, le Procureur ne peut divulguer ces
informations initiales et leur source qu'avec le consentement de la personne ou
de l'entité les ayant fournies. Ces informations et leur source ne
seront en aucun cas utilisées comme moyens de preuve avant d'avoir
été communiquées à l'accusé.
C) Si, après avoir obtenu le
consentement de la personne ou de l'organe fournissant des informations au
titre du présent article, le Procureur décide de présenter
comme éléments de preuve tout témoignage, document ou
autres pièces ainsi fournis, la Chambre de première instance ne
peut pas, nonobstant les dispositions de l'Article 98, ordonner aux parties de
produire des éléments de preuve additionnels reçus de la
personne ou de l'organe fournissant les informations originelles. Elle ne
peut pas non plus, aux fins d'obtenir ces éléments de preuve
additionnels, citer cette personne ou un représentant de cet organe
comme témoin ou ordonner sa comparution.
D) Si le Procureur cite comme
témoin la personne ou un représentant de l'organe fournissant les
informations au titre du présent article, la Chambre de première
instance ne peut contraindre ledit témoin à répondre aux
questions auxquelles il refuse de répondre en raison du caractère
confidentiel de ces informations.
E) Le droit de l'accusé
de contester les éléments de preuve présentés par
le ministère public reste inchangé, sous réserve
uniquement des limites figurant aux paragraphes C) et D).
F) Les paragraphes C) et D)
n'empiètent en rien sur le pouvoir qu'a la Chambre de première
instance en vertu de l'Article 89 C) d'exclure un élément de
preuve dont la valeur probante est nettement inférieure à
l'exigence d'un procès équitable.
Article 71 : Dépositions
A) En raison de circonstances
exceptionnelles et dans l'intérêt de la justice, la Chambre de
première instance peut ordonner à la demande de l'une des parties
qu'une déposition soit recueillie en vue du procès, sous la
direction de la personne qu'elle mandate à cet effet.
B) La requête visant à
faire recueillir une déposition est présentée par
écrit. Elle mentionne le nom et l'adresse du témoin, la date, le
lieu et l'objet de la déposition ainsi que les circonstances
exceptionnelles qui la justifient.
C) S'il est fait droit à la
requête, la partie ayant demandé la déposition en avise en
temps utile l'autre partie, qui a le droit d'assister à la
déposition et de contre-interroger le témoin.
D) La déposition peut
aussi être recueillie par voie de vidéoconférence.
E) La personne mandatée
à cet effet s'assure que la déposition et, le cas
échéant, le contre-interrogatoire sont recueillis et
enregistrés selon les formes prévues au Règlement; il
reçoit et réserve à la décision de la Chambre les
objections soulevées par l'une ou l'autre des parties. Il transmet tout
le dossier à la Chambre de première instance.
Article 72 : Exceptions
préjudicielles
A) Les exceptions
préjudicielles de l'une ou l'autre des parties doivent être
soulevées dans les trente jours suivant la communication par le
Procureur à la défense de toutes les pièces prévues
à l'Article 66 A) i), et en tout cas avant l'audience au fond.
B) Les exceptions
préjudicielles soulevées par l'accusé sont :
i) L'exception
d'incompétence;
ii) L'exception fondée
sur des vices de forme de l'acte d'accusation;
iii) L'exception aux fins de
disjonction des chefs d'accusation joints conformément à
l'Article 49, ou de disjonction d'instances conformément à
l'Article 82 B) ci-après;
iv) L'exception fondée sur le
rejet d'une demande de commission d'office d'un conseil.
C) La Chambre se prononce sur les
exceptions préjudicielles in limine litis.
D) Les décisions ainsi rendues
ne sont pas susceptibles d'appel en cours de procès, sauf lorsque la
Chambre a rejeté une exception d'incompétence, auquel cas l'appel
est de droit.
E) L'acte d'appel visé
à l'alinéa D) doit être déposé dans les sept
jours à compter de la date de la décision contestée.
F) Le défaut par
l'accusé de soulever les exceptions préjudicielles dans les
délais prescrits par le présent article vaut renonciation de sa
part. La Chambre de première instance peut néanmoins
déroger à ces délais pour des raisons jugées
valables.
G) Les exceptions
fondées sur les vices de forme de l'acte d'accusation, y compris
d'un acte d'accusation modifié, font l'objet d'une seule requête
par partie, à moins qu'une Chambre de première instance n'en
décide autrement.
H) Aux fins de
l'Article 72 B) i) et D), l' «exception d'incompétence»
s'entend exclusivement d'une objection selon laquelle l'acte d'accusation ne se
rapporte pas:
i) à
l'une des personnes mentionnées aux articles 1, 5, 6 et 8 du Statut;
ii) aux
territoires mentionnées aux articles 1, 7 et 8 du Statut;
iii) à
la période mentionnée aux articles 1, 7 et 8 du Statut;
iv) à l'une
des violations définies aux articles 2, 3, 4 et 6 du Statut.
I) L'appel interjeté en
application de l'article 72 D) est rejeté si une formation de trois
juges, nommée par le Président de la Chambre d'appel,
décide que le recours n'est pas susceptible de remplir l'une des
conditions mentionnées au paragraphe H).
Article 73 : Requêtes
A) Sous réserve de l'Article
72, l'une ou l'autre des parties peut présenter à une Chambre de
première instance une ou plusieurs requêtes après la
comparution initiale de l'accusé. La Chambre de première
instance, ou un juge désigné en son sein par cette
dernière, peut rendre une décision sur de telles requêtes
sur la seule base des mémoires déposés par les parties,
à moins qu'il n'ait été décidé d'entendre la
requête en audience publique.
B) Les décisions concernant de
telles requêtes ne sont pas susceptibles d'appel interlocutoire.
C ) Lorsque la date d'audition d'une
requête a été fixée, y compris pour une
requête soulevant une exception préjudicielle, toute requête
supplémentaire et tout document soumis à l'appui desdites
requêtes doit être déposé au plus tard dix jours
avant la date prévue pour l'audition pour être également
entendu à cette date. Toute requête supplémentaire
qui n'est pas déposée dans les délais prescrits ne
sera pas entendue à la date prévue pour l'audition et il ne sera
pas fait droit à une demande de report de l'audition de la requête
originale sur la base du dépôt de requêtes
ultérieures, sauf dans des circonstances exceptionnelles.
D) La partie défenderesse
dépose sa réplique au plus tard cinq jours après la date
à laquelle elle a reçu la requête.
E) Outre les sanctions
envisagées à l'Article 46, une Chambre peut sanctionner un
Conseil si ce dernier dépose une requête, y compris une exception
préjudicielle, qui, de l'avis de la Chambre, est fantaisiste, ou
constitue un abus de procédure. La Chambre peut demander qu'il
soit sursis au paiement d'une partie ou de la totalité des honoraires
qui sont dus au titre de la requête déposée, et/ou des
frais y relatifs.
F) Nonobstant les délais prescrits à
l'Article 72 A), ceux prescrits au présent article s'appliquent.
Article 73 bis :
Conférence préalable au procès
A) La Chambre de première
instance tient une conférence préalable au procès avant
l'ouverture des débats.
B) Durant cette conférence la
Chambre, ou un juge désigné en son sein, peut inviter le
Procureur à déposer, dans un délai fixé par elle ou
par ledit juge et avant la date prévue pour l'ouverture des
débats :
i) Un mémoire
préalable au procès traitant des questions de fait et de
droit;
ii) Des accords entre les
parties sur des points de fait ou de droit et un exposé sur d'autres
points non litigieux;
iii) Un exposé des points
de fait et de droit litigieux;
iv) Une liste des témoins que
le Procureur entend citer comportant :
a) Le nom ou le pseudonyme de
chacun des témoins;
b) Un résumé des
faits au sujet desquels chaque témoin déposera;
c) Les points de l'acte
d'accusation sur lesquels chaque témoin sera entendu; et
d) La durée probable de
chaque déposition;
v) Une liste des pièces
à conviction que le Procureur entend présenter, en
précisant chaque fois que possible si la défense conteste ou non
leur authenticité.
La Chambre, ou un juge peut inviter le Procureur à
communiquer à la Chambre les copies des déclarations de chacun
des témoins que le Procureur entend appeler à la barre.
C) La Chambre de première
instance, ou le juge désigné, peut inviter le Procureur à
écourter l'interrogatoire principal de certains témoins.
D) Si la Chambre de première
instance, ou le juge désigné, considère qu'un nombre
excessif de témoins sont appelés à la barre pour
établir les mêmes faits, elle peut inviter le Procureur à
réduire ce nombre.
E) Après l'ouverture du
procès, le Procureur peut, s'il estime que l'intérêt de la
justice le commande, saisir la Chambre de première instance d'une
requête aux fins d'être autorisé à revenir à
sa liste de témoins initiale ou à revoir la composition de sa
liste.
F) Durant la conférence
préalable au procès, la Chambre de première instance, ou
le juge désigné, peut ordonner à la défense de
déposer, sept jours au moins avant la date d'ouverture du procès,
une liste des points de fait et de droit reconnus ainsi qu'un mémoire
préalable au procès traitant des questions de fait et de
droit.
Article 73 ter :
Conférence préalable à la présentation des moyens
à décharge
A) Avant que la défense ne
présente ses moyens, la Chambre de première instance peut tenir
une conférence.
B) Durant cette conférence, la
Chambre, ou un juge désigné en son sein, peut inviter la
défense à déposer, avant de présenter ses moyens,
mais après que l'accusation a fini de présenter les siens,
i) Des accords entre les
parties sur des points de fait ou de droit et un exposé sur d'autres
points non litigieux;
ii) Un exposé des points
de fait et de droit litigieux;
iii) Une liste des
témoins que la défense entend citer, où sont
consignés :
a) Le nom ou le pseudonyme de
chaque témoin;
b) Un résumé des
faits au sujet desquels chaque témoin déposera;
c) Les points de l'acte
d'accusation sur lesquels chaque témoin sera entendu; et
d) La durée probable de
chaque déposition;
iv) Une liste des pièces
à conviction que la défense entend présenter à
l'appui des moyens qu'elle invoque, en précisant chaque fois que
possible si l'accusation conteste ou non leur authenticité.
