Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Liliane Egounlety UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005 |
B- Les voies de recoursIl ne s'agit pas de rappeler l'importance pour tout système judiciaire des recours, mais de voir comment l'exercice du droit au recours, corollaire du principe de contradiction, participe d'une meilleure réalisation de l'égalité entre les parties au procès. Dans le contexte du TPIR, les recours sont des procédures qui permettent d'intervenir en temps opportun pour contester la compétence du procureur ou obtenir que des mesures soient prises aux différentes étapes de la procédure. Ainsi, au stade de l'enquête, aucun contrôle juridictionnel ne peut être exercé sur les initiatives du procureur. L'un des principes majeurs qui soutiennent l'égalité est, à n'en point douter, le principe du contradictoire qui doit courir à toutes les étapes de la procédure. Mais comme on peut le constater, les textes constitutifs du Tribunal ne prévoient aucun recours permettant de contester la légalité des mesures prises par l'organe d'instruction. Autrement dit, à la phase préalable du procès, aucune mesure légale n'est prévue pour assurer l'égalité des armes. L'accusé ne peut donc contester ni les conditions de son arrestation, ni même les conditions de sa détention. Il doit attendre la confirmation de l'acte d'accusation et sa première comparution pour faire valoir quelque contestation que ce soit. Conformément à la pratique juridictionnelle du Tribunal, ce n'est qu'après le transfert au siège de l'instance pénale internationale, conformément à une ordonnance émise par un juge qu'un détenu peut mettre en cause la légalité de sa détention. Or, le respect de l'égalité des armes à cette étape de la procédure aurait permis que le détenu, au moment et au lieu de son arrestation, puisse contester les mesures prises par le procureur y compris même les conditions de son arrestation. Ainsi, tous les accusés qui ont contesté les mesures prises par le procureur pendant l'enquête ont vu leurs requêtes rejetées par le Tribunal. D'une part, les chambres estimaient qu'elles n'étaient pas compétentes, et d'autre part, que le RPP a été respecté109(*). Seule l'affaire BARAYAGWISA a fait exception à cette règle110(*). Quant à l'autre phase du procès qui commence à la première comparution de l'accusé devant une chambre du Tribunal, elle paraît beaucoup plus respectueuse de l'égalité des armes en termes de possibilités offertes à l'accusé de contester les éventuelles irrégularités qui sont le fait de la poursuite. Ces possibilités sont en effet de plusieurs ordres et peuvent être classées en deux groupes. D'une part, les exceptions préjudicielles qui peuvent être soulevées avant le procès proprement dit et d'autre part, l'appel des décisions interlocutoires111(*) prises par le juge pendant le procès. Les exceptions préjudicielles de chacune des parties doivent être soulevées avant l'audience au fond, dans les trente (30) jours qui suivent la communication des pièces par le procureur à la défense112(*). Elles peuvent porter entre autres sur l'exception d'incompétence113(*) ou sur les vices de forme de l'acte d'accusation. Les requêtes, dites interlocutoires, ne peuvent se faire que sous réserve de l'autorisation des juges de la chambre de première instance114(*). Elles peuvent porter sur la compétence du Tribunal, la mise en liberté des accusés, la preuve, la procédure ou tout autre sujet d'intérêt particulier115(*). Les juges du TPIR limitent la possibilité d'interjeter appel de décisions interlocutoires, aux exceptions d'incompétence et ont rejeté les requêtes d'appel qui ne répondent pas à cette condition116(*). Cette position des juges du TPIR semble un peu trop sévère quand on sait l'importance que revêtent le droit à liberté, qui est un droit fondamental, ou l'égalité des armes, ou encore, les questions relatives à la preuve. Comme ils l'ont signifié dans leur pratique juridictionnelle, les juges du TPIR dénient aux parties, surtout à la défense, l'autorisation d'interjeter appel de la décision refusant la mise en liberté d'une personne qui fait l'objet de procédures devant le Tribunal117(*). On assiste donc à une confiscation du droit au recours qui peut avoir une influence négative sur l'application du principe de la contradiction. C'est pour cela, qu'au-delà même de la limite relative à la nature de la requête, et ce pour l'équité, il doit être soustrait la restriction de l'autorisation des juges en matière d'appel interlocutoires. On arriverait ainsi, à une situation où, aussi bien les requêtes interlocutoires relatives à la compétence que celles relatives à la liberté provisoire, à l'égalité des armes, à la recherche et à la communication des preuves, feraient l'objet d'un appel interlocutoire de plein droit118(*), sans la nécessité d'une autorisation préalable. Cette libéralisation du droit au recours ne contribuerait d'ailleurs, qu'à rappeler à chacune des parties, non seulement leurs obligations réciproques, mais aussi et surtout la conscience de les remplir convenablement. * 109 Aff. n° ICTR-98-44, NZIRORERA, décision du 11 septembre 2000 sur la requête de la défense en contestation de la légalité de son arrestation et de sa détention et en restitution des biens saisis. L'appel a été rejeté. Ibid. Ch. d'app. arrêt du 4 mai 2001 relatif à l'appel interlocutoire de la décision de la Chambre de première instance II du 11 septembre 2000. Aff. n° ICTR-98-44, KAREMERA, decision of 10 december 1999 on the release of the accused. Aff. n° ICTR-98-44, NGIRUMPASTE, decision of 10 december 1999 on the release of the accused. Cas n° ICTR- 2001-63 du 8 octobre 2001 relative à la requête de la défense aux fins de mise en liberté de l'accusé. * 110 Dans cette affaire, la Chambre d'appel du TPIR a été saisie d'une requête visant à contester la légalité de la période de détention à laquelle l'accusé a été soumis avant de comparaître devant une chambre du tribunal. Après examen des faits portés à sa connaissance, la chambre conclut que le cumul des violations l'obligeait à mettre un terme à cette affaire et à ordonner la libération sans délai de l'accusé. * 111 Questions d'avant dire-droit qui portent qui portent sur différents sujets et qui sont susceptibles d'affecter les droits et intérêts des parties. * 112 RPP du TPIR, art. 72. * 113 RPP du TPIR, art. 72, H). * 114 RPP du TPIR, art. 73, A). * 115 Anne-Marie LA ROSA, op. cit. , p. 219. * 116Aff. n°ICTR-96-4, AKAYESU, Ch. d'app. arrêt du 7septembre 2000 (requête en révision) ; BARAYAGWISA, Aff. n° ICTR-97-19, Ch. d'app., décision du 14 septembre 2000 ( appels interlocutoires datés du 11 avril et 6 juin 2000). Certains accusés ont même essayé de mettre en cause la validité de l'article 72 du RPP en raison des limitations qu'il impose aux appels interlocutoires ; leurs recours a été rejeté En exemple, Aff. n° ICTR-98-4, BAGOSORA, décision du 2 mai 2002. ( interlocutory appeal from refusal to reconsider decisions relating to protective measures and application for a declaration of «lack of jurisdiction») * 117 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 69. * 118 Anne-Marie LA ROSA, idem. |
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