La Chambre, ou un juge peut inviter la défense à
communiquer à la Chambre les copies des déclarations de chacun
des témoins que la défense entend appeler à la barre.
C) La Chambre de première
instance, ou le juge désigné, peut inviter la défense
à écourter la durée prévue de l'interrogatoire
principal de certains témoins.
D) La Chambre de
première instance, ou le juge désigné, peut inviter la
défense à réduire le nombre de témoins, si elle
considère qu'un nombre excessif de témoins sont appelés
à la barre pour établir les mêmes faits.
E) Après le début de
la présentation des moyens à décharge, la
défense peut, si elle estime que l'intérêt de la justice le
commande, saisir la Chambre de première instance d'une requête aux
fins d'être autorisée à revenir à sa liste de
témoins initiale ou à revoir la composition de sa liste.
Article 74: Amicus curiae
Une Chambre peut, si elle le juge souhaitable dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice, inviter ou
autoriser tout État, toute organisation ou toute personne à
comparaître devant elle et lui présenter toute question
spécifiée par la Chambre.
B) Une Chambre peut tenir une audience
à huis clos pour décider s'il y a lieu d'ordonner notamment :
i) Des mesures visant
à empêcher la divulgation au public ou aux médias de
l'identité d'une victime, ou d'un témoin, ou de personnes qui lui
sont apparentées ou associées, ou du lieu où elle se
trouve, telles que :
a) La suppression, dans les
dossiers du Tribunal, du nom de l'intéressé et des indications
permettant de l'identifier;
b) La non-divulgation au public
de toute pièce du dossier identifiant la victime;
c) L'utilisation, lors des
témoignages de moyens techniques permettant d'altérer l'image ou
la voix, ou d'un circuit de télévision fermé;
d) L'emploi d'un pseudonyme;
ii) La tenue d'audiences
à huis clos conformément à l'Article 79;
iii) Des mesures
appropriées visant à faciliter le témoignage d'une victime
ou d'un témoin vulnérable, par exemple au moyen d'un circuit de
télévision fermé unidirectionnel.
C) La Chambre supervise le
déroulement des interrogatoires afin d'éviter toute forme de
harcèlement ou d'intimidation.
Article 81 : Enregistrement des débats
et conservation des preuves
A) Le Greffier établit et
conserve un compte rendu fidèle de tous les débats, y compris un
enregistrement sonore, sa transcription et, lorsque la Chambre de
première instance le juge nécessaire, un enregistrement
vidéo.
B) La Chambre de première
instance peut ordonner la divulgation de tout ou partie du compte rendu des
débats tenus à huis clos, lorsque les raisons qui ont
motivé le huis clos ont disparu.
C) Le Greffier assure la conservation
et la garde de tous les éléments de preuve matériels
produits au cours de l'instance.
D) La Chambre de première
instance décide si des photographies, ou des enregistrements
vidéo ou sonores peuvent être pris lors de l'audience autrement
que par les soins du Greffe.
Article 77 : Outrage au Tribunal
A) Sous réserve des
dispositions du paragraphe E) de l'Article 90, un témoin qui refuse de
répondre à une question en rapport avec l'affaire dont la Chambre
est saisie, ou qui persiste dans son refus, peut être
déclaré coupable d'outrage au Tribunal et condamné
à une amende de 10 000 dollars E.-U. au plus ou à une
peine de prison de six mois au maximum.
B) Toutefois, si elle le juge
approprié, la Chambre peut relever le témoin de son obligation de
répondre.
C) Toute personne cherchant à
intervenir auprès d'un témoin ou à l'intimider peut
être déclarée coupable d'outrage et condamnée en
application du paragraphe A).
D) Tout jugement prononcé en
vertu du présent article est susceptible d'appel.
E) L'amende est payée au
Greffier, qui la verse à un compte distinct.
Article 83 : Instruments de
contrainte
Les instruments de contrainte, tels que les menottes, ne sont
utilisés que pour éviter un risque d'évasion au cours du
transfert ou pour des raisons de sécurité; elles sont
retirées lorsque l'accusé comparaît devant la
Chambre.
Article 85 : Présentation des moyens de
preuve
A) Chacune des parties peut appeler
des témoins à la barre et présenter des moyens de preuve.
A moins que la Chambre n'en décide autrement dans l'intérêt
de la justice, les moyens de preuve au procès sont
présentés dans l'ordre suivant :
i) Preuves du
Procureur;
ii) Preuves de la
défense;
iii) Réplique du
Procureur;
iv) Duplique de la défense;
v) Moyens de preuve
ordonnés par la Chambre de première instance conformément
à l'Article 98;
vi) Toute information pertinente
permettant à la Chambre de première instance de décider de
la sentence appropriée, si l'accusé est reconnu coupable d'un ou
de plusieurs des chefs figurant dans l'acte d'accusation.
B) Chaque témoin peut,
après son interrogatoire principal, faire l'objet d'un
contre-interrogatoire et d'un interrogatoire supplémentaire. Le
témoin est d'abord interrogé par la partie qui le
présente, mais un juge peut également poser toute question au
témoin à quelque stade que se soit.
C) L'accusé peut, s'il le souhaite,
comparaître en qualité de témoin pour sa propre
défense.
Article 87 :
Délibéré
A) Après les
réquisitions et les plaidoiries, le Président de la Chambre de
première instance déclare clos les débats et la Chambre se
retire pour délibérer à huis clos. L'accusé n'est
déclaré coupable que lorsque la majorité de la Chambre
considère que la culpabilité a été prouvée
au-delà de tout doute raisonnable.
B) La Chambre de première
instance vote séparément sur chaque chef visé dans l'acte
d'accusation. Si deux ou plusieurs accusés sont jugés ensemble,
en application de l'Article 48, la Chambre statue séparément sur
le cas de chacun d'eux.
C) Si la Chambre de première
instance déclare l'accusé coupable d'un ou de plusieurs des chefs
visés dans l'acte d'accusation, elle fixe la peine à infliger
pour
Article 89 : Dispositions
générales relatives à la preuve
A) En matière de preuve, les
règles énoncées dans la présente section
s'appliquent à toute procédure devant les Chambres. Celles-ci ne
sont pas liées par les règles de droit interne régissant
l'administration de la preuve.
B) Dans les cas où le
Règlement est muet, la Chambre saisie applique les règles
d'administration de la preuve propres à permettre, dans l'esprit du
Statut et des principes généraux du droit, un règlement
équitable de la cause.
C) La Chambre peut recevoir tout
élément de preuve pertinent dont elle estime qu'il a valeur
probante.
D) La Chambre peut demander
à vérifier l'authenticité de tout élément de
preuve obtenu hors audience.
Article 90 : Témoignages
A) En principe, les Chambres entendent
les témoins en personne, à moins qu'une Chambre n'ordonne qu'un
témoin dépose selon les modalités prévues à
l'Article 71.
B) Avant de déposer, tout
témoin fait la déclaration solennelle suivante :
"Je déclare solennellement que je dirai la
vérité, toute la vérité et rien que la
vérité".
C) Un enfant qui, de l'avis de la
Chambre, ne comprend pas la nature d'une déclaration solennelle, peut
être autorisé à témoigner sans cette
formalité, si la Chambre estime qu'il est suffisamment mûr pour
être en mesure de relater les faits dont il a eu connaissance et qu'il
comprend ce que signifie le devoir de dire la vérité. Un jugement
ne peut cependant être fondé sur un seul témoignage de ce
type.
D) Un témoin, autre qu'un
expert, qui n'a pas encore témoigné ne peut être
présent lors de la déposition d'un autre témoin.
Toutefois, s'il a entendu cet autre témoignage, le sien n'est pas pour
autant irrecevable.
E) Un témoin peut refuser
de faire toute déclaration qui risquerait de l'incriminer. La Chambre
peut, toutefois obliger le témoin à répondre. Aucun
témoignage obtenu de la sorte ne peut être utilisé par la
suite comme élément de preuve dans une poursuite contre le
témoin, hormis le cas de poursuite pour faux témoignage.
F) La Chambre exerce un
contrôle sur les modalités de l'interrogatoire des témoins
et de la présentation des éléments de preuve, ainsi que
sur l'ordre dans lequel ils interviennent, de
manière à :
i) Faire servir
l'interrogatoire et la présentation à la manifestation de la
vérité; et
ii) Eviter toute perte de temps
injustifiée.
Le contre-interrogatoire se limite aux points
évoqués dans l'interrogatoire principal ou ayant trait
à la crédibilité du témoin. La Chambre
peut, si elle le juge bon, autoriser des questions sur d'autres sujets, comme
s'il s'agissait d'un interrogatoire principal.
Article 90 bis : Transfert
d'un témoin détenu
A) Toute personne détenue dont
la comparution personnelle en qualité de témoin est
ordonnée par le Tribunal sera transférée temporairement au
quartier pénitentiaire relevant du Tribunal, sous condition de son
retour au terme du délai fixé par le Tribunal.
L'ordre de transfert ne peut être délivré
par un juge ou une Chambre qu'après vérification préalable
de la réunion des conditions suivantes :
i) La présence du
témoin détenu n'est pas nécessaire dans une
procédure pénale en cours sur le territoire de l'État
requis pour la période durant laquelle elle est sollicitée par le
Tribunal;
ii) Son transfert n'est pas
susceptible de prolonger la durée de sa détention telle que
prévue par l'État requis;
C) Le Greffe transmet l'ordre de
transfert aux autorités nationales de l'État sur le territoire ou
sous la juridiction ou le contrôle duquel le témoin est
détenu. Le transfert est organisé par les autorités
nationales intéressées en liaison avec les autorités du
pays hôte et le Greffier.
D) Il incombe au Greffe de s'assurer
du bon déroulement dudit transfert, y compris le suivi de la
détention du témoin au quartier pénitentiaire relevant du
Tribunal, de s'informer de toutes modifications pouvant intervenir dans les
modalités de la détention telles que prévues par
l'État requis et pouvant affecter la durée de détention du
témoin audit quartier pénitentiaire, et d'en faire part, dans les
plus brefs délais, au juge ou à la Chambre concerné.
E) A l'expiration du
délai fixé par le Tribunal pour le transfert temporaire, le
témoin détenu sera remis aux autorités de l'État
requis, à moins que l'État n'ait transmis, pendant cette
même période, un ordre de mise en liberté du témoin
auquel il devra être immédiatement fait suite.
F) Si, au cours du délai
fixé par le Tribunal, la présence du témoin détenu
demeure nécessaire, un juge ou une Chambre peut proroger le
délai, dans le respect des conditions fixées au
paragraphe B).
Article 91 : Faux témoignage sous
déclaration solennelle
A) De sa propre initiative ou à
la demande d'une partie, la Chambre peut avertir le témoin de son
obligation de dire la vérité et des conséquences pouvant
résulter d'un faux témoignage.
B) Si elle a de bonnes raisons de
croire qu'un témoin a sciemment et délibérément
fait un faux témoignage, la Chambre peut donner instruction au Procureur
d'examiner l'affaire en vue d'établir et de présenter un
acte d'accusation pour faux témoignage.
C) Les règles de
procédure et d'administration de la preuve visées aux chapitres
quatre à huit du Règlement s'appliquent, mutatis
mutandis, aux procédures visées au présent
article.
D) Le faux témoignage sous
déclaration solennelle est passible d'une amende ne pouvant
excéder 10 000 dollars E.-U. au plus ou d'une peine
d'emprisonnement de douze mois au plus, ou des deux. L'amende est payée
au Greffier, qui la verse au compte distinct visé au paragraphe E)
de l'Article 77.
Article 92 : Aveu
Sous réserve du respect rigoureux des conditions
visées à l'Article 63, l'aveu fait par l'accusé lors d'un
interrogatoire par le Procureur est présumé libre et volontaire
jusqu'à preuve du contraire.
Article 93 : Existence d'une ligne de conduite
délibérée
A) Les éléments de
preuve permettant d'établir l'existence d'une ligne de conduite
délibérée, dans laquelle s'inscrivent des violations
graves du droit international humanitaire aux termes du Statut, sont recevables
dans l'intérêt de la justice.
B) Les actes qui tendent à
démontrer l'existence d'une telle ligne de conduite font l'objet d'une
communication à la défense par le Procureur, conformément
à l'Article 66.
Article 94 : Constat judiciaire
A) La Chambre de
première instance n'exige pas la preuve de ce qui est de
notoriété publique, mais en dresse le constat judiciaire.
B) Une Chambre de première
instance peut, d'office ou à la demande d'une partie, et après
audition des parties, décider de dresser le constat judiciaire de faits
ou de moyens de preuve documentaires admis lors d'autres affaires
portées devant le Tribunal et en rapport avec l'instance.
Article 94 bis :
Déposition de témoins experts
A) Nonobstant les dispositions des
Articles 66 A) ii), 73 bis B) iv) b) et 73 ter B) iii) b) du
présent Règlement, la déclaration de tout témoin
expert cité par une partie est communiquée dans son
intégralité à la partie adverse dès que possible et
est, en tout état de cause, déposée auprès de la
Chambre de première instance au plus tard vingt et un jours avant la
date prévue pour le témoignage de cet expert.
B) Dans les quatorze jours suivant le
dépôt de la déclaration du témoin expert, la partie
adverse fait savoir à la Chambre de première instance si :
i) Elle accepte la
déclaration du témoin expert;
ii) Elle souhaite
procéder à un contre-interrogatoire du témoin expert.
C) Si la partie adverse fait savoir
qu'elle accepte la déclaration du témoin expert, celle-ci peut
être admise comme élément de preuve par la Chambre de
première instance sans que le témoin soit appelé à
déposer en personne.
Article 95 : Irrecevabilité des
éléments de preuve en raison des procédés par
lesquels ils ont été obtenus
N'est recevable aucun moyen de preuve obtenu par des
procédés qui entament fortement sa fiabilité ou dont
l'admission irait à l'encontre de l'intégrité de la
procédure et lui porterait gravement atteinte.
Article 96 : Administration de la preuve en
matière de violences sexuelles
En cas de violences sexuelles :
i) Nonobstant
les dispositions prévues au paragraphe C) de l'Article 90, la
corroboration du témoignage de la victime par des témoins n'est
pas requise;
ii) Le consentement ne pourra
être utilisé comme moyen de défense, si la victime :
a) A subi, a été
menacée de subir ou a eu des raisons de craindre de subir des violences,
la contrainte, la détention ou des pressions psychologiques; ou
b) A estimé
raisonnablement que, si elle ne se soumettait pas, une autre personne pourrait
subir, être menacée de subir ou avoir des raisons de craindre de
subir un tel traitement;
iii) Avant d'être admis
à établir le consentement de la victime, l'accusé doit
démontrer à la Chambre de première instance
siégeant à huis clos que les moyens de preuve qu'il entend
produire sont pertinents et crédibles;
iv) Le comportement sexuel
antérieur de la victime ne peut être invoqué comme moyen de
preuve ou de défense.
Article 98 : Pouvoir des Chambres d'ordonner la
production de moyens de preuve supplémentaires
La Chambre de première instance peut, de sa propre
initiative, ordonner la production de moyens de preuve supplémentaires
par l'une ou l'autre des parties. Elle peut de sa propre initiative citer des
témoins à comparaître.
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ASCENSIO, Hervé, DECAUX, Emmanuel, PELLET, Alain (sous
la dir.), Droit International Pénal, Editions PEDONE, Paris,
2000, pp. 785-790.
26. SOYER, Jean Claude, SALVIA (de), Michel,
"article 6", in PETITI Edmond Louis, DECAUX
Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (sous la dir.), La
Convention Européenne des Droits de l'Homme, Economica, Paris, 1995,
pp. 239-279.
27. SWARTENBROEKX, Marie-Anne,
"Le tribunal pénal international pour le
Rwanda", in DUPAQUIER, Jean- François,
(sous la dir.), La justice internationale face au drame rwandais,
Karthala, Paris, 1996, pp. 73-121.
28. UBEDA, Muriel, "L'obligation
de coopérer avec les juridictions internationales", in
ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel, PELLET
Alain (sous la dir.), Droit International Pénal,
Editions PEDONE, Paris, 2000, pp. 951-968.
29. WOHLFART, Stéphane,
"Les poursuites", in ASCENSIO Hervé,
DECAUX Emmanuel, PELLET Alain (sous la dir.),
Droit International Pénal, Editions PEDONE, Paris, 2000, pp.
749-755.
30. ZHU, Wen-QI, "Poursuite du
crime de génocide par le tribunal international pour le Rwanda le crime
de génocide dans le cadre de l'affaire Akayesu", in
BOUSTANY, Katia et DORMOY, Daniel (sous la
dir.), Génocide(s), collection de droit international,
réseau Vitoria, Editions Bruylant, Editions de l'Université de
Bruxelles, 1999, pp. 131-139.
ARTICLES LUS SUR INTERNET
1. ADJOVI, Roland, MAZERON, Florent,
"Tribunal Pénal International pour le Rwanda, l'essentiel de
la jurisprudence du TPIR depuis sa création jusqu'à
septembre 2002",
http://www.ridi.org/adi/dip/tpir/2002.htm.
2. NDUWIMANA, Françoise,
"Le viol de guerre la riposte des femmes",
http://www.9f.gc.ca/relations/archives/themes/textes/guerre/guer_nduw_9911.htm
3. NGARAMBE, Joseph, "Le
génocide rwandais devant la justice internationale",
http://clevybosio.free.fr/aircrige/parutions/rwanda/Rw_ngarambetpir.htm
4. PEREIRA, Stéphanie, "La
justice répressive supranationale",
http://Site.ifrance.com/APPEL/Exposes/1er%20Sem/DPI%20Tb%internat.htm.
5. TEZIYAYO, Faustin,
"Justice et droits humains au Rwanda : l'enlisement du
système judiciaire et la dérive des droits
humains",
http://www.chez.com/cprgla/Témoignages/NTEZI.htm.
TRAITES ET TEXTES INTERNATIONAUX
1. Convention (I) pour l'amélioration du sort des
blessés et des malades dans les forces armées en campagne,
Genève, 12 août 1949, in DAVID Eric, TULKENS,
Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 111-132.
2. Convention (II) pour l'amélioration du sort des
blessés, des malades et des naufragés des forces armées
sur mer, Genève, 12 août 1949, in DAVID Eric, TULKENS,
Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 133-149.
3. Convention (III) relative au traitement des prisonniers de
guerre, Genève, 12 août 1949 in DAVID Eric, TULKENS,
Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 150-206.
4. Convention (IV) relative à la protection des
personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949, in
DAVID Eric, TULKENS Françoise, VANDERMEERSCH, Damien,
Code de droit international humanitaire, (textes au
1er mars 2002), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 207-257.
5. Protocole (I) additionnel aux conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux, Genève, 8 juin 1977, in DAVID,
Eric, TULKENS, Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de
droit international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 258-315.
6. Protocole (II) additionnel aux conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux, Genève, 8 juin 1977, in DAVID,
Eric TULKENS, Françoise VANDERMEERSCH Damien, Code de
droit international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp 316-324.
7. Charte des Nations Unies, in DUPUY,
Pierre-Marie, Grands textes de Droit International Public,
Dalloz, Paris, 1996, pp. 1-28.
8. Statut du Tribunal Pénal International
chargé de poursuivre les personnes présumées responsables
de violations graves du droit International Humanitaire commises sur le
territoire de l'ex-Yougoslavie, Conseil de Sécurité des Nations
Unies, Rés. 827, New York, 25 mai 1993, in DAVID Eric, TULKENS
Françoise VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 384-396.
9. Règlement de procédure et de preuve, 11
février 1994 in DAVID, Eric, TULKENS, Françoise
VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit international
humanitaire, (textes au 1er mars 2002), Bruylant,
Bruxelles, 2002, pp. 397-453.
10. Statut du Tribunal Pénal International
chargé de poursuivre les personnes responsables d'actes de
génocides ou d'autres violations graves du droit International
Humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le
territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994, Conseil de sécurité des Nations Unies,
Rés. 955, New York, 8 novembre 1994, in DAVID, Eric, TULKENS,
Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 454-465.
11. Règlement de procédure et de preuve, 29 juin
1995, in DAVID, Eric TULKENS, Françoise VANDERMEERSCH,
Damien, Code de droit international humanitaire,
(textes au 1er mars 2002), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp.
466-510.
12. Statut de la Cour Pénale Internationale, 17 juillet
1998, in DAVID Eric, TULKENS Françoise, VANDERMEERSCH
Damien, Code de droit international humanitaire,
(textes au 1er mars 2002), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp 511-577.
13. Texte final du projet de règlement de
procédure et de preuve, New York, 30 juin 2000, in DAVID, Eric,
TULKENS, Françoise, VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, pp 578-653.
14. Loi belge du 22 mars 1996 relative à la
reconnaissance du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie et du tribunal
international pour le Rwanda et la coopération avec ces tribunaux, in
DAVID, Eric, TULKENS, Françoise, VANDERMEERSCH, Damien,
Code de droit international humanitaire, (textes au
1er mars 2002), Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 703-706.
15. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, 10
décembre 1948, in SCHUTTER (de), Olivier, TULKENS,
Françoise, VAN DROOGHENBROECK, Sébastien, Code de
droit international des droits de l'homme (textes réunis au
1er septembre 2000), Bruxelles/Antwerpen-Apeldoorn, Bruylant /
Maklu, 2000, pp. 7-12.
16. Pacte International relatif aux droits Civils et
Politiques, 19 décembre 1966, in SCHUTTER (de), Olivier,
TULKENS, Françoise, VAN DROOGHENBROECK, Sébastien,
Code de droit international des droits de l'homme (Textes
réunis au 1er septembre 2000), Bruxelles/Antwerpen-Apeldoorn,
Bruylant / Maklu, 2000, pp. 36-46.
17. Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, 4 novembre 1950, in SCHUTTER (de)
Olivier, TULKENS Françoise et VAN DROOGHENBROECK,
Sébastien, Code de droit international des droits de
l'homme (Textes réunis au 1er septembre 2000),
Bruxelles/Antwerpen-Apeldoorn, Bruylant / Maklu, 2000, pp 286-300.
18. Charte Africaine des Droits de l'Homme et Des Peuples, 18
juin 1981, in SCHUTTER (de) Olivier, TULKENS Françoise, VAN
DROOGHENBROECK Sébastien Code de droit international des droits
de l'homme (Textes réunis au 1er septembre 2000),
Bruxelles/Antwerpen-Apeldoorn, Bruylant / Maklu, 2000, pp. 458-480.
19. Convention américaine relative aux droits de
l'Homme, 22 novembre 1969, in SCHUTTER (de) Olivier, TULKENS,
Françoise, VAN DROOGHENBROECK, Sébastien, Code de
droit international des droits de l'homme (Textes réunis au
1er septembre 2000), Bruxelles/Antwerpen-Apeldoorn, Bruylant /
Maklu, 2000, pp. 481-512.
20. Principes de la coopération internationale en ce
qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le
châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre
l'humanité, Assemblée Générale des Nations Unies,
A/ Rés.3074 (XXVIII), 3 décembre 1973 in DAVID, Eric,
TULKENS, Françoise VANDERMEERSCH, Damien, Code de droit
international humanitaire, (textes au 1er mars 2002),
Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 333.
21. Ensembles de principes pour la protection de toutes les
personnes soumises à une forme quelconque de détention ou
d'emprisonnement, doc. Off. Rés. AG NU A/RES/43/173, 9 décembre
1988.
22. Principes du barreau,
http://www.unhcr.ch/french/html/menu
33/b/h_comp44_fr.htm.
JURISPRUDENCE
1. Affaire n°ICTR-96-3-T, Le Procureur contre Georges
Andersen RUTAGANDA, jugement du 6 décembre 1999,
http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Rutaganda/judgement/1.htm
2. Affaire n°ICTR-96-4-T, Le Procureur contre Jean-Paul
AKAYESU, jugement du 2 septembre 1998.
http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Akayesu/judgement/contents.htm.
3. Affaire n°ICTR-95-1-T, Le Procureur contre Clément
KAYISHEMA et alii, jugement du 21 mai 1999.
4.
http://www.ictr.org/FRENCH/cases/KayRuz/judgement/3.htm.
5. Affaire n°ICTR-95-1, Le Procureur contre BAGILISHEMA,
jugement du 8 septembre 1997,
http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Bagilishema/judgment/htm.
6. Affaire n°ICTR-97-32, Le Procureur contre Georges
RUGGIU, décision du 1er juin 2000,
http://www.ictr.org/FRENCH/cases/Ruggiu/decisions/htm.
7. Affaire n°ICTY-IT-95-14-A, Le Procureur contre Tihomir
BLASKIC, jugement du 3 mars 2000, http://www.un.org/
icty/Blaskic/trialc1/judgement/index/htm.
8. Affaire n°ICTY-IT-95-9, Le Procureur contre Tihomir
BLASKIC, arrêt du 29 juillet 2004, http://www.un.org/
icty/Blaskic/appelc/arrêt/index/htm
TABLE DES MATIERES
DEDICACES
I
REMERCIEMENTS
II
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
SOMMAIRE
V
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE: L'ORIGINALITE DU SYSTEME
DE PREUVE DU TPIR
8
CHAPITRE 1 : LA SOUPLESSE DU SYSTEME
PROBATOIRE
10
SECTION 1 : L'ABSENCE DE
CONTRAINTE DANS LE MODE DE PRODUCTION DES PREUVES.
10
PARAGRAPHE 1 : LES PREROGATIVES SPECIFIQUES DU
PROCUREUR
10
A- L'instruction
11
B- La mise en accusation
12
PARAGRAPHE 2 : LA DEMONSTRATION CONTRADICTOIRE
DES FAITS INCRIMINES.
14
A- La présentation des parties
15
B- Le dynamisme de l'organe
juridictionnel
16
1) Un juge neutre et effacé
17
2) Un juge aux compétences
renforcées
18
SECTION 2 : UNE GRANDE LATITUDE
ACCORDEE AUX PARTIES DANS LE CHOIX DES ELEMENTS DE
PREUVE.
18
PARAGRAPHE 1 : LA PREUVE TESTIMONIALE, UNE
PREUVE PRIVILEGIEE.
19
A- Le témoignage direct
19
1) Le témoin ordinaire.
20
2) Les témoins techniques
21
B- Le témoignage indirect
22
1) Le témoignage par
déposition
22
2) Le témoignage par
vidéoconférence
23
3) La déclaration assermentée ou
affidavits
24
PARAGRAPHE 2 : LES AUTRES TYPES DE PREUVE
25
A- La preuve documentaire
25
B- La descente sur les lieux des
crimes
26
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES DU PROCES
EQUITABLE
28
SECTION 1 : LE RESPECT DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE.
29
PARAGRAPHE 1 : UNE DETENTION PREVENTIVE
SYSTEMATIQUE.
29
A- L'exception pour la règle
30
B- La justification de la pratique
32
PARAGRAPHE 2 : LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DE LA
LIBERTE PROVISOIRE DEVANT LE TPIR.
33
A- La notion de circonstances
exceptionnelles
33
B- Le renversement de la charge de la
preuve
35
SECTION 2 : L'EGALITE DES
ARMES
36
PARAGRAPHE 1 : LES MOYENS DISPONIBLES POUR LES
PARTIES
36
A- Les investigations
36
B- Les voies de recours
38
PARAGRAPHE 2 : LES OBLIGATIONS RECIPROQUES
ENTRE L'ACCUSATION ET LA DEFENSE.
40
A- Les modalités d'accès à
l'information
41
B- Le problème de l'anonymat des
témoins
43
DEUXIEME PARTIE : LE SYSTEME DE PREUVE A
L'EPREUVE DES FAITS
46
CHAPITRE 1 : L'ETABLISSEMENT DES
FAITS
48
SECTION 1 : LES DIFFICULTES
DE COLLECTE DES PREUVES
48
PARAGRAPHE 1 : LA COOPERATION ENTRE LE
TRIBUNAL ET LES TIERS
48
A- La difficile collaboration des
Etats
49
B- La participation négociée du
CICR
51
PARAGRAPHE 2 : LES MECANISMES D'OBTENTION DES
ELEMENTS DE PREUVE.
53
A- Les ordonnances contraignantes
54
B- Le subpoena
55
SECTION 2 : LA LIBERTE DANS
L'APPRECIATION DES PREUVES.
56
PARAGRAPHE 1 : L'EVALUATION DES MOYENS DE
PREUVE
56
A- L'intime conviction du juge
57
B- L'épreuve de pertinence et de valeur
probante
58
PARAGRAPHE 2 : LA FORCE REPRESENTATIVE DES
ELEMENTS DE PREUVE
60
A- L'exclusion des preuves non fiables
60
B- L'exception faite pour certaines preuves
indirectes
61
CHAPITRE 2 : LA COMPLEXITE DANS LES
PREUVES EXIGEES POUR ETABLIR LA COMMISSION DU GENOCIDE
63
SECTION 1 : LES ACTES MATERIELS
CONSTITUTIFS DU GENOCIDE
63
PARAGRAPHE 1 : LES ACTES DE GENOCIDE
63
A- Les actes physiques
64
B- Le génocide biologique et
culturel
65
PARAGRAPHE 2 : LA PARTICIPATION CRIMINELLE
67
A- La complicité dans le
génocide
67
B- L'incitation directe et publique à
commettre le crime de génocide
69
SECTION 2 : L'INTENTION DE
DETRUIRE EN TOUT OU EN PARTIE UN GROUPE
71
PARAGRAPHE 1 : LE DOL SPECIAL
72
A- Le critère quantitatif
72
B- L'identification du groupe ethnique
73
PARAGRAPHE 2 : LA DIFFICILE RECHERCHE DE
L'INTENTION SPECIFIQUE
74
A- La qualité de l'auteur
75
B- Des éléments indicateurs de
l'existence de l'intention génocidaire
76
CONCLUSION GENERALE
79
ANNEXES 82
BIBLIOGRAPHIE 110
TABLE DES MATIERES 118
* 1 Ces informations
proviennent pour le TPIR et le TPIY de deux rapports respectifs. Pour le TPIR,
le rapport du Professeur René DEGNI-SEGUI nommé Rapporteur
spécial pour le Rwanda par le Conseil Economique et Social de l'ONU dans
sa résolution E/CN-4/S-3/1 du 25 mai 1994 ; Pour le TPIY, le
rapport de la commission sur la situation des droits de l'homme en Yougoslavie,
créée par le Secrétaire Général de l'ONU
suite à une recommandation du Conseil de Sécurité dans sa
résolution 780 (1992) du 6 octobre 1992.
* 2 Paragraphes
1er des Statuts du Tribunal International pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY.) adopté le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies (CS/NU) et du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR.) adopté par la résolution 955
du même conseil le 8 novembre 1994.
* 3 Gérard CORNU,
(sous la dir.) Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 1996, p.
627.
* 4 Serge GUINCHARD, Jacques
BUISSON, Procédure Pénale, Litec, Paris, 2000, p.
287.
* 5 Bernard BOULOC,
"La preuve en matière pénale", in
Cathérine PUIGELIER, (sous la dir.), La preuve, Etudes
Juridiques, Economica, Paris, 2004, p. 43.
* 6 Raoul DECLERCQ, La
preuve en matière pénale, éditions juridiques
swinnen, Bruxelles, 1988, p. 10.
* 7 Jean PRADEL, Droit
pénal Comparé, Dalloz, 2e éd., Paris,
2002, p. 434.
* 8 Statut TPIR, §
1er.
* 9.Guillaume
CHAMPY, "Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions
pénales internationales", in Revue internationale de droit
pénal, vol. 68, n°1-2, Association internationale de droit
pénal, Erès, 1997, p. 153.
* 10 Nuremberg, Tokyo, TPIR,
TPIY, CPI, A propos d'ajustements incessants, en mai 2005, le RPP du TPIR a
été modifié la quatorzième fois depuis son adoption
en 1995. En juillet 2004 le RPP du TPIY a été modifié
trente-deux fois depuis son adoption le 11 février 1994.
* 11 Guillaume CHAMPY,
article précité, p. 150.
* 12 C. EISENMANN,
Cours de droit administratif, Les cours de
droit, L.G.D.J., Paris, 1969, cité par Charles. NACH MBACK,
Démocratisation et décentralisation, Karthala,
PDM, Paris 2003, p. 45.
* 13 Le Statut du TPIR et le
Règlement de Procédure et de Preuve régissant les
activités judiciaires du Tribunal.
* 14 Anne-Marie LA ROSA,
"La preuve", in Hervé ASCENSIO,
Emmanuel DECAUX, Alain PELLET (sous la dir.), Droit International
Pénal, Editions PEDONE, Paris, 2000, p. 765.
* 15 Serge GUINCHARD,
Jacques BUISSON, Procédure Pénale, Litec, Paris,
2000, p. 299.
* 16 Raymond GUILLIEN, Jean
VINCENT (sous la dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13éd., Paris, 2001, p. 311.
* 17 Jean-Paul BAZELAIRE et
Thierry CRETIN, La justice pénale internationale, PUF,
Paris, septembre 2000, pp. 102-103.
* 18 Rémy OURDAN,
dans Le Monde en date du 9 septembre 1999 : "Premier
volet : enquête sur les crimes contre
l'humanité", cité par Jean-Paul BAZELAIRE et
Thierry CRETIN, op.cit., note 1, p. 102.
* 19 RPP du TPIR, art. 89
c).
* 20 Cour Européenne
des Droits de l'Homme (CEDH), Deweer c/ Belgique, 27 février 1980.
* 21 Cyril LAUCCI,
"L'accusation", in Hervé ASCENSIO et
alii, op. cit., p. 757.
* 22 RPP du TPIR, art 47
B).
* 23 RPP du TPIR, art 47
C).
* 24 RAJIC, IT-95-12-1, 29
août 1995, « Il est suffisant que le
procureur ait agi avec précaution, impartialité et de
façon appliquée [...] Il n'est pas nécessaire
qu'il vérifie deux fois chaque élément de preuve
éventuel [...] La preuve, par conséquent n'ayant pas
besoin d'être extraordinairement convaincante ou
concluante ».
* 25 Affaire
n°ICTY-IT-94-1-T, Decision of 14 november 1995 on the defence motion on
the form of the indictment, § 12.
* 26
« L'acte d'accusation doit formuler chaque chef
d'accusation de manière spécifique et séparée de
sorte qu'il informe suffisamment l'accusé des charges retenues contre
lui et sur la base desquelles il aura à préparer sa
défense ».
* 27 RPP du TPIR, art 47
F).
* 28 RPP du TPIR, art 50.
* 29 RPP du TPIR, art 66
A).
* 30 RPP du TPIR, art 72
A).
* 31 Jean
PRADEL, Droit Pénal Comparé, Dalloz,
2e éd, Paris, 2002, p. 441.
* 32 Ibid., p. 440.
* 33 RPP du TPIR, art 85
A).
* 34 RPP du TPIR, art 73
bis.
* 35 RPP du TPIR, art 73
ter.
* 36 Un mémoire
préalable au procès qui traite des questions de fait et de droit;
des accords entre les parties sur des points de fait ou de droit et un
exposé sur d'autres points non litigieux; un exposé des points de
droit et de fait litigieux, une liste des témoins que le procureur
entend citer comportant :
- le nom ou le pseudonyme de chacun des
témoins ;
- un résumé des faits au sujet desquels chaque
témoin déposera ;
- les points de l'acte d'accusation sur lesquels chaque
témoin sera entendu, et la durée probable de chaque
déposition ;
- une liste des pièces à conviction que le
procureur entend présenter, en précisant à chaque fois que
possible si la défense conteste ou non leur
authenticité ;
- les copies des déclarations de chacun des
témoins que le Procureur entend appeler à la barre.
* 37 Claude JORDA,
Jérôme de HEMPTINNE, "Rôle du
juge", in Hervé ASCENSIO et alii, op. cit., p.
810.
* 38 G. STEFANI, G.
LEVASSEUR, B. BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz,
Paris, 1996, p. 57, cité par Claude JORDA, Jérôme de
HEMPTINNE, article précité, ibid.
* 39 Jean PRADEL,
"Inquisitoire-Accusatoire: une redoutable
complexité", in Hervé ASCENSIO et alii,
op. cit., p. 221.
* 40 RPP du TPIR art. 80
B).
* 41 Claude JORDA,
Jérôme de HEMPTINNE, article précité, p. 811.
* 42 L'article 89 du RPP des
TPI en son § A stipule que le juge « peut recevoir tout
élément de preuve [qu'il] estime avoir valeur
probante » ; et le § B du même article
l'autorise à « applique[r] les règles
d'administration de la preuve propres à parvenir, dans l'esprit du
statut et des principes généraux du droit, à un
règlement équitable de la cause » ;
contrairement à la pratique de la common law qui comporte des
règles extrêmement détaillées d'admission et
d'exclusion des preuves.
* 43 Sylvain VITE,
Les procédures d'établissement des faits dans la mise en
oeuvre du droit international humanitaire, Bruylant, Bruxelles, 1999,
p. 282.
* 44 Ibid.
* 45 Aff n°ICTR 96-4-T,
Le Procureur c/ AKAYESU § 140.
* 46 RPP du TPIR, art
9D).
* 47 Aff n°ICTR 96-4-T,
Le Procureur c/ AKAYESU § 140.
* 48 Anne-Marie LA ROSA,
"la Preuve", in Hervé ASCENSIO et
alii, op. cit., p. 771.
* 49 Aff n°ICTR
96-4-T, Le Procureur c/ AKAYESU, § 47.
* 50 AKAYESU ICTR 96-4-T, 41
témoins comparus ; TADIC ICTY IT-94-1, 126 témoins
comparus ; BLASKIC ICTY IT-95-14, 158 témoins comparus ;
KUPRESKIC ICTY IT-95-16, 157 témoins comparus.
* 51 RPP du TPIR, art 75
A).
* 52 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 263.
* 53 Ibid.
* 54 Aff. n°
ICTY-IT-96-21, Le procureur c/ CELEBICI, décision du 20 mars
1997 relative à la requête introduite par l'accusation aux fins de
permettre aux enquêteurs d'assister au procès pendant la
déposition des témoins, §10.
* 55 Dans l'affaire AKAYESU,
Dr Alison DESFORGES est intervenue en tant que témoin-expert pour
préciser le contexte historico socio-politique du génocide
rwandais.
* 56 C'est une
prérogative qui existe et qui est reconnue et consignée dans des
textes internationaux prédécesseurs aux actes constitutifs des
TPI ; Statut de la CPJI, art 50 ; Statut de la CIJ, art 50;
Règlement de la CIJ, art 62 ; Règlement de la CEDH, art. 42
et 65.
* 57 RPP du TPIR, art 71 A);
voir aff. n°ICTR 98-41, Le Procureur c/ BAGOSORA, decision of 5
december 2001 on Prosecutor's motion for deposition of witness OW.
* 58 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 281.
* 59 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 282.
* 60 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., pp. 283-284.
* 61 Aff n°
ICTY-IT-94-1, Le Procureur contre Dusko TADIC,
décision relative aux requêtes de la défense aux fins de
citer à comparaître et de protéger les témoins
à décharge et de présenter des témoignages par
vidéoconférence, § 22 ; La Chambre suggère de
préférence une ambassade ou un consulat, les bureaux du Tribunal,
les locaux d'un tribunal national.
* 62 Aff n°
ICTY-IT-94-1, Le Procureur contre Dusko TADIC, ibid., § 22 ;
L'officier instrumentaire doit identifier les témoins et expliquer la
nature de la procédure et l'obligation de dire la vérité.
Il avertit les témoins qu'ils sont passibles de poursuites pour faux
témoignages, administre la prestation de serment et tient l'organe
juridictionnel constamment informé des conditions de l'endroit.
* 63 RPP du TPIY, art 92
bis, apparu dans sa version du 12 juillet 2001; RPP du TPIR,
art 92 bis, apparu dans la version du 11 avril 2004.
* 64 Entretien
effectué le 7 août 1997, rapporté par Sylvain VITE, op.
cit., p. 283.
* 65 AKAYESU ICTR 96-4-T,
155 pièces à conviction ont été produites au cours
du procès.
* 66 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 287.
* 67 Charles GUINCHARD,
Jacques BUISSON, op.cit., p. 320.
* 68 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 292.
* 69 RAVINDRAN D.J, GUZMAN
M., IGNACIO B ,(ed), Handbook on fact-finding on documentation on Human Rights
Violations, p. 54, cité par Sylvain VITE, op. cit., p. 263.
* 70 RPP du TPIR, art. 4.
* 71 Aff.
n°ICTR-96-4-T, Le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU ,
décision orale relative à la requête de la défense
aux fins d'un transport sur les lieux et d'un examen
médico-légal, , Chambre de première instance I, 17
février 1998 ; décision écrite, 3 mars 1998.
* 72 Aff.
n°ICTR-96-4-T, Le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU, §
27 La Chambre a rejeté une requête de la
défense tendant à ce qu'il soit procédé à un
transport sur les lieux ainsi qu'à une expertise
médico-légale des dépouilles de trois victimes
présumées. A ses yeux, une nouvelle expertise
médico-légale ne serait ni appropriée ni, en tout
état de cause, nécessaire à la manifestation de la
vérité puisque, entre autres, plusieurs des fosses communes
présumées, y compris, assurément, celles censées se
trouver dans le voisinage du Bureau communal de Taba, avaient
déjà fait l'objet d'exhumations. En outre, la Chambre a
considéré que si les moyens invoqués par le conseil de la
défense à l'appui de sa requête étaient pertinents
dans l'évaluation de la crédibilité de certaines
déclarations de témoins, en revanche, ils ne permettaient en
aucune façon de montrer la nécessité des exhumations et
des expertises médico-légales demandées.
* 73 Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP); art. 14 §1, Convention
Américaine des Droits de l'Homme (CADH) art. 8 §1; Convention
Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) art. 6 §1.
* 74 Frédéric
SUDRE, Droit international et européen des droits de
l'homme, Collection « droit fondamental », PUF,
Paris, 1989, p. 145.
* 75 Ces principes sont
organisés et classés selon des matières bien
précises. Il s'agit :
· Des principes fondamentaux relatifs à
l'indépendance de la magistrature;
· Des principes du barreau.
* 76 Voir Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), art. 11 ; PIDCP, art. 14
§2 ; CEDH, art. 6 §2 ; Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples (CADHP), art. 7 §1,b); CADH, art. 8 §2; Statut
TPIR, art. 20 §3 ; Statut TPIY, art. 21 §3.
* 77 Voir DUDH, art. 10;
CEDH, art. 6 §3; PIDCP, art. 14 §3, CADH, art. 8 §2 a), c), f);
Statut TPIR, art. 20 §4, a) à f); Statut TPIY, art. 21, a) à
f).
* 78 Raymond GUILLIEN, Jean
VINCENT (sous la dir.), op. cit., p. 432.
* 79 Frédéric
SUDRE, Droit européen et international des droits de
l'homme, PUF, 6ème éd. refondue, septembre
2003, p. 345 ; CEDH, Bernard c/France, avril 1998.
* 80 Voir Charles GUINCHARD,
Jacques BUISSON, op. cit., pp. 289-291; AMNESTY INTERNATIONAL; Pour des
procès équitables, Les Editions francophones d'Amnesty
International, Paris, 2001, pp. 87-89 ; Jean PRADEL, op.
cit., pp. 431-434.
* 81 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 101.
* 82 AMNESTY INTERNATIONAL,
op. cit., p. 29.
* 83 PIDCP, art. 9-3,
Principes relatifs à la détention, principe 39 ;
Règles de Tokyo, règle 6 ; CEDH, art. 5-3 ; CADH, art.
7-5.
* 84 RPP du TPIR, art.
64.
* 85 Eric DAVID,
Eléments de droit pénal international, Presses
Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 1999, p. 418. La détention
provisoire prévue à l'article 40 bis du RPP est
décidée par un juge sur requête du procureur. Elle ne peut
excéder 90 jours. Au bout de ce délai, il doit être remis
en liberté ou faire l'objet d'un acte d'accusation et d'un mandat
d'arrêt, confirmés par un juge du Tribunal. A partir de ce moment,
le suspect acquiert le statut d'accusé et sa détention devient
préventive.
* 86 CDH, Observation
générale, § 8, rapporté par AMNESTY INTERNATIONAL,
op. cit., p. 29.
* 87 RPP du TPIR, art. 40
bis A).
* 88 CDH, Observation
générale, § 8, rapporté par AMNESTY INTERNATIONAL,
op. cit., p. 29.
* 89 RPP du TPIR, art. 40
bis B) iii).
* 90 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., pp. 101-102.
* 91 Au terme de ces
éléments :
· l'existence d'éléments de preuve
significatifs et l'absence de preuves contraires de la défense ;
· la gravité des faits en cause et le risque
d'être condamné à une peine lourde ;
· l'importance de l'accusé dans les faits en
cause, par exemple, le fait d'occuper une position du supérieur
hiérarchique au moment des faits ;
· le risque de fuite lorsque l'accusé a pu quitter
sans difficulté son territoire d'origine alors qu'étant sous le
coup d'un mandat d'arrêt.
* 92 Projet de statut de
1994 de la C.D.I., in : Rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa
quarante-sixième session (2 mai-22 juillet 1994), AG, 51è
session, Suppl. No10, doc.off. NU AG A/49/10 (Projet de statut de la C.D.I.),
p. 108, cité par Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 103.
* 93 VAN ALPHEN c. Pays-Bas
(305/1988) [23 juillet 1990], rapport du Comité des Droits de l'Homme,
Vol II (A/45/40) [1990].
* 94 Voir Statut de la CPI,
art. 60 §3 ; RPP de la CPI, règle 119, cette règle qui
énumère les conditions d'une mise en liberté provisoire
révèle que contrairement aux textes constitutifs du TPIR la
liberté peut être octroyée, mieux, qu'au niveau de la Cour
pénale, la détention préventive, conformément aux
textes internationaux, n'est pas érigée en règle.
* 95 Aff n°ICTR-96-5-T,
RUTAGANDA, 25 septembre 1996.
* 96 TPIY, IT-95-9-PT, aff.
MILJKOVIC and others, Milan SIMIC, 26 mars et 17 avril 1998; Dans cette
affaire, il a été admis comme circonstance exceptionnelle
l'hospitalisation d'un parent proche de l'accusé à l'issue d'une
maladie pour justifier la libération provisoire de l'accusé. Il
devait remettre son passeport à l'équipe internationale de
police, ne pas quitter le village où il réside, se
présenter tous les jours à la police locale, déposer une
caution de 25000 dollars US, ne rencontrer ni co-accusés, ni discuter
des circonstances de l'affaire avec personne d'autre que son avocat.
* 97 Principes relatifs
à la détention, principe 38, « Toute
personne détenue du chef d'une accusation pénale devra être
jugée dans un délai raisonnable ou mise en liberté en
attendant l'ouverture du procès ». Voir PIDCP, art. 9
§3. CADH, art. 7 §5; CEDH art. 5 §3.
* 98 Eric DAVID, op. cit.,
p. 522.
* 99 Laurence SINOPOLI
"Droits de la défense" in Hervé
ASCENSIO et alii, op. cit., 798.
* 100 Voir à ce
sujet et à titre d'exemple la règle 119 du RPP de la CPI.
* 101 Voir notamment DUDH,
art. 10;CEDH, art. 6 §3; PIDCP, art. 14 §3, CADH, art. 8 §2 a),
c), f); Statut TPIR, art. 20 §4, a) à f); Statut TPIY, art. 21, a)
à f).
* 102 Guillaume
CHAMPY, "Inquisitoire-accusatoire devant les juridictions
pénales internationales" in revue internationale de droit
pénal, vol. 68, n° 1-2, Association internationale de droit
pénal, Erès, 1997 p. 175.
* 103 Xavier de ROUX,
"La défense devant le Tribunal Pénal International
pour l'ex-Yougoslavie", in Simone GABORIAU et
Hélène PAULIAT, (Textes réunis par), La justice
pénale internationale, Actes du colloque organisé
à Limoges les 22-23 novembre 2001, Pulim, p. 123.
* 104 Avocat à la
cour d'appel de Paris
* 105 Xavier de ROUX,
article précité, p. 125.
* 106 Ibid.
* 107 TPIR, chambre II,
Aff. 95-1-T et 96-10-T, KAYISHEMA et alii, 5 mai 1997, Idem, Aff.
n° ICTR-95-1-A, 1er juin 2001, § 69 ; TPIY, Aff.
IT-99-37-AR7, MILUTINOVIC et alii, 13 novembre 2001, § 23.
* 108 Aff. n°
ICTR-95-1-T, BAGILISHEMA, 7 juin 2001, § 14.
* 109 Aff. n°
ICTR-98-44, NZIRORERA, décision du 11 septembre 2000 sur la
requête de la défense en contestation de la légalité
de son arrestation et de sa détention et en restitution des biens
saisis. L'appel a été rejeté. Ibid. Ch. d'app. arrêt
du 4 mai 2001 relatif à l'appel interlocutoire de la décision de
la Chambre de première instance II du 11 septembre 2000. Aff. n°
ICTR-98-44, KAREMERA, decision of 10 december 1999 on the release of the
accused. Aff. n° ICTR-98-44, NGIRUMPASTE, decision of 10 december 1999 on
the release of the accused. Cas n° ICTR- 2001-63 du 8 octobre 2001
relative à la requête de la défense aux fins de mise en
liberté de l'accusé.
* 110 Dans cette affaire,
la Chambre d'appel du TPIR a été saisie d'une requête
visant à contester la légalité de la période de
détention à laquelle l'accusé a été soumis
avant de comparaître devant une chambre du tribunal. Après examen
des faits portés à sa connaissance, la chambre conclut que le
cumul des violations l'obligeait à mettre un terme à cette
affaire et à ordonner la libération sans délai de
l'accusé.
* 111 Questions d'avant
dire-droit qui portent qui portent sur différents sujets et qui sont
susceptibles d'affecter les droits et intérêts des parties.
* 112 RPP du TPIR, art.
72.
* 113 RPP du TPIR, art. 72,
H).
* 114 RPP du TPIR, art. 73,
A).
* 115 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit. , p. 219.
* 116Aff. n°ICTR-96-4,
AKAYESU, Ch. d'app. arrêt du 7septembre 2000 (requête en
révision) ; BARAYAGWISA, Aff. n° ICTR-97-19, Ch. d'app.,
décision du 14 septembre 2000 ( appels interlocutoires datés du
11 avril et 6 juin 2000). Certains accusés ont même essayé
de mettre en cause la validité de l'article 72 du RPP en raison des
limitations qu'il impose aux appels interlocutoires ; leurs recours a
été rejeté En exemple, Aff. n° ICTR-98-4, BAGOSORA,
décision du 2 mai 2002. ( interlocutory appeal from refusal to
reconsider decisions relating to protective measures and application for a
declaration of «lack of jurisdiction»)
* 117 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 69.
* 118 Anne-Marie LA ROSA,
idem.
* 119 Jean Claude SOYER,
Michel de SALVIA, "article 6" in Louis Edmond PETITI,
Emmanuel DECAUX, Pierre-Henri IMBERT (sous la dir.), La Convention
Européenne des Droits de l'Homme , Economica, Paris, 1995, p.
265 ; Voir CEDH, DELCOURT c/. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, A
n°11 § 26.
* 120 Annick SADZOT,
"L'égalité des armes et la contradiction dans le
procès pénal" in Les droits de la
défense, Actes du Colloque « Jacques
Henry » organisé par la Conférence Libre du jeune
Barreau de Liège le 28 mars 1997, ASBL Editions du Jeune Barreau de
Liège, 1997, p 137.
* 121 RPP du TPIR, art. 66
et 68.
* 122 Un mémoire
préalable au procès qui traite des questions de fait et de droit;
des accords entre les parties sur des points de fait ou de droit et un
exposé sur d'autres points non litigieux; un exposé des points de
droit et de fait litigieux, une liste des témoins que le procureur
entend citer comportant :
- le nom ou le pseudonyme de chacun des
témoins ;
- un résumé des faits au sujet desquels chaque
témoin déposera ;
- les points de l'acte d'accusation sur lesquels chaque
témoin sera entendu ; et la durée probable de chaque
déposition ;
- une liste des pièces à conviction que le
procureur entend présenter, en précisant à chaque fois que
possible si la défense conteste ou non leur
authenticité ;
- les copies des déclarations de chacun des
témoins que le Procureur entend appeler à la barre.
* 123 RPP du TPIR, art.
66,B).
* 124 RPP du TPIR, art.
68.
* 125 RPP du TPIR, art. 67,
A), ii).
* 126 RPP du TPIR, art. 67,
B).
* 127 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 124.
* 128Aff n°ICTR
IT-95-17/1, FURUNDZIJA, décision du 16 juillet 1998; Aff
n°ICTR-00-56,. NDINDILIYIMANA, decision of the defence motion for
Immediate Stay of all charges against the accused NDINDILIYIMANA, due to the
prosecutors non-compliance with the rules.
* 129 Statut du TPIR, art.
21.
* 130 Statut du TPIR, art.
19 §1.
* 131 Aff.
n°ICTY-IT-95-14-T, Le procureur c/ Tihomir BLASKIC, Protection
des témoins, 5 novembre 1996, § 41.
* 132.Aff. n°
ICTY-IT-94-1-T, TADIC, décision du 10 août 1995, relative à
l'exception préjudicielle soulevée par le procureur aux fins
d'obtenir des mesures de protection pour les victimes et les témoins,
§§.70-71, citée par Anne-Marie La ROSA, op. cit., p. 273.
* 133 Aff.
n°ICTY-IT-95-14-T, BLASKIC, décision du 20 octobre 1996sur la
protection des témoins.
* 134 Eric DAVID, op. cit.,
p. 433.
* 135.Idem.
* 136 Statut du TPIR, art.
28 §1.
* 137 Statut du TPIR, art.
28 §2.
* 138 Résolution 955
du 8 novembre 1994 adoptée par le CS/NU à sa
3453ème séance, §2.
* 139 Muriel UBEDA,
"L'obligation de coopérer avec les juridictions
internationales", in Hervé ASCENSIO et alii, op.
cit., p. 958. Voir en exemple, la loi belge du 22 mars 1996 relative à
la reconnaissance du TPIY et du TPIR et la coopération avec ces
tribunaux.
* 140 A titre d'exemple,
l'Australie et bien d'autres pays nient toute obligation de coopérer
lorsque la demande porte atteinte à leur souveraineté nationale,
leur sécurité ou leurs intérêts nationaux, ce qui
pose des difficultés pour le témoignage des militaires et la
communication d'informations touchant à la sécurité
nationale; La république fédérative de Yougoslavie
jusqu'à une certaine période ne reconnaissait pas le TPIY et ne
permettait pas aux enquêteurs d'accéder aux sites pour
réunir les éléments de preuve. Pour l'Allemagne, selon la
section 4 du paragraphe 2 de sa loi de coopération avec les TPI, la
comparution de témoin devant le tribunal international sera régie
par les mêmes dispositions légales exigées par les
tribunaux nationaux.
* 141 Moussounga, ITSOHOU
MBADINGA « variations des rapports entre les juridictions
pénales internationales et les juridictions nationales dans la
répression des crimes internationaux » in Revue
trimestrielle des droits de l'homme, n° 56, 14ème
année, 1er octobre 2003, p. 1236.
* 142 Voir section 12 de la
loi de coopération suédoise ; section 35 et 36 de la loi
australienne, informations tirées de Muriel UBEDA,
"L'obligation de coopérer avec les juridictions
internationales", in Hervé ASCENSIO et alii, op.
cit., pp. 960-961.
* 143 Statut du TPIR, art.
28 d). Cette obligation de mettre en détention les suspects se trouvant
sur son territoire qui incombe aux Etats est réitérée par
les résolutions du CS/NU. Par exemple, la décision 978/ 1995 du
27 février 1995 qui insiste sur la nécessité pour les
Etats d'arrêter et de mettre en détention les suspects se trouvant
sur leur territoire et d'en informer le TPIR.
* 144 Voir l'affaire
Elizaphan NTAKIRUTIMANA où le juge américain, Marcel NOTZON, a
remis en liberté M. Elizaphan NTAKIRUTIMANA, ressortissant rwandais
résidant au Texas, et a refusé son transfert au TPIR, en
dépit d'une demande expresse adressée au gouvernement
fédéral américain. Ce magistrat a invoqué deux
raisons : D'une part l'existence d'un traité d'extradition
nécessaire au transfert de l'intéressé vers la TPIR, et
d'autre part le défaut de preuves suffisantes de la part du gouvernement
américain pour justifier les crimes reprochés à
l'accusé. Deux raisons qui ne sont point acceptables au vu de l'article
58 du RPP.
* 145 En 2000, le
gouvernement rwandais a délibérément bloqué la
venue des témoins dans les procès BUTARE et NIYITEGEKA devant le
TPIR en instaurant de nouvelles procédures préalables au voyage
des témoins.
* 146 Conventions de
Genève de 1949 I, II, et III, art. 9, Convention IV, art. 10 ;
Protocole additionnel I de 1977, art. 81 §1.
* 147 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 331.
* 148 Aff
n°ICTY-IT-95-9,. SIMIC, décision du 27 juillet 1999, rendue
publique le 1er octobre 1999.
* 149 Ibid., §§
72-74.
* 150 Juge siégeant
à la Chambre de première instance I du TPIY.
* 151 Opinion individuelle
du juge HUNT rapportée par Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 337.
* 152 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 343.
* 153 Muriel UBEDA, article
précité, p. 958.
* 154 Aff.
n°ICTY-IT-95-14-AR108 bis, BLASKIC, arrêt de la Ch. d'app. du 29
octobre 1997.
* 155 Statut TPIR, art.
18.
* 156 RPP du TPIR, art.
54.
* 157 Charte des Nations
Unies, art 103; Voir NGUYEN QUOC DINH+, Patrick DAILLER, Alain, PELLET,
Droit International Public, LGDJ, Paris, 7e
éd., pp. 274-275.
* 158 RPP du TPIR, art 7
bis.
* 159 Mémoire du
professeur L CONDORELLI comparaissant à titre d'amicus curiae devant le
TPIY du 9 avril 1997.
* 160 BLASKIC,
décision Ch. d'app. relative à la requête de la
République de Croatie aux fins d'examen de la décision de la
Chambre de 1ère instance II rendue le 18 juillet 1997, §
48.
* 161 Ibid., §§
53-56.
* 162 Ibid., § 58.
* 163 RPP du TPIR, art.
77.
* 164 RPP du TPIR, art. 77,
A).
* 165 Anne-Marie LA ROSA,
"La preuve", in Hervé ASCENSIO et
alii, op. cit., p. 775.
* 166 La distinction entre
les deux normes demeure une question débattue en droit pénal
comparé, l'opinion la plus fréquemment admise par les
pénalistes considère les deux notions comme
équivalentes.
* 167 RPP du TPIR, art. 87
A).
* 168 Pierre
ROBERT, "La procédure de jugement en droit
international pénal", in Hervé ASCENSIO et
alii, op. cit., p. 827.
* 169 Ibid.
* 170 CPP français,
art. 353.
* 171 Anne-Marie LA ROSA,
article précité, p. 77.
* 172 RPP du TPIR, art. 89
C).
* 173 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., pp. 351-352.
* 174 Ibid., p. 352.
* 175 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 47. La
crédibilité de chaque témoin doit en effet être
appréciée à sa juste valeur, compte tenu du comportement
du témoin, de la cohérence et de la crédibilité ou
du défaut de crédibilité des réponses qu'il a
données sous serment.
* 176 Aff. n°
ICTY-IT-99-36, BRDANIN, décision du 3 juillet 2000, relative à la
requête du procureur aux fins d'exclure certains éléments
de preuve et de limiter un témoignage, § 3.
* 177 Aff n
°ICTR-IT-95-17/1-T, FURUNDZIJA, décision du 12 juin 1998, Dans
cette affaire, un témoin entendu à huit clos a relaté des
faits relatifs à des crimes pour lesquels l'accusé n'avait pas
été mis en accusation. La Chambre a décidé aux fins
de préserver les droits de l'accusé à une procédure
équitable et d'éviter un déni de justice, de ne prendre en
considération que les parties du témoignage qui se
référaient spécifiquement aux chefs d'accusation retenus
contre l'accusé.
* 178 "Unus testis
nullus testis" est un adage bien connu dans les systèmes de droit
pénal de tradition romano-continentale, qui signifie "Un seul
témoin n'est pas un témoin".Cet adage traduit un principe qui
veut que, pour être recevable, tout témoignage soit
corroboré. Ainsi, selon ce principe qui vaut en
matière de preuve testimoniale, le juge ne se peut se baser sur un seul
témoignage pour se faire son opinion sur une affaire. Ce
témoignage doit être renforcé par un autre : on parle
de corroboration de la preuve.
* 179 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, §§
132-136.
* 180 RPP du TPIR, art. 96
i).
* 181 RPP du TPIR, art. 90
C).
* 182 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 377.
* 183 Ibid.
* 184 RPP du TPIR, art.
95.
* 185 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 366.
* 186 Anne-Marie LA ROSA,
et Santiago VILLAPANDO, "Le crime de génocide
revisité", in Katia BOUSTANY et Daniel DORMOY (sous la
dir.), Génocide(s), Collection de droit international,
réseau Vitoria, Editions Bruylant, Editions de l'Université de
Bruxelles, 1999, p. 73.
* 187 Statut du TPIR, art.
2 §2 a).
* 188 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU, §§
500-501.
* 189 «Par la
réduction à l'esclavage et à la famine, la
déportation et la persécution, et par leur détention dans
les ghettos, dans les camps de concentration dans des conditions qui sont
considérées comme étant la cause de leur
déchéance, de la perte de leurs droits en tant qu'êtres
humains et de leur extermination en leur infligeant des tortures et des
souffrances inhumaines».
* 190 Aff. no ICTR-96-4-T,
Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU, §§ 502-504.
* 191 Voir la
définition de crime contre l'humanité dans le Statut du TPIR,
art. 3 g).
* 192 Jean-Michel CHAUMONT,
La concurrence des victimes :génocide, identité et
reconnaissance, Editions La Découverte, Paris, 2002, p. 208.
* 193 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU, § 509.
* 194 Ibid., § 116.
* 195 Ibid., § 117.
* 196 Ibid., § 118.
* 197 Statut du TMIN du 8
août 1945, art 6, «[...] Les dirigeants,
organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à
l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté
ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes-ci-dessus
définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes
personnes en exécution de ce plan ».
* 198 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/ Jean-Paul AKAYESU, § 527.
* 199 Ibid., § 540.
* 200 Ibid., § 541.
* 201 Ibid.,
§ 551.
* 202 Voir note 122 de la
décision précitée "someone who instigates or
encourages another person to commit an offence should be liable to conviction
for those acts of incitement, both because he is culpable for trying to cause a
crime and because such liability is a step towards crime prevention",
Andrew ASHWORTH, Principles of Criminal Law, Clarendon Press, Oxford, 1995, p.
462.
* 203 Affaire n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU, § 554.
* 204 Dans l'affaire
AKAYESU, sur la base des témoignages concordants revenus tout au long du
procès et sur les indications que lui a fournies le Dr. RUZINDANA,
cité comme témoin-expert sur des questions de linguistique, la
Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que la
population a compris qu'AKAYESU appelait ainsi à tuer les Tutsi. AKAYESU
lui-même était parfaitement conscient de la portée de ses
propos sur la foule et du fait que ses appels à lutter contre les
complices des Inkotanyi seraient compris comme des appels à
tuer les Tutsi en général.
* 205 La plus
célèbre condamnation pour incitation à commettre des
crimes de portée internationale a sans doute été celle
prononcée contre Julius STREICHER, par le Tribunal de Nuremberg, en
raison des articles violemment antisémites qu'il avait publiés
dans l'hebdomadaire Der Stürmer. Le Tribunal de Nuremberg a
estimé que: « Le fait pour Streicher d'inciter au meurtre
et à l'extermination, à une époque où les Juifs
dans l'Est étaient massacrés dans des conditions inqualifiables,
constitue manifestement la persécution pour des raisons politiques et
raciales en rapport avec des crimes de guerre au sens du Statut et un crime
contre l'humanité », Procès de Nuremberg, Vol. 22,
p. 502.
* 206 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 562. De l'avis
de la Chambre, ce qui justifie que ces actes soient exceptionnellement
réprimés est le fait qu'ils sont, en eux-même, des actes
particulièrement dangereux parce que porteurs d'un très grand
risque pour la société, même s'ils ne sont pas suivis
d'effet. La Chambre considère que le génocide relève
évidemment de cette catégorie de crimes dont la gravité
est telle que l'incitation directe et publique à le commettre doit
être pénalisée en tant que telle, même dans les cas
où l'incitation n'aurait pas atteint le résultat escompté
par son auteur.
* 207 Roland ADJOVI,
Florent MAZERON, "Tribunal Pénal International pour le
Rwanda, l'essentiel de la jurisprudence du TPIR depuis sa création
jusqu'à septembre 2002",
http://www.ridi.org/adi/dip/tpir/2002.htm.
* 208 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 498.
* 209 Anne Marie LA ROSA
op. cit., p. 397.
* 210 William A SHABAS,
"L'affaire Akayesu et ses enseignements sur le droit du
génocide", in Katia BOUSTANY et Daniel DORMOY, op. cit.,
p. 321.
* 211 Anne-Marie LA ROSA,
et Santiago VILLAPANDO, article précité, p. 88.
* 212 A. William SHABAS,
"Le Génocide", in Hervé ASCENSIO,
et alii, (sous la dir.), Droit International
Pénal, Editions PEDONE, Paris, 2000, p. 321.
* 213 Entre autres,
Jean-Michel CHAUMONT, qui émet des objections par rapport à la
définition onusienne du génocide. Ainsi en ce qui concerne
l'identification du groupe victime de génocide, il justifie
l'impossibilité à fixer a priori les groupes à
protéger par le fait que les groupes victimisés n'existent que
dans la tête de leurs bourreaux. Il estime en outre qu'il est
impératif d'éliminer des définitions du génocide,
toute référence à des groupes particuliers. Il propose une
définition qui prend en compte la perception qu'a l'auteur du
génocide du groupe qu'il détruit, à l'instar de la
définition de l'article 211-1 de la loi française du 22 juillet
1992 qui définit le génocide comme « le fait, en
exécution d'un plan concerté tendant à la destruction
totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, [...], ou d'un
groupe déterminé à partir de tout autre critère
arbitraire, de commettre ou de faire commettre à l'encontre des membres
de ce groupe l'un des actes suivants [...]». Suit une liste
voisine de celle de l'article 2 de la convention de 1948.
* 214 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 513.
* 215 KAYISHEMA-RUZINDANA,
jugement 1999, § 98 ; MUSEMA, jugement 2000, § 154 ;
BAGILISHEMA, jugement, 2001, § 55.
* 216 Jean-Michel CHAUMONT,
op. cit. p. 212.
* 217 Statut du TPIR, art
6, §1.
* 218 Ibid., § 2.
* 219 Ibid., § 3.
* 220 Anne-Marie LA ROSA,
op. cit., p. 407.
* 221 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 112.
* 222 Ibid., § 126.
* 223 Ibid., § 704.
* 224 Ibid., § 523.
* 225 Ibid., § 524.
TPIY, Décision de la Chambre de première instance I, Affaire
Radovan KARADZIC, Ratko MLADIC (Aff. n° IT-95-5-R61 et n°
IT-95-18-R61), Examen de l'acte d'accusation dans le cadre de la
procédure de l'article 61 du Règlement de procédure et de
preuve, § 94.
* 226 L'origine du mot
Inkotanyi remonte au 19ème siècle; à
l'époque, il désignait l'un des groupes de guerriers du roi
rwandais, Rwabugiris. Rien ne permet de dire que ce groupe de guerriers
était monoethnique. M. RUZINDANA a laissé entendre que le nom
Inkotanyi était porté avec fierté par ces
guerriers. Lorsque la guerre éclate entre le FPR et le Gouvernement
rwandais, les militaires du FPR étaient appelés
Inkotanyi. Sur cette base, la Chambre note que la signification
première du mot Inkotanyi renvoie à l'armée du
FPR. D'après l'analyse qu'il a faite de plusieurs journaux rwandais et
de cassettes de la RTLM et en se fondant également sur son
expérience personnelle du conflit, M. RUZINDANA était d'avis que
le mot Inkotanyi avait également acquis d'autres acceptions,
dont celles de sympathisant ou partisan du FPR, ou encore de membre du groupe
ethnique Tutsi.
* 227 Aff. n°
ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 361.
* 228 Ibid., § 179.
* 229 Anne-Marie LA ROSA, op.
cit., p. 458